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été malheureuse, ici. <strong>Le</strong>s voisins les plus proches de<br />
la maison habitaient à plus d’un kilomètre, les seules<br />
odeurs environnantes étaient celles de la campagne,<br />
et la petite ville d’Eden ne comptait pas le moindre<br />
livreur de pizzas.<br />
Et encore ! quand je dis « petite ville », je suis généreuse…<br />
A peine une bourgade. C’est bien simple : son<br />
nom ne figurait même pas sur la carte que j’avais utilisée<br />
pour y arriver. Dans la rue principale, longue de huit<br />
cents mètres, les magasins se résumaient — pour ce<br />
que j’en avais vu — à <strong>des</strong> commerces d’antiquités ou<br />
<strong>des</strong> épiceries. Aucune boutique de vêtements, en tout<br />
cas aucune qui propose quoi que ce soit de mettable.<br />
Ni McDonald, bien sûr, ni Pizza Hut, ni Taco Bell…<br />
Rien du tout. Juste un café-restaurant vieillot et un petit<br />
commerce qui vendait <strong>des</strong> bonbons au kilo.<br />
— Ça te plaît ?<br />
Ma mère était lovée dans le fauteuil à bascule installé<br />
près de son lit, la tête calée contre son oreiller préféré.<br />
Un oreiller tellement défraîchi et usé que sa couleur<br />
d’origine n’était plus qu’un lointain souvenir, mais il<br />
avait survécu à quatre années de séjours à l’hôpital et<br />
de chimiothérapies. Contre toute attente, ma mère aussi.<br />
— La maison ? Oui, mentis-je tout en faisant son lit.<br />
Elle est… mignonne…<br />
Ma mère sourit et me lança un regard qui signifiait<br />
qu’elle n’était pas dupe.<br />
— Tu t’y habitueras, tu verras… Tu finiras peut-être<br />
même par l’aimer assez pour y vivre quand je serai partie.<br />
Je pinçai les lèvres, refusant de répondre. Elle venait<br />
de déroger à la règle tacite selon laquelle il nous était<br />
interdit d’évoquer ce qui se passerait après sa mort.<br />
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