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activites economiques et transformations geographiques recentes ...

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UNIVERSITE PAUL VALERY MONTPELLIER III<br />

Arts <strong>et</strong> L<strong>et</strong>tres Langues <strong>et</strong> Sciences Humaines<br />

ACTIVITES ECONOMIQUES ET TRANSFORMATIONS<br />

GEOGRAPHIQUES RECENTES<br />

DE LA PERIPHERIE D'ABIDJAN<br />

THESE<br />

pour le ,Doctorat de 3 tME Cycle<br />

GEOGRAPHIE DE L'AMENAGEMENT option ESPACE RURAL<br />

PRESENTEE ET PUBLIQUEMENT SOUTENUE DEVANT L'UNIVERSITE PAUL VALERY<br />

PAR<br />

N'guessan N'GOTTA<br />

JURY<br />

M. Jean LE .COZ Professeur Emerite Montpellier III President<br />

M. Jean CABOT Professeur Emerite Paris VIII Rapporteur<br />

Mme Yv<strong>et</strong>te BAffBAZA Professeur Emerite Paris VIII Assesseur<br />

M. Joseph SCHULTZ Professeur Montpellier III Assesseur


<strong>et</strong><br />

A<br />

M'MAN<br />

KONAN<br />

AFFOUE


- 2 -<br />

PROBLEMATIQUE - INTRODUCTION<br />

La transformation d'un milieu agricole, polarisé par une<br />

ville dynamique <strong>et</strong> attractive comme Abidjan, s'effectue de ma­<br />

nière très complexe. L'homme dans son désir de production, de<br />

consommation <strong>et</strong> d'échange ne cesse d'accroître les capacités de<br />

production des structures déjà existantes; il s'ensuit un pro­<br />

cessus de création, de développement ou de disparition des ap­<br />

pareils de production très variés. Ainsi, aux activités primai­<br />

res rurales viennent se greffer des activités induites, secré­<br />

té es par la proximité de la ville ou nécessitées par le dévelop­<br />

pement de l'agriculture (industries d'amont <strong>et</strong> d'aval). Comme<br />

résultat, on aboutit à la métamorphose de toute la zone concer­<br />

née.<br />

Notre thème nous invite à réfléchir sur les différents<br />

processus de transformation qui affectent la périphérie abid­<br />

janaise, "Région-Pilote" des initiatives de développement agri­<br />

cole. Pour ce faire, il faut déceler les éléments moteurs de<br />

c<strong>et</strong>te transformation.<br />

L'espace étudié était dominé dans les années soixante<br />

par une seule activité motrice: l'agro-exportation, épaulée<br />

dans la seconde phase de croissance par une activité industriel­<br />

le en développement, utilisant la matière première agricole lo­<br />

cale <strong>et</strong> ayant pour corollaire l'émergence d'un tertiaire de plus<br />

en plus complexe.<br />

Dans c<strong>et</strong> espace, une métropole: Abidjan, véritable<br />

pôle national de croissance économique qui insuffle aux centres


- 3 -<br />

semi-urbains périphériques <strong>et</strong> à la campagne environnante, une<br />

dynamique toute particulIère.<br />

Comment s'est corstituéec<strong>et</strong>te "Région" au sens géogra­<br />

phique du mot ? comment fonctionne-t-elle ? vers quoi évolue­<br />

t-elle ? c'est à ces questions-clef que nous allons tenter<br />

d'apporter des réponses tout au long de c<strong>et</strong>te étude. Mais au­<br />

paravant il importe de rappeler un certain nombre de remarques<br />

d'ordre général intéressant la "Périphérie d'Abidjan".<br />

La zone considérée occupe environ 3 760 km 2 soit 1,16 %<br />

du territoire national <strong>et</strong> un peu plus de 26 % de la superficie<br />

totale du département d'Abidjan(l) Domaine d'extension de la<br />

forêt sempervirente, l'extrême sud ivoirien, communément appe­<br />

lé "Basse Côte" présente des caractéristiques originales, tant<br />

au plan physique qu'au plan humain.<br />

Au plan physique, on observe une diversité de milieux<br />

allant de la forêt primaire aux forêts dégradées, issues d'in­<br />

tenses activités agricoles, des lagunes <strong>et</strong> des marécages ayant<br />

chacun ses aptitudes <strong>et</strong> son importance. Le climat chaud <strong>et</strong> hu­<br />

mide semble favorable aux cultures tropicales alors que dans<br />

l'ensemble les sols demeurent de qualité moyenne à médiocre.<br />

Tous ces facteurs ont une influence directe sur l'agriculture<br />

<strong>et</strong> on peut se demander s'lIs n'ont pas conditionné la locali­<br />

sation des diverses plantations.<br />

La diversité est également d'ordre humain; quatre<br />

principales <strong>et</strong>hnies d'importance numérique différente sont ré­<br />

parties sur l'ensemble de la zone d'étude. Toutes ces <strong>et</strong>hnies­<br />

toute réserve émise sur les Adjoukrou - sont issues du grand<br />

groupe <strong>et</strong>hno-culturel AKAN, donc originaires de l'ancien "Gold<br />

Coast", l'actuel Ghana.<br />

(1) Voir carte nO l, localisation de la zone d'étude


- 4 -<br />

Ainsi, d'ouest en est, on rencontre<br />

- Les Adjoukrou qui composent la quasi totalité des habitants<br />

de la sous-préfecture de Dabou,<br />

- Les Ebrié dans la partie médiane, sont les fondateurs de la<br />

ville d'Abidjan.<br />

- Les Akyé(l) d'Anyama ne sont qu'une fraction de c<strong>et</strong>te <strong>et</strong>hnie<br />

plus nombreuse au Nord-Nard-est de notre domaine d'étude.<br />

- Les Abourés quant à eux sont plus centrés sur Bonoua, au­<br />

delà du fleuve Comoé.Ceux que nous étudions ne sont donc qu'une<br />

partie de c<strong>et</strong>te <strong>et</strong>hnie.<br />

A ces <strong>et</strong>hnies, s'ajoutent les Eotilé <strong>et</strong> les M'Batto<br />

d'importance numérique moins importante.<br />

Avant l'introduction des cultures de spéculation, ces<br />

populations vivaient de la cueill<strong>et</strong>te, de la chasse, de la pê­<br />

che - principale activité - <strong>et</strong> d'un peu d'agriculture. C<strong>et</strong>te<br />

dernière activité était le fait des femmes, les hommes se ré­<br />

servant les travaux jugés dangereux. La pratique agricole gé­<br />

néralisée était la culture vivrière sur brûlis, ponctuée de<br />

longues jachères nécessaires à la reconstitution des sols <strong>et</strong><br />

du couvert végétal. Par ailleurs, la terre, seul capital de<br />

production était une propriété du groupe <strong>et</strong> ne pouvait être<br />

l'obj<strong>et</strong> de transactions financières.<br />

C'est dans ce milieu d'économie d'autosuffisance, que<br />

le colonisateur français a introduit à la fin du siècle der­<br />

nier, la culture du café <strong>et</strong> du cacao. Ces deux cultures ne<br />

tenant aucune place dans les habitudes de consommation loca­<br />

les, il s'ensuivit divers conflits entre autochtones <strong>et</strong> auto­<br />

rités coloniales :<br />

(1) on écrit aussi ATTrE ou ATCHYE


- 5 -<br />

- Comment intéresser les populations locales à des productions<br />

aussi contraignantes que celles de l'arboriculture?<br />

- Où trouver des terres disponibles, étant donné que toutes les<br />

terres étaient supposées appartenir aux autorités coutumières?<br />

Malgré les obstacles fonciers, vite résolus, <strong>et</strong> l'op­<br />

position des paysans, l'agriculture de spéculation fut imposée<br />

à la Basse Côte. Des planteurs européens d'abord puis quelques<br />

africains créèrent de vastes plantations dont les fruits étaient<br />

directement acheminés sur la métropole. Jusque les années cin­<br />

quante le cacao <strong>et</strong> le café assuraient à eux seuls 85 à 90 % de<br />

la valeur des exportations.<br />

En 1960, la Côte d'Ivoire indépendante a fait de ces<br />

deux cultures, les piliers de son économie, renforçant ainsi<br />

une économie agricole à l'avenir très prom<strong>et</strong>teur, eu égard à<br />

l'extension des superficies plantées annuellement.<br />

Mais, c<strong>et</strong>te croissance économique, principalement axée<br />

sur des productions entièrement exportées sous leur forme brute,<br />

était soumise aux aléas des cours mondiaux des produits tropi­<br />

caux. Le développement économique de la Côte d'Ivoire échappait<br />

de la sorte, au contrôle des autorités politiques, étant donné<br />

que les prix sont décidés par l'ach<strong>et</strong>eur installé soit à la<br />

bourse de Paris soit à celle de Londres ou à New-York. Il était<br />

donc nécessaire de diversifier la production agricole <strong>et</strong> surtout<br />

les types d'activités.<br />

C<strong>et</strong>te nouvelle orientation de l'économie ivoirienne dé­<br />

bute en 1958, avec l'hévéaculture, suivie en 1963 par le plan<br />

palmier à l'huile <strong>et</strong> le plan cocotier en 1967. Pendant ce temps,<br />

la culture bananière <strong>et</strong> l'ananas jusqu'alors négligeables se<br />

développent rapidement, suite au r<strong>et</strong>rait de la Guinée de la<br />

Communauté française.


- 6 -<br />

L'application rigoureuse, de ce plan de développement<br />

agricole, permit le passage d'une agriculture traditionnelle<br />

à faible rendement, à une agriculture intensive <strong>et</strong> scientifi­<br />

que, hautement mécanisée, porteuse de nombreuses innovations<br />

dans les modes de mise en valeur avec notamment :<br />

- L'introduction de nouvelles méthodes <strong>et</strong> techniques d'exploi­<br />

tation de la terre, par le biais de l'utilisation d'un outil­<br />

lage mécanisé <strong>et</strong> par l'emploi d'engrais <strong>et</strong> de pesticides, dont<br />

les applications requièrent des soins appropriés. Toutes ces<br />

techniques exigent de gros moyens financiers, en même temps<br />

qu'elles créent de nouveaux types de rapport entre le paysan<br />

<strong>et</strong> sa terre.<br />

- l'intrusion de l'Etat dans le milieu agricole, grâce<br />

aux SODE(llqui créent ou encadrent de vastes plantations dou­<br />

blées de structures industrielles pour le traitement des récol­<br />

tes; l'adjonction de la filière industrielle se justifiant par<br />

la recherche d'une plus grande valeur ajoutée sur les produits<br />

primaires locaux.<br />

- l'intrusion également d'une "bourgeoisie urbaine"<br />

dans la sphère des plantations. Une "bourgeoisie" affairiste<br />

de commerçants, d'hommes de la vie politique, de fonctionnaires<br />

de haut rang <strong>et</strong>c ... ayant les moyens financiers pour exploiter<br />

de vastes superficies. Leur venue dans le milieu rural en fait<br />

des concurrents pour la possession de la terre, même s'ils sont<br />

absentéistes.<br />

- Enfin, l'intrusion de puissants groupes capitalistes<br />

privés, dans le domaine agricole, illustre la compétition en-<br />

gëyée entre les paysans <strong>et</strong> le monde extérieur au milieu rural,<br />

Eu égard aux remarques qui précèdent, on peut entrevoir<br />

(1) Sociétés d'Etat.


- 7 -<br />

une série de difficultés qui se posent à la paysannerie, entre<br />

autres<br />

- L'adoption des cultures pérennes par des paysans rompus aux<br />

activités de chasse, de pêche <strong>et</strong> d'agriculture vivrière iti­<br />

nérante : comment ont-ils opéré le passage de ces activités<br />

traditionnelles à une agriculture spéculative hautement mobi­<br />

lisatrice ?<br />

- L'adaptation de ce paysannat aux nouvelles techniques cultu-<br />

rales, constitue aussi une difficulté comment, avec un outil-<br />

lage malgré tout, encore précaire, le paysan réussit-il à cul­<br />

tiver ces nouveaux produits exigeant une technologie appropriée?<br />

- Les moyens financiers faisant défaut, comment le paysan ar­<br />

rive-t-il à ouvrir une plantation qui requiert au départ une<br />

mise assez importante ?<br />

- Bien que dans sa politique de diversification agricole, l'Etat<br />

ait étroitement associé les paysans aux divers proj<strong>et</strong>s, il sem­<br />

ble, vingt ans après, que ces derniers soient encore à la traî­<br />

ne. Pourquoi n'a-t-on pas assisté à l'émergence d'une masse de<br />

riches planteurs? Comment expliquer que l'Etat <strong>et</strong> les groupes<br />

capitalistes privés demeurent-ils les seuls grands propriétai­<br />

res ?<br />

- Certaines cultures, telle l'hévéaculture, n'ont pu s'effec-<br />

tuer en plantations villageoises quelles en sont les causes ?<br />

- Les mentalités des paysans, très suspicieux vis-à-vis des<br />

innovations, demeurent aussi un frein à la propagation des nou­<br />

velles techniques de mise en valeur. Dans ce milieu d'analpha­<br />

bètes, comment s'y est-on pris pour la diffusion de l'innova­<br />

tion ? Quels organismes d'encadrement a-t-on mis sur pied?<br />

Quelle est leur efficacité? leurs moyens d'action <strong>et</strong> leurs


limites ?<br />

- 8 -<br />

- Les organismes de crédits agricoles ont-ils pleinement joué<br />

leur rôle ? quels sont les rapports du paysan avec les établis­<br />

sements bancaires ?<br />

- Les problèmes relatifs au manque de terre, constituent sans<br />

aucun doute, les plus grosses difficultés du monde rural. La<br />

terre étant devenue un capital monnayable, l'exercice du code<br />

foncier traditionnel se trouve faussé. Quelles ont été les dis­<br />

positions prises par l'autorité politique pour protéger le pa­<br />

trimoine foncier traditionnel? Au niveau des villages, comment<br />

les paysans réagissent-ils à la nouvelle situation du foncier?<br />

qui arbitre les conflits fonciers? comment se fait le nouveau<br />

mode de répartition de la terre?<br />

Malgré ces nombreux problèmes, <strong>et</strong> grâce aux investisse­<br />

ments massifs réalisés par le gouvernement <strong>et</strong> les Multinationa­<br />

les, <strong>et</strong> en partie, grâce à l'apport de quelques rares gros plan­<br />

teurs villageois, on a assisté à un "boom" agro-industriel gé­<br />

nérateur d'emplois <strong>et</strong> approvisionnant de nombreux autres sec­<br />

teurs d'activités économiques non moins importantes. Cela s'est<br />

traduit par un relèvement général du niveau de vie des ivoiriens<br />

<strong>et</strong> particulièrement celui des populations de la Sasse Côte.<br />

En 1960, le PIS ivoirien était estimé à 143 milliards<br />

CFA (1). Quinze ans après, il atteignait 834 milliards, augmen­<br />

tant en valeur réelle depuis1960, de 6,5 % par an, compte te­<br />

nu d'une hausse annuelle des prix de 4 % en moyenne, jusqu'au<br />

premier choc pétrolier de 1973.<br />

Le produit réel par habitant était de 180 dollars U.S.<br />

en 1960. En 1969 il atteint selon le FMI, 500 dollars U.S.<br />

(1) Tous les chiffres de monnaie sont exprimés en CFA quand<br />

i ln' y a pas d e pré c i s ion .<br />

l F CFA = 0,02 FF


- 9 -<br />

Auj ourd' hui, il avoisine 3 000 dollars (1). Bien que ces chiffres<br />

masquent des nuances entre les régions, ils attestent d'une re­<br />

lative prospérité. Ceci a eu pour eff<strong>et</strong> immédiat, l'afflux d'une<br />

main d'oeuvre massive dans le sud forestier ivoirien, producteur<br />

des denrées de spéculation.<br />

Grandes consommatrices d'espace, les plantations indus­<br />

trielles sont aussi de grandes utilisatrices de main-d'oeuvre.<br />

Pour assurer leur développement, il faut une quantité suffisan­<br />

te d'employés, plus ou moins qualifiés. Or, on sait par expé­<br />

rience que les populations Akan de la Basse Côte répugnent à se<br />

faire embaucher comme manoeuvres sur les plantations "d'autrui".<br />

Dans ces conditions, où trouve-t-on la main-d'oeuvre nécessai­<br />

re aux plantations? Quels sont les bassins d'approvisionnement<br />

en main d'oeuvre? comment se répartit c<strong>et</strong>te main-d'oeuvre en­<br />

tre les plantations villageoises <strong>et</strong> les plantations industriel­<br />

les? Quelle est la tendance de c<strong>et</strong>te main-d'oeuvre? Reste-t­<br />

elle longtemps sur place une fois embauchée ou au contraire, les<br />

séjours sont-ils de courte durée? comment est-elle rétribuée?<br />

participe-t-elle pleinement au processus général de transfor­<br />

mation de l'espace, par le jeu de la consommation <strong>et</strong> de l'in­<br />

vestissement ?<br />

Parallèlement aux arrivées massives de manoeuvres dans<br />

la région, on peut noter le départ vers les villes des jeunes<br />

autochtones. Ceci crée deux problèmes:<br />

- L'espace rural subit un brassage rapide de population, aux<br />

conséquences ras toujours heureuses. En eff<strong>et</strong>, dans un espace<br />

<strong>et</strong>hna-culturel aussi centralisé que celui des Akan, comment<br />

s'opère l'intégration des allochtones ? Ce milieu peut-il con­<br />

server son intégrité face au monde moderne qui l'assaille quo­<br />

tidiennement ?<br />

(1) Au taux du 1/1/83


- 10 -<br />

A la politique de diversification agricole, a succédé<br />

celle de l'industrialisation, à partir des matières premleres<br />

locales. On a ainsi créé à coups de capitaux étrangers, des<br />

usines à Abidjan <strong>et</strong> dans sa périphérie. Cela a contribué à ap­<br />

profondir le fossé entre la "Région d'Abidjan" <strong>et</strong> le reste du<br />

pays. Les banques, les administrations générales, les sièges<br />

de sociétés ont accru la tutelle de l'ex-capitale sur le res­<br />

te du pays. Tous ces "groupements efficaces" ont concouru à<br />

l'émergence d'une industrie, certes compétitive mais en butte<br />

à la concurrence des autres pays tropicaux. Les échanges Sud­<br />

Sud étant quasiment inexistants, où le pays exporte-t-il ses<br />

productions industrielles? face à l'impitoyable concurrence<br />

des multinationales installées sur son sol, <strong>et</strong> de celle des<br />

autres pays du tiers-monde, quel sera l'avenir de c<strong>et</strong>te indus­<br />

trie ?<br />

La prospérité relative d'Abidjan <strong>et</strong> des villes circum­<br />

voisines a eu pour eff<strong>et</strong> l'exode massif des ruraux vers celles­<br />

ci. C<strong>et</strong> exode touche aujourd'hui les manoeuvres des plantations<br />

industrielles <strong>et</strong> villageoises. Désormais, la plantation est un<br />

tremplin vers la grande ville, une étape obligatoire pour se<br />

faire un peu d'argent qui perm<strong>et</strong>tra, une fois en ville, la re­<br />

conversion dans les p<strong>et</strong>its métiers <strong>et</strong> dans le p<strong>et</strong>it commerce<br />

de détail. Ceci explique sans aucun doute la mobilité de la<br />

main d'oeuvre dont nous étudierons les conséquences. Mais on<br />

peut se demander ce qui a été fait pour remédier à c<strong>et</strong>te situa­<br />

tion qui, à notre avis, semble être liée aux salaires peu en­<br />

courageants. Comment compte-t-on s'y prendre pour intéresser<br />

les jeunes autochtones sans travail aux travaux des plantations<br />

industrielles ?<br />

Les conditions particulières offertes par les planta­<br />

tions industrielles ont privé les planteurs villageois de la


- 11 -<br />

main d'oeuvre nécessaire à l'exploitation rentable de leurs<br />

parcelles. Pour attirer les manoeuvres, le paysan isolé est<br />

obligé d'offrir des salaires qui grèvent très dangereusement<br />

sa marge bénéficiaire. Malgré ces pratiques, on assiste à une<br />

pénurie chronique de main d'oeuvre; comme nous le verrons,<br />

les conséquences de c<strong>et</strong>te pénurie affectent la production ré­<br />

gionale des plantations villageoises. En fait, le problème se<br />

pose en terme de concurrence de deux systèmes de production :<br />

l'un plus solide, financièrement <strong>et</strong> mieux encadré - la planta­<br />

tion industrielle - s'est équipé pour attirer les manoeuvres<br />

l'autre, la plantation villageoise, ayant très peu de moyens<br />

pour faire face à une concurrence déloyale sur plusieurs plans.<br />

Si c<strong>et</strong>te situation, en passe de s'aggraver, se cristallise, que<br />

deviendront les plantations villageoises? Peut-on améliorer<br />

la situation par une mécanisation poussée? Si oui, le paysan<br />

aurait-il les moyens de c<strong>et</strong>te mécanisation?<br />

Après vingt années de croissance continue, on voit se<br />

profiler à l'horizon certaines limites du système économique<br />

ivoirien, c'est-à-dire le problème de manque de terre <strong>et</strong> de<br />

manière plus cruciale l'inadéquation entre la production ali­<br />

mentaire <strong>et</strong> la croissance de la population. Hier exportateur<br />

de riz vers les pays voisins, le pays connaît aujourd'hui des<br />

difficultés pour approvisionner les citadins. Comment en est­<br />

on arrivé à c<strong>et</strong>te situation? le Secrétariat d'Etat à l'Agri­<br />

culture, chargé de la production vivrière <strong>et</strong> le Ministère du<br />

Développement Rural attestent, par leur création récente, l'ur-<br />

gence d'une politique de redressement sauront-ils se faire<br />

entendre auprès des paysans? qu'envisagent-ils de faire pour<br />

le développement des cultures vivrières qui n'ont jamais été<br />

associées aux cultures de rente?<br />

Par ailleurs, peut-on encourager la production de den­<br />

rées très facilement périssables sans prévoir les structures


- 15 -<br />

supprimer les subventions jadis accordées aux paysans qui ins­<br />

tallaient une nouvelle plantation. Or, la situation d'ensemble<br />

est caractérisée par une richesse très sélective. Comment dans<br />

ce cas, les p<strong>et</strong>its paysans peuvent-ils espérer ouvrir de nou­<br />

veaux champs ?<br />

En dehors de la paysannerie, les E A l (Ensembles Agro­<br />

Industriels), bien que dotés de puissants moyens, sont eux aus­<br />

si menacés par divers problèmes tels que :<br />

- Le manque de terre dans la région<br />

La mobilité de la main-d'oeuvre devenue exigeante <strong>et</strong> chère.<br />

- L'accroissement d'Abidjan qui menace les unités de production<br />

de Eloka <strong>et</strong> Anguédédou.<br />

Certes, la conquête d'autres espaces en dehors d'Abidjan<br />

pourra perm<strong>et</strong>tre une compensation pour les EAI, si ces deux uni­<br />

tés étaient obligées de fermer. Mais pour la région cela serait<br />

un drame, car les plantations villageoises dépendant de ces uni­<br />

tés ne pourraient plus fonctionner.<br />

- Au plan écologique: L'introduction des cultures spéculatives<br />

s'est faite au détriment de vastes portions de forêts primaires.<br />

A c<strong>et</strong>te dévastation de la forêt par les planteurs, il faut ajou­<br />

ter l'action des forestiers. Quelles sont les perspectives de<br />

l'équilibre écologique de la périphérie d'Abidjan? Les forêts<br />

artificielles que sont les plantations peuvent-elles remplacer<br />

la végétation naturelle comme le prétendent certains ? Peut-on<br />

comparer l'uniformité du paysage des plantations à la diversi­<br />

té des essences de la forêt primaire?<br />

Nous tenterons, à l'aide de photographies aériennes,<br />

de montrer l'atteinte irréversible au milieu forestier.


- 16 -<br />

METHODOLOGIE<br />

Cerner le fonctionnement des activités économiques d'une<br />

région, dans un pays où les sous-espaces sont peu structurés,<br />

n'est pas facile. Il est encore plus difficile d'étudier l'im­<br />

pact de ces activités sur la croissance générale de l'espace<br />

considéré. Ces difficultés tiennent à quatre principales rai­<br />

sons<br />

- Il y a d'abord le problème de la délimitation de l'espace<br />

étudié à quel concept correspond la "périphérie d'Abidjan" ou<br />

la "région d'Abidjan" ? Quels sont les critères qui perm<strong>et</strong>tent<br />

la définition des contours de c<strong>et</strong>te périphérie?<br />

- La seconde difficulté est relative au nombre très varié des<br />

activités économiques: il en est de facilement repérables d'au­<br />

tres au contraire ne sont pas perceptibles, bien qu'elles parti­<br />

cipent de manière effective à la croissance de l'espace considé­<br />

ré.<br />

- Ces activités sont généralement si imbriquées les unes dans<br />

les autres qu'à partir d'un seuil de croissance, il n'est plus<br />

possible d'isoler telle activité d'une autre.<br />

-Enfin, les déficiences des Chambres d'Industrie <strong>et</strong> d'Agricul­<br />

ture, ne sont pas de nature à faciliter la tàche du chercheur<br />

de nombreuses activités évoluant en marge de ces institutions.<br />

Il est de ce fait, impératif que le chercheur élabore un


- 17 -<br />

canevas de réflexion méthologique afin de justifier ses choix<br />

<strong>et</strong> sa démarche.<br />

Notre méthodologie est subdivisée en deux parties.<br />

- La première partie résume nos hypothèses de recherches. Elle<br />

est théorique <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> de saisir notre conception du suj<strong>et</strong>.<br />

- La seconde partie se veut pratique. Elle porte sur les enquê­<br />

tes de terrains. C'est ici que nous vérifions nos hypothèses<br />

de recherches.<br />

l - HYPDTHESES DE RECHERCHES<br />

1 - CRITERES DE DELIMITATION DE LA "PERIPHERIE"<br />

D'ABIDJAN<br />

Il convient de signaler que le terme de périphérie,<br />

caractérisant l'espace autour d'un pôle, d'une ville ou de tout<br />

autre agglomération a été assimilé par nous, è celui de "ré­<br />

gion" qui correspond mieux è nos préoccupations de géographie<br />

rurale. Notre domaine déborde donc de l'environnement immédiat<br />

ou banlieue d'Abidjan.<br />

Afin que la croissance du pays soit conduite de manière<br />

efficace, le pays a été divisé en "Pays-Ruraux" - au total sept ­<br />

qui sont des "Régions-Aménagement" dont les contours varient d'un<br />

ministère è l'autre <strong>et</strong> d'un organisme de développement è l'au­<br />

tre. En suivant ces découpages; il nous a été impossible de<br />

prendre en compte tout le " Pays - Rural" de l'extrême sud, en<br />

raison notamment de son étendue <strong>et</strong> surtout à cause des liens trop<br />

lâches entre les noeuds de c<strong>et</strong> espace. Notre périphérie se vou­<br />

lant un espace fonctionnel, a été assimilée à la région géogra­<br />

phique, c'est-è-dire un espace économiquement constitué, où<br />

tous les éléments agissent en interaction. C'est un espace qui<br />

doit trancher sur l'espace indifférencié, grâce è sa densité


- 18 -<br />

économique <strong>et</strong> à sa dynamique particulière.<br />

Nos recherches ont de ce fait été orientées vers la no­<br />

tion de pôle de développement <strong>et</strong> de relations entre le pôle <strong>et</strong><br />

les autres points de l'espace environnant, par l'appréciation<br />

du volume des flux de biens <strong>et</strong> services, de personnes <strong>et</strong> de mon­<br />

naie. Notre définition est empruntée à Boudeville(ll. La "péri­<br />

phérie" ou "région" d'Abidjan serait, de ce point de vue, le<br />

cadre autour d'un centre - ici Abidjan - où s'opèrent des échan­<br />

ges <strong>et</strong> à partir duquel peuvent naître des eff<strong>et</strong>s d'amplification<br />

des facteurs locaux de croissance économique.<br />

Suivant ces critères purement économiques, nous avons<br />

délimité un espace situé dans un rayon de 20 à 50 km autour<br />

d'Abidjan. Le critère de la distance répond à deux préccupations:<br />

- Les grandes plantations industrielles qui ont r<strong>et</strong>enu notre at­<br />

tention s'inscrivent dans ce rayon. Elles constituent à nos yeux,<br />

les activités motrices de la "périphérie" Abidjanaise.<br />

- Les villes de Bassam, Bingerville, Anyama <strong>et</strong> dans une moindre<br />

proportion Oabou, sontdevenues de véritables villes-dortoirs<br />

indispensables au fonctionnement de la ville d'Abidjan. Elles<br />

s'inscrivent également dans ce rayon. Leur arrière-pays immé­<br />

diat a été pris en compte.<br />

En résumé, la "périphérie" d'Abidjan correspond aux<br />

quatre sou-préfectures de Dabou, Anyama, Bingerville <strong>et</strong> Bassam.<br />

Nous avons laissé de côté Jacqueville en raison des difficultés<br />

de communication routière entre c<strong>et</strong>te sous-préfecture <strong>et</strong> le<br />

reste de l'espace.<br />

2 - PRINCIPE THEORIQUE D'ANALYSE<br />

Nos recherches reposent sur trois points fondamentaux<br />

de théorie :<br />

- Le concept d'innovation <strong>et</strong> de diffucion de ces innovations<br />

- Le concept du champ urbain <strong>et</strong> de son impact sur l'espace ru-<br />

ral environnant, dont la distance est le critère.<br />

(1) Boudeville, les espaces économiques Q-S-J ? nO 950.


- 19 -<br />

- Enfin le concept de transformation de l'espace, sous le jeu<br />

combiné des producteurs <strong>et</strong> consommateurs, par la loi de l'offre<br />

<strong>et</strong> de la demande, aussi bien surIes marchés nationaux qu'exté­<br />

rieurs. C'est donc une analyse économique spatialisée dans la­<br />

quelle nous tentons de comprendre les processus qui amènent les<br />

diverses mutations de l'espace autour d'un centre urbain très<br />

attractif.<br />

a) La diffusion des innovations<br />

Les activités économiques r<strong>et</strong>enues dans le cadre de<br />

notre analyse sont toutes perçues comme des éléments perturba­<br />

teurs. Leur "intrusion" dans un milieu d'économie traditionnel­<br />

le autarcique suscite forcément des réactions d'opposition, des<br />

difficultés d'adaptation des acteurs économiques que sont les<br />

ruraux.aux nouvelles méthodes culturales <strong>et</strong>des bouleversements<br />

des structures antérieures traditionnelles.<br />

Leur adoption dépend des profits que peuvent en ti­<br />

rer les paysans. Leur diffusion, plus ou moins rapide, est fonc­<br />

tion du faible écart entre les techniques culturales tradition­<br />

nelles <strong>et</strong> les méthodes modernes d'exploitation des productions<br />

de spéculation.<br />

Le pragmatisme des paysans exige très souvent, des<br />

démonstrations dans c<strong>et</strong>te optique, nous avons recherché à<br />

travers l'histoire économique récente, les divers facteurs qui<br />

ont favorisé la diffusion des produits de rente.<br />

L'épanouissement <strong>et</strong> la croissance continue <strong>et</strong> har­<br />

monieuse de ces plantations exigent un certain nombre de struc­<br />

tures efficaces<br />

- les infrastrüctürêS de communication,<br />

- les structures de commercialisation <strong>et</strong> d'encadrement,<br />

- des organismes de crédit, pour l'ouverture de plantations<br />

sans oublier des prix rémunérateurs aux producteurs.


- 20 -<br />

Bien que ces structures ne soient pas les seuls fac­<br />

teurs de développement, on peut constater que leur absence pro­<br />

voquent des disfonctionnements du système économique. Nous<br />

pensons que leur analyse précède celle des cellules de produc­<br />

tion. Les flux d'information jouent également un rôle important;<br />

mais on remarquera qu'en économie excentrée, le marché de l'of­<br />

fre est opaque :ces flux circulent en sens unique, le consom­<br />

mateur étant le seul à pouvoir fournir des renseignements sur<br />

ses besoins.<br />

Néanmoins, l'eff<strong>et</strong> "feed-back" existe <strong>et</strong> se traduit<br />

par un ralentissement ou une augmentation de la production en<br />

étroite relation avec les prix proposés. C'est la seule façon<br />

pour les ruraux de réagir à des flux d'information unilatéraux.<br />

Nous analyserons de ce fait, le processus de diffu­<br />

sion spatiale des cultures perennes, en prenant en compte le<br />

mouvement général de mutation de l'espace. Comment l'espace<br />

de production agricole a-t-il absorbé les nombreux capitaux qui<br />

y ont été investis par l'Etat, les groupes d'intérêts privés <strong>et</strong><br />

les paysans ?<br />

Les voies de communication nous serviront d'indica­<br />

teurs, pour suivre dans un premier temps, la propagation des<br />

cultures. Nous verrons par la suite, le processus par lequel<br />

le centre de gravité de la production s'est déplacé vers d'au­<br />

tres sous-espaces.<br />

A ces facteurs il nous faudra ajouter l'impact de<br />

la politique économique sur le développement général de la Cô­<br />

te d'Ivoire. Ceci nous amènera à analyser l'aide de l'Etat à<br />

l'agriculture. Afin de stimuler l'entente entre producteurs ru­<br />

raux, le gouvernement a fait créer les GVC(Groupement à Voca-<br />

tion Coopérative), au début des années soixante dix. Plus de<br />

dix ans après on doit s'interroger sur ces groupements sensés<br />

devenir très rapidement des mouvements coopératifs de produc­<br />

tion, capables de révolutionner le milieu rural <strong>et</strong> lui apporter


- 21 -<br />

tout le dynamisme souhaité. En analysant la propagation <strong>et</strong><br />

l'emprise des GVC, on peut comprendre les difficultés de diffu­<br />

sion d'une innovation en milieu rural analphabète.<br />

L'extension <strong>et</strong> le développement des activités pri­<br />

maires ont eu un eff<strong>et</strong> d'entraînement sur l'économie tout en­<br />

tière. La création d'usines en amont de l'activité agricole<br />

(engrais, pesticides, matériels agricoles) <strong>et</strong> en aval de la<br />

production agricle (traitement, usinage <strong>et</strong> transformation ... ),<br />

a contribué à la densification de l'espace économique de la<br />

Basse Côte en général <strong>et</strong> particulièrement de l'espace péri-ur­<br />

bain abidjanais.<br />

Par leur sélectivité en site, ces industries ont in­<br />

troduit la notion d'inégal développement entre les sous-espaces<br />

régionaux.<br />

Abidjan a été la plus favorisée, d'abord grâce au<br />

port, ensuite par le fait de la volonté des gouvernants. La<br />

ville s'est donc agrandie, tout en restructurant quantitative­<br />

ment <strong>et</strong> qualitativement ses services, exerçant ainsi une do­<br />

mination de plus en plus accrue sur son arrière pays.<br />

C<strong>et</strong>te domination nous amène aux notions de pôle ur­<br />

bain, de champs urbain abidjanais, c'est-à-dire les phénomènes<br />

de "centralité" <strong>et</strong> de "périphérie". (1)<br />

b) Le champ urbain abidjanais <strong>et</strong> son influence sur<br />

l'espace régional<br />

D'une manière théorique, on constate qu'en milieu<br />

traditionnel d'économie autarcique, l'absence de marché <strong>et</strong> donc<br />

d'échanges à grande échelle ne crée pas de concentrations humai­<br />

nes. Les réseaux de communications inter-localités, lorsqu'ils<br />

existent, sont si lâches que leur fréquentation est peu assi­<br />

due, au-delà des distances praticables en une journée de marche<br />

(1) ClavaI op. cit •


- 22 -<br />

les véhicules n'existant pas. Il est important de souligner que<br />

même en Europe les premières villes furent des centres d'échan­<br />

ges importants, des foires comme on les appelait. Cela s'est<br />

aussi vérifié avec la création de villes le long des pistes' ca­<br />

ravanières de l'Afrique Transaharienne.<br />

Pendant longtemps, la Côte d'Ivoire forestière, à<br />

l'exception des comptoirs côtiers, n'a connu que de p<strong>et</strong>its vil­<br />

lages disséminés le long des pistes <strong>et</strong> des lagunes. Avec l'in­<br />

troduction de l'économie de plantation, s'opère une transfor­<br />

mation rapide. Lorsqu'en 1934, par volonté politique Abidjan<br />

devint capitale de la colonie, les rapports entre c<strong>et</strong>te bour­<br />

gade <strong>et</strong> son arrière pays furent profondément bouleversés. C'est<br />

en eff<strong>et</strong> d'Abidjan que partaient les convois d'ouvriers sur les<br />

plantations de Dabou, d'Anyama <strong>et</strong> Bingerville.<br />

Vers le début des années soixante, la ville d'Abid­<br />

jan ayant bénéficié des r<strong>et</strong>ombées de l'agriculture amorce une<br />

autre phase de croissance.<br />

D'agro-ville, la capitale devient au fil des années<br />

une métropole internationale.<br />

Les centres de décision, les sièges sociaux des en­<br />

treprises, les banques <strong>et</strong> les activités commerciales viennent<br />

s'ajouter à la fonction d'hébergement. La fonction politique<br />

de la ville en fait un centre privilégié d'investissements pu­<br />

blics. Par eff<strong>et</strong>s de cumul, Abidjan accroît sa tutelle sur les<br />

autres centres urbains. C<strong>et</strong>te croissance rapide étonne: en<br />

eff<strong>et</strong>, deux des villes lagunaires (Bingerville <strong>et</strong> Bassam) ont<br />

été, avant Abidjan, la capitale de la colonie: pourquoi n'ont­<br />

elles pas connu le même développement qu'Abidjant ? c<strong>et</strong>te ques­<br />

tion nous amènera à vérifier le fondement de la spectaculaire<br />

croissance d'Abidjan d'une part <strong>et</strong> à déterminer le champ d'in­<br />

fluence de c<strong>et</strong>te ville, d'autre part.<br />

En théorie, on adm<strong>et</strong> que tout champ géographique<br />

opère une hiérarchisation des commutateurs sociaux. Ainsi


- 23 -<br />

distingue-t-on généralement le noeud central, puis des noeuds<br />

de second ordre; si ce champ est bien structuré, apparaissent<br />

les noeuds de troisième ordre. Les critères de c<strong>et</strong>te hiérarchisa­<br />

tion sont essentiellement déterminés par l'intensité des flux<br />

de biens <strong>et</strong> services, de personnes <strong>et</strong> de monnaie. La notion<br />

de hiérarchie dans un milieu rural peu évolué parait difficile<br />

à cerner. Et pourtant grâce aux échanges de ce milieu avec l'ex­<br />

térieur, nous tenterons d'établir les liens de dépendance des<br />

centres habités, les uns par rapport aux autres.<br />

Abidjan, d'emblée, est considérée comme le pôle<br />

central ; son dynamisme se diffuse en cercles concentriques <strong>et</strong><br />

se communique avec une intensité proportionnellement égale à la<br />

distance la séparant d'un centre donné.<br />

C<strong>et</strong>te dynamique d'Abidjan peut être néfaste aux cen­<br />

tres ruraux(l), par le biais de l'exode des bras de la campa­<br />

gne vers la ville. Le milieu rural peut néanmoins tirer profit<br />

de c<strong>et</strong>te croissance urbaine grâce notamment aux divers débou­<br />

chés que la ville offre aux produits agricoles, la possibilité<br />

pour les ruraux de bénéficier des services de santé <strong>et</strong> surtout<br />

grâce aux emplois sans qualification que les citadins offrent<br />

aux "sans-terre" de la campagne <strong>et</strong> aux désoeuvrés de toutes<br />

origines.<br />

C'est sous ce jeu combiné d'échanges entre l'espace<br />

rural <strong>et</strong> le ville que nous percevrons les rapports ville-campa­<br />

gne en Basse Côte. Ceux qui investissent dans le milieu rural<br />

habitant en majorité dans les villes, nous essayerons de déter­<br />

miner la part des villageois dans la croissance de leur espace<br />

de là, il nous sera possible de connaître la portée des inves­<br />

tissements des citadins dans l'évolution de l'espace agricole.<br />

Il ne faut pas non plus oublier que certains paysans contri­<br />

buent directement à la croissance de la ville, en y construi­<br />

sant des maisons <strong>et</strong> des hôtels. Comme on le voit, les relations<br />

sont nombreuses <strong>et</strong> existent dans les deux sens. Il nous appar­<br />

tiendra de déterminer les bénéfices que chaque milieu tire de<br />

(1) cf. Les villes du Tiers-Monde - Santos - op. cit en bibliographie.


ses rapports avec l'autre.<br />

- 24 -<br />

C'est grâce à ces relations d'échanges <strong>et</strong> d'investis­<br />

sements que s'opère la transformation de l'espace.<br />

- La notion de transformation de l'espace<br />

Les <strong>transformations</strong> induites des activités économiques<br />

agricoles sont complexes à étudier : si généralement on arri-<br />

ve à déterminer le volume de ces activités, il devient plus<br />

difficile en revanche de cerner la destination des revenus pro­<br />

curés aux paysans. En Basse Côte tout comme dans le reste du<br />

pays, la mutation de l'espace est avant tout une affaire d'Etat.<br />

C'est la volonté politique qui décide où l'on doit implanter<br />

tel type d'équipement ou d'activité entraîneuse. Néanmoins de­<br />

puis les années soixante dix, les paysans interviennent de plus<br />

en plus dans la destinée de leur environnement. Les investisse­<br />

ments d'équipement de l'espace rural sont en grande partie as­<br />

surés par eux. Le géographe ruraliste doit cerner les processus<br />

qui amènent ces <strong>transformations</strong>, en suivant le fonctionnement<br />

des activités motrices qui procurentl'argent nécessaire à la<br />

croissance <strong>et</strong> au développement de l'espace. Quel est le volu-<br />

me des activités agricoles? Quels sont les revenus que les ru­<br />

raux en tirent ? Quelle est la destination de ces revenus ?<br />

Le développement d'une région ne peut pas être assuré<br />

par une seule activité; une diversification est nécessaire,<br />

surtout lorsque l'activité en question dépend largement d'un<br />

marché extérieur comme c'est le cas avec les produits agrico­<br />

les ivoiriens. De l'activité principale doivent naître d'autres<br />

activités qui participent à la densification de l'espace <strong>et</strong> à<br />

l'équilibre de la région tout entière. Dans le cas de l'extrême<br />

sud ivoirien, quelles activités sont venues se greffer sur<br />

l'agro-exportation ? Quels en sont les acteurs? Ces activi­<br />

tés procurent-elles des revenus supplémentaires aux paysans ?


- 25 -<br />

Vivent-elles en symbiose avec l'activité agricole paysanne, ou<br />

au contraire y-a-t-il conflit? Enfin en quoi ces activités<br />

dérivées participent-elles à la transformation de l'espace?<br />

Ce sont ces réflexions théoriques qui nous ont per­<br />

mis de concevoir notre plan de travail. Elles ont également<br />

guidé nos enquêtes de terrain. Rappelons que ces enquêtes<br />

n'ont pas été voulues exhaustives pour des raisons exposées<br />

plus loin.<br />

II - RECHERCHES OPERATIONNELLES SUR LE TERRAIN<br />

deux :<br />

Les recherches pratiques peuvent être subdivisées en<br />

- une première partie a été consacrée à la collecte des<br />

données chiffrées <strong>et</strong> de documents cartographiques.<br />

la seconde partie a été entièrement consacrée à nos con­<br />

tacts avec les principaux acteurs économiques de la périphérie<br />

d'Abidjan.<br />

1 - LA DOCUMENTATION BIBLIOGRAPHIQUE<br />

La recherche de sources bibliographiques a été notre<br />

première tâche avant la sortie sur le terrain. C<strong>et</strong>te recherche<br />

destinée à la lecture d'ouvrages de méthodologie géographique<br />

nous a permis de forger une méthode spécifique d'appréhension<br />

<strong>et</strong> d'analyse de l'espace rural de la Basse Côte.<br />

Les nombreuses publications des bureaux d'étude <strong>et</strong> des<br />

organismes intervenant dans notre zone nous ont aidé à dresser<br />

l'inventaire des ressources agricoles de la région étudiée.


- 26 -<br />

Le concours de nombreux organismes nous a été très pré­<br />

cieux, notamment:<br />

- Le B.C.E. T. (Bureau Central des Etudes Techniques)<br />

- Le B.E.T.P.A. (Bureau d'Etudes Techniques des Proj<strong>et</strong>s<br />

agricoles)<br />

- La D.D.R. (Direction du Développement Régional)<br />

- Les Archives Nationales<br />

- L'O.N.P.R. (L'Office National de Promotion Rurale)<br />

- Les Chambres d'Agriculture <strong>et</strong> d'Industrie de Côte d'Ivoire<br />

- La Bibliothèque <strong>et</strong> la documentation du Ministère du Plan<br />

- Les Services de l'E.E.C.I. de Bingerville.<br />

- Les Ministères de la Santé <strong>et</strong> de l'Education Nationale.<br />

Nous avons consulté un très grand nombre d'ouvrages car<br />

le sud ivoirien a fait l'obj<strong>et</strong> de plusieurs études, étant de­<br />

puis l'ère coloniale la zone d'expérimentation agricole <strong>et</strong> éco­<br />

nomique de la Côte d'Ivoire. Nous avons classé ces documents<br />

en trois rubriques<br />

- les statistiques démographiques<br />

- les statistiques économiques <strong>et</strong><br />

- les documents cartographiques.<br />

a) Les statistiques démographiques<br />

Nous disposons de trois sources de recensement au<br />

sens large du terme car celui de 1955 est plus exactement un<br />

comptage administratif qui s'est étalé sur plus de vingt ans<br />

avec des chiffres datant de 1930 à 1953. Il est connu sous le<br />

titre "Répertoire des localités de Côte d'Ivoire: mise à jour<br />

au 31 Décembre 1955 - Direction de la Statistique".<br />

La seconde source est le recensement "variole" de 1963<br />

ou "Répertoire des localités de Côte d'Ivoire <strong>et</strong> population.<br />

Classement par circonscription administrative : Direction de<br />

la statistique <strong>et</strong> Direction Générale de la Santé. Octobre 1965".


- 27 -<br />

Nous avons dû écarter ce document pour diverses raisons que<br />

nous évoquons dans la critique des sources bibliographiques. Il<br />

a toutefois servi à opérer des regroupements .<br />

. La dernière source, la plus fiable sans doute, est le re­<br />

censement exhaustif de la population ivoirienne paru en Août<br />

1976 sous le titre "Répertoire des localités de Côte d'Ivoire<br />

<strong>et</strong> population 1975" (Tome provisoire) - Direction Générale de<br />

la Statistique de Côte d'Ivoire 1976.<br />

b) Les statistiques économiques<br />

Ce sont les sources les plus nombreuses <strong>et</strong> les plus<br />

variées. A ce titre un travail très sélectif est nécessaire pour<br />

collecter les données proches de la réalité. Nous disposons de<br />

sources chiffrées provenant des instances gouvernementales tel­<br />

les le recensement agricole de 1974-75, le recensement des ac­<br />

tivités économiques annuelles consignées dans "La Côte d'Ivoire<br />

en chiffres" (nous en avons consulté deux ceux de 1980-1981 <strong>et</strong><br />

1981-1982).<br />

Les publications dites internes des organismes de<br />

production agricole <strong>et</strong> d'encadrement du secteur rural ont été<br />

les sources les plus utilisées. ce sont des données brutes<br />

qu'il convient d'utiliser avec prudence. quelquefois, d'autres<br />

sources sont indispensables pour rétablir la vérité ; à c<strong>et</strong> ef­<br />

f<strong>et</strong>, nous avons eu recours aux statistiques financières du FMI<br />

sur la Côte d'Ivoire. Des recoupements ont donc été nécessaires<br />

en ce qui concerne les statistiques économiques.<br />

Nous avons fait de la cartographie thématique, notre<br />

moyen de recherche le plus sûr. En eff<strong>et</strong> dans un espace aussi<br />

dense <strong>et</strong> complexe, la carte apparaît comme l'instrument pri­<br />

vilégié pour localiser les phénomènes. Mieux que les mots, la<br />

carte renseigne plus efficacement sur les problèmes de dispa­<br />

rité entre les sous-espaces.


- 28 -<br />

Quatre principaux fonds de cartes nous ont servi à<br />

élaborer les cartes thématiques; il s'agit de :<br />

* A8IDJAN<br />

* BASSM1<br />

Feuille NB-30-VIII au 1/200 OOOe IGN-Paris 1964 ;<br />

mise à jour partielle de 1969. C<strong>et</strong>te carte cou­<br />

vre les sous-préfectures de Dabou, Sikensi,<br />

Azaguié, Jacqueville <strong>et</strong> prend en écharpe les<br />

sous-préfectures de Tiassalé, Agboville, Grand­<br />

Lahou, Bingerville <strong>et</strong> Anyama.<br />

Feuille NB-30-IX-X au 1/200 OOOe IGN-Paris 1965.<br />

Réimprimée en 1968, c<strong>et</strong>te feuille se rattache à<br />

l'est de la première <strong>et</strong> couvre l'ensemble des<br />

sous-préfectures à l'est d'Abidjan jusqu'à la<br />

frontière ghanéenne.<br />

* ABIDJAN ET SES ENVIRONS - Feuille NB-30-VIII-2bd <strong>et</strong><br />

NB-30-IX-X-lac au 1/50 OOOe, issue de la cou­<br />

verture aérienne verticale de 1960 à 1973.<br />

Mise à jour par l'Institut de Géographie de<br />

CI (I.G.C.I.) en 1974 à partir d'un fond de<br />

l'I.G.N. - Paris. C'est la carte la plus ré­<br />

cente qu'on ait; elle présente l'avantage<br />

d'être à une grande échelle <strong>et</strong> donc de montrer<br />

quelques détails au sol. On doit cependant no­<br />

ter que pour une publication, ce n'est certai­<br />

nement pas l'échelle idéale.<br />

* LA CARTE MICHELIN - Planche 175 au 1/800 OOOe, Côte<br />

d'Ivoire, édition 1982. Généralement les car­<br />

tes Michelin ne sont pas utilisées en raison<br />

de leur vétusté; celle-ci a pu nous servir,<br />

car elle a bénéficié d'une mise à jour récente.<br />

C'est grâce à elle que certaines localités ont<br />

été r<strong>et</strong>rouvées.


- 29 -<br />

Toute c<strong>et</strong>te documentation comporte des déficiences<br />

qu'il faut signaler.<br />

- Critique des sources<br />

a) Les sources démographiques<br />

La plus fiable est celle de 1975 en raison de son<br />

caractère exhaustif; mais des localités existent 1 qui n'ont<br />

pas été recensées. Dans ces cas nous avons eu recours au re­<br />

censement administratif de 1979 à titre consultatif. Le comp­<br />

tage administratif de 1955 aurait dû être écarté ; malheureu­<br />

sement c'est la seule source la plus ancienne. Elle a l'avan­<br />

tage d'avoir été produite avant la densification économique<br />

du sud. On peut lui reprocher l'hétérogénéité des dates de<br />

comptage; certaines localités ayant été recensées avant 1940.<br />

Le recensement "variole" de 1963 doit son nom au<br />

comptage de la population à partir du nombre de vaccins utili­<br />

sés dans la campagne pour l'éradication de la variole. Or il<br />

est prouvé la méfiance des ruraux à l'égard de telle campagne.<br />

Le nombre "d'absents" est si élevé que les chiffres de recen­<br />

sement sont loin de la réalité. Il faut aussi noter l'étalement<br />

de ces opérations de recensement, qui fait que ceux qui bougent<br />

beaucoup ne sont pas recensés. Des doubles comptages existent<br />

également <strong>et</strong> sont dûs à la non définition des critères de comp­<br />

tage. Ainsi certaines personnes sont comptées sur leur lieu de<br />

travail <strong>et</strong> dans leur village d'origine.<br />

Les sources économiques doivent être utilisées avec<br />

beaucoup de prudence, car le plus souvent, elles sont le résul­<br />

tat d'estimation <strong>et</strong> d'extrapolation. Pire, quelquefois elles<br />

sont le résultat d'un conformisme aux normes de production pré­<br />

vues par les instances supérieures. L'émulation entre les di­<br />

verses SODE est de nature à encourager de telles pratiques.


- 30 -<br />

2 - L'ENQUETE DE TERRAIN<br />

Neuf mois d'enquêtes de terrain ont été indispensables<br />

à l'aboutissement de ce travail, avec une première sortie sur<br />

le terrain de sept mois (Avril à Septembre 83), suivie d'une<br />

seconde sortie de deux mois (Décembre 83 à début Février 1984).<br />

C<strong>et</strong>te dernière sortie a été consacrée au complètement des don­<br />

nées.<br />

a) Les unités d'observation sur le terrain<br />

Il n'était pas question pour nous, d'analyser sys­<br />

tématiquement toutes les activités économiques repérables dans<br />

l'espace d'étude. Un choix a été fait pour isoler les activités<br />

économiques les plus dynamiques de celles ayant très peu d'im­<br />

pact sur la transformation de l'espace.<br />

Les variables r<strong>et</strong>enues sont les plantations indus­<br />

trielles (PI) <strong>et</strong> les plantations villageoises (PV) de café­<br />

cacao, de banane, d'ananas <strong>et</strong> surtout de palmier à huile, de<br />

cocotier <strong>et</strong> d'hévéa. Ces plantations étant inégalement répar­<br />

ties, nous n'avons analysé dans le détail, que les zones densé­<br />

ment desservies. Ces observations ont permis d'isoler les es­<br />

paces réservés à chaque type de culture. C<strong>et</strong>te répartition zo­<br />

nale n'est pas le fait du hasard. Nous en avons recherché les<br />

causes.<br />

L'implantation humaine a r<strong>et</strong>enu notre attention;<br />

grâce à la population <strong>et</strong> à ses divers mouvements, on parvient<br />

à suivre assez bien, l'évolution de l'espace rural.<br />

L'activité agricole a engendré une activité indus­<br />

trielle qui nous a particulièrement intéressé, dans la mesure<br />

où c<strong>et</strong>te industrie naissante s'est installée en partie en mi­<br />

lieu rural. Nous voulons parler ici des Unités Industrielles<br />

(U.I.) de prétraitement des récoltes. Ces usines ont leur pro­<br />

longement à Abidj an. Nous les avons pris en compte pour percevoir


- 31 -<br />

les divers éléments qui participent à la transformation de<br />

l'espace rural <strong>et</strong> péri-urbain. Ici ce sont d'abord les offres<br />

n<strong>et</strong>tes d'emplois (emplois effectifs) qui ont été pris en comp­<br />

te. Nous avons donc déterminé le nombre d'ouvriers, de contre­<br />

maîtres <strong>et</strong> de cadres employés par les EAI (Ensembles Agro­<br />

Industriels). Il s'est avéré, lors du dépouillage des premiè­<br />

res enquêtes, que la portion d'ouvriers natifs de la région<br />

ne représentait pas plus de 5 % du total. Dans ce cas, nous<br />

avons estimé que leur part dans le processus général de crois­<br />

sance de l'espace rural est faible. Il fallait donc étudier<br />

un autre aspect de l'implantation des EAI en milieu rural.<br />

Nous avons essayé de voir si au niveau des relations entre les<br />

villages de paysans <strong>et</strong> ceux des manoeuvres, certains liens ont<br />

été tissés. C'est ainsi que nous avons réussi à déceller le<br />

flux de marchandises - essentiellement des produits vivriers ­<br />

des villages de paysans vers les villages d'ouvriers. Si donc<br />

directement les EAI n'apportent pas de bénéfices, on s'aperçoit<br />

qu'indirectement ils ont créé un marché de consommation au pro­<br />

fit des paysans.<br />

Par ailleurs, les paysans bénéficient des installa­<br />

tions sanitaires des villages d'ouvriers. Ces prestations non<br />

quantifiables doivent néanmoins être prises en compte dans<br />

l'analyse des rapports entre l'espace paysan <strong>et</strong> les EAI.<br />

Ces enquêtes ont été menées auprès des intéressés<br />

patrons de la SAPH <strong>et</strong> la SODEPALM, ouvriers des deux organis­<br />

mes <strong>et</strong> planteurs des villages riverains des EAI.<br />

Pour l'appréciation du volume des produits vivriers<br />

vendus dans les villages d'ouvriers, nous nous sommes adressé<br />

aux femmes,principales animatrices de ce commerce.<br />

Nos enquêtes sur la production <strong>et</strong> la gestion des<br />

plantations villageoises ont été très brèves pour deux princi­<br />

pales raisons.


