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CMJN<br />
VENDREDI 7 JUILLET <strong>2000</strong> - CINÉMA<br />
31<br />
«Fous d’Irène» Jim Carrey,<br />
le masque ricanant de l’Amérique<br />
Les deux frères Farelly<br />
avaient fait rigoler toute<br />
l’Europe avec «Mary à tout<br />
prix». Ils récidivent avec<br />
«Me, Myself and Irene»<br />
(«Fous d’Irène»), en retrouvant<br />
leur vedette de<br />
«Dumb and Dumber», le<br />
masque comique <strong>du</strong><br />
cinéma américain par excellence:<br />
Jim Carrey. Le résultat<br />
de cette parodie de<br />
thriller en toc n’est pas seulement<br />
tordant. Il est surtout<br />
décapant.<br />
Dans «Mary à tout prix»,<br />
Bobby et Peter Farelly jouaient<br />
des décalages et des codes <strong>du</strong><br />
vaudeville à l’américaine, dans<br />
un joyeux délire assez proche<br />
des Monty Python et un abattage<br />
comique assez redoutable.<br />
Ce que «Fous d’Irène» a per<strong>du</strong><br />
en rythme et en folie, il le<br />
gagne, curieusement, par sa<br />
gravité: une courageuse<br />
cruauté à l’égard d’un pays et<br />
de son cinéma.<br />
Dr Carrey and M. Jim<br />
Sous des dehors de faux polar<br />
et de road-movie pédestre, ce loitain<br />
«remake» de «Dr. Jekill and<br />
M. Hyde» raconte la vie confite<br />
de malheur d’un gentil flic à<br />
moto de Rhode Island, Charlie<br />
(Jim Carrey). A peine marié,<br />
Charlie est trompé par sa femme<br />
qui le quitte bientôt pour une<br />
nain noir professeur d’Uni, non<br />
A défaut d’atteindre des sommets,<br />
«The Skulls» («Société<br />
secrète») a cependant le mérite<br />
de mettre en lumière (certes un<br />
peu trop tamisée à notre goût)<br />
un aspect très caché des élites<br />
américaines. Issu d’un milieu<br />
socialement défavorisé, Luke<br />
McNamara (Joshua Jackson),<br />
étudiant brillant et sportif émérite,<br />
adhère en toute confiance<br />
à une société secrète très «sélect»<br />
formée de jeunes gens<br />
blancs très convenables et dénommée<br />
«The Skulls» (les<br />
sans lui laisser trois enfants<br />
(noirs eux aussi) à élever.<br />
Permanent souriant, Charlie<br />
fait contre bonne fortune bon<br />
cœur et s’acquitte de sa tâche<br />
avec ardeur. Ses enfants, devenus<br />
obèses, brillent d’un QI<br />
très supérieur à la moyenne.<br />
Par contre, à l’extérieur de<br />
son foyer, Charlie se fait marcher<br />
sur les pieds par tous: son<br />
voisin qui lui pique chaque matin<br />
son journal et fait chier son<br />
chien dans son jardin; ses amis<br />
qui ne respectent pas les règles<br />
de la circulation, les gamins re-<br />
«The Skulls» La vie<br />
secrète de G. W. Bush<br />
Bienvenue au club. photo elite<br />
Un bon flic peut en cacher un autre. photo fox<br />
«Crânes»); un brin naïf, Luke<br />
espère ainsi avoir plus de<br />
chance d’être admis à la prestigieuse<br />
Uni de droit de Harvard.<br />
Mais, une fois intronisé, Lucke<br />
découvre petit à petit les dessous<br />
vraiment peu reluisants de<br />
ce «club» professant des idées<br />
de suprématie de classe et de<br />
race peu amènes et parfois<br />
même meurtrières…<br />
Cinéaste tout terrain («Daylight»,<br />
«Dragonheart»), Rob Cohen<br />
ne va hélas pas jusqu’au<br />
bout de sa dénonciation et noie<br />
rapidement le poisson<br />
dans un suspense<br />
de circonstance…<br />
Voilà qui<br />
est très regrettable,<br />
surtout lorsqu’on<br />
apprend via le «dossier<br />
de presse» que<br />
toute la famille<br />
Bush a fréquenté<br />
des cercles juvéniles<br />
de ce genre!<br />
Vincent Adatte<br />
! «The Skulls»,<br />
Neuchâtel, Rex;<br />
1h50.<br />
fusent même de lui obéir… Cela<br />
jusqu’au jour où, n’y tenant<br />
plus, ce monument de refoulé<br />
«pète les plombs» et se révolte.<br />
La révolte<br />
<strong>du</strong> schizophrène<br />
