Les Cahiers de l'Observatoire - Observatoire Nivea

28 BEAUTÉS PLURIELLES
élément de charme. Les femmes peules 4 opèrent un clignement lent des paupières,
elles lèvent les yeux au ciel puis vers le bas ou regardent du coin de
l’œil une personne. Ce jeu de regard met en valeur la beauté de leurs yeux.
Le nez doit être droit, mince et non tordu ou aquilin. De même, des narines
épatées sont jugées laides, une femme possé-
La valeur
esthétique
des couleurs se
retrouve dans
l’ornementation
du corps.
dant de telles narines est souvent comparée de
manière moqueuse à un crapaud. Les proportions
du nez et des narines servent aux Peuls de
descripteurs d’appartenance. Leur proverbe
« See the nose, understand the character »
(Stenning, 1959 : p. 57) associe la forme du nez à
des stéréotypes comportementaux. Ainsi, de larges
narines renvoient à des traits de caractère
dévalorisés par les Peuls, tels que l’impulsivité ou
la grossièreté. Elles caractérisent les individus non
Peuls. Enfin, une belle bouche détient une forme
en amande, des lèvres légèrement charnues
mais non épaisses ou fines. La beauté de la bouche
est indissociable de la dentition ; les dents
peuvent avoir une taille petite ou moyenne et être légèrement espacées.
Cependant, les dents ne doivent pas dépasser de la lèvre inférieure sous
peine d’enlaidir le sourire. Or, le sourire donne du charme à une femme, sa
vue rend les hommes « heureux » précisent Hampâthé Bâ et Daget (1955 : p. 38).
L’absence de sourire est par ailleurs interprétée comme un signe de méchanceté
et d’impolitesse. Les traits du visage obéissent donc à des règles de
symétrie et de proportions. De ce fait, un appendice mal proportionné ou des
traits physiques atypiques comme les difformités enlaidissent le corps.
Objet d’un consensus social, les normes esthétiques véhiculent une morphologie
idéale. Un poème du Macina recueilli par C. Seydou la décrit en ces
termes :
« La femme était en haut,
Elle avait le teint clair,
Elle avait trois parties bombées,
Trois minces,
Trois fortes recherchées.
Elle avait l’œil très grand
La croupe bombée
Le mollet bombé,
Le cou mince,
Le ventre mince,
La paume douce,
Le talon doux,
Le front cuivré » (1973).
Le corps associe des formes bombées à des formes minces que sont le
cou et le ventre. Ces formes « bombées » – les seins, le fessier et les hanches –
caractérisent la féminité et obéissent à un rapport de proportion déterminé.
De beaux seins sont fermes, de forme ronde et non allongée. Ils ne
doivent pas être trop petits comme les « boloji » ou fruits noirs de la taille
d’une noix poussant dans l’eau. De même, la forme idéale du fessier se
situe entre deux proportions opposées : un fessier trop large ressemble à
un « mortier », tandis qu’un fessier étroit est comparé à un « fourneau » ou
à une « cuillère en bois ». Un beau fessier, un peu large et avec des fesses
rondes, représente un élément de séduction. Ces formes corporelles sont
étroitement liées à la corpulence féminine. Selon les normes esthétiques,
le corps féminin doit être ni maigre, ni gros, mais mince ou avec de l’embonpoint
corporel. À l’instar d’autres sociétés sahéliennes (Bernus 1982 ;
Tauzin, 2001), l’adiposité est dépréciée. Elle se présente comme un amas de
4. L’adjectif « peul » fait référence aux Fulbe et aux groupes sociaux peuls.