- 32 -<br />

- Jusqu'ici, de nombreuses études ont été réalisées sur la<br />

question. Il nous est apparu que les questions que nous aurions<br />

posées n'auraient aucune originalité.<br />

- D'autre part, ce milieu ne nous est pas étranger. Nous avons<br />

eu l'occasion d'y travailler <strong>et</strong> revenir sur des questionnaires<br />

dont on sait d'avance les réponses nous a semblé inutile. Aussi<br />

nous sommes-nous intéressé davantage aux difficultés éprouvées<br />

par les paysans. A l'aide de trois échantillonnages nous avons<br />

essayé de comprendre la destination des revenus des paysans<br />

<strong>et</strong> les difficultés financières qu'ils connaissent.<br />

- Le premier échantillon porte sur 100 ménages de planteurs<br />

p<strong>et</strong>its, moyens <strong>et</strong> grands choisis au hasard. La hiérarchisation<br />

s'est faite après le dépouillement.<br />

- Le second échantillon de 150 ménages à Anyama perm<strong>et</strong> de voir<br />

si les préoccupations des planteurs vivant dans un centre urbain<br />

sont les mêmes que celles des ruraux.<br />

- Le troisième échantillon porte sur 30 ménages de Mondoukou,<br />

p<strong>et</strong>it village de la sous-préfecture de Bassam, vivant de mono­<br />

culture de cocotier, d'un peu d'artisanat <strong>et</strong> de la pêche.<br />

Ces enquêtes, rappelons-le, n'ont rien d'exhaustif.<br />

Elles nous ont tout simplement aidé à vérifier nos hypothèses<br />

de travail. Outre le fait qu'elles nous ont procuré une cer­<br />

taine satisfaction, il faut noter que certains à priori ont<br />

été infirmés, comme par exemple l'idée que nous nous faisions<br />

de la richesse générale des paysans de la Basse Côte.<br />

L'étude de la répartition du budg<strong>et</strong> a été la plus<br />

difficile: sur le nombre total de ménages enquêtés, 20 à<br />

25 % selon les localités n'ont pas cru nécessaire de mention­<br />

ner ce qu'ils font de leur argent. Notre deuxième passage n'a<br />

pas suffi à les décider ; ce second passage nous a toutefois<br />

permis de relever des contradictions dans les réponses qui<br />

nous ont été données entre Avril <strong>et</strong> Septembre 1983. Nous avons


- 33 -<br />

procédé par recoupement pour rétablir des vérités, somme toute<br />

hypothétiques, tant la réalité que nous connaissions différait<br />

des réponses fournies. Ici notre connaissance du terrain nous<br />

a beaucoup aidé. Fils de planteur, il nous était facile de re­<br />

lever les contrevérités sur les problèmes de plantations. Par<br />

contre, en ce qui concerne les problèmes d'équipement de l'es­<br />

pace rural, nous avons fait confiance à nos informateurs qui<br />

nous ont fourni des éléments de réponse vérifiés à la DDR(l),<br />

grâce aux listes des équipements de chaque village où figurent<br />

les sources de financement <strong>et</strong> les coûts de chaque équipement,<br />

l'année de sa réalisation <strong>et</strong>c ...<br />

Ces équipements ont été pour nous des indicateurs<br />

de la croissance du village <strong>et</strong> surtout le degré de richesse<br />

des paysans qui participent à plus de 80 % au financement des<br />

infrastructures autres que les routes.<br />

Nous avons terminé ces enquêtes par des visites à<br />

des particuliers, comme par exemple à Anyama où nous avons<br />

rencontré le plus grand négociant de cola de la région <strong>et</strong> peut<br />

être même du pays. C<strong>et</strong>te production mal classée dans les ex­<br />

portations de la Côte d'Ivoire semble être à la base de la<br />

dynamique d'Anyama.<br />

Les responsables de COFRUITEL (Compagnie Fruitière<br />

<strong>et</strong> Légumière) nous ont permis d'avoir une idée précise sur la<br />

culture de la banane poyo.<br />

Ces enquêtes ont été en grande partie facilitées<br />

par la connaissance que nous avions du terrain, <strong>et</strong> ce' grâce<br />

aux cours dispensés à l'Institut de géographie Tropicale (IGT)<br />

d'Abidjan <strong>et</strong> grâce aux nombreuses sorties sur les plantations<br />

industrielles <strong>et</strong> paysannes, organisées à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>. Nous avons<br />

aussi bénéficié de l'aide précieuse de deux sou-préf<strong>et</strong>s qui<br />

nous ont octroyé des sauf-conduit qui nous ont permis d'avoir<br />

accès à de nombreux documents. Malgré tous ces atouts, nous<br />

(i) Direction du Développement Rural


- 34 -<br />

n'avons pas échappé à une foule de difficultés. Nous pensons<br />

que tout chercheur en milieu rural analphabète est confronté<br />

à ces difficultés ; aussi serait-il fastidieux de les énumé­<br />

rer ici. Notons cependant que les plus délicats problèmes fu­<br />

rent ceux de la communication entre nous <strong>et</strong> les paysans. Des<br />

camarades originaires des divers sous-espaces nous ont prêté<br />

leur concours à certains moments.<br />

Nos moyens financiers ont constitué un sérieux han­<br />

dicap pour des travaux de détail sur le terrain d'abord, ensui­<br />

te lors de la réalisation de la partie cartographique. On ver­<br />

ra ainsi qu'aucune carte de synthèse n'a été faite en couleurs.<br />

Cela nous a limité dans la recherche de cartes superposables.<br />

On verra par ailleurs que nous avons utilisé une<br />

cartographie assez abondante pour traduire certaines situa­<br />

tions, Cela nous a paru essentiel car à notre avis, la carte<br />

perm<strong>et</strong> une plus grande familiarité avec l'espace d'étude.<br />

en quatre parties :<br />

Suivant la méthodologie, nous avons élaboré un plan<br />

- la première partie vise à montrer les fondements de la dyna­<br />

mique 8conolnique de la Basse Côte<br />

- la seconde partie perm<strong>et</strong>tra d'analyser les divers flux de pro­<br />

duits agricoles entre l'espace rural <strong>et</strong> Abidjan<br />

- la troisième partie sera consacrée à l'étude de l'impact de<br />

l'agro-exportation sur la croissance de l'espace<br />

- la dernière partie est réservée à l'analyse des problèmes nés<br />

d'un accroissement accéléré de c<strong>et</strong> espace polarisé par une ville<br />

trop dynamique.


PREMIERE PARTIE<br />

UN MILIEU FORESTIER DENSEMENT<br />

PEUPLE ET LARGEMENT EXPLOITE .<br />

LA BASSE COTE D'IVOIRE


- 35 -<br />

C<strong>et</strong>te première partie est consacrée à l'étude de la<br />

trame originelle de l'espace considéré, pour pouvoir apprécier<br />

plus loin les diverses <strong>transformations</strong> subies par ce milieu.<br />

C<strong>et</strong>te partie peut aussi fournir des explications sur les fon­<br />

daments de l'économie actuelle de la "Basse Côte".<br />

Trois chapitres ont r<strong>et</strong>enu notre attention. En premier<br />

nous analyserons les données du milieu naturel qui condition­<br />

nent plus que tout autre élément, l'activité agricole. Le se­<br />

cond chapitre sera consacré à l'étude des structures socio­<br />

politiques dont le poids sur les stratégies d'occupation <strong>et</strong><br />

de mise en valeur de l'espace demeure très important. Le troi­<br />

sième chapitre perm<strong>et</strong>tra de cerner les premières transforma­<br />

tions des structures traditionnelles avec l'introduction des<br />

cultures spéculatives par le colonisateur. En conclusion,<br />

nous dresserons le bilan de l'activité agro-exportatrice de<br />

la Côte d'IVoire à la veille de l'indépendance politique,<br />

afin de saisir les mutations rapides de l'agriculture depuis<br />

ces deux dernières décennies. Ce bilan doit pourvoir faire<br />

ressortir la prééminence du domaine d'étude sur les autres<br />

parties du pays. Ainsi, à travers c<strong>et</strong>te première paties, on<br />

doit pouvoir saisir les étapes de la constitution de la "pé_<br />

riphérie d'Abidjan comme une région économique, se détachant<br />

de l'espace indifférencié de l'arrière pays abidjanais.


- 37 -<br />

Nous n'entendons pas pour autant entreprendre ici une<br />

étude exhaustive du milieu ; des spécialistes nous ont précédé<br />

dans ce domaine. Nous n'aborderons que les aspects pouvant<br />

être mis en relation avec l'activité agricole. Ce premier cha­<br />

pitre sera consacré à l'inventaire des ressources naturelles.<br />

1 - UN MILIEU AISEMENT MIS EN VALEUR<br />

La contrainte majeure de l'agriculture en pays sous­<br />

développé demeure la maîtrise du milieu naturel. A la qualité<br />

médiocre des sols facilement érodables, il faut ajouter les pro­<br />

blèmes d'eau <strong>et</strong> de climat très difficiles à dompter en l'absen­<br />

ce de technologies appropriées. Oans le cas de la Basse Côte<br />

quels sont les atouts <strong>et</strong> les freins majeurs à la mise en valeur<br />

du sol ?<br />

a) Le climat, contrainte majeure du milieu<br />

Par sa situation, la Côte d'Ivoire connaît des<br />

climats chauds <strong>et</strong> humides qui servent de transition entre les<br />

climats équatoriaux humides <strong>et</strong> les climats tropicaux secs.<br />

Les températures moyennes annuelles varient peu<br />

d'une saison à l'autre <strong>et</strong> les amplitudes thermiques dépassent<br />

rarement SoC dans le sud du pays.<br />

Les saisons en Côte d'Ivoire sont dites hydri­<br />

ques c'est-à-dire qu'elles sont déterminées par le rythme des<br />

pluies. C'est l'importance de ces pluies qui a permis à G.<br />

Rougerie de distinguer six nuances climatiques dans le massif<br />

forestier ivoirien, nuances que l'auteur nomme "Faciès".


Il distingue<br />

- le faciès littoral<br />

- le faciès intérieur<br />

- le faciès oriental<br />

- le faciès occidental<br />

- le faciès dorsalien<br />

- le faciès marginal.<br />

- 38 -<br />

Notre zone d'étude est centrée sur le faciès<br />

littoral <strong>et</strong> sur une partie des faciès oriental <strong>et</strong> intérieur qui<br />

occupent les fra nges nord-est <strong>et</strong> nord-ouest d'Anyama <strong>et</strong> Dabou.<br />

Voyons dans le détail les caractéristiques es­<br />

sentielles de ces trois faciès climatiques.<br />

Le faciès littoral: il s'étend entre Sassandra à l'ouest<br />

<strong>et</strong> Bassam à l'est. Il correspond en gros à l'échancrure de la<br />

Côte ivoirienne, à l'endroit où les alizés de l'hémisphère aus­<br />

tral deviennent parallèles à la côte. Plus humide dans sa par­<br />

tie sud, ce faciès devient sec au niveau de Dabou <strong>et</strong> de Bonoua<br />

où il détermine une végétation de savane.<br />

Le faciès littoral est caractérisé par:<br />

- de fortes pluviométries réparties sur deux<br />

saisons de pluies en alternance avec deux<br />

saisons sèches de très courte durée.<br />

- une humidité atmosphérique très élevée, cons­<br />

tamment au-dessus de 90 % en périodes plu­<br />

vieuses <strong>et</strong> autour de 70 % en saison sèche.<br />

- une température relativement peu élevée <strong>et</strong><br />

constante oscillant entre 24° <strong>et</strong> 28° C<br />

- une influence quasi permanente des brises de<br />

mer.


- 40 -<br />

période d'acalmie au cours des mois d'Août <strong>et</strong> septembre; octo­<br />

bre <strong>et</strong> novembre voient les hauteurs de pluies s'accroître bru­<br />

talement avant de chuter en décembre. Si à Abidjan, ces deux<br />

saisons des pluies sont bien marquées, ailleurs c<strong>et</strong>te distinc­<br />

tion est aléatoire, soit parce que la p<strong>et</strong>ite saison "sèche" se<br />

prolonge jusqu'à la grande saison "sèche" ou alors c'est la pé­<br />

riode des grandes pluies qui fait "disparaître" la période "sè­<br />

che" d'Août <strong>et</strong> septembre. Ces cas s'observent de manière cycli­<br />

que, environ tous les dix ans.<br />

Les saisons "sèches": s'intercalent entre les sai-<br />

------------------sons<br />

des pluies, la plus p<strong>et</strong>ite survenant aux mois d'août <strong>et</strong><br />

septembre.<br />

La grande période "sèche" commence en décembre<br />

<strong>et</strong> s'installe dans le sud jusqu'en mars. Cependant grâce à<br />

une humidité atmosphérique très élevée <strong>et</strong> largement compensa­<br />

trice, le terme de "saison sèche" au sens de Gaussen ne paraît<br />

pouvoir s'appliquer qu'aux mois de janvier <strong>et</strong> février durant<br />

lesquels les hauteurs de précipitations sont inférieures à deux<br />

fois la moyenne mensuelle des températures observées. (Voir cour­<br />

bes ombro-thermiques).<br />

Les stations météorologiques d'Abidjan-aéroport,<br />

d'Adiopodoumé <strong>et</strong> de Dabou illustrent la situation climatique de<br />

l'extrême sud. (Voir tableaux nO 1 <strong>et</strong> nO 2).


- 44 -<br />

Ces tableaux suscitent quelques remarques :<br />

Même pendant les mois très secs, on enregistre dans les<br />

trois stations plus de trois jours de pluie en moyenne men­<br />

suelle.<br />

- Pendant la saison pluvieuse, le mois de juin est le plus<br />

arrosé <strong>et</strong> presque partout, on atteint vingt jours de pluie.<br />

- Le tableau nO 1 montre que le mois d'avril est plus arrosé<br />

à Dabou que dans les autres stations ; cependant on constate<br />

sur le tableau nO 2 qu'à Dabou, la moyenne mensuelle des jours<br />

pluvieux est inférieure à celle des stations voisines, preuve<br />

de l'intensité des premières pluies au voisinage de Dabou.<br />

- La p<strong>et</strong>ite saison sèche est ressentie de la même manière<br />

dans les trois stations, avec une chute notable des pluies<br />

malgré sa situation plus continentale, la station de Dabou en­<br />

registre la plus grande hauteur de pluie en septembre.<br />

Les chiffres de ces deux tableaux fournissent<br />

des indications sur les mois nécessitant une irrigation arti­<br />

ficielle. On ne peut désigner ces mois qu'en référence aux<br />

exigences très divergentes des plantes cultivées en Basse<br />

Côte.<br />

Deux masses d'air d'influences contraires sem­<br />

blent être à la base du mécanisme pluviométrique en Côte d'I­<br />

voire: il s'agit de l'alizé boréal qui amène du nord un vent<br />

sec <strong>et</strong> chaud, chargé de fines particules de poussières <strong>et</strong> des<br />

masses d'air chaud <strong>et</strong> humide de l'océan atlantique.<br />

Ces deux masses d'air sont de température pres­<br />

que égale <strong>et</strong> ne se différencient que par leur teneur en humidi­<br />

té. La circulation de ces masses d'air dépend de la situation<br />

de la dépression thermique saharienne <strong>et</strong> de l'anticyclone de<br />

Saint' Hélène ; elles se déplacent en liaison avec les mouvements


- 45 -<br />

apparents du soleil, de sorte qu'en août <strong>et</strong> septembre le front<br />

pluviométrique se trouve au nord de la Côte d'Ivoire qui re­<br />

çoit alors ses maxima pluviométriques, tandis que le sud ne<br />

reçoit que des crachins.<br />

Localement, la côte joue un rôle dans la répar­<br />

tition de la pluie. Ainsi en témoigne la carte des isohyètes.<br />

Sur les deux saillies (Tabou <strong>et</strong> Aboisso) de la côte ivoirienne,<br />

on enregistre des moyennes annuelles de plus de 2 000 mm de<br />

pluie. Dans l'échancrure cotière qui commence grossièrement<br />

après Sassandra pour s'estomper après Bassam, on enregistre<br />

des moyennes très n<strong>et</strong>tement inférieures à celles observées à<br />

l'ouest <strong>et</strong> à l'est de la même côte.<br />

Ce constat reste valable même au niveau d'une<br />

observation mensuelle des isohyètes.<br />

Ces "faiblesses" locales de pluviométrie se­<br />

raient le fondement des savanes littorales de Dabou, Bassam,<br />

Bonoua <strong>et</strong> Eloka.<br />

De telles affirmations restent à vérifier puis­<br />

qu'au-delà de ces savanes, les mêmes quantités de pluies entre­<br />

tiennent des paysages plus fournis. Le chapitre suivant pour­<br />

rait nous éclairer sur l'existence de ces savanes.<br />

On remarquera sur les trois cartes, la disposi­<br />

tion des isohyètes: si en janvier <strong>et</strong> juin les lignes d'égale<br />

intensité pluviométrique ont une disposition quasi horizonta­<br />

le, on s'aperçoit qu'au niveau annuel, on a deux orientations<br />

la première est méridienne <strong>et</strong> les courbes descendent jusqu'au<br />

sud du "V" baoulé. La deuxième orientation est du type sud­<br />

sud-ouest; est-nord-est.<br />

Comme on le voit, la Basse Côte est dans l'en­<br />

semble bien arrosée. Les saisons sèches sont peu marquées <strong>et</strong><br />

très peu sévères; en général, elles sont compensées par une


- 46 -<br />

MOYENNES AN NUELLES<br />

DE PLUIES<br />

limit.<br />

nord d. la forit<br />

MOYENNES MENSUELLES DE FRECIPlTMIONS<br />

JAN VI ER<br />

JUIN<br />

station pLuviométrique


- 47 -<br />

hygrométrie rarement inférieure à 60 %. En suivant Gaussen,<br />

les courbes ombra-thermiques révèlent que seuls les mois de<br />

janvier <strong>et</strong> février sont secs, auxquels on pourrait occasion­<br />

nellement ajouter août <strong>et</strong> septembre (voir graphiques).<br />

Si donc, le climat ne constitue pas à première<br />

vue un obstacle pour l'activité agricole, qu'en est-il des autres<br />

éléments du milieu naturel ?<br />

2. UNE VEGETATION VARIEE SUR DES SOLS PROFONDS MAIS<br />

FRAGILES<br />

Nous avons choisi d'étudier ces deux éléments<br />

ensemble car des études menées par l'ORSTOM perm<strong>et</strong>tent d'éta­<br />

blir une relation entre le sol <strong>et</strong> la formation végétale. Ainsi<br />

sur les sols sabla-argileux à sables grossiers se développent<br />

des espèces végétales différentes de celles qui poussent sur<br />

les sols hydromorphes. L'activité agricole dépendra de la na­<br />

ture des sols; il importe donc d'étudier les divers sols ren­<br />

contrés en Basse Côte pour en connaître les caractéristiques<br />

<strong>et</strong> leur répartition.<br />

Une analyse globale des sols ne r<strong>et</strong>iendra<br />

de notre zone d'étude que l'aspect sablonneux <strong>et</strong> hydromorphes<br />

des horizons <strong>et</strong> les phénomènes de lixiviation <strong>et</strong> d'induration<br />

des sols. Dans le détail on note de nombreux sous-groupes <strong>et</strong><br />

complexes de sols comme l'indique la carte des sols obtenue<br />

à partir des informations de la SODEMI <strong>et</strong> des cartes d'ensem­<br />

ble de l'ORSTOM (le milieu naturel en Côte d'Ivoire).<br />

Gabriel Rougerie établit une relation étroi­<br />

te entre le climat <strong>et</strong> les sols ivoiriens, ce qui lui perm<strong>et</strong> de


- 49 -<br />

distinguer les sols ferrallitiques - qui couvrent l'essentiel<br />

du pays - des sols ferrugineux tropicaux du nord-est de la<br />

Côte d'Ivoire.<br />

Les sols ferrallitiques qui nous intéressent<br />

sont subdivisés en trois sous groupes :<br />

- Les sols ferralitiques fortement désaturés correspondent,<br />

d'après G Rougerie aux isohyètes supérieurs à 1 500 mm/an.<br />

- Les sols ferrallitiques moyennement désaturés se rencontrent<br />

dans les zones où il tombe moins de 1 500 mm de pluie avec tou­<br />

tefois une moyenne très au-dessus de 1 200 - 1 300 mm.<br />

- Enfin les sols ferrallitiques indurés qui se superposent<br />

aux courbes de pluies de 1 200 mm/an <strong>et</strong> moins.<br />

Les sols ferrallitiques désaturés comportent<br />

des manteaux assez épais, développés dans les régions les plus<br />

humides, leur profil présente assez souvent un bon développe­<br />

ment des horizons B,C; L'altération très poussée des minéraux<br />

libère le fer, le manganèse <strong>et</strong> même l'aluminium, conférant aux<br />

horizons B <strong>et</strong> C une coloration jaune à rouge ocre, tandis que<br />

l'horizon de surface est noyé sous des matières organiques<br />

grâce à une biomasse importante, décomposée par les nombreuses<br />

bactéries de la zone intertropicale.<br />

Deux principaux phénomènes affectent les<br />

sols de la Basse Côte: le remaniement <strong>et</strong> l'appauvrissement.<br />

A l'origine du remaniement, il y aurait l'ac­<br />

tion de la faune,de l'homme, l'érosion superficielle <strong>et</strong> la chu­<br />

te des arbres. Des remaniements de plus forte amplitude sont<br />

issus d'un démantellement d'anciennes surfaces <strong>et</strong> la redistri­<br />

bution des éléments allochtones sur un nouveau substrat.


- 50 -<br />

Le processus d'appauvrissement qui affecte les horizons<br />

superficiels serait dû à une abondante pluviométrie entraînant<br />

en profondeur les matières humifères de surface.<br />

La carte des sols perm<strong>et</strong> de distinguer les unités sim­<br />

ples de sols <strong>et</strong> des complexes de sols .<br />

. Les unités simples de sol sont représentées par les sols<br />

ferrallitiques appauvris en argile, remaniés ou typiques issus<br />

de sables tertiaires, de schistes <strong>et</strong> de granite.<br />

- Dans l'ensemble de notre domaine d'étude, les sols<br />

sur sables tertiaires occupent plus des deux tiers des superfi­<br />

cies mises en valeur. Les explications de c<strong>et</strong>te occupation sont<br />

à rechercher dans la qualité agro-pédologique des divers hori­<br />

zons.<br />

- A côté des sols sur sables tertiaires, il y a les sols<br />

appauvris sur schistes basés dans la partie septentrionale de<br />

notre zone. Ce sont les sols de la région d'Anyama (nord Anya­<br />

ma) <strong>et</strong> qui s'étirent entre le Bandama à l'ouest <strong>et</strong> la Mé à l'est.<br />

Leur étendue ne dépasse guère 50 km en latitude. C'est dans ces<br />

terres que s'est développée la culture bananière de Yapo, Aza­<br />

guié, Anyama <strong>et</strong> Sikensi.<br />

- Aux deux extrêmités nord <strong>et</strong> sud de la savane de Dabou,<br />

on rencontre des sols appauvris sur sables terciaires remaniés<br />

caractérisés par la présence en surface de gravillons plus ou<br />

moins grossiers reposant sur un substrat ferrallitique.<br />

- Au niveau des sols sur schistes du nord, on observe<br />

des intrusions de sols typiques modaux sur granites. Ces sols<br />

sont dits typiques, car rien ne semble les avoir affectés au<br />

point de leur faire perdre leur caractère initial issu de la<br />

roche mère sous-jacente. Ce sont des sols de profil variable,<br />

dépourvus d'éléments grossiers <strong>et</strong> profonds, de texture sablo-


- 51 -<br />

argileuse en surface. Moyennement désaturés, ces sols sont<br />

assez bien pourvus en base.<br />

Les complexes de sol sont représentés par les sols hydro­<br />

morphes <strong>et</strong> les sols podzoliques.<br />

- Les sols hydromorphes occupent les marais de l'Agne­<br />

bY,dans la large vallée du Nieky <strong>et</strong> constituent une limite na­<br />

turelle entre les sous-préfectures de Dabou <strong>et</strong> d'Anyama d'une<br />

part <strong>et</strong> d'autre part entre Dabou <strong>et</strong> Bingerville.<br />

Dans ce groupe de sols, l'on distingue généralement<br />

les sols hydromorphes minéraux issus des alluvions des fleuves<br />

<strong>et</strong> grandes rivières <strong>et</strong> les sols hydromorphes organiques des ma­<br />

récages issus d'alluvions <strong>et</strong> d'accumulations organiques.<br />

- Les complexes de sols podzoliques couvrent le cor­<br />

don littoral compris entre le vaste système lagunaire <strong>et</strong> l'océan<br />

atlantique. Ce sont des sols ferrallitiques peu évolués issus<br />

de sables quaternaires avec un engorgement fréquent, la nappe<br />

d ' eau étant peu pro f 0 nde, leu r mis e e n cult ure est t r è s peu f a vOr a ­<br />

ble, exception faite du cocotier, seule culture qu'on y rencon­<br />

tre .<br />

. Les sables marins signalés sur notre carte sont classés<br />

comme des sols peu évolués d'apport marin, comprenant des coquillages<br />

<strong>et</strong> autres fossiles marins. Leur rôle économique est<br />

cependant indéniable car très fins <strong>et</strong> propres, ils embellissent<br />

les plages <strong>et</strong> servent dans la construction. Ils bordent l'océan<br />

depuis l'est de Fresco jusqu'à la frontière du Ghana. Des aménagements<br />

touristiques peuvent perm<strong>et</strong>tre d'en tirer de nombreux<br />

profits, à l'image du Club Méditerranée.<br />

Quelle que soit la nature du substrat, les sols


- 52 -<br />

de la Bas$e Côte sont caractérisés par une profondeur remar­<br />

quable des horizons B <strong>et</strong> C. L'épaisseur de l'horizon de sur­<br />

face dépend de l'action du ruissellement <strong>et</strong> de l'importance<br />

de la biomasse.<br />

Très souvent la polymérisation de l'horizon<br />

superficiel n'étant pas très poussée, on a des sols où la ma­<br />

tière organique est peu décomposée en surface, du moins pas<br />

suffisamment pour que les minéraux soient libérés au profit<br />

des plantes. Dans le cas d'une bonne décomposition, l'eau de<br />

pluie particulièrement active, entraîne les nodules de terre<br />

fertile en profondeur, ce qui a pour conséquence la colora­<br />

tion en noir ou brun ocre de l'horizon A.<br />

Sur des sables tertiaires, l'argile jouera le<br />

plus grand rôle dans la rétention de l'eau. Ainsi la fertili­<br />

té du sol sera très souvent liée au taux d'argile contenue<br />

dans les horizons A <strong>et</strong> B. Un fort taux d'argile conduit à l'en­<br />

gorgement des sols puis à l'étouffement des plantes ; à l' inver­<br />

se un taux trop faible a pour eff<strong>et</strong> de perm<strong>et</strong>tre une trop gran­<br />

de perméabilité du sol.<br />

On adm<strong>et</strong> généralement qu'un taux de 15 à 25 %<br />

en argile est nécessaire aux sols sur sables tertiaires pour<br />

l'activité agricole. C'est ce qui explique en partie l'inten­<br />

se occupation des terres autour de Dabou <strong>et</strong> celles de Binger­<br />

ville.<br />

La diversité des sols a été pour nous un frein<br />

à l'étude technique de détail; nous ne nous sommes intéressé<br />

qu'aux aptitudes culturales des sols de la Basse Côte.<br />

Dans l'ensemble, les sols de l'extrême sud ivoi-<br />

rien ont une fertilité bonne à médiocre, surtout les zones peu<br />

gravillonnaires.Presque tous profonds, ces sols ont de bonnes<br />

propriétés physiques. Néanmoins on note une plus grande acidi­<br />

té en surface qu'en profondeur <strong>et</strong> l'action du ruissellement


- 53 -<br />

ne favorise pas une décomposition suffisante des matières humi­<br />

fères. La présence de sables perm<strong>et</strong> un écoulement en profondeur<br />

<strong>et</strong> une forte désaturation de l'horizon B moins acide que l'ho­<br />

rizon A. La légèr<strong>et</strong>é des sols de la Basse Côte en fait des sols<br />

bien drainants <strong>et</strong> aptes aux cultures industrielles dont les be­<br />

soins seront spécifiés plus loin.<br />

Les cultures de café <strong>et</strong> cacao y réussissent moins<br />

bien car ces deux cultures ont besoin d'un sol moins poreux.<br />

Les sols hydromorphes de bas-fonds <strong>et</strong> de maréca­<br />

ges se prêtent mieux à la culture du riz (expérience dans la<br />

plaine de Dabou) <strong>et</strong> de la banane, mais nécessitent un apport<br />

d'engrais pour compenser les faibles teneurs en azote <strong>et</strong> en phos­<br />

phore. Le PH est particulièrement acide dans les sols hydromor-<br />

ph es organiques.<br />

La profondeur de ces sols ne doit pas masquer<br />

leur fragilité; fragilité liée à la nature du substrat, à<br />

la pente <strong>et</strong> à l'intensité des activités agricoles <strong>et</strong> de la<br />

pluie. Le relief peu marqué du sud révèle tout de même une lé­<br />

gère inclinaison vers la côte; ajouté à cela, les techniques<br />

modernes de défrichement constituent un facteur d'érosion ra­<br />

pide.<br />

Dans la partie nord de notre domaine d'étude,<br />

les sols ferrallitiques sur schistes présentent par endroits<br />

des concrétions issues de l'alternance de la pluie <strong>et</strong> de l'en­<br />

soleillement.<br />

Les nombreuses rigoles, les éboulements de ter­<br />

rains <strong>et</strong> la quantité de sables rencontrés à l'embouchure des<br />

cours d'eau côtiers témoignent de l'action destructrice de la<br />

pluie <strong>et</strong> de la fragilité d'un sol aujourd'hui surexploité.<br />

De nombreuses relations existent entre les di­<br />

vers types de sols <strong>et</strong> la végétation très variée de la Basse<br />

Côte.


- 54 -<br />

La végétation joue un rôle économique très<br />

important pour la Côte d'Ivoire. C'est dans c<strong>et</strong>te partie du pays<br />

qu'ont été coupées les premières billes de bois expédiées vers<br />

l'Europe, au début de ce siècle. C<strong>et</strong>te végétation a aussi influen­<br />

cé l'implantation humaine; Assa Koby, dans son étude sur la lo­<br />

gique de l'espace Adjoudrou, a établi une hiérarchie entre les<br />

éléments du milieu. Le schéma que nous avons r<strong>et</strong>enu plus loin<br />

résume une partie de son travail <strong>et</strong> fait ressortir qu'un villa­<br />

ge ne se localisait pas au hasard.<br />

Notre carte de végétation est un peu désuète<br />

car les sources disponibles ne datent pas de moins de dix ans.<br />

Nous avons donc essayé - grâce à un travail de complètement sur<br />

le terrain - de respecter la réalité présente. C<strong>et</strong>te carte fait<br />

ressortir que notre domaine d'étude fait partie intégrante de<br />

la forêt ombrophile ivoirienne calquée sur la pluviométrie <strong>et</strong><br />

aussi sur les types de sols. Ainsi la zone des sables tertiaires<br />

correspond à celle de la végétation "artificielle" comprenant les<br />

cultures industrielles <strong>et</strong> traditionnelles. La partie littorale<br />

comprise entre l'océan <strong>et</strong> les lagunes porte les cultures de co­<br />

cotiers, tandis que les marais de l'Agneby sont occupés par un<br />

type très caractéristique de végétation. Les savanes de Dabou<br />

<strong>et</strong> de Bingerville ont des essences particulières. Par endroit<br />

subsistent encore des lambeaux de forêt primaire qui doivent leur<br />

survie à des décr<strong>et</strong>s présidentiels.<br />

Dans l'ensemble, la végétation naturelle très<br />

fermée est composée de grands arbres atteignant 30 à 50 m de hau­<br />

teur, entrelacés de lianes <strong>et</strong> couverts d'épiphytes très nombreux.<br />

Le tapis graminéen généralement rare est constitué d'espèces à<br />

larges feuilles. Dans c<strong>et</strong>te forêt ombrophile, on rencontre de<br />

nombreuses essences très recherchées par les exploitants fores­<br />

tiers; parmi celles-ci, on peut citer l'Avodiré (Turraeanthus<br />

africanus), le Niangon (Tarri<strong>et</strong>ia utilis) le Doussié (Afzelia


- 56 -<br />

bella) l'Acajou de Bassam (Khaya ivorensis) <strong>et</strong> le fromager<br />

(ceiba Pentandra) ; plus courant dans les forêts semi-décidues,<br />

le fromager pousse en Basse Côte après les défrichements.<br />

Outre l'existence de plantes parasites, le<br />

phénomène de cauliflorie caractérise la forêt sempervivente. Le<br />

couvert végétal entr<strong>et</strong>ient au sol une humidité quasi permanente<br />

donnant à l'air ambiant une hygrométrie rarement inférieure à<br />

70 %. Les arbres renouvellent sans cesse leur feuillage à l'ex­<br />

ception de quelques rares espèces telles le fromager <strong>et</strong> le Bosse<br />

(Guaréa Cedrata) localisés aux abords de la forêt semi-décidue.<br />

Ces deux espèces perdent leurs feuilles pendant la grande sai­<br />

son sèche (décembre à mi-mars).<br />

La plaine de l'Agneby comporte un paysage de<br />

marécage sur des sols de bas-fonds mal drainés <strong>et</strong> à hydromorphie<br />

permanente. Les espèces caractéristiques sont les Mitragyna Ci­<br />

liata <strong>et</strong> les Symphonia Globulifera. C<strong>et</strong>te végétation contraste<br />

fortement avec la forêt ombrophile ci-dessus décrite une sta­<br />

tification simple <strong>et</strong> homogène, une strate arborescente peu éle­<br />

vée mais dense avec un sous-bois riche en grandes herbes très<br />

vigoureuses, peu ou pas de lianes, absence de contreforts mais<br />

de nombreuses racines à échasses.<br />

C<strong>et</strong>te formation végétale se rencontre aussi<br />

sur les bords de lagune <strong>et</strong> le long des cours d'eau. Le Raphia<br />

SPP., genre de palmier est caractéristique de ce groupement flo­<br />

ristique <strong>et</strong> on le rencontre sur les sols dont l'engorgement est<br />

permanent. Son rôle économique est indéniable comme l'a souligné<br />

Assa Koby.<br />

Les savanes prélagunaires d'Eloka, 8ingerviJ.-<br />

le, Dabou, Toupah <strong>et</strong> de Cosrou sont le domaine des grandes her­<br />

bes <strong>et</strong> d'arbustes très dispersés (Ficus Capensis, Naucléa Lati­<br />

folia ... ) Parmi les herbes, on peut citer les Panicum Fulgens,


- 57 -<br />

l'Andropogon pseudapricus <strong>et</strong>c ... ). Par endroitson note la pré­<br />

sence de Rôniers (Borassus A<strong>et</strong>hiopum).<br />

Soumises à une activité agricole très inten­<br />

se, ces espaces forestiers sont en constante mutation. Lorsque<br />

la durée de la jachère le perm<strong>et</strong>, on assiste à la reconstitu­<br />

tion du couvert végétal. Très rarement on aboutit à la situation<br />

de départ. C<strong>et</strong>te reconstitution se fait en trois étapes bien con­<br />

nues.<br />

- On voit d'abord les recrûs herbeux. Ils suivent l'abandon de<br />

la parcelle, avec l'apparition d'espèces héliophiles composées de<br />

lianes <strong>et</strong> de graminées. Les vieilles souches d'arbres qui ont<br />

résisté au feu repoussent en de nombreuses touffes.<br />

- L'humidité entr<strong>et</strong>enue au sol par les lianes <strong>et</strong> les herbes per­<br />

m<strong>et</strong> la pousse d'espèces ligneuses sous la forme de fourrés inex­<br />

tricables.<br />

- Ces fourrés, par leur densité donneront la forêt secondaire,<br />

si entr<strong>et</strong>emps le paysan ne redéfriche pas la parcelle pour les<br />

champs de manioc <strong>et</strong> de mais.<br />

3 - UN RELIEF PEU MARQUE, DES CONTRAINTES LOCALISEES POUR<br />

LA MECANISATION AGRICOLE<br />

Le relief de la Basse Côte est parmi les plus difficiles<br />

à étudier, Dans l'ensemble, il ne se dégage aucune forme d'orga­<br />

nisation pouvant perm<strong>et</strong>tre une analyse du relief. On remarque en<br />

qros une orientation nord-sud avec de nombreuses nuances qui tra­<br />

duisent l'aspect désordonné du relief. Dans le détail, on note<br />

un étagement de quelques bas plateaux plus élevés au nord d'Anya­<br />

ma (60 à BD m <strong>et</strong> même jusqu'à 100 ml. Au sud de c<strong>et</strong>te localité,<br />

les altitudes atteignent rarement 80 m.


- 60 -<br />

notre développement. Mais pour l'heure, il est essentiel de rap­<br />

peler la mise en place des populations de la Basse Côte car ces<br />

peuples en s'installant ont élaboré des stratégies d'occupation<br />

de l'espace, afin de se constituer des réserves de terres. Au­<br />

jourd'hui, malgré les mouvements de population, il est facile<br />

d'isoler les aires d'occupation, chaque groupe <strong>et</strong>hnique ayant<br />

inscrit ses empreintes dans les divers paysages tout en cherchant<br />

à se préserver de l'amalgame.<br />

1 - LES VAGUES SUCCESSIVES DE MIGRATIONS EN BASSE COTE<br />

dié ; ce sont :<br />

Quatre principales <strong>et</strong>hnies se partagent l'espace étu­<br />

- Les Adjoukrou( 1) de la sous-préfecture de Dabou.<br />

- Les Ebrié, voisins de l'est des Adjoukrou sont installés entre<br />

l'Agneby (fleuve) <strong>et</strong> la Mé, autre fleuve à l'est de Bringerville.<br />

- Les Attié sont basés dans la sous-préfecture d'Anyama.<br />

- Les Abouré se répartissent entre Bassam, Mossou <strong>et</strong> Bonoua.<br />

A ces groupes, il faut ajouter les <strong>et</strong>hnies de moindre<br />

importance numérique que sont les Eotilé, les M'bato <strong>et</strong> les Ap­<br />

polo de la ville de Bassam. En fait, les Appolo de souche gha­<br />

néenne sont arrivés à Bassam très récemment, de sorte qu'une<br />

grande partie de c<strong>et</strong>te tribu se trouve encore à l'extrême sud<br />

est de la Côte d'Ivoire. Ils entr<strong>et</strong>iennent des relations avec<br />

des parents restés au ghana.<br />

Chaque groupe <strong>et</strong>hnique est subdivisé en sous-groupes<br />

appelés tribus. A l'intérieur de la tribu, les individus ont une<br />

communauté de langue, de comportement <strong>et</strong> le même chef-lieu <strong>et</strong>hno­<br />

politique. De ce point de vue, le groupe <strong>et</strong>hnique est une fédé­<br />

ration de p<strong>et</strong>its pouvoirs locaux ayant des rapports de dépendance<br />

(1) DU Odjoukrou.


- 63 -<br />

à travers la forêt du sud-est ivoirien, autour d'un vaste sys­<br />

tème lagunaire allant de Bassam au fleuve Bandama ; ce qui leur<br />

vaut le nom de peuples Akan lagunaires. En fait, les Attié sont<br />

plus continentaux que les trois autres peuples <strong>et</strong> ne bénéficient<br />

que de la présence de quelques lagunes isolées - notamment la<br />

lagune Adjin dont les bords sont habités par les Tson.<br />

On remarque que la carte des <strong>et</strong>hnies n'épouse pas tous<br />

les contours de la région géographique délimité plus haut. Cela<br />

s'explique par deux raisons<br />

- d'abord l'étude que nous avons entreprise n'est pas calquée<br />

sur l'agencement spatial des groupes <strong>et</strong>hniques déterminés. Notre<br />

espace est un espace économique de sorte que sa délimitation n'o­<br />

béit pas à des critères sociologiques.<br />

- La seconde raison est qu'il existe des zones vides d'homme, no­<br />

tammentdans le nord-ouest de la sous-préfecture de Dabou ; de<br />

sorte qu'en faisant apparaître uniquement les zones d'habitat,on<br />

aboutit à la carte que nous avons obtenue.<br />

La deuxième remarque qu'on peut faire concerne la pré­<br />

sence sur la carte de deux groupes <strong>et</strong>hniques auxquels nous avons<br />

accordé peu de place en raison de leur importance numérique très<br />

négligeable; il s'agit des M'BATO <strong>et</strong> des EOTILE.<br />

Les premiers cités sont un sous groupe Ebrié <strong>et</strong> la dif­<br />

férenciation des deux communautés tient très certainement de<br />

l'histoire des migrations. Les M'Bato parlent la langue Ebrié<br />

mais ils veulent qu'on leur reconnaisse une originalité en tant<br />

que peuple à part entière. Ils tiennent à souligner leur entité<br />

de groupe originel.<br />

Les Eotilé, coincés entre les Ebrié à l'ouest, les<br />

M'Bato au nord <strong>et</strong> les Abourés au sud <strong>et</strong> à l'est, ne représentent<br />

que quelques centaines d'âmes <strong>et</strong> vivent principalement de la pê­<br />

che en mer <strong>et</strong> sur les lagunes environnantes. Leur origine est


- 64 -<br />

encore mal définie. Il semblerait qu'ils soient originaires du<br />

Togo <strong>et</strong> ou de l'actuel Benin; pêcheurs de tradition, ils se<br />

sont installés dans c<strong>et</strong>te région de frontière <strong>et</strong>hnique généra­<br />

lement inoccupée.<br />

En affinant l'analyse de la carte, il apparaît que les<br />

<strong>et</strong>hnies sont subdivisées en sous-groupes.<br />

Ces subdivisions n'intéressant pas directement notre<br />

propos, nous les avons simplement notées à titre d'information<br />

sur la carte. Néanmoins il convient de les avoir en esprit pour<br />

comprendre les "luttes" pour la maîtrise de l'espace agricole.<br />

A-l'émi<strong>et</strong>tementNdu groupe Ebrié, s'oppose le regroupement des<br />

Adjoukrou au sein de deux confédérations: les Dibemein ou Di­<br />

brimou comprenant les Lopou, les Armabê <strong>et</strong> les Dibrimou du vil­<br />

lage centre <strong>et</strong> la confédération des Dboru ou les Bouboury avec<br />

les Badien, les Akradio, les Osrou, les Orbaf <strong>et</strong> les Bouroury ;<br />

Bouboury étant le village-mère.<br />

Les Attié de notre espace ne sont qu'une partie de c<strong>et</strong>­<br />

te <strong>et</strong>hnie dont la plus importante partie est centrée sur Alepé,<br />

Adzopé <strong>et</strong> Akoupé au nord-est de la carte.<br />

Les Ebrié subdivisés en neuf sous-groupes sont généra­<br />

lement rassemblés au sein de cinq grandes tribus :<br />

habitent.<br />

- les Abobo<br />

- les Adiopo<br />

- les Akoué<br />

- les Song on<br />

- <strong>et</strong> les Yopougon.<br />

Ces tribus ont donné leur nom aux localités qu'elles<br />

Malgré un certain mélange, il est encore possible de<br />

discerner les aires d'influence de chaque tribu, car chacune


- 65 -<br />

a marqué le paysage de sa civilisation agricole particulière.<br />

C<strong>et</strong>te empreinte dans le paysage tient aussi aux stratégies<br />

d'occupation de l'espace; c'est pourquoi nous allons tenter<br />

d'analyser la distribution des populations sur la portion de<br />

territoire concernée par nos recherches afin de déterminer le<br />

poids de la démographie sur l'espace économique.<br />

2 - lA REPARTITION DE lA POPULATION AU DERNIER RECENSEMENT<br />

NA TIONAl<br />

l'espace considéré s'étend sur 3 690 km 2 soit un peu<br />

moins de 2 % du territoire ivoirien <strong>et</strong> regroupe en 1975, date<br />

du dernier recensement exhaustif de la population, 1 155 618<br />

habitants soit le sixième de la population totale du pays. Glo­<br />

balement, 84,02 % de c<strong>et</strong>te population est urbaine soit 971 055<br />

habitants.<br />

Cependant, une partie de la population localisée dans<br />

les villes vit d'activités agricoles; elle peut être estimée<br />

de 15 % à 20 % de la population de chaque ville (d'après les<br />

études du Ministère des finances). Nous avons aj outé c<strong>et</strong>te frac­<br />

tion d'urbains à la population rurale pour constituer la popu­<br />

lation rurale totale qui s'élève alors à 227 347 habitants. le<br />

taux d'urbanisation tombe ainsi à BO,33 % mais perm<strong>et</strong> à l'espa­<br />

ce d'étude d'être le plus urbanisé de la Côte d'Ivoire.<br />

la densité rurale globale, calculée à partir de la po­<br />

pulation rurale uniquement, s'élève à 61,60 habitants au km 2 ,<br />

largement supérieure à la moyenne nationale qui tourne autour<br />

de 25 hbts/km 2 .<br />

Mais c<strong>et</strong>te densité globale ne traduit pas la réalité.<br />

Comme sur tout espace géographique, la population est très


1<br />

1<br />

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1 1,<br />

CENSEMBLE DES LOCALITES DE LA ZONE ETUDIEE<br />

[MANI(()HO<br />

LEGENDE<br />

-. CHEF-LIEU ET LIMITE DE DEIWlTEMEHT<br />

___ • VILLAGE CENTRE ET LIMITE DE SOUS-PREFECTURE<br />

• VILLAGE RATTACHE<br />

ROUTE A<br />

ROUTE B OU C<br />

0\<br />

0\


- 70 -<br />

Autour de Brofodoumé, d'Ahoué <strong>et</strong> d'Attiekoi apparaît<br />

un p<strong>et</strong>it noyau de peuplement très au-dessus de la moyenne na­<br />

tionale (plus de 50 hbts/km 2 ) ; ce qui interrompt le passage<br />

en douceur du noyau Attié vers l'est de la carte.<br />

Au sud de Bingerville, les densités restent relative­<br />

ment élevées (50 hbts/km 2 <strong>et</strong> plus) sur un large territoire qui<br />

se divise en trois branches: la première, au nord-est de Bin­<br />

gerville débouche sur la Mé, limite naturelle entre notre ré­<br />

gion <strong>et</strong> la sous-préfecture d'Alepé <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> un passage pro­<br />

gressif entre Ebrié de Bingerville <strong>et</strong> M'Bato de M'Batto Bouaké.<br />

Les deux autres branches formées au sud de Bingerville enca­<br />

drent de part <strong>et</strong> d'autre un secteur grossièrement elliptique<br />

centré sur l'axe Abidjan Bassam. C'est le domaine des cocote­<br />

raies <strong>et</strong> des zones innondables. Lors de nos sorties sur le ter­<br />

rain nous avons pu observer que ce secteur est devenu le domai­<br />

ne de l'aviculture intensive de sorte que si l'on procédait à<br />

un nouveau recensement de la population, on n'aboutirait pas à<br />

la situation exprimée sur nos cartes.<br />

A l'est de c<strong>et</strong>te ellipse, la proximité de Bassam con­<br />

tribue à l'élévation des densités (de -5 à +50 hbts/km 2 ) sur<br />

la frange à l'extrême sud-est de la carte.<br />

La carte des densités peut être complétée par celle de<br />

la localisation <strong>et</strong> de la taille des villages ; la carte des<br />

densités étant le refl<strong>et</strong> de celle de la distribution spatiale<br />

des villages. A l'analyse la seconde carte perm<strong>et</strong> de voir, à<br />

l'exclusion d'Abidjan, quatre taches plus grosses que les au­<br />

tres <strong>et</strong> représentant les villes de Dabou, Anyama Bingerville<br />

<strong>et</strong> Bassam.<br />

L'inÉgôle répôrtition de la population est encore<br />

plus n<strong>et</strong>te sur c<strong>et</strong>te seconde carte qui peut servir de méthode<br />

de représentation de la densité de peuplement d'un espace.<br />

C<strong>et</strong>te carte laisse entrevoir très clairement les secteurs


- 73 -<br />

. Enfin notre expérience du terrain nous a appris que les sta­<br />

tistiques ne peuvent perm<strong>et</strong>tre qu'une monographie d'un secteur<br />

à un temps bien déterminé car les espaces vides entre Abidjan<br />

<strong>et</strong> Bassam d'une part <strong>et</strong> la zone vide occidentale sont aUJour­<br />

d'hui habités par des paysans <strong>et</strong> des éleveurs qui y ont cons­<br />

truit des campements.<br />

Comme conséquence à ces faits de peuplement, la popu­<br />

lation manque de terres labourables puisque confinée sur la<br />

frange côtière avec de très fortes densités. Néanmoins on peut<br />

se demander si ces populations ont été contraintes à ces regrou­<br />

pements par suite de l'introduction des cultures d'exportation<br />

ou alors si ce sont ces plantations qui ont occasionné, par un<br />

appel de main-d'oeuvre, ces fortes densités. Ceci requiert une<br />

analyse des origines de la population de chaque localité, ana­<br />

lyse que nous entreprendrons plus loin.<br />

Les comptages administratifs de la population datant<br />

de 1940 perm<strong>et</strong>tent d'affirmer que l'extrême sud a toujours eu<br />

des densités supérieures à la moyenne nationale, même si au­<br />

jourd'hui on observe une élévation de ces densités. Comment<br />

dans ce cas, les populations ont résolu les problèmes fonciers<br />

qui ont dû se poser étant donné que l'agriculture itinérante,<br />

par ses longues jachères, fait appel à un espace agricole dis­<br />

ponible très vaste ? Nous répondrons à c<strong>et</strong>te question à travers<br />

les systèmes politiques <strong>et</strong> la gestion de l'espace traditionnel.<br />

Dans ce milieu où le foncier constituait l'instrument de domi­<br />

nation, l'organisation socio-politique doit être perçue à tra­<br />

vers les problèmes de maîtrise foncière.


militaires.<br />

- 75 -<br />

La structure sociale n'était pas aussi simple car en­<br />

tre les hommes libres <strong>et</strong> les esclaves, on avait la catégorie<br />

des "hommes gagés", terme créé par D. Boni pour désigner des<br />

hommes donnés en gage à un riche contre le payement d'une d<strong>et</strong>­<br />

te assez importante contractée par des nobles subitement deve­<br />

nus pauvres.<br />

Bien évidemment "l'homme gagé" devient une force de<br />

travail pour le créancier qui en dispose comme il l'entend.<br />

C<strong>et</strong>te structuration sociale proposée par D. Boni n'est<br />

pas très différente de celle de Memel Foté, si ce n'est que ce<br />

dernier y introduit la notion d'âge <strong>et</strong> insiste sur celle de la<br />

richesse. Même si les vieux tiennent une place importante dans<br />

c<strong>et</strong>te société Akan, il n'est pas toujours prouvé que le chef<br />

de la communauté soit le plus âgé. Bien sûr, le chef de terre<br />

est souvent le patriarche de la lignée, malS un vieux peut rè-<br />

gner par régence de nombreux exemples l'ont prouvé. Enfin la<br />

distinction entre individus peut être aussi d'ordre sexuel.<br />

Ainsi, bien que des femmes aient occupé de hautes fonctions<br />

jadis, les sociétés Akan font une distinction entre les hommes<br />

<strong>et</strong> les femmes ; elles ne peuvent pas sièger dans les assemblées.<br />

Ceci ne signifie pas que leur avis ne compte pas : elles sont<br />

consultées au foyer mais pas en public.<br />

Enfin, on notera une complexification de la société<br />

par suite de migrations, d'alliance <strong>et</strong> de l'immixion des colo­<br />

nisateurs dans la vie politique, religieuse <strong>et</strong> judiciaire des<br />

peuples concernés.<br />

On le voit donc très bien, la condition de l'indivi­<br />

du est déterminée par la naissance. On naît noble <strong>et</strong> on le<br />

reste; l'esclave a une descendance d'esclave quand c'est une


- 77 -<br />

d'état ou de royaume en tant que territoire aux contours dé­<br />

finis n'existe pas. La structure politique des sociétés lagu­<br />

naires est de type segmentaire, c'est-è-dire "une société"<br />

sans pouvoir politique centralisé, composé de sous ensembles<br />

qui ne sont pas hiérarchisés du point de vue économique mais<br />

seulement juxtaposés" (1 J.<br />

Ce trait caractérise la structure politique des quatre<br />

grandes <strong>et</strong>hnies de notre espace d'étude. Le plus vaste ensem­<br />

ble politique dans ces sociétés est la tribu, définie dans le<br />

premier vol<strong>et</strong> de ce chapitre. Chaque tribu occupe un espace dé­<br />

fini <strong>et</strong> comprend un nombre de villages très soudés politique­<br />

ment. Au sein de la tribu, il existe des liens historiques <strong>et</strong><br />

politiques très étroits allant de l'alliance simple è la suze­<br />

rain<strong>et</strong>é d'ur. groupe sur l'autre. Généralement les individus<br />

d'une même tribu ont le même ancêtre mythique.<br />

Les sociétés Adjoukrou <strong>et</strong> Ebrié présentent une parti­<br />

cularité sur les autres groupes : elles sont constituées en<br />

fédérations, (voir carte page J. L'exemple Adjoukrou en com­<br />

prend deux. La première, de loin la plus importante est la<br />

confédération des Bouboury ou Oboru <strong>et</strong> la seconde celle des<br />

Dibrimou ou Dibemein.<br />

Les Attié <strong>et</strong> les Abouré n'ont pas c<strong>et</strong>te structure po­<br />

litique, de sorte que chez eux chaque tribu vit de manière in­<br />

dépendante par rapport aux autres. On a pu voir lors des guer­<br />

res de pénétration les Abouré de Bonoua, résister héroïquement<br />

seuls, ne pouvant compter sur l'aide des Abouré de Moossou.<br />

Bien qu'alliées les unes aux autres, les tribus jouis­<br />

saient d'une indépendance totale dans la gestion des terroirs<br />

<strong>et</strong> des affaires propres au groupe. Si l'unité culturelle n'a<br />

pas créé des liens d'inféodation chez les Attié <strong>et</strong> les Abouré,<br />

è l'inverse on observe chez les Ebrié <strong>et</strong> les Adjoukrou l'im­<br />

portance des villages dits chefs-lieux dont le rôle est encore<br />

(1) Pouillon (F) (sous la direction de) L'anthropologie<br />

économique, courants <strong>et</strong> problèmes.- Paris, F. Maspero,<br />

1976, P. 86


- 78 -<br />

vivace: c'est là qu'on lieu les cérémonies d'initiation des<br />

classes d'âge, les assemblées <strong>et</strong> les rituels de la richesse<br />

chez les Adj oukrou( l J.<br />

La seconde différence entre Akan de l'hinterland <strong>et</strong><br />

lagunaires réside dans "les classes d'âge" qui caractérisent<br />

les lagunaires.<br />

b) Les classes d'âge<br />

C'est une institution propre à tous les Akan lagu­<br />

naires (Alladjan de Jacqueville, Abouré, Abbey d'Agboville,<br />

Attié, Ebrié, M' Batto, Abidj i <strong>et</strong>c... ). C<strong>et</strong>te institution très<br />

complexe par sa structure.a pour but de fournir des guerriers<br />

<strong>et</strong> des gardiens de la paix aux villages. Les modes de recrute­<br />

ment varient d'une tribu à l'autre - on notera seulement que<br />

l'individu mâle y est enrolé dès l'âge de 3 ans jusqu'à sa<br />

majorité - c'est-à-dire vers l'âge de 18 ans - on y distingue<br />

trois étapes réelles. Celle des jeunes en formation, puis la<br />

classe des jeunes adultes qui est en fait une armée de réserve<br />

<strong>et</strong> enfin celle des adultes mûrs, l'armée réelle qui peut livrer<br />

bataille le cas échéant. La classe des vieux très controvérsée<br />

selon les <strong>et</strong>hnies <strong>et</strong> les tribus, dirige le village.<br />

Chaque classe d'âge a à sa tête un doyen <strong>et</strong> est as­<br />

sisté d'un chef d'ét<strong>et</strong> major pour les guerres. La diversité<br />

des situations ne nous perm<strong>et</strong> pas d'entrer dans les détails.<br />

Les femmes sont exclues des classes d'âge en raison de la voca­<br />

tion guerrière de c<strong>et</strong>te institution <strong>et</strong> des tâches jugées dan­<br />

gereuses qu'on y accomplit.<br />

Les classes d'âge en tant qu'institution ont leur<br />

importance du fait qu'elles font partie de l'appareil de' direc­<br />

tion d'un village. De nombreux rituels précèdent l'accession<br />

(1) cf. Memel Fôté op. cit


- 79 -<br />

d'une classe d'âge à la majorité, depuis les cérémonies d'ini­<br />

tiation jusqu'à l'intronisation.<br />

Notons au passage qu'un enfant de parents étrangers<br />

mais qui naîtrait dans un village adjoukrou peut être initié<br />

ceci ne lui conférant pas pour autant les mêmes droits qu'un<br />

autochtone.<br />

Pour diriger le village les lagunaires ont élaboré<br />

des systèmes très complexes <strong>et</strong> assez subtils allant de la mo­<br />

narchie à la collégialité en s'appuyant sur deux principales<br />

institutions<br />

- l'assemblée des vieux,<br />

- les classes d'âge.<br />

Ainsi chez les Abouré de Moosou, le gouvernement<br />

est de type collectif, du moins en droit, mais dans les faits,<br />

le choix du chef se fait sur la base de la naissance, le pou­<br />

voir devient héréditaire selon les règles de fonctionnement.<br />

Le chef est presque toujours le doyen d'âge ou non d'un membre<br />

du lignage maître des terres. On assiste donc à une forme de<br />

dynastie larvée. Le chef ici, n'est pas choisi en fonction de<br />

son âge, mais suivant les critères de bonté <strong>et</strong> d'intelligence.<br />

Ces qualités doivent être reconnues par l'assemblée du peuple<br />

qui ratifie le choix. C<strong>et</strong>te assemblée est le plus souvent com­<br />

posée de parents <strong>et</strong> de quelques riches notables, qui siègent<br />

aux divers conseils de gouvernement.<br />

Chez les autres peuples, on remarque une procédure<br />

presque similaire dans le choix du chef avec cependant un em­<br />

bryon de pouvoir de type républicain. En eff<strong>et</strong> le chef sera<br />

toujours choisi dans la classe d'âge mûre <strong>et</strong> le candidat po­<br />

tentiel est celui qui aura fait montre de qualités physiques<br />

<strong>et</strong> intellectuelles incontestables.


