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MYTHOLOGIE<br />
Ce mythe faisait peur, l’on craignait l’Autre Monde, plus<br />
encore ses habitants, et pourtant, bien souvent, la chasse<br />
n’est pas si dangereuse. Ainsi une version raconte<br />
comment une épouse reconnut son mari disparu à la guerre<br />
et put ainsi le rejoindre. Façon de «raconter», de «créer»<br />
l’immortalité, la chasse sauvage propose une alternative à<br />
la version chrétienne, au moins aussi forte dans l’esprit de<br />
la personne de l’époque et certainement beaucoup plus<br />
proche du légendaire local.<br />
Ainsi, la chasse est au Royaume-Uni bien souvent menée par<br />
Cernunos lui-même, chassant le cerf, ou plus tardivement la<br />
jeune fille des bois, sauvage et belle. La version de Gascogne<br />
fait d’Arthur un roi qui renia la messe pour le lièvre flairé par<br />
ses lévriers.<br />
Si les formes les plus anciennes des légendes ne pouvaient<br />
se résoudre à tuer le roi, car avec lui mourrait tout espoir<br />
d’unification politique de la «Bretagne» du haut Moyen-<br />
Âge, elles le décrivaient alors comme endormi dans<br />
l’attente d’un nouvel appel, en Avalon, soigné par sa sœur<br />
Morgane.<br />
Dès lors, Arthur demeure dans l’Autre Monde, le «Tir-na-<br />
Nog», où les âmes après leur départ du monde physique<br />
sont conduites pour trouver repos et félicité durant ce<br />
que l’on nomme la Chasse Sauvage, menée tour à tour<br />
par Gwynn ap Nudd, roi de l’Annwn - l’Autre Monde,<br />
accompagné par des chevaux et des Cwm - les chiens de<br />
l’Autre Monde, tous aux couleurs blanche et rouge, ou bien<br />
par Cernunos, ou par Arthur lui-même.<br />
L’épouse même d’Arthur, Guenièvre, Gwenhwyfar en<br />
gallois, évoque une personne envoûtante et nébuleuse,<br />
ni réellement vivante, ni réellement morte. Si l’on admet<br />
qu’il pût y avoir une ou plusieurs Guenièvre, son nom<br />
en tout cas, évoque le «Blanc Fantôme» pouvant verser<br />
à nouveau vers une interprétation d’Arthur comme un<br />
«collecteur d’âmes» allant vers l’Autre-Monde, l’Avalon,<br />
pour être soignées et régénérées. C’est du moins la version<br />
courante dans les environs de Glastonbury.<br />
«L’île aux Pommes que les hommes appellent l’Ile<br />
Bienheureuse, est ainsi appelée parce qu’elle produit toutes<br />
choses par elle-même. Là les champs n’ont nul besoin de<br />
paysans pour les labourer et Nature seule pourvoit à toute<br />
culture…<br />
Là, après la bataille de Camlann, nous amenâmes Arthur<br />
blessé… Et Morgane nous reçut avec les honneurs<br />
requis. Elle plaça le roi Arthur dans sa propre chambre,<br />
sur un lit doré, de sa noble main découvrit elle-même la<br />
blessure et la contempla longuement. Enfin, elle dit que<br />
la santé pourrait lui revenir s’il restait avec elle longtemps<br />
et souhaita qu’elle fît usage de son art de guérir. Nous en<br />
réjouissant, nous lui confiâmes donc le roi, et au retour<br />
abandonnâmes nos voiles aux vents favorables».<br />
Voilà, comment en un rapide paragraphe, une «obscure»<br />
fresque historique (au sens propre du terme puisque jamais<br />
la présence du roi Arthur ne fût prouvée, ni le lieu de sa<br />
tombe) se transforme par la magie du verbe, des bardes<br />
et troubadours. Le processus de création du récit et de<br />
transformation du verbe prend ici tout son sens et toute<br />
sa perspective dans le temps : la roue des saisons de la<br />
Chasse Sauvage ne se fait pas au hasard, et la chasse<br />
«d’hiver et celle «d’été» n’est pas égale.<br />
Le monde animal est lui aussi bien représenté dans la<br />
chasse sauvage. Les versions plus proches de la France<br />
ou de l’Espagne racontent que Arthur chassait en réalité<br />
un lièvre à la messe de Pâques au lieu d’assister à la<br />
cérémonie (version de Gascogne). Le cerf figure également<br />
en bonne place, chassé par l’homme sauvage, dans les<br />
forêts profondes.<br />
Le sanglier est l’un des animaux les plus ancrés dans le<br />
mythe des premières versions, si l’on accepte que «la<br />
Chasse Sauvage» médiévale et celtique puissent être<br />
rapprochées à la fois dans le légendaire et à la fois dans<br />
le «récit». Ainsi, le Twrch Trwyth est l’animal royal par<br />
excellence défendant son royaume et son roi à travers<br />
l’Irlande et le Pays de Galles. On peut noter, dans ce<br />
mythe, la présence d’Arthur et de Gwynn, fils de Nudd<br />
(donc Gwynn Ap Nudd, seigneur de l’Anwnn).<br />
Ce qui peut être interprété est également le caractère<br />
«intermédiaire» de la «disparition» du Twrch Trwyth dans<br />
le Mabinogion de Kulhwrch et Olwenn. Comme Arthur, le<br />
sanglier disparaît dans la mer, vers l’Ouest, et personne<br />
ne sut jamais où il était allé.<br />
Comme Arthur, il est dans un «Autre Monde» auquel<br />
il appartient déjà et peut donc attendre d’être rappelé.<br />
Ensemble, au cours de l’histoire et à son achèvement, ils<br />
traversent une étendue d’eau, symbole d’un passage d’un<br />
état à un autre, uniques témoins de ces passages où seuls<br />
sont appelés certains bardes et troubadours par la force<br />
du mythe, de sa création et de son évolution.<br />
Ce texte est l’introduction d’une étude plus large (en cours) sur<br />
«la Chasse Sauvage» qui s’inscrit dans le cadre du projet Avalon.<br />
Le texte complet sera présenté avec le corpus global rendu par<br />
l’ensemble des participantes du projet.<br />
Par choix, les références exactes ne sont pas insérées mais<br />
seront présentes dans le texte final.