Comme le dit le commentaire<br />
volontairement emphatique<br />
qui accompagne le film de<br />
bout en bout, certains, dans sa<br />
situation, prendraient un UZI et<br />
descendraient dans la rue pour<br />
buter tout le monde. Charlie,<br />
plus modeste, se contente de<br />
devenir Hank: son double anti-<br />
En mal d’enfant<br />
et de vie familiale<br />
stable, Abbie (Madonna)<br />
voit son<br />
rêve se réaliser.<br />
Mais peut-être pas<br />
de la façon dont<br />
elle l’envisageait:<br />
un soir de déprime<br />
très arrosée, cette<br />
quadragénaire<br />
adepte <strong>du</strong> yoga<br />
couche avec son<br />
meilleur ami (Rupert<br />
Everett). Robert<br />
est homo, il<br />
décide néanmoins<br />
d’assumer pleinement<br />
sa paternité<br />
quand Abbie lui annonce<br />
qu’elle est enceinte. Les deux<br />
amis font désormais chambre à<br />
part sous le même toit, et réussissent<br />
à élever leur bambin en<br />
«Couple presque parfait».<br />
Vétéran <strong>du</strong> cinéma, John<br />
Schlesinger («Macadam Cowboy»,<br />
«Marathon Man») commence<br />
par décliner cette cohabitation<br />
sur le mode de la comédie,<br />
plus douce qu’amère. Ses<br />
«Total western» Des loups<br />
dans la bergerie de José Bové<br />
Avec plus ou moins de bonheur,<br />
les films d’Eric Rochant<br />
captent l’air <strong>du</strong> temps. Le réalisateur<br />
d’«Un monde sans pitié»<br />
aime faire parler les jeunes avec<br />
leurs propres mots, insolents,<br />
crus, naïfs. Il n’ignore pas que la<br />
société aura toujours raison des<br />
affirmations identitaires<br />
brouillonnes, avec une violence<br />
plus ou moins sournoise. De<br />
quoi renforcer sa tendresse manifeste<br />
pour les forts en gueule à<br />
contre-courant.<br />
«Total western» met en place<br />
un dispositif qui rappelle les<br />
grands films de sabre de Kurosawa<br />
(«Sanjuro» et «Les sept samouraïs»<br />
en particulier). Un repris<br />
de justice activement recherché<br />
par le milieu se réfugie dans<br />
une ferme isolée de Millau, en<br />
plein José Bové-land. Il s’y fait<br />
Brute sadique: Jean-Pierre<br />
Kalfon dans «Total Western».<br />
photo agora<br />
thétique, révolté, pétomane,<br />
scatologique, raciste, macho,<br />
assoiffé de sexe et de castagne.<br />
Charlie est, tout simplement,<br />
schizophrène.<br />
Dès lors, chargé de veiller sur<br />
une jeune femme (Renée Zellweger)<br />
impliquée malgré elle<br />
dans une sombre affaire d’escroquerie,<br />
Charlie et son<br />
double Hank vont se trouver<br />
obliger de fusionner afin de survivre…<br />
et d’arriver au bout de<br />
l’histoire.<br />
Au-delà de l’incroyable performance<br />
en grimaces et panto-<br />
acteurs sont complices à la<br />
ville, il en reste quelque chose<br />
sur l’écran. La balance penche<br />
toutefois <strong>du</strong> côté de Robert,<br />
servi à la fois par un bien<br />
meilleur acteur que ne l’est Madonna,<br />
et des répliques décapantes,<br />
vinaigre qui ravigote<br />
l’anticonformisme ambiant.<br />
Ancré dans un Los Angeles<br />
contemporain– Robert n’est<br />
pas retranché de son milieu<br />
mime de Jim Carrey, par dessus<br />
la simple aventure d’un<br />
schizophrène, «Fous<br />
d’Irène» se révèle une redoutable<br />
satire des archétypes américains,<br />
qu’il s’agisse de Hollywood<br />
ou de la réalité.<br />
Un mythe à deux faces<br />
Charlie et Hank incarnent<br />
deux personnages clé <strong>du</strong><br />
cinéma hollywoodien: d’un côté<br />
le flic parfait, bon jusqu’à la caricature;<br />
de l’autre le monstre<br />
idéal, terrifiant d’irrespect pour<br />
toute morale et tout bon sentiment,<br />
l’horreur absolue.<br />
Contrairement à tout récit normalement<br />
hollywoodien qui finirait<br />
forcément par faire triompher<br />
le premier sur le deuxième<br />
ou, dans un cas un peu plus<br />