- 80 -<br />

Néanmoins lorsqu'on étudie en détail les pouvoirs<br />

du chef, on se rend compte dans un cas comme dans l'autre que<br />

les vieux sont les vrais dirigeants de la société ces vieux<br />

sont soit des riches de la classe des hommes libres soit de la<br />

noblesse terrienne.<br />

Dans toutes ces sociétés, la terres constitue l'ins­<br />

trument privilégié de domination d'une classe de propriétaires<br />

sur le reste du peuple. Il importe donc de voir l'organisation<br />

foncière traditionnelle; pour cela, il est nécessaire de sai­<br />

sir la structure familiale qui détermine les divers droits sur<br />

la terre.<br />

3 - STRUCTURE FAMILIALE ET ORGANISATION FONCIERE<br />

TRADITIONNELLE<br />

a) Les lignages<br />

La cellule politique la plus étendue, à l'exception<br />

des confédérations dont le rôle <strong>et</strong> l'efficacité restent à prou­<br />

ver, est sans aucun doute la tribu, subdivisée elle-même en<br />

lignages à travers lesquels s'exprime le pouvoir. Les lignages<br />

représentent la famille au sens large puisqu'ils regroupent des<br />

personnes en mesure d'établir entre elles des liens de parenté<br />

précis à partir d'un ancêtre commun.<br />

De ce point de vue, le lignage est la cellule de base<br />

de la vie sociales; on y trouve réunis, tous les descendants des<br />

deux sexes du fondateur de la lignée, auxquels il faut ajouter les es­<br />

claves, les hommes libres <strong>et</strong> étrangers assimilés <strong>et</strong> tous les enfants<br />

naturels des filles du lignage. Par contre on exclura d'un lignage, les<br />

filles mariées, étant donné qu'elles appartiennent désormais à


- 81 -<br />

une autre lignée ; les règles du mariage obligeant les hommes<br />

à choisir leurs épouses dans la tribu mais hors de la famille.<br />

Certes des mariages entre cousins <strong>et</strong> cousines éloignés ou pro­<br />

ches ont été célébrés jadis, mais cela se faisait très<br />

rarement <strong>et</strong> ces genres de mariages ont toujours eu un mobile<br />

politique (succession, transmission de biens <strong>et</strong> autre cas).<br />

Comme conséquences directes à ces règles de mariage,<br />

la femme, à cause de sa mobilité, ne peut jamais hériter, ni<br />

de son mari, ni de sa famille. C'est la règle bien respectée<br />

même encore de nos jours. La seconde conséquence est plus sub­<br />

tile : l'homme hérite du côté de sa mère. Dans ces sociétés<br />

qualifiées à tort de matriarcales, l'autorité appartient à<br />

l'homme, mais on hérite seulement de l'oncle maternel, c'est<br />

à-dire que les enfants de la soeur aînée sont les héritiers des<br />

frères de c<strong>et</strong>te dernière, C<strong>et</strong>te règlementation semble avoir<br />

deux causes :<br />

- La femme en héritant transm<strong>et</strong>trait les biens du lignage à<br />

un autre lignage. On assisterait à une disperson de ces biens.<br />

- On hérite du côté maternel car on est toujours sûr qu'on ap­<br />

partient à la mère, donc au lignage de c<strong>et</strong>te dernière.<br />

Notons toutefois que tous les Akan n'adoptent pas<br />

ce mode de succession matrilinéaire, cas des Abbey d'Agbovil­<br />

le où se produit le contraire, de même que chez certaines tri­<br />

bus Adjoukrou.<br />

Cependant, quel que soit le mode de succession,<br />

toutes ces sociétés sont patrilocales ; la femme vivant avec<br />

ses enfants sous le toit du mari.<br />

C'est le lignage qui gère les terres qui sont par<br />

ailleurs des biens de toute c<strong>et</strong>te communauté. Aux terres il<br />

faut ajouter les reliques <strong>et</strong> l'or gardés jalousement, le plus


- 82 -<br />

souvent par la soeur aînée du patriarche (bien entendu elle<br />

doit être en mesure de les restituer au besoin). Les terres<br />

sont sous la responsabilité du patriarche du lignage. Il en<br />

assure la gestion par l'octroi des parcelles aux fils <strong>et</strong> au­<br />

tres acquéreurs suivant des modes d'attribution préétablis.<br />

b) Organisation foncière traditionnelle <strong>et</strong> gestion<br />

de l'espace<br />

Dans ces sociétés rurales exclusivement agricoles,<br />

le seul instrument de domination des uns sur les autres est<br />

la terre. Il n'y a donc rien d'anormal à ce que la puissance<br />

d'un lignage se mesure à l'étendue de ses terres <strong>et</strong> autres ri­<br />

chesses plus difficiles à chiffrer. La véritable richesse de­<br />

meure la terre mise en valeur ou non. Les terres d'un village<br />

étaient de deux sortes.<br />

- Les terres connues de tout le monde <strong>et</strong> situées aux environs<br />

immédiats du village étaient celles sur lesquelles s'exerçait<br />

l'activité agricole de subsistance.<br />

- Les terres éloignées d'environ 8 à 10 km étaient des terres<br />

de réserve. On y pratiquait des activités cynégétiques <strong>et</strong> la<br />

cueill<strong>et</strong>te. En fait ces territoires de chasse étaient conquis<br />

sur des espaces séparant deux villages ; leurs limites très<br />

floues étaient sources de conflits multiples entre villages<br />

voisins, généralement tranchés à l'amiable par les autorités<br />

traditionnelles. On peutconsidérer que jusqu'à la colonisation<br />

<strong>et</strong> avant l'ouverture massive des pistes par les exploitants fo­<br />

restiers, les finages de la plupart des villages du sud n'étaient<br />

pas définis, même si l'on adm<strong>et</strong>tait que toutes les terres ap­<br />

partenaient aux tribus que nous avons décrites.<br />

La gestion de c<strong>et</strong> espace est intimement liée au ca­<br />

ractère bio-religieux de la terre, de sorte que plusieurs droits


- 83 -<br />

se superposent quant à la possession de la terre.<br />

- Les divers droits sur la terre<br />

En milieu traditionnel, la terre a une valeur sacrée sur<br />

laquelle se superposent plusieurs droits dont celui de Dieu,<br />

puis des ancêtres morts <strong>et</strong> enfin le droit d'usage des vivants.<br />

En eff<strong>et</strong>, les croyances religieuses adm<strong>et</strong>tent l'existen­<br />

ce d'un Dieu fondateur - <strong>et</strong> donc propriétaire - de tout l'uni­<br />

vers. C'est pourquoi avant la mise en valeur d'une parcelle,<br />

on doit l'invoquer à travers les morts qui sont les intermé­<br />

diaires entre le monde des vivants <strong>et</strong> celui des forces invisi­<br />

bles. Pour en avoir été les premiers occupants, les ancêtres<br />

morts conservent une prérogative sur les terres de leur lignée.<br />

A ce titre, leur avis doit être requis avant de cultiver les<br />

champs.<br />

Ces croyances adm<strong>et</strong>tent également l'existence des<br />

génies, créatures de forme humaine, invisibles du commun des<br />

mortels <strong>et</strong> vivant dans les forêts sombres, les étangs, les cours<br />

d'eau, les grands arbres ou dans les marécages. On leur attri­<br />

bue des pouvoirs surnaturels entre autres, on les dit capables<br />

d'influencer la santé des vivants, le rendement des cultures,<br />

de favoriser la chasse ou de provoquer des inondations ou la<br />

sécheresse. Afin de ne pas les offenser, il est souhaitable<br />

de consulter les devins pour éviter d'ouvrir un champ dans leur<br />

habitat.<br />

Dans tous les cas, l'ouverture d'un nouveau champ<br />

donnait lieu à des sacrifices en nature allant de l'immolation<br />

d'un mouton à un boeuf suivant les exigences des génies. Jadis<br />

ils étaient moins exigeants <strong>et</strong> ne demandaient qu'un poul<strong>et</strong> <strong>et</strong><br />

du vin de palme de nos jours, signe des temps, on y a ajou­<br />

té le Gin <strong>et</strong> toutes sortes de boissons alcoolisées d'origine


- 84 -<br />

occidentale. Il faut remarquer que lors de ces rites, on asso­<br />

cie généralement les trois forces à savoir Dieu, les génies <strong>et</strong><br />

les ancêtres vivant dans l'au-delà.<br />

A c<strong>et</strong>te valeur mythique <strong>et</strong> religieuse de la terre,<br />

s'ajoutent les pouvoirs des vivants, simples représentants des<br />

forces ci-dessus citées. Il sont chargés de gérer les patrimoi­<br />

nes fonciers de leur lignée. Ces pouvoirs terrestres sont dé­<br />

tenus, dans le cadre de la tribu, par le chef de tribu. Ailleurs<br />

où la cohésion de groupe ne dépasse pas le cadre du village, ce<br />

sont les chefs de villages ou "Nana" qui détiennent ces pouvoirs<br />

de gestion de la terre. Ils s'occupent de la répartition des<br />

parcelles, de la reprise ou de la redistribution, en cas d'héri­<br />

tage, des champs. Puisque le domaine d'un village est assez grand<br />

pour être contrôlé par un seul homme, le"Nana"délègue une par­<br />

tie de ses pouvoirs aux chefs de lignages qui gèrent eux-mêmes<br />

les terres relevant de leurs ancêtres. Cependant ces chefs de<br />

lignages ne peuvent pas concéder une parcelle à un tiers sans l'avis<br />

du "Nana".<br />

Les fonctions du "Nana" sont d'autant mieux assurées<br />

qu'il est descendant des fondateurs du village. Dans ce cas, il<br />

exerce les fonctions politique, religieuse <strong>et</strong> administrative.<br />

IL préside les diverses cérémonies d'offrande ou se fait repré­<br />

senter. On fait appel à lui en cas de litige foncier - chez<br />

certains groupes <strong>et</strong>hniques le chef de village, chef des terres,<br />

reçoit des cadeaux en nature <strong>et</strong> bénéficie de prestations de tra­<br />

vail sur ses propres champs. Ces divers droits sont détenus à<br />

une échelle plus réduite par le chef de lignage qui reconnait<br />

malgré cela la prééminence du chef de village sur l'ensemble<br />

des terres.<br />

Dans ce système qui semble fonctionner en vase clos,<br />

comment voit-on les étrangers ? Pour les populations que nous


- 85 -<br />

étudions, le terme étranger ne constitue aucune ambiguité<br />

on est étranger d'un village lorsqu'on n'appartient à aucun<br />

des lignages constituant ce village. C'est là le premier ni­<br />

veau de distinction. Le second niveau concerne par exemple<br />

une femme du village qui ayant quitté son lignage pour se ma­<br />

rier dans un autre, est considérée par le lignage de son mari<br />

comme une étrangère.<br />

A la différence des femmes qui n'ont pas accès à<br />

la terre, les étrangers peuvent, s'ils le désirent, solliciter<br />

une parcelle de terrain auprès de leur hôte. Ce dernier trans­<br />

m<strong>et</strong> c<strong>et</strong>te demande au chef du village qui généralement donnait<br />

son accord, puisqu'en économie de subsistance la terre très<br />

abondante n'était pas suj<strong>et</strong> à spéculation. C<strong>et</strong>te forme direc­<br />

te d'accès à la terre était plus facile lorsqu'on était de<br />

l'<strong>et</strong>hnie. La seconde forme d'accès étalt de se m<strong>et</strong>tre au ser­<br />

vice d'une famille, d'y prendre femme <strong>et</strong> dans ce cas on était<br />

intégré à la famille de l'ex-protecteur, on jouissait par la<br />

suite d'une indépendance dans la gestion de la parcelle. Ce<br />

mode d'accès est plus long mais perm<strong>et</strong> en revanche une inté­<br />

gration parfaite de l'étranger.<br />

Dans l'un ou l'autre cas, aucune attribution de<br />

terre n'était définitive, bien que l'on puisse transm<strong>et</strong>tre<br />

par héritage sesoarcelles à sa descendance ou à des neveux. La<br />

terre était toujours reversée dans le patrimoine du lignage<br />

propriétaire. On n' en possédait que le droit d'usage. Comment,<br />

dans ce système, s'organisait l'activité agricole? Que culti­<br />

vait-on, quelles étaient les techniques culturales?<br />

- Types d'activités <strong>et</strong> organisation du travail en milieu<br />

rural traditionnel<br />

La gestion de l'espace traditionnel a été, pendant<br />

longtemps, qualifiée de communautaire. Concernant notre domaine,


- 86 -<br />

nous récusons le terme de communauté de gestion, car si la ter­<br />

re est un bien de la communauté, le travail de l'individu ne<br />

l'est pas. En réalité les exploitations étaient gérées par les<br />

cellules familiales, sous l'autorité du chef de ménage. C'est<br />

ce dernier qui répartissait les fruits du travail entre les mem­<br />

bres de la famille.<br />

Les principales activités se résumaient à l'agricul­<br />

ture vivrière, à la cueill<strong>et</strong>te, à la pêche <strong>et</strong> à la chasse aux­<br />

quelles il faut ajouter l'artisanat pratiqué de manière occa­<br />

sionnelle aux périodes de repos. On remarquera que chez les<br />

Akan, malgré une structure très hiérarchisée de la société, il<br />

n'y a pas de division du travail par caste.<br />

Avant d'aborder l'exécution des travaux <strong>et</strong> des di­<br />

verses techniques agricoles, rappelons les outils utilisés <strong>et</strong><br />

les cultures pratiquées.<br />

L'outillage traditionnel en Basse Côte: c<strong>et</strong> outil­<br />

lage ne diffère pas de celui de l'ensemble de la Côte d'Ivoire<br />

rurale d'hier <strong>et</strong> d'aujourd'hui (en exploitation traditionnelle);<br />

le plus utilisé de ces outils est la match<strong>et</strong>te, sorte de grand<br />

coutelas à bout plus ou moins arrondi selon l'utilisation. Il<br />

est destiné plus couramment au sarclage, à l'abattage des pe­<br />

tits arbres; c'est l'instrument indispensable à l'ouverture de<br />

nouveaux champs. Son utilisation s'étend aux activités annexes<br />

comme la chasse, l'artisanat <strong>et</strong>c ... En fer forgé <strong>et</strong> terminé<br />

par un manche en bois, la match<strong>et</strong>te est un outil relativement<br />

bon marché car elle est fournie par des forges locales artisa­<br />

nales ou importée d'Europe. Oe nos jours ABI (Abidjan Industrie)<br />

a le monopole du marché ivoirien.<br />

Le second outil est la houe ou Daba pour le buttage<br />

ou le sarclage. Il en existe diverses formes, des plus p<strong>et</strong>ites<br />

(allouées aux femmes) aux plus grandes (pour les buttes, donc<br />

pour les hommes). Leur efficacité est fonction de la nature des


- 87 -<br />

sols. Un sol rocheux comportant beaucoup trop de racines en<br />

limite très sérieusement l'efficacité, donnant des labours<br />

superficiels. C'est la raison pour laquelle on remarque que<br />

dans le sud forestier, la houe est de dimension plus réduite<br />

que dans le nord du pays, domaine de la savane.<br />

Pour l'abattage des grands arbres, l'homme a re­<br />

cours à la hache, tandis qu'une barre à mine sert à trouer,<br />

dessoucher les palmiers <strong>et</strong> racines <strong>et</strong> à récolter les ignames.<br />

Tous ces instruments qui ont peu évolué dans le<br />

temps sont fabriqués par les autochtones en temps de "repos"<br />

c'est-à-dire après les récoltes <strong>et</strong> en attendant l'ouverture<br />

de nouveaux champs. Jadis, on les acquérait très fa­<br />

cilement par don ou par prestation de service ou par troc.<br />

Quand ils étaient vendus, ils ne coûtaient pas cher. Leur re­<br />

nouvellement ne posait donc aucun problème. Leur utilisation<br />

peu dévastatrice pour les sols fragiles du domaine forestier<br />

s'oppose à celle des engins motorisés.<br />

A ces outils il faut ajouter le feu très utile<br />

dans les pratiques agricoles traditionnelles d'agriculture<br />

à longues jachères avec brûlis.<br />

Les cultures pratiquées étaient très nombreuses.<br />

On r<strong>et</strong>iendra la prédominance des tubercules <strong>et</strong> autres plantes<br />

à racines. Ainsi cultivait-on le manioc, l'igname, le tarot,<br />

puis la banane plantain <strong>et</strong> les légumes.<br />

Généralement, l'igname vient en tête d'assolement,<br />

suivi du tarot <strong>et</strong> du bananier. Les légumes tels le gombo, l'au­<br />

bergine <strong>et</strong> le piment sont semés dès l'apparition des premières<br />

tiges d'igname. On associé très souvent le mais, aux premières<br />

cultures Au bout de sept à huit mois, l'igname <strong>et</strong> le mais<br />

étaient récoltés, ne restaient sur la parcelle que les légumes<br />

qui peuvent porter des fruits très longtemps suivant le climat.<br />

Le second tour d'assolement est réservé au manioc puis à l'arachide


- 88 -<br />

<strong>et</strong> à une seconde culture de mais. Le manioc est cultivé en<br />

deuxième assolement car il épuise très facilement le sol <strong>et</strong><br />

son élimination complète pose de sérieux problèmes, puis­<br />

qu'il se multiplie par bouture. Très souvent il faut avoir<br />

recours au feu pour le débarrasser de la parcelle afin qu'el­<br />

le puisse être mise en jachère pour une durée très variable<br />

de 7 à 10 ans <strong>et</strong> plus selon le terrain.<br />

- L'exécution des travaux, une division sexuelle du<br />

travail<br />

L'ouverture de nouveaux champs n'est possible<br />

qu'après les cérémonies que nous évoquions plus haut. La por­<br />

tion concédée est cultivée par toute la famille. Quand c<strong>et</strong>te<br />

parcelle est grande, le chef de ménage fait appel à la force<br />

de travail de voisins, d'amis ou de parents éloignés pour les<br />

opérations de défrichage <strong>et</strong> de buttage, sans autre forme de<br />

rétribution que de rendre à chacun le nombre de journées de<br />

travail reçues. La portion défrichée est fonction du nombre<br />

d'épouses du chef de ménage qui partage son champs entre ses<br />

femmes, une fois le défrichage <strong>et</strong> le buttage terminés. Sui­<br />

vant une division sexuelle du travail, l'homme se réserve ces<br />

deux travaux jugés dangereux pour la femme car ils requièrent<br />

une force de travail considérable. La femme s'occupe de ba­<br />

layer la parcelle, de saigner les gros arbres <strong>et</strong> d'y m<strong>et</strong>tre<br />

le feu afin qu'ils perdent leurs feuilles car les cultures<br />

supportent mal un ombrage important. C'est encore la femme<br />

qui s'occupe du sarclage, de la plantation des bananiers <strong>et</strong><br />

du manioc ; elle participe à la récolte <strong>et</strong> au stockage de cel­<br />

les-ci, auprès de son mari.<br />

Les opérations de défrichement <strong>et</strong> de plantati?n<br />

des diverses cultures s'étalent sur environ deux à trois mois;<br />

leur déroulement est fonction de la pluviométrie. Cependant


- 91 -<br />

CHAPITRE III<br />

DES BOULEVERSEMENTS NES DE LA COLONISATION,<br />

AL'ADOPTION DES CULTURES PERENNES<br />

L'objectif de ce chapitre est de rappeler les condi­<br />

tions dans lesquelles est née l'économie de plantation. Il ne<br />

saurait être question de traiter tous les aspects d'un thème<br />

qui dépasse le cadre de c<strong>et</strong>te étude.<br />

A - LES CONDITIONS DE L'INTRODUCTION DES CULTURES D'EXPORTATION<br />

EN BASSE COTE<br />

Dans le souci de m<strong>et</strong>tre en valeur la toute nouvelle colonie,<br />

les français, par l'intermédiaire de Verdier, introduisirent le<br />

café <strong>et</strong> le cacao en Basse Côte. Le gouvernement de l'époque con­<br />

céda à Verdier 30 000 ha de forêts comprises entre Assinie (est<br />

de Bassam) <strong>et</strong> le Bandama (ouest de Dabou). C<strong>et</strong> espace couvre<br />

entièrement celui que nous étudions, à l'exception des zones<br />

mises en valeur par les populations africaines autochtones.<br />

Le succès des premiers essais poussa les autorités colonia­<br />

les à-diffuser la culture de ces deux plantes dont la consomma­<br />

tion devenait courante en métropole. On était à la fin du siè­<br />

cle dernier. A partir de 1915, date à laquelle toute la colonie<br />

avait été "pacifiée", les européens ouvrirent de nombreuses plan­<br />

tations grâce à une main d'oeuvre servile <strong>et</strong> gratuite prélevée


- 93 -<br />

2 - LA CONTRAINTE DE L'IMPOT, PRINCIPALE CAUSE DE L'OUVERTURE<br />

A LA PLANTATION<br />

Le refus de cultiver les plantes imposées par le colon<br />

fut vite remis en cause, car de nouvelles conditions socio-écono­<br />

miques obligèrent les africains à s'ouvrir à la plantation.<br />

Parmi ces causes on peut citer :<br />

- le payement des impôts<br />

- les nouveaux besoins de consommation <strong>et</strong> plus tard<br />

- le besoin de s'affirmer au plan social.<br />

En eff<strong>et</strong> au départ, l'installation d'un européen sur<br />

une terre coutumière faisait l'obj<strong>et</strong> de négociations entre chefs<br />

de terre locaux <strong>et</strong> européens, au même titre qu'un étranger, com­<br />

me précédemment expliqué. Après la proclamation de la colonie de<br />

Côte d'Ivoire, on assista à une inversion des rapports de force:<br />

les autochtones doivent payer un impôt de capitation proportion­<br />

nelle au nombre de personnes composant le ménage. C<strong>et</strong>te situa­<br />

tion paradoxale pour les africains suscita des troubles vite<br />

mâtés. Pour mieux assurer le contrôle, les colons procédèrent<br />

à des regroupements de villages le long des axes routiers. Les<br />

populations africaines ne pouvant plus échapper au prélèvement<br />

se virent dans l'obligation de rechercher des sources de reve­<br />

nu. C'est donc tout naturellement qu'elles s'adonnèrent aux<br />

plantations. Cependant les plus sceptiques ne se décidèrent<br />

qu'avec le concours des nouvelles données économiques: les con­<br />

tacts précoces avec l'occident ont créé des besoins de consom­<br />

mation par le biais des premiers commerces qui étalaient des<br />

marchandises importées. Pour satisfaire ses besoins, le plan­<br />

teur doit produire toujours plus.<br />

Mais les plantations ne connurent une véritable diffu­<br />

sion qu'avec les eff<strong>et</strong>s de démonstration des richesses <strong>et</strong> fas­<br />

tes des rares planteurs africains qui, avec ou sans conviction<br />

avaient ouvert les premières plantations.


- 94 -<br />

La proximité du Gold Coast (Ghana actuel) joua égale­<br />

ment un rôle important, puisque déjà entre les deux guerres, ce<br />

territoire anglais comptait de riches planteurs qui servirent<br />

de modèles à quelques ivoiriens qui se rendaient à KUMASSI dans<br />

le cadre d'un commerce traditionnel assez florissant à l'époque<br />

entre c<strong>et</strong>te ville <strong>et</strong> tout le sud-est <strong>et</strong> l'est ivoirien.<br />

Enfin la dernière raison de c<strong>et</strong>te diffusion est à m<strong>et</strong>­<br />

tre au compte du pouvoir de l'argent procuré par les plantations.<br />

En eff<strong>et</strong>, dans la mesure où la hiérarchisation de la société<br />

Akan reposait en partie sur la richesse, les classes les moins<br />

favorisées par la naissance virent dans c<strong>et</strong>te nouvelle économie<br />

de marché, le moyen de détenir une parcelle du pouvoir <strong>et</strong> donc<br />

de changer de statut social. En fait il y a chez les Akan une<br />

attitude presque constante: lorsqu'il y a une innovation qui<br />

peut bouleverser l'ordre social, les hommes de condition modes­<br />

te <strong>et</strong> les "esclaves" de la société sont les premiers à s'ouvrir<br />

à c<strong>et</strong>te innovation soit volontairement, soit poussés par les<br />

maîtres.<br />

Ainsi les premiers écoliers furent des fils d'esclaves<br />

aussi bien en pays Adjoukrou qu'en pays Ebrié, Agniou Baoulé.<br />

Toutes ces raisons qui ont joué un rôle à des degrés<br />

variables, ont participé au développement <strong>et</strong> à la diffusion des<br />

plantations. L'élément catalyseur fut l'ouverture des pistes par<br />

les exploitants forestiers. L'abolition des travaux forcés en<br />

1945, en libérant les villageois des servitudes coloniales fa­<br />

vorisa la venue des autochtones parmi les exploitants de la<br />

terre.<br />

Les conséquences immédiates de l'introduction du café<br />

<strong>et</strong> du cacao en Basse Côte, sont nombreuses; elles touchent le<br />

foncier, les cadres spatiaux, ruraux <strong>et</strong> urbains; les transfor­<br />

mations des sociétés concernées <strong>et</strong> la vie politique ivoirienne.<br />

Au risque de nous répéter, nous ne les analyserons que plus


- 95 -<br />

loin. Mais déjà il est à remarquer que les premières luttes po­<br />

litiques en Côte d'Ivoire ne portaient pas sur des questions idéo­<br />

logiques d'indépendance ou de réclamation de la terre, mais sur<br />

le besoin de pouvoir vendre les produits agricoles africains au<br />

même prix que les européens. Ce qui signifie de manière assez<br />

claire l'adoption définitive des cultures perennes après la 2 e<br />

guerre mondiale. Quel bilan peut-on faire de c<strong>et</strong>te agriculture<br />

avant 1960?<br />

B - UN BILAN MARQUE PAR L'ACCROISSEMENT CONSTANT ET UNE<br />

DIVERSIFICATION DES CULTURES<br />

Un bilan de l'agriculture de l'époque coloniale perm<strong>et</strong><br />

de suivre le bond spectaculaire de c<strong>et</strong>te activité après 1930.<br />

En eff<strong>et</strong>, l'analyse des superficies plantées entre 1910 <strong>et</strong> 1945<br />

montre une évolution très rapide, en témoignent les chiffres de<br />

production de café suivants :<br />

Production de café entre 1910 <strong>et</strong> 1939 (1)<br />

Années Production en tonnes<br />

1910 32<br />

1919 100<br />

1928 300<br />

1931 700<br />

1933 1 700<br />

1934 2 600<br />

1935 5 000<br />

1939 18 000<br />

(1) Roland Portères cité par O. Boni Op. Cit.


- 96 -<br />

Entre 1930 <strong>et</strong> 1939, la progression fut spectaculaire.<br />

e<br />

A la veille de la 2 guerre mondiale la production a triplé par<br />

rapport à celle de 1935.<br />

C'est à partir de 1910 que le cacao fut encouragé par<br />

les autorités coloniales soucieuses de tirer le maximum de profit<br />

des terres de la Basse Côte. A l'instar du café, c<strong>et</strong>te plante<br />

connut une évolution assez rapide. En 1920, la Côte d'Ivoire ré­<br />

coltait 1 036 Tonnes, résultat de l'ouverture de quelques autoch­<br />

tones à c<strong>et</strong>te plante, après l'abandon des plantations par cer­<br />

tains européens qui avaient été appelés au front par la métro­<br />

pole. En 1929, le cacao atteint 17 000 Tonnes, puis 55 000 Ton­<br />

nes en 1939, malgré l'effondrement des cours occasionné par la<br />

surproduction des pays d'Amérique Latine.<br />

Une comparaison des productions de café <strong>et</strong> cacao montre<br />

que le café progresse de manière régulière alors que le cacao<br />

connaît une évolution en dents de scie, tandis que les superfi­<br />

cies plantées évoluent de manière constante entre 1949 <strong>et</strong> 1959.<br />

Comparaison entre superficies récoltéés en café <strong>et</strong> cacao<br />

Années Café (h a) Cacao (h a) Cacao/Café + cacao (%)<br />

1949 - 1950 179 000 158 000 46,88<br />

1950 - 1951 206 000 177 000 46,21<br />

1951 - 1952 185 000 173 000 48,32<br />

1952 - 1953 248 000 181 000 42,19<br />

1953 - 1954 258 000 172 000 37,63<br />

1954 - 1955 304 000 188 000 38,21<br />

1955 - 1956 383 000 226 000 37,11<br />

1956 - 1957 394 000 211 000 34,87<br />

1957 - 1958 469 000 213 000 31,23<br />

1958 - 1959 539 000 237 000 30,54<br />

Source Ministère de l'Agriculture - Chambre de l'Agriculture


- 97 -<br />

La part de cacao sur l'ensemble des superficies plantées<br />

diminue irrégulièrement jusqu'en 1953, en se maintenant au dessus<br />

de 40 % du total. A partir de 54, c<strong>et</strong>te baisse s'accélère <strong>et</strong> en<br />

1959, les superficies de cacao ne représentent plus que 30 % du<br />

total, malgré une progression de 50 % des superficies entre<br />

1949 <strong>et</strong> 1959 ; cela s'explique par le fait que les superficies<br />

de café ont connu elles, une progression de 201,11 % sur la mê­<br />

me période.<br />

L'un des traits de c<strong>et</strong>te agriculture de l'époque colo­<br />

niale est la diversification lente certes mais constante des<br />

produits. Ainsi en 1958, le r<strong>et</strong>rait de la Guinée de la Communau­<br />

té Française permit à la Côte d'Ivoire de développer ses banane­<br />

raies, tandis que les événements politiques en Indochine favori­<br />

sèrent l'implantation des premières superficies d'hévéa en Bas­<br />

se Côte. Jusque-là l'IRHo (Institut de Recherche des Huiles <strong>et</strong><br />

Oléagineux) avait développé le palmier à huile autour de oabou,<br />

tandis que des planteurs isolés avaient créé des champs d'ananas.<br />

C<strong>et</strong>te diversification s'est accompagnée d'une participation de<br />

plus en plus grande des africains à l'agriculture d'exportation.<br />

On considère qu'en 1960 plus de 85 % des planteurs sont des afri­<br />

cains <strong>et</strong> près de 60 % d'entre eux sont de la Basse Côte.<br />

En conclusion, il ne fait pas de doute que la colonisa­<br />

tion ait joué le rôle le plus important dans la diffusion des<br />

cultures d'exportation. Si au départ il y a eu un refus des po­<br />

pulations autochtones, cela est à m<strong>et</strong>tre au compte des méthodes<br />

brutales de prélèvement de main d'oeuvre gratuite <strong>et</strong> obligatoire<br />

par les colons; de ce fait, les plantations furent assimilées<br />

à la colonisation. Ce n'est qu'avec l'adoucissement des condi­<br />

tions sociales que les autochtones furent amenés à pratiquer<br />

ces cultures qui commençaient à procurer de nouvelles richesses<br />

aux premiers africains qui avaient voulu essayer c<strong>et</strong>te nouvelle<br />

forme d'exploitation de la terre. Les premières revendications


- 98 -<br />

du Syndicat Agricole Africain créé par Houphou<strong>et</strong> Boigny mon­<br />

trent que l'agriculture d'exportation a toujours été la préoc­<br />

cupation des politiciens ivoiriens. On comprend dès lors pour­<br />

quoi c<strong>et</strong> héritage de la colonisation sera maintenu puis amélio­<br />

ré après l'Indépendance politique de la Côte d'Ivoire.


DEUXIEME PARTIE<br />

UNE AGRICULTURE EN MUTATION RAPIDE<br />

ET FACTEUR DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE<br />

DE LA BASSE COTE


- 99 -<br />

Les moments d'hésitation passés, l'agriculture<br />

ivoirienne connut un développement spectaculaire. Il convient<br />

ici de souligner les raisons de c<strong>et</strong> accroissement, d'apprécier<br />

les volumes de production <strong>et</strong> de voir si c<strong>et</strong>te agriculture a les<br />

moyens de son maintien sur une longue période.<br />

Une analyse des structures de l'espace - supports<br />

indispensables de toute activité économique - a été entreprise<br />

pour comprendre les raisons de c<strong>et</strong> accroissement rapide. L'ob­<br />

servation des résultats sur la dernière décennie, perm<strong>et</strong> d'en­<br />

visager à moyen terme, le développement auquel on pourrait a­<br />

boutir.<br />

La capacité d'évolution, de <strong>transformations</strong> positives<br />

<strong>et</strong> de développement généralisé d'une région, dépend en partie de<br />

la création d'activités induites des activités de première gé­<br />

nération. C'est pourquoi nous serons amené à analyser l'eff<strong>et</strong><br />

"boule de neige" de l'agriculture de spéculation dans la péri­<br />

phérie d'Abidjan.<br />

Le dernier chapitre de c<strong>et</strong>te partie sera consacré<br />

à l'étude de l'organisation générale de la région. Ceci nous<br />

perm<strong>et</strong>tra de montrer les diverses relations existant entre les<br />

paysans <strong>et</strong> les structures de production, dans l'espace économi­<br />

que le plus dense du pays. Nous verrons à travers c<strong>et</strong>te analy­<br />

se les impacts des cultures pérennes sur le semis de l'habitat,<br />

ou le cas échéant, l'impact du village sur la localisation des<br />

champs.


- 101 -<br />

A - LES FACTEURS DE LA CROISSANCE CONTINUE APRES 1960<br />

L'action amorcée sous la colonisation par les planteurs<br />

européens <strong>et</strong> quelques africains, a doté la Côte d'Ivoire d'une<br />

agriculture assez solide: dans l'ouest africain, elle fait par­<br />

tie, avec la Guinée, le Ghana <strong>et</strong> le Nigéria, des pays exporta-<br />

teurs de produits agricoles les cultures vivrières couvrent<br />

les besoins de consommation de la population.<br />

C<strong>et</strong>te agriculture comporte néanmoins des faiblesses,<br />

notamment dans la qualité des produits, dans les rendements à<br />

l'hectare <strong>et</strong> la part écrasante du café-cacao dans l'économie<br />

nationale. L'Etat se mit en devoir de combler ces faiblesses<br />

en orientant ses actions dans quatre principales directions<br />

- L'amélioration des infrastructures de communication,<br />

- L'aide directe aux paysans, pour l'amélioration <strong>et</strong> la diversi-<br />

fication,<br />

L'encadrement des paysans suivi d'une formation sommaire,<br />

- L'organisation générale de l'économie par la planification.<br />

La prise en main de l'agriculture par le gouvernement,<br />

était largement justifiée par l'impasse dans laquelle se trou­<br />

vait ce secteur clé de l'économie. En eff<strong>et</strong>, le marché français,<br />

jusque-là favorable aux exportations ivoiriennes, avait permis<br />

le développement des plantations. En devenant une nation libre,<br />

la Côte d'Ivoire perdait la priorité sur ce marché. Face aux<br />

productions de l'Amérique Latine, le café <strong>et</strong> le cacao ivoiriens<br />

connurent d'énormes méventes. Les autorités politiques furent<br />

contraintesde rechercher d'autres partenaires commerciaux <strong>et</strong>


- 102 -<br />

surtout de diversifier les produits, afin de relativiser la<br />

part du café <strong>et</strong> du cacao dans l'ensemble des exportations.<br />

C'est c<strong>et</strong>te intervention de l'Etat qui constitue l'é­<br />

lément majeur de la dynamique générale de l'agriculture.<br />

1 - L'AMELIORATION DES STRUCTURES REGIONALES DE LIAISONS<br />

L'analyse économique spatialisée opérée par Von Thünen<br />

a révélé que l'homogénéité <strong>et</strong> la dynamique des régions, ne dé­<br />

pendent pas uniquement du jeu combiné des forces naturelles<br />

(climats, sols, végétation, relief <strong>et</strong>c... ). Dès lors que les mar­<br />

chés sont situés en dehors des aires de production, les coûts<br />

de transports entrent dans le jeu économique. L'accessibilité<br />

aux zones de production <strong>et</strong> aux marchés est fonction des infras­<br />

tructures de communication, matrices de la transformation de<br />

l'espace. Ces infrastructures sont diverses <strong>et</strong> hiérarchisées.<br />

Lorsqu'on étudie celles de la Basse Côte, on s'aperçoit que la<br />

propagation des plantations est étroitement liée à l'évolution<br />

des réseaux de circulation.<br />

a) L'impact de la densification du réseau routier<br />

sur l'agriculture<br />

L'une des différences fondamentales entre l'agricul­<br />

ture traditionnelle <strong>et</strong> moderne est que la première est entière­<br />

ment autoconsommées, alors que la seconde, ne tient aucune pla­<br />

ce dans la consommation locale <strong>et</strong> elle est de ce fait entière­<br />

ment exportée.<br />

La livraison des productions nécessite donc la créa­<br />

tion de routes ; or les outillages précaires décrits plus haut<br />

s'avèrent inefficaces pour faire face à une végétation particu­<br />

lièrement exubérante dans le sud ivoirien, de sorte que le ré­<br />

seau routier, à la veille de l'indépendance, était très sque-


- 103 -<br />

l<strong>et</strong>tique <strong>et</strong> se résumait à quelques axes d'importance relative<br />

<strong>et</strong> à des pistes pour l'acheminement à pied des récoltes vers<br />

la côte.<br />

Il fallut attendre le début de l'exploitation fores­<br />

tière pour voir émerger un réseau routier plus viable qui permit<br />

le désenclavement de nombreux villages. L'ouverture des pistes<br />

pour l'exploitation forestière, fut bénéfique à l'agriculture,<br />

sur deux plans :<br />

- d'une part, en pénétrant dans des espaces jusqu'alors craints<br />

des autochtones, les exploitants forestiers ont désacralisé des<br />

zones qu'on croyait être l'habitacle des forces de la nature.<br />

Psychologiquement débarrassées de certaines croyances, les popu­<br />

lations paysannes peuvent désormais cultiver sans crainte de re­<br />

présailles (cf. chapitre II),<br />

- d'autre part, les pistes des exploitants forestiers furent<br />

améliorés <strong>et</strong> servirent aux premiers véhicules des années trente,<br />

pour faciliter le transport des récoltes. Ce sont ces premières routes qui<br />

constituent des récoltes. Ce sont ces premières routes qui cons­<br />

tituent encore aujourd'hui l'armature de base du réseau routier<br />

du pays.<br />

P. Claval a fait remarquer la particularité des"ré­<br />

seaux routiers" des pays du Tiers-Monde(l), des réseaux se ré­<br />

sumant à un ensemble de routes <strong>et</strong> pistes mal reliées entre elles,<br />

le plus souvent parallèles entre elles <strong>et</strong> partant de la Côte vers<br />

l'intérieur du pays (cas des pays d'Afrique côtière). La Basse<br />

Côte, à la veille de l'indépendance politique, n'échappait pas<br />

à ce schéma; témoin, la carte ci-contre. Les autorités politi­<br />

ques s'attelèrent à la construction de nouvelles routes <strong>et</strong> à<br />

l'amélioration des premières pistes reliant Abidjan au reste du<br />

pays. L'accent fut mis sur les liaisons transversales qui demeu­<br />

rent malgré tout, encore insuffisantes (cf. chapitre VII).<br />

La densification du réseau routier de la Basse Côte<br />

(1) Eléments de Géographie Economique Paul ClavaI (cf. bibliographi<br />

e )


- 104 -<br />

est à m<strong>et</strong>tre en relation étroite avec l'apparition des SODE<br />

<strong>et</strong> autres groupes d'intérêts privés intervenant dans la sphère<br />

rurale. On estime que la création de 1 000 ha de plantation de<br />

palmier à huile nécessite celle de 60 Km de pistes diverses. La<br />

SODEPALM aurait créé jusqu'à ce jour environ 5 000 km de pistes<br />

en Basse Côte.<br />

La route est donc le canal par lequel les plantations<br />

se sont propagées ; par la suite leur amélioration fut possible<br />

grâce aux bénéfices procurés par les cultures d'exportation (cf.<br />

chapitre VII).<br />

b) La voie ferrée, un rôle de plus en plus mitigé<br />

La Côte d'Ivoire dispose d'une voie ferrée d'un seul<br />

tronçon, long de 650 km <strong>et</strong> traversant le pays du Nord au Sud. On<br />

ne peut donc pas parler ici de réseau ferroviaire, la desserte<br />

nationale se limitant aux zones traversées par le seul tronçon.<br />

C<strong>et</strong>te voie a néanmoins joué un rôle décisif dans les premières<br />

années de sa création. C'est elle qui permit à la région d'Ag­<br />

boville <strong>et</strong> Dimbokro de s'ouvrir aux plantations, en acheminant<br />

à Abidjan les récoltes de ces régions. Avec la pénurie de main<br />

d'oeuvre, elle servit au transport des travailleurs voltaïques<br />

vers la Basse Côte.<br />

Bien qu'on note sur le passage du rail, quelques<br />

industries directement liées à l'agriculture (industries texti­<br />

les de Bouaké, Dimbokro <strong>et</strong> Agboville), on constate que son rôle<br />

dans le transport des cultures de la plantation n'est pas très<br />

important. Son impact a été plus déterminant à l'époque colonia­<br />

le qu'il ne l'est de nos jours. La concurrence de la voie rou­<br />

tière lui a fait perdre sa place privilégiée d'antan. Néanmoins,<br />

le rail sert à évacuer la cola d'Anyama vers les pays du Sahel<br />

<strong>et</strong> le coton du nord du pays vers les centres industriels ci­<br />

dessus cités.


- 105 -<br />

Seule une politique d'extension de la voie ferrée<br />

peut accroître le rôle de la voie ferrée. On peut cependant lui<br />

reconnaître le rôle important joué jusqu'à la constitution de<br />

véritables réseaux routiers.<br />

c) Le port d'Abidjan, un débouché économique important<br />

Les produits des plantations, l'avons-nous écrit,<br />

sont destinés à l'exportation. Il était donc nécessaire de doter<br />

la Côte d'Ivoire d'un port en eau profonde, capable d'accueillir<br />

de grands navires.<br />

En eff<strong>et</strong>, les Wharfs de Bassam, puis d'Abidjan of­<br />

fraient peu de liberté de manoeuvre <strong>et</strong> nécessitaient le transport<br />

sur de p<strong>et</strong>ites embarcations, des produits de la côte vers des ba­<br />

teaux amarés en mer. Ces opérations étaient très coûteuses aussi<br />

bien financièrement qu'en vies humaines. Le creusement du canal<br />

de Vridi en 1951 marque de ce fait une étape importante dans le<br />

développement économique du pays. En 1955, 947 000 Tonnes de<br />

marchandises y sont échangées, contre plus de 5 000 000 Tonnes<br />

en 1970. En 1980, ce sont plus de 10 millions de tonnes de mar­<br />

chandises qui transitent par ce port.<br />

Une relation étroite existe entre d'une part le dé­<br />

veloppement de l'agriculture <strong>et</strong> le port <strong>et</strong> d'autre part entre<br />

la diversification agricole <strong>et</strong> la création de ce port.<br />

d) Le réseau aérien, indispensable à la culture de<br />

l'ananas de la banane<br />

A la différence des autres produits, l'ananas <strong>et</strong> la<br />

banane sont deux produits rapidement périssables. Il faut les<br />

évacuer le plus vite possible sur les marchés de consommation<br />

européens. L'aéroport d'Abidjan assure efficacement ce rôle <strong>et</strong><br />

perm<strong>et</strong> aux planteurs d'envisager l'extension des plantations.


- 106 -<br />

On peut constater que l'ananas a le plus bénéficié de c<strong>et</strong> aéro­<br />

port; la banane est en grande partie transportée par bateaux.<br />

Les infrastructures de communication ont favorisé<br />

la propagation des plantations, dans le sud-est d'abord, ensui­<br />

te dans le reste de la zone forestière. L'exemple du sud-ouest,<br />

récemment conquis par les plantations, vient confirmer que la<br />

route est essentielle à la diffusion de l'innovation. En eff<strong>et</strong><br />

depuis les années soixante dix, on assiste à l'exploitation fo­<br />

restière intensive du massif forestier du sud-ouest ; ce qui<br />

perm<strong>et</strong> l'installation des paysans après le démantèlement du<br />

chantier.<br />

Le rôle de l'Etat demeure cependant primordial, car<br />

la structuration de l'espace est avant tout, le résultat d'une<br />

politique volontariste. C<strong>et</strong>te volonté se manifeste à tous les<br />

niveaux de la vie économique du pays, <strong>et</strong> doit être prise en<br />

compte pour comprendre l'évolution <strong>et</strong> le succès de l'agricultu­<br />

re d'exportation.<br />

2 - L'AIDE DE L'ETAT AUX PAYSANS<br />

Jusqu'en 1960, seules les plantations européennes<br />

avaient bénéficié de soins appropriés <strong>et</strong> faisaient l'obj<strong>et</strong> d'une<br />

exploitation mécanisée. De ce fait, les plantations paysannes en<br />

voie de vieillissement <strong>et</strong> mal entr<strong>et</strong>enues, ne pouvaient pas as­<br />

surer au pays des récoltes régulières. Il était nécessaire de rs­<br />

valoriser ces plantations par l'apport d'engrais <strong>et</strong> le traitement<br />

phytosanitaire contre les capsides. L'action du gouvernement se<br />

situe à deux niveaux :<br />

- une aide directe en espèce ou en nature<br />

- une aide indirecte par l'encadrement à partir des SODE.


- 107 -<br />

al Les aides directes pour l'amélioration des cultures<br />

La SATMACr, créée en 1958 eut, dès 1960, la tâche<br />

de conduire la lutte anti-capside. C<strong>et</strong>te opération assez coûteu­<br />

se fut financée à un tiers des dépenses en produits <strong>et</strong> matériels<br />

de pulvérisation par les fonds de l'Etat, sous la forme de cré­<br />

dits remboursables en deux ans <strong>et</strong> plus selon l'importance de<br />

la plantation. Parallèlement, on entreprit l'opération de régé­<br />

nération des plantations devenues vieilles <strong>et</strong> peu productives.<br />

La tâche ici consistait à élaguer, soigner <strong>et</strong> épandre de l'en­<br />

grais au pied des plants de caféier <strong>et</strong> de cacaoyer, les deux<br />

cultures concernées. A partir de 1970, l'opération se poursui­<br />

vit avec le remplacement des anciennes variétés de caféiers <strong>et</strong><br />

de cacaoyers par des espèces plus performantes.<br />

Ainsi pendant les campagnes 72-73 <strong>et</strong> 74, l'Etat<br />

prit en charge deux tiers des dépenses en distribuant aux plan­<br />

teurs des cacaoyers hybrides soit en cabosses soit en pépinières.<br />

La reconversion fut en partie un succès, puisqu'en<br />

1979-80, avec une production de 370 000 T, le pays devenait le<br />

premier producteur mondial de cacao. Lors de l'opération "régé­<br />

ration" de la cacaoyère, l'Etat attribua une somme forfaitaire<br />

de 60 000 CFA par hectares de nouvelle variété plantée.<br />

Du côté du café, on enregistre entre 1971 <strong>et</strong> 1979,<br />

environ 70 000 ha de café sélectionné. La même somme forfaitai­<br />

re était donnée gratuitement, à titre de compensation ou plu­<br />

tôt d'incitation, pour 1 ha de café sélectionné planté.<br />

Même si les capsides n'ont pas disparu, <strong>et</strong> ce mal­<br />

gré les efforts du gouvernement, on peut noter une amélioration<br />

globale de la production, doublée d'un accroissement du volume<br />

de production. Les réticences des uns, le scepticisme des autres<br />

ont géné en partie, une action pourtant salutaire pour les deux<br />

produits clé de l'économie ivoirienne, placés devant la concur­<br />

rence <strong>et</strong> la qualité des produits latino-américains.


- SOOESUCRE produit du sucre<br />

- 109 -<br />

- SODE FOR chargé de la reforestation<br />

- SODEPRA s'occupe de la production animale<br />

- SODEFEL pour les fruits <strong>et</strong> légumes<br />

SODEHEVEA a cédé ses plantations à la SAPH<br />

SODERIZ s'occupe du riz<br />

- CID T pour le coton<br />

- SATMACI ( de création plus ancienne)<br />

Ces SODE possèdent un caractère hybride, d'une part<br />

en raison de leur classification parmi les institutions publi­<br />

ques - les hauts responsables <strong>et</strong> cadres sont nommés par le conseil<br />

de gourvernement - <strong>et</strong> d'autre part, à cause de leur caractère in­<br />

dustriel <strong>et</strong> commercial qui confère à leur régime, des aspects de<br />

droit privé afin de mieux les inserrer dans les activités écono­<br />

miques de production <strong>et</strong> de commercialisation.<br />

Elles sont avant tout chargées de la production agri­<br />

cole <strong>et</strong> de l'encadrement du monde rural pour la production des<br />

mêmes cultures. Les énormes moyens financiers mis à leur dispo­<br />

sition favorisèrent leur emprise sur l'espace rural.<br />

Le but premier d'une SODE agricole est de participer<br />

à la restructuration des plantations. Elle doit créer des plan­<br />

tations, après avoir établi des schémas de développement aussi<br />

précis que possible <strong>et</strong> évalué les coûts <strong>et</strong> les conditions de<br />

réalisation. Elle doit veiller sur les opérations de défriche­<br />

ment, de plantation, de fumure <strong>et</strong> de traitement phyto-sanitaires.<br />

Elle s'occupe également de la récolte, du transport des fruits<br />

vers des usines construites par l'Etat, de l'élaboration des pro­<br />

duits semi-finis <strong>et</strong> finis, du stockage <strong>et</strong> de la vente. La SODE<br />

agricole, comme on le voit, est une grosse entreprise industriel­<br />

le, avec de gros moyens financiers. Son fonctionnement fait ap­<br />

pel à une multitude de services allant des bureaux d'études aux<br />

organismes de sous-traitance divers.<br />

Pour chaque type de culture, l'Etat a confié à la


- 110 -<br />

SODE, l'encadrement des paysans, dans le triple but d'enseigner<br />

les nouvelles méthodes de mise en valeur du sol, d'élever les<br />

rendements à l'hectare <strong>et</strong> de créer une classe de planteurs mo­<br />

dernes, ouverts aux innovations.<br />

L'intervention de l'Etat ne s'est donc pas limitée<br />

à des actions pontuelles : dans un milieu analphabète, il sem­<br />

ble que la formule choisie par l'Etat ait été la bonne. Les ré­<br />

sultats doivent perm<strong>et</strong>tre de dire s'il fallait ou non avoir un<br />

regard sur tous les secteurs d'activités.<br />

On remarquera que par suite de "fautes lourdes de<br />

gestion", la plupart des SODE ont été supprimées. Trois des sur­<br />

vivantes contrôlent le secteur agricole de tout le pays : la<br />

SODEPALM, la STAMACI <strong>et</strong> la ClOT. Nous y reviendrons.<br />

La dynamique économique régionale est en grande par­<br />

tie due à la masse monétaire investie par le gouvernement. Ce<br />

"capitalisme d'Etat,,(l) est dicté par la recherche de l'effica­<br />

cité, le milieu rural étant incapable de produire suffisamment<br />

pour satisfaire les ambitions du pays. Mais en l'absence d'une<br />

épargne nationale importante, il convient de rechercher les<br />

sources de financement.<br />

Les rapports privilégiés de la Côte d'Ivoire avec<br />

la France, ajoutés à sa stabilité politique lui ont permis<br />

d'avoir accès à de nombreux prêts, de la part des institutions<br />

financières européennes. Ces concours extérieurs sont venus s'a­<br />

jouter aux ressources propres, pour donner à la Côte d'Ivoire,<br />

ses premiers établissements bancaires spécialisés, au service<br />

de l'agriculture.<br />

(1) cf. Samir Amin Dp.Cit.


- 111 -<br />

3 - PRETS ETRANGERS ET STRUCTURES BANCAIRES AU SERVICE<br />

DE L'AGRICULTURE<br />

Par la loi nO 59-134 du 3 septembre 1959, complétée<br />

par des décr<strong>et</strong>s d'application ultérieurs, un code d'investisse­<br />

ment très généreux, est mis sur pied, allant de l'exemption<br />

d'impôts pendant une longue période à la possibilité pour les<br />

investisseurs étrangers, d'expatrier une grande partie de leurs<br />

bénéfices. Ce régime des investissements favorisa l'afflux de<br />

capitaux étrangers, généralement vers l'agriculture. Outre ces<br />

investissements privés, l'Etat contracta de nombreux emprunts<br />

avec diverses banques. Toutefois, c'est le Fonds Européen de<br />

Développement (FED) qui, avec une aide de 47,6 millions d'Uni­<br />

tés de compte(l), soit plus de 200 millions de francs français,<br />

a permis le démarrage des grands programmes agricoles.<br />

Les résultats du palmier à huile, de l'hévéa <strong>et</strong> des<br />

cultures fruitières,ont donné confiance aux bailleurs de fonds<br />

d'horizons divers. Ainsi, la Banque Mondiale, la Caisse Centra­<br />

le de Coopération Economique, interviennent dans le financement<br />

de diverses opérations. Les banques américaines (Export-Import<br />

Bank, FirstNational City Bank), sont sollicitées pour élargir<br />

le champ de manoeuvre du gouvernement ivoirien.<br />

Actuellement, de nombreux proj<strong>et</strong>s en cours de réalisa­<br />

tion, ne peuvent aboutir que grâce à des aides étrangères. Ain­<br />

si depuis 1979, les plantations d'hévéa de Grand-Béréby (ouest<br />

de la C.I.). sont financées pour plus de moitié par des banques<br />

européennes: estimée à 22 Milliards CFA, l'opération est répar­<br />

tie entre l'Etat ivoirien(90 %) <strong>et</strong> la Compagnie Générale des<br />

Etablissements Michelin (10 %). La part de l'Etat sera appro­<br />

visionnée par des fonds de la BIRD, la CCCE <strong>et</strong> du FED.<br />

3 500 ha de plantations villageoises du sud-est seront<br />

réalisés avant la fin de 1985 à SONGDN <strong>et</strong> BETTIE ; le proj<strong>et</strong><br />

sera financé comme suit :<br />

( 1) B. A • G . F. N 0 4 l 5 - 4 l 6. Mar s - Av r i l l 974 - P. 9 9


- 112 -<br />

- Banque Mondiale (BIRD)<br />

- Caisse Centrale de Coopération<br />

Economique (CCCE)<br />

- Commonwealth Development<br />

Corporation (CDC)<br />

1 670 Millions<br />

330 Millions<br />

660 Millions<br />

Ces divers établissements bancaires, ont étendu leur<br />

intervention au-delà du secteur agricole. Ils ont été associés<br />

à tous les programmes de développement intégré en milieu rural,<br />

<strong>et</strong> principalement dans les programmes d'hydraulique villageoise.<br />

Ces flux de monnaie, ont aussi permis la création d'une<br />

banque spécialisée dans les prêts aux paysans : la BNDA. Avec<br />

un capital révisable de 1 300 Millions de francs CFA, la BNDA<br />

est spécialisée dans les crédits à l'agriculture, l'élevage,<br />

la pêche, l'habitat <strong>et</strong> l'artisanat rural. La Côte d'Ivoire y<br />

détient 67 % du capital ; le reste revenant à des privés ivoi­<br />

riens (10 % ) <strong>et</strong> à des banques européennes.<br />

L'efficacité de c<strong>et</strong>te banque reste cependant à prouver,<br />

surtout lorsqu'il s'agit de l'aide aux p<strong>et</strong>its paysans. Nous re­<br />

viendrons, dans la troisième partie, sur le système bancaire <strong>et</strong><br />

sa portée en milieu rural. On peut toutefois louer l'initiative<br />

de la BNDA qui, en ouvrant des bureaux dans les centres semi­<br />

urbains, s'est considérablement rapprochée des paysans. Mieux,<br />

à des époques précises, des missions se rendent dans les villa­<br />

ges-centres, pour rencontrer, discuter <strong>et</strong> concéder des prêts<br />

aux paysans ; ce sont les fameux prêts de soudure sur lesquels<br />

nous aurons notre mot à dire.<br />

Concrètement, comment sont gérés les prêts à l'Etat<br />

ivoirien <strong>et</strong> quelles sont les sources de financement du gouverne­<br />

ment ?<br />

Les sources de financement de l'Etat sont multiples<br />

nous en r<strong>et</strong>enons deux des plus significatives<br />

- Les rec<strong>et</strong>tes fiscales (impôts directs, impôts liés au


- 113 -<br />

commerce extérieur, contributions de la CSSPPA, <strong>et</strong>c ... )<br />

- Les sources extérieures dont nous venons de parler (orga­<br />

nisations internationales, crédits fournisseurs, emprunts à des<br />

établissements privés).<br />

Les fonds empruntés ou les subventions du Budg<strong>et</strong> Spé­<br />

cial d'Investissement <strong>et</strong> d'Equipement (BSIE) sont répartis entre<br />

les Sociétés d'Etat (SODE) pour la réalisation des objectifs qui<br />

leur sont assignés, dans le cadre de leur propre programme <strong>et</strong><br />

de celui des villageois qui reçoivent une aide de l'Etat. La ges­<br />

tion de ces crédits est confié à la Caisse Autonome d'Amortisse­<br />

ment (CAA) créée en 1959 avec au départ une triple mission :<br />

- La gestion de la d<strong>et</strong>te de l'Etat<br />

- La gestion des dépôts, <strong>et</strong> enfin<br />

- La gestion des fonds nationaux <strong>et</strong><br />

autre que celle de l'Etat.<br />

de la d<strong>et</strong>te publique,<br />

La recherche effrénée de crédits à tous les niveaux de<br />

l'économie, l'euphorie générale engendrée par les premiers suc­<br />

cès agricoles <strong>et</strong> le manque de rigueur dans les contrats d'em­<br />

prunt ont fait du pays, l'un des plus end<strong>et</strong>tés de l'Afrique de<br />

l'ouest. Les conséquences sur l'économie en général, seront en­<br />

visagées plus loin. On peut tout simplement préciser que les<br />

prêts les plus avantageux - en regard des taux d'intérêts ­<br />

étaient ceux de la CCCE ; mais en volume, la BIRD offrait les<br />

plus gros prêts.<br />

Qu'il s'agisse de la construction de routes, de l'ou­<br />

verture de plantations d'Etat ou d'emprunts financiers, partout,<br />

la trace de l'Etat est visible. Mais toutes ces actions ne se<br />

sont pas faites de manière désordonnée ; elles ont été conçues<br />

selon une planification plus ou moins rigoureuse.


- 114 -<br />

4 - LE ROLE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE APPLIQUEE<br />

Afin de rendre le secteur agricole compétitif, la Côte<br />

d'Ivoire a opté pour une agriculture scientifique, employant<br />

les résultats des instituts de recherches, situés en majorité<br />

dans la périphérie abidjanaise, domaine d'application des dé­<br />

couvertes. Ce sont par exemple<br />

- L'IRHO (Institut de Recherches des Huiles <strong>et</strong> Oléagineux),<br />

créé en 1946 pour l'exploitation des Huileries de Dabou. En 1963,<br />

on lui confie le soin d'étudier les conditions favorables au dé­<br />

veloppement de la palmeraie sélectionnée.<br />

- L'IFCC (Institut Français du café-cacao, créé en 1958 a<br />

permis la régénération des caféières <strong>et</strong> cacaoyères <strong>et</strong> la diffu­<br />

sion de nouvelles varités plus performantes. La dernière de ses<br />

découvertes est l'ARABUSTA, un croissement de l'Arabica réputé<br />

pour son arôme <strong>et</strong> le Robusta pour son amertume <strong>et</strong> sa force.<br />

L'IFCC est à Bingerville, à 18 km d'Abidjan.<br />

- La SATMACI s'occupait de l'encadrement sur le terrain, des<br />

planteurs de café <strong>et</strong> cacao. Un récent changement lui a confié<br />

tout le secteur d'activité agricole du centre du pays.<br />

- L'IRCA pour la recherche sur le caoutchouc, est situé à<br />

Bimbresso, à moins de 20 km d'Abidjan. Ses jardins graniers ont<br />

permis l'amélioration des rendements de l'hévéa.<br />

- L'IRFA (Fruits <strong>et</strong> Agrumes) situé à Azaguié s'emploie à<br />

l'amélioration des fruits (bananes, ananas, avocat <strong>et</strong>c... ) <strong>et</strong><br />

agrumes (citrons ... )<br />

L'application <strong>et</strong> la diffusion des nouvelles techniques<br />

culturales font l'obj<strong>et</strong> d'une campagne d'information intensi­<br />

ve auprès des paysans.


5 - LE ROLE DES ME DIAS<br />

- 115 -<br />

Le journal Terre <strong>et</strong> Progrès, le quotidien Fraternité­<br />

Matin, la Radio <strong>et</strong> la Télévision ivoiriennes sont des canaux<br />

efficaces d'information du paysan. Leur rôle d'informateur est<br />

complété par un concours biennal - La COUPE NATIONALE du PROGRES­<br />

qui récompense les meilleurs paysans. La mobilisation du monde<br />

rural est l'un des atouts de l'agriculture. Cela s'est fait grâ­<br />

ce à une politique d'incitation à tous les niveaux. On peut cons­<br />

tater par exemple que tout paysan dispose d'un poste de radio<br />

pour l'émission quotidienne "la coupe nationale du progrès".<br />

Quant aux paysans qui sont passés par l'école, la revue Terre<br />

<strong>et</strong> Progrès leur est distribuée gratuitement, ainsi qu'à certains<br />

fonctionnaires possèdant des plantations.<br />

Tout ce qui précèdent perm<strong>et</strong> de comprendre tout le sys­<br />

tème de relations tissées par le Gouvernement pour parvenir à<br />

ses objectifs. L'un des atouts de ces programmes demeure la sta­<br />

bilité des deux ministères clé: celui du Plan, de l'Economie<br />

<strong>et</strong> des Finances <strong>et</strong> celui de l'Agriculture qui ont conservé les<br />

mêmes ministres pendant plus de 13 ans.<br />

Malgré ces efforts, des points de faiblesse existent.<br />

6 - LES HIATUS<br />

On peut regr<strong>et</strong>ter l'interférence entre les divers orga­<br />

nismes intervenant dans le milieu rural. Une concurrence impi­<br />

toyable s'est engagé entre les diverses SODE, <strong>et</strong> c'est le pay­<br />

san qui en a fait les frais, car ne sachant pas quelle cultu­<br />

re pratiquer.<br />

Par ailleurs les agents affectés à l'encadrement n'a-<br />

vaient pas toute la qualification requise leur attitude désin-


- 116 -<br />

volte envers les paysans a été parfois choquante pour ces der­<br />

niers qui estiment connaître assez la terre, pour que des jeu­<br />

nes "leurs enfants" viennent leur imposer des méthodes de cul­<br />

ture.<br />

D'autre part on a pu noter le grand fossé entre ingé­<br />

nieurs agronomes <strong>et</strong> agents de SATMACI. Les ingénieurs, hommes<br />

de conception <strong>et</strong> non de terrain ont travaillé en r<strong>et</strong>rait des<br />

problèmes quotidiens des paysans. La réforme entreprise, avec<br />

la création de l'IAB (Institut Agronomique de Bouaké) pourrait<br />

remédier à la situation, en formant des Techniciens de la terre<br />

pour combler le fossé entre les ingénieurs <strong>et</strong> les agents d'exé­<br />

cution.<br />

Malgré ces faiblesses, somme toute relatives, les ré­<br />

sultats de l'agriculture en Basse Côte, prouvent que la straté­<br />

gie adoptée par le gouvernement semble adaptée au contexte éco­<br />

nomique <strong>et</strong> social du pays. Ces résultats pour être appréciés<br />

comme il le faut, doivent être analysés par secteur de produc­<br />

tion agricole.<br />

B - UNE PRODUCTION REGIONALE REPRESENTANT PLUS DE LA MOITIE<br />

DES EXPORTATIONS AGRICOLES DU PAYS<br />

La diversité des cultures de l'extrême sud-est ivoirien im­<br />

plique au départ de toute analyse de résultats, un choix des<br />

variables: celles qui insufflent une dynamique réelle à l'es­<br />

pace étudié.<br />

Notre choix s'est porté sur les cultures que nous ju­<br />

geons les plus significatives, en raison d'une part de leur vo­<br />

lume <strong>et</strong> du nombre de personnes qu'elles occupent <strong>et</strong> d'autre part<br />

en référence à leurs eff<strong>et</strong>s d'entraînement <strong>et</strong> à l'impact des


- 117 -<br />

activités induites sur le développement général de la région. Il<br />

s'agira donc de spécifier la part de chaque culture, de comparer<br />

les volumes de production <strong>et</strong> d'expliquer le fondement des dis­<br />

parités entre les divers sous-espaces d'abord, ensuite entre le<br />

sud <strong>et</strong> le nord de la Côte d'Ivoire.<br />

Nous ne délaisserons pas pour autant l'agriculture vi­<br />

vrière, devenue une pièce maîtresse dans la production agrico­<br />

le d'une Basse Côte à la recherche d'un second souffle.<br />

1 - LA CROISSANCE IRREGULIERE DU CAFE ET DU CACAO<br />

L'analyse des résultats de production est devenue un<br />

exercice classique, pour l'appréciation de la dynamique d'un<br />

espace économique donné. Nous n'insisterons donc pas sur les<br />

chiffres de production, surtout que ceux en notre possession<br />

ne concernent pas uniquement la région d'étude. En eff<strong>et</strong>, mal­<br />

gré notre souhait, nous n'avons pas réussi à isoler - pour tous<br />

les produits - les volumes de production, spécifiques au sous­<br />

espace concerné par nos recherches. Par ailleurs, nous nous<br />

contenterons d'analyser simplement les résultats de production,<br />

sans nous intéresser au fonctionnement interne des plantations,<br />

obj<strong>et</strong> de préoccupation ultérieure.<br />

Le café <strong>et</strong> le cacao sont les deux cultures pionnières<br />

pratiquées en Basse Côte. En raison de leur ancienn<strong>et</strong>é, elles<br />

sont présentes sur tout l'espace d'étude, avec des zones de<br />

concentration <strong>et</strong> des zones où elles sont cultivées de manière<br />

sporadique.<br />

A la différence des autres cultures, le café <strong>et</strong> le ca­<br />

cao sont cultivés en exploitations familiales exclusivement.<br />

Quelle est, au niveau de la région d'Abidjan, la situation de<br />

la production de ces deux cultures devenues le symbole de la<br />

richesse du paysan ivoirien ?


- 118 -<br />

Le tableau suviant résume assez bien l'évolution de<br />

la production de café de ces dernières années.<br />

Campagnes<br />

Département Ensemble % par<br />

d'Abidjan Côte d'Ivoire<br />

rapport<br />

au total<br />

1973 - 1974 12 200 Tonnes 195 900 Tonnes 6,22<br />

1974 - 1975 15 600 Tonnes 270 400 Tonnes 5,76<br />

1975 - 1976 18 400 Tonnes 308 400 Tonnes 5,96<br />

1976 - 1977 17 500 Tonnes 291 300 Tonnes 6<br />

1977 - 1978 14 000 Tonnes 195 550 Tonnes 7,15<br />

1978 - 1979 16 000 Tonnes 277 100 Tonnes 5,77<br />

1979 - 1980 13 500 Tonnes 249 600 Tonnes 5,40<br />

1980 - 1981 18 900 Tonnes 366 800 Tonnes 5,15<br />

Source Ministère de l'Agriculture<br />

On remarquera que hormis la campagne 1977-78, la part du<br />

département d' Abidjan n'excède jamais 7 % de la production na­<br />

tionale de café. C<strong>et</strong>te part reste assez stable autour de 5 % ce<br />

qui place le département au 7 e <strong>et</strong> 8 e rang selon les années, der­<br />

rière Abengourou, Abaissa, Bouaffé, Bouaké, Daloa Dimbokro <strong>et</strong><br />

Divo.


- 120 -<br />

Pour le cacao, la situation est la suivante<br />

Département<br />

1<br />

Ensemble % par rapport<br />

Campagnes d'Abidjan Côte d'Ivoire au total<br />

1973 - 1974 14 000 Tonnes 208 500 Tonnes 6,71<br />

1974 - 1975 19 900 Tonnes 241 100 Tonnes 8,25<br />

1975 - 1976 20 300 Tonnes 227 350 Tonnes 8,92<br />

1976 - 1977 16 000 Tonnes 228 350 Tonnes 7,0<br />

1977 - 1978 18 400 Tonnes 297 200 Tonnes 6,19<br />

1978 - 1979 21 000 Tonnes 318 500 Tonnes 6,59<br />

1979 - 1980 44 000 Tonnes 401 000 Tonnes 10,97<br />

1980 - 1981 48 000 Tonnes 417 160 Tonnes 11,50<br />

Source Ministère de l'Agriculture<br />

Le département d'Abidjan a un poids plus significatif<br />

dans la production cacaoyère qu'en ce qui concerne le café. De­<br />

puis 1976-77, les résultats ont été en croissance régulière pour<br />

le cacao, alors que la production de café est en dents de scie.<br />

Deux explications sont à la base de ces résultats :<br />

- Le vieillissement des caféiers, déjà mal adaptés à ce milieu<br />

trop humide, explique les résultats irréguliers enregistrés entre<br />

1973 <strong>et</strong> 1981. On remarque que d'une manière générale, une bonne<br />

récolte tant au niveau national qu'au niveau du département, est<br />

suivie d'une mauvaise récolte. C<strong>et</strong>te situation provient des mé­<br />

thodes de récoltes : les paysans arrachent littéralement les<br />

branches porteuses des cérises, lorsque les arbustes ont donné<br />

de nombreux fruits <strong>et</strong> que le travail est rendu difficile. L'an­<br />

née d'après, le caféier n'a pas réussi à reconstituer ses bran­<br />

ches, ce qui entraîne une baisse de la production. A l'inverse


1<br />

1<br />

- 121 -<br />

Le cacaoyer qui a une floraison dite de "cauliflorie" - c'est­<br />

à-dire que les fleurs poussent directement sur la tige - est<br />

moins abîmé pendant la récolte.<br />

- La production régulière du cacao s'explique par la présence<br />

de sols assez favorables <strong>et</strong> surtout par l'effort des planteurs<br />

qui ont adopté en masse des variétés hybrides. C'est ce qui<br />

se traduit par le bond de la production de la campagne 1977-78.<br />

Al'exception de l'année 1976-77, la part du département a accru<br />

de manière régulière <strong>et</strong> proportionnellement à l'accroissement<br />

général de la production nationale.<br />

Quelles sont les superficies cultivées, <strong>et</strong> quels sont<br />

les rendements à l'ha de ces deux cultures?<br />

Au niveau du département, les superficies cultivées<br />

en café <strong>et</strong> cacao ont connu une progression assez difficile à<br />

suivre en ce qui concerne les variétés traditionnelles, car le<br />

paysan qui plante les "vieilles" variétés n'informe pas les<br />

agents de la SATMACI. C'est au niveau des nouvelles variétés di­<br />

tes hybrides que l'on arrive à déterminer la progression des su­<br />

perficies. On peut cependant se fier aux estimations de la<br />

SATMACI selon qui, les superficies auraient évolué de la maniè­<br />

re suivante.<br />

Tableau d'évolution des superficies de café <strong>et</strong> cacao entre<br />

1977 <strong>et</strong> 1979 (ha)<br />

Total Département 1 Total Département Dont café Dont cacao<br />

1<br />

Campagnes<br />

Café Ensemble CI Cacao Ensemble CI<br />

sélection- hybride<br />

né<br />

77-78 81000 ha 6,27 % 114 000 ha 12,71 % 1 662 ha 4 298 ha<br />

78-79 85 000 ha 6,24 % 122 000 ha 12,88 % 2 597 ha 6 374 ha<br />

La part très faible en café d'Abidjan s'explique par<br />

le fait que les caféières s'étendent sur un plus grand nombre<br />

1


- 122 -<br />

de départements (même au-delà de la zone écologique propice) <strong>et</strong><br />

également à cause des arrachages de ces dernières années par<br />

les paysans qui se sont reconvertis à la palmeraie sélectionnée.<br />

On remarque que la part en superficie du département<br />

ne reflète pas les pourcentages de production de<br />

l'ensemble de la nation. Ceci est dû à la faiblesse des rende­<br />

ments de ces deux produits par rapport à certains départements.<br />

Au niveau régional, les chiffres de production que nous<br />

avons obtenus ne reflétant pas la réalité, nous les avons écar­<br />

tés. En eff<strong>et</strong> ces chiffres ne concernent que les productions<br />

des GVC (Groupements à Vocation Coopérative). Or sur le terrain,<br />

on remarque que très souvent, moins de la moitié des paysans<br />

adhère à la coopérative du village. Ainsi les chiffres fournis<br />

par la SATMACI font état d'une production totale de 1 284,6<br />

tonnes de café <strong>et</strong> 1 092,3 tonnes de cacao. Ces chiffres sont n<strong>et</strong>­<br />

tement en dessous de la production de la zone d'étude; le fait<br />

qu'on ait construit une décortiquerie d'une capacité de 15 000<br />

tonnes à Anyama atteste de la dynamique d'une production qui<br />

connaît malgré tout d'énormes difficultés liées à l'émi<strong>et</strong>tement<br />

des parcelles, à des rendements assez bas <strong>et</strong> à des prix d'achat<br />

qui découragent les paysans<br />

Malgré tout, le café <strong>et</strong> le cacao ont encore leur pres­<br />

tige d'antan car ils sont présents dans toutes les exploitations<br />

familiales <strong>et</strong> sont en quelque sorte la base de toutes les exploi­<br />

tations familiales. Le déclin amorcé est imputable au vieillisse­<br />

ment des caféières <strong>et</strong> cacaoyères. On constate par exemple que<br />

48 % des plantations de l'extrême sud ont été plantées avant<br />

1960, or ces plantes ne connaissent leur plein développement<br />

qu'entre 8 <strong>et</strong> 15 ans. Au-delà il faut bonifier le sol pour que<br />

la plantation soit rentable; malheureusement les paysans n'ont<br />

pas toujours les moyens nécessaires pour l'achat d'engrais.<br />

La diffusion des nouvelles variétés de caféiers sélec­<br />

tionnés <strong>et</strong> de cacaoyers hybrides pourrait r<strong>et</strong>arder pour quelques


- 123 -<br />

années la chute définitive de l'extrême-sud au profit des zones<br />

les plus récemment acquises à ces cultures. Ainsi, malgré les<br />

opérations de récépage, il semble que le paysan de la Basse Cô­<br />

te n'a pas réussi à restructurer ses exploitations, de sorte<br />

qu'aujourd'hui, par tête d'exploitant, les revenus ont baissé.<br />

En eff<strong>et</strong>, il ne faut pas considérer la seule évolution<br />

des productions ou des superficies pour conclure à une augmen­<br />

tation des revenus, car dans le même temps, la<br />

population paysanne s'est accrue. Il faut donc établir un pa­<br />

rallèle entre l'accroissement de la population,qui s'est opéré<br />

de manière accélérée. <strong>et</strong> la progression des superficies qui<br />

n'ont pas suivi le mouvement de la population à cause des pro­<br />

blèmes fonciers que nous verrons au chapitre IX.<br />

La seule satisfaction pour les paysans, c'est la di­<br />

versité des sources de revenus. Ainsi outre ces deux produits,<br />

ils cultivent l'éléis ou palmier à huile <strong>et</strong> le cocotier.<br />

2 - L'ELEIS ET LE COCOTIER, DES CULTURES BIEN INTEGREES<br />

A L'ESPACE RURAL<br />

Le développement de ces deux cultures tire son origine<br />

de la politique de diversification agricole décidée par les auto­<br />

rités du pays, dès l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépen­<br />

dance politique. C'est en 1963 que démarre le plan palmier dont<br />

la réalisation fut confiée à la SOOEPALM. Pour perm<strong>et</strong>tre au pay­<br />

san de diversifier ses sources de revenus <strong>et</strong> aussi pour relati­<br />

viser la part, à l'époque écrasante du café <strong>et</strong> du cacao dans<br />

les exportations du pays, on associa la paysannerie à l'opéra­<br />

tion "Plan Palmier". De sorte que pour le palmier à huile sélec­<br />

tionné nous avons deux types de plantations :<br />

- celles des paysans<br />

- celles de l'Etat <strong>et</strong> des groupes privés capitalistes.


- 125 -<br />

relatif, assure une part importante des revenu du paysan.<br />

Le cocotier, comme les superficies le montreront,n'a<br />

pas connu une progression aussi rapide que le palmier à huile.<br />

Ici on note une certaine spécialisation de quelques sous-espa­<br />

ces comme par exemple Bassam, le cordon littoral au sud d'Abid­<br />

jan <strong>et</strong> la sous-préfecture de Jacqueville à l'ouest de Dabou.<br />

Les véritables plantations sont contrôlées par la SODEPALM(l) <strong>et</strong><br />

PALMINDUSTRIE ; les plantations villageoises étant des exploi­<br />

tations "artisanales", c'est-à-dire qu'en même temps que la co­<br />

coteraie sert de décor, on essaie d'en tirer le maximum de pro­<br />

fit en ramassant les noix de coco qu'on livre à PALMINDUSTRIE.<br />

Pour ces deux produits, quels sont les superficies <strong>et</strong><br />

les volumes de productions au niveau d'Abidjan?<br />

Superficies <strong>et</strong> productions de palmier à huile comparées<br />

Types<br />

d'Abidjan <strong>et</strong> sa région en 1981<br />

Superficie en ha Production-(Tonnes de régimes)<br />

d'exploitation Abidj an Côte d'Ivoire % Abidj an Côte d'Ivoire %<br />

Plantations 21 594 37 903 57 66 172 183 194 36,12<br />

Villageoises<br />

Plantations<br />

Industrielles 14 685 51 695 28,4 110 625 454 046 24,36<br />

Divers 7 827 10 282 76,12 9 112 13 211 69<br />

Ce tableau montre que la seule région d' Abidj an totali­<br />

se 44 106 ha de palmeraies sur 99 880 ha que compte le pays soit<br />

un peu plus de 44 % des superficies, mais ne produit que 33,37 %<br />

des régimes soit 237 651 si l'on compte l'apport des palemeraies<br />

non enregistrées par la SODEPALM.<br />

(1) La SOOEPALM en a cédé la gestion à PALMINOUSTRIE.


- 126 -<br />

C'est au niveau de la région que le tableau est intéres­<br />

sant; en eff<strong>et</strong> on remarque que les plantations villageoises pré­<br />

sentent 59,52 % des superficies de la zone d'étude, tandis que<br />

ces plantations villageoises ne produisent que 37,42 % des<br />

176 797 tonnes de régimes. ceci révèle la faiblesse des rende­<br />

ments des plantations de la zone rurale par rapport à ceux des<br />

plantations industrielles.<br />

La faiblesse de ces rendements est due au manque de<br />

soins appropriés, à la double occupation des paysans qui doivent<br />

veiller sur les caféiers <strong>et</strong> les cacaoyers <strong>et</strong> à la négligence<br />

de certains planteurs qui ne réalisent pas les travaux d'entre­<br />

tien dans le temps souhaité. De plus l'émi<strong>et</strong>tement des parcel­<br />

les est un obstacle à une exploitation rentable. En eff<strong>et</strong> les<br />

paysans qui n'ont pas de grandes superficies sont gagnés par<br />

le découragement <strong>et</strong> délaissent des plantations entières dans la<br />

broussaille. D'autres causes soustendent c<strong>et</strong>te piètre performan­<br />

ce (cf. chapitre IX).<br />

On considère que chaque paysan cultive en moyenne 3,65<br />

ha de palmier ; ce qui est bien peu, comparé aux superficies de la<br />

SDDEPALM qui convrent des milliers d'hectares.<br />

Les gros planteurs de la Basse Côte cultivent environ<br />

20 ha de palmier en moyenne, mais ils sont rares.<br />

En plantation moderne le cocotier n'a pas connu la mê­<br />

me diffusion en milieu rural, que le palmier à huile. Le tableau<br />

suivant révèle la situation de c<strong>et</strong>te plante en 1981.<br />

Type de plantations Abidj an Côte d'Ivoire 0/<br />

10<br />

Plantations industrielles 10 519 19 195 54,80<br />

Plantations villagoises 5 970 10 982 54,36<br />

IRHO 1 014 1 303 77,82<br />

TOTAL 17 503 31 480 55,60


- 127 -<br />

Le tableau m<strong>et</strong> en évidence la part prépondérante d'Abi­<br />

djan<strong>et</strong> prouve que la zone écologique du cocotier est bien l'ex­<br />

trême sud <strong>et</strong> toute la frange littorale du pays.<br />

Dans le détail, les plantations villageoises représen­<br />

tent environ 36,2 % des superficies de la zone étudiée <strong>et</strong> 54,36%<br />

des exploitations familiales du pays. Les plantations industriel­<br />

les de la région s'arrogent 54,8 % des exploitations du même type<br />

<strong>et</strong> le tiers de toutes les cocoteraies en exploitation en 1981.<br />

C<strong>et</strong>te part en superficie place la zone sud au premier<br />

rang des zones productrices de noix de coco. Ce qui a occasion-<br />

né la construction d'une unsine de trituration à Vridi (Abidjan)<br />

<strong>et</strong> d'une autre de coco râpé à Jacqueville (voir chapitre suivant).<br />

Il semble que la production de coco annoncée par les<br />

SODE est dépassée, car dans la réalité, une part de la produc­<br />

tion familiale est vendue directement aux consommateurs ivoiriens<br />

ou exportée vers les pays situés au nord de la Côte d'Ivoire. Avec<br />

plus de 30 850 000 noix récoltées en 1982, la région d'Abidjan<br />

s'adjuge 33,67 % des 91 605 000 de noix produites par l'ensemble<br />

des cocoteraies industrielles. On remarque que c<strong>et</strong>te part dans<br />

la production ne reflète pas celle des superficies (54,8 %). Ce­<br />

la serait dû aux rendements assez modestes des jeunes plantations<br />

plus nombreuses sur l'ile boulay. En eff<strong>et</strong> le palmier à huile<br />

<strong>et</strong> le cocotier n'atteignent leur période de pleine production<br />

qu'après la dixième année.<br />

Outre les oléagineux, la région produit de l'hévéa <strong>et</strong><br />

ce, depuis 1958, date de la création de la première parcelle dans<br />

la savane de Dabou.<br />

3 - L'HEVEACULTURE, UNE DIFFUSION EN MILIEU VILLAGEOIS<br />

TARDIVEMENT AMORCEE<br />

L'hévéa est l'une des premières plantes de la diversi­<br />

fication agricole. Introduite en 1958 dans les savanes de Dabou,


- 130 -<br />

Les différences sont donc énormes. En eff<strong>et</strong>, la banane<br />

une fois cueillie doit être emballée, mise en container <strong>et</strong> expé­<br />

diée le plus vite possible pour éviter la pourriture des fruits.<br />

Les longs délais de la traversée des océans obligent les exploi­<br />

tants à couper les régimes, certes à maturité, mais avant la co­<br />

loration du fruit.<br />

Quant à l'ananas, il faut le consommer dans la semaine<br />

qui suit la cueill<strong>et</strong>te. Dans tous les cas, un bon ananas doit<br />

se consommer dans les sept jours qui suivent la coupe du fruit.<br />

Au-delà, les propriétés organoleptiques du fruit se dégradent.<br />

C<strong>et</strong>te exigence fait que l'ananas ivoirien est évacué vers les<br />

pays consommateurs par voie aérienne.<br />

Les coûts de production assez élevés, additionnés aux<br />

moyens logistiques nécessaires font que ces deux cultures sont<br />

l'affaire de gros planteurs ou de coopératives de production<br />

(exemple de la coopérative de Bonoua à l'est de Bassam où la<br />

SOCABO - Ananas de Bonoua - exploite de vastes superficies en<br />

co gestion) .<br />

Ainsi pour la culture bananière, on calcule que 13 %<br />

des planteurs - pour la plupart des européens - contrôlent plus<br />

de 60 % des cultures, alors que 67,3 % des exploitants - des<br />

p<strong>et</strong>its planteurs - ont à peine 23 % des superficies.<br />

Quelle est la situation générale de ces deux produits,<br />

au niveau de la région d'étude?<br />

Banane ( Tonnes) Ananas Frais<br />

Secteurs Prod. 1978 Prad, 81 Prod. 78 Prod. 81<br />

Anyama 26 976 15 546 370 267<br />

Bingerville 37 570 2B 302 18 610 6 791<br />

Oabou 6 731 4 433 5 682 12 691<br />

TOTAL 71 277 48 2Bl 24 662 19 749<br />

Source SODEFEL + COFRUITEL


- 132 -<br />

EVOLUTION DE QUELQUES PRODUITS DE LA REGION<br />

50 000 T<br />

30 000<br />

10000<br />

80 000 T<br />

60000<br />

40000<br />

20 000<br />

CAFE _ CACAO<br />

cacao<br />

",café<br />

,/<br />

_/<br />

1972 197A 1976 1978 1980 1982<br />

ANANAS _ BANANE<br />

/"- .......<br />

/" " /" "-<br />

,/<br />

/" " '\...<br />

.,/ / -- ----.<br />

/ " , .... ....<br />

-,<br />

-banane<br />

1972 1974 1'976 1978 1980 1982<br />

source. Producteurs<br />

ananas


- 135 -<br />

avoir été exportateur de c<strong>et</strong>te denrée en 1976.<br />

C<strong>et</strong>te percée uu riz est liée à la facilité de prépara­<br />

tion du riz <strong>et</strong> à son prix relativement plus bas que les autres<br />

produits de première nécessité; Ainsi les stocks de banane en<br />

décomposition sur les marchés ne signifient pas forcément que<br />

toutes les demandes sont satisfaites; c'est le prix de c<strong>et</strong>te den­<br />

rée qui occasionne les méventes; On estime par exemple qu'entre<br />

1970 <strong>et</strong> 1985, le prix de c<strong>et</strong>te denrée a augmenté de plus de<br />

1.100 %, alors que le riz dans le même temps voyait son prix pas­<br />

ser de 60 F le kg à 160 F soit une progression de 183,33 % en<br />

15 ans.<br />

Les besoins de consommation en ville sont cependant lé­<br />

gèrement différents de ceux des ruraux, de sorte que les centres<br />

urbains importent par exemple du blé, de la pomme de terre <strong>et</strong><br />

autres produits entrant dans les habitudes de consommation des<br />

citadins. Par ailleurs les citadins sont de gros consommateurs<br />

de produits maraîchers. C'est ce qui explique la dynamique d'une<br />

agriculture intra urbaine dont les productions sont les radis,<br />

les carottes, les concombres, les choux <strong>et</strong> les laitues. Les pro­<br />

duits cultivés traditionnellemnt ont fait l'obj<strong>et</strong> de spécialisa­<br />

tion à la périphérie d'Abidjan <strong>et</strong> des autres centres urbains de<br />

toute la Côte d'Ivoire. Pour ces produits, Abidjan doit une par­<br />

tie de son approvisionnement à des centres éloignés (cf; chapi­<br />

tre VIII). C'est dans ce domaine que se sont illustrées les fem­<br />

mes de l'espace rural péri-abidjanais il convient de voir le<br />

rôle de ces femmes dans la production vivrière.<br />

3 - LE ROLE PREPONDERANT DES FEMMES DANS L'AGRICULTURE<br />

VIVRIERE<br />

En culture traditionnelle, il a été souligné le rôle des<br />

femmes dans la pratique agricole d'autosuffisance; Il semble que<br />

l'économie de plantation, loin de détourner les femmes de la terre,


- 136 -<br />

a au contraire renforcé la place de ces dernières surtout en ce<br />

qui concerne la production alimentaire. Certes il y a des femmes<br />

chefs d'exploitation de plantation, mais elles sont peu nombreu­<br />

ses <strong>et</strong> on les rencontre plus dans le domaine vivrier où elles<br />

assurent l'essentiel de la production.<br />

Les femmes de la région se sont spécialisées dans la<br />

culture du manioc qui prospère bien en Basse Côte. Elles contrô­<br />

lent en réalité une vaste chaîne de production allant du défri­<br />

chement à la livraison du manioc brut ou transformé en Attiéké,<br />

sur les marchés urbains. L'Attiéké, semoule de manioc cuite à<br />

la vapeur est devenu après le riz, la seconde nourriture des ci­<br />

tadins de la Basse Côte. Son développement, comme dans le cas<br />

du riz, est lié à son prix (300 F. CFA d'Attiéké pouvait nourrir<br />

une famille moyenne à un repas) <strong>et</strong> à son acommodation à diverses<br />

sauces ou au poisson simplement fumé ou frit.<br />

C<strong>et</strong>te chaîne de production entièrement contrôlée par<br />

les femmes a occasionné l'achat de véhicules de transports dont<br />

le rôle économique est évident. Elle a également créé tout un<br />

ensemble d'intermédiaires constitué de femmes prospectrices de<br />

marché ou chargées d'écouler la production qu'elles reçoivent<br />

par le chauffeur attitré sans que la villageoise affectée à<br />

l'opération de transformation ait à se déplacer jusqu'en ville.<br />

Les femmes sont de ce fait devenues les principales productrices<br />

de denrées alimentaires. En dehors de la culture du manioc, ce<br />

sont elles qui assurent les travaux de plantation de banane, de<br />

tarot <strong>et</strong> de mais en compagnie du mari qui ne s'occupe que des<br />

tâches jugées trop physiques <strong>et</strong> surtout des cultures d'expor-<br />

tation.<br />

Les cultures industrielles ou vivrières ont des circuits<br />

de distribution qu'il convient d'étudier pour voir la va­<br />

leur ajoutée de certains produits, tant il est vrai que l'éco­<br />

nomie de la région est entièrement dépendante des plantations.


- 137-<br />

o - DES PRODUITS AGRICOLES INTEGRES A DES CIRCUITS DE DISTRIBU­<br />

TION MONOPOLISES<br />

Ce passage du texte ne saurait être exhaustif en raison<br />

du fait qu'il a été largement développé par d'autres chercheurs<br />

notre contribution ne concernera que les circuits vivriers peu<br />

étudiés, surtout en ce qui concerne le riz.<br />

1 - LES CIRCUITS RODES DES CULTURES DE SPECULATION<br />

Il faut savoir qu'en Côte d'Ivoire, toute la production<br />

agricole - en dehors des fruits - est sous le contrôle de l'Etat<br />

qui en assure la promotion <strong>et</strong> la vente à l'étranger. La Caisse<br />

de Stabilisation <strong>et</strong> de Soutien des Prix des Produits Agricoles<br />

(CSSPPA) est la pièce maîtrise du jeu économique agricole ivoi­<br />

rien. Ainsi le café <strong>et</strong> le cacao - cultures pionnières - étaient<br />

collectés par des particuliers mandatés par l'Etat (Ministère<br />

de l'Economie <strong>et</strong> des Finances). Ces derniers avaient un entre­<br />

pôt où ils stockaient le produit (prêt à la transformation),<br />

lorsqu'ils avaient un volume suffisant. il affrêtaient de<br />

gros camions qui évacuaient le produit sur Abidjan.<br />

Ce circuit était celui qui prévalait jusqu'en 1979, date à la­<br />

quelle les décortiqueries ont été généralisées, modifiant légè­<br />

rement le circuit.<br />

En eff<strong>et</strong>, le nouveau circuit est constitué par des<br />

particuliers qui achètent le café cérise séché <strong>et</strong> les livrent<br />

directement à la décortiquerie dont dépend la zone de production.<br />

La décortiquerie (cf. chapitre suivant) est une entreprise qui<br />

a passé un contrat avec l'Etat pour s'occuper du conditionnement<br />

du produit. Une fois le café décortiqué, la production est livrée<br />

à la CSSPPA qui est chargée d'écouler le produit à l'étranger.<br />

Le cacao suit l'ancien circuit, puisque ce produit, après sécha­<br />

ge par le paysan est directement livrable sur le marché mondiale.


- Les demi-grossistes<br />

- Les détaillants.<br />

- 140 -<br />

On peut même percevoir un quatrième niveau composé<br />

de commerçants qui achètent chez des détaillants citadins pour<br />

revendre dans le commerce villageois, soit parce que le riz est<br />

en train de manquer, soit parce que cesdétaillantsde deuxième<br />

ordre n'ont pas accès au marché de gros <strong>et</strong> demi-gros, assez fermé.<br />

(il faut reconnaître que dans ce circuit, tous les verrous sont<br />

mis par les Dioula pour avoir le monopole).<br />

La conséquence de c<strong>et</strong>te multiplication d'intermédiaires<br />

est le prix élevé payé par le consommateur. L'organisation de ce<br />

circuit à monopole fait que les villageois sont obligés de se<br />

fournir en riz dans le commerce du village ou en ville sur les<br />

marchés de quartier, au même titre que les citadins, car les<br />

Dioula collectent toute la récolte qu'ils conditionnent dans leurs<br />

propres "usines" de décortiquerie.<br />

Le riz en provenance de l'étranger, bien que bénéficiant<br />

d'une subvention de l'Etat, suit le même circuit de distribution.<br />

Il est paradoxal que le milieu producteur soit obligé de se ra­<br />

vitailler en ville. Les ventes directes sur les marchés ruraux<br />

ne représentent qu'une infime partie de la production. Ceci pro­<br />

vient du fait que le traitement artisanal du riz paddy ne convient<br />

pas aux consommateurs habitués au riz blanchi. Et pourtant le riz<br />

décortiqué de manière artisanale garde tout son goût, son par-<br />

fum <strong>et</strong> certaines vitamines. L'exemple du circuit du riz ne cons­<br />

titue pas une exception. Les ignames du nord, les bananes de la<br />

zone forestière connaissent ce genre de circuit à multiples in­<br />

termédiaires.<br />

Le riz est devenu une denrée importante à tel point<br />

qu'il fait <strong>et</strong> défait des gouvernements (cas du Libéria de Tolbert<br />

<strong>et</strong> les récents troubles à Abidjan, suite à une rumeur d'augmenta­<br />

tion des prix). La Caisse de Péréquation (C.P.) crée pour unifor­<br />

miser le prix sur tout le territoire ne suffit pas à limiter les


- 141 -<br />

dérapages. Il est temps que l'Etat réorganise le circuit du riz.<br />

Il y va de la paix sociale. Les assoiffés d'argent n'ont pas fi­<br />

ni de créer les pénuries. Par une politique de redistribution<br />

aussi bien en milieu rural qu'urbain, le gourvernement pourrait<br />

contrôler les prix d'un riz payé à 75F le kilo de paddy, mais ven­<br />

du à 170 F le kilo au consommateur. Entre la rizière <strong>et</strong> le commer­<br />

ce, le prix s'est accru de 126,66 %<br />

Comme on le voit, l'espace rural péri-abidjanais pro-<br />

duit une gamme assez variée de cultures vivrières <strong>et</strong> d'exportation.<br />

Ces productions assurent aux paysans des revenus substantiels qui<br />

leur perm<strong>et</strong>tent de faire face à diverses dépenses.<br />

Afin de comprendre les processus de transformation de<br />

l'habitat (au sens large) du paysan, il importe de faire une ana­<br />

lyse succinte de ses revenus <strong>et</strong> de leur affectation.<br />

3 - DES SOURCES DE REVENUS VARIEES, DES DEPENSES DIFFICILES<br />

A QUANTIFIER<br />

a) Les sources de revenu<br />

L'analyse des revenus en milieu rural n'est pas aisée.<br />

D'abord parce que le paysan ne tient pas un registre d'exploita­<br />

tion, ensuite parce que les paysans en général n'aiment pas qu'on<br />

s'occupe de ce qu'ils gagnent en vendant leur récolte.<br />

Il apparaît donc que tout calcul de revenu en milieu<br />

rural est un exercice théorique, conçu à partir de moyennes de<br />

production. Devant la diversité des cas, il semble plus raisonnable<br />

d'indiquer simplement quelques chiffres concernant<br />

- Les prix au kilo ou à la tonne de chaque produit,<br />

- Les superficies moyennes par exploitant,<br />

- Les rendements moyens à l'hectare<br />

- La valeur moyenne de l'hectare par type de produit.


PRODUITS<br />

- 142 -<br />

Ceci perm<strong>et</strong> de se faire une idée des revenus du planteur<br />

moyen. Les cumuls étant fréquents, on peu imaginer toutes les si­<br />

tuations possibles. Le calcul des bénéfices n<strong>et</strong>s requiert quel­<br />

ques autres indications :<br />

- Le coût du matériel végétal à l'hectare<br />

- Le volume nécessaire d'engrais à l'hectare <strong>et</strong> son prix,<br />

- Le coût d'entr<strong>et</strong>ien phyto-sanitaire de c<strong>et</strong> hectare<br />

- Le prix de la main d'oeuvre salariée<br />

- Les dépenses diverses d'exploitation autres que celle énumérées.<br />

Toutes ces données montrent la complexité des calculs<br />

<strong>et</strong> ces calculs sont d'autant plus compliqués <strong>et</strong> aléatoires que<br />

le paysan pratique plusieurs cultures. Aux revenus plus<br />

faciles à cerner des cultures d'exportation, il faut ajouter ceux<br />

provenant de la vente des cultures vivrières, des produits de la<br />

pêche ou de la chasse. Pour les paysans polyvalents, il faut aus­<br />

si tenir compte des ventes d'articles artisanaux comme par exem­<br />

ple les paniers, ustensiles indispensables à l'évacuation de<br />

l'Attiéké.<br />

Il n'est donc pas possible d'entreprendre une analyse<br />

systématique des revenus. Il importe cependant de fournir quel­<br />

ques données susceptibles de perm<strong>et</strong>tre une appréciation des re­<br />

venus, en ce qui concerne les cultures d'exportation, payées à<br />

prix fixe <strong>et</strong> uniforme au cours d'une campagne.<br />

Revenus bruts moyens par hectare des différentes cultures d'expor­<br />

tation (Francs CFA)<br />

Revenus bruts de 92000<br />

par ha à 189000<br />

Café Régime de Noix de Latex Ananas<br />

Cacao Palme Coco (Hévéa)<br />

Frais<br />

120 000 390 000 250 000<br />

Banane<br />

2 600 000 356 790<br />

à<br />

3 250 000<br />

à<br />

1 783 950<br />

Revenus de 50000 308 000 119 700<br />

n<strong>et</strong>s (1) à 120000 66550 300000 200 000 à 958 417 à 708 000<br />

(1) Après déduction des frais d'exploitation incluant la main d'oeuvre.


. .-5.. ,<br />

.. 1""-<br />

pagne KITA, étoffe noble pour le chef de ménage, d'un ou deux<br />

compl<strong>et</strong>s de pagne pour la femme <strong>et</strong> à l'acquisition de quelques<br />

paires de chaussures, de foulards <strong>et</strong> de bijoux. Généralement les<br />

enfants se contentent d'un compl<strong>et</strong> pour les fêtes <strong>et</strong> de leur deux<br />

compl<strong>et</strong>s KAKI scolaires.<br />

Les dépenses rituelles concernent les offrandes <strong>et</strong><br />

les sacrifices après <strong>et</strong> avant les récoltes, les payements d'amende<br />

pour avoir enfreint les interdits <strong>et</strong>c...<br />

Les cotisationsà caractère public sont obligatoires.<br />

Elles interviennent lorsqu'un malheur frappe un membre du villa­<br />

ge ou de la famille. IL peut s'agir d'une mort ou d'une maladie.<br />

On se cotise aussi pour les ouvrages à réaliser au bénéfice de<br />

la collectivité.<br />

A ces dépenses s'ajoutent celles non définies.<br />

L' analyse des revenus <strong>et</strong> de leur affectation paraît<br />

difficile dans un espace où les interférences des cultures sont<br />

nombreuses. On ne peut donc que faire des estimations. Le seul<br />

indicateur de richesse est l'habitat rural, entièrement construit<br />

par les paysans.<br />

Les sources de revenus montrent que les cultures de<br />

spéculation <strong>et</strong> de consommation courante sont les principaux fac­<br />

teurs de l'essor économique de la Côte d'Ivoire <strong>et</strong> particulière­<br />

ment de la Basse Côte qui cumule les eff<strong>et</strong>s induits de ces pro­<br />

ductions, sources d'une industrialisation.


- 145 -<br />

CHAPITRE V<br />

L'AGRICULTURE DE SPECULATION,<br />

SOURCE D'UNE INDUSTRIE EN DEVENIR<br />

La recherche d'une valeur ajoutée toujours plus<br />

accrue a poussé les dirigeants ivoiriens à doter la Côte d'Ivoi­<br />

re d'une industrie de transformation d'une partie de ses produc­<br />

tions agricoles. A ces industries situées en aval de la produc­<br />

tion agricole, on ajoute généralement quelques usines s'occupant<br />

de la fabrication des outils agricoles, des engrais <strong>et</strong> de maté­<br />

riel de conditionnement. C<strong>et</strong>te industrie peut donc être divisée<br />

en deux grandes tranches.<br />

1.- Les industries d'équipement<br />

2.- Les industries de conditionnement <strong>et</strong> de transformation d'une<br />

partie des récoltes.<br />

1 - LES INDUSTRIES D'EQUIPEMENT AGRICOLE<br />

La Côte d'Ivoire compte très peu d'usines fabriquant<br />

des outils agricoles. La faible mécanisation de l'agriculture<br />

n'a pas donné lieu à la construction d'usine spécialisée dans<br />

la fabrication de machines agricoles. Les seules usines créées<br />

s'occupent de fournir le paysan en match<strong>et</strong>te, en faucille <strong>et</strong> au­<br />

tresoutils traditionnellement connu du paysan.<br />

Deux sociétés se sont illustrées dans ce domaine<br />

- IVOIR-DUTIL, aujourd'hui dissoute<br />

ABI (Abidjan Industrie) qui a rach<strong>et</strong>é la première.


