07.07.2013 Views

Comment les enfants apprennent à parler - Jean-Marc Muller

Comment les enfants apprennent à parler - Jean-Marc Muller

Comment les enfants apprennent à parler - Jean-Marc Muller

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

peut nous mettre sur la voie. Théo pour son anniversaire de 2 ans reçoit quantité de cadeaux,<br />

mais il laisse tomber tous ses paquets quand il déballe… une trottinette. Il pousse alors un cri<br />

de joie et lance <strong>à</strong> la cantonnade : vélo, vélo ! on lui dit : mais non, Théo, c’est une trottinette ;<br />

mais rien n’y fait. Et le voil<strong>à</strong> qui monte comme un pro sur son vélo trottinette, et qui traverse<br />

en tous sens le salon. Que faut-il en penser ? Théo ne se trompe pas, mais il fait usage du mot<br />

« vélo » comme d’un « nom commun ». Qu’est-ce qu’un nom commun sinon l’unité d’une<br />

multiplicité. C’est cette propriété hautement intellectuelle du langage qui me permet de dire<br />

« pullover » ou « maison » <strong>à</strong> partir de toutes sortes d’exemp<strong>les</strong> de vêtements ou d’habitations,<br />

tout en <strong>les</strong> distinguant de pantalons ou de voitures. Théo en fait semble bien étendre la<br />

catégorie « vélo » <strong>à</strong> tout objet <strong>à</strong> roues, sur lequel il peut grimper pour se déplacer. Et on voit<br />

bien l<strong>à</strong> que l’hypothèse béhavioriste, qui table sur de simp<strong>les</strong> associations n’est pas tenable.<br />

Echappent <strong>à</strong> cette loi <strong>les</strong> « noms propres », et l’enfant en a très vite conscience, d’où son<br />

malaise lorsque dans la classe deux <strong>enfants</strong> s’appellent Théo, Léo ou Emma. Théo nous<br />

permet de faire une deuxième remarque. On peut se demander pourquoi il dit « vélo ». C’est<br />

que justement il en possède un, même si c’est un petit tricycle. On lui a dit : « Théo, c’est ton<br />

vélo ». Et pour Théo, le mot « vélo », confronté <strong>à</strong> l’objet « trottinette » est devenu un mot<br />

« prototypique », c’est-<strong>à</strong>-dire une étiquette pour le concept. Plus tard, au cours de son<br />

développement, il fera la différence entre « trottinette » et « vélo ». Il ne le fera toutefois pas<br />

suite <strong>à</strong> des « leçons », mais <strong>à</strong> travers de longs échanges langagiers, où entreront aussi des<br />

expériences : des observations spontanées, des manipulations, des pensées intérieures, des<br />

interactions avec d’autres <strong>enfants</strong> et des adultes. Il y faut du temps, et <strong>à</strong> l’école du temps<br />

spécifiquement dédié <strong>à</strong> l’oral comme objet d’apprentissage. (voir M. Laparra, in Pratiques,<br />

N°137-138, 2008).<br />

Sans entrer dans le détail, cette orientation de l’apprentissage repose sur quelques<br />

principes fondamentaux :<br />

- il y a deux types de catégories : <strong>les</strong> taxonimiques (= <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> d’objets, par<br />

exemple, <strong>les</strong> animaux, <strong>les</strong> aliments, <strong>les</strong> végétaux, et <strong>les</strong> schématiques, ou<br />

fonctionnel<strong>les</strong> (= <strong>les</strong> thèmes : <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> associeront spontanément tout ce qu’il faut<br />

pour fêter un anniversaire : le biscuit , <strong>les</strong> bougies, la chanson, le cadeau, etc.) : <strong>les</strong><br />

deux sont générateurs de lexique, mais ce sont <strong>les</strong> catégories taxonimiques que l’école<br />

va travailler en priorité, en raison de leur caractère stable et transposable ; s’il est vrai<br />

que l’école doit augmenter le lexique, tous <strong>les</strong> mots du lexique n’ont pas la même<br />

20<br />

20 1

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!