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Le nourrissage interspécifique - le cas d'une Sitelle –

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<strong>Le</strong> <strong>nourrissage</strong> <strong>interspécifique</strong>: <strong>le</strong> <strong>cas</strong> <strong>d'une</strong> sittel<strong>le</strong> et d'un Pic épeiche<br />

Texte émanent de ornithomedia.com. Reproduction autorisée par : M. David Bismuth<br />

Date de mise en ligne: 10/09/09 - Visé par <strong>le</strong> Comité de <strong>Le</strong>cture virtuel.<br />

Pour participer à ce comité, vous pouvez contacter : http://www.ornithomedia.com/<br />

Chez près de 2% des espèces d'oiseaux, des parents autres que <strong>le</strong>s parents génétiques jouent<br />

un rô<strong>le</strong> dans l'é<strong>le</strong>vage des petits. Mais il existe des <strong>cas</strong> plus rares où des parents <strong>d'une</strong> autre<br />

espèce nourrissent <strong>le</strong>s poussins appartenant à une autre espèce, en dehors des <strong>cas</strong> bien connus<br />

de parasitisme (comme <strong>le</strong> Coucou gris et <strong>le</strong>s autres passereaux par exemp<strong>le</strong>).<br />

Ce type de comportement est d'autant plus diffici<strong>le</strong> à comprendre qu'il ne procure, à priori,<br />

aucun avantage évolutif et constitue même une perte d'énergie pour l'espèce adoptive.<br />

Certains auteurs estiment toutefois que <strong>le</strong> <strong>nourrissage</strong> <strong>interspécifique</strong> pourrait aider de jeunes<br />

parents inexpérimentés à apprendre à é<strong>le</strong>ver des poussins pour <strong>le</strong>s saisons de nidification<br />

futures.<br />

Daniel Magnin et Jean-Luc Potiron nous ont transmis une photo très intéressante prise en juin<br />

2009 en Bretagne <strong>d'une</strong> Sittel<strong>le</strong> torchepot nourrissant un jeune Pic épeiche<br />

Sittel<strong>le</strong> torchepot (Sitta europaea) nourrissant un jeune<br />

Pic épeiche (Dendrocopos major), Monts d'Arrée<br />

(Finistère), juin 2009<br />

Photo: Daniel Magnin<br />

En juin 2009, dans <strong>le</strong>s Monts d'Arrée dans <strong>le</strong> Finistère (Bretagne), accompagné par Jean-Luc<br />

Potiron, Daniel Magnin a eu l'oc<strong>cas</strong>ion de photographier une Sittel<strong>le</strong> torchepot (Sitta<br />

europaea) venant nourrir régulièrement un jeune Pic épeiche (Dendrocopos major), <strong>le</strong>quel<br />

était par ail<strong>le</strong>urs éga<strong>le</strong>ment nourri "norma<strong>le</strong>ment" par ses parents.<br />

Daniel et Jean-Luc avaient repéré cette loge de pic la veil<strong>le</strong> de la prise de la photo au bruit que<br />

faisaient <strong>le</strong>s jeunes, et ils avaient alors déjà remarqué cette sittel<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> tronc. Comme il y<br />

avait deux loges proches, <strong>le</strong>s deux observateurs pensaient que <strong>le</strong>s deux espèces nichaient peutêtre<br />

côte à côte, et c'est pour vérifier cette hypothèse que Daniel a installé un affût <strong>le</strong><br />

<strong>le</strong>ndemain. Il n'a fait qu'une demi-journée d'affût, au cours duquel il a observé plusieurs<br />

<strong>nourrissage</strong>s (5 ou 6 de mémoire) de la part de cette sittel<strong>le</strong>. Lorsqu'il est revenu trois jours<br />

plus tard, après avoir vainement attendu une amélioration de la météo, la loge était vide.<br />

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Apparemment, seu<strong>le</strong> la femel<strong>le</strong> de Pic épeiche nourrissait aussi très régulièrement ses petits,<br />

<strong>le</strong> mâ<strong>le</strong> n'ayant pas été vu. Dès que la sittel<strong>le</strong> s'apprêtait à nourrir un petit pic, el<strong>le</strong> s'enfuyait<br />

aussitôt à l'arrivée de la vraie mère. El<strong>le</strong> semblait éga<strong>le</strong>ment "impressionnée" par la tail<strong>le</strong> de<br />

son "poussin d'adoption", ne lui donnant la becquée qu'après plusieurs hésitations.<br />