- 146 -<br />

Outre ces deux sociétés, on notait la présence d'une<br />

filature de sisal à Abobo destinée à fabriquer les sacs<br />

servant au stockage des produits agricoles. Par ailleurs, la so­<br />

ciété Allibert installée en zone 4 à Abidjan fabrique des bâ­<br />

ches <strong>et</strong> des plastiques pour les pépinières de café, cacao, co­<br />

cotier, palmier à huile <strong>et</strong> hévéa.<br />

Pour les engrais,la SIVENG (Société Ivoirienne<br />

d'Engrais) est en réalité une importatrice d'engrais. Elle se<br />

charge de la distribution <strong>et</strong> non de la fabrication. L'installa­<br />

tion du groupe Rhone-Poulenc a fait se développer le secteur en­<br />

grais qu'il faudra accroître pour pouvoir assurer à l'agricul­<br />

ture ivoirienne, un meilleur avenir.<br />

Des usines de fabrication d'insecticides <strong>et</strong> d'herbici­<br />

des divers se sont implantées à Vridi (sud d'Abidjan). Leur con­<br />

tribution devrait s'accroître.<br />

2 - LES INDUSTRIES DE CONDITIONNEMENT ET DE TRANSFORMATION<br />

Elles sont les plus nombreuses <strong>et</strong> les plus grandes par<br />

le nombre d'emplois qu'elles créent. Elles sont implantées aus­<br />

si bien dans la ville que dans la campagne. Une étude efficace<br />

de ces industries ne peut être entreprise que par filière de<br />

produit.<br />

a) Les industries de conditionnement de café<br />

Seules nous intéressent les industries ayant un rap­<br />

port avec l'espace rural. Jusqu'en 1979, le café était décorti­<br />

qué par les paysans eux-mêmes. Ceci avait occasionné l'installa­<br />

tion dans les villages producteurs, des décortiqueuses apparte­<br />

nant à quelques riches villageois, planteurs ou commerçants. A<br />

partir de 1979, on voit apparaître dans les zones de production<br />

des unités de décortiquerie. Ces usines - au total 16 -


détiennent aujourd'hui le monopole d'une activité qui procurait<br />

des revenus substantiels aux ruraux. Des accords lient ces décor­<br />

tiqueries à l'Etat. Elles assurent l'achat de café-cérise, le con­<br />

ditionnent <strong>et</strong> le livrent à la CSSPPA qui se ch'3rge des opérations<br />

de distribution. Chaque décortiquerie a une aire de ramassage de<br />

la récolte. c<strong>et</strong>te aire d'influence est jalousement surveillée à<br />

cause de la concurrence entre les diverses sociétés. En eff<strong>et</strong>,<br />

tout est fait pour que la capacité d'usinage de chaque unité<br />

soit satisfaite par la production du secteur.<br />

Dans la zone étudiée, deux décortiqueries se partagent<br />

la production du département d'Abidjan. Ce sont de p<strong>et</strong>ites uni­<br />

tés. leur taille tient compte de la part déclinante d'Abidjan.<br />

Ce sont UNICAFE <strong>et</strong> CIPRO.<br />

la carte de répartition des unités industrielles mon­<br />

tre une tendance au monopole d'UNICAFE qui possède sept usines<br />

sur seize. Avec une capacité d'usinage totale de 140 000 T,<br />

elle s'empare de 42,16 % du marché, suivie par l'UTPA(1) (27,1 %)<br />

qui contrôle des départements assez dynamiques.<br />

la seconde entreprise, la CIPRO ne contrôle que le<br />

secteur de Sikensi qui inclut la sous-préfecture de Dabou.<br />

l'apport de ces unités industrielles est limité<br />

pour les ruraux. Ce sont des entreprises employant peu de main<br />

d'oeuvre en majorité des contractuels. La situation de" ces usi­<br />

nes ne favorise pas l'embauche des ruraux. Elles sont situées<br />

à l'entrée des villes-exception faite de celle de Toumbokro<br />

(Yamoussokro) .<br />

l'ensemble des 16 décortiqueries n'employait que<br />

1 711 ouvriers <strong>et</strong> contractuels confondus, au cours de la<br />

campagne 1981-1982. A Abidjan, existent deux usines de to-<br />

réfaction, deux autres pour le café soluble.<br />

Le broyage du cacao est contrôlé <strong>et</strong> exécuté par trois<br />

usines. CHOCODI est la seule usine de transformation du cacao.<br />

On y extrait aussi du beurre de cacao.<br />

(1) UTPA, Usine de transformation de produits agricoles.


- 149 -<br />

b) Les unités de conditionnement de la banane<br />

La SONACO (Société Nationale de Conditionnement) a<br />

installé une vingtaine de p<strong>et</strong>ites unités de conditionnement de<br />

la banane sur les plantations de la région d'Abidjan.<br />

Ces stations sont réparties de la manière suivante.<br />

- Vallées lagunaires, 9 stations<br />

- Niéky, 9 stations<br />

- Azaguié-Anyama, 7 stations.<br />

Ces stations ont traité en 1980-81, 109 500 tonnes<br />

de bananes exportées. Malgré leur dynamique, elles participent<br />

peu à la résorption du chômage des jeunes ruraux. En eff<strong>et</strong> la<br />

main d'oeuvre sur ces strations est fournie par les paysans qui<br />

affectent une partie des manoeuvres champêtres aux stations de<br />

conditionnement. Les seules nouvelles embauches ne concernent<br />

que les épouses des manoeuvres,affectées aux tâches de vérifica­<br />

tion du calibre des bananes, de leur rangement <strong>et</strong> de la ferm<strong>et</strong>u­<br />

re <strong>et</strong> du stockage des caisses.<br />

types d'industries:<br />

La production de l'ananas a donné naissance à deux<br />

- celles s'occupant du conditionnement avant exportation de l'a­<br />

nanas frais<br />

- celles s'occupant de l'ananas en conserve.<br />

La zone étudiée ne produit que de l'ananas frais. Ce<br />

sont la SODE FEL <strong>et</strong> COFRUITEL qui s'occupent du conditionnement<br />

de l'ananas livré aux stations construites sur les lieux de pro­<br />

duction. Le processus est le même que sur les stations de bana­<br />

ne.<br />

c) LE TRAITEMENT DU LATEX SUR LES LIEUX DE PRODUCTION<br />

C<strong>et</strong>te opération n'a pas non plus créé des emplois sup­<br />

plémentaires. Ce sont les manoeuvres de la SAPH <strong>et</strong> quelques cadre!


- 15Q -<br />

recrutés dans la région qui assurent le séchage du latex. Deux<br />

usines, l'une à Bongo d'une capacité de 10 T/jour <strong>et</strong> l'autre de<br />

15 T/jour à Ousrou s'occupent de la transformation partielle<br />

de la production régionale. Leur tâche consiste à uniformiser<br />

les "plaqu<strong>et</strong>tes" de caoutchouc cuit qu'on achemine sur Abidjan.<br />

Une partie de c<strong>et</strong>te production perm<strong>et</strong> à Allibert, principal<br />

client au niveau national, de développer une industrie de plas­<br />

tique aux nombreux débouchés. L'autre partie est exportée vers<br />

les pays occidentaux. Il est prévu la construction de deux usi­<br />

nes de transformation finale du caoutchouc. La première à Abid­<br />

jan fabriquera des pneumatiques pour les voitures. La seconde à<br />

San-Pédro se spécialisera dans la fabrication de pneumatiques<br />

pour cycles. C'est en vue de pouvoir fournir ces usines qu'un<br />

plan de développement des plantations a été lancé depuis 1980.<br />

Les cours du pétrole poussent pour le moment, les dirigeants ivoi­<br />

riens à l'optimisme. Au prix de 160 F le kilo de latex pour un<br />

rendement de l'ordre de 1 700 kg/ha, on comprend que c<strong>et</strong>te cultu­<br />

re attire de plus en plus de planteurs. L'hévéa va certainement<br />

bouleverser le cadastre de la Basse Côte. Déjà on assiste à l'ar­<br />

rachage de certaines cultures pour affecter le sol à c<strong>et</strong>te nou­<br />

velle manne.<br />

d) Le palmier à huile <strong>et</strong> le cocotier, de véritables<br />

chaînes agro-industrielles intégrées<br />

Le plan palmier <strong>et</strong> cocotier est de loin celui qui a<br />

doté la Basse Côte d'une industrie de dimension apprécialbe.<br />

Ici deux grandes sociétés, la SODEPALM(1) <strong>et</strong> PALMINDUSTRIE, au<br />

capital respectif de 400 millions de francs CFA <strong>et</strong> 2 800 millions<br />

de francs CFA contrôlent le circuit du palmier <strong>et</strong> du cocotier, de<br />

la plantation à la fabrication d'huile.<br />

Aujourd'hui 14 huileries fonctionnent quotidienne­<br />

ment <strong>et</strong> transforment annuellement 280 000 tonnes d'huile.<br />

(1) Depuis 1980, c<strong>et</strong>te société s'est r<strong>et</strong>irée de la gestion des<br />

palmeraies au profit de la PALMINDUSTRIE <strong>et</strong> de UNIPLAN (voir<br />

Cahptire IX).


- 152 -<br />

viser la part de la région pionnière de l'extême sud.<br />

A l'inverse des autres produits le palmier à huile<br />

<strong>et</strong> le cocotier ont donné naissance à des industries de transfor­<br />

mation finale. Elles sont malheureusement situées pour la plu­<br />

part à Abidjan <strong>et</strong> leur apport au milieu rural est négligeable.<br />

Ce sont donc les huileries <strong>et</strong> les unités de traite­<br />

ment de coco râpé (deux au total) qui participent de manière<br />

effective à la dynamique du milieu. En eff<strong>et</strong> les manoeuvres sont<br />

logés sur les lieux de production, dans une dizaine de villages<br />

construits de toutes pièces par la SODEPALM. Il faut ajouter à<br />

ces villages, ceux de la SAPH (Hévéa). ces villages sont équipés<br />

en eau courante,en électricité, en centre de santé; des écoles<br />

y ont même été construites. Ces équipements participent à la dy­<br />

namique de l'espace rural. Les paysans ont le droit de venir se<br />

faire soigner dans les dispensaires de ces villages qui sont des<br />

lieux de vente des produits vivriers des paysannes.<br />

Pour l'exploitation des régimes <strong>et</strong> huileries, la<br />

SODEPALM a créé dans le secteur d'étude plus de 4 000 km de pis­<br />

tes qui desservent tous les points de l'espace rural péri-urbain.<br />

Les plantations industrielles sont donc à la base<br />

d'une industrialisation dont les r<strong>et</strong>ombées pour l'espace de­<br />

vraient s'accentuer dans les années à venir. Pour l'instant, ex­<br />

ception faite des palmeraies <strong>et</strong> cocoteraies, les r<strong>et</strong>ombées direc­<br />

tes sont circonscrites au désenclavement de l'espace rural. La<br />

ville d'Abidjan semble être le principal bénéficiaire de l'in­<br />

dustrialisation induite de l'agriculture. Elle bénéficie, en<br />

plus des emplois n<strong>et</strong>s dans les usines, de l'installation de nom­<br />

breuses banques <strong>et</strong> siège d'administration au plateau. L'activi­<br />

té commerciale assez dynamique participe également à l'accrois­<br />

sement de la capitale économique ivoirienne. On peut souhaiter<br />

que les programmes agro-industriels en cours profitent effecti­<br />

vement au milieu rural afin de résorber le chômage des jeunes<br />

,


uraux descolarisés.<br />

- 153 -<br />

On peut cependant reconnaître le rôle structurant<br />

des plantations industrielles <strong>et</strong> des usines de prétraitement<br />

elles sont à la base de l'organisation générale de la Basse Côte<br />

comme on peut le constater au chapitre suivant .


- 154 -<br />

CHAPITRE VI<br />

L'AGRO-INDUSTRIE, ELEMENT DE BASE<br />

DE l'ORGANISATION DE L'ESPACE RURAL<br />

Tout l'espace sud forestier ivoirien est marqué par<br />

l'empreinte des plantations agro-industrielles. Ces dernières<br />

sont devenues les éléments fondamentaux de l'organisation de<br />

l'espace.<br />

L'analyse de l'agencement de l'habitat <strong>et</strong> des espaces<br />

de culture perm<strong>et</strong> de saisir l'évolution future des divers sous­<br />

espaces ruraux.<br />

A - UNE ORGANISATION SPATIALE MULTIFORME CARACTERISEE PAR<br />

UNE DISPARITE SOUS-REGIONALE<br />

L'analyse de l'espace rural péri-urbain abidjanais<br />

fait ressortir une certaine disparité entre les divers sous­<br />

espaces. Ces disparités sont liées, semble-t-il à la desserte<br />

irrégulière de l'espace en plantations ;ceciqui implique au dé­<br />

part de toute analyse, une vérification des diverses contraintes<br />

qui dictent l'implantation des villages.


- 155 -<br />

1 - LES CONTRAINTES OE SITE DE VILLAGE EN BASSE COTE<br />

La carte de la page suivante montre la disposition des<br />

villages par rapport aux éléments physiques de l'espace. On re­<br />

marque un alignement continu de villagesle long de la lagune<br />

ébrié. Dans le détail, sur 141 villages, environ une soixantai­<br />

ne sont situés sur un cours d'eau important ou sur la lagune <strong>et</strong><br />

la mer. Cela s'expliquerait par une tradition de pêcheurs re­<br />

connue chez les peuples lagunaires. A l'intérieur des terres, la<br />

plupart des autres villages suivent les grands axes routiers, ré­<br />

sultat des déplacements massifs de villages de l'époque colonia­<br />

le. Les villages les plus isolés des grandes routes se rencon­<br />

trent au nord de Bingerville <strong>et</strong> à l'ouest de Dabou.<br />

Les contraintes de site sont constituées par les maré­<br />

cages de Bassam <strong>et</strong> Dabou, d'une part <strong>et</strong> d'autre part par les<br />

forêts classées <strong>et</strong> les plantations qui occupent près de 39 % de<br />

de l'espace.<br />

Le semis de l'habitat montre que les foyers primaires<br />

d'habitation ont maintenu les populations sur place, exception<br />

faite des percées relativement récentes des populations vers le<br />

nord <strong>et</strong> le nord-ouest de la sous-préfecture de Dabou. La carte<br />

de l'évolution des densités rurales (chapitre VII) perm<strong>et</strong> de se<br />

rendre compte que la sous-préfecture de Bingerville connaît un<br />

élargissement des espaces habités. Comment l'habitat <strong>et</strong> les cultures<br />

sont-ils agencés ?<br />

2 - L'AGENCEMENT DES PLANTATIONS ET DE L'HABITAT<br />

Le paysage rural de la Basse Côte est très diversifié.<br />

C<strong>et</strong>te diversification est liée :<br />

- au type de cultures pratiquées<br />

- à la situation géographique des divers sous-espaces<br />

- à l'origine <strong>et</strong>hnique des exploitants ruraux.


157 -<br />

al L'organisation de l'espace selon les types de<br />

cultures<br />

En Basse Côte coexistent deux types de mise en valeur<br />

du sol. Chaque mode d'exploitation a imprimé au paysage une phy­<br />

sionomie distincte.<br />

• En exploitation traditionnelle, on a généralement un paysage<br />

varié sur de courtes distances. Ici les champs vivriers forment<br />

une couronne autour de l'habitat. Aux clairières portant les<br />

cultures vivrières, succèdent des fourrées <strong>et</strong> des forêts secon­<br />

daires représentant les jachères. Ces paysages appartiennent au<br />

domaine coutumier, c'est-à-dire l'espace sous contrôle des auto­<br />

rités politiques traditionnelles, avant le développement des<br />

cultures de spéculation. Certaines parcelles portent de vieilles<br />

plantations de café <strong>et</strong> cacao en association avec des palmiers<br />

naturels au long stipe. Ce paysage caractérise le pays Adjoukrou<br />

<strong>et</strong> le pays Ebrié situé à l'ouest d'Abidjan. Ailleurs, le palmier<br />

naturel est plus rare dans les jachères.<br />

• En exploitation moderne, on est frappé par la forme géométri­<br />

que des exploitations. Ces formes sont mieux dessinées sur les<br />

plantations industrielles que sur les plantations paysannes qui<br />

conservent cependant l'alignement des arbustes. Le trait le plus<br />

caractéristique ici, c'est la superficie des plantations indus­<br />

trielles. Ce sont de vastes exploitations s'étendant parfois au­<br />

delà de 5 000 ha. Ainsi la savane de Dabou est entièrement oc­<br />

cupée par des plantations de palmier à huile <strong>et</strong> d'hévéa se suc­<br />

cédant à perte de vue.<br />

• La diversité des paysages est également liée à la situation<br />

géographique par rapport à l'océan. Bien que cela ne soit pas<br />

très n<strong>et</strong>, on assite à une zonation du paysage <strong>et</strong> des cultures.<br />

La frange littorale composée de l'Ile de P<strong>et</strong>it Bassam<br />

<strong>et</strong> de l'Ile Boulay est le domaine du cocotier. Au sud ouest<br />

d'Abidjan, la SODEPALM a créé quelques plantations sur c<strong>et</strong>te


- 159 -<br />

frange, mais dans l'ensemble les cocoteraies l'emportent sur les<br />

autres cultures. Sur le continent, au sortir d'Abidjan on a un<br />

paysage diffus où se succèdent des palmeraies, des cacaoyères<br />

<strong>et</strong> caféières sous bois des arbres fruitiers (des avocatiers) <strong>et</strong><br />

quelques cocoteraies. Dans les vallées lagunaires, généralement<br />

zones deltaïques des nombreux fleuves côtiers, on aperçoit de<br />

minuscules plantations de banane le long des cours d'eau. Au­<br />

delà de 20 km à l'intérieur des terres continentales, apparais­<br />

sent les grandes plantations, avec dans l'ordre les palmeraies<br />

<strong>et</strong> les hévéas de l'Anguédédou, séparés de la zone dense de Dabou<br />

par de minuscules plantations familiales de banane, d'ananas,<br />

le palmier à huile <strong>et</strong> d' hévéa. C<strong>et</strong>te dernière plante a fait son apparition<br />

en exploitation villageoise depuis seulement 1978. Après Dabou<br />

apparaissent les grandes plantations décrites au Chapitre VII.<br />

Au nord <strong>et</strong> à l'est d'Abidjan, les zones denses se<br />

rencontrent autour d'Anyama, de Bingerville <strong>et</strong> d'Eloka. Bassam<br />

est entièrement entourée de cocoteraies .<br />

• Enfin la diversité des paysages provient également de l'ori­<br />

gine <strong>et</strong>hnique du chef d'exploitation. Les deux cartes suivantes<br />

montrent l'occupation différente de l'espace selon que la majo­<br />

rité des paysans sont des autochtones ou des allochtones. En<br />

fait la différence repose sur les types de culture <strong>et</strong> sur l'oc­<br />

cupation temporaine ou prolongée des habitats intercalaires.<br />

Les autochtones suivent généralement les axes rou­<br />

tiers <strong>et</strong> s'installent de manière périodique dans les campements<br />

qu'ils ont construits sur les lieux d'exploitation. Ils s'adon­<br />

nent plus aux cultures sous bois (café, cacao) qu'aux cultures<br />

ayant besoin d'un espace dégagé (banane, ananas, arbres fruitiers<br />

divers dont l'avocatier) .<br />

• Les allochtones préfèrent s'éloigner des routes <strong>et</strong> cultivent<br />

des vivres en quantité supérieureà celle des autochtones. on<br />

remarque également une tendance à la dispersion des allochtones<br />

sur les superficies qui leur sont allouées. Un passage sur le


terrain révèle que les étrangers, en majorité des voltaiques,<br />

des malinké <strong>et</strong> quelques ivoiriens originaires du centre <strong>et</strong> du<br />

nord, pratiquent la riziculture, le mais <strong>et</strong> des cultures ma­<br />

raîchères (choux, laitue... )<br />

On notera sur ces deux cartes la présence de la SAPH<br />

<strong>et</strong> de la SODEPALM. ces deux entreprises se sont constituées des<br />

parcelles assez vastes pour bloquer la progression vers le sud<br />

des ruraux.<br />

Le rôle structurant des plantations ne se limite<br />

pas seulement à l'organisation du milieu physique. De manière<br />

indirecte, la plantation, par le biais des richesses qu'elle<br />

crée contribue à l'organisation administrative <strong>et</strong> politique<br />

de la Basse Côte.<br />

B - LES PLANTATIONS, ELEMENTS DE LA STRUCTURATION POLITIQUE<br />

DE L'ESPACE PERI-URBAIN<br />

La politique d'équipement <strong>et</strong> de restructuration de l'es­<br />

pace rural repose sur deux notions<br />

- le village centre<br />

- les villages rattachés.<br />

Pour mener à bien la politique d'équipement, l'Etat<br />

a doté certains villages d'infrastructures de base (école, in­<br />

firmerie, bureaux de postes <strong>et</strong>c... ). Ces villages, par leur<br />

situation géographique sont considérés comme des p<strong>et</strong>its pôles<br />

de développement dont les équipements devaient polariser les<br />

populations des villages dits villages rattachés. L'analyse des<br />

facteurs qui prévalent à l'érection d'un centre quelconque en<br />

village-centre montre que la plantation joue un grand rôle. En<br />

eff<strong>et</strong>, le village-centre n'est pas forcément, comme on pourrait


'.<br />

"<br />

-......<br />

EXEMPlE DE TERROIR CONTROLE<br />

vigitation naturelle <strong>et</strong> plantations SOUI- bois<br />

pla.thitiolls incUtrielles ( palmeraie )<br />

" j [J) ...... .. ..<br />

",.<br />

". " ..<br />

g:n<br />

l!.::.:::..::.. friches. <strong>et</strong> KpOCI'S déboisés<br />

162<br />

PAR DES AllOOflONES


- 16<br />

le croire, un village situé au centre d'un ensemble d'autres<br />

villages. Son choix dépend de son importance économique, de son<br />

accessibilité, donc de l'existence d'infrastructures de trans­<br />

port, <strong>et</strong> de sa capacité d'2ccueil des populations environnantes.<br />

Tous ces facteurs comme on le voit ne sont réunis que par les<br />

villages ayant de grandes plantations capables de polariser les<br />

flux de migrants.<br />

Les cartes de structuration ci-contre montrent que les<br />

villages-centres ont évolué en rapport avec la croissance écono­<br />

mique. Ainsi en 1973, on comptait 9 villages-centres à Dabou,<br />

6 à Bingerville, 5 à Anyama <strong>et</strong> 1 à Bassam, La seule commune à<br />

l'époque était celle d'Abidjan. Les limites de c<strong>et</strong>te commune ne<br />

dépassaient pas le périmètre abidjanais.<br />

En 1983, l'évolution économique <strong>et</strong> politique impose une<br />

nouvelle structuration.<br />

Dabou compte 13 villages-centres, Bingerville 3, Anyama<br />

6, Bassam demeure le seul village-centre. C<strong>et</strong>te localité perd<br />

son titre de sous-préfecture <strong>et</strong> devient une commune de plein<br />

exercice,<br />

On remarquera que la commune d'Abidjan partage désormais<br />

la sous-préfecture de Bingerville en deux, posant des problèmes<br />

d'articulation des programmes décidés pour c<strong>et</strong> espace.<br />

Dans le détail on note que certains villages rattachés<br />

de 1973 sont devenus des villages-centres, alors que quelques<br />

villages-centres de 1973 ont perdu leur titre. Ces restructura­<br />

tions sont dictées par la recherche d'un nouvel équilibre impo­<br />

sé par la dynamique des villages de la Basse Côte, Néanmoins,<br />

c<strong>et</strong>te nouvelle restructuration ne satisfait pas pleinement les<br />

aspirations des ruraux (voir chapitre IX).<br />

La plantation a donc permis l'érection de certains vil­<br />

lages en centres importants. Ces villages entr<strong>et</strong>iennent diverses<br />

relations avec leur environnement <strong>et</strong> profitent de l'eff<strong>et</strong> cumu­<br />

latif des équipements créés. Ce qui leur perm<strong>et</strong> de se développer


- 166 -<br />

plus rapidement. Quelques uns de ces villages sont en voie de<br />

devenir des centres urbains (Songon Agban).<br />

Sur ces cartes, ne figurent que les seuls villages<br />

officiels. En réalité, il existe de nombreux p<strong>et</strong>its habitats<br />

rattachés au village d'origine du créateur. D'autre part, les<br />

villages d'ouvriers de la SAPH <strong>et</strong> de la SODEPALM jouissent,<br />

d'une autonomie: ils ont leur école, leur centre de santé, des<br />

infrastructures de loisirs <strong>et</strong>c ..• Néanmoins ils entr<strong>et</strong>iennent<br />

de nombreuses relations avec les villageois traditionnels. Ces<br />

relations portent sur les échanges de vivres dans le sens vil­<br />

lages traditionnels-villages d'ouvriers. Les paysans bénéficient<br />

des services de ces villages créés de toutes pièces.<br />

Les relations entre les divers commutateurs sociaux dé­<br />

passent le cadre régional. Des habitants de Sikensi (nord de<br />

Dabou) profitent des installations des villages au nord de Dabou,<br />

tandis que Anyama est devenu un centre attractif pour les popu­<br />

lations Abé d'Agboville, (au nord d'Anyama).<br />

On assiste ainsi à une intégration interrégionale fa­<br />

cilitée par le rôle attractif d'Abidjan. Il est reconnu le rôle<br />

de polarisation nationale <strong>et</strong> même internationale d'Abidjan.<br />

Néanmoins on constate que la reglon d'Abidjan fonctionne avec<br />

des points d'appui. Les plus importants sont Tiassalé, N'Douci,<br />

Sikensi, Agboville, Adzopé, Abengourou <strong>et</strong> Aboisso, Ce sont des<br />

centres de production d'ananas, banane, café <strong>et</strong> caco.<br />

L'organisation de l'espace rural montre une diversité de<br />

paysages. C<strong>et</strong>te diversité est liée à la nature des sols <strong>et</strong> aux<br />

modes de mise en valeur des terres.<br />

Ces divers facteurs ont créé une disparité entre les divers<br />

sous-espaces. Certains sont bien pourvus en plantations,<br />

d'autres au contraire sont sous-exploités. Comment cela va-t-il<br />

se traduire dans l'équipement des centres ruraux? La troisième<br />

partie tentera de répondre à c<strong>et</strong>te question.


- 167 .<br />

TROISIEME PARTIE<br />

LES RETOMBEES DU "BOOM" ECONOMIQUE RECENT<br />

CROISSANCE DES ACTIVITES ECONOMIQUES ET MUTATIONS<br />

DE L'ESPACE PERI-URBAIN


- 168 -<br />

La seconde partie de ce travail a permis de voir com­<br />

ment, les formes de mise en valeur <strong>et</strong> d'organisation de l'espa­<br />

ce, ont donné naissance à des appareils régionaux de production<br />

très variés. Par ses eff<strong>et</strong>s d'entraînement, l'agriculture indus-<br />

/<br />

trielle a permis l'éclosion de nombreuses autres activités. Tou-<br />

tes ces activités concourrent à la croissance de la région abid­<br />

janaise <strong>et</strong> à une restructuration de l'espace.<br />

La croissance économique <strong>et</strong> la mutation de l'espace,<br />

sont en fait deux réalités liées ; nous les avons néanmoins dis­<br />

sociées pour la clarté de notre exposé.<br />

Les r<strong>et</strong>ombées de la croissance économique sur l'espace<br />

ont été déjà abordées par d'autres auteurs; mais ces études ont<br />

été trop sectorielles, ne prenant en compte qu'un ou deux pro­<br />

duits. De ce fait, ces recherches ont volontairement ignoré la<br />

complexité de l'économie régionale. Certains ont certes abordé de<br />

manière synthétique la question, mais nous pensons que sur un<br />

espace aussi vaste que le leur, on n'est pas à l'abri des extra­<br />

polations conduisant involontairement à la perte d'information.<br />

C'est pourquoi nous descendrons à un niveau d'analyse locale,<br />

pour suivre les diverses mutations de l'espace.<br />

Trois principales voies nous semblent essentielles<br />

dans l'appréciation des r<strong>et</strong>ombées du "Boom" agro-industriel sur


la périphérie abidjanaise.<br />

- 169 -<br />

D'entrée, nous analyserons les forces de transformation<br />

que sont les plantations industrielles <strong>et</strong> villageoises <strong>et</strong> les au­<br />

tres formes d'exploitation de la forêt. C'est ici que nous mon­<br />

trerons que l'activité agricole est une réalité spatio-extensive<br />

<strong>et</strong> dynamique; ce qui a pour conséquence directe, la mise en<br />

cause des trames spatiales originelles. Comment <strong>et</strong> par quels pro­<br />

cessus, les espaces de cultures évoluent-ils? Comment ce milieu<br />

réagit-il à l'intensification de l'occupation humaine? Ya-t-il<br />

saturation? si oui, quel est le seuil du supportable?<br />

Le second vol<strong>et</strong> de ce chapitre se préoccupera de mesu­<br />

rer le niveau de croissance (ou de développement ?) atteint par<br />

les ruraux. En eff<strong>et</strong>, les activités économiques ont procuré une<br />

richesse relative. C<strong>et</strong>te richesse a-t-elle permis la restructu­<br />

ration du cadre de vie des ruraux ? Quel est le degré de déve­<br />

loppement de ce milieu? Quels sont les critères d'appréciation<br />

de ce développement ? Par quels processus les paysans parvien­<br />

nent-ils à faire bénéficier leur cadre de vie des revenus tirés<br />

de leur travail? Ces bénéfices vont-ils exclusivement dans le<br />

milieu rural? si non, en quoi les investissements réalisés ail­<br />

leurs procurent-ils une plus value à la zone de production agri­<br />

cole? Quelle en-est la conséquence au niveau des rapports, entre<br />

le milieu rural <strong>et</strong> les lieux d'investissements?<br />

Le troisième axe de réflexion fera l'obj<strong>et</strong> du second<br />

chapitre. Il perm<strong>et</strong>tra de cerner l'incidence de l'agro-industrie<br />

sur les processus d'urbanisation. (Lorsque nous parlons de la<br />

ville, nous préférons utiliser le terme agro-industrie à la pla­<br />

ce de ftactivités agricoles ft réservé au milieu rural pour la sim­<br />

ple raison que la ville, d'une manière générale, cumule les eff<strong>et</strong>s<br />

de l'agriculture <strong>et</strong> ceux des industries qui en sont issues).<br />

Partout, on le sait, l'agriculture n'a pas créé de


- 170 -<br />

grandes concentrations humaines, à l'inverse de l'industrie.<br />

Même dans les pays d'économie dirigée de l'Est, les agrovilles<br />

n'ont pas donné naissance à de grandes villes. Et pourtant<br />

l'exemple ivoirien se présente comme une exception à la règle<br />

<strong>et</strong> mérite de ce fait une analyse. Dans quelles proportions <strong>et</strong><br />

par quels processus l'activité agricole a-t-elle influencé<br />

l'éclosion des villes lagunaires?<br />

Peut-on par ailleurs parler de villes, si l'activité<br />

motrice de ces centres est l'agriculture? C'est c<strong>et</strong>te raison<br />

qui nous fera aborder différemment la croissance des centres<br />

de Bassam, Anyama, Dabou <strong>et</strong> Bingerville de celle d'Abidjan.<br />

Tout développement économique régional s'accompagne<br />

d'un certain nombre de problèmes nés soit d'une insuffisance<br />

des intrants, soit à une inadaptation des structures actuelles<br />

aux structures anciennes ou à une interférence des divers or­<br />

ganismes intervenant dans la région, soit enfin à un manque de<br />

contrôle de la croissance <strong>et</strong> du fonctionnement économique géné­<br />

ral. Tous ces problèmes aboutissent à un blocage économique ou<br />

à un disfonctionnement de certaines cellules de production.<br />

C'est ce que nous essayerons d'analyser dans le troisième cha­<br />

pitre où nous serons amené à étudier les malaises qui affectent<br />

le milieu rural, <strong>et</strong> les problèmes spécifiques aux EAI.


- 171 -<br />

CHAPITRE VII<br />

LES INCIDENCES DE L'ACTIVITE AGRICOLE<br />

SUR L'ESPACE-ENVIRONNEMENT<br />

Quelles ont été les diverses incidences de l'agriculture<br />

<strong>et</strong> des autres formes d'exploitation sur l'espace forestier?<br />

A - L'ATTEINTE IRREVERSIBLE AU MILIEU FORESTIER<br />

Outre l'agriculture, d'autres formes d'exploitation<br />

du milieu ont influencé le couvert forestier. Parmi ces activi­<br />

tés, on peut citer l'exploitation forestière qui a débuté avec<br />

l'introduction des cultures pérennes, la fabrication du charbon<br />

de bois (pour la cuisine) en zone péri-urbaine <strong>et</strong> la coupe de<br />

bois de chauffe.<br />

1 - L'IMPACT DES CULTURES SUR LA FORET PRIMAIRE<br />

L'étude de l'organisation de l'espace révèle la complexi­<br />

té <strong>et</strong> l'étendue de la mise en valeur des terres dans la périphé­<br />

rie d'Abidjan. C<strong>et</strong>te exploitation s'est opérée au détriment de<br />

la forêt primaire de sorte qu'aujourd'hui en parcourant la Bas­<br />

se Côte, on est frappé par la très forte humanisation de l'es­<br />

pace. L'espace paraît si déboisé que seuls les plantations<br />

industrielles constituent l'essentiel de la végétation.


- 172 -<br />

Les massifs forestiers originels n'existent que par endroit,<br />

protégés par l'autorité administrative (FORETS CLASSEES).<br />

Pour cerner les processus ayant engendré c<strong>et</strong>te situation,<br />

les photographies aériennes s'avèrent un instrument de travail<br />

de première importance. Afin de suivre le rythme de création de<br />

plantations <strong>et</strong> comprendre l'atteinte irréversible au milieu fo­<br />

restier, nous avons choisi d'étudier le finage de Toupah.<br />

Le choix de ce finage n'est pas neutre<br />

- C'est l'une des premières régions où la palmeraie sélectionnée<br />

<strong>et</strong> les plantations d'hévéa ont fait leur apparition.<br />

- Zone de contact forêt - savane, il convient de voir comment<br />

l'évolution d'un secteur (la savane) jugé jusqu'alors inculte<br />

a eu des incidences sur la forêt, domaine déjà surexploité par<br />

les populations locales.<br />

Les cartes obtenues après recoupement des sources nous<br />

révèlent la vitesse générale de la mise en valeur des terres.<br />

* En 1950, hormis quelques clairières, on s'aperçoit que l'es­<br />

pace forestier est peu dégradé. En fait ce couvert végétal abri­<br />

te deux types de cultures commerciales : les palmeraies naturel­<br />

les <strong>et</strong> le café-cacao, qui s'accommodent de l'ombrage.<br />

Quand au secteur de savane , exception faite de la par­<br />

celle de palmeraie sélectionnée de l'IRHO, on ne perçoit aucune<br />

trace d'occupation humaine. Rappelons que l'IRHO a hérité en<br />

1946, les plantations créées entre 1920 <strong>et</strong> 1930 par l'Union Tro­<br />

picale des Plantations (U.T.P.).<br />

A l'Ouest de la carte apparaît, au contact forêt-savane,<br />

un champ dont l'aspect géométrique fait penser à une plantation<br />

de type européen. Rien ne laisse deviner le type de culture qui<br />

y est pratiquée.


- 174 -<br />

Par ailleurs les clairières de la zone forestière correspondent<br />

très certainement à des espaces de cultures vivrières ou à des<br />

jachères encore nombreuses à l'époque. Le fait que ces clairiè­<br />

res forment une ceinture autour du village perm<strong>et</strong> d'affirmer<br />

qu'on y cultivait des produits vivriers.<br />

communication.<br />

On remarquera au passage l'insuffisance de voies de<br />

* En 1958, la SAPH, dérivée de la SIPH (Société Indonésienne de<br />

Plantation d'Hévéa). s'installe dans la savane <strong>et</strong> se constitue<br />

un très vaste domaine entre Opoyounem (au nord) <strong>et</strong> Toupah (au<br />

sud). La SAPH qui veut avoir une certaine autonomie crée des<br />

infrastructures dans la partie nord de sa parcelle. Sont-ce des<br />

équipements d'accueil ou de stockage de la récolte? Rien ne per­<br />

m<strong>et</strong> de l'affirmer. En revanche, la plus ancienne société instal­<br />

lée dans la région - l'IRHO - n'a pas agrandi ses domaines, de<br />

sorte que toute la savane à l'est de Toupah est encore inoccupée.<br />

L'agrandissement de la plantation type européen du nord­<br />

ouest ne laisse subsister dans le nord-ouest qu'un lambeau de<br />

savane coincé entre la SAPH <strong>et</strong> ladite plantation.<br />

Le village de Toupah a lui-même subi une transformation.<br />

Certes, la forme allongée demeure, mais il a gagné en largeur.<br />

Est-ce le résultat d'une croissance interne, ou bien l'apport<br />

de main d'oeuvre extérieure, consécutif au développement de<br />

l'activité agricole?<br />

L'importance du changement de la morphologie du village<br />

en huit années, perm<strong>et</strong> de penser qu'il est le fait d'un apport<br />

extérieur de manoeuvres travaillant soit pour le compte de la<br />

SAPH soit pour le planteur du nord-ouest.<br />

La zone forestière présente d'autre part davantage de


- 176 -<br />

clairières, signe évident d'une intensification de l'activité<br />

agricole en milieu villageois.<br />

"<br />

Par ailleurs, le réseau de pistes <strong>et</strong> routes se densifie,<br />

témoin d'un début de restructuration de l'espace autour de Tou­<br />

pah. Jusqu'ici la dynamique est en grande partie centrée sur la<br />

savane. Que se passe-t-il douze années plus tard?<br />

* La période 1970 a été choisie pour deux raisons<br />

- Les plantations traditionnelles de café <strong>et</strong> cacao créés entre<br />

1930 <strong>et</strong> 1940 ont vieilli <strong>et</strong> certaines ont laissé la place soit<br />

à des cultures vivrières, soit à des jachères. D'autres au con­<br />

traire, ont été reconverties en palmeraies sélectionnées.<br />

- La seconde raison est qu'en 1970, les palmeraies sélectionnées,<br />

issues du plan palmier de 1963 sont entrées - pour la plupart ­<br />

en production, en même temps qu'elles se sont propagées à l'en­<br />

semble du monde paysan.<br />

Dans ces conditions une étude du même terroir paraît<br />

plus intéressante.<br />

Ainsi, la troisième carte montre une occupation de l'es­<br />

pace, tout à fait différente des précédentes. En douze ans, la<br />

savane du pays Adjoukrou a subi d'énormes mutations. Dans le<br />

détail, la SAPH a très légèrement étendu son domaine au détri­<br />

ment de la plantation de l'ouest qui a disparu <strong>et</strong> cédé la place<br />

à une forêt dégradée.<br />

La SAPH a également acquis une parcelle très moyenne en<br />

zone préforestière pour ses pépinières. Ses infrastructures du<br />

nord-est se sont développées.<br />

L'IRHO a presque triplé la superficie de 1958, contri­<br />

buant ainsi à la dynamisation <strong>et</strong> à la disparition de la savane.


- 179 -<br />

<strong>et</strong> lorsqu'on consulte les fichiers de "restructuration de<br />

l'espace" du Ministère du Plan, on s'aperçoit que c<strong>et</strong>te période<br />

correspond à celle de l'électrification de Toupah. 1970 est<br />

également la date à laquelle le village disposait d'une éco­<br />

le à huit classes (signe de son agrandissement), il venait<br />

d'être loti <strong>et</strong> se dotait d'un marché permanent, de commerces<br />

de demi-gros, d'eau courante <strong>et</strong> des infrastructures de diver­<br />

tissement.<br />

Parallèlement, les campements SA PH <strong>et</strong> SODEPALM se<br />

sont installés sur les interfluves au sud du village. une usi­<br />

ne y a même été construite: celle de la SAPH, installée entre<br />

la baie de Toupah <strong>et</strong> les parcelles de la SODEPALM.<br />

Les infrastructures de communication terrestres se sont<br />

développées <strong>et</strong> améliorées. Les voies d'accès à un seul point<br />

de l'espace se sont multipliées. Le désenclavement de Toupah<br />

est réalisé.<br />

* En 1980, la situation diffère peu de celle de 70-71. Ceci<br />

découle du fait qu'après 1970, les créations de plantations se<br />

sont ralenties. Les nouvelles plantations ont été développées<br />

dans le nord de la sous-préfecture de Dabou <strong>et</strong> à l'ouest dans<br />

le secteur de Cosrou. Les seules nouvelles plantations dès<br />

1975, se font grâce à une reconversion de terrain de culture<br />

arbustive (café-cacao), ou grâce à une parcelle coutumière de<br />

palmeraie naturelle cédée à un membre de la famille. Avec le<br />

manque de terre, les paysans acceptent de créer quelques champs<br />

vivriers - généralement de manioc - dans la savane. Une carte<br />

de synthèse au niveau régional fait ressortir la domination<br />

des groupes d'intérêts privés <strong>et</strong> publics sur la savane de Dabou,<br />

Tandis que les villageois se répartissent à travers la zone<br />

forestière <strong>et</strong> créent des plantations plus modernes (au sens<br />

actuel).


- 180 -<br />

C<strong>et</strong>te analyse détaillée des photos aériennes appelle<br />

quelques remarques :<br />

- La création de plantations villageoises en zone fores­<br />

tière s'est maintenue à un rythme très soutenu entre 1964<br />

(début effectif du plan palmier) <strong>et</strong> 1970-73. A partir du dé­<br />

but des années soixante dix, toute possibilité de création<br />

s'avère difficile. Une visite sur le terrain perm<strong>et</strong> de cons­<br />

tater que la majeure partie des massifs de forêt visibles sur<br />

les photos, sont soit occupées par des cacaoyères, soit si ­<br />

tuées sur des pentes où toute culture est impossible.<br />

- La seconde remarque est que le manque de terre a influen­<br />

cé les mentalités paysannes dans le sens d'une évolution posi­<br />

tive, puisque désormais, la savane jusqu'alors jugée inculte,<br />

fait partie de l'espace de production du villageois, même si<br />

c<strong>et</strong>te exploitation ne se fait pas à grande échelle encore.<br />

- La croissance économique s'est accompagnée de celle des<br />

infrastructures de liaisons terrestres. Le village de Toupah<br />

a suivi ce développement général puisque sa population s'est<br />

considérablement accrue passant de 684 habitants en 1955 à<br />

2 552 en 1975 soit un accroissement relatif de 273,09 % en<br />

vingt ans.<br />

- Enfin on peut constater que devant l'innovation que cons­<br />

titue la palmeraie sélectionnée, les Adjoukrou n'ont pas mis<br />

longtemps à sacrifier la palmeraie naturelle des ancêtres, de<br />

sorte que moins d'une dizaine d'années ont suffit pour trans­<br />

former l'espace forestier autour de Toupah en palemeraies mo­<br />

dernes.<br />

L'analyse de ces photographies était nécessaire pour<br />

saisir de manière concrète, l'atteinte irreversible au milieu<br />

forestier par l'activité agricole. La forêt s'est disloquée<br />

sous l'action conjuguée des cultivateurs de produits vivriers<br />

<strong>et</strong> des planteurs de café-cacao <strong>et</strong> de palmiers.


- 183 -<br />

s'installent hors des pistes <strong>et</strong> seules les fumées de leurs<br />

Rhauts fourneaux"signalent leur présence. Ils représentent un<br />

réel danger pour la zone forestière du fait que pour eux, il<br />

n'y a aucune distinction à faire entre les essences. Tout ar­<br />

bre, pourvu qu'il soit dur est abattu puis débité en morceaux<br />

qu'on m<strong>et</strong> à sècher. Ainsi sont nées de vastes clairières en­<br />

tre Anyama <strong>et</strong> Abobogare puis entre Anyama <strong>et</strong> Azaguié. Les<br />

chiffres de production de charbon de bois en notre possession<br />

sont si dérisoires, <strong>et</strong> dépassés de surcroît, que nous préfé­<br />

rons ne pas les publier. En eff<strong>et</strong> c<strong>et</strong>te activité, à l'inverse<br />

de l'exploitation forestière dans la périphérie d'Abidjan,<br />

s'accroît très vite corrélativement à l'accroissement de la<br />

population des villes desservies.<br />

On peut ne pas condamner les diverses formes d'exploitation<br />

de la forêt; en revanche, il est difficile de rester<br />

indifférent à l'énorme gaspillage qui résulte de ces exploita­<br />

tions. A titre d'exemple losqu'au cours du transport, des bil­<br />

les tombent en route, elles ne sont plus récupérées par les<br />

commanditaires. Le bois pourrit sur place. De même, des stères<br />

de bois de chauffe pourrissent en brousse faute de camion pour<br />

les transporter en ville. Enfin le CTFT (Centre Technique Fo­<br />

restier Tropical) a calculé que chaque année le potentiel de<br />

bois brûlé en Côte d'Ivoire forestière équivaut à 1 500 000 m 3 ,<br />

dont 4 à 5 000 000 m 3 d'espèces commercialisables.<br />

Ainsi de nos jours, tout l'est après avoir été le premier<br />

producteur de bois du pays, ne produit plus que 4 000 000 m 3<br />

de bois par an, avec une raréfaction des essences nobles.<br />

Le centre de gravité de la production de bois s'est<br />

déplacé vers l'ouest <strong>et</strong> le sud-ouest. A l'ouest, les régions<br />

de Daloa Gagnoa, Man <strong>et</strong> Soubré assurent l'essentiel de la pro­<br />

duction ivoirienne avec 1 300 000 m 3 /an. Le sud-ouest connaît<br />

un début d'exploitation (500 000 m 3 /an). On entame ainsi un des<br />

rares massifs forestiers primaires de l'ouest africain.


- 184 -<br />

La dégradation de la forêt est très certainement l'une<br />

des manifestations les plus visibles de l'agriculture sur le<br />

milieu; alliée à l'exploitation brute, elle peut conduire à<br />

une désertification à long terme, surtout lorsque la densité<br />

de l'occupation humaine ne perm<strong>et</strong> pas une reconstitution du<br />

couvert végétal comme c'est malheureusement le cas en Basse­<br />

Côte. La thèse contraire défendue par ceux qui pensent que les<br />

plantations sont des forêts <strong>et</strong> compensent de ce fait ce que<br />

l'on perd en défrichant peut-elle être r<strong>et</strong>enue?<br />

Il faut reconnaître que les plantations industrielles<br />

sont un type de forêt très spéciale<br />

Les parcelles sont occupées par une même espèce de plante.<br />

- La plantation se crée <strong>et</strong> vit dans un laps de temps très<br />

court (une trentaine d'années au plus).<br />

- La taille des arbres est conditionné par l'exploitant, par<br />

ailleurs les fûts ne peuvent pas atteindre les dimensions des<br />

essences naturelles.<br />

- Enfin, à cause de l'entr<strong>et</strong>ien régulier, aucune autre espèce<br />

ne peut pousser sous les plantations. L'équilibre du micro<br />

système se trouve ainsi brisé.<br />

Sur le terrain nous avons constaté qu'après l'abattage<br />

des palmiers, par exemple, il fallait bonifier le sol si l'on<br />

veut parvenir à faire pousser de nouvelles plantes. Aura-t-on<br />

indéfiniment les moyens de c<strong>et</strong>te bonification? Par ailleurs,<br />

les sols très éprouvés par de nombreuses années d'explitation<br />

intensive pourront-ils se reconstituer pour donner naissance<br />

à des forêts dérivées, si on décidait de ne plus les cultiver?<br />

Quelle que soit la réponse, nous pensons que la mono­<br />

tonie des paysages artificiels ne peut remplacer la variété<br />

des essences naturelles <strong>et</strong> la diversité des milieux. Lorsqu'on<br />

crée une plantation, on chasse les animaux qui habitaient aupa­<br />

ravant l'actuelle parcelle <strong>et</strong> les divers traitements phytosanitaires<br />

éloignent la faune.


- 185 -<br />

Bien que toutes ces formes d'exploitations de la fo­<br />

rêt procurent des devises fortes à l'Etat <strong>et</strong> des salaires aux<br />

ménages, l'on ne doit pas oublier la menace de désertification,<br />

même si celle-ci semble encore lointaine. Avec une progression<br />

d'environ 10 km/an, le désert n'est, pas si loin qu'on le pen­<br />

se.<br />

Très souvent, quand on cite les causes de destruction<br />

du milieu, on oublie de m<strong>et</strong>tre en cause l'aménagement du ter­<br />

ritoire, dont le rôle n'es pas si neutre.<br />

4 - L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE UN MAL NECESSAIRE?<br />

En eff<strong>et</strong>, la création de voies de communication (rou­<br />

tes <strong>et</strong> voie ferrée), l'implantation en pleine campagne d'un<br />

ensemble hôtelier, ou d'une usine de prétraitement ou enfin<br />

celle d'une cité dortoir à la périphérie d'une ville, sont au­<br />

tant d'espace conquis sur la forêt.<br />

L'exemple de l'autoroute du nord. long de 122 km <strong>et</strong> large de 80 mest<br />

assez parlant ; en y incluant les 20 m de travaux de défriche­<br />

ment des deux bords, on peut calculer que ce sont environ<br />

1 220 ha de terrain qui ont ainsi été défrichés. Lors de ces<br />

travaux, on a même été contraint d'amputer la forêt du Banco<br />

de quelques hectares.<br />

On pourrait ajouter à c<strong>et</strong> exemple celui de l'agrandis­<br />

sement du quartier de Yopougon qui occupe les terres à mais <strong>et</strong><br />

à manioc du nord-ouest d'Abidjan. Le dédoublement prévu de la<br />

voie ferrée entre Agboville <strong>et</strong> Anyama se fera également au dé­<br />

triment de la forêt.<br />

On doit cependant reconnaître la nécessité de ces travaux<br />

qui contribuent à la croissance de la région <strong>et</strong> du pays<br />

tout entier. En eff<strong>et</strong>, la voie Expresse-Nord fait gagner une


---oc<br />

AUTOROUTE<br />

ROUTE NATlONAlË<br />

ROUTE RÉGIONALE<br />

AUTRE CATÉGORI E<br />

LE PLUS DE NSE RESEAU<br />

ROUTIER DU PAYS<br />

Q , 1,6 KM


- 188 -<br />

l'indépendance grâce aux bénéfices tirés de l'agriculture.<br />

Le sud du pays dispose donc d'un réseau routier très viable<br />

à ce réseau sont venus s'ajouter l'autoroute du nord, le bou­<br />

levard Mitterrand, les voies entre Abidjan-Abobo-Anyama <strong>et</strong><br />

Anyama-Agbovi11e.<br />

· L'autoroute du nord est la plus importante voie de cir­<br />

culation du pays. Longue de 122 km, dont près de 70 km dans<br />

notre secteur, c<strong>et</strong>te voie devra atteindre à terme Bouaké, au<br />

centre du pays.<br />

· Le boulevard Mitterand achevé en 1982-83 relie Abidjan<br />

à Bingerville <strong>et</strong> devra perm<strong>et</strong>tre la redynamisation de Binger­<br />

villIe plongée depuis longtemps dans un "sommeil" économique<br />

grave.<br />

· La route reliant Abidjan <strong>et</strong> Anyama <strong>et</strong> passant par Abobo,<br />

se prolonge sur Agboville (84km d'Abidjan).<br />

Les liaisons annexes entre ces principales voies<br />

(Yopougon Abobo par l'ouest de la forêt du banco, liaison Abid­<br />

jan-Abobo par le zoo <strong>et</strong>c... ) contribuent à faire de la région<br />

sud la plus desservie du pays. On peut calculer que sur 3 200<br />

km de routes bitumées que compte le pays, près de 1 000 km sont<br />

concentrées dans le sud du pays. Nous excluons du calcul la<br />

voierie urbaine, obj<strong>et</strong> de préoccupation ultérieure.<br />

La carte du réseau perm<strong>et</strong> de constater que :<br />

- malgré les efforts consentis ailleurs les voies partant<br />

d'Abidjan sont demeurées les meilleures.<br />

- bien que sensiblement amélioré, le réseau routier du sud<br />

<strong>et</strong> de manière générale celui de tout le pays présente encore<br />

des points faibles: ainsi, hormis les zones denses de Dabou,<br />

Anyama <strong>et</strong> Bingerville (secteurs des plantations), le reste<br />

de l'espace est mal desservi. Bassam a les plus graves problè­<br />

mes de liaison, en raison notamment de l'occupation humaine


- 189 -<br />

très lâche <strong>et</strong> de la présence de nombreux marécages (consul­<br />

ter la carte des contraintes à l'expansion humaine ).<br />

- Les routes non bitumées <strong>et</strong> les pistes constituent encore<br />

la majeure partie du réseau routier. Or les pistes, on le sait,<br />

sont impraticables en saison despluies, <strong>et</strong> leur entr<strong>et</strong>ien lais­<br />

sé aux mains des ruraux ne perm<strong>et</strong> pas d'envisager leur amélio­<br />

ration dans l'immédiat.<br />

- Enfin on peut constater qu'entre les centres urbains de se­<br />

cond ordre, il n'y a aucune liaison directe. Tout doit transi­<br />

ter par Abidjan, ce qui entraîne inévitablement l'engorgement<br />

des principales voies de la capitale économique du pays. Les<br />

analystes de l'organisation de l'espace pourraient arguer que<br />

ce schéma perm<strong>et</strong> de réaliser des économies sur l'investisse­<br />

ment en matière de construction de voies(l) ; ce serait faire<br />

fi des blocages de toutes sortes qui conduisent inévitablement<br />

à des pertes de temps inutiles <strong>et</strong> d'argent.<br />

Il est possible d'imaginer, d'une part, une liaison<br />

directe entre Dabou <strong>et</strong> Anyama, passant par les villages de<br />

ATTINGUIE <strong>et</strong> AKOUPE <strong>et</strong> d'autre part entre Anyama <strong>et</strong> Bingervil­<br />

le en passant par Anyama Débardacère (sur la lagune Aghien)<br />

qui est très enclavé. La liaison actuelle entre Bingerville <strong>et</strong><br />

Bassam souffre du manque de pont sur la lagune ébrié au niveau<br />

de Vitré.<br />

Pour faire ressortir l'importance de chaque section<br />

de ce réseau, nous avons établi la carte des flux de voitures<br />

entre Abidjan <strong>et</strong> sa zone d'appui économique immédiate. Nous<br />

avons débordé légèrement du cadre de notre étude pour perm<strong>et</strong>­<br />

tre une comparaison entre Abidjan <strong>et</strong> le reste du territoire.<br />

La carte a été établie grâce aux enquêtes du Ministère des<br />

Travaux Publics <strong>et</strong> des Transports. Les enquêteurs ont noté<br />

le nombre de voitures circulant dans les deux sens, sans dis­<br />

tinction de catégorie. Ces observations'portant sur un jour<br />

(1) cf. P<strong>et</strong>er Hagg<strong>et</strong>t op. cit .


