Document Présentation U Charasgetu

Tchekhov : La cerisaie. U chjarasgetu.
A la suite d’une discussion avec Jean Pierre Lanfranchi j’ai entamé une nouvelle lecture de « La
cerisaie » rangée, dans mes souvenirs, parmi les allégories de la fragilité de la vie.
En quête du sens des lendemains que l’on nous propose j’entrai naturellement dans ce texte aux
connotations aussi fortement politiques qu’existentielles dans lequel les thèmes de l’idéalisme, de la
frustration et de la souffrance face à toute mutation structurent les trois types de protagonistes dont
on suit, souvent dans l’identification, les destins . Les premiers représentent le passé, leur souci
arrimé à la nostalgie d’un monde dont ils n’arrivent pas à accepter la transformation, les seconds
entièrement dans la construction de leur présent avec le sens pratique des affaires, les troisièmes
refusant passé et présent s’offrent à un avenir qu’ils veulent radieux mais avec des désirs imprécis et
velléitaires.
Je prenais plaisir à imaginer l’adaptation. De belles discussions allaient en préciser les contours.
Au classicisme de l’auteur fait écho son absolue modernité et c’est un texte tristement actuel que
l’on découvre, un chjarasgetu à la corse parce que devient chez nous pratique admise la disparition
du beau pour de l’argent, un chjarasgetu à la corse parce que le passé s’en est allé mais que le futur
n’y ait pas encore arrivé.
A l’heure de la traduction c’est avec précaution que je suis entré dans ce chjarasgetu, soucieux d’en
cueillir la poésie et la force de peinture de la vie réelle, caché derrière l’histoire, les personnages,
leurs relations, comme se cache Tchekov derrière son œuvre, sans imposer une thèse ou un parti,
nous laissant libre de nos résonances dans l’ironie douloureuse avec laquelle il nous contraint à
refaire le voyage de notre vie.
Francis Marcantei