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T_2 - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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les tribuns sortaient du peuple : tous étaient pris dans les rangs <strong><strong>de</strong>s</strong> citoyens,<br />

mais tandis que les consuls commandants en chef <strong>de</strong> l’armée s’élisaient dans les<br />

comices par centuries, ceux-ci, qui n’avaient pas l’imperium (ou comman<strong>de</strong>ment<br />

militaire), étaient nommés dans les assemblées purement civiles <strong><strong>de</strong>s</strong> curies. Les<br />

consuls ont un pouvoir actif plus compl<strong>et</strong>, les autres l’ont plus indéfini : le consul<br />

s’arrête <strong>de</strong>vant le v<strong>et</strong>o du tribun ; il est son justiciable : le tribun, au contraire,<br />

ne lui doit rien. Ainsi <strong>la</strong> puissance tribunitienne est l’image <strong>de</strong> <strong>la</strong> puissance<br />

consu<strong>la</strong>ire ; elle est, <strong>de</strong> plus, sa contrepartie. La puissance consu<strong>la</strong>ire est<br />

positive, celle <strong><strong>de</strong>s</strong> tribuns est négative. C’est pour ce<strong>la</strong> que les consuls seuls sont<br />

magistrats, c’est-à-dire ayant le comman<strong>de</strong>ment ; c’est pour ce<strong>la</strong> que, seuls, ils<br />

se montrent en public revêtus <strong><strong>de</strong>s</strong> insignes <strong>et</strong> du cortége qui siéent, aux chefs <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> cité. Les tribuns ne sont point magistrats : ils siégent sur un banc <strong>et</strong> non sur <strong>la</strong><br />

chaise curule : ils n’ont ni licteurs, ni ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> pourpre à leur toge, ni insignes<br />

<strong>de</strong> magistrature ; ils n’ont enfin, dans le conseil <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cité (curia, sénat), ni<br />

p<strong>la</strong>ce, ni vote. Institution singulière où le droit absolu du v<strong>et</strong>o s’érige carrément<br />

en face du comman<strong>de</strong>ment illimité ; où, pour arriver à l’apaisement <strong><strong>de</strong>s</strong> haines<br />

intestines, les antagonismes <strong><strong>de</strong>s</strong> c<strong>la</strong>sses pauvres <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> c<strong>la</strong>sses riches vont<br />

recevoir une organisation complète <strong>et</strong> tranchée.<br />

Que pouvait-il sortir <strong>de</strong> là, si ce n’est <strong>la</strong> rupture <strong>de</strong> l’unité dans <strong>la</strong> cité,<br />

l’affaiblissement <strong><strong>de</strong>s</strong> magistratures exposées désormais à tous les caprices, à<br />

toutes les passions mobiles <strong><strong>de</strong>s</strong> représentants du contrôle officiel ? Sur un signe<br />

<strong>de</strong> l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> chefs <strong>de</strong> l’opposition, élevé sur son trône popu<strong>la</strong>ire, <strong>la</strong> machine<br />

gouvernementale courait risque <strong>de</strong> se voir soudain arrêtée. La juridiction<br />

criminelle, attribuée désormais à tous ces fonctionnaires avec pouvoirs <strong>de</strong><br />

mutuelle concurrence, n’al<strong>la</strong>it-elle pas être repoussée par <strong>la</strong> loi elle-même loin<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> régions sereines du droit, <strong>et</strong> se voir portée dans l’arène <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique où elle<br />

se corromprait à toujours ? Je veux bien que le tribunat, s’il n’a pas directement<br />

amené le nivellement ultérieur <strong><strong>de</strong>s</strong> ordres, ait été du moins une arme efficace<br />

dans les mains du peuple, lorsque, à peu <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> là, il en vint à revendiquer<br />

l’admission <strong><strong>de</strong>s</strong> plébéiens dans les hautes magistratures ; mais tel n’était point le<br />

but originaire <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te fonction. Institution bien moins conquise sur un ordre<br />

privilégié dans l’ordre politique que sur <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse <strong><strong>de</strong>s</strong> riches propriétaires <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

capitalistes, elle <strong>de</strong>vait surtout assurer une justice équitable à l’homme du<br />

commun peuple, <strong>et</strong> procurer <strong>la</strong> gestion <strong>et</strong> l’emploi meilleur <strong><strong>de</strong>s</strong> finances. Mais ce<br />

but, elle ne l’a pas atteint ; elle ne pouvait pas l’atteindre. En vain les tribuns<br />

purent-ils parer à quelques iniquités à quelques sévices criants. Le mal ne gisait<br />

point dans une injustice qui se serait appelée le droit, mais dans le droit luimême,<br />

qui était tout injustice. Comment les tribuns auraient-ils pu régulièrement<br />

s’opposer à <strong>la</strong> marche régulière <strong><strong>de</strong>s</strong> institutions judiciaires ? Ils l’auraient su faire<br />

qu’ils n’eussent encore apporté qu’un remè<strong>de</strong> inefficace au mal.<br />

L’appauvrissement progressif du peuple, le mécanisme mauvais <strong><strong>de</strong>s</strong> impôts <strong>et</strong> du<br />

crédit, le système funeste <strong><strong>de</strong>s</strong> occupations domaniales, tout appe<strong>la</strong>it une réforme<br />

radicale : mais c<strong>et</strong>te réforme, on se garda d’y m<strong>et</strong>tre <strong>la</strong> main. Les plébéiens<br />

riches avaient aux abus le même intérêt que les patriciens. Il parut, plus simple<br />

<strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r c<strong>et</strong>te étrange institution du tribunat popu<strong>la</strong>ire, secours palpable <strong>et</strong><br />

manifeste donné déjà aux plus humbles, mais <strong>de</strong>meurant en <strong>de</strong>çà <strong><strong>de</strong>s</strong> nécessités<br />

économiques du présent <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’avenir. Loin qu’elle soit le chef-d’oeuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

sagesse politique, elle ne fut qu’un pauvre compromis entre <strong>la</strong> noblesse opulente<br />

aux questeurs. Nous adm<strong>et</strong>tons aussi que le peuple (plebs) a eu sa caisse, gérée <strong>de</strong> même par ces<br />

édiles. On le doit supposer, à voir l’usage auquel ceux-ci appliquaient les amen<strong><strong>de</strong>s</strong> (multœ)<br />

versées dans leurs mains mais ce n’est là qu’une probabilité <strong>et</strong> non une certitu<strong>de</strong>.

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