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Article “faces de design” - Le Quai

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ET SI LE TERME DESIGN ÉTAIT DEVENU TROP ÉTROIT ? LOIN DE L’ADJECTIF<br />

TRENDY ET CONFUS (« OH, ELLE EST SUPERBE TA NOUVELLE CHAISE DESIGN ! »),<br />

LES DESIGNERS, VISIONNAIRES ET ESTHÈTES, DÉVELOPPENT<br />

UNE PRATIQUE TRANSVERSALE ET PLURIDISCIPLINAIRE. ON PARLE DÉSORMAIS<br />

DE DESIGN D’AUTEUR, INDUSTRIEL, D’ESPACES, DURABLE OU MÊME<br />

INSTITUTIONNEL. ZUT ! FAIT LE POINT SUR LE SUJET ET PART À LA RENCONTRE<br />

DE CEUX QUI, À STRASBOURG, LOIN DU BROUHAHA PARISIEN ET DES ATELIERS<br />

SURCHAUFFÉS, RÉINVENTENT AUSSI LEUR PRATIQUE.<br />

Sur cette photo <strong>de</strong> classe immortalisée dans le jardin <strong>de</strong> l’école<br />

<strong>de</strong>s Arts Décoratifs <strong>de</strong> Strasbourg (ESAD), on trouve l’avant-gar<strong>de</strong><br />

strasbourgeoise du <strong>de</strong>sign. Il y a les tout jeunes, les moins jeunes,<br />

ceux que l’on connaît déjà et ceux qui se lancent à la conquête du<br />

business en faisant un pied <strong>de</strong> nez au cadre admis du genre. Ils sont<br />

tous là, certains fraîchement débarqués <strong>de</strong> la Paris Design Week,<br />

contrats, promesses ou articles <strong>de</strong> presse sous le bras. C’est là-bas<br />

que l’on a croisé l’atelier <strong>de</strong> Jean Nouvel, « l’architecte qui fait du<br />

<strong>de</strong>sign », et si Christian Lacroix et Jean-Paul Gaultier se mettent à<br />

faire <strong>de</strong>s canapés et <strong>de</strong>s assiettes, alors que Karl Lagerfeld <strong>de</strong>ssine<br />

<strong>de</strong>s verres pour Orrefors, c’est bien que les frontières du <strong>de</strong>sign<br />

s’ouvrent. Car il n’y a pas <strong>de</strong> définition unique du <strong>de</strong>sign et, en<br />

France particulièrement, l’image du <strong>de</strong>signer est confuse. Est-il<br />

décorateur ? Est-il faiseur d’objets ? Son <strong>de</strong>ss(e)in varie selon les<br />

cultures, les époques et les individus. Aujourd’hui, il ne s’agit plus<br />

d’opposer unicité et industrialisation, mais bien <strong>de</strong> se nourrir <strong>de</strong><br />

ces <strong>de</strong>ux pratiques, ni d’éloigner art et <strong>de</strong>sign puisque les artistes<br />

« désignent » et que les <strong>de</strong>signers sont aujourd’hui invités par <strong>de</strong>s<br />

galeries ou <strong>de</strong>s musées.<br />

— Art ou <strong>de</strong>sign ?<br />

Pour le commun <strong>de</strong>s mortels, le <strong>de</strong>sign ressemble à <strong>de</strong> l’art<br />

contemporain appliqué à la vie quotidienne. Ce n’est ni<br />

complètement vrai, ni complètement faux. Car si certains partent<br />

d’une idée fonctionnelle pour donner forme à un objet esthétique,<br />

d’autres <strong>de</strong>ssinent, imaginent un objet d’art qui <strong>de</strong>viendra<br />

fonctionnel selon l’usage du consommateur. Clau<strong>de</strong> Saos s’inscrit<br />

plutôt dans cette <strong>de</strong>uxième démarche : « Je brouille un peu les lignes<br />

entre un travail <strong>de</strong> plasticien et celui d’un <strong>de</strong>signer : je ne suis pas<br />

dans la réflexion <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong> problématiques fonctionnelles, ce<br />

n’est pas mon déclic premier quand je travaille sur un objet, c’est<br />

une question que je me pose quand j’avance dans la conception. Je<br />

veux provoquer <strong>de</strong>s sensations, <strong>de</strong>s histoires chez un acheteur, créer<br />

un lien plus intime mais aussi plus fragile avec l’objet », explique t-il.<br />

<strong>Le</strong> résultat est proche d’un <strong>de</strong>sign d’auteur qui travaille sur <strong>de</strong>s<br />