- 194 -<br />

Quels sont les principaux objectifs à satlsfalre ?<br />

* Les cultures vivrières sont avant tout destinées à la<br />

satisfaction des besoins des ruraux. Les surplus sont vendus<br />

sur les marchés locaux ou urbains. Cependant, on assiste à<br />

une transformation du circuit. En eff<strong>et</strong> les faibles rendements<br />

des cultures pérennes associés à une demande très forte des<br />

villes du littoral en denrées alimentaires, ont encouragé les<br />

ruraux <strong>et</strong> principalement des femmes, à ne cultiver que pour le<br />

seul objectif de vendre la récolte, soit après transformation<br />

(semoule de manioc appelée Attiéké) soit brute. Comme on peut<br />

le constater, les demandes rurales <strong>et</strong> urbaines sont à l'aval<br />

de ce circuit : toute augmentation de la demande entraîne une<br />

augmentation des superficies ou une intensification sur les<br />

parcelles (cas du manioc industriel introduit en milieu rural<br />

depuis 1980)<br />

On peut toutefois noter - chaque paysan essayant de<br />

produire sa nourriture - que seules les villes ont été les<br />

principales cause du dynamisme de la production vivrière de<br />

ces dernières années.<br />

Pour les cultures de rente, le principal objectif res­<br />

te la satisfaction de la demande extérieure, afin de procurer<br />

des devises fortes au pays. Avec le développement de l'agro­<br />

industrie, c<strong>et</strong>te agriculture doit également satisfaire la<br />

demande intérieure.<br />

C<strong>et</strong>te industrie prélève une quantité encore assez<br />

infime de la production agricole totale <strong>et</strong> son rôle dans la<br />

boucle de rétroaction ne sera effectif qu'avec l'accroissement<br />

des quantités transformées <strong>et</strong> la diversification qui l'accom­<br />

pagnerait. Ici, les prix d'achat au producteur, les cours<br />

mondiaux des produits tropicaux, <strong>et</strong> les possibilités de stoc­<br />

kage conditionnent l'accroissement de la production. C<strong>et</strong> ac­<br />

croissement reste néanmoins subordonné à la disponibilité en<br />

terre.


- 195 -<br />

Ces deux circuits devraient s'affirmer au fil du temps.<br />

Le premier devrait se consolider avec les nouveaux objectifs<br />

qui sont assignés au milieu rural produire pour l'autosuffl-<br />

sance alimentaire. Rappelons ici que d'autres facteurs inter-<br />

viennent dans la consolidation de ce circuit les infrastruc-<br />

tures de distribution doivent être mises en place.<br />

Le second circuit connaîtra avec la demande intérieure<br />

sans cesse croissante, une intensification, si toutefois la<br />

contrainte de l'espace ne vient pas perturber le système (voir<br />

chapitre III).


- 201 -<br />

favorisé en grande partie c<strong>et</strong>te augmentation générale du peu­<br />

plement.<br />

La concentration des fortes variations autour d'Abid­<br />

Jan <strong>et</strong> de Bingerville montre le rôle attractif de la ville sur<br />

les migrants.<br />

Ainsi la nébuleuse ébrié, la zone frontière entre<br />

Anyama <strong>et</strong> Bingerville (Nord-Ouest d'Abidjan), ont connu les<br />

plus fortes vairations de densités rurales.<br />

Outre ces cas de forte progression correspondant<br />

aux secteurs densément peuplés de 1975, on observe que trois<br />

autres sous-espaces ont subi de fortes variations, bien que<br />

moyennement peuplés en 1975. Ce sont les zones s'étendant de<br />

Vieil Osrou à Abiéoulo puis Bago, Kossihouen <strong>et</strong> Guebo <strong>et</strong><br />

enfin le noyau au sud-est de Bingerville, où le campement<br />

SODE PA LM <strong>et</strong> les villages de M'Batto Bouaké <strong>et</strong> Bregbo ont joué<br />

un rôle important.<br />

Hormis ces cas exceptionnels, on note que les varia­<br />

tions des autres sous-espaces sont assez importantes A Dabou<br />

des valeurs comprises entre 250 <strong>et</strong> 500 % s'observent dans la<br />

zone de Toupah, Kosrou, Vieux Badien <strong>et</strong> Nigui Nanon. C'est la<br />

zone de forêt en grande partie occupée par les palmeraies sé­<br />

lectionnées, les cacaoyères <strong>et</strong> les caféières.<br />

A Anyama, les densités rurales se sont intensifiées<br />

autour d'Akoupé, Attinguié, Ebimpé, Adéromé, Azaguié Blida <strong>et</strong><br />

Adattié.<br />

En comparant les deux cartes, on s'aperçoit que<br />

les secteurs sous-occupés en 1955 <strong>et</strong> 1975 n'ont pas connu de<br />

dynamique particulière, puisqu'ils comportent les plus faibles<br />

variations. Les explications de c<strong>et</strong>te situation sont à recher­<br />

cher dans les conditions du milieu naturel ainsi apparaît-il<br />

très n<strong>et</strong>tement que la vaste plaine inondable de l'Agneby, cons­<br />

titue une zone de répulsion, tandis que les sols gravillonnaires


- 202 -<br />

au nord de la sous-préfecture de Dabou semblent attlrer très<br />

peu de personnes.<br />

Par ailleurs, les zones de contacts <strong>et</strong>hniques ont<br />

progressé très peu (Nord d'Anyama, est de Bingerville <strong>et</strong> sud<br />

d'Abidjan où pourtant les plantations de cocotiers ont été<br />

développées sur le mince cordon littoral par les pêcheurs de<br />

toutes nationalités <strong>et</strong> par la SOOEPALM).<br />

On note que dans l'ensemble, la sous-préfecture de<br />

Bassam a enregistré les plus faibles variations, avec une<br />

moyenne de 44 % sur 20 ans, alors que c<strong>et</strong>te moyenne s'établit<br />

à 85,5 % pour Bingerville, 61,34 % pour Anyama <strong>et</strong> 52,28 % pour<br />

Oabou.<br />

L'analyse de la carte de variations des densités<br />

rurales est subordonnée à celle par village. C<strong>et</strong>te dernière<br />

est plus fine <strong>et</strong> montre des nuances q l n'apparaissent pas<br />

sur l'autre carte.<br />

Ainsl sur l'ensemble des villages, 5 ont évolué<br />

négativement avec des taux allant de -8,82 % (Elokato dans la<br />

sous-préfecture de Bingerville) à - 84,5 % (Vieil Osrou à Oa­<br />

bou). En raison du ràle très relatif de ces baisses, nous ne<br />

les avons pas hiérarchisées.<br />

Hormis les 37 localités non recensées en 1955, on<br />

peut considérer que les plus grandes fréquences de variations<br />

se situent dans les intervalles 100 à 250 <strong>et</strong> 250-500 qui re­<br />

groupent 64 localités soit 38 % des villages. 7 localités se<br />

sont accrues de plus de 100 %. Ainsi, la courbe de fréquence<br />

cumulée montre que plus de 92 localités ont évolué de 50 %<br />

à + 1 000 %


- 203 -<br />

b) Quelles significations peut-on donner à ces<br />

variations importantes des densités rurales?<br />

D'une manière générale, les mouvements de popula­<br />

tions traduisent le sens d'évolution de l'économie de la région<br />

concernée. Un appel de population peut signifier un regain des<br />

activités économiques, tandis qu'une stagnation ou une perte<br />

peut révéler la léthargie voire le blocage ou la baisse de l'ac­<br />

tivité économique régionale. L'étude des mouvements de popula­<br />

tions peut donc fournir des indices importants dans l'analyse<br />

de la dynamique d'un espace. Rappelons toutefois, que le cher­<br />

cheur doit être très prudent dans la manipulation des statisti­<br />

ques démographiques; des taux d'évolution anormalement élevés,<br />

c'est-à-dire sans raison apparente doivent attirer son atten­<br />

tion.<br />

L'intérêt des deux cartes :'évolution de densités<br />

<strong>et</strong> de population réside dans l'interprétation qu'on pourrait<br />

en faire à propos de l'occupation de l'espace. Les taux géné­<br />

ralement élevés peuvent-ils être interprétés comme une preu­<br />

ve de surcharge démographique ? Y-a-t-il un seuil de peuple­<br />

ment? est-il atteint par endroit?<br />

Les réponses à ces questions ne peuvent pas être<br />

systématiques puisque dans la réalité, l'augmentation généra­<br />

le due à un solde migratoire positif, cache un double mouve­<br />

ment de populations: si d'un côté on constate une arrivée mas­<br />

sive d'allochtones, de l'autre côté, on note le départ massif<br />

des jeunes autochtones vers les villes avoisinantes. Les moti­<br />

vations des uns <strong>et</strong> des autres sont bien différentes.<br />

Les mouvements intrarégionaux de population sont<br />

difficiles à cerner. Les déclarations fantaisistes des enquêtés<br />

sur leur <strong>et</strong>hnie d'origine ne facilitent pas la tâche des enquê-


- 205 -<br />

Au niveau de l'occupation de l'espace <strong>et</strong> des dlf­<br />

ficultés foncières qui pourraient en résulter, il faut éviter<br />

une interprétation hâtive. En eff<strong>et</strong>, tous les migrants ne sont<br />

pas des propriétaires fonciers. Les problèmes fonciers ont<br />

d'autres sources (cf. chapitre suivant).<br />

En résumé, l'étude des mouvements démographiques<br />

précède les analyses économiques dans une étude régionale. Ces<br />

recherches sur les mouvements de populations doivent être fines<br />

c'est pourquoi nous avons préféré des cartes par isolignes aux<br />

cartes d'accroissement par unité administrative. C<strong>et</strong>te étude<br />

plus fine perm<strong>et</strong> d'entrevoir les motivations des uns <strong>et</strong> des au­<br />

tres. En eff<strong>et</strong> tout l'espace de la Basse Côte n'a pas la même<br />

valeur agronomique pour les paysans <strong>et</strong> stratégique pour les<br />

secteurs dont la croissance est liée à la localisation (fermes<br />

avicoles, usines en zone rurale <strong>et</strong>c.. ). L'étude des taux d'ac-<br />

croissement des densités perm<strong>et</strong> de définir les seuils au-<br />

delà desquels la structure des terroirs peut être profondément<br />

modifiée. Elle perm<strong>et</strong> également de prévoir, sinon d'envisager<br />

les luttes foncières possibles <strong>et</strong> les conséquences d'une sur­<br />

charge démographique sur l'espace rurale.<br />

Au niveau de l'analyse géographique <strong>et</strong> économique,<br />

l'étude des phénomènes démographiques aide à réfléchir sur la<br />

structuration du milieu <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> de dire si les équipements<br />

réalisés correspondent au volume de la population. C'est grâce<br />

à une bonne appréciation de ce volume <strong>et</strong> surtout du sens de<br />

l'évolution de c<strong>et</strong>te population que les opérations d'aménage­<br />

ment de l'espace peuvent être un succès. L'analyse des deux<br />

cartes a montré que la population s'est accrue très fortement.<br />

Il convient de voir si à c<strong>et</strong> accroissement correspond celui de<br />

l'espace habité.


- 207 -<br />

1) Littéralement traduits, le quartier signifie " un morceau<br />

de village". Ce qui veut dire que même en tant qu'entité, le<br />

quartier obéit aux mêmes principes généraux d'organisation de<br />

la vie commune du village. Ceci n'empêche pas que les villages<br />

lagunaires soient subdivisés en plusieurs quartiers, la situa­<br />

tion d'un quartier par rapport aux autres revêtant une grande<br />

importance.<br />

Ainsi a-t-on très souvent des villages structurés en<br />

trois quartiers le quartler du "Haut", le quartier du "Bas"<br />

<strong>et</strong> entre les deux, le quartier du "Centre". C<strong>et</strong>te structura­<br />

tion à trois niveaux est souvent dépassée dans les grands vil­<br />

lages tels Lopou, Ousrou <strong>et</strong>c... où il y a quatre quartiers<br />

exceptionnellement on a six quartiers à Débrimou, village cen­<br />

tre de confédération.<br />

La structuration des villages en quartiers correspondait<br />

en fait, à une hiérarchisation poiitic:',e. Ainsi, le quartier<br />

du "Haut" était le quartier ainé, c'est-à-dire celui du fonda­<br />

teur du village. C'était le quartier où étaient prises toutes<br />

les décisions concernant le village, son organisation, sa ges­<br />

tion <strong>et</strong> son administration. Les rites d'initiation des classes<br />

d'âge, communs aux peuples lagunaires s'y déroulaient. Généra­<br />

lement, ce quartier était habité par les descendants du fonda­<br />

teur, par les nobles <strong>et</strong> les riches qui dirigeaient le village<br />

(ceci n'est pas toujours vérifié chez tous les lagunaires).<br />

Les autres quartiers regroupaient de manière indiffé­<br />

renciée les autres membres de la communauté selon les deux<br />

dernières notions de patrilignages <strong>et</strong> de classes d'âge.<br />

2) La notion de patrilignage, comme décrite plus haut avait une<br />

fonction politico-religieuse.<br />

Ainsi l'implantation d'une maison devait-elle obéir à<br />

des droits prescrits. On ne construisait pas sa maison où l'on<br />

voulait. Dans un quartier donné, les membres d'un même lignage<br />

bâtissaient leur habitation sur un même ilât. Généralement le


- 208 -<br />

vi Il age é ta i t de t yPe vi Il age - rue. 0 n a vait al 0 r sun e suc C r; " S ion<br />

de concessions fermées jointives divisées en ilôts par d'étroi­<br />

tes ruelles. Le dernier venu s'installait à côt2 du patriarche,<br />

lorsqu'il avait les moyens de se bâtir une maison autrement<br />

il habitait chez des parents jusqu'à son indépendance financiè­<br />

re. C<strong>et</strong>te indépendance était souvent acquise avec le mariage<br />

<strong>et</strong> dans ce cas on procurait au marié les moyens de bâtir sa mai­<br />

son à côté de celle de ses parents de lignée paternelle.<br />

Toutes ces maisons étaient contrôlées par le patriar­<br />

che en ce qui concerne les différends entre individus. Cela<br />

n'excluait pas cependant que le chef de ménage dirigeât son<br />

foyer.<br />

Toutefois, des différences appréciables apparaissent<br />

entre les diverses <strong>et</strong>hnies de la zone d'étude. Chez les Adjou­<br />

krou, seul le quartier du "Haut" était sélectif; malgré la<br />

structuration à trois niveaux <strong>et</strong> parfois plus, on remarque que<br />

les autres quartiers étaient occupés indifféremment sans qu' in­<br />

tervienne la notion de classes d'âge. Néanmoins celle de patri­<br />

lignage s'applique lors de l'installation de l'individu.<br />

3) Chez les Abouré, les Attiés <strong>et</strong> les Ebrié, le village était<br />

également divisé en quartiers , le nombre de ces quartiers<br />

étant fonction de la taille du village. Chez ces peuples, ou­<br />

tre l'application des deux premières notions, la division du<br />

village correspondait aussi à l'étagement des classes d'âge.<br />

Chaque classe d'âge habitait un quartier déterminé <strong>et</strong> ceux qui<br />

ne pouvaient être initiés étaient rattachés au quartier de ceux<br />

dont ils dépendaient. La structuration devenait ainsi plus dif­<br />

fuse, car les étrangers, les handicapés de toutes origines qui<br />

ne pouvaient être initiés étaient réparti indifféremment<br />

dans les divers quartiers. On a constaté que ces notions de<br />

valeur n'imposaient pas de cifférences esthétiques entre les quartiers cal<br />

toutes les maisons rurales traditionneles se ressemDlaient du


- 209 -<br />

simple fait qu'elles étaient construites avec les mêmes maté­<br />

riaux. Quels étaient ces matériaux?<br />

b) Les évolutions antérieures de la maison rurale<br />

Autrefois, pour construire sa maison, le paysan<br />

puisait tous les éléments nécessaires dans la nature. Le maté­<br />

riau de base était invariablement l'argile pétrie seule ou mé­<br />

langée à de la paille (torchis). L'armature de la maIson était<br />

faite de bambou de chine, de troncs d'arbres rectilignes pour<br />

servir de montants, tandis que les branches du palmier à l'hui­<br />

le étaient utilisées comme traverses. Des lianes arrachées dans<br />

la forêt servaient à la consolidation de l'ensemble. On étalait<br />

ensuite l'argile sur les pans de mur faits de branchages divers.<br />

La toiture était faite de feuilles de raphia ou de paille. La<br />

savane revêtait - quoi qu'on ait pu d "e - une importance, car<br />

le raphia <strong>et</strong> certains autres éléments de la maison traditionnel­<br />

le provenaient des vastes marécages de la zone de savane. Dès<br />

les années trente au contact des peuples du Ghana <strong>et</strong> de l'ac­<br />

tuel Bénin, la maison rurale de la Basse Côte, à l'instar de<br />

celles des autres zones de plantations subit de profondes mu­<br />

tations.<br />

Les traverses de bambou, le mur de torchis <strong>et</strong> la<br />

toiture furent remplacés. La technique de construction dite<br />

"dahoméenne" consistait à élever par étapes un mur d'argile<br />

rouge. L'argile pétrie avec de l'eau grâce à la force des mus­<br />

cles servait à construire une mur<strong>et</strong>te de 60 à 80 cm de haut<br />

qu'on laissait sécher une dizaine de jours, puis on reprenait<br />

l'ouvrage Jusqu'à la hauteur désirée. Généralement les maisons<br />

avaient deux morphologies suivant deux technlues de construc­<br />

tion.<br />

- La première consistait à monter les deux pans de mur repré­<br />

sentant la largeur de la maison suivant un plan horizontal,


- 210 -<br />

le pan où se trouvait la porte étant le plus élevé. Le fJitc<br />

des deux murs représentant la longueur était incliné vers l'ar­<br />

rière en pente unique. C'était le type dit "casino".<br />

- La seconde, plus fréquente comportait quatre pans de mur, au<br />

départ, de même hauteur; par la suite les pans représentant<br />

la largeur étaient terminés en pointe, décrivant dans leur<br />

partie supérieure un triangle. On avait ainsi une toiture se<br />

déversant à l'arrière <strong>et</strong> à l'avant de la maison.<br />

La toiture devint plus solide les ghanéens spéciali-<br />

sés dans la menuiserie introduisirent les poutres sciées, les<br />

travers travaillées <strong>et</strong> les portes en bois. De 1935-40 à 1960,<br />

les plus riches s'offrirent des toits en tôle.<br />

C<strong>et</strong>te technique de construction révolutionnaire impri­<br />

ma un nouveau visage aux villages lagunaires. Grâce à la soli­<br />

dité des murs, on contruisit des maisc,s à deux voire trois<br />

nlveaux, très maSSlves, encore sur pied dans certains villages.<br />

En construction traditionnelle locale comme en construc­<br />

tion traditlonnelle évoluée, la maison artisanale comportait le<br />

même mobilier; des lits en bambou ou en terre battue, des us­<br />

tensiles en terre ou des écuelles en bois <strong>et</strong> des tabour<strong>et</strong>s<br />

taillés dans des bois spéciaux composaient le mobilier de la<br />

maison.<br />

C<strong>et</strong>te évolution de l'habitat rural traditionnel cor­<br />

respond à la première phase de croissance économique de la<br />

Basse Côte, allant de 1920-30 à 1960-65. Ces maisons générale­<br />

ment privées de fénêtre (pour cause de sécurité disent les pay­<br />

sans) étaient des habitats fonctionnels, chaque pièce ayant<br />

son attribution. Il existait la maison des hommes <strong>et</strong> celle des<br />

femmes.<br />

Aujourd'hui, lorsqu'elle a résisté à l'usure du temps,<br />

la maison traditionnelle a subi des aménagements très sensibles.<br />

Que reste-t-il de l'ancienne organisation du village,


- 211 -<br />

d'une part, <strong>et</strong> d'autre part quelle est la nouvelle morpholoyie<br />

de l'habitat rural?<br />

C - L'UTILISATION DES REVENUS ET L'AMELIORIATION ACTUELLE<br />

DE L'HABITAT RURAL.<br />

L'impact de l'économie de plantation sur l'organisation<br />

de l'habitat est très visible. grâce aux richessestirées de<br />

l'agriculture, les paysans ont transformé peu à peu leur envi­<br />

ronnement.<br />

Au plan morphologique, exception faite des quelques<br />

villages de pêcheurs, la plupart des villages de la périphérie<br />

abidjanaise présentent une structure semblable à celle des cen­<br />

tres semi-urbains <strong>et</strong> des p<strong>et</strong>ites villc3 du pays: des rues se<br />

coupant à angles droits, des lots individuels avec par endroits<br />

des touffes d'herbes correspondant à des lots non mis en valeur.<br />

La structure de maisons jointives a disparu <strong>et</strong> l'on remarque<br />

l' apparition de clôtures, forme extrême de l'individualisation<br />

de l'habitat <strong>et</strong> aussi" source de différends comme nous le verrons<br />

plus loin<br />

Vues de l'extérieur, les maisons rurales d'après 1960­<br />

65 ressemblent aux constructions européennes de la ville.<br />

Au plan structurel, la maison rurale a également été<br />

améliorée. Le matériau de construction s'unlformise <strong>et</strong> se ré­<br />

sume au béton armé, aux briques en ciment, à la toiture en tô­<br />

le, aux portes en bois travaillé ou vitrées, aux larges fenêtres<br />

aux bordures d'aluminium. Pour les moins riches, le sol en ter­<br />

re battue a même été remplacé par le ciment, tandls qu'un effort<br />

a été entrepris pour crépir les murs d'argile.<br />

A l'intérieur, le mobilier moderne a fait son appari­<br />

tion. On trouve désormais dans toute maison rurale, une table,


- 212 -<br />

des chaises européennes, des bancs de chez le menUlSler du<br />

village, des armoires métalliques ou en bois, des Ilts de bOlS<br />

sculptés, mais plus souvent des lits métalliques <strong>et</strong> des usten­<br />

sils en métal.<br />

Ces mutations ont également affecté la conception que<br />

le paysan avait de la maison: le coût de la maison moderne a<br />

fait que désormais le chef de famille ne peut plus séparer sa<br />

maison de celle de son épouse ou de ses épouses. Toute le mon­<br />

de vit sous le même toit, ce qui entraîne des problèmes sé­<br />

rieux que nous verrons au dernler chapitre.<br />

Mais toutes ces mutations n'ont été possibles <strong>et</strong> accé­<br />

lérées que grâce à une volonté politique des dirigeants du<br />

pays. En eff<strong>et</strong>, outre l'apport personnel, le paysan dispose<br />

d'une aide pour la réalisation de sa maison. De plus, les équi­<br />

pements d'accompagnement des efforts individuels, sont program­<br />

més <strong>et</strong> en partie financés par l'Etat. Jour saisir ces processus<br />

un peu complexes, voyons quelle a été depuis 1960, la ligne<br />

politique suivie par les dirigeants qui se sont promis le "bon­<br />

heur de l'homme ivoirien" par l'acqulsition de biens matériels<br />

<strong>et</strong> par "l'alphabétisation à 100 %".<br />

1 - LA POLITIQUE GENERALE D'EQUIPEMENT DE L'ESPACE RURAL<br />

Depuis 1965, il a été institué les fêtes tournantes<br />

qui consistent à organiser les festivités marquant l'anniver­<br />

saire de l'Indépendance, dans une ville choisie par les diri­<br />

geants. Le but recherché, était d'aider les villes choisies<br />

dans leur effort de développement. A c<strong>et</strong>te occasion, des cré­<br />

dits très importants étaient alloués gratuitement à la ville;<br />

on en profitait pour l'équiper de nouveaux services ou pour<br />

restructurer ceux existant déjà.<br />

Parallèlement à ces facilités accordées aux villes,<br />

on a institué les proj<strong>et</strong>s FRAR, dirigés vers le milieu rural.


- 214 -<br />

a) Le lotissement des villages<br />

Certes la construction d'écoles <strong>et</strong> d'lnfirmerie a<br />

précédé c<strong>et</strong>te opération de lotlssement. Mais aujourd'hui, tout<br />

village qui aspire au développement, à la modernlsation <strong>et</strong> à<br />

l'équipement est obligé de passer par là. Le lotissement pré­<br />

cède de ce fait tout effort actuel de modernisation. En eff<strong>et</strong>,<br />

pour qu'un village ait droit à l'électrification <strong>et</strong> à l'ad­<br />

duction d'eau, il faut qu'il soit loti, <strong>et</strong> ce, pour des rai­<br />

sons techniques évidentes. De même, une maison ne peut-être<br />

équipée d'eau courante <strong>et</strong> d'électricité que si elle est en<br />

dur ou partiellement renforcée pour des problèmes de salubri­<br />

té <strong>et</strong> de sécurité. Ainsi une maison en toit de chaume mais<br />

construite en dur ou crépie ou ciment peut-être desservie.<br />

Le lotissement revêt une double importance c'est<br />

d'abord le signe de la dynamique du v:llage, ensuite il cons­<br />

titue le point de départ de l'agrandissement du village. En<br />

eff<strong>et</strong>, en divisant le village en lots individuels séparés par<br />

des rues, le village occupe plus d'espace, corrélativement<br />

au nombre d'habitants.<br />

Ces opérations de lotissement sont étroitement<br />

liées à la puissance économique des villageois, car leur fi­<br />

nJncement dépend pour plus de 80 % des cotisations villageoi­<br />

ses.<br />

En 1973, seulement 32 localités sur les 141 villa­<br />

ges officiels avaient été loties, soit 22,69 % du total. En<br />

1983, les enquêtes ont révélé que 62 villages étaient lotis,<br />

soit 44 % des 141 villages. A ces 62 villages, on peut ajou­<br />

ter près d'une trentaine d'autres en voie de lotissement.<br />

Anyama <strong>et</strong> Dabou ont une avance sur Bassam <strong>et</strong> Bingerville. Avec<br />

65 % des localités loties, Anyama devance Dabou qui en compte<br />

53 %, tandis que Bassam <strong>et</strong> Bingerville atteignent à peine 30 %<br />

de villages lotis.


- 216 -<br />

En fait on se trouve ici dans un espace encore prlsonnler u s<br />

préjugés divers. En eff<strong>et</strong> pour les puristes, emprunter de<br />

l'argent est mal vu de plus le système bancaire ne falt pas<br />

partie des habitudes de consommation du paysan, tout comme la<br />

notion d'épargne dans une caisse du même nom. Le bon paysan<br />

a l'habitude de fourrer ses économies dans un vase qu'il en­<br />

terre ou garde secrètement dans sa maison.<br />

Grâce à de nombreuses campagnes d'information, c<strong>et</strong>­<br />

te situation est en train de changer. Néanmoins l'enquête de<br />

terrain nous a montré que 60 à 70 % des paysans construlsent<br />

encore aujourd'hui leur habitation en ne comptant que sur<br />

leurs économies. Dans ce cas, la maison peut être bâtie sur<br />

deux à cinq ans voire plus, car la progression des travaux est<br />

subordonnée au volume annuel de la récolte.<br />

On rencontre toutefois des planteurs assez riches<br />

qui non seulement peuvent se construle une belle villa en une<br />

année, mais ont aussi la possibilité de constuire dans les cen­<br />

tres urbains. C'est là une des heureuses conséquences de l'agro-<br />

exportation le paysan riche prend des initiatives d'homme<br />

d'affaire <strong>et</strong> élargit de ce fait son champ d'activité, établis­<br />

sant de nouveaux rapports entre le village <strong>et</strong> la ville.<br />

Nous avons également noté que les paysans bénéfi­<br />

ciaient des aides de leurs enfants ou parents fonctionnaires<br />

dans les villes. Ils leur apportent des soutiens financiers<br />

tant dans la réalisation de l'habitat que dans celle d'équipe­<br />

ments ci-dessus cités. Ceci renforce les échanges entre la cam­<br />

pagne <strong>et</strong> la ville.<br />

Ces financements individuels de l'habitat peuvent<br />

être remplacés par un programme d'ensemble de construction.<br />

Dans ce cas, on fait appel à la BNEC ou à une autre source de<br />

financement, <strong>et</strong> on confie les travaux d'extension ou de re­<br />

construction du village à une entreprise immobilière. Les


- 218 -<br />

sur un équipement relativement dense au sud, tandis que le<br />

reste du pays demeure sous-équipé.<br />

Le développement économique agricole a eu des eff<strong>et</strong>s<br />

d'entraînement sur divers autres facteurs de production. L'es­<br />

pace rural en se restructurant s'est alors densifié les ins­<br />

tallations précaires ou inexistantes ont été reconstruites don­<br />

nant un nouveau visage au sud du pays. Parmi ces installations,<br />

on peut citer les écoles, les centres de santé, les marchés,<br />

l'adduction d'eau, l'électrification <strong>et</strong> les équipements de loi­<br />

sir.<br />

Même au niveau de la région, on constate une disparité<br />

très n<strong>et</strong>te entre les villages. Il aurait fallu établir une carte<br />

générale des équipements. Malheureusement les données n'étaient<br />

pas réunies pour tous les centres habités. Les seules données<br />

complètes date de 1973 <strong>et</strong> ne collent plus b la réalité. Notre<br />

analyse repose donc sur des dor lées p :rtielles <strong>et</strong> des renseigne­<br />

ments à prendre avec prudence.<br />

d) L'équipement scolaire<br />

L'analyse porte uniquement sur le milieu rural. En<br />

eff<strong>et</strong>, l'analyse des équipements scolaires a moins d'intérêt<br />

en milieur urbain, d'abord parce que les villes du sud sont<br />

les plus équipées, ensuite parce qu'en milieu urbain, les in­<br />

vestissements sont en très grande partie financés par l'Etat.<br />

La scolarisation a été l'une des grandes préoccu­<br />

pation des populations lagunaires. Les contacts précoces avec<br />

l'Europe, la construction des premières écoles à Dabou, Bin­<br />

gerville <strong>et</strong> Bassam ont favorisé la diffusion de l'école dans<br />

tout le sud-est du pays. Généralement on calcule qu'en Côte<br />

d'Ivoire, il y a environ 125 élèves pour 1 000 habitants.<br />

C<strong>et</strong>te moyenne nationale est dépassée en Basse Côte où l'on<br />

compte près de 200 élèves pour 1 000 habitants.


- 222 -<br />

des différents quartiers d'Abidjan.<br />

Répartition des lits d'hospitalisation dans quelques départe­<br />

ments<br />

Départements Lits/lo 000 % lits de CI 1<br />

habitants<br />

Abidjan ville <strong>et</strong> Banlieue 14,0 29,4<br />

Abengourou 10,3 3,5<br />

Aboisso 8,0 2,3<br />

Adzopé 1,4 0,4<br />

Daloa 6,7 4,7<br />

Divo 3,3 1,7<br />

Bouaflé 6,5 3,2<br />

Dimbokro 4,6 4,1<br />

Sassandra 10,4 3,8<br />

Biankouma 0 -<br />

Guiglo 5,8 1,5<br />

Ensemble Côte d'Ivoire 8,2 100,0<br />

Moyenne Nord 10,0<br />

Source Ministère de l'Economie, des Finances <strong>et</strong> du Plan,<br />

citée par D. Boni.<br />

On ne doit pas se tromper sur l'écrasante part d'Abid-<br />

jan les lits des principaux hôpitaux d'Abidjan ne profitent pas<br />

qu'aux ruraux <strong>et</strong> aux citadins de la région.<br />

Toute la Côte d'Ivoire en bénéficie. Il en va d'ailleurs<br />

de même pour tous les services supérieurs implantés à Abidjan.<br />

-


- 223 -<br />

Un effort reste donc è faire pour améliorer la sltuation<br />

sanitaire du milieu rural. On doit cependant reconnaître que les<br />

deux premiers types d'équipements ont mobilisé 266 970 000 CFA<br />

soit 69,21 % des 385 542 000 CFA investis dans le mllleu rural<br />

entre 1973 <strong>et</strong> 1983.<br />

C<strong>et</strong>te part importante des deux équipements précédents<br />

affecte logiquement celle des autres infrastructures, reléguées<br />

au second plan. Parmi celles-ci, il y a l'adduction d'eau.<br />

c) L'hydraulique villageoise<br />

Généralement, les populations africaines installent<br />

leurs villages è côté d'un cours d'eau ou autre étendue d'eau.<br />

C<strong>et</strong>te précaution découle du fait qu'en milieu rural, l'approvi­<br />

sionnement en eau se fait directement è la rivière, au fleuve, è<br />

la source ou è la r<strong>et</strong>enue d'eau naturell<br />

Ce mode d'approvisionnement n'est pas sans danger:<br />

en raison des nombreuses aspérités du terrain, les eaux usées <strong>et</strong><br />

les eaux de pluie charient dans le cours d'eau alimentant le<br />

village, les ordures ménagères généralement déposées aux abords<br />

immédiat du village. La lessive <strong>et</strong> la vaisselle sont faites di­<br />

rectement è la rivière. Certes, on prend la précaution de les<br />

faire en aval, mais on oublie que les villages situés en aval<br />

reçoivent toutes les sal<strong>et</strong>és qu'on y rej<strong>et</strong>te. On peut aussi Sl­<br />

gnaliser les baignades d'hommes <strong>et</strong> d'enfants qui n'hésitent pas<br />

è s'y soulager. On peut aisément imaginer les risques de conta­<br />

mination en cas d'épidémies. L'eau dite boisson saine y est en<br />

réalité un véhicule de la bilharziose <strong>et</strong> autres parasitoses.<br />

Outre ces problèmes sanitaires, quelques villages<br />

souffrent d'une pénurie chronique d'eau en raison de leur loca­<br />

lisation peu favorable. Dans certaines régions, une saison sè­<br />

che, même légèrement marquée, suffit è provoquer le tarissement<br />

du cours d'eau ou des puits villageois.


- 225 -<br />

A Anyama, beaucoup d'effort reste à faire car on<br />

n'a réussi à équiper seulement qu'un village Attlnguié. Coût<br />

de l'opération, 6 342 500 CFA, la collectivité villageolse a<br />

reçu à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> une aide de l'Etat représentant 17,64 % du<br />

coût, soit 1 119 264 CFA.<br />

La ville d'Anyama a été desservie entièrement par<br />

financement de la collectivité urbaine. A Bassam, Moossou béné­<br />

ficiant de la proximité de Bassam-ville a été dotée de l'eau<br />

courante.<br />

En dehors du centre-urbain de yopugon <strong>et</strong> des vil­<br />

lages du plateau de Banco, la sous-préfecture de Bingerville<br />

est restée stationnaire en ce qui concerne l'hydraulique villa­<br />

geoise. Quelques puits artisanaux ont été créés mais ceci ne<br />

suffit pas à améliorer les conditions sanitaires de nombreux<br />

villages qui s'approvisionnent encore difficilement à une sour­<br />

ce ou à une rivière. La question est d' :utant plus préoccupan­<br />

te que se baigner en lagune ou laver le linge dans la lagune<br />

est devenu un vrai danger, ce plan d'eau étant devenu le lieu<br />

de déjection des eaux usées des nombreuses industries instal­<br />

lées à Abidjan.<br />

Ces eaux usées ne subissent aucun traitement ni<br />

contrôle. On comprend aisément pourquoi c<strong>et</strong>te lagune qui faisait<br />

la beauté de la ville d'Abidjan s'est dégradée très sérieusement<br />

au cours des deux dernières décennies. La pollution des eaux de<br />

la lagune ébrié aura à court terme des répercussion sur les ha­<br />

bitants des nombreux villages situés en bord de lagune.<br />

Des solutions doivent être apportées. Les moyens<br />

à m<strong>et</strong>tre en jeu sont énormes. Les populations locales ont déjà<br />

prouvé leur bonne volonté. C'est à l'Etat de poursuivre l'effort<br />

qui a déjà été entrepris. La proximité d'Abidjan <strong>et</strong> des villes<br />

de Dabou, Bassam, Anyama <strong>et</strong> Bingerville devait aider à l'exten­<br />

sion des réseaux de desserte d'eau existants, tout comme l'élec­<br />

trification devait gagner du terrain, en raison de la desserte<br />

importante des villes du sud.


espaces.<br />

- 226 -<br />

d) L'électrification en milieu rural<br />

Elle est marquée par une disparité entre les sous-<br />

La carte que nous avons établie ne comporte pas les<br />

données sur l'électrification, du fait qu'un r<strong>et</strong>ard a été consta­<br />

té au niveau des fiches tenues par l'EECI (l'Energie Electrique<br />

de C.I.). Ces fiches étaient sensées fournir des informations<br />

sur tous les centres ruraux desservis. Il nous a donc fallu par­<br />

courir la région, enquêter sur place ou, lorsque le village est<br />

éloigné, prendre les renseignements avec les sous-préf<strong>et</strong>s. Au­<br />

tant dire que c<strong>et</strong>te démarche ne fut pas plus efficace que la con­<br />

sultation des fiches désuètes de l'EECI. Les changements de sous­<br />

préf<strong>et</strong>s - très fréquents - semblent être la cause de la sous-in­<br />

formation de ceux qui étaient en place.<br />

Cependant tous les villages lotis de Dabou ont été<br />

électrifiés, de même que ceux d'Anyama <strong>et</strong> Bingerville. A Bassam,<br />

les conditions naturelles peu favorables (marais <strong>et</strong> marécages)<br />

ne perm<strong>et</strong>tent pas un accès facile aux villages. Par conséquent,<br />

l'électrification rurale y est encore en r<strong>et</strong>ard.<br />

On peut par ailleurs noter une densité flagrante<br />

entre les sous-espaces. En eff<strong>et</strong>, la majorité des villages si­<br />

tués à l'ouest d'Abidjan ont été desservis, surtout les villa­<br />

ges sis en bordure de lagune, tandis qu'à l'est de l'ex-capitale,<br />

seuls les centres assez importants sont équipés.<br />

L'explication proviendrait en partie du tracé de la<br />

ligne de haute tension en provenance de Taabo <strong>et</strong> desservant le<br />

centre de transformation d'Abobogare. Les villages situés sur<br />

le passage de c<strong>et</strong>te ligne ont eu plus de facilité à être desser­<br />

vis.<br />

e) Les autres infrastructures rurales<br />

D'autres équipements rares complètent la gamme<br />

des infrastructures de quelques villages comme par exemple un


- 228 -<br />

Quant aux femmes, elles livrent directement la plus<br />

grande partie des marchandises sur les marchés urbains où les<br />

prix sont plus avantageux. Dans les villages, les relations<br />

très étroites ne perm<strong>et</strong>tent pas l'application des mêmes tarifs<br />

qu'en ville.<br />

Généralement le marché se résume aux "établis" instal­<br />

lés le long des rues, sur lesquels on dispose les marchandises<br />

de première nécessité. Avec l'évolution économique de la région,<br />

ces installations précaires ont peu à peu été remplacées par<br />

des magaslns de vente de détail <strong>et</strong> de demi-gros ce dernier<br />

type se rencontre toutefois dans les villages centres seule­<br />

ment. (Voir l'organisation de l'espace). Le marché <strong>et</strong> ses an­<br />

nexes constituent un indicateur d'évolution du village vers le<br />

centre semi-urbain ou semi-rural. Ainsi les villages de Débrimou<br />

(Dabou), Songon Agban (Bingerville) <strong>et</strong> Akoupé (Anyama) sont en<br />

voie de dépendre exclusivement des écanges avec la ville voi­<br />

sine. L'apparition des p<strong>et</strong>its métiers constitue l'indice indis­<br />

cutable de c<strong>et</strong>te évolution.<br />

Autres équipements, les centres de loisirs - peu nom­<br />

breux en milieu rural, leur importance est relative.<br />

* Les foyers de jeunes Conscients de l'attraitdes villes sur<br />

les jeunes, les diriç:eants des FP.AR (Fonds Régionaux à l'aménage­<br />

ment Rural) ont prévu la construction de foyers de jeunes pour<br />

les distraire. Quelques foyers ont été construits, mais en<br />

réalité ils n'ont de nom que les murs car outre le bâtiment,<br />

on n'y trouve aucun équipement. Et pourtant les jeux tradition­<br />

nels auraient pu combler c<strong>et</strong>te lacune. L'activité de ces fo­<br />

yers se résume donc à l'animation de bals les "week-end". Sans<br />

budg<strong>et</strong> d'entr<strong>et</strong>ien, ils sont en majorité délabrés <strong>et</strong> n'ont pas<br />

réussi à r<strong>et</strong>enir les jeunes. Les causes des départs ne sont<br />

donc pas forcément - ou uniquement - le manque de distraction.


- 230 -<br />

ne favorisent pas le développement des maternelles. D'allleurs<br />

nombre d'intellectuels qui pensent qu'il est nécessalreque<br />

l'enfant sache sa langue maternelle avant le françals, ont con­<br />

damné le transfert des jardins d'enfants en milieu rural. C'est<br />

donc là un suj<strong>et</strong> de polémique qui n'est pas près d'être tranché.<br />

En fait ce type d'équipement n'est pas en mesure de<br />

s'étendre, car en dehors des problèmes financiers, il oemble<br />

que l'aspect utilitaire n'est pas prouvé. En eff<strong>et</strong>, l'enfant<br />

en milieu rural ne pose pas encore de problème de garderie<br />

on a toujours un parent ou un voisin pour le garder.<br />

* Quant au téléphone, il représente le raffinement suprême du<br />

confort <strong>et</strong> du luxe. Même en ville, c<strong>et</strong> équipement constitue<br />

encore un instrument rare, indice d'un niveau de vie élevé. Le<br />

milieu rural en est donc privé, à l'exception de Bouboury qui,<br />

en 1974, s' est fait installer une liç'le privée à 1 000 000 F CFA.<br />

Depuis, aucun village n'a suivi. Nous n'avons pas pu vérifier<br />

si c<strong>et</strong>te ligne continue de fonctionner, ce qui serait un mira­<br />

cle étant donné que même la ville n'est pas à l'abri de pannes<br />

prolongées.<br />

Les lignes téléphoniques qu'on aperçoit dans les vil­<br />

lages autour d'Abidjan, desservent des administrations publi­<br />

ques <strong>et</strong> autres organismes privés. Généralement les villages<br />

pourvus de services administratifs importants, peuvent bénéfi­<br />

cier du téléphone de ces services, en cas de danger. Le rôle<br />

du téléphone n'estplus à démontrer, <strong>et</strong> pourtant la politique<br />

de desserte, même au niveau des villes, n'a pas été conduite<br />

efficacement. Néanmoins depuis près de cinq ans un effort a<br />

été fait. Mais l'on est encore loin de voir les villages dis­<br />

poser du téléphone.<br />

Les postes de dépenses de Dabou <strong>et</strong> Bassam montrent que<br />

ces deux sous-préfectures ont consacré chacune 4 000 000 F CFA<br />

à l'ouverture de pistes. A Dabou c'est le village d'Orbaff quia


- 242 -<br />

loin. La distance de la ville aux champs finit par aVOir rJiSOn<br />

d'eux la majorité se reconvertissent, la fraction restante se<br />

bâtit un habitat ailleurs.<br />

- Les villes de la Basse Côte sont aussi caractérisées par une<br />

forte présence d'allochtones <strong>et</strong> quelques allogènes.<br />

- Enfin, toutes ces villes ont en commun une physionomie carac­<br />

térisée par la ségrégation de l'occupation de l'espace. On a<br />

généralement deux ou trois quartiers chics, des quartiers de mo­<br />

yen standing <strong>et</strong> un cortège impressionnant de quartiers spontanés,<br />

connus sous le nom de "Bidonvilles".<br />

Ces traits communs n'excluent pas une certaine orlgina­<br />

lité dans la morphologie <strong>et</strong> une hiérarchisation de ces centres<br />

urbalns. Les rythmes de croissance perm<strong>et</strong>tent de regrouper les<br />

villes - Abidjan exclue - en deux cat 6 80ries<br />

- Les villes les plus dynamiques<br />

- Les villes à croissance modérée ou faible<br />

Abidjan fera l'obj<strong>et</strong> d'un sous-chapitre à part.<br />

A - UNE CROISSANCE URBAINE ACCELEREE GRACE A L'AGRICULTURE ET<br />

AU COMMERCE LOCAL<br />

L'analyse des origines des citadins de la Basse Côte<br />

révèle que dans l'ensemble, les centres urbains <strong>et</strong> semi-urbains<br />

sont des creus<strong>et</strong>s de plusieurs <strong>et</strong>hnies, voire de plusieurs ra­<br />

ces. Ce sont des centresd'accueil. Leur taux annuel de croissan­<br />

ce perm<strong>et</strong> de les regrouper en deux catégories.


- 248 -<br />

productions agricoles a montré que la sous-région bassamOlse ne<br />

produit que des noix de coco, en exploitation vlllageolse ; ce<br />

qui lui procure peu de revenu. Par ailleurs l'arrière-pays jas­<br />

samois peu peuplé n'a pas lnfluencé de manière significative<br />

l'accroissement de la ville. Il semble donc que le récent gon­<br />

flement de la population est lié à deux facteurs<br />

- Le développement de l'artisanat <strong>et</strong> du tourisme <strong>et</strong><br />

- La proximité de la zone industrielle de Vridi (Abidjan)<br />

En eff<strong>et</strong>, Bassam bénéficie d'une belle plage qui attire<br />

de nombreux touristes aussi bien étrangers qu'ivoiriens. Il<br />

s'est alors développé un artisanat florissant qui a attiré de<br />

nombreuses populations allochtones.<br />

La proximité relative d'Abidjan a également joué un rô­<br />

le favorable. Il est à remarquer que la ville est à 45 km d'A­<br />

bidjan, donc assez éloignée d'Abidjan. par rapport à Anyam <strong>et</strong><br />

8ingerville. Cependant l'amélioration très sensible de la route<br />

de Bassam a permis à de nombreux ouvrlers de c<strong>et</strong>te localité de<br />

pouvoir se rendre à Abidjan dans un temps meilleur à celui des<br />

des habitants d'Abobo pourtant logés à 10 km de la capitale<br />

économique.<br />

C'est qu'en matière de circulation urbaine, la distan­<br />

ce - temps est celle qu'il faut prendre en compte.<br />

Bassam est donc en passe de devenir une ville dortoir<br />

d'Abidjan <strong>et</strong> tout programme d'aménagement d'Abidjan doit pren­<br />

dre en compte c<strong>et</strong>te nouvelle donnée.<br />

B - ABIDJAN, UNE VILLE EN EXPANSION CONTINUE, DIFFICILE A MAITRISER<br />

Le tableau de l'accroissement des villes montre que les taux<br />

les plus élevés entre 1955 <strong>et</strong> 1965 n'étaient pas ceux d'Abidjan


- 253 -<br />

des plantations devenues plus nombreuses. La période 55-71<br />

correspond bien à celle de la diversification <strong>et</strong> de la densifi­<br />

cation agricole de la périphérie d'Abidjan. Il est à observer<br />

que les p<strong>et</strong>ites plantations au sud d'Agnikro ont été restructu­<br />

rées, de sorte que l'on a, en 1971 une plantation d'un seul te­<br />

nant. Outre le développement de quelques pistes villageoises, la<br />

voie ferrée <strong>et</strong> la nationale (route principale sur la légende)<br />

n'ont pas subi de modification.<br />

Bien qu'à une échelle légèrement plus grande, la carte<br />

de la commune d'Abobo en 19B3, rend assez bien compte du déve­<br />

loppement spectaculaire de ce quartier en 12 ans d'évolution.<br />

L'intrusion des sociétés immobilières dans ce quartier<br />

a parachevé la mutation de c<strong>et</strong>te bourgade en quartier dortoir<br />

d'Abidjan. On distingue ainsi un Abobo moderne, mieux structu­<br />

ré du point de vue de l'infrastructure de circulation, entre<br />

Abobo Baoulé <strong>et</strong> la nationale, tandis que l'autre Abobo situé à<br />

l'ouest du rail a l'allure d'un bidonville. Les villages d'Abo­<br />

bo Baoulé <strong>et</strong> Aboboté sont contigus au quartier d'Abobo-gare<br />

(ainsi appelé parce qu'on y trouvait une grande gare pour tous<br />

les passagers venant du Nord-Est du pays c'est ce rôle de ga­<br />

re qui aurait favorisé le développement du quartier le plus po­<br />

pulaire d'Abidjan), tandis qu'Anonkouakoute jouxte la zone in­<br />

dustrielle fraîchement créée.<br />

D'une manière plus générale le développement d'Abidjan<br />

sur la partie ouest du continent peut s'observer en comparant la<br />

carte d'Abidjan en 1959 <strong>et</strong> celle des types d'habitat en 197B.<br />

Ces cartes, sont assez parlantes <strong>et</strong> révèlent la dynamique toute<br />

particulière d'Abidjan entre la date de percement du canal de<br />

Vridi.<br />

Il faut avouer qu'en ce qui concerne une ville comme<br />

Abidjan, il est difficile de déterminer de manière très claire,<br />

la part de chaque activité économique dans le processus d'urba­<br />

nisation. On peut simplement r<strong>et</strong>enir que l'activité initiale


- 256 -<br />

était l'agriculture, aujourd'hui source d'industrialisation.<br />

C<strong>et</strong>te industrie a elle-même engendré de nombreuses autres activi­<br />

tés parmi lesquelles le tertiaire tient une place de choix. Par<br />

eff<strong>et</strong> du cumul Abidjan s'accroît à un rythme de 11 % par an. C<strong>et</strong>­<br />

te croissance démesurée est à la base des conflits de cohabita­<br />

tion entre l'ex-capitale politique <strong>et</strong> son environnement immédiat.<br />

A ces facteurs de croissance il faut ajouter le poids des déci­<br />

sions politiques: c'est, nous semble-t-il, le facteur le plus<br />

important dans la mesure où c'est le pouvoir politique qui dic­<br />

te les implantations de services, d'activités économiques <strong>et</strong><br />

planifie le développement de la ville. (cf. conclusion générale)<br />

C - LES RAPPORTS ETROITS ENTRE LA VILLE ET LA CAMPAGNE<br />

ENVIRONNANTE SONT SOURCES DE PROBLEMES FONCIERS<br />

Le thème des rapports ville-campagne nous semble large<br />

pour être débattu en un sous-chapitre. Nous voulons cependant<br />

faire remarquer ici un point de vue légèrment différent de ce­<br />

lui de nombreux chercheurs ruralistes ivoiriens.<br />

En eff<strong>et</strong>, d'autres avant nous ont montré que dans ses<br />

rapports avec la ville, la campagne a toujours été perdante.<br />

Nous pensons - compte tenu de ce que nous avons remarqué sur le<br />

terrain - que ce jugement est à nuancer. En eff<strong>et</strong>, il est prou­<br />

vé qu'une campagne peu dynamique est un réservoir de main d'oeu­<br />

vre pour la ville qui la polarise, de même qu'une ville qui fonc­<br />

tionne en marge de "sa" campagne bénéficie très peu des apports<br />

de c<strong>et</strong>te dernière. Or, l'analyse économique a démontré que la<br />

campagne autour d'Abidjan est assez dynamique: elle fournit, en<br />

plus des produits d'exportation, des vivres à la ville grande ou<br />

moyenne <strong>et</strong> quelques investissements provenant des gros planteurs.