Cette observation remarquab<strong>le</strong> nous donne l'oc<strong>cas</strong>ion d'énumérer <strong>le</strong>s situations possib<strong>le</strong>s<br />

pouvant entraîner un <strong>nourrissage</strong> <strong>interspécifique</strong> et <strong>le</strong>s explications de ce comportement.<br />

Cet artic<strong>le</strong> est basé en grande partie sur l'étude de Marilyn Muszalsk Shy intitulée "Interspecif<br />

feeding among birds: a review" publiée en 1982 dans <strong>le</strong> Journal of Field Ornithologists.<br />

Nidifications proches<br />

L'une des causes possib<strong>le</strong>s du <strong>nourrissage</strong> <strong>interspécifique</strong> est la nidification de deux espèces à<br />

proximité l'une de l'autre.<br />

Il existe beaucoup d'exemp<strong>le</strong>s de deux espèces nichant proches l'une de l'autre et se montrant<br />

de l'intérêt pour <strong>le</strong>urs nids respectifs. Des observateurs ont relaté <strong>le</strong> <strong>cas</strong> d'un coup<strong>le</strong> attaquant<br />

une autre espèce apportant de la nourriture à ses poussins ou celui de coup<strong>le</strong>s nourrissant tous<br />

<strong>le</strong>s poussins (<strong>le</strong>s <strong>le</strong>urs et ceux de l'espèce voisine) sans distinction.<br />

On ne sait pas à quel<strong>le</strong> fréquence une nidification peut échouer du fait de la négligence des<br />

parents plus intéressés par <strong>le</strong>s petits du nid voisin.<br />

Un mâ<strong>le</strong> de Sittel<strong>le</strong> pygmée (Sitta pygmaea) a nourri des poussins de Mer<strong>le</strong>b<strong>le</strong>us azurés<br />

(Sialia currucoides) installés dans un nid situé dans <strong>le</strong> même arbre à 5 m au dessus du sien; sa<br />

propre nidification a échoué car el<strong>le</strong> a été attirée par <strong>le</strong>s appels des petits mer<strong>le</strong>b<strong>le</strong>us avant que<br />

ses œufs n'éclosent. Un coup<strong>le</strong> de Plongeons arctiques (Gavia arctica) a é<strong>le</strong>vé une nichée de<br />

cinq Eider à lunettes (Somateria fischeri): <strong>le</strong>urs nids étaient séparés de 10 m. <strong>Le</strong>s canetons<br />

étaient nourris par <strong>le</strong>s plongeons, même s'ils n'en avaient pas besoin. On ne sait pas si la<br />

nidification des plongeons a échoué.<br />

<strong>Le</strong> ca<strong>le</strong>ndrier d'éclosion des œufs des deux nids est un facteur important: si <strong>le</strong>s poussins<br />

sortent selon un interval<strong>le</strong> de temps réduit, ceux qui ont éclos <strong>le</strong>s premiers peuvent retenir<br />

toute l'attention de l'un ou des deux parents de l'autre coup<strong>le</strong>; ce fut <strong>le</strong> <strong>cas</strong> quand un mâ<strong>le</strong><br />

d'Hirondel<strong>le</strong> bicolore (Tachycineta bicolor) a été observé nourrissant des petits Mer<strong>le</strong>s<br />

migrateurs (Turdus migratorius) dans un nid installé au sommet <strong>d'une</strong> maison où son propre<br />

nid était placé: <strong>le</strong>s poussins d'hirondel<strong>le</strong>s étaient environ une semaine plus jeunes que ceux<br />

des mer<strong>le</strong>s.<br />

Des mâ<strong>le</strong>s nourrissent parfois des poussins d'un autre nid alors que <strong>le</strong>urs propres œufs sont en<br />

train d'être incubés: un Troglodyte familier (Troglodytes aedon) a nourri des Pics flamboyants<br />

(Colaptes auratus) pendant que sa femel<strong>le</strong> couvait, et il a continué à <strong>le</strong> faire même après que<br />

ses propres œufs aient éclos.<br />

Dans <strong>le</strong> <strong>cas</strong> de l'observation de Daniel Magnin, la sittel<strong>le</strong> ne nichait pas à côté du Pic épeiche<br />

comme cela avait été imaginé la veil<strong>le</strong> de l'affût. <strong>Le</strong>s observations n'avaient alors pas permis<br />

de voir la sittel<strong>le</strong> venir nourrir <strong>le</strong>s petits, ni <strong>le</strong>s parents des pics non plus d'ail<strong>le</strong>urs (pas<br />

d'affût).<br />

Des mâ<strong>le</strong>s nourrissant des petits <strong>d'une</strong> autre espèce pendant que <strong>le</strong>urs partenaires couvent<br />

