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NoIRS DESSEINS<br />
Contours et limites<br />
d'un genre<br />
Le premier est psychiatre.<br />
Expert auprès des tribunaux,<br />
il a étudié la réalité la plus<br />
sombre : l'esprit de Guy<br />
Georges, Patrice allègre et<br />
d'une dizaine d'autres tueurs<br />
en série. Le second est auteur,<br />
éditeur et créateur de la<br />
série "Le Poulpe". Ensemble ils<br />
discutent des limites <strong>du</strong> Noir,<br />
et de son devoir d'allégeance<br />
à la réalité...<br />
Jean-Bernard Pouy<br />
Plus que LA littérature blanche, il semble que le roman noir se soit<br />
emparé <strong>du</strong> social, d’en apporter une vision critique - la sciencefiFIction<br />
le fait aussi. Etait-ce sa vocation dès le départ ?<br />
Jean-Bernard Pouy : Oui et non. Il a un peu remplacé le roman réaliste à<br />
la Zola. Avec le nouveau roman, la littérature blanche abandonne le réalisme<br />
pour l’introspection, l’analyse, etc. La douleur sociale s’est donc réfugiée<br />
dans d’autres genres : le polar, la SF, le roman paysan... à l’origine <strong>du</strong> roman<br />
noir, il y a les États-Unis des années 20 : la prohibition, la corruption politique,<br />
la crise, la formation des ghettos. Le roman policier avait alors un problème :<br />
son héros défendait un ordre devenu pourri. Mal à l’aise, les romanciers<br />
ont créé le détective, qui appartient à la société civile et qui est libre d’être<br />
critique, d’appréhender ou de laisser filer un coupable… En même temps,<br />
on dit souvent que le premier roman noir remonte à 500 ans avant JC : c’est<br />
Œdipe-Roi de Sophocle. Tous les thèmes étaient là : la ville, l’enfermement,<br />
etc... Camus a écrit l’Etranger après avoir lu Le Facteur sonne toujours deux<br />
fois, de James Cain, donc les choses ne sont pas si cloisonnées.<br />
quand on aborde une réalité extrême comme celle des tueurs en<br />
série, le mythe l’emporte sur l’authenticité. La FIction nous dépeint<br />
des génies <strong>du</strong> mal, se jouant des Flics, des médias.<br />
Daniel Zagury : La fiction peine à imaginer un mal qui ne soit pas malin.<br />
Le diable est censé être très intelligent, sinon il ne serait pas l’adversaire de<br />
Dieu. Le QI des tueurs que j’ai rencontrés est très disparate, et globalement<br />
au-dessous de la norme. On surévalue le Mal parce qu’on ne mobilise pas<br />
notre intelligence à chercher comment bien faire souffrir son prochain,