éditions limitées : <strong>de</strong>s pièces que l’on expose ou que l’on vend à la<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Pour Fred Rieffel, qui se définit comme « un <strong>de</strong>signer qui<br />

travaille avec l’industrie du meuble » (Rochebobois, Ligne Roset,<br />

Habitat) sans pratiquer pour autant un <strong>de</strong>sign industriel : « Il faut<br />

avoir l’âme d’un artiste pour être <strong>de</strong>signer. » car les <strong>de</strong>signers ont<br />

une façon <strong>de</strong> voir le mon<strong>de</strong> propre aux artistes. Ce débor<strong>de</strong>ment<br />

entre art et <strong>de</strong>sign, l’association MAD le met en évi<strong>de</strong>nce en<br />

organisant régulièrement <strong>de</strong>s expositions et <strong>de</strong>s ateliers autour<br />

d’un <strong>de</strong>sign intermédiaire empreint <strong>de</strong> poésie, d’humour et parfois<br />

<strong>de</strong> subversion. L’art et le <strong>de</strong>sign se frôlent alors mais se différencient<br />

fondamentalement, comme le préconise Philippe Riehling : « Ce<br />

n’est pas la typologie <strong>de</strong> l’objet qui décrit la nature du <strong>de</strong>sign mais<br />

bien son mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> conception et <strong>de</strong> fabrication. »<br />

— Dis moi ce que tu <strong>de</strong>signes, je te dirai qui tu es<br />

Un même <strong>de</strong>signer décline <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong>venues complémentaires.<br />

À Strasbourg, tous partagent leur emploi du temps entre <strong>de</strong>s projets<br />

<strong>de</strong>stinés aux professionnels, à l’industrie, aux particuliers ou même<br />

aux musées. L’agence Ruault & Daoudi, respectivement Grégoire et<br />

Tamim, a une particularité : elle décline sous l’appellation <strong>de</strong>sign<br />

global du graphisme, <strong>de</strong>s produits, <strong>de</strong> l’industriel et <strong>de</strong> l’espace :<br />

« Ces différents secteurs d’activité nous permettent <strong>de</strong> maintenir<br />

un flux <strong>de</strong> travail continu. <strong>Le</strong> <strong>de</strong>sign global est intéressant par<br />

exemple quand on travaille sur un espace : on peut alors re<strong>de</strong>ssiner<br />

le logo, donner une nouvelle i<strong>de</strong>ntité à un nouvel espace, tout<br />

créer autour d’un concept. Tout reste alors très cohérent. » Ainsi,<br />

ils ont pu revoir l’aménagement <strong>de</strong> la galerie Hip à Paris, imaginer<br />

un banc en béton pour la société Batilest et sont même présents<br />

sur le site Internet Woo<strong>de</strong>os qui permet aux internautes <strong>de</strong> se<br />

choisir <strong>de</strong>s meubles en bois sur mesure. L’agence Ruault & Daoudi<br />

a fait le choix <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s partenariats avec <strong>de</strong>s fabricants et<br />

évite ainsi le système <strong>de</strong> l’édition, très contraignant concernant les<br />

royalties. La menuiserie Mee<strong>de</strong>r, par exemple, a souhaité développer<br />

une logique <strong>de</strong> collection et a fait appel au talent <strong>de</strong> l’agence : les<br />

<strong>de</strong>ux <strong>de</strong>signers proposent leurs idées à l’artisan qui prend le risque<br />

<strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s prototypes tout en renouvelant son image. Une<br />

forme d’édition un peu plus libre. Autre problème symptomatique<br />

du métier : les éditeurs sont peu nombreux en France, comparé à<br />

d’autres pays européens. Comme l’expliquent les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>signers<br />

<strong>de</strong> l’agence V8 : « Il faut être très patient pour trouver un éditeur,<br />

c’est un petit milieu et nous sommes très nombreux. » D’autres<br />

<strong>de</strong>signers ont alors choisi <strong>de</strong> <strong>de</strong>stiner leur production à d’autres<br />

structures : Clau<strong>de</strong> Saos ou Géraldine Husson préfèrent se tourner<br />

vers la conception <strong>de</strong> séries limitées et choisissent galeries ou<br />

musées pour présenter leurs objets. Car le système <strong>de</strong> distribution<br />

dépend aussi <strong>de</strong> l’objet que l’on produit. Comman<strong>de</strong>s, contrats,<br />

distribution, <strong>de</strong>s mots aujourd’hui nécessaires au questionnement<br />

du <strong>de</strong>signer, en constante évolution. La pensée du <strong>de</strong>signer change,<br />

s’adapte à la culture et à la société.<br />

De gauche à droite : Clau<strong>de</strong> Saos, Géraldine Husson, Pierre Bindreiff, Anne-Virginie Diez, Thierry Boltz, Fred Rieffel, Philippe Riehling, Sébastien Geissert<br />

Tamim Daoudi, Grégoire Ruault, Beatrix Li-Chin Loos, Serge Schielin<br />

125 zut !

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