<strong>Le</strong> <strong>cas</strong> de la sittel<strong>le</strong> de Daniel Magnin pourrait aussi correspondre à une autre situation:<br />

plusieurs <strong>cas</strong> de mâ<strong>le</strong>s nourrissant des poussins <strong>d'une</strong> autre espèce ont été re<strong>le</strong>vés alors que<br />

<strong>le</strong>ur femel<strong>le</strong> couvait <strong>le</strong>s œufs du coup<strong>le</strong>. Wight (1934) (in Shy 1982) a noté par exemp<strong>le</strong> un<br />

Troglodyte de la Caroline (Thryothorus ludovicianus) nourrissant pendant une courte période<br />

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des Tyrans huppés (Myiarchus crinitus): après <strong>le</strong>s "protestations" des vrais parents, il<br />

abandonna.<br />

Skutch (1982) (in Shy (1982)) a noté que certains mâ<strong>le</strong>s ont un tel besoin de nourrir <strong>le</strong>urs<br />

poussins qu'ils offrent de la nourriture aux œufs non éclos! <strong>le</strong> <strong>nourrissage</strong> des petits d'autres<br />

espèces pourrait constituer alors un "dérivatif" à cette énergie refoulée.<br />

De jeunes oiseaux appelant<br />

Dans certains <strong>cas</strong>, dont peut-être celui de la sittel<strong>le</strong> et du pic de Daniel Magnin, ce sont <strong>le</strong>s<br />

appels des jeunes <strong>d'une</strong> autre espèce qui peuvent déc<strong>le</strong>ncher <strong>le</strong> <strong>nourrissage</strong> par des<br />

alloparents: une petite Mésange bicolore (Baeolophus bicolor) réclamait de la nourriture et<br />

s'est dirigée vers un Pic à ventre roux (Melanerpes carolinus) qui l'a nourri (Curry 1969 in Shy<br />

1982).<br />

Bien sûr, quand <strong>le</strong>s nids sont proches, <strong>le</strong>s stimuli auditifs et visuels des poussins appelant sont<br />

à priori encore plus efficaces. Mais <strong>le</strong>s stimuli entraînant un <strong>nourrissage</strong> par des alloparents<br />

restent rares Et <strong>le</strong> <strong>nourrissage</strong> de jeunes volants par des parents <strong>d'une</strong> autre espèce est encore<br />

plus rare.<br />

Des parents sans partenaire<br />

La situation décrite par Daniel Magnin pourrait correspondre à un autre contexte: quelques<br />

<strong>cas</strong> de <strong>nourrissage</strong> <strong>interspécifique</strong>s ont en effet été documentés chez des oiseaux n'ayant pas<br />

trouvé de partenaires ou s'étant rapprochés d'un oiseau dont <strong>le</strong> partenaire avait disparu. Une<br />

femel<strong>le</strong> de Pic tridacty<strong>le</strong> (Picoides tridactylus), en dehors de l'aire de répartition norma<strong>le</strong> de<br />

l'espèce, avait ainsi nourri <strong>le</strong>s poussins d'un Pic à dos noir (Picoides arcticus) qui criaient dans<br />

<strong>le</strong>ur nid (Hickey com. pers. in Shy 1982).<br />

Un mâ<strong>le</strong> de Troglodyte familier qui avait perdu son partenaire alors qu'il avait déjà rempli un<br />

nichoir de matériaux a nourri trois Cardinaux à tête noire (Pheucticus melanocephalus) jusqu'à<br />

ce qu'ils s'envo<strong>le</strong>nt, puis il apporté de la nourriture à des poussins de Moineaux domestiques<br />

(Passer domesticus) (Hills 1924 in Shy 1982).<br />

Un nid ou une couvée détruits<br />

Il existe aussi plusieurs données d'oiseaux nourrissant des poussins d'autres espèces quand<br />

<strong>le</strong>urs propres nids avaient été détruits. Par exemp<strong>le</strong>, un coup<strong>le</strong> de Rougegorges familiers a été<br />

vu nourrissant des Grives musiciennes (Turdus philomelos) (Lack 1953 in Shy 1982).<br />

