Le dilemme genre/culture ou comment penser la citoyenneté

LES RELATIONS ÉTAT-RELIGIONS ET LES DROITS DES FEMMES : UN DEBAT QUI S'IMPOSE
Le dilemme genre/culture ou comment penser la citoyenneté des femmes
minoritaires au-delà de la doxa féminisme/multiculturalisme? 1
Sirma Bilge
« Une production idéologique est d'autant plus réussie qu'elle est plus
capable de mettre dans son tort quiconque tente de la réduire à sa vérité
objective : le propre de l'idéologie dominante est d'être en mesure de faire
tomber la science de l'idéologie sous l'accusation d'idéologie : l'énonciation
de la vérité cachée du discours fait scandale parce qu'elle dit ce qui était "la
dernière chose à dire" 2 . »
Bourdieu
Je remercie le Conseil du statut de la femme de m’avoir invitée au colloque Diversité de
foi, égalité de droits qui met en débat une question qui ne cesse de faire couler d’encre,
soit la pluralité religieuse et l’égalité des sexes, une question abordée dans les débats
publics, scientifiques comme politiques, à travers une opposition que je qualifie de
« doxique » 3 : en l’occurrence l’opposition féminisme/multiculturalisme. Cette formule
en vogue reprend les termes d’un débat plus large sur l’égalité et la différence,
l’universalisme et le communautarisme. Même si ces paires antinomiques ne sont pas
moins tronquées dans leur occultation des rapports de pouvoir constitutifs des
majoritaires et des minoritaires, faisant des premiers les détenteurs de l’universel et
des seconds les différents 4 , je me pencherai, dans mon intervention, uniquement sur
l’antinomie féminisme/multiculturalisme afin d’en interroger les prémisses idéologiques
1
Ce texte n’est pas issu d’une retranscription littérale de ma présentation lors du colloque Diversité de foi,
égalité des droits, mais une version remaniée a posteriori.
2
Pierre Bourdieu. Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, 2001, p. 368.
3
Je reprends la définition que donne Bourdieu à ce terme : « La doxa est un point de vue particulier, le
point de vue des dominants, qui se présente et s'impose comme point de vue universel; le point de vue de
ceux qui dominent en dominant l'État et qui ont constitué leur point de vue en point de vue universel en
faisant l'État. » (Pierre Bourdieu. Raisons pratiques. Sur la théorie de l'action, Paris, Seuil, 1994, p. 129).
4
Colette Guillaumin. L’idéologie raciste. Genèse et langage actuel, Paris et La Haye, Éditions Mouton,
1972.
1