- 257 -<br />

La ville en r<strong>et</strong>our a permis à c<strong>et</strong>te campagne de déve-<br />

lopper la culture vivrière (cf chapitre précédent) <strong>et</strong> sert<br />

de débouché aux produits agricoles d'exportation. Par ailleurs,<br />

le déversement des populations rurales à Abidjan <strong>et</strong> dans les<br />

autres centres urbains peut être perçu comme une solution tempo­<br />

relle aux problèmes fonciers de l'espace rural. Nous soutenons<br />

donc que sans les villes, la pression démographique sur la ter­<br />

re serait plus importante. Néanmoins ce jugement est à nuancer<br />

car on ne doit pas ignorer que les paysans de la Basse Côte sont<br />

parmi les plus vieux du pays. Il faudrait donc essayer de r<strong>et</strong>e­<br />

nir une partie des migrants ruraux afin qu'ils puissent prendre<br />

la relève.<br />

Si on se réfère aux difficultés foncières de la Basse<br />

Côte, il semble que les centres urbains ont joué jusqu'aujour-<br />

d'hui, un rôle de stabilisation en accueillant le surplus<br />

de population de l'espace rural. On ne doit cependant pas ou­<br />

blier que l'accroissement de la ville se fait au dépend de la<br />

campagne, du point de vue de l'occupation spatiale. En eff<strong>et</strong>,<br />

une extension d'un hectare constitue autant de terre qu'Abidjan<br />

prélève sur l'espace agricole, surtout en ce qui concerne le<br />

plateau du Banco, terre à manioc <strong>et</strong> à mais. On se trouve de ce<br />

fait dans un cercle vicieux les ruraux sans terre (seulement<br />

une des causes de départ) migrent vers la ville qui s'agrandit<br />

<strong>et</strong> grignote le peu de terre encore disponible. C'est ce grigno­<br />

tage qui a occasionné les conflits entre les Ebrié <strong>et</strong> le gouver­<br />

nement en 1969, différends réglés grâce à de fortes indemnités<br />

ce qui n'a pas empêché les pouvoirs publics de déplacer plusieurs<br />

fois de nombreux villages traditionnels. C'est l'illustration<br />

qu'une symbiose parfaite ne peut jamais naître entre le village<br />

<strong>et</strong> la ville. Ainsi, Aujourd'hui quelques hectares de cocoteraies<br />

<strong>et</strong> d'ananas subsistent encore entre Abidjan <strong>et</strong> ses banlieues<br />

nord, mais pour combien d'années cela durera-t-il?<br />

Par ailleurs les villages formant une sorte de kyste<br />

dans certains quartiers d'Abidjan, peuvent-ils être considérés


- 258 -<br />

comme des villages, étant donné qu'ils vivent au rythme de la<br />

ville? Ces "villageois" d'un autre §ge sauront-ils préserver<br />

leur entité <strong>et</strong> se défendre contre les bailleurs de fonds immo­<br />

biliers ? Hormis ces "villages urbains" (cf. carte des types<br />

d'habitats) d'autres villages assez proches des villes sont me-<br />

nacés leur espace de culture est en voie d'urbanisation, en<br />

même temps que le village perd sa cohésion. Nous ne pensons pas<br />

que garder son entité soit forcément la bonne voie pour ces vil­<br />

lages ; mais nous croyons qu'ils doivent au contraire s'adapter<br />

aux nouvelles conditions <strong>et</strong> surtout rechercher une voie inter­<br />

médiaire qui ferait d'eux des centres relais entre la grande<br />

ville <strong>et</strong> la campagne profonde, par une restructuration des acti­<br />

vités agricoles <strong>et</strong> artisanales (cf. conclusion générale).<br />

Les relations ville-campagne sont - comme on le voit­<br />

assez complexes à définir, surtout en Basse Côte où ville <strong>et</strong><br />

campagne dépendent l'une de l'autre. Néanmoins le rapport des<br />

forces est à l'avantage des villes qui peuvent, gr§ce aux impor­<br />

tations, se passer de la campagne. Pour le moment, la dynamique<br />

des villes lagunaires est en grande partie nourrie par leur en­<br />

vironnement immédiat ; tout jugement doit dès lors être nuancé<br />

en ce qui concerne le "rôle nocif" décrit par quelques auteurs.<br />

Initialement, nous avions voulu déterminer l'aire d'influence<br />

de chaque ville pour en apprécier la portée dans les relations<br />

entre les divers centres urbains <strong>et</strong> les villages. C<strong>et</strong> exercice<br />

s'est vite avéré peu intéressant pour deux raisons majeures<br />

- Les villes de second ordre ont si peu de rayonnement qu'elles<br />

n'arrivent pas à polariser les villages éloignés de plus de<br />

10 km.<br />

- La deuxième raison est qu'Abidjan, par sa macrocéphalie, cons-<br />

titue un élément perturbateur son champ n'est pas seulement ré-<br />

gional, il est national <strong>et</strong> même international. Ainsi, le .coût de<br />

transport en commun perm<strong>et</strong> aux villageois de la zone d'étude de<br />

se rendre dans la ville pour y rechercher les biens non disponibles


- 260 -<br />

dans les commerces locaux. Ceci n'exclut pas que les centres de<br />

Dabou, Anyama, Bingerville <strong>et</strong> Bassam soient fréquentés par les<br />

ruraux; quand les ruraux s'y rendent, c'est pour éviter les<br />

tracasseries de la capitale économique. Ces tracasseries se ré­<br />

sument en quatre grands points<br />

- lAs difficultés de logement<br />

la circulation mal organisée ou insuffisante<br />

- les problèmes d'emplois<br />

- <strong>et</strong> l'approvisionnement des marchés de la capitale.<br />

D - L'AMENAGEMENT URBAIN EN BASSE COTE POSE D'ENORMES PROBLEMES<br />

DE RESTRUCTURATION ET D'EQUIPEMENT DE L'ESPACE<br />

A l'instar de toutes les villes du Tiers-Monde, les vil­<br />

les lagunaires ont à faire face à quatre types de difficultés<br />

liées à l'accroissement rapide <strong>et</strong> incontrôlé de l'espace bâti:<br />

- l'insuffisance de logements<br />

- les difficultés de circulation<br />

- le manque d'emplois pour une main d'oeuvre non qualifié <strong>et</strong><br />

- les difficultés d'approvisionnement des marchés en produits<br />

maraîchers.<br />

Toutes ces difficultés étant ressenties différemment<br />

d'une ville à l'autre, il faut essayer de spécifier les types<br />

de problèmes rencontré par les cinq villes.<br />

1 - DES DIFFICULTES VARIABLES D'UNE VILLE A L'AUTRE<br />

a) Dabou souffre de son isolement<br />

Pour un centre de taille moyenne comme Dabou, les


- 261 -<br />

problèmes de logement, de circulation <strong>et</strong> d'approvisionnement<br />

des marchés sont pratiquement inexistants. En revanche, la vil­<br />

le a attiré une masse d'ouvriers potentiels sans qualification,<br />

éternellement voués au chômage. Ces inactifs contribuent à la<br />

densification de l'occupation des maisons. Incapables de se pren­<br />

dre en charge, ils participent à l'augmentation du nombre de per­<br />

sonnes par pièce, dans les maisons de parents proches ou éloi­<br />

gnés ou d'amis. C'est là une des conséquences de l'attrait des<br />

plantations; mais c<strong>et</strong> aspect des migrations n'est pas spécifi­<br />

que à Dabou. En revanche, l'éloignement de Dabou d'Abidjan <strong>et</strong> le<br />

récent isolement de la ville avec la déviation de l'autoroute,<br />

constituent les réelles difficultés d'une ville qui risque de<br />

tomber dans la léthargie qui a caractérisé Bingerville.<br />

b) Les incidences de la proximité d'Abidjan sur Anyama<br />

<strong>et</strong> Bingerville<br />

Si Dabou souffre de son éloignement, il semble que<br />

Anyama <strong>et</strong> Bingerville subissent au contraire le champ d'influen­<br />

ce d'Abidjan qui leur enlève toute autonomie. En eff<strong>et</strong>, ces deux<br />

villes fonctionnent un peu comme des appendices d'Abidjan la<br />

facilité de circulation entre ces localités <strong>et</strong> Abidjan a fait<br />

d'elles des villes-dortoirs. Anyama cependant arrive encore à<br />

polariser son environnement immédiat grâce à un commerce local<br />

dynamique qui attire les paysans des environs. Bingerville souf­<br />

fre elle, de son image de ville scolairre qui ne lui a pas per­<br />

mis dans le passé de polariser l'espace rural. Avec la création<br />

du Boulevard Mitterand, la ville s'est ouverte aux travailleurs<br />

abidjanais qui y trouvent le calme <strong>et</strong> des logements moins chers.<br />

Ces deux villes connaissent aussi les problèmes d'emplois <strong>et</strong> de<br />

logements. D'ailleurs l'intrusion des abidjanais a fait grimper<br />

les loyers de ces centres urbains qui perdent de ce fait une<br />

partie de leur autonomie.


- 263 -<br />

L'approvisionnement en vivres des marchés.<br />

Concernant le premier point, les nouveaux schémas de<br />

développement de la ville ont montré qu'il faudra nécessairement<br />

passer par la situation conflictuelle entre la ville <strong>et</strong> la cam­<br />

pagne environnante. La carte d'Abidjan montre en eff<strong>et</strong> que les<br />

espaces urbanisables sont des terres agricoles qu'il faudra cè­<br />

der à la ville. or la périphérie abidjanaise représente 60 %<br />

de la banane d'exportation, 60 % du latex, 45 à 46 % de l'huile<br />

de palme, 35 % du coprah <strong>et</strong> 20 % de l'ananas, sans compter les<br />

parts importantes, mais difficilement quantifiables des fruits<br />

<strong>et</strong> légumes, de l'élevage porcin <strong>et</strong> de l'aviculture. L'extension<br />

d'Abidjan est cependant encore possible, car d'après la SETU<br />

(Société des Etudes Urbaines) on dispose encore de 110 000 ha<br />

non cultivés dont la 000 ha très favorable, 70 000 ha moyennement<br />

favorables <strong>et</strong> de 30 000 ha sur le cordon littoral qu'il faudra<br />

emménager. La solution consistera donc à créer le site, car les<br />

accidents de terrain, les marécages <strong>et</strong> les nombreuses vallées<br />

constituent des contraintes physiques à surmonter .<br />

. Au niveau des transports, les récents aménagements de la voie­<br />

rie urbaine sont à encourager. L'extension de la ville doit<br />

s'accompagner de celle des axes routiers. Dans les quartiers an­<br />

ciens, la voierie doit être réaménagée car elle n'est plus adap­<br />

tée à la circulation devenue très dense par suite de l'accrois­<br />

sement du parc automobile.<br />

L'engorgement des principaux axes provient du fait que<br />

chacun préfère utiliser sa voiture pour se rendre au travail.<br />

Une amélioration de la SOTRA (Société de Transports Abidjanais)<br />

pourrait contribuer au délaissement des voitures particulières.<br />

L'exemple des bateaux-bus sur la lagune, entre Locodjoco<br />

treichville <strong>et</strong> le plateau, montre en eff<strong>et</strong>, que dès qu'on peut<br />

voyager dans des conditions confortables sans perte de temps,<br />

on préfère les services de la SOTRA, le prix du<br />

litre d'essence étant devenu dissuasif.


- 264 -<br />

De tous les maux d'Abidjan, l'habitat <strong>et</strong> l'emploi sont les<br />

plus préoccupants. Ces deux préoccupations sont en réalité<br />

les problèmes de toute ville en expansion dans le Tiers Monde.<br />

En 1975, Abidjan abritait14 % de la population ivoirienne qui<br />

était de 6 700 000 habitants <strong>et</strong> s'accaparait 42 % de la popula­<br />

tion urbaine nationale. Suivant les prévisions, Abidjan abrite­<br />

rait en l'an 2 000 plus de 27 % de la population du pays; au<br />

même moment sa part dans la population urbaine passerait de 42<br />

à 52 %. C<strong>et</strong> essor du peuplement doit être accompagné d'un effort<br />

particulier de construction de logements <strong>et</strong> de création d'emplois.<br />

Aujourd'hui, l'image selon laquelle Abidjan est un réservoir<br />

d'emplois est dépassée: les chômeurs se comptent par centaines<br />

de milliers <strong>et</strong> se recrutent aussi bien chez les intellectuels<br />

que chez les ouvriers sans qualification. La situation économi­<br />

que particulièrement difficile des zones de savane a poussé des<br />

milliers d'ivoiriens, de maliens <strong>et</strong> surtout de voltaïques à ve­<br />

nir grossir le nombre des sans emploi.<br />

La conséquence directe de ces mouvements de population<br />

a été l'inadaptation des infrastructures de transports <strong>et</strong> sur­<br />

tout des logements, aux nouvelles données démographiques. On con­<br />

sidère qu'à la fin de 1980, Abidjan disposait de 73 000 logements<br />

construits par les particuliers, tandis que les sociétés immobi­<br />

lières contrôlaient 61 550 logments environ. Ces logements sont<br />

insuffisants <strong>et</strong> la situation s'aggrave d'année en année car au<br />

rythme de 7 000 logements construits par an, on n'arrivera ja­<br />

mais à loger les 80 000 personnes qui arrivent tous les ans à<br />

Abidjan, auxquelles il faut ajouter les 20 000 personnes de l'ac­<br />

croissement naturel annuel de la ville.<br />

A ces problèmes s'ajoute celui de l'approvisionnement de la vil­<br />

le en vivres <strong>et</strong> principalement en produits maraïchers frais. Si<br />

les marchés sont gorgés de banane, de tarot, d'igname, de riz <strong>et</strong><br />

autres féculents, en revanche les produits maraîchers sont plus<br />

rares.<br />

Cela relève du fait qu'outre le piment, le gombo, l'au-


- 265 -<br />

bergine <strong>et</strong> les tomates, le milieu traditionnel ne cultive pas<br />

les produits maraîchers servant à la confection des sauces <strong>et</strong><br />

des "entrées". Ainsi le concombre, la laitue, la carotte, le<br />

chou ou le radis ne sont pas connus des paysans. Ce sont donc<br />

des citadins de condition modeste qui s'implantent dans les nom­<br />

breux bas-fonds d'Abidjan <strong>et</strong> des autres villes pour cultiver ces<br />

produits dont la consommation s'accroît rapidement. En dehors de<br />

ces jardins urbains dont la production reste difficile à chif­<br />

frer, on constate depuis une decennie, l'organisation de divers<br />

flux de produits maraîchers frais en provenance de quelques cen­<br />

tres de production éloignés d'Abidjan(l). Mais les difficultés<br />

de manipulation de ces produits, ajoutées à des méthodes de col­<br />

lecte compliquées <strong>et</strong> incertaines font que peu de gens sont inté­<br />

ressés par la culture maraîchère<br />

En résumé, l'aménagement de l'espace urbain en Basse Côte<br />

est devenu une nécessité. Il se pose cependant des problèmes JU­<br />

ridiques qu'il faudra d'abord résoudre comme par exemple les<br />

conflits de terre entre les Ebrié propriétaires fonciers <strong>et</strong> l'E­<br />

tat, le plus grand promoteur immobilier.<br />

L'autre difficulté réside dans le fait qu'il faudra<br />

imaginer des solutions pour atténuer le grand écart de standing<br />

entre les divers quartiers de la ville. C<strong>et</strong> écart de niveau de<br />

vie est le fondement de la ségrégation spatiale entre les quartiers<br />

chics <strong>et</strong> les bidonvilles.<br />

Le développement des plantations a donc favorisé une<br />

urbanisation trop rapide pour être contrôlable. Les problèmes<br />

qui en sont issus sont divers <strong>et</strong> concernent également l'espace<br />

rural.<br />

(1) Voir l'article de Maria Pia Palleschi in Economie Méridionale<br />

Tome XXXII - 1984 - 3 nO 127 - PP. 95-110.


QUATRIEME PARTIE<br />

L'ESPACE RURAL, MALADE DU MANQUE DE TERRE<br />

AGGRAVE PAR UNE URBANISATION ACCELEREE<br />

ET UNE LENTE MUTATION DU PAYSANNAT<br />

Comment pourra évoluer la périphérie Abidjanaise ? les <strong>transformations</strong><br />

en cours sont-elles réversibles ? Pour répondre à<br />

ces questions, il est important de souligner une série de difficultés<br />

qui menacent c<strong>et</strong> espace.


- 266 -<br />

CHAPITRE IX<br />

UNE URBANISATION ET UNE MIGRATION INCONTRDLEES<br />

SOURCES DE PROBLEMES FONCIERS DANS LIN MILIEU RURAL<br />

EN MUTATION DIFFICILE<br />

Tout effort de développement en milieu rural secrète<br />

des problèmes sui generis, dont le nombre s'accroît avec la<br />

densification économique de l'espace concerné. Ces difficultés<br />

trouvent généralement leur fondement dans l'inadéquation entre<br />

les structures modernes <strong>et</strong> traditionnelles, dans l'insuffisan­<br />

ce des moyens mis à la disposition des paysans ou dans la dif­<br />

ficile adaptation de ces derniers aux nouvelles méthodes cultu­<br />

rales. Il arrive aussi que le zèle trop poussé des intervenants<br />

soit mal interprété par les paysans <strong>et</strong> qu'une mentalité d'as­<br />

sistés s'installe en eux. Les succès économiques évoqués plus<br />

haut, ne doivent pas masquer les réelles difficultés qu'éprou­<br />

vent les paysans de la Basse Côte.<br />

Ces difficultés, particulièrement accrues depuis 1980,<br />

concernent le foncier, la gestion des domaines <strong>et</strong> l'inadapta­<br />

tion des paysans aux nouvelles exigences d'une agriculture de<br />

spéculation en constante mutation.


- 267 -<br />

A - DES PAYSANS CONFRONTES AU MANQUE DE TERRE ET A LA MUTATION<br />

DES SYSTEMES DE PRODUCTION<br />

Le développement accélèré de l'agriculture a engendré<br />

des problèmes fonciers en Basse Côte. Ces problèmes ayant plu­<br />

sieurs sources, il convient de les analyser afin rie rechercher les<br />

solutions qui peuvent y être apportées.<br />

1 - LE CHANGEMENT BRUTAL DE REGIME FONCIER ET SES<br />

CONSEQUENCES<br />

Au début de ce travail l'occasion a été donnée de voir<br />

comment on gérait traditionnellement le patrimoine foncier. La<br />

terre était un bien communautaire dont on n'avait que le droit<br />

d'usage.<br />

Avant la période de pleine croissance des plantations,<br />

ce code foncier traditionnel subit d'énormes bouleversements,<br />

créant des conflits de cohabitation entre les communautés ru­<br />

rales d'abord, ensuite entre européens <strong>et</strong> autochtones.<br />

En eff<strong>et</strong>, dans son oeuvre de "pacification" l'adminis­<br />

tration coloniale jugea nécessaire de déplacer de nombreux<br />

villages, disséminés à travers la forêt, vers les axes routiers.<br />

C<strong>et</strong>te décision eut de graves conséquences : on installa des tri­<br />

bus entières sur des terres ne leur appartenant pas. On créa<br />

ainsi une surchage démographique relative <strong>et</strong> anormale car les<br />

nouveaux venus abandonnaient de vastes portions de terres. Le<br />

malheur pour ces nouveaux venus était qu'entre 1910 <strong>et</strong> 20,<br />

certains villages d'accueil possédaient déjà des plantations<br />

<strong>et</strong> avaient agrandi leur finage, de sorte que l'espace concédé<br />

aux migrants de force était insuffisant.<br />

C<strong>et</strong>te pratique avait pour objectif la mise en cause<br />

du droit coutumier, "un droit non écrit", donc indigne de res­<br />

pect. Pour affaiblir l'autorité coutumière, on remplaça les


- 26B -<br />

chefs de lignée noble par des chefs surfaits appelés chefs de<br />

canton, notion inconnue jusqu'alors des africains. Le canton<br />

devait réunir des tribus entières <strong>et</strong> les chefs de canton de­<br />

vaient coiffer politiquement les chefs de lignages.<br />

En plaçant à la tête du canton les hommes dociles à<br />

la France, sans aucun lien direct avec la chefferie locale,<br />

l'administration s'adjugeait une partie des terres, puisque<br />

le chef de canton était également (théoriquement) le chef de<br />

terre.<br />

C'est ce point qui révolta les véritables chefs mais<br />

pour légaliser les droits de la France sur la terre, le décr<strong>et</strong><br />

du 15 Novembre 1935 fut adopté <strong>et</strong> revendiqua pour la France<br />

les "terres vacantes <strong>et</strong> sans maitre".<br />

Quelques individus en profitèrent pour s'accaparer de<br />

vastes superficies. Parallèlement, le développement de l'agri­<br />

culture pérenne introduisait lentement, mais sûrement, la no­<br />

tion de propriété privée, parachevant l'oeuvre entreprise par<br />

les autorités coloniales.<br />

On peut considérer qu'en 1960, la notion de propriété<br />

privée sur la terre avait gagné toute la Basse Côte, de vastes<br />

domaines privés s'étant consitués en dehors des terres coutu­<br />

mières confinées aux voisinages immédiats des villages.<br />

Certes, jusqu'alors quelques chefs de terre coutumiers<br />

avaient réussi à maintenir leur autorité sur des parcelles<br />

relevant de leur patrimoine. Ces rares chefs virent leur au­<br />

torité une fois de plus contestée par la jeune Assemblée Na­<br />

tionale de la Côte d'Ivoire indépendante. En eff<strong>et</strong>, en votant<br />

en 1961 la loi selon laquelle "seul le fils hérité du père",<br />

c<strong>et</strong>te Assemblée condamnait implicitement l'un des fondements<br />

des sociétés lagunaires. Désormais, à la mort du père, la ter­<br />

re ne revenait plus au lignage, mais au fils qui pouvait<br />

la gérer avec sa mère <strong>et</strong> même la lui abandonner,


- 270 -<br />

- Nature <strong>et</strong> étendue des conflits fonciers<br />

Face aux réticences des populations rurales, le code fon­<br />

cier ne fut pas promulgué, malgré des décr<strong>et</strong>s d'application ul­<br />

térieurs"<br />

La déclaration du président fait force de loi; il n'est<br />

donc pas étonnant que son application soit l'obj<strong>et</strong> d'interpré­<br />

tations diverses, chacun essayant d'en tirer profit. Ainsi,<br />

bien que les "forêts classées <strong>et</strong> les terres incultes soient du<br />

domaine de l'Etat", il n'est pas rare de voir des paysans s'y<br />

installer.<br />

De plus les chefs de terres ont continué d'exercer leur<br />

emprise sur des terres jadis sous leur contrôle. De telles pra­<br />

tiques sont à la base des conflits qu'on peut noter sur le<br />

terrain.<br />

al Les conflits fonciers entre villageois autochtones<br />

Ces conflits ont lieu sur des fronts pionniers <strong>et</strong><br />

sont les moins fréquents. Ils portent sur une délimitation mal<br />

acceptée <strong>et</strong> lorsqu'ils surviennent, généralement les chefs po­<br />

litiques traditionnels locaux arrivent à règler le différend<br />

à l'amiable.<br />

En dehors des fronts pionniers d'autres conflits<br />

peuvent naître des suites d'un héritage non entériné par les<br />

notables. Ces cas concernent les difficultés qu'éprouvent cer­<br />

tains jeunes à hériter de leur père. Lorsque les fils veulent<br />

le bien de leur père, ils sont dépossédés par l'autorité tra­<br />

ditionnelle qui veut appliquer les règles ancestrales de suc­<br />

cession. Ces conflits sont les plus délicats <strong>et</strong> les morts sus­<br />

pectes y trouvent leur origine. Comme tout conflit entre te­<br />

nanwde la tradition <strong>et</strong> jeune génération, ces différends se


- 271 -<br />

règlent devant le sous-préf<strong>et</strong> de la localité, mais comme on<br />

s'en doute aucune partie ne veut accepter le tort. Dans ce<br />

cas, la meilleure solution adoptée jusqu'alors a été le par­<br />

tage du domaine,<br />

b) Les conflits fonciers entre tribus voisines<br />

Ces exemples de conflits sont nombreux surtout en-<br />

tre Attié d'Anyama <strong>et</strong> Ebrié de Bingerville. L'exa-<br />

men des plaintes déposées à la sous-préfecture d'Anyama fait<br />

ressortir qu'il y a aussi des cas de conflit entre Adjoukrou<br />

de Guébo, Bago, Nonkouagon <strong>et</strong> Kossihouen <strong>et</strong> les Attié d'Attin­<br />

guié, M'Pody <strong>et</strong> M'Bonouan. Le fleuve Agneby ne constituant<br />

pas une frontière imperméable, les deux tribus la franchissent<br />

indifféremment <strong>et</strong> lorsque les fronts pionniers se touchent, il<br />

s'en suit des querelles très vives entre paysans.<br />

Il est regr<strong>et</strong>table que les frontières,somme toute<br />

fictives, soient ici la principale cause de ces genres de que­<br />

relles, La notion de frontière est toute récente, <strong>et</strong> bien que<br />

les populations sachent approximativement les limites de leurs<br />

terroirs, on s'aperçoit que les marches entre les finages ont<br />

toujours fait l'obj<strong>et</strong> d'une conquête. Aujourd'hui, on se re­<br />

tranche derrière ces cloisons fictives de délimitation admi­<br />

nistrative ; <strong>et</strong> il n'est pas exagéré de voir derrière ces con­<br />

flits, les intellectuels des localités concernées(l),<br />

Pour ces conflits, seule l'autorité administrative<br />

<strong>et</strong> politique est habilitée à rendre un jugement.<br />

Parmi les plaintes déposées dans les sous-préfectu­<br />

res, les plus nombreuses m<strong>et</strong>tent en cause des allogènes confron­<br />

tés à des autochtones;<br />

(1) Nous ne citerons pas nommément, mais des cas concr<strong>et</strong>s ont<br />

été évoqués par nos informateurs.


- 272 -<br />

c) Les conflits fonciers entre allogènes <strong>et</strong><br />

autochtones<br />

La situation foncière en Basse Côte est différente<br />

de celle du Sud-Ouest <strong>et</strong> de l'Ouest du pays, en ce sens qu'ici,<br />

la dynamique de l'espace rurale a été, en grande partie, ani­<br />

mée par les autochtones. La cohésion du groupe <strong>et</strong> la forte<br />

main-mise de l'autorité coutumière sur la terre, ajoutées à des<br />

règles strictes d'accès à la terre n'ont pas permis une instal­<br />

lation massive des allogènes, dans les premières années de dé­<br />

veloppement des plantations. Jusqu'en 1960-65, on ne rencon­<br />

trait que quelques rares étrangers propriétaires terriens. Ces<br />

derniers étaient le plus souvent des assimilés au groupe, après<br />

de longs séjours soit comme métayers au début ou simples ma­<br />

noeuvres. Par la suite, leurs hôtes leur avaient concédés des<br />

parcelles devenues propriétés privées. Parmis ces allogènes,<br />

quelques Baoulé (en pays Adjoukrou) <strong>et</strong> quelques votaiques <strong>et</strong><br />

malinké.<br />

Le Discours du Président n'a certes pas provoqué<br />

une ruée vers le sud des sans-terre, mais il a eu le mérite de<br />

perm<strong>et</strong>tre l'installation de quelques étrangers en Basse Côte,<br />

Or, nous l'avons déjà dit, les terres ont été conquises très<br />

tôt dans la région d'Abidjan. On considère qu'à partir de 1970,<br />

aucun arpent de terre n'existait comme terre vacante <strong>et</strong> sans<br />

maître, L'accès des nouveaux venus à la terre va donc se faire<br />

de deux principales manières :<br />

- soit par achat direct de terre, ou par hypothèque de planta­<br />

tion suivi d'achat,<br />

- soit par location d'une portion de terre, débouchant sur un<br />

achat,<br />

A ces deux méthodes d'accès à la terre, on a pu<br />

noter l'occupation clandestine obj<strong>et</strong> de conflits d'une autre<br />

nature,


- 274 -<br />

éponger une d<strong>et</strong>te importante. Mais très souvent, au capital<br />

emprunté viennent s'ajouter des intérêts usuriers qui alourdis­<br />

sent la d<strong>et</strong>te, si bien que le paysan n'arrive pas à reprendre<br />

sa plantation. Non seulement le fruit récolté est empoché par<br />

le prêteur, mais il exige d'être remboursé jusqu'au dernier<br />

sou. C<strong>et</strong>te tactique est employée par de riches commerçants<br />

étrangers au village mais à qui leur long séjour dans le vil­<br />

lage confère certains droits.<br />

Si au bout de la date fixée, le paysan ne paie pas sa<br />

d<strong>et</strong>te augmentée des intérêts, l'acte passé entre les deux est<br />

assimilé à une vente. Mais tout se complique losqu'un des fils<br />

ou un parent veut reprendre la plantation <strong>et</strong> la terre après<br />

le délai. "L'acquéreur" estime qu'il a soigné la plantation <strong>et</strong><br />

que le prêt initial ne correspond plus à ce qu'on veut rembour­<br />

ser. De l'autre côté on estime que les bénéfices tirés des di­<br />

verses récoltes compensent largement les intérêts. Les conflits<br />

armés ne sont pas absents dans le règlement de tels différends,<br />

car le repreneur pense que c'est une façon rapide de se rendre<br />

justice. "L'acquéreur" de son côté sachant les prêts usuriers<br />

interdits se refuse très souvent à s'en rem<strong>et</strong>tre à l'autorité<br />

judiciaire moderne. Dans le meilleur des cas, l'affaire est<br />

réglée à l'amiable dans le village, au mieux des intérêts de<br />

chacun. A la sous-préfecture le jugement donné se réfère géné­<br />

ralement au verdict des notables villageois, dans le but de ne<br />

pas envennimer le climat social.<br />

La location suivie d'achat, n'est pas très différente de la<br />

forme précédente, surtout dans les résultats. C'est au niveau<br />

de la méthode que réside la différence.<br />

Ces pratiques ont généralement lieu entre un autoch­<br />

tone <strong>et</strong> un étranger. Et pourtant, il existe des originaires du<br />

village qui n'ont pas de terre. Il semble qu'en louant une par­<br />

tie de ses terres à l'allogène, le paysan développe une straté­<br />

gie d'occupation permanente de plusieurs dizaines d'hectares.<br />

En eff<strong>et</strong>, lorsque le planteur s'attaque à un front pionnier<br />

ou qu'il décide de revenir sur ses jachères, il s'aperçoit


- 275 -<br />

que la concurrence de parents ou de voisins du village peut le<br />

bloquer dans sa progression. Il décide alors de louer une par-<br />

tie de ses terres à un étranger. Dans l'esprit de nombre d'i­<br />

voiriens <strong>et</strong> peut-être d'autres africains, on ne peut pas être assi­<br />

milé à part entière par l'<strong>et</strong>hnie hôte; il faudra un jour re­<br />

partir chez soi, ne serait-ce que pour aller mourir parmi les<br />

siens. Le paysan fait donc ce calcul en se disant qu'un jour<br />

il récupérera sa terre. Des difficultés financières peuvent<br />

entre-temps le contraindre à contracter une d<strong>et</strong>te envers son<br />

hôte qui accroît ainsi son importance auprès de la famille d'ac­<br />

cueil.<br />

Les conflits apparaissent quand par la suite, les pa­<br />

rents du bailleur (car la d<strong>et</strong>te dans ce cas représente désor­<br />

mais un droit de location,du moins dans l'esprit du prêteur)<br />

veulent reprendre une partie ou la totalité dela terre, Ici,<br />

du fait des rapports étroits entre les protagonistes, on abou­<br />

tit rarement à des situations extrêmes.<br />

d) La situation particulière des zones rurales<br />

péri-urbaines<br />

Dans les villages situés dans la banlieue d'Abidjan,<br />

les conflits foociers sont plus nombreux <strong>et</strong> les cas revêtent<br />

également diverses formes. Ici, la progression rapide des vil­<br />

les a suscité d'énormes apétits de la part des ruraux suburbains<br />

qUl aliènent leur patrimoine le mleux qu'ils peuvent. On préfè­<br />

re vendre le lopin de terre plutôt que de se laisser déposséder<br />

par l'Etat pour "cause d'utilité publique" assortie de maigres<br />

dédommagements.<br />

Les conflits naissent des suites d'escroqueries,<br />

comme c'est souvent le cas il y a en eff<strong>et</strong> de nombreux cas<br />

de vente de terre par des non propriétaires ou tout simplement<br />

le vrai propriétaire, tenté par les offres toujours importan­<br />

tes les unes que les autres, vend à plusieurs personnes la


même parcelle.<br />

- 276 -<br />

Comme on le voit ici le principal fautif est le<br />

vendeur. Règler de tels différends est difficile, car le ven­<br />

deur dans la majorité des cas disparaît dans la nature, Ou<br />

lorsqu'il est r<strong>et</strong>rouvé, il n'est plus solvable. Si l'acte de<br />

vente a été légalisé, l'affaire est portée en justice. Dans<br />

tous les autres cas ceux qui ont été "roulés" doivent se con­<br />

tenter d'une promesse de remboursement.<br />

e) les occupations clandestines<br />

Elles sont rares. Dans la réalité, le "clandestin"<br />

bénéficie toujours d'une complicité dans la famille proprié­<br />

taire de la parcelle. Néanmoins l'occupation clandestine peut<br />

concerner aussi les forêts classées ou attribuées à des orga-<br />

nismes d'Etat (voir sous chapitre suivant) ce sont d'ailleurs<br />

les cas les plus fréquents d'occupation clandestine.<br />

Lorsque le clandestin est découvert, généralement on<br />

le laisse cultiver car on n'a jamais procédé à l'arrachage des<br />

cultures. Que l'on soit sur les terres villageoises ou sur cel­<br />

les d'un organisme privé ou d'Etat, on préfère éviter l'affron­<br />

tement <strong>et</strong> l'on donne un délai à l'occupant qui doit "légaliser"<br />

l'occupation.<br />

Sur des terres villageoises, la légalisation se ré­<br />

sume au paiement rituel des poul<strong>et</strong>s, du Gin <strong>et</strong> autres boissons<br />

traditionnellement offertes pour s'installer sur la terre d'au­<br />

trui.<br />

Sur les terres d'Etat ou d'organismes privés, il y<br />

a une cession définitive de la parcelle au clandestin, sans<br />

contrepartie du fait que ces parcelles n'ont pas été payées<br />

par les propriétaires. C'est ce qui oblige d'ailleurs ces der­<br />

niers à une surveillance accrue de leur propriété. Malgré c<strong>et</strong>­<br />

te vigilance, les infiltrations sont nombreuses (cf. page sui­<br />

vante) .


- 277 -<br />

En résumé, les difficultés foncières revêtent une im­<br />

portance capitale pour un espace qui, bien que fortement urba­<br />

nisé, comporte encore plus de 80 % d'agriculteurs autochtones,<br />

donc de potentiels ayant droit à la terre. Malgré la multipli­<br />

cité des cas de conflits, on peut voir dans la région abidja­<br />

naise des allochtones <strong>et</strong> des allogènes propriétaires de vastes<br />

portions de terres (cf. cartes sur l'occupation différente de<br />

l'espace - 2 e partie). Il était toutefois plus important d'in­<br />

sister sur les problèmes fonciers actuels; l'accroissement de<br />

la population <strong>et</strong> le développement spectaculaire des villes <strong>et</strong><br />

principalement d'Abidjan <strong>et</strong> de ses banlieues, risquent d'ag­<br />

graver une situation qUl a atteint le seuil critique par en­<br />

droit. Des solutions adéquates doivent être apportées. Nous<br />

pensons qu'elles doivent être recherchées à travers un cadas­<br />

tre jusqu'alors inexistant en milieu rural.<br />

En milieu traditionnel, on a vu que les conflits fon­<br />

ciers étaient rares. Lorsque, malgré la vigilance des chefs de<br />

terre, des conflits survenaient, on les règlait à l'amiable.<br />

Dès l'instant où est apparu le droit moderne, les choses ont<br />

changé. La lenteur des procédures judiciaires, la contradic­<br />

tion flagrante 8ntre certains points des droits modernes <strong>et</strong><br />

coutumiers ont abouti à des règlements de compte déplorables.<br />

Même lorsque l'affaire est portée en justice, on assiste à des<br />

refus de tort <strong>et</strong> de versement des amendes. Tout cela n'est<br />

guère de nature à favoriser un climat social déjà entamé.<br />

Aujourd!hui, en Basse Côte, le principal motif de<br />

plainte des paysans est le manque de terre. En fait, la nature<br />

des sols a dicté une concentration des plantations c<strong>et</strong>te con-<br />

centration a été accentuée par la réorganisation de l'espace<br />

agricole, autour des unités industrielles de prétraitement des<br />

récoltes.<br />

Ainsi, lorsque le recensement agricole révèle qu'au<br />

sud chaque paysan disposait de 3,14 ha <strong>et</strong> que seulement 1,52 ha<br />

ont été mis en valeur, on ignore toutes les autres contraintes


- 278 -<br />

qui font que tout l'espace n'a pas la même valeur agro-pédolo­<br />

gique.<br />

D'autre part, le paysan est victime des ventes de<br />

terre qui se sont multipliées ces dernières années. L'end<strong>et</strong>te­<br />

ment incontrôlé ou inévitalbe, le goût de paraître <strong>et</strong> la mau­<br />

vaise gestion de sa propriété ont poussé le paysan à dilapi­<br />

der en partie le principal capital de production. La solution<br />

pour les paysans réside dans la conquête de terres jusque-là<br />

jugées incultes; mais cela exige de nombreux moyens, entre<br />

autres, techniques <strong>et</strong> financiers. Y parviendront-ils, lors­<br />

qu'on sait que justement la seconde série de difficultés qu'é­<br />

prouvent les paysans est issue de leur inadaptation aux nou­<br />

velles méthodes culturales ?<br />

B - L'INADAPTATION DES PAYSANS AUX NOUVELLES CONDITIONS<br />

DE PRODUCTION<br />

Les résultats analysés au chapitre V ne doivent pas<br />

cacher les difficultés des paysans de suivre les nouvelles mé­<br />

thodes d'exploitation de la terre. Ces difficultés se manifes­<br />

tent par<br />

- Le r<strong>et</strong>ard de la motorisation dû essentiellement aux fai­<br />

bles moyens financiers <strong>et</strong> au faible niveau technologique des<br />

paysans en majorité analphabètes.<br />

- Des modes de gestion des plantations inadaptés à une<br />

économie de marché.<br />

1 - LE RETARD DE LA MECANISATION<br />

Afin de rendre moins pénible les travaux champêtres,<br />

le gouvernement a créé la MOTORAGRI (Motorisation de l'Agricul­<br />

ture) dont le but initial était de pourvoir les paysans en


- 279 -<br />

p<strong>et</strong>its matériels autotractés. Ainsi une gamme de p<strong>et</strong>its appa­<br />

reils <strong>et</strong> machines ont été mis en vente, tels des faucilles mé­<br />

caniques assez longues pour la coupe des régimes, des appareils<br />

d'épandage de pesticides <strong>et</strong> d'engrais, de p<strong>et</strong>its tracteurs <strong>et</strong><br />

des charrues motorisées pour la culture bananière <strong>et</strong> de l'ana-<br />

nas.<br />

Malheureusement, on constate que deux décennies<br />

après, les résultats escomptés sont loin d'être atteints. C<strong>et</strong>­<br />

te situation proviendrait de deux causes essentieles : le fai­<br />

ble niveau technologique des paysans <strong>et</strong> la faiblesse des mo­<br />

yens financiers.<br />

Au plan technologique, grâce à l'encadrement dis­<br />

pensé par la SATMACI (Société d'Assistance Technique <strong>et</strong> de la<br />

Modernisation de l'Agriculture), les paysans ont appris à se<br />

servir du matériel motorisé de base. Ainsi l'épandage d'insec­<br />

ticides<strong>et</strong> autres produits de traitement phyto-sanitaire ne re-<br />

quiert plus la présence des agents de l'Etat. Cependant des<br />

lacunes subsistent dans l'emploi de matériel, fut-il légère­<br />

ment sophistiqué. Les pannes fréquentes bloquent également<br />

l'avance des travaux. Dès que le matériel paraît un peu com­<br />

pliqué d'usage, le paysan préfère se servir de ses outils tra­<br />

ditionnels à l'efficacité réduite.<br />

Au plan financier, l'analyse des revenus du paysan<br />

a montré que rares sont les paysans qui se tirent d'affaire.<br />

En fait si de nombreux paysans ont pu s'installer ce fut grâ­<br />

ce aux différentes aides en nature <strong>et</strong> en espèces (cf. chapitre<br />

IV) accordées par l'Etat. Les coûts d'exploitation actuels<br />

laissent très peu de marges bénéficiaires, <strong>et</strong> il est impossi­<br />

ble dans ce cas de penser à l'achat de matériel moderne;<br />

étant donné les prix quelquefois dissuasifs de ces appareils,<br />

on peut se perm<strong>et</strong>tre de penser qu'ils sont réservés à une éli­<br />

te de gros planteurs.<br />

Ce tableau quelque peu sombre ne doit pas non plus


- 280 -<br />

laisser ignorer que malgré tout, il y a un début de motorisa­<br />

tion. Certes, le paysan ivoirien de la Basse Côte est encore<br />

loin du "farmer" américain, ou du fermier français <strong>et</strong> anglais,<br />

mais des espoirs sont permis. L'arrivée des jeunes générations<br />

de planteurs étant passés par l'école pourra relever le niveau<br />

technologique en milieu rural. De l'autre côté, les prêts de<br />

la BNDA qui devraient s'intensifier pourraient aider les pay­<br />

sans à s'équiper. Cela est à souhaiter car le devenir de l'a­<br />

griculture ivoirienne en dépend : à un certain stade de déve­<br />

loppement économique, l'activité agricole ne peut plus se suf­<br />

fire du seul travail manuel qui exclut la rentabilité <strong>et</strong> la<br />

mutation de la société agricole en une société industrielle ou<br />

même préindustrielle à fortiori post-industrielle.<br />

Outre ces problèmes de reconversion technologique,<br />

le paysan doit faire face aux nouvelles méthodes de gestion.<br />

2 - LE PAYSAN GERE MAL SON EXPLOITATION<br />

Si l'on s'en tient à la définition généralement don­<br />

née de la plantation, celle-ci doit être assimilée à une entre­<br />

prise industrielle.<br />

Comme telle, elle doit être gérée suivant des nor­<br />

mes spécifiques avec pour principal objectif, la rentabilité.<br />

Or on a constaté que le paysan n'avait pas réussi à séparer<br />

la gestion d'une plantation de celle de ses autres activités.<br />

Pire, la gestion des fruits de son travail constitue un suj<strong>et</strong><br />

de préoccupation.<br />

D'abord au niveau du recrutement de la main d'oeu­<br />

vre, on s'est rendu compte que dans la peur d'une pénurie de<br />

manoeuvres, le paysan recrute les salariés sans forcément éta­<br />

blir des relations entre la superficie <strong>et</strong> le nombre de ceux-ci.<br />

Pour notre part, nous avons remarqué une certaine<br />

fierté du paysan à compter le nombre de ses manoeuvres. Il n'est


- 281 -<br />

d'ailleurs pas rare de voir que les ruraux jugent (à tort ou<br />

à raison ?) la richesse du paysan par le nombre de personnes<br />

travaillant sur ses plantations.<br />

Ainsi à la SAPH <strong>et</strong> à la SODEPALM, on emploie géné­<br />

ralement un ouvrier pour 2 ha de culture - chez certains pay­<br />

sans, on rencontre un ouvrier par hectare- chez d'autres, deux<br />

manoeuvres se chargent de récolter le seul hectare.<br />

C<strong>et</strong>te situation semble trouver une explication pro­<br />

fonde dans la génèse des plantations : le colon a fait travail­<br />

ler des autochtones, avec ce que cela comportait de sentiment<br />

de supériorité surIes employés. Le paysan aujourd'hui tire une<br />

certaine satisfaction de voir des bras à son service. Il est<br />

tout de même regr<strong>et</strong>table qu'on se prive ainsi d'une partie de son<br />

labeur pour la seule satisfaction de paraître. Fort heureuse­<br />

ment tous les paysans n'ont pas c<strong>et</strong>te gestion désastreuse de<br />

leur propriété. Le vrai pouvoir de domination appartien à ceux<br />

qui ont travaillé effectivement <strong>et</strong> dans la sérénité. La consé­<br />

quence directe des recrutements irrationnels est l'appauvris­<br />

sement du paysan qui se voit obligé de concéder plus des deux<br />

tiers de sa récolte à ses manoeuvres. Dès l'instant où les mar­<br />

ges bénéficiaires ne sont pas suffisantes, le réinvestissement<br />

n'est plus possible. L'agrandissement de la propriété engendre<br />

des d<strong>et</strong>tes. D'ailleurs, comme cela a été dit plus haut, les<br />

postes de dépense prévoient peu de place au réinvestissement.<br />

Les dépenses somptuaires lors des funérailles englobent l'es­<br />

sentiel des bénéfices.<br />

Outre ces difficultés dont les solutions dépendent<br />

en grande partie des paysans eux-mêmes, d'autres problèmes me­<br />

nacent le bon déroulement de l'activité agricole, nous les<br />

avons regroupés au sein des hiatus de l'encadrement de l'espa­<br />

ce rural. Parmi ceux-ci<br />

- l'inadéquation entre les maillages politiques tradition­<br />

nel <strong>et</strong> moderne,


- 282 -<br />

- la fréquence de changements des structures des SODE<br />

- la concurrence ruineuse au recrutement de la main d'oeu-<br />

vre entre les groupes d'intérêts publics <strong>et</strong> privés <strong>et</strong><br />

- le rôle d'une Banque de Développement Agricole contro­<br />

versée (BNDA).<br />

3 - L'INADEQUATION ENTRE LE MAILLAGE POLITIQUE TRADITION­<br />

NEL ET LE MAILLAGE POLITIQUE MODERNE DE L'ESPACE RURAL<br />

Le chapitre sur l'organisation de l'espace nous<br />

a permis de comprendre la structuration politique de l'espace<br />

actuel. C<strong>et</strong>te structuration, fondée sur la notion de village<br />

centre, a été réalisée à partir de l'importance économique de<br />

quelques villages ou tout simplement à partir du nombre d'ha­<br />

bitants de la localité. Elle ne tient donc pas compte ni des<br />

données <strong>et</strong>hna-politiques, ni d'un schéma rationnel de polari­<br />

sation de l'espace, ni enfin des conflits divers existant en­<br />

tre villages voisins. Pour illustrer cela nous avons choisi<br />

d'étudier l'exemple de Dabou, à travers une carte.<br />

Au plan <strong>et</strong>hna-politique, deux confédérations <strong>et</strong>hni­<br />

ques toutes deux Adjoukrouï se partagent la sous-préfecture de<br />

Dabou, figurées en deux noyaux de textures différentes).<br />

La confédération Bouboury, la plus importante numé­<br />

riquement est d'un seul tenant. les Dibmein sont scindés en<br />

trois. C<strong>et</strong>te dispersion aurait pour cause des conflits entre<br />

membres de même famille; pour éviter des drames, les hommes<br />

en situation de faiblesse ont préféré l'exil d'où ils ont fon­<br />

dé des villages rattachés au village initial.<br />

La carte comporte deux types de flux (flèches) re­<br />

présentant les liaisons entre les villages. Au niveau tradi­<br />

tionnel, ce sont des rapports de suzerain<strong>et</strong>é entre les villa­<br />

ges centres de la tribu <strong>et</strong> ceux n'ayant aucun rôle politique. Le


- 283 -<br />

village centre de la confédération coiffe l'ensemble.<br />

La structuration moderne quant à elle, a créé douze<br />

villages centres. L'intérêt de la carte réside dans la corres­<br />

pondance ou non des flèches d'une part <strong>et</strong> d'autre part des vil­<br />

lages centres traditionnels <strong>et</strong> des villages centres modernes.<br />

Seuls cinq villages cumulent les deux fonctions de<br />

villages centres traditionnels <strong>et</strong> modernes, (en comptant Bou­<br />

boury). Débrimou perd son rôle dansla structuration moderne.<br />

Par ailleurs, les liaisons traditionnelles entre villages sont<br />

totalement bouleversées sur la nouvelle structuration,<br />

Les conséquences au niveau des rapports entre l'hom­<br />

me <strong>et</strong> son espace sont énormes. L'ancienne structuration était<br />

fondée sur l'appartenance au groupe <strong>et</strong> sur la prédominance po­<br />

litique d'un village sur l'autre. Or on a créé de toutes piè­<br />

ces des villages - centres économique qui n'ont rien à voir<br />

avec le sens des relations antérieures. Il y a donc un blocage<br />

mental pour les paysans qui n'utilisent pas pleinement les struc­<br />

tures mises à leur disposition. Des cas de conflit sont nés,<br />

surtout aux dernières municipalités le maire élu était de<br />

Dabou les gens de Débrimou (qui ont créé Dabou) estiment que<br />

s'il doit y avoir un maire, il ne peut s'agir que d'un authen­<br />

tique fils de Débrimou. Les élections ont été annulées, mais<br />

de nouveau perdues, On voit déjà les problèmes qui en décou­<br />

lent: refus de reconnaître l'autorité du maire élu, sectaris­<br />

me vis-à-vis de ceux qu'on soupçonne être du clan opposé <strong>et</strong>c...<br />

Si nous avons cité le cas de Dabou, c'est parce<br />

qu'il est le mieux connu de nous, C<strong>et</strong> exemple, loin de consti­<br />

tuer un cas unique peut être étendu à Anyama <strong>et</strong> Bingerville,<br />

(cf, Chapitre sur l'organisation de l'espace).<br />

C<strong>et</strong>te analyse spatiale est nécessaire, si l'on veut<br />

éviter les interférences entre les structures ancestrales en-<br />

core vivaces <strong>et</strong> les structures modernes interférences cClRduis-aht parfois<br />

à une inertie de l'espace,


- 286 -<br />

ne perm<strong>et</strong> pas une 'intervention dans le temps souhaité. Les plan­<br />

teurs sont alors désorientés, des plantations entières sont<br />

enclavées puis abandonnées.<br />

Comme on le voit, les changements de structures,<br />

loin de favoriser le fonctionnement de l'espace rural (en fait<br />

est-ce l'objectif visé ?) ont plutôt fait naître un climat de<br />

suspicion entre les paysans <strong>et</strong> la SOOEPALM, on peut se deman­<br />

der comment c<strong>et</strong>te SODE pourra se faire adm<strong>et</strong>tre par des pay­<br />

sans qui l'accablent de tous les maux.<br />

Par ailleurs l'objectif de rentabilité assigné aux<br />

SODE <strong>et</strong> autres Sociétés agricoles est devenu préjudiciable aux<br />

bonnes relations entre paysans <strong>et</strong> organismes d'encadrement, en<br />

témoignent les luttes très inégales pour le recrutement de la<br />

main d'oeuvre entre planteurs villageois <strong>et</strong> EAI (Ensembles<br />

Agro-Industriels).<br />

5 - PORTEE DE LA CONCURRENCE POUR LA t-1AIN D'OEUVRE<br />

ENTRE LES EAI ET LES PLANTEURS VILLAGEOIS<br />

Le recensement agricole de 1974 révèle que les po­<br />

pulations rurales autochtones du sud <strong>et</strong> du sud-est, sont par­<br />

mi les plus vielles du pays ; plus de 60 % des ruraux ont plus<br />

de 45 ans, <strong>et</strong> 45 à 50 % d'entre eux ont atteint la soixantai­<br />

ne dans un pays où l'espérance de vie atteint à peine 58 ans.<br />

C<strong>et</strong>te tendance a pu s'accentuer entre la date du recensement<br />

<strong>et</strong> 1985, en regard du gonflement des villes, principales des­<br />

tinations des jeunes ruraux.<br />

Outre les causes déjà avancées, les jeunes partent<br />

très souvent du village parce qu'ils sont dépités par la pé­<br />

nibilité du travail champêtre à 90 % manuel, alors qu'ils<br />

sont très peu rétribués, En eff<strong>et</strong>, nous avons rencontré des<br />

jeunes ruraux qui ont dit être prêts à partir pour la ville<br />

le motif était assez solide: d'après ces jeunes, après la


- 287 -<br />

récolte, le "vieux" (entendons le chef de ménage) garde pour<br />

lui seul l'argent de la plantation <strong>et</strong> ne pourvoit qu'aux dé­<br />

penses les plus pressantes. Il ne donne pas d'argent de poche.<br />

En fait le jeune africain n'acquiert sa majorité - donc son<br />

indépendance économique - qu'une fois marié.<br />

Autres causes de départs, la surcharge démographique,<br />

les faibles bénéfices procurés par les plantations <strong>et</strong> le fort<br />

taux de rej<strong>et</strong> du système éducatif. Ces problèmes ont été lar­<br />

gement traités ailleurs, nous n'insistons donc que sur les ré­<br />

sultats. Le monde rural est confronté au crucial problème de<br />

main d'oeuvre. L'agriculture de spéculation, l'avons-nous dit,<br />

est grande consommatrice de main d'oeuvre. Or les départs des<br />

autochtones font que la pénurie de bras est quasi chronique.<br />

Une concurrence ruineuse s'est engagée entre les planteurs vil­<br />

lageois <strong>et</strong> les organismes intervenant dans le même espace. Les<br />

bénéficiaires sont ceux qui veulent bien allouer leur force de<br />

travail ils jouent le jeu <strong>et</strong> font monter le prix de la main<br />

d'oeuvre. Ainsi on estime qu'en 1981 le coût de la main d'oeu­<br />

vre revenait à 386 F(l) /jour sur une plantation industrielle.<br />

En plantation villageoise, ce coût était n<strong>et</strong>tement plus élevé<br />

<strong>et</strong> avoisine le double: 555 F/jour en moyennes <strong>et</strong> plus de 600 F<br />

par endroit.<br />

Le coût très élevé de la main d'oeuvre grève les<br />

budg<strong>et</strong>s du paysan. Pire, quelquefois, on assiste à une inver­<br />

sion des rapports de force : le manoeuvre est plus riche que<br />

le patron, du fait que nourri <strong>et</strong> logé, il n'a aucune charge<br />

d'entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> tout son salaire est conservé puis prêté à des<br />

taux usuriers, parfois à l'ex-patron. Des cas ont été rencon­<br />

trés où ne pouvant plus payer ses d<strong>et</strong>tes, le patron vend une<br />

partie ou toute une plantation à son créancier.<br />

Quant aux EAI, les problèmes se posent autrement<br />

nous les verrons en détail.<br />

(1) Non compris les dépenses de charges sociales.