Southern (1952) (in Shy 1982) a observé un coup<strong>le</strong> de Gobemouches gris (Muscicapa striata)<br />

nourrissant des Mer<strong>le</strong>s noirs après que <strong>le</strong>ur nid ait été détruit par un orage. Un mâ<strong>le</strong> de<br />

Cardinal rouge (Cardinalis cardinalis) a apporté de la nourriture à des Mer<strong>le</strong>s migrateurs après<br />

que son premier nid ait été détruit et pendant que sa femel<strong>le</strong> incubait sa seconde couvée<br />

(Logan 1951 in Shy 1982).<br />

Quand un chercheur a retiré <strong>le</strong>s œufs d'un petit-duc (Megascops sp), celui-ci a é<strong>le</strong>vé des<br />

poussins de Pics flamboyants installés dans une cavité dans <strong>le</strong> même arbre, et il <strong>le</strong>ur a même<br />

apporté un petit oiseau mort (Lyon 1922 in Shy 1982)! Un Étourneau sansonnet (Sturnus<br />

vulgaris) a nourri des poussins d'Hirondel<strong>le</strong>s noires (Progne subis) après que <strong>le</strong>s quatre œufs<br />

de l'étourneau aient été retirés et détruits (Brown 1977 in Shy 1982).<br />

Ce type de situation est sûrement plus fréquent qu'il n'y paraît. Dans beaucoup de <strong>cas</strong>,<br />

l'influence du propre passé des parents adoptifs est inconnue.<br />

Dans <strong>le</strong> <strong>cas</strong> de l'observation de Daniel Magnin, on ne sait pas si la couvée de la sittel<strong>le</strong> n'a pas<br />

échoué puisque son site de nidification (si el<strong>le</strong> a niché) n'a pas été trouvé.<br />

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Sterne pierregarin (Sterna hirundo) et poussin d'Echasse<br />

blanche (Himantopus himantopus), réserve naturel<strong>le</strong> de<br />

Lil<strong>le</strong>au des Niges (Charente-Maritime), <strong>le</strong> 11 juin 2004.<br />

Depuis presque une semaine, une famil<strong>le</strong> de Sternes<br />

pierregarins compte parmi ses poussins une jeune<br />

Échasse blanche. Il n'y a aucun coup<strong>le</strong> d'échasses à<br />

proximité. Il s'agit donc selon toute vraisemblance<br />

<strong>d'une</strong> échasse qui aurait pondu dans un nid de sternes.<br />

Aucune tentative de <strong>nourrissage</strong> n'a été observée. La<br />

jeune échasse se nourrit seu<strong>le</strong>, au pied de l'îlot où se<br />

trouve <strong>le</strong> nid. <strong>Le</strong>s adultes sternes la prennent sous <strong>le</strong>ur<br />

ai<strong>le</strong> et la<br />

défendent à la moindre a<strong>le</strong>rte (notamment<br />

lorsqu'une échasse s'est approchée du nid)<br />

Photo: LPO î<strong>le</strong> de Ré<br />

Couvées mixtes<br />

Un autre <strong>cas</strong> pouvant entraîner un <strong>nourrissage</strong> <strong>interspécifique</strong> (mais qui ne semb<strong>le</strong> pas<br />

correspondre à la situation observée par Daniel Magnin) est l'existence de couvées mixtes. Ce<br />

type de couvées a fréquemment été observé, notamment chez des espèces nichant dans des<br />

cavités et quand la compétition pour <strong>le</strong>s sites de nidification est sévère. Macjenzie (1954) (in<br />

Shy 1982) avait délibérément retiré 30 des 60 nichoirs dans une zone en automne pour étudier<br />

<strong>le</strong>s effets de la compétition des oiseaux cavernico<strong>le</strong>s.<br />

<strong>Le</strong> printemps suivant, un Rougequeue noir (Phoenicurus ochruros) avait à priori déposé des<br />

œufs dans <strong>le</strong>s nids de deux mésanges (Mésange charbonnière (Parus major) et Mésange noire<br />

(Parus ater)). Ces deux mésanges ont é<strong>le</strong>vé <strong>le</strong>s jeunes rougequeues avec <strong>le</strong>urs propres petits.<br />

Oc<strong>cas</strong>ionnel<strong>le</strong>ment, des Mésanges charbonnières ont pondu des œufs dans d'autres nids, dont<br />

ceux de la Mésange b<strong>le</strong>ue (Parus caeru<strong>le</strong>us) et de la Sittel<strong>le</strong> torchepot (Arn 1955 in Shy 1982).<br />

