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Ale croiser aujourd’hui, dans la rue, avec son long
manteau noir et son journal sous le bras, on imagine
facilement l’homme d’affaires, le courtier, le banquier.
Il a gardé l’allure et la prestance des grands patrons,
malgré les événements, malgré le passé, malgré la rue.
A 59 ans, Jean-Paul Allou a un regard très lucide sur son
histoire. Il n’en veut à personne, ou
presque. Il a la pudeur de ne pas
accabler ceux qui pourtant ne lui ont
pas fait de cadeaux.
Il s’identifie à Job, le personnage de
la Bible, au destin tragique.
Heureux, riche, aimé de tous, testé
par le Diable. Il perd tout ce qu’il a,
famille, richesse, mais jamais sa foi.
Job ne désarme pas et reste fidèle à
Dieu, et tous ses biens lui reviennent.
« Job, c’est mon héros, mon
fantasme, mon obsession. Comme
lui, je continue à prier tous les soirs,
moi aussi je veux mon prodige, ça
existe ! ».
Originaire d’un petit village de
Bourgogne, entre un père ouvrier et
un grand-père paysan, on pensait
son destin tout tracé. Et bien non,
lui, c’est la banque qui l’attire. Entré
au guichet, il finira à la direction, à
force de volonté et d’opportunités.
Une formidable ascension qui le conduira de la relation
commerciale avec des clients modestes à la gestion d’entreprises
et au conseil patrimonial pour les plus fortunés.
Viendra ensuite le temps de la gestion d’un cabinet de
conseil, les cours à l’Université Paris XII, la création d’entreprises,
une galerie d’art à Paris, deux sociétés d’importexport…
« Une vie trépidante marquée par le travail et quelques
plaisirs permis par la monnaie qui rentre bien : des voyages,
des hôtels luxueux, des restaurants étoilés au
Michelin, des voitures confortables. Sans extravagances,
mais bon chic bon genre, président d’un Lion’s club à
Paris, franc-maçon, j’essaye aussi d’aider les plus démunis,
de défendre la Veuve et l’Orphelin ! », explique Jean-
Paul.
Une vie idyllique qui bascule pourtant, sans prévenir. « La
chute, insidieuse, lente et progressive : le décès de ma première
épouse, (il dépensera des fortunes dans de soidisant
traitements miracles pour tenter de la sauver de la
maladie, en vain. NDLR), le départ de la seconde, le
divorce, la descente vers l’enfer ».
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Societe
Tous les banquiers
ne finissent pas en prison….
,
,
Expérience
Le malheur en appelle un autre. C’est le fisc qui le rattrape,
et soudainement plus de travail, plus d’argent, et
même plus de toit. Il se retrouve à la rue, logeant çà et là,
dans un sous-sol insalubre, ou dans sa voiture, seule
richesse qu’il ait pu conserver. « Je n’avais plus l’envie de
me battre, je voulais tout laisser tomber… J’ai pensé au
suicide, j’ai pensé à mes enfants, et je ne pensais plus à
rien ».
Pendant de longs mois, il va errer,
seul, et survivre grâce à des compagnons
d’infortune, quelques âmes
charitables, et des tickets resto.
« Nous étions en juin 2010, un peu
déprimés. Je trainais mes guêtres à
Auxerre. Aux terrasses des cafés,
j’observe un journaliste de France
Bleu qui interviewe les supporters
de la coupe du monde de foot. Je lui
tends un papier sur lequel j’ai griffonné
: « si vous êtes intéressés par le
témoignage d’un ancien banquier
devenu SDF, je suis partant » !
Quelque temps plus tard, une journaliste
de France Bleu Auxerre enregistre
son témoignage et réussit à le
faire passer sur France Info.
Résultats : plusieurs propositions de
job, des gens qui acceptent de l’héberger…
Parmi les propositions de
travail, le poste directeur du bowling de Nancy.
Jean-Paul restera quelques mois à ce poste. Aujourd’hui,
en raison d’une compression de personnel, il est à nouveau
en recherche d’emploi. A 58 ans, il espère trouver un
poste dans l’enseignement, dans le management, le
conseil financier, n’importe où en France, mais vite… Pour
ne pas retomber, ni dans l’oubli, ni dans la rue.
L’épilogue du livre de Job commence à s’écrire en septembre
2010… Pour s’en sortir, pour les autres, il vient de terminer
l’écriture d’un livre-témoignage bouleversant chez
Michel Lafon,
« Tous les banquiers ne finissent pas en prison… moi,
c’était dans la rue ». Le livre est sorti le 07 avril en librairie.
Pour joindre Jean-Paul, guillon89@hotmail.fr ou le
06.23.57.85.52.
Propos recueillis par Valérie MEONI
Kiwanis Magazine n° 122 - Juin 2011