- 289 -<br />

procurés par les plantations n'arrivent pas à couvrir les be­<br />

soins de la famille. La modicité des prêts ( 10 000 CFA/ha<br />

d'exploitation en moyenne) <strong>et</strong> les intérêts élevés<br />

(environ 12 à 15 % d'intérêt pour un prêt sur<br />

3 à 5 mois), suscitent des questions sur le bien fondé de la<br />

BNDA <strong>et</strong> de ses prêts de soudure.<br />

Ne pourrait-on pas faire des prêts plus importants<br />

qui perm<strong>et</strong>traient au p<strong>et</strong>it paysan de refaire son r<strong>et</strong>ard par<br />

un réinvestissement, plutôt que de lui accorder des aides<br />

ponctuelles vite dépensées? D'aucuns prétendent que ce serait<br />

un cercle vicieux dans lequel la BNDA serait perdante du fait<br />

que tous les paysans n'investiraient pas. D'autres au contrai­<br />

re pensent qu'un prêt sur une longue période à des taux diffé­<br />

rentiels peut sérieusement aider le paysannat. Entre les béné­<br />

fices immédiats <strong>et</strong> une aide - somme toute salutaire, eu égard<br />

au rôle des paysans - l'on doit opérer un choix. Nous penchons<br />

pour l'aide aux planteurs ruraux·<br />

Le niveau de développement actuel ne doit<br />

pas cacher les difficultés du monde paysan. Ces difficultés ris­<br />

quent de s'aggraver avec le temps, étant donné que les SODES <strong>et</strong> les<br />

groupes d'intérêts privés chargés d'encadrer ces paysans sont<br />

eux-mêmes confrontés à diverses difficultés.<br />

Certes, l'économie de plantation a permis aux pay­<br />

sans d'avoir accès à l'économie de consommation, mais elle a<br />

introduit la notion d'inégalité entre les niveaux de vie, en­<br />

traînant le bouleversement des sociétés lagunaires.<br />

C - LES NOUVEAUX TYPES DE RAPPORTS HUMAINS ETABLIS PAR<br />

L'ECONOMIE DE MARCHE<br />

Les avantages matériels, procurés à certains paysans<br />

par l'agriculture d'exportation, ont contribué au bouleversement<br />

des rapports de force sociaux <strong>et</strong> politiques <strong>et</strong> à la dégradation


- 290 -<br />

de certaines valeurs culturelles des populations de la Basse<br />

Côte, avec notamment<br />

* l'apparition d'une nouvelle bourgeoisie terrienne,<br />

* la destructuration de l'ancienne hiérarchie sociale,<br />

* la dislocation de la famille large,<br />

* <strong>et</strong> l'absorption des valeurs culturelles traditionnelles par<br />

un nouveau mode de vie.<br />

1 - L'apparition d'une nouvelle bourgeoisie terrienne<br />

Le développement des plantations eut pour conséquen­<br />

ce l'appropriation privée de la terre, dans des sociétés où la<br />

notion de droit privé sur la terre n'existait pas. Grâce au tra­<br />

vail acharnés des uns, à la motivation <strong>et</strong> à la diversification<br />

des objectifs des autres, un clivage n<strong>et</strong> est apparu entre les<br />

ruraux: les uns s'étant constitué de grands domaines, d'autres<br />

au contraire n'ayant que de p<strong>et</strong>ites parcelles propres à recevoir<br />

des cultures vivrières. Une analyse du nouveau cadastre perm<strong>et</strong><br />

d'identifier les nouveaux maîtres de la terre.<br />

En eff<strong>et</strong>, tous les ruraux n'ont pas été réceptifs<br />

aux cultures d'exploitation. On remarquera que l'ancienne aris­<br />

tocratie terrienne, c'est à dire les anciens maîtres de terres<br />

ont été les adversaires les plus acharnés contre les plantations.<br />

Les hommes issus de milieux modestes <strong>et</strong> les esclaves qui avaient<br />

vu dans ces nouvelles cultures, une occasion soit de s'affirmer<br />

ou de s'affranchir par l'argent des plantations, furent les plus<br />

ouverts à l'innovation. A ceux-là on peut ajouter une fraction<br />

d'anciens commis des maisons de commerce européennes qui choi­<br />

sirent de r<strong>et</strong>ourner à la terre. Leur travail leur permit de<br />

s'accaparer les terres qui échappaient au contrôle des chefs<br />

coutumiers <strong>et</strong> de se constituer les plus vastes domaines.<br />

La pression démographique <strong>et</strong> la dégradation progres­<br />

sive des terres coutumières (les plus proches des villages) ai­<br />

dant, les anciens chefs de terre se sont r<strong>et</strong>rouvés avec des


- 291 -<br />

terres usées, inaptes à l'agriculture d'exportation. Pour<br />

eux, toute possibllité d'avoir des cultures de rente consiste<br />

désormais à migrer ou à se m<strong>et</strong>tre au service de la nouvelle<br />

bourgeoisie terrienne. Certains anciens maîtres terriens ont<br />

réussi à se constituer des réserves de forêt, mais leur nombre<br />

n'atteint pas celui des "métayers" d'hier.<br />

Il a été montré plus haut le rôle de la terre dans<br />

la vie politique, religieuse, sociale <strong>et</strong> économique des sociétés<br />

lagunaires. A partir du moment où ce capital de production subit<br />

un bouleversement, c'est toute la société qui est concernée. Les<br />

terres lignagères continuent d'exister, mais leur rôle économi­<br />

que ayant décru, seules les nouvelles terres, en majorité con­<br />

quises par des hommes n'appartenant pas à l'ancienne aristocra­<br />

tie, vont dicter les nouveaux rapports sociaux.<br />

2 - La destructuration de l'ancienne hiérarchie sociale<br />

La hiérarchie sociale Akan, (voir chapitre II) repose<br />

sur trois critères: la naissance, la richesse <strong>et</strong> l'age; les<br />

deux premiers critères étant en fait liés, car seuls les nobles<br />

possédaient la terre <strong>et</strong> avaient le droit de posséder de l'or.<br />

Le critère de l'age n'aidait qu'à la conquête du pouvoir. En<br />

changeant de mains, l'argent impose une nouvelle hiérarchie sociale.<br />

Désormais, la naissance joue un rôle sinple­<br />

ment symbolique. Dans les assemblées, on continue certes de por­<br />

ter ses titres de noblesse, mais les décisions sont prises par<br />

ceux qui ont de l'argent. Ces nouveaux riches issus des classes<br />

sociales autres que celle des nobles, sont devenus les vrais<br />

dirigeants de la société. Ils possèdent de nos jours les plus<br />

belles habitations du village. Ce sont eux qui ont le pouvoir<br />

politique: certains sont chefs de villages, secrétaires géné­<br />

raux du PDCI (Partie Démocratique de la Côte d'Ivoire) parti<br />

unique du pays, au sein duquel ils peuvent accroître leur pou­<br />

voir local sur les populations du village. On note cependant<br />

que la majorité des chefs de village sont des membres de l'an-


- 292 -<br />

cienne noblesse mais leur pouvoir n'est pas symbolique. Ils<br />

sont obligés de composer avec la bourgeoisie paysanne. Ces nou­<br />

veaux riches constituent l'âme de la vie économique: ce sont<br />

eux qui financent les travaux d'équipement du village, quitte<br />

à se faire rembourser par la suite. Ils siègent de ce fait au<br />

conseil de sous-préfecture <strong>et</strong> leur soutien est demandé par le<br />

sous-préf<strong>et</strong> dans les divers proj<strong>et</strong>s d'équipement rural.<br />

L'économie de plantation est en fait une entreprise,<br />

elle doit être gérée suivant des normes rigoureuses, pas tou­<br />

jours compatibles avec la vie communautaire. C'est ce qUl a<br />

entraîné la dislocation de la famille lignagère.<br />

3 - La dislocation de la famille nucléaire<br />

Outre la tribu, la cellule politique la plus dynami­<br />

que était le lignage, famille large qui incluait tous les mem­<br />

bres capables d'établir entre eux des liens de parentée<br />

à partir d'un ancêtre commun. Il semble aujourd'hui que l'éco­<br />

nomie monétaire a introduit l'individualisme dans les rapports.<br />

En eff<strong>et</strong> la solidarité de naguère ne s'observe plus qu'épisodi­<br />

quement, à l'occasion soit de naissance, de mort ou d'autres<br />

malheurs. On ne donne plus d'assistance suivie à ceux qui en ont<br />

besoin.<br />

Les lotissements privés opérés dans de nombreux vil­<br />

lages renforcent ce glissement vers l'individualisme. Les mem­<br />

bres d'une même famille lignagère ne sont plus obligés d'habi­<br />

ter le même quartier comme avant, à fortiori habiter sous le mê­<br />

me toit. La famille tend à se réduire à la famille européenne :<br />

le père, la mère <strong>et</strong> les enfants en bas âge. Les visites de pa­<br />

rents sont ressenties comme une intrusion <strong>et</strong> ce sentiment se<br />

développe de plus en plus <strong>et</strong> principalement chez les citadins.<br />

Le paysan est en train de vivre une mutation douloureuse, contre<br />

laquelle il ne peut rien, car imposée par l'économie monétaire


- 293 -<br />

<strong>et</strong> la mutation générale du pays. Désormais, les institutions<br />

juridiques traditionnelles sont coiffées par celles de l'Etat<br />

ivoirien. Des conflits qui auraient pu trouver une issue à l'a­<br />

miable au village, sont portés devant la juridiction moderne.<br />

C<strong>et</strong>te intrusion de la vie moderne dans la vie traditionnelle<br />

contribue à la dégradation des valeurs culturelles <strong>et</strong> morales<br />

des sociétés lagunaires.<br />

4 - La dégradation des valeurs culturelles <strong>et</strong> morales<br />

traditionnelles<br />

La monnaie perm<strong>et</strong> l'ouverture sur d'autres horizons<br />

<strong>et</strong> une rapide intégration de l'homme dans la société de consom­<br />

mation avec tout ce que ce terme comporte de positif <strong>et</strong> aussi de<br />

négatif.<br />

Autrefois l'intégration du jeune la9unaire parmi les<br />

adultes se faisait par étapes succéssives; aujourd'hui, tout<br />

cela tend à disparaître. Le rôle des classes d'âge s'est amoin­<br />

dri. L' inst i tut ion eIle - mê me est de ven ue s ymbol i que. La f ê t e<br />

annuelle d'initiation est en voie de devenir un folklore,<br />

c'est-à-dire qu'elle ne régit plus la vie des populations. Aus­<br />

si c'est avec une âme de touristes que les intellectuels se ren­<br />

dent annuellement au village pour participer aux diverses mani­<br />

festations. Ailleurs où les institutions ont continué à jouer<br />

pleinement leur rôle, les chefs de village sont encore choisis<br />

parmi les classes d'âge devant règner ; mais souvent celui qu'on<br />

choisit vit en ville. Il est difficile de gouverner un village<br />

quand on habite en permanence la ville <strong>et</strong> qu'on y travaille.<br />

Les sociétés rurales lagunaires sont aujourd'hui bal­<br />

lotées entre un passé en voie de perte <strong>et</strong> un modernisme mal assi­<br />

milé. Ce n'est pas l'acquisition massive de postes de radio <strong>et</strong><br />

de télévision, diffusant en majorité des programmes occidentaux,<br />

qui pourront redresser la situation. Si autrefois on dansait au<br />

rythme du tam-tam, aujourd'hui, c'est la chaîne Hi-Fi qui a rem­<br />

placé le tam-tam dans la plupart des manifestations.


- 294 -<br />

La menace qui pèse sur les valeurs culturelles<br />

s'étend également aux valeurs morales. Dans ce contexte écono­<br />

mique, les voleurs ont afflué vers les zones de production, ve­<br />

nus de divers horizons. Localement, les vendeurs de faux ti­<br />

tres fonciers se sont multipliés, tandis que les usuriers de<br />

tous bords dépossèdent de p<strong>et</strong>its paysans de leurs propriétés.<br />

Dans une famille, les héritages sont devenus des<br />

sources de conflits dont l'issue est la mort par empoisonnement<br />

déguiséeen châtiment des forces surnaturelles. ce phénomène s'est<br />

accru avec les nouveaux modes de succession en vigueur ( voir<br />

chapitre VII).<br />

La proximité des villes a joué également un rôle<br />

dans la dépravation des moeurs, avec l'apparition d'une prosti­<br />

tution en milieu semi-urbain. Le mariage n'est plus considéré<br />

avec les mêmes égards, le choix d'un mari n'obéit plus forcément<br />

aux règles préétablies. La richesse procurée par les plantations<br />

<strong>et</strong> autres activités induites, conditionne en partie le choix du<br />

mari. La société est dans son ensemble minée par le pouvoir de<br />

l'argentauquel le justiciable <strong>et</strong> le justicier sont très sensi­<br />

bles.<br />

L'économie de plantation n'est pas la seule responsa­<br />

ble directe de c<strong>et</strong>te évolution des rapports humains. Ainsi la<br />

dégradation des valeurs culturelles <strong>et</strong> la dislocation de la fa­<br />

mille peuvent être attribuées en partie, à la scolarisation <strong>et</strong><br />

aux mass médias dont le rôle s'accroît de plus en plus.<br />

La Basse Côte a été la première région où ont été<br />

construites les écoles. Les eff<strong>et</strong>s des plantations aidant, tout<br />

l'extrême Sud-Est s'est équipé sur le plan scolaire <strong>et</strong> partout,<br />

les taux de scolarisation ont atteint B5 à 90 % contre une mo­<br />

yenne nationale de 65 %. Ainsi l'Ecole représente de nos jours<br />

la principale cause de migration des jeunes, obligés de pour­<br />

suivre leurs études dans les centres urbains. Ces jeunes peuvent


- 295 -<br />

être considérés comme perdus pour les valeurs culturelles tra­<br />

ditionnelles, car les programmes d'enseignement ne prennent pas<br />

en compte c<strong>et</strong> aspect de la vie quotidienne. Seules sont ensel­<br />

gnées les valeurs occidentales souvent en contradiction avec<br />

les données culturelles locales.<br />

En fait ici le milieu rural est, sans le vouloir,<br />

son propre destructeur, en ce sens que plus les bénéfices des<br />

plantations augmentent, plus l'on s'ouvre au modernisme <strong>et</strong> l'on<br />

construit des écoles.<br />

Nous ne sommes pas nostalgiques du passé mais nous<br />

pensons que toute ouverture sur l'extérieur ne signifie pas le<br />

rej<strong>et</strong> automatique de ses propres valeurs culturelles, morales<br />

<strong>et</strong> religieuses. Si aujourd'hui les églises ont envahi le sud<br />

du pays <strong>et</strong> remplacé l'animisme, on est toutefois heureux de<br />

constater une certaine adaptation des préceptes religieux, à<br />

la réalité de la vie quotidienne d'antan. Ainsi sont nées des<br />

églises dérivées du catholicisme <strong>et</strong> du protestantisme, avec des<br />

rites peu différents des pratiques ancestrales. L'Ecole Ivoirien­<br />

ne <strong>et</strong> les mass-médias pouvaient être adaptées au contexte socio­<br />

culturel du pays.<br />

La télévision aurait pu, par exemple, servir au bras­<br />

sage culturel des ivoiriens, au lieu de diffuser par jour plus<br />

d'une dizaine d'heures d'émissions culturelles étrangères, con­<br />

tre seulement une trentaine de minutes d'émission en langues<br />

vernaculaires. Ce n'est pas être prophète que de dire que toute<br />

croissance économique qui ne prend pas en compte les données<br />

culturelles historiques est vouée à terme à un échec. En eff<strong>et</strong>,<br />

le développement passe par une mutation des mentalités <strong>et</strong> une<br />

assimilation lente mais sûre des nouvelles données de l'économie.<br />

Or il semble qu'aujourd'hui le paysan est tiraillé entre ses<br />

propres valeurs <strong>et</strong> les images diffusées par les mass-médias.<br />

C<strong>et</strong>te hésitation préjudiciable à son équilibre fait de lui un<br />

un simple producteur.


- 296 -<br />

Comme on peut le constater l'économie de rente<br />

ne comporte pas que des avantages. Certes, elle a permis l'ou­<br />

verture sur un autre monde, mais le paysan mal préparé à l'aven­<br />

ture culturelle, n'a pas su résister aux bourasques des données<br />

culturelles importées. Il est encore temps d'associer c<strong>et</strong>te<br />

croissance économique à celle de l'espace culturel du lagunai­<br />

re. Mais cela demande une mobilisation de tous <strong>et</strong> particulière­<br />

ment des dirigeants du pays.<br />

D - LA PROXIMITE D'ABIDJAN, UNE MENACE POUR LES EAI<br />

Les difficultés des paysans peuvent avoir des inciden­<br />

ces sur le fonctionnement des Unités Industrielles (UI) de la<br />

région, surtout en ce qui concerne les Huileries Industrielles<br />

(HI) qui dépendent pour plus de 70 % de l'approvisionnement<br />

villageois. Ainsi les baisses de production de 1980 ont-elles<br />

été ressenties au niveau des résultats des H.I. Ceci explique<br />

pourquoi nous avancions qu'il était de l'intérêt des deux par­<br />

ties de trouver des solutions durables aux problèmes communs.<br />

Outre les incertitudes qui pèsent sur la production<br />

agricole villageoise, les EAI connaissent des difficultés spé­<br />

cifiques se résumant en quatre points :<br />

- La contrainte foncière au niveau régionale<br />

- La menace des villes <strong>et</strong> l'éventuelle délocalisation d'usines<br />

- La mobilité de la main-d'oeuvre<br />

- Les pratiques douteuses des agents de contrôle,<br />

1 - LA CONTRAINTE TERRE DES EAI AU NIVEAU DE LA REGION<br />

Il est utile de préciser que la contrainte terre des<br />

EAI n'est ressentie qu'au niveau de la région d'Abidjan.


- 297 -<br />

En eff<strong>et</strong>, compte tenu de leurs gros moyens, les SODE <strong>et</strong> les<br />

sociétés privées ont réussi à conquérir d'autres espaces de cul­<br />

ture en dehors de la région abidjanaise.<br />

C'est à travers les exemples de la SAPH <strong>et</strong> surtout de<br />

la SODEPALM qu'on perçoit mieux la contrainte terre au niveau<br />

des E.A.I. Le tableau suivant résume la situation au niveau<br />

des diverses régions de production.<br />

Superficie théoriquement disponibles par Ensemble Agro-industriel<br />

(Hectares) de la SODEPALM<br />

Superficie Superficie mise Disponible théoriquement<br />

E A l octroyée en valeur<br />

Ha % Ha %<br />

Anguédédou* 3 294 2 835 86 459 14<br />

Bolo 11 227 3 542 31,5 7 685 69,5<br />

Boubo 6 180 4 373 70,8 1 807 19,2<br />

Yassap (Dabou)* 1 668 3 366 201,7 - --<br />

Ehania 16 565 12 159 73,4 4 406 26,6<br />

Eloka* 2 365 2 681 113 - -<br />

Soubré 17 828 7 084 39,73 10 744 60,27<br />

Irobo 7 291 5 803 79,5 1 488 11,5<br />

Toumanguié 6 016 3 281 54,53 2 735 45,47<br />

TOTAL 73 434 45 124 61,44 28 310 38,56<br />

* EAI de la région d'étude<br />

Ces chiffres ne tiennent pas compte des contraintes du<br />

milieu (pente, zone inondable, propriétés physico-chimique des<br />

sols)


- 299 -<br />

b) Les EAI ayant une faible marge de manoeuvre<br />

Ce sont, par ordre d'importance de la surface dispo­<br />

nible : Boubo (1 807 ha), Irobo (1 488 ha) <strong>et</strong> Anguédédou (459 ha).<br />

Théoriquement, un EAI de ce groupe appartient à la région étu­<br />

diée : celui de l'Anguédédou. Dans la réalité, il n'y a plus de<br />

possibilité d'extension à Anguédédou pour deux raisons:<br />

- Les paysans ont installé des plantations clandestines sur les<br />

terres octroyées à la SODEPALM seules subsistent des lambeaux<br />

de forêts difficiles à m<strong>et</strong>tre en valeur, compte tenu des données<br />

du milieu.<br />

- La seconde raison est l'extension de la ZAD (Zone d'Aménagement<br />

Différé) d'Abidjan qui exclut toute création nouvelle (voir plus<br />

loin) de plantation.<br />

potentiel en sol.<br />

A côté de ces EAI, il Y a ceux ayant épuisé leur<br />

c) Les EAI ayant épuisé la superficie octroyée<br />

Ce sont les EAI de Yassap (Dabou) <strong>et</strong> Eloka (Binger­<br />

ville), situés tous deux dans la région d'étude. Les calculs<br />

révèlent que non seulement les superficies octroyées ont été<br />

totalement occupées, mais aussi les EAI ont empiété lar­<br />

gement sur des terres non immatriculées à leur nom. A Yassap,<br />

la SODEPALM a étendu ses plantations sur le reste de la savane<br />

elle a jugé inutile d'en faire la demande, de même qu'à Eloka<br />

où les forêts jouxtant le domaine concédé, ont été occupées<br />

"illégalement".<br />

Au niveau donc de la région d'Abidjan, la contrainte<br />

terre ne menace pas seulement les paysans. Les EAI régionaux<br />

ont épuisé leurs potentiels disponibles. Ils ont même empiété<br />

sur l'espace coutumier, ou du moins sur l'espace non immatriculé


- 300 -<br />

à leur nom. La contrainte au niveau des villageois s'exprime<br />

autrement: en eff<strong>et</strong> l'obligation faite aux paysans de se trou­<br />

ver dans un rayon maximal de 20 km des UI (Unités Industrielles)<br />

a favorisé la saturation observée autour de ces UI. Curieusement,<br />

c'est dans les zones saturées que les demandes de création de<br />

plantations sont les plus nombreuses ; en témoignent ces chif­<br />

fres.<br />

E A l Créations autorisées (Ha)<br />

Anguédédou<br />

(1980)<br />

Taux de satisfaction<br />

des demandes (1980)<br />

Bolo 80 16,5 %<br />

Boubo 250 71,5 %<br />

Yassap (Dabou) 735 47,5 %<br />

Eloka<br />

Ehania 800 66,5 %<br />

En 1980, aucune autorisation n'a pu être obtenue à<br />

l'Anguédédou <strong>et</strong> à Eloka, car les prévisions de la SoDEPALM<br />

laissent entendre que les EAI de ces deux secteurs seront dé­<br />

localisés. A Yassap les nouvelles créations ont été possibles<br />

grâce à la reconversion de terres coutumières. Les régions<br />

nouvellement acquises à la culture du palmier à huile ont pu<br />

satisfaire plus de la moitié des demandes. A Bolo, le très bas<br />

taux de satisfaction est dû au r<strong>et</strong>ard de la SoDEPALM sur son<br />

propre programme d'encadrement.<br />

Les refus de SoDEPALM, prouvent qu'elle prend très<br />

au sérieux la menace des villes sur les deux EAI de la Basse<br />

Côte.


- 301 -<br />

2 - L'EXTENSION URBAINE, UNE MENACE POUR LES EAI<br />

Les plantations industrielles ont été concentrées au­<br />

tour d'Abidjan afin de minimiser les coûts de transport. Au­<br />

jourd'hui, l'atout d'hier semble constituer une menace. Les<br />

plantations situées dans la ZAD (Zone d'Aménagement différé)<br />

d'Abidjan sont appelées à disparaître. En eff<strong>et</strong>, on prévoit que<br />

d'ici 1990-95, les plantations de palmier à huile, de café <strong>et</strong><br />

cacao, de banane <strong>et</strong> d'ananas, situées à moins de 20 km d'Abidjan,<br />

seraient englobées dans la ville <strong>et</strong> sa banlieue.<br />

La ferm<strong>et</strong>ure des usines de l'Anguédédou <strong>et</strong> d'Eloka en­<br />

traînerait de nombreuses conséquences, entre autres:<br />

- la réduction de la capacité d'usinage de PALMINDUSTRIE de<br />

19B 000 Tonnes de régimes de palme,<br />

- l'abandon de 5 516 ha de palmeraies industrielles <strong>et</strong> 9 728 ha<br />

de plantations villageoises.<br />

- l'éventuel transfert des récoltes des plantations, non attein­<br />

tes par la ville, vers d'autres usines; c<strong>et</strong>te solution, à en­<br />

tendre les dirigeants ne pourrait être envisagée que si les coûts<br />

de transports perm<strong>et</strong>taient une marge bénéficiaire suffisante.<br />

- Au niveau des villageois, le manque à gagner serait plus im­<br />

portant qu'au niveau des EAI qui ont d'énormes moyens financiers<br />

pour parer à c<strong>et</strong>te éventualité. En eff<strong>et</strong>, les UI (Unités In­<br />

dustrielles) d'Eloka <strong>et</strong> de l'Anguédédou dépendent à 64 % des<br />

plantations villageoises de palmier à huile.<br />

Si c<strong>et</strong>te menace n'est qu'hypothétique, on peut constater<br />

que localement, les tentacules d'Abidjan (Abobo <strong>et</strong> Yopougon) <strong>et</strong><br />

des centres urbains d'Anyama <strong>et</strong> de Bingerville ont déjà empiété<br />

sur quelques hectares de plantations. A la fin de 1978, on es­<br />

timait à 698 ha, les plantations détruites par des planteurs<br />

pour les motifs suivants :<br />

- abandon pour cause de rentabilité insuffisante,<br />

- abattage volontaire pour l'extraction des bangui <strong>et</strong> vente de


de terrain.<br />

- 302 -<br />

La destruction par tiers s'élèverait à 533 ha, essen­<br />

tiellement attribuée à l'agrandissement de la RIVIERA (Abidjan),<br />

à l'ouverture de route, à l'installation de lignes Haute Ten­<br />

sion par l'EECI (l'Energie Electrique de Côte d'Ivoire).<br />

Soit,pour l'ensemble des palmeraies sélectionnées, une<br />

perte de 1 231 ha. Mais c'est dans la région d'Abidjan que les<br />

destructions ont été les plus importantes, en témoigne le ta­<br />

bleau suivant.<br />

Région<br />

Superficies de plantations villageoises détruites<br />

( 1980 )<br />

Destruction par Tiers:EECI Destruction par<br />

Travaux Publics - Lotissement Planteurs<br />

Bingerville 245,97 ha 10,18 ha<br />

Anyama 74,30 ha 6,18 ha<br />

Oabou 1,79 ha 282,48 ha<br />

TOTAL 322,06 ha 298,84 ha<br />

Soit 620,9 ha de plantations villageoises détruites.<br />

On s'aperçoit que la destruction par "TIERS" est plus importan­<br />

te dans les environs immédiats d'Abidjan (Bingerville <strong>et</strong> Anyama<br />

situées à égale distance d'Abidjan). En fait les plantations<br />

visées ici sont toutes situées autour d'Abobogare, appendice<br />

d'Abidjan. On remarque par ailleurs que les plantations de Oa­<br />

bou ont été en grande partie abattues par des planteurs eux­<br />

mêmes. Cela s'explique d'abord par l'âge avancé des Stipes dans<br />

c<strong>et</strong>te région pionnière <strong>et</strong> ensuite par les difficultés d'exploi­<br />

tation suite aux problèmes évoqués plus haut. A partir d'une<br />

somme de difficultés, le paysan juge que l'exploitation de sa


- 303 -<br />

palmeraie en "BANGUI" (sorte de vin obtenu par fermentation de<br />

la sève) est plus rentable c'est ce qui entraîne l'abattage<br />

des palmiers à huile.<br />

Toutes ces destructions peuvent paraître insignifiantes<br />

par rapport à l'ensemble des superficies plantées. Seulement, en<br />

y ajoutant les autres pertes occasionnées par les difficultés de<br />

collecte, on se rend compte que les UI perdent une part appré­<br />

ciable de la récolte prévue. En 1979-80, la SOOEPALM estimait à<br />

110 300 Tonnes de régimes la "perte sèche" liée aux contraintes<br />

d'exploitation dont la plus importante est la main d'oeuvre.<br />

3 - LA MOBILITE OE LA MAIN D'OEUVRE ET SES CONSEQUENCES<br />

L'occasion a été donnée de constater que la Basse Côte<br />

est une zone d'immigration. C<strong>et</strong>te situation est fortement liée<br />

à l'existence des plantations modernes au sud du pays. Une ana­<br />

lyse de l'origine de la main d'oeuvre révèle que plus de 80 %<br />

des travailleurs sont des étrangers comme le montre le tableau<br />

qui suit.<br />

L'origine de la main d'oeuvre sur six complexes (1980 - 1981)<br />

COMPLEXE IVOIRIENS % VOLTAIQUES % AUTRES % TOTAL %<br />

Anguédédou 54 12,5 291 82,5 8 2,3 353 100<br />

Yassap 84 22,5 261 70,1 27 7,4 372 100<br />

Eloka 82 24,0 251 73,5 9 2,5 342 100<br />

Ehania .95 7 1 139 83,9 124 9,1 1 358 100<br />

Soubré 184 24,2 536 70,4 41 5,4 761 100<br />

Toumanguié 22 7 293 92,4 2 0,6 317 100<br />

TOTAL 521 16,65 2 771 78,8 211 4,55 3 503 100


- 304 -<br />

Dans les trois complexes qui nous concernent, les taux<br />

d'ivoiriens sont dans l'ensemble acceptables, bien qu'en dessous<br />

de 25 %. Une étude de détail montre que sur chaque complexe, on<br />

a moins de 10 ivoiriens originaires de la région où est implan­<br />

té le complexe.<br />

A Ehania, la proximité du Ghana perm<strong>et</strong> d'avoir une part<br />

assez importante d'étrangers autres que voltaïques (9,1 %). Sur<br />

les plantations d'Anguédédou, d'Ehania <strong>et</strong> Toumanguié, les vol­<br />

taïques représentent plus de 82 % de la main d'oeuvre. Les con­<br />

séquences d'une telle situation sont à apprécier au plan écono­<br />

mique, en terme de r<strong>et</strong>ombées financières pour l'espace rural.<br />

Comment les salaires versés peuvent-ils bénéficier à la<br />

région productrice, étant donné que les étrangers rapatrient<br />

leurs économies ?<br />

Que ce soit à la SEDEPALM, à la SAPH ou en plantations<br />

villageoises, la situation est la même les manoeuvres sont en<br />

majorité des étrangers. Les prévisions de spécialistes affirment<br />

que - sauf changement des grilles de salaires actuels - d'ici<br />

une décennie encore, les plantations ne pourront compter sur la<br />

main d'oeuvre nationale. Ces salaires agricoles sont à la base<br />

de la mobilité de la main d'oeuvre sur les complexes industriels.<br />

C<strong>et</strong>te mobilité grève les budg<strong>et</strong>s de recrutement des entreprises<br />

concernées.<br />

Le tableau des flux laisse entrevoir les entrées <strong>et</strong> les<br />

départs sur cinq complexes agro-industriels. En colonne, on a<br />

le bilan du mois sur les cinq complexes. En ligne, le bilan sur<br />

les cinq mois. On constate que le bilan global fait apparaître<br />

un solde négatif: 1 610 départs contre 1 255 recrutements. Les<br />

mois de Décembre, Février <strong>et</strong> surtout Janvier sont déficitaires.<br />

Cela s'explique par deux facteurs essentiels<br />

- C'est la période de fin d'année <strong>et</strong> des nombreuses festivités,<br />

durant laquelle chacun tient à fêter en famille.<br />

- Ces trois mois correspondent aussi à la traite c'est-à-dire


- 305 -<br />

la période de récolte du café <strong>et</strong> cacao qui attire une bonne par­<br />

tie des ouvriers agricoles des EAI vers les plantations villa-<br />

geoises les paysans offrant des salaires supé-<br />

rieurs à ceux pratiqués sur les EAI, afin de pouvoir récolter<br />

à temps.<br />

Flux de manoeuvres observés sur cinq EAI d'Octobre 79 à Février 1980<br />

(E = engagement ; D = départ)<br />

E A l<br />

Octobre Novembre Décembre Janvier Février Total<br />

E D E D E D E D E D E D<br />

Anguédédou 101 29 64 31 27 11 - 136 40 53 232 260<br />

Yassap 28 68 34 26 32 39 45 39 85 64 224 236<br />

Eloka 17 23 30 17 19 15 45 65 19 65 130 185<br />

Ehania 111 161 56 84 112 111 149 135 147 101 575 592<br />

Toumanguié 34 4 35 48 4 51 5 99 16 135 94 337<br />

TOTAL 291 285 219 206 194 227 244 474 307 416 1 255 1 610<br />

Source SODEPALM<br />

En dépit du solde négatif, les EAI fonctionnent sans<br />

trop de difficulté pour la simple raison que la SA PH ou la SODE­<br />

PALM recrutent en nombre toujours supérieur aux besoins. Elles<br />

disposent de ce fait d'une "réserve" de manoeuvres. La mobilité<br />

des ouvriers porte toutefois préjudice à ces entreprises qui<br />

consacrent un budg<strong>et</strong> important au recrutement, à la formation<br />

sommaire <strong>et</strong> à l'installation des nouveaux. Ainsi un ancien ma­<br />

noeuvre qui réussit à faire recruter un nouveau, perçoit une pri­<br />

me de 3 000 F C.F.A. Compte tenu des salaires mensuels qui ex­<br />

cèdent rarement 25 000 F. C.F.A., une vocation de "recruteur"<br />

est née parmi les anciens qui désertent annuellement les EAI.


- 306 -<br />

La constitution des "réserves" d'ouvriers est préjudi­<br />

ciable aux paysans, obligés de pratiquer des salaires plus éle­<br />

vés pour s'attirer la main d'oeuvre nécessaire.<br />

Comme nous venons de le voir la plantation villageoise<br />

<strong>et</strong> industrielle sont confrontées aux mêmes difficultés. Au ni­<br />

veau régional la contrainte terre est autant ressentie par les<br />

EAI que par les paysans. En ce qui concerne la main d'oeuvre,<br />

les paysans sont n<strong>et</strong>tement défavorisés par rapport aux EAI qui<br />

pratiquent une concurrence déloyale, car ils disposent d'énormes<br />

moyens financiers qui leur perm<strong>et</strong>tent de se constituer une "ré­<br />

serve" d'ouvriers qui auraient bien pu servir sur les plantations<br />

villageoises. C<strong>et</strong>te main d'oeuvre devenue chère <strong>et</strong> exigeante cons­<br />

titue le gros problème des exploitations agro-industrielles. Il<br />

serait temps que l'on essaye de comprendre les causes du désin­<br />

téressement des ivoiriens. d'y palier, car rien ne perm<strong>et</strong> de di-<br />

re que la mobilisation actuelle du peuple voltaique par ses nou­<br />

veaux dirigeants puisse tolérer plus longtemps encore la sortie<br />

des voltaiques vers la Côte d'Ivoire.<br />

4 - Par ailleurs, certaines pratiques douteuses sont en train<br />

de miner la PALMINDUSTRIE, héritière de la SODEPALM ces prati-<br />

ques sont(l):<br />

- Le trafic des pesons (dérèglement des aiguilles au moment du<br />

pesage). Quelques paysans s'en aperçoivent <strong>et</strong> alors s'installe<br />

un doute justifié.<br />

- Le trafic des poids au bénéfice de certains planteurs compli­<br />

ces, au détriment d'autres.<br />

- L'attribution de poids fictif à des planteurs n'ayant pas ré­<br />

colté.<br />

Ces problèmes sont à la base des résultats médiocres<br />

ayant engendré une restructuration de la SODEPALM.<br />

(1) cf. problèmes fonciers <strong>et</strong> contraintes socio-économiques <strong>et</strong><br />

Démographiques au renouvellement <strong>et</strong> à l'extension de la palmeraie<br />

ivoirienne - Abidjan, 1981.


- 307 -<br />

D'autre part, le déficit hydrique, l'abandon des plan­<br />

tations villageoises, le vieillissement des Stipes <strong>et</strong> les ventes pa­<br />

rallèles constituent une perte importante, estimée à 110 300 Ton­<br />

nes de régime en 1980.<br />

Le bon fonctionnement de l'économie de la périphérie<br />

abidjanaise dépendra des solutions apportées à toutes ces diffi­<br />

cultés. Mais la proximité des villes d'Anyama, Bassam, Bingervil­<br />

le, Dabou <strong>et</strong> surtout Abidjan, ne perm<strong>et</strong>tra pas de trouver une<br />

solution à l'épineux problème de la main d'oeuvre, car ces vil­<br />

les offrent des emplois mieux payés soit dans le bâtiment soit<br />

dans les travaux d'utilité publique.


CONCLUSION GENERALE


jusqu'ici.<br />

- 308 -<br />

CONCLUSION GENERALE<br />

Nous voulons rappeler la démarche qui a été suivie<br />

- D'entrée il nous a semblé important de décrire <strong>et</strong> d'analyser<br />

l'espace-environnement, support de l'activité agricole afin de<br />

rechercher les fondements naturels, humains <strong>et</strong> historiques de<br />

l'économie de la Basse Côte. Il est apparu que l'extrême sud a<br />

certes des atouts, mais les données physiques ne sont pas excep­<br />

tionnelles, comparées à celles de l'extrême sud-est ou au sud­<br />

ouest du pays où les sols sont plus fertiles <strong>et</strong> la pluviométrie<br />

plus abondante. Au niveau des données humaines, nous avons noté<br />

une certaine cohésion au départ, des peuples lagunaires cristal­<br />

lisés autour des foyers primaires de peuplement, ce qui a engen­<br />

dré une surcharge démographique spatiale relative <strong>et</strong> "fictive".<br />

Ces peuples de pêcheurs, de chasseurs, d'artisans <strong>et</strong> d'agricul­<br />

teurs tout à la fois sont apparus comme des gens ouverts à l'é­<br />

conomie de marché, car leur Histoire récente montre qu'ils ont<br />

été très tôt en contact avec d'autres peuples du pays <strong>et</strong> sur­<br />

tout avec les européens avec lesquels ils entr<strong>et</strong>inrent de flo­<br />

rissantes relations commerciales. Ceci perm<strong>et</strong> d'expliquer la<br />

diffusion relativement rapide de l'agriculture de spéculation,<br />

obj<strong>et</strong> de la deuxieme partie.<br />

- C<strong>et</strong>te seconde partie a eu pour objectif de montrer les volumes<br />

de production agricole au niveau de la région, de cerner les ac­<br />

tivités induites de l'agro-exportation <strong>et</strong> de déterminer la for­<br />

me d'organisation de l'espace rural imposée par toutes ces acti­<br />

vités. Les résultats analysés dans ce passage montrent que la ré­<br />

gion sud était la plus prospère mais qu'aujourd'hui, on assiste<br />

à un déclin de certaines productions.


- 309 -<br />

Une analyse de détail montre en fait que la dégradation<br />

se situe au niveau de la production paysanne, les groupes d'in­<br />

térêts capitalistes <strong>et</strong> l'Etat ayant conservé <strong>et</strong> renforcé leur<br />

part dans la production régionale. Les activités industrielles<br />

dérivées de l'agriculture profitent très peu à l'espace rural<br />

dont l'organisation fonctionnelle dépend en grande partie des<br />

plantations, cependant que structurellement, exception faite des<br />

campements d'exploitation, les villages se sont cristallisés au­<br />

tour des centres initiaux d'habitation. Toutefois, c<strong>et</strong> habitat<br />

a subi des <strong>transformations</strong> qui sont analysées dans la dernière<br />

partie.<br />

- Les r<strong>et</strong>ombées du "boom" agro-industriel ont été analysées en<br />

termes de changements positifs ou négatifs pour les paysans.<br />

Quelques variables ont servi à mesurer les changements interve­<br />

nus depuis deux décennies<br />

l'habitat rural <strong>et</strong> son amélioration,<br />

les <strong>transformations</strong> structurelles de l'espace de production,<br />

<strong>et</strong> le niveau d'équipement de l'espace rural.<br />

Mais toute transformation, même souhaitée, a ses revers.<br />

Ainsi note-t-on une série de difficultés nées de l'accroissement<br />

accéléré de l'agriculture <strong>et</strong> de ses nouvelles conditions d'ex­<br />

ploitation <strong>et</strong> surtout la difficile cohabitation de la ville <strong>et</strong><br />

de la campagne au niveau du foncier.<br />

L'analyse des <strong>transformations</strong> d'un espace économique<br />

aussi dense que celui de la périphérie abidjanaise ne saurait<br />

se résumer à une simple description des différentes étapes de<br />

croissance des divers sous-espaces. Il convient donc de tirer<br />

tous les enseignements utiles qu'imposent les remarques qui ont<br />

été faites.<br />

A travers les diverses analyses, on peut affirmer que<br />

la Basse Côte est un espace qui se cherche un second souffle.<br />

Sa production agricole, après avoir assuré pendant près de


- 310 -<br />

cinquante ans, plus de 60 % des exportations agricoles, a subite­<br />

ment chuté au profit de nouvelles régions comme par exemple l'ex­<br />

trême sud-est, le sud-ouest <strong>et</strong> surtout le centre <strong>et</strong> le centre­<br />

ouest. On a donc assisté à un déplacement brutal du centre de gra­<br />

vité de la production du sud vers ces nouvelles régions alors que<br />

la Basse Côte n'avait pas acquis un processus de développement<br />

irréversible.<br />

D'autre part l'euphorie des années 70 a cédé la place à<br />

un découragement de plus en plus accru chez les paysans ruraux<br />

qui ne comprennent plus très bien où ils vont face à toutes ces<br />

situations, un diagnostic doit être entrepris. Il semble qu'au<br />

niveau des instances politiques, la vieille image du sud prospè­<br />

re est restée figée. Il est temps d'ouvrir les yeux sur les pro­<br />

blèmes qui menacent l'espace rural périurbain abidjanais. Ces<br />

problèmes touchent au foncier, au vieillisser.1ent de plantations<br />

de café <strong>et</strong> cacao (même si des efforts ont été faits, la majorité<br />

des plantations de ces deux cultures sont au-dessus de la dizai­<br />

ne d'années d'existence), à l'inadaptation des paysans aux nouvel­<br />

les méthodes d'exploitation de la terre, à la concurrence des<br />

EAI (Ensembles Agro-Industriels) pour le recrutement de la main<br />

d'oeuvre <strong>et</strong> au vieillissement des chefs d ' exploitation.<br />

En fait les problèmes de la Basse Côte sont ceux de<br />

tout espace agricole qui n'a pas su s'adapter aux changements<br />

pour se restructurer à temps. La situation que connaissent les<br />

ruraux est à m<strong>et</strong>tre en parallèle avec la crise économique que<br />

traverse tout le pays, confronté à la mévente de ses produits<br />

<strong>et</strong> à la baisse des prix sur les marchés internationaux.<br />

La diversification agricole a certes touché en premier<br />

c<strong>et</strong>te région, mais les interférences qui en sont issues ont en­<br />

traîné une dispersion de la force de travail en même temps qu' el­<br />

les aggravaient l'atteinte irréversible au milieu forestier.<br />

L'engouement suscité par les nouvelles cultures semble être à<br />

la base du manque de terre, accentué par l'urbanisation rapide


- 311 -<br />

d'Abidjan <strong>et</strong> des centres semi-urbains. Aujourd'hui, l'espace<br />

rural semble bloqué dans son évolution du fait que toute ouver­<br />

ture de nouvelle plantation ne peut se faire que par la recon­<br />

version d'une ancienne plantation. Les quelques hectares de fo­<br />

rêts encore intactes sont des forêts classées, qui même déclas­<br />

sées, ne suffiraient pas à satisfaire les demandes pressantes<br />

des ruraux.<br />

Quant aux plantations déjà en exploitation, leurs rende­<br />

ments sont si bas que certaines ne sont plus que symboliques<br />

elles ne sont plus rentables mais les paysans s'y accrochent car<br />

elles sont avant tout leurs seules sources de revenus. Certai­<br />

nes de ces plantations sont très vieilles (plantations de café<br />

<strong>et</strong> cacao) <strong>et</strong> gagneraient à être détruites afin de réaffecter le<br />

sol à d'autres cultures. D'autres, encore jeunes ne donnent pas<br />

toutes les satisfactions attendues pour la simple raison que les<br />

méthodes modernes d'exploitation ne sont pas appliquées correc­<br />

tement. C<strong>et</strong>te situation découle de la difficile mutation d'un<br />

pa ysannat t rad i t ion ne l en pa ysannat m0 derne, a pte à maitris erIa<br />

mécanisation de l'agriculture, seule issue pour sortir l'économie<br />

rurale de la Basse Côte <strong>et</strong> du pays entier des contre-performances<br />

actuelles. Evidemment le passage d'un pôle à l'autre exige beau­<br />

coup de moyens parmi lesquels une aide de l'Etat <strong>et</strong> une forma­<br />

tion appropriée du paysan. Des efforts ont été entrepris jus­<br />

que-là mais les récents bouleversements au niveau des SODE ont<br />

ramené certains planteurs à la case de départ. ceux qui essayent<br />

de suivre sont gênés par la concurrence des sociétés plus nanties<br />

en moyens financiers.<br />

Quand à la formation des paysans, il convient plutôt de<br />

parler d'encadrement car analphabètes dans la majorité, les pay­<br />

sans ne sont pas aptes à recevoir, des enseignements autres que<br />

la pratique. Dr jusqu'à une date récente, on a noté le fossé<br />

existant entre les ingénieurs agronomes de conception <strong>et</strong> les mo­<br />

niteurs hâtivement formés, chargés d'encadrer le paysannat. Avec<br />

l'I.A.B. de Bouaké, il est permis d'espérer que des techniciens


- 312 -<br />

en sortiront pour mieux aider le secteur agricole rural. Le<br />

second motif d'espoir à ce niveau est le r<strong>et</strong>our à la terre de<br />

plus en plus effectif de quelques Jeunes descolarisés leur nom-<br />

bre encore réduit ne perm<strong>et</strong> cependant pas un optimisme excessif.<br />

Le vieillissement général des chefs d'exploitation cons­<br />

titue un point sombre pour l'activité agricole régionale. C<strong>et</strong>te<br />

situation a été engendré par le départ en ville de la tranche de<br />

population jeune. L'espace rural est donc condamné à rechercher<br />

ailleurs les manoeuvres nécessaires au fonctionnement des planta­<br />

tions. La scolarisation mal adaptée aux besoins du pays a été<br />

désignée comme le responsable des départs ; mais nous pensons que le<br />

problème est plus profond si tous ces jeunes voulaient culti-<br />

ver, y aurait-il assez de terre? Pour avoir vécu dans ce milieu,<br />

nous pensons que la faible rétribution <strong>et</strong> la pénibilité du tra­<br />

vail alliées à la vie morne des villages sont autant de facteurs<br />

de répulsion pour les jeunes qui préfèrent la ville avec son con­<br />

fort relatif. Même lorsqu'on n'a pas de travail, la solidarité<br />

familiale perm<strong>et</strong> de se nourrir <strong>et</strong> se loger.<br />

Il ne faut pas pour autant ignorer les mutations surve­<br />

nues ces deux dernières décennies. L'espace rural a bénéficié<br />

d'un nombre important d'équipements qui n'ont pas toujours fonc­<br />

tionné il est vrai, <strong>et</strong> l'on doit chercher la voie de leur entre­<br />

tien <strong>et</strong> de la poursuite de c<strong>et</strong>te politique d'équipement. A enten­<br />

dre certains décideurs, on a l'impression que le confort de la<br />

ville leur est réservé ils prônent le r<strong>et</strong>our au village sans<br />

chercher à améliorer les conditions d'existence qui seules, peu­<br />

vent maintenir les populations sur place.<br />

Le manque de terre <strong>et</strong> d'emploi autre que l'agriculture<br />

constitue un facteur de départ vers la ville,<br />

Jusqu'lci, les paysans ont assuré l'essentiel des fi­<br />

nancements de l'équipement de leur espace de vie. Mais la dégra­<br />

dation de leurs conditions de vie mérite que les autorités fassent


- 314 -<br />

aux portes d'Abidjan. Le pays tout entier n'en r<strong>et</strong>irerait que<br />

des bénéfices.<br />

On r<strong>et</strong>iendra donc de tout ce qui précède six principales<br />

orientations politiques capables d'aider l'espace péri-urbain<br />

en perte de vitesse<br />

1.- Assurer aux ruraux une part prépondérante des terres cultiva­<br />

bles au détriment des EAI qui ont des réserves ailleurs<br />

2.- Promouvoir une politique incitative de r<strong>et</strong>our des p<strong>et</strong>its<br />

paysans à la culture vivrière<br />

3.- Faire des planteurs ruraux, des hommes capables de maîtri­<br />

ser les techniques culturales modernes <strong>et</strong> les aider à la<br />

mécanisation des exploitations<br />

4.- Trouver un compromis entre l'emploi du temps des ruraux <strong>et</strong><br />

le travail à l'usine, assorti d'une amélioration des salai­<br />

res, afin que les autochtones soient attirés par le travail<br />

sur les plantations industrielles<br />

5.- Adapter l'enseignement scolaire aux réalités socio-économiques<br />

<strong>et</strong> culturelles du pays, afin de satisfaire les besoins du<br />

pays en cadres. Ce qui éviterait la forte déperdition des jeu­<br />

nes bras<br />

6.- Enfin, contribuer davantage à la restructuration, à l'amé­<br />

lioration <strong>et</strong> à l'équipement de l'espace rural tout en y<br />

créant des emplois adaptés au niveau général de formation des<br />

ruraux pour les y r<strong>et</strong>enir. Sur ce dernier point, nous pensons<br />

qu'une valorisation de l'artisanat <strong>et</strong> de la pêche est souhai­<br />

table.<br />

Pour parvenir à des résultats tangibles, des efforts doi­<br />

vent être consentis aussi bien par l'Etat que par les populations<br />

rurales. Nous pensons que chacun a jusqu'alors fait ce qu'il fal­<br />

lait, mais l'effort doit être poursuivi.


BIBLIOGRAPHIE


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- 324 -<br />

- Contraintes de slte <strong>et</strong> organisation générale de l'espace<br />

- Densification économique de l'espace péri-urbain<br />

Exemple de terroir contrôlé par des autochtones<br />

- Exemple de terroir contrôlé par des allochtones<br />

- Structuration de l'espace en 1973<br />

- Structuration de l'espace en 1983<br />

Terroir de Toupah situation 1950<br />

Terroir de Toupah situation 1970<br />

Terroir de Toupah situation 1980<br />

- Systèmes d'exploitation en Basse Côte<br />

- Evolution des densités<br />

- Evolution des villages<br />

- Répartition des lits d'hospitalisation<br />

- Les investissements de l'Etat dans quelques départements<br />

- Investissements régionaux cumulés de 1973 à 1983<br />

- Evolution des villes de la région<br />

- La croissance d'Abidjan<br />

- Abobo en 1955<br />

- Abobo en 1971<br />

- Abobo en 1983<br />

- Abidjan en 1959<br />

- Abidjan, l'habitat en 1978<br />

- Les maillages politiques de Dabou<br />

- Superficies disponibles pour les EAI<br />

- Superficies des plantations villageoises détruites<br />

- L'origine de la main d'oeuvre sur six complexes<br />

- Flux de maroeuvres sur cinq EAI<br />

Pages<br />

156<br />

158<br />

160<br />

162<br />

163<br />

164<br />

172<br />

174<br />

176<br />

193<br />

196<br />

200<br />

219<br />

230<br />

235<br />

243<br />

249<br />

251<br />

252<br />

254<br />

255<br />

259<br />

283<br />

297<br />

302<br />

303<br />

305


- 325 -<br />

TABLE DES MATIERES<br />

PROBLEMATIQUE-INTRODUCTION 2<br />

METHODOLOGIE 16<br />

PREMIERE PARTIE<br />

CHAPITRE l<br />

Un milieu forestier densément peuplé<br />

<strong>et</strong> largement exploité; La Basse Côte<br />

d'Ivoire<br />

La forêt ombrophile, favorable à<br />

l'agriculture d'exportation .<br />

AI Un milieu assez favorable à l'agriculture. ..... ..•.. 36<br />

1. Un climat humide mais nuancé 37<br />

2. Une végétation variée sur des sols profonds mais<br />

fragiles .•..•.................................... 47<br />

3. Un relief peu marqué, des contraintes localisées<br />

pour la mécanisation 57<br />

CHAPITRE II Des sociétés sans état à structures<br />

hiérarchisées <strong>et</strong> diversifiées: LES<br />

AKAN LAGUNAIRES .........•........... 59<br />

AI Un peuplement récent à stratégies territoriales<br />

diversifiées ..............•.......•.......•....•.... 59<br />

1. Les vagues successives de migrations en Basse Côte 60<br />

2. La répartition de la population au dernier récense-<br />

ment national ..••. ,.............................. 65<br />

BI Des sociétés lignagères maîtresses de leurs terres.. 74<br />

1. Les structures sociales ...•..........•....•.•. '" 74<br />

2. La structure politique <strong>et</strong> les classes d'âge ••..•.. 76<br />

3. Structure familiale <strong>et</strong> organisation foncière<br />

traditionnelle •......•..•••..•••.•.•••.•••.•.•••• BD<br />

35<br />

36


CHAPITRE III<br />

- 326 -<br />

Des bouleversements nés de la coloni­<br />

sation, à l'adoption des cultures<br />

pérennes ,......... 91<br />

AI Les conditions de l'introduction des cultures d'expor-<br />

tat ion en Bas se Côte 91<br />

1. Manifestations <strong>et</strong> causes du refus des cultures<br />

pérennes 92<br />

2. La contrainte de l'impôt, principale cause de l'ouverture<br />

à la plantation 93<br />

BI Un bilan marqué par l'accroissement constant <strong>et</strong> une<br />

diversification des cultures _ 95


- 327 -<br />

DEUXIEME PARTIE Une agriculture en mutation rapide <strong>et</strong><br />

facteur du développement économique de<br />

la Basse Côte . 99<br />

CHAPITRE IV Une production agricole en croissance<br />

continue <strong>et</strong> diversifiée, intégrée à<br />

des structures de distribution peu<br />

varlées 100<br />

AI Les facteurs de la croissance continue après 1960 ... 101<br />

1.<br />

2 .<br />

3.<br />

4 .<br />

5.<br />

6.<br />

BI Une<br />

des<br />

1 •<br />

2 .<br />

3 •<br />

4.<br />

L'amélioration des structures régionales de liaisons<br />

L'aide de l'Etat a u x pa ysans.....................•<br />

Prêts étrangers <strong>et</strong> structures bancaires au service<br />

de l ' agriculture ...•.............................<br />

Le rôle de la recherche scientifique appliquée<br />

Le rôle des médias<br />

Les hiatus<br />

. . .. . .. . . . .. . . . .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..<br />

production régionale représentant plus de la moitié<br />

exportations agricoles du pays •....•••••••....•.<br />

La croissance irrégulière du café <strong>et</strong> du cacao .....<br />

L'éléis <strong>et</strong> le cocotier, des cultures bien intégrées<br />

à l'espace rural .....•...•..••....••..•..••••..•.<br />

L'hévéaculture, une diffusion en milieu villageois<br />

tardivement amorcée ..........•...•.•......•......<br />

La culture d'ananas <strong>et</strong> de banane, une affaire de<br />

gros planteurs .•..••.... , .• ,., .... , .••••••....• ,.<br />

102<br />

106<br />

111<br />

114<br />

115<br />

115<br />

CI-Les cultures vivrières, une place primordiale malbeureusement<br />

sacrifiée ..•...•••.•.•......• , •.•••••..• ,. 133<br />

1. Des villages en majorité autosuffisants , ••••.... ,<br />

2, Les demandes urbaines ne sont pas toutes satisfaites<br />

3. Le rôle prépondérant des femmes dans l'agriculture<br />

vivrière ••..••.... , .• , ••••••. , .•.• , ••.•• , ••• , ••••<br />

116<br />

117<br />

123<br />

127<br />

129<br />

133<br />

134<br />

135


- 328 -<br />

DI Des produits agricoles intégrés à des circuits de<br />

distribution monopolisés 137<br />

1. Les circuits rodés des cultures de spéculation '" 138<br />

2. Les cultures vivrières sous le contrôle du système<br />

Dioula de distribution 139<br />

3. Des sources de revenus variées, des dépenses diffic<br />

iles à quantifier ..........................•.... 142<br />

CHAPITRE V L'agriculture de spéculation, source<br />

d'une industrialisation à l'avenir<br />

prom<strong>et</strong>teur ......................•.. 146<br />

1. Les industries d'équipement agricole 146<br />

2. Les industries de conditionnement <strong>et</strong> de transformation<br />

•..••.......••............................... 147<br />

CHAPITRE VI L'Agro-industrie, élément de base de<br />

l'organisation de l'espace rural .... 154<br />

AI Une organisation spatiale multiforme caractérisée par<br />

une disparité sous-régionale........................ 154<br />

1. Les contraintes de site de villages en Basse Côte 155<br />

2. L'Agencement des plantations <strong>et</strong> de l' habitat ..... 155<br />

BI Les plantations, éléments de la structuration politi-<br />

que de l'espace péri-urbain ...••...•••••••••...•••.. 162


RESUME<br />

La Côte d'Ivoire, pays de 322 463 km 2 , s'est bâtie<br />

une solide réputation d'exportateur de café, cacao, ba­<br />

nane, ananas, huile de palme, bois <strong>et</strong> latex. Grâce à<br />

son climat <strong>et</strong> à l'Histoire Coloniale récente, le sud<br />

du pays a assuré, jusqu'ici une part prépondérante de<br />

la production. Les eff<strong>et</strong>s induits d'une industrie nour­<br />

rie par l'agriculture, ont permis à c<strong>et</strong>te région de se<br />

développer en marge du reste du pays. Mais depuis le dé­<br />

but des années 80, le sud doit faire face à d'énormes<br />

difficultés : étouffée par une ville tentaculaire ­<br />

Abidjan - <strong>et</strong> par une immigration incontrôlable, la Bas­<br />

se Côte d'Ivoire se cherche un second souffle à travers<br />

une cohabitation devenue obligatoire avec Abidjan. A­<br />

t-on des indices sérieux pour envisager son avenir ?<br />

MDTS-ClE<br />

- Abidjan<br />

- Agro-Exportation<br />

- Côte d'Ivoire<br />

- E,A.I. (Ensemble Agro-Industriel)<br />

- Economie de périphérie<br />

- Economie rurale<br />

- Culture pérenne

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