Document Présentation U Charasgetu
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note d’intention<br />
La cerisaie, u chjaragetu : pièce prémonitoire pour nous puisque Tchekhov prévoit déjà que<br />
« l’estivant va se multiplier de façon extraordinaire », qu’il s’agit de vente de patrimoine familial<br />
ancestral, d’un monde qui échappe à ses contemporains dont un vieillard qui personnalise la<br />
mémoire et qui va être oublié, enfermé dans la propriété vendue pour en faire des lotissements…<br />
Lorsque le devoir de mémoire cède le pas à la rentabilité alors le monde change et avant qu’un<br />
nouvel équilibre ne s’établisse, meilleur ou plus dur encore, les êtres se révèlent dans leur<br />
petitesse, dans leur maladresse à vivre, mais aussi se retrouvent dans le fait même de sombrer<br />
ensemble, dans la chaleur humaine retrouvée. Car tous les personnages de Tchekhov sont<br />
débordants d’humanité, ils ont tous besoin les uns des autres et qu’importe alors le naufrage, c’est<br />
« l’être ensemble » qui compte, qui porte, qui permet encore le rêve, la part d’enfance...en tout cas<br />
la poésie.<br />
On pourrait parler de crise, de « padduc », de tourisme, de précarité, d’exclus, de tout ce qui fait que<br />
quand les situations dépassent les hommes, les malheurs ne sont pas loin et gare aux fragiles, aux<br />
faibles, aux déshérités car les nouveaux royaumes ne leur appartiennent pas.<br />
On pourrait évoquer la nostalgie, qui, si elle n’est pas morbide, est le signe d’une intelligence et<br />
d’une sensibilité fines et pleines d’élégance.<br />
L’enivrement dans les mots, dans les sentiments, dans la musique, dans l’amour, dans l’alcool dans<br />
tout ce qui tournoie et fait décoller les esprits, délivre des univers trop lourds et par trop inhumains<br />
et semble nettoyer les plaies d’une lucidité à fleur de cœur.<br />
On dit souvent que dans l’univers tchekhovien rien ne se passe, que c’est le néant. Non, il s’agit de<br />
tragique nous dit Renaud Matignon car « le tragique suppose le néant plus la conscience du néant. »<br />
En jetant notre langue dans cette aventure, dans ce naufrage programmé, nous lui confions le sens<br />
de l'Histoire. Si les terres se vendent pour construire des lotissements, si le sol se loue pour en vider<br />
les richesses au profit de lointains pays, alors que deviendront les gens de cette terre ? Seront-ils<br />
encore reconnaissables ? Survivront-ils à tout cela ? Ou bien leur langue même ne risquera-t-elle pas<br />
de disparaître pour laisser place à un pays vidé de son âme, de sa culture, de son humanité ?<br />
Jean Pierre Lanfranchi