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Édition 2009 - Quais du Polar

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- C’est toi qui fais ce raffut ?<br />

La lumière a inondé la chambre.<br />

- … Un cauchemar…<br />

- Tu braillais comme un cochon qu’on saigne…<br />

- Parle-moi d’autre chose…<br />

- Je peux te causer de l’heure…<br />

- Quelle heure ?<br />

- Celle <strong>du</strong> boulot. Elle a sonné.<br />

Je me suis vêtu à la hâte et j’ai traversé l’atelier qui pionçait dans la poussière.<br />

L’établi, des outils disparates, un cadre de vélo, une portière de bagnole, de<br />

l’huile à vidange, un moteur à essence…Sur le mur une affiche jaunissait :<br />

« Réparation d’automobiles, motos et cycles. Bonnot et Demange ».<br />

- Bonnot. Comme celui de la bande… C’est marrant.<br />

- Pas tellement...<br />

- Ils ont le même nom.<br />

- Normal, c’est lui.<br />

- Qui lui ?<br />

- Bonnot… Jules. Il avait monté ça il y a vingt piges, ça a mal tourné.<br />

L’affiche mentionnait « travail à façon en tout genre »… Quand je suis sorti,<br />

l’aube avait la pâleur d’un matin guillotine. Les ombres des bandits tragiques<br />

m’ont escorté jusqu’à l’usine. J’en avais oublié le noyé. Le phosphore dans sa<br />

flotte s’est chargé de me le rappeler. Je levais mon marteau pour effacer un reste<br />

de nuit lorsqu’une main m’a retenu.<br />

- Pas si fort ou tu feras pas de vieux os.<br />

Les joues creuses ombrées de barbe, il dardait sur moi des yeux d’un noir de jais.<br />

Je l’ai remercié :<br />

- Je m’appelle Nestor.<br />

Il a porté la main à sa poitrine :<br />

- Djamal.<br />

Il avait quitté Tipaza sur un cargo rouillé poussé par ce foutu besoin des oiseaux<br />

de passage d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus grasse. Une vilaine fièvre<br />

l’avait cloué à Lyon. Depuis deux mois, il se remplumait au phosphore. Bientôt il<br />

repartirait. Juré, craché.<br />

- Paris. La Goutte d’Or. Un joli nom, hein ?<br />

Je l’ai pas démenti. Les étoiles on en tombe toujours trop tôt.<br />

- Khaled et moi, on devait y aller ensemble. Il m’a pas atten<strong>du</strong>.<br />

- Khaled ?<br />

- Il bossait ici, lui aussi.<br />

- Peut-être, il te prépare la Goutte d’Or…<br />

- Inch Allah.<br />

- Tu l’as dit bouffi.<br />

Il a planté ses yeux dans les miens histoire de vérifier si c’était hallal. Il a jugé que<br />

oui. On était fait pour s’entendre. On a cassé nos cailloux tout le jour <strong>du</strong>rant. Le choc<br />

des masses, les lances à incendie, le contremaître aboyant ses ordres, les caillebotis<br />

traînés sur le sol ruisselant… La fin <strong>du</strong> jour m’a trouvé sonné, abruti de fatigue.<br />

- Foutu turbin…<br />

Djamal rangeait son marteau :<br />

- Tu l’as dit bouffi.<br />

On a fait un bout de route côte à côte. A la porte d’un tabac, un canard titrait sur « le<br />

noyé mystérieux ». La photo, en une, ne laissait rien deviner. L’article, torché pour<br />

la dernière édition, n’en révélait pas davantage. « Le mort sans visage » gardait<br />

son secret. Au vu de son état, la police penchait pour un règlement de compte.<br />

Suivait un rappel des derniers hauts faits des apaches lyonnais et l’éternelle<br />

complainte des braves gens que les plus pauvres feront toujours trembler. «Selon<br />

les premières constatations, la victime, qui portait sur le bras gauche, un trident<br />

tatoué serait d’origine nord-africaine… ». Nordaf, autant écrire qu’il avait le surin<br />

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