Gustavsson (in Mackenzie 1954, in Shy 1982) a découvert une Mésange noire et une Mésange<br />

nonette (Parus palustris) qui avaient pondu dans <strong>le</strong> même nid: la Mésange nonette avait fini<br />

par é<strong>le</strong>ver une couvée mixte composée de ses quatre poussins et de deux petites Mésanges<br />

noires. On ne sait pas si <strong>le</strong>s Mésanges nonettes avaient fait fuir <strong>le</strong>s occupants ou si <strong>le</strong>s<br />

Mésanges noires avaient déserté ou furent tuées et que <strong>le</strong>s Mésanges nonettes occupèrent<br />

ensuite <strong>le</strong>ur nid.<br />

Au moins trois <strong>cas</strong> de Mer<strong>le</strong>s migrateurs partageant <strong>le</strong>ur nid avec une autre espèce ont été<br />

observés: avec une Tourterel<strong>le</strong> triste (Zenaida macroura) (Raney 1939 in Shy 1982) avec un<br />

Moqueur polyglotte (Mimus polyglottos) (Benton 1961 in Shy 1982) ou avec un Roselin<br />

familier (Carpodacus mexicanus) (Bai<strong>le</strong>y et Niedrach 1936 in Shy 1982). Un Rougegorge<br />

familier avait partagé son nid avec une Bergeronnette grise (Motacilla alba) (Lack 1953 in<br />

Shy 1982) , et un Cardinal rouge et un Bruant chanteur (Melospiza melodia) ont é<strong>le</strong>vé une<br />

couvée mixte (Brackbill 1952 in Shy 1982).<br />

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Des oiseaux orphelins<br />

Dans plusieurs <strong>cas</strong>, des espèces ont été vues apportant de la nourriture à des poussins<br />

orphelins. Cette situation pourrait être stimulée par <strong>le</strong>s cris de jeunes affamés. Snyder (1913)<br />

(in Shy 1982) a par exemp<strong>le</strong> observé une nichée de Tyrans tritri (Tyrannus tyrannus) appelant<br />

après un fort orage. <strong>Le</strong>s vrais parents n'ont pas été vus, et un Pioui de l'Est (Contopus virens) a<br />

alimenté <strong>le</strong>s orphelins pendant 10 jours jusqu'à ce qu'ils s'envo<strong>le</strong>nt.<br />

Un mâ<strong>le</strong> de Rougegorge familier (Erithacus rubecula) a nourri des petits Mer<strong>le</strong>s noirs (Turdus<br />

merula) sans mère pendant que sa femel<strong>le</strong> couvait <strong>le</strong>s œufs du coup<strong>le</strong>. <strong>Le</strong>s mer<strong>le</strong>s se sont<br />

ensuite envolés grâce aux soins du parent adoptif (Armstrong et Whitehouse 1997 in Shy<br />

1982).<br />

Autres causes<br />

Il existe d'autres situations pouvant expliquer des <strong>nourrissage</strong>s <strong>interspécifique</strong>s mais ne<br />

pouvant pas être classés dans <strong>le</strong>s catégories ci-dessous, comme une forte compétition pour des<br />

sites de nidification: c'est une raison possib<strong>le</strong> expliquant pourquoi un Grand-duc de Virginie<br />

(Bubo virginianus) a é<strong>le</strong>vé une couvée de trois Buses à queue rousse (Buteo jamaicensis). On<br />

cite aussi <strong>le</strong> <strong>cas</strong> d'un Mer<strong>le</strong> noir qui, après avoir é<strong>le</strong>vé sa propre portée, a continué à offrir de<br />

la nourriture pendant deux à trois semaines à tous <strong>le</strong>s oiseaux qui s'approchaient: un<br />

Rougegorge familier avait accepté cette nourriture.<br />

Autre hypothèse évoquée pour <strong>le</strong> <strong>cas</strong> de la sittel<strong>le</strong> et du pic<br />

Parmi <strong>le</strong>s hypothèses avancées par <strong>le</strong>s ornithologues qui ont répondu à Daniel Magnin figure<br />

cel<strong>le</strong>-ci: la sittel<strong>le</strong> s'instal<strong>le</strong> dans une loge pour nicher, se fait expulser par <strong>le</strong>s pics à la<br />

recherche <strong>d'une</strong> loge et continue ensuite à la considérer comme la sienne. Des observations de<br />