courageux, l’inverse, les frères<br />
Farelly ne tranchent pas.<br />
La schizophrénie est un prétexte<br />
qui leur permet de dire en<br />
riant fort, très fort, que, fondamentalement,<br />
l’Amérique est<br />
un mélange des deux, et c’est<br />
cela qui la rend peut-être insupportable.<br />
Cachant son immoralité<br />
sous une dose de bon sentiments,<br />
masquant sa violence<br />
(peine de mort, avortement,<br />
vente d’armes) sous le puritanisme,<br />
et étouffant son racisme<br />
sous le respect des quotas.<br />
Frédéric Maire<br />
! «Fous d’Irène», Neuchâtel,<br />
Palace; La Chaux-de-Fonds,<br />
Scala 1; 1h57.<br />
«Un couple presque parfait»<br />
Coup de balai dans les foyers<br />
passer pour un é<strong>du</strong>cateur parmi<br />
des jeunes «difficiles» issus des<br />
banlieues. L’irruption d’une<br />
bande de tueurs met fin aux escarmouches<br />
verbales pour faire<br />
place à un exercice de survie. Et<br />
comme le fanfaronne un bourreau<br />
sadique devant les terreurs<br />
des cités, «c’est autre chose que<br />
de cramer des bagnoles!»<br />
Rochant garde tant bien que<br />
mal le cap <strong>du</strong> premier degré.<br />
Mais il ne résoud pas une contradiction<br />
majeure. Le film cherche<br />
visiblement à montrer à son<br />
jeune public qu’on est toujours<br />
dépassé par sa propre violence.<br />
Et pourtant, de cette hideuse violence,<br />
il tire aussi des effets jubilatoires.<br />
Christian Georges<br />
! «Total western; Neuchâtel,<br />
Bio; 1h45.<br />
Un équilibre familial précaire. photo frenetic<br />
DVD-vidéo D’un<br />
Bond à James<br />
James Bond est<br />
de retour, avec<br />
«Le monde ne<br />
suffit pas»!<br />
Cette fois-ci,<br />
l’agent 007<br />
(Pierce Brosnan)<br />
est chargé<br />
de la protection<br />
d’Elektra (Sophie Marceau), fille<br />
d’un magnat <strong>du</strong> pétrole assassiné<br />
dans des circonstances douteuses.<br />
Bien enten<strong>du</strong>, on retrouve<br />
dans cette aventure explosive<br />
tous les ingrédients habituels<br />
de la série: action, humour,<br />
belles femmes... et gadgets<br />
concoctés pour l’occasion. Les<br />
amateurs seront ravis de constaster<br />
que ce DVD est rempli à raz<br />
bord de suppléments: un making<br />
of <strong>du</strong> film, neuf minireportages,<br />
un vidéo clip, un documentaire<br />
sur la série 007, et plein d’autres<br />
surprises. / pti<br />
! DVD MGM à la vente.<br />
gay –, le scénario<br />
s’oriente ensuite<br />
vers le pathos de<br />
«Kramer contre<br />
Kramer». Un banquier,<br />
bellâtre insipide<br />
(Benjamin<br />
Bratt), est passé par<br />
là, qui offre à Abbie<br />
de refaire sa vie sur<br />
la côte Est. La<br />
comédie de l’ère<br />
Pacs (pacte civil de<br />
solidarité) vire à la<br />
bataille pour obtenir<br />
la garde de l’enfant,<br />
le couple marginal<br />
rentre dans le<br />
rang des sordides<br />
divorces hétéros. Après un inutile<br />
rebondissement (on nous<br />
réaffirme la fragilité des liens<br />
<strong>du</strong> sang), le dénouement<br />
semble davantage sacrifier au<br />
happy end de circonstance<br />
qu’entériner un nouveau<br />
modèle parental.<br />
Dominique Bosshard<br />
! «Un couple presque parfait»,<br />
Neuchâtel, Studio; La Chauxde-Fonds,<br />
Scala 2; 1h47.<br />
DVD-vidéo Le<br />
Bond chinois!<br />
Dans «Mister<br />
Cool», cuisinier<br />
vedette<br />
d’une émission<br />
de télévision,<br />
Jackie<br />
Chan se retrouve<br />
une fois<br />
de plus mêlé à<br />
une affaire de «gangs», en portant<br />
secours à une journaliste<br />
en quête de scoop. Une course<br />
poursuite incroyable s’engage<br />
avec la mafia locale. Au programme:<br />
des cascades hallucinantes,<br />
et toujours autant<br />
d’humour. Nous avons affaire<br />
ici au montage américain <strong>du</strong><br />
film, donc, