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Définition<br />
CHAPITRE 2<br />
<strong>Les</strong> <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong><br />
<strong>Les</strong> <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> (EG) sont tous les constituants minéraux individualisés<br />
(fragments de roches poly- ou mono-minéraux) de dimensions supérieures<br />
à 2 mm. Même s'ils ont perdu, partiellement ou totalement, leur<br />
structure lithique originelle par altération, ils n'ont pas acquis de structure<br />
pédologique.<br />
Le «refus à 2 mm» correspond à tout ce qui ne passe pas à travers la<br />
passoire lors de la préparation de la terre fine (cf. chap. 1). Dans ce refus,<br />
il y a les <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> lithiques, les nodules pédologiques et parfois<br />
des agrégats ayant résisté à l'écrasement. En cas de doute, un lavage à<br />
grande eau du un séjour prolongé dans l'eau sera nécessaire pour faire disparaître<br />
les agrégats.<br />
Selon leur plus grande dimension, on distinguera quatre ou cinq catégories<br />
d'<strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> :<br />
STIPA 1982 AFNOR X 31-003 1998<br />
0,2 à 2 cm graviers 0,2 à 2 cm graviers<br />
2 à 7,5 cm cailloux 2 à 7,5 cm cailloux<br />
7,5 à 20 cm pierres 7,5 à 12 cm pierres<br />
12 à 25 cm grosses pierres<br />
> 25 cm blocs > 25 cm blocs<br />
En montagne, on rencontre couramment des « super-blocs » (plus de 2 m)<br />
dans les dépôts morainiques.<br />
Remarque : en anglais, il est très difficile de rendre compte de cette gradation<br />
en quatre catégories de dimensions croissantes. «Gravels» équivaut<br />
à graviers et «boulders» à blocs. Mais les autres termes rencontrés (stones,<br />
pebbles, cobbles, cherts, flags, etc.) diffèrent selon les auteurs, ne semblent<br />
pas correspondre uniquement à des classes de dimensions et paraissent souvent<br />
présenter également des connotations de formes.<br />
Détermination<br />
La teneur en <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> est obtenue par pesée lors de la préparation<br />
des échantillons, après lavage et séchage du «refus à 2 mm». On
26 Guide des analyses en pédologie<br />
pourra ensuite subdiviser cette fraction grossière à l'aide de tamis et passoires<br />
de diamètres convenables.<br />
Limites de la méthode et du concept d'élément grossier -<br />
Précautions<br />
Soulignons d'abord à quel point la limite à 2 mm est artificielle. Des<br />
gravillons quartzeux de 2,5 mm sont, à l'évidence, peu différents de sables<br />
très <strong>grossiers</strong> de 1,5 mm.<br />
Par ailleurs, les résultats de tamisages pour déterminer les proportions<br />
relatives de graviers/cailloux/pierres/blocs sont approximatifs, d'autant plus<br />
que ces <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> sont éloignés de la forme sphérique.<br />
Précautions de prélèvement<br />
Lorsque les <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> sont très abondants et surtout gros (cailloux<br />
et pierres), il est nécessaire d'opérer de façon à avoir une idée exacte de leur<br />
abondance. C'est une donnée plus importante que beaucoup d'autres. Il faudra<br />
donc prélever de gros volumes d'échantillons et ne pas «écarter» inconsciemment<br />
les pierres et gros cailloux, comme on a toujours tendance à<br />
faire (cf. Gras [83], Lucot [122], Lucot et Gaiffe [123], Buchter et al. [40]).<br />
Cas particuliers des nodules pédologiques<br />
Dans certains cas (notamment horizons éluviaux de sols à engorgement<br />
de nappe), certains <strong>éléments</strong> du «refus à 2 mm» sont en fait d'origine pédologique<br />
: ce sont des nodules ferro-manganiques. Ces nodules peuvent<br />
être relativement friables. Il faut donc éviter de les broyer et de les faire<br />
passer artificiellement dans les fractions sableuses. La préparation de la terre<br />
fine est donc l'occasion de séparer ces nodules du reste de l'horizon et des<br />
autres <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong>, de les analyser et de déterminer leur teneur pondérale.<br />
Ainsi, il sera possible de reconstituer la véritable teneur en fer, manganèse<br />
ou <strong>éléments</strong> traces de l'horizon considéré.<br />
Un autre cas difficile est celui de nodules calcaires friables ou d'amas<br />
calcaires pulvérulents (parfois barytine, gypse...). Ces <strong>éléments</strong> aussi ont<br />
une origine pédologique et ne doivent pas être confondus avec des <strong>éléments</strong><br />
<strong>grossiers</strong> hérités de la roche-mère ou de la sédimentation. Ces concentrations<br />
calcaires étant le plus souvent peu solides, il serait souhaitable d'une part<br />
de ne pas les broyer et d'autre part de les isoler et de les comptabiliser à<br />
part en tant que traits pédologiques significatifs.<br />
Précautions de préparation et de lavage<br />
Attention aux <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> tendres, friables, altérés, clivables<br />
(chap. 1, p. 11) et aux nodules calcaires ou ferriques. La présence de ces<br />
<strong>éléments</strong> tendres oblige à préparer l'échantillon à la main, de façon ménagée.
<strong>Les</strong> <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> 27<br />
Lors du lavage du «refus», certains nodules peu consolidés sont susceptibles<br />
de se déliter spontanément. Il en va de même des fragments de marnes<br />
déjà partiellement altérés. Dans ces deux cas, un lavage rapide suffit, éviter<br />
un séjour prolongé dans l'eau.<br />
Expression des résultats<br />
_. „„ ,, , Poids du refus sur passoire de 2 mm de 0<br />
% EG en pondéral = £ x 100<br />
Poids de la terre totale séchée à l'air<br />
Le taux pondéral d'<strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> est aussi appelé pierrosité ou<br />
charge grossière. Il doit être connu à 5 % près, c'est-à-dire que l'on devra<br />
savoir s'ils représentent 10, 15, 20 ou 25% de la terre totale séchée à l'air<br />
(terre brute).<br />
Il est souvent intéressant de passer à une expression en volume (recommandation<br />
du GEPPA), pour estimer la réserve en eau des sols caillouteux,<br />
par exemple. Pour ce faire, il faudra déterminer la densité apparente des<br />
<strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> et celle de la terre fine (tabl. 5).<br />
Tableau 5. - Teneurs en <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> - Équivalences poids/volume<br />
(calculs effectués pour 2 cas réels)<br />
EG Cas 1 Cas 2<br />
% en volume % en volume<br />
DaE G = 2,4 DaE G = 2,5<br />
DaT F = 0,80 DaT F = 1,05<br />
10% en poids 3,6 4,5<br />
30% en poids 12,5 15,2<br />
50% en poids 25,0 29,6<br />
70% en poids 43,8 49,5<br />
<strong>Les</strong> <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> ont-ils un réservoir utilisable pour<br />
l'eau?<br />
Dans le cas général, et jusqu'à preuve du contraire, les <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong><br />
peuvent être considérés comme dénués de réservoir utilisable pour l'eau.<br />
Soit ils n'ont pas de porosité (silex, quartz, quartzites, granités et roches<br />
éruptives non altérées), soit leur réserve en eau n'est guère cessible aux<br />
plantes (calcaires durs).<br />
<strong>Les</strong> craies représentent une exception majeure : les fragments crayeux<br />
(comme la roche elle-même) présentent une porosité continue, ouverte, susceptible<br />
de constituer un réservoir utilisable pour les plantes (Ballif [20] et<br />
[21]).<br />
Il y a, naturellement, des cas intermédiaires. Gras et Monnier [81] et<br />
[82], dans des sols de la vallée du Rhône, ont montré que certains fragments
28 Guide des analyses en pédologie<br />
de « grès altérés » présentaient une forte porosité (densité apparente comprise<br />
entre 1,3 et 2,0) et montraient une «capacité en eau utile» de 21 g pour<br />
100 g sec (cf. également Gras [83]).<br />
Quelques valeurs moyennes (Baize [14]) :<br />
Nature P da Z<br />
Calcaires purs et durs 8 % 2,47 < 1<br />
Calcaires durs marneux 10 % 2,33 0,6 à 1,6<br />
Calcaires crayeux 15 à 25 % 2,05 1,6 à 4,0<br />
P: porosité totale (volume); da : densité apparente; Z : quantité d'eau libérée par le<br />
caillou entre l'état saturé d'eau ressuyé et le pF 4,2 (en g pour 100 g sec).<br />
Utilité - Interprétation<br />
Au plan agronomique, la quantité d'<strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> est utile à connaître<br />
dès que ceux-ci sont abondants et qu'ils risquent de jouer un certain<br />
rôle :<br />
- diminution de la réserve en eau,<br />
- stockage d'eau (craie),<br />
- gêne pour les semis ou les récoltes,<br />
- usure des pièces métalliques (quartz, silex),<br />
- crevaison des pneumatiques (silex),<br />
- protection contre l'évaporation,<br />
- réchauffement du sol,<br />
- obstacle à la mécanisation (blocs de moraines dans les prairies de fauche<br />
en Savoie),<br />
- interdiction de certaines cultures telles celles de la pomme de terre, du<br />
pois...<br />
Le taux des <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> (expression pondérale ou volumique) est<br />
la seule information qui transparaît habituellement dans un tableau d'analyses.<br />
Ce taux ne peut pas être interprété ou utilisé sans prendre en compte<br />
également (Baize et Jabiol [19], chap. 12) :<br />
- leur nature lithologique,<br />
- leurs dimensions,<br />
- leur éventuel état d'altération,<br />
- leur forme (émoussés, aplatis, galets...),<br />
- leur dureté et leur capacité à former des éclats coupants (silex),<br />
- leur porosité et leur aptitude à stocker de l'eau utilisable par les plantes<br />
(directement ou indirectement),<br />
- leur gélivité,<br />
- leur place dans le sol et leur disposition (niveau dense, <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong><br />
plats redressés)...<br />
- la présence d'un cortex ou de revêtements argileux...<br />
Au plan pédologique, en effet, les <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> peuvent apporter<br />
un très grand nombre de renseignements utiles, même s'ils sont peu abondants.<br />
On peut citer :
<strong>Les</strong> <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> 29<br />
- contamination du solum par diverses actions de l'homme (briques, poteries,<br />
charbons, os...). Acceptables en quantités raisonnables dans l'horizon<br />
de surface, ces débris rendent tout solum suspect de forte anthropisation,<br />
si on en trouve aussi en profondeur;<br />
- contaminations naturelles, par colluvionnement ou alluvionnement ;<br />
- annonce de la roche-mère profonde, notamment dans les horizons de<br />
transition SC ou BTR;<br />
- signature certaine d'une allochtonie. Par exemple, en Bourgogne calcaire,<br />
les alluvions anciennes des rivières originaires du Morvan sont reconnaissables<br />
immédiatement à la présence de graviers granitiques ;<br />
- certains <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> très durs constituent des témoins de pédogenèse<br />
très ancienne. Exemple : les blocs ferrugineux épars et les débris de<br />
cuirasses ferrallitiques en terrains jurassiques, au nord-ouest de Vézelay;<br />
- l'état d'altération des <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> peut être très significatif. C'est<br />
le cas des <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> granitiques ou basaltiques des différentes terrasses<br />
de la Loire (Horemans [94]) ;<br />
- argument en faveur d'une discontinuité lithologique : grande disproportion<br />
des taux d'<strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> entre deux niveaux superposés, existence<br />
d'une «stone-line»;<br />
- indications, au moins partielles, sur l'«histoire» antérieure des <strong>éléments</strong><br />
<strong>grossiers</strong>. Un émoussé plus ou moins prononcé révèle un remaniement par<br />
roulement plus ou moins long. <strong>Les</strong> silex branchus sont sub-autochtones tandis<br />
que les silex arrondis viennent de loin ;<br />
- un tri granulométrique dénote souvent une mise en place particulière.<br />
Exemple des grèzes litées très différentes des éboulis <strong>grossiers</strong> ;<br />
- existence ou absence de cortex. Le cortex blanc de calcédoine sur les<br />
silex est un signe de fraîcheur, un cortex d'altération ou d'imprégnation<br />
témoigne plutôt d'une histoire ancienne;<br />
- les <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> peuvent servir de supports à de magnifiques ferri-argillanes<br />
;<br />
- la disposition des « laves » ou des plaquettes calcaires, les festons, « urnes<br />
» et cheminées dans la craie, sont autant de manifestations du gel quaternaire<br />
;<br />
- des <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> calcaires représentent une réserve calcique non<br />
négligeable dans un sol dont la terre fine est décarbonatée.<br />
Vocabulaire<br />
Ne pas oublier, lors de la désignation au plan granulométrique d'un horizon<br />
ou d'un sol, d'intégrer les <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> :<br />
- un horizon argilo-caillouteux n'a pas le même comportement qu'un horizon<br />
argileux ;<br />
- un horizon limoneux et très graveleux n'a pas les mêmes propriétés<br />
qu'un horizon limoneux avec quelques graviers.<br />
Lorsque les <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> dépassent une certaine abondance (plus<br />
de 60 %, par exemple), on devrait leur donner priorité dans la terminologie.<br />
Par exemple : horizon gravelo-limoneux, horizon caillouto-argileux... C'est<br />
pour prendre en compte la dominance des <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> les plus gros
30 Guide des analyses en pédologie<br />
(> 2 cm) que le Référentiel Pédologique 1995 [171] définit les horizons<br />
cailloutiques et les horizons pierriques et distingue deux Références : les<br />
Peyrosols Cailloutiques et les Peyrosols Pierriques.<br />
Indice TF/ha (poids de terre fine à l'hectare)<br />
Dans le sud-est du Bassin de Paris, certains agro-pédologues ont pris<br />
l'habitude d'utiliser cet indice pour caractériser globalement les «sols à<br />
cailloux» des plateaux jurassiques (Lorraine, Haute-Marne, Barrois, Bourgogne).<br />
Cet indice semble, en effet, très bien corrélé avec les rendements<br />
en céréales de ces sols car il combine les deux composantes principales de<br />
la réserve en eau : la profondeur et la proportion de terre fine (Contât et<br />
al. [53]).<br />
On creuse un trou de 50 x 50 cm, jusqu'au substrat calcaire non disloqué<br />
et on pèse la terre totale et les <strong>éléments</strong> <strong>grossiers</strong> pour chaque horizon.<br />
Après correction des humidités, on arrive ainsi à déterminer le poids de<br />
terre fine de chaque horizon pour 0,25 m 2 . Il sera facile de faire ensuite la<br />
somme des n horizons et de passer au poids par hectare.<br />
Exemples<br />
(fournis par l'APVA Chaumont)<br />
Un sol vraiment peu épais (Choignes, Lycée agricole, Haute-Marne)<br />
un seul horizon d'épaisseur 18 cm. EG = 55%, TF = 1100 t/lia<br />
rendement moyen du blé = 43 quintaux/ha<br />
Un sol caillouteux, plus profond qu'il n'y paraît (Saudron, Haute-Marne) :<br />
horizon labouré 0-20 cm EG = 29 % TF = 2 040 t/ha<br />
deuxième horizon 20-50 cm EG = 55% TF = 2 100 t/ha<br />
total sol = 4 140 t/ha<br />
rendement moyen du blé = 69 quintaux/ha<br />
Attention : dans ce genre de calculs, la densité apparente joue un rôle<br />
majeur. Des terres compactes à forte densité apparente risquent de paraître<br />
meilleures (car plus lourdes à volume égal) que des terres bien aérées à<br />
faible masse volumique.<br />
Pour en savoir plus<br />
Contât, Baize et Plet (1988) [53]; Gras (1994) [83]; Baize et Jabiol (1995), chap.<br />
12 [19] ; AFES (1995) [171] ; Lucot et Gaiffe (1995) [123] ; Lucot (1994) [122] ;<br />
Baize (1989) [14] ; Baillif (1978) [20] ; Baillif (1980) [21] ; Buchter, Hinz et Flùhler<br />
(1994) [40].