Pics épeiches expulsant une sittel<strong>le</strong> sont connues. <strong>Le</strong> "hic", c'est qu'on n'observe pas de traces<br />

de maçonnage à l'entrée de la loge, comme <strong>le</strong>s sittel<strong>le</strong>s ont l'habitude de faire (même si <strong>le</strong>s<br />

Pics épeiches ont détruit ce maçonnage, il devrait en rester quelques traces). Hypothèse<br />

"personnel<strong>le</strong>" de Daniel: la sittel<strong>le</strong> s'était peut-être installée dans la loge très proche et a été<br />

chassée par <strong>le</strong>s pics qui se sont fina<strong>le</strong>ment installés dans l'autre loge: mais il faudrait vérifier<br />

si la loge non occupée par <strong>le</strong>s pics a des traces de maçonnage...<br />

<strong>Le</strong>s informations de Bertrand Posse<br />

Daniel Magin a reçu <strong>le</strong>s informations suivantes très intéressantes de la part de Bertrand Posse,<br />

de la revue suisse Nos Oiseaux, à propos de son observation:<br />

un <strong>cas</strong> de ce genre impliquant une Sittel<strong>le</strong> torchepot et un Pic épeiche a tout au moins déjà été<br />

décrit: Mül<strong>le</strong>r, Y. (2003): Une Sittel<strong>le</strong> torchepot (Sitta europaea) aide au <strong>nourrissage</strong> <strong>d'une</strong><br />

nichée de Pics épeiches (Dendrocopos major). Ciconia 27: 41-42.<br />

<strong>Le</strong>s prémices de ces observations pourraient être recherchées dans des comportements tels<br />

que celui évoqué dans <strong>le</strong>s notes:<br />

- Boser, M. 1990. Un Pic épeiche Dendrocopos major déloge une Sittel<strong>le</strong> Sitta europea d'un<br />

nichoir pour y pondre ses oeufs. Nos Oiseaux 40: 305<br />

Wil<strong>le</strong>negger, L. & P.-A. Ravussin (1995). Une nichée de Pic épeiche (Dendrocopos major)<br />

nourrie par des Mésanges huppées (Parus cristatus). Nos Oiseaux 43: 179-180<br />

Pour d'autres espèces, on peut aussi re<strong>le</strong>ver la contribution suivante: Contejean, G. (1998).<br />

E<strong>le</strong>vage particulier d'un jeune Torcol fourmilier Jynx torquilla. Nos Oiseaux 45: 250, qui<br />

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elate l'é<strong>le</strong>vage d'un jeune torcol par un coup<strong>le</strong> de Pics épeichettes et un torcol. La compétition<br />

pour <strong>le</strong>s cavités disponib<strong>le</strong>s paraît constituer un facteur clé.<br />

<strong>Le</strong>s remarques de J-L Grangé<br />

J-L Grangé, de la revue Casseur d'Os, éga<strong>le</strong>ment sollicité par Daniel Magnin, a apporté <strong>le</strong>s<br />

précisions suivantes: il s'agit d'un phénomène assez régulier chez certaines espèces proches<br />

taxonomiquement et d'habitats semblab<strong>le</strong>s. Concernant ce <strong>cas</strong>, certaines hypothèses peuvent<br />

être émises:<br />

-la sittel<strong>le</strong> a perdu ses jeunes en bas âge, à proximité de ce nid de pic et, vu son état<br />

physiologique (il lui faut nourrir des juvéni<strong>le</strong>s au nid), el<strong>le</strong> s'est rabattue sur ce nid<br />

-la sittel<strong>le</strong> avait déjà pondu dans ce nid avant que <strong>le</strong>s pics l'expulsent et el<strong>le</strong> <strong>le</strong> considère<br />

toujours comme <strong>le</strong> sien (cependant, l'aspect du trou d'entre ne montre aucune trace d'un<br />

éventuel travail de "maçonnage").<br />

En tout état de cause, ce comportement implique que cette sittel<strong>le</strong> était en un état<br />

physiologique de reproduction qui correspond à la phase de <strong>nourrissage</strong> au nid de jeunes peu<br />

âgés: sinon, el<strong>le</strong> n'aurait pas tenté de nourrir de jeunes pics, sauf s'il s'agit d'un <strong>nourrissage</strong><br />

ponctuel, non suivi d'autres apports ultérieurs et réguliers.<br />

L'observation et <strong>le</strong>s explications possib<strong>le</strong>s du <strong>nourrissage</strong> <strong>interspécifique</strong><br />

<strong>Le</strong>s avantages possib<strong>le</strong>s<br />

Des similitudes entre adoptés et adoptants<br />

Shy (1982) rappel<strong>le</strong> d'abord qu'il existe souvent des similitudes entre <strong>le</strong>s parents adoptifs et<br />

<strong>le</strong>s poussins adoptés en termes d'habitat, de régime alimentaire, de type de nid, ce qui est <strong>le</strong><br />

<strong>cas</strong> entre la Sittel<strong>le</strong> torchepot et <strong>le</strong> petit Pic épeiche observés par Daniel Magnin.<br />

Dans des conditions adéquates, <strong>le</strong>s parents<br />

d'Hirondel<strong>le</strong>s rustiques (Hirundo rustica) nourriraient<br />

tout ce que l'on instal<strong>le</strong>rait dans <strong>le</strong>urs nids!<br />

Photo: J.-R. <strong>Le</strong>gris<br />

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<strong>Le</strong> <strong>cas</strong> à part des couvées mixtes<br />

<strong>Le</strong> <strong>nourrissage</strong> <strong>interspécifique</strong>, dans <strong>le</strong> <strong>cas</strong> de couvées mixtes, est particulier: Peek et al<br />

(1972) (in Shy 1982) ont montré que <strong>le</strong>s Carouges à épau<strong>le</strong>ttes (Agelaius phoeniceus) ne<br />

reconnaissent pas <strong>le</strong>urs petits avant qu'ils aient 10 jours. Chez deux espèces d'albatros, <strong>le</strong>s<br />

parents ne semb<strong>le</strong>nt pas identifier un faux poussin placé dans <strong>le</strong>urs nids à la place de <strong>le</strong>ur petit<br />

(Tickemm et Pindar 1972 in Shy 1982). Comme <strong>le</strong>s poussins quittent très rarement <strong>le</strong>ur nid, il<br />

ne semb<strong>le</strong> en effet pas nécessaire que <strong>le</strong>urs parents apprennent à <strong>le</strong>s reconnaître avant un<br />

certain âge, peut-être seu<strong>le</strong>ment au moment de <strong>le</strong>ur envol. Cette hypothèse est confirmée par<br />

une étude sur <strong>le</strong> ca<strong>le</strong>ndrier de la reconnaissance entre <strong>le</strong>s parents et <strong>le</strong>s poussins chez <strong>le</strong>s<br />

hirondel<strong>le</strong>s (Burtt 1977 in Shy 1982): dans des conditions adéquates, <strong>le</strong>s parents nourriraient<br />

tout ce que l'on mettrait en place dans <strong>le</strong>urs nids!<br />

Un avantage évolutif tout de même?<br />

Il existe de nombreux <strong>cas</strong> de <strong>nourrissage</strong> <strong>interspécifique</strong>: Shy (1982) a listé 65 espèces<br />

impliquées dans des <strong>cas</strong> de <strong>nourrissage</strong>s <strong>interspécifique</strong>s, et Riedman (1982) en a recensé 150.<br />

Il est donc possib<strong>le</strong> qu'il existe tout de même un avantage évolutif. <strong>Le</strong> fort instinct chez<br />

certains oiseaux qui <strong>le</strong>s poussent à nourrir n'importe quel poussin, y compris celui d'autres<br />

espèces, constitue une assurance pour l'espèce qui compte ainsi des individus qui sont des<br />

parents "modè<strong>le</strong>s" et très généreux.<br />

Mais il faut noter qu'il est diffici<strong>le</strong> de faire nourrir un poussin <strong>d'une</strong> espèce par des parents<br />

<strong>d'une</strong> autre espèce, sauf si <strong>le</strong> petit est placé dans <strong>le</strong>ur nid. Dans <strong>le</strong> <strong>cas</strong> des hirondel<strong>le</strong>s, quand<br />

el<strong>le</strong>s commencent à reconnaître <strong>le</strong>urs petits (à partir de l'envol), el<strong>le</strong>s deviennent même<br />

agressives envers <strong>le</strong>s poussins des autres espèces (Burtt 1977 in Shy 1982).<br />

Un Mer<strong>le</strong> noir (Turdus merula) adulte a aidé une<br />

Grive musicienne a é<strong>le</strong>ver ses poussins<br />

Photo: Joël Bruezière / www.eyesonsky.com<br />

Un entraînement?<br />

Dawkins (1976) (in Shy 1982) suggère que l'adoption serait une erreur rare, étant donné<br />

qu'el<strong>le</strong> n'apporte aucun intérêt aux parents et qu'au contraire el<strong>le</strong> constitue une perte de temps<br />

et d'énergie qui auraient pu être consacrée à l'é<strong>le</strong>vage de <strong>le</strong>ur propre progéniture. Il considère<br />

toutefois qu'el<strong>le</strong> permet aux parents de se perfectionner dans l'art d'é<strong>le</strong>ver des petits. Selon<br />

cette hypothèse, <strong>le</strong>s jeunes parents seraient plus enclins à participer à un <strong>nourrissage</strong><br />

<strong>interspécifique</strong> que des parents plus âgés. Mais dans la plupart des <strong>cas</strong> observés, l'âge des<br />

parents adoptifs n'a pas été déterminé.<br />

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Plusieurs données relatent toutefois <strong>le</strong> <strong>cas</strong> d'adultes expérimentés nourrissant des poussins<br />

d'autres espèces: par exemp<strong>le</strong>, un mâ<strong>le</strong> de Mer<strong>le</strong> noir qui avait aidé une Grive musicienne<br />

célibataire qui était adulte (Moore 1973 in Shy 1982).<br />

Il serait plus uti<strong>le</strong> pour un jeune oiseau de nourrir des poussins d'autres espèces plutôt que de<br />

ne pas en é<strong>le</strong>ver du tout, ceci afin d'augmenter son expérience. Dans certains <strong>cas</strong>, c'est<br />

particulièrement vrai quand <strong>le</strong> nid est tombé et qu'il est trop tard pour <strong>le</strong> reconstruire, quand<br />

une partenaire est morte et qu'il est trop tard pour en trouver une autre, ou quand un mâ<strong>le</strong><br />

inexpérimenté peut s'entraîner à é<strong>le</strong>ver des poussins <strong>d'une</strong> autre espèce pendant que sa<br />

partenaire couve.<br />

Des inconvénients toutefois<br />

D'autres hypothèses expliquant ce type de <strong>nourrissage</strong> sont concevab<strong>le</strong>s, comme l'altruisme<br />

réciproque (Trivers 1971 in Shy 1982). Bien qu'accepter de la nourriture, quelque soit <strong>le</strong><br />

donneur, soit toujours profitab<strong>le</strong>, être é<strong>le</strong>vé par des parents <strong>d'une</strong> autre espèce a des<br />

inconvénients: un Goéland argenté (Larus argentatus) é<strong>le</strong>vé par un coup<strong>le</strong> de Sternes<br />

pierregarins (Sterna hirundo) ne se comportait pas comme un goéland normal (Kuh<strong>le</strong>mann<br />

1939 in Shy 1982).<br />

Une Tourterel<strong>le</strong> triste est restée avec ses parents adoptifs, des Tourterel<strong>le</strong>s domestiques<br />

(Streptopelia risoria), au lieu de rejoindre <strong>le</strong>s individus de son espèce (Grewe 1959 in Shy<br />

1982).<br />

Contact<br />

Daniel Magnin: danielmagnin@aliceadsl.fr<br />

Références<br />

- Shy, Marilyn Muszalski (1982). "Interspecific feeding among birds: A review". J. Field<br />

Ornithol. 53 (4): 370-393. http://elibrary.unm.edu/sora/JFO/v053n04/p0370-p0393.pdf<br />

- Drozdz, R, M. Hromada, Pyotr Tryjanowski (2004). "Interspecific feeding of a Great Grey<br />

Shrike (Lanius excubitor) f<strong>le</strong>dgling by adult Yellowhammers (Emberiza citrinella)". Biol.<br />

<strong>Le</strong>tt. 41 (2): 185-187. http://80.57.161.240/artike<strong>le</strong>n/G/Geelgors1.pdf.<br />

- Wikipedia (2009). Interspecific feeding. Date de mise à jour: 29 mars 2009.<br />

http://en.wikipedia.org/wiki/Interspecific_feeding<br />

Réagissez à cet artic<strong>le</strong> sur nos forums ou par e-mail à david.bismuth@ornithomedia.com.<br />

Vous pouvez soutenir Ornithomedia.com : http://www.ornithomedia.com/<br />

Reproduit par SHNC <strong>le</strong> 12 octobre 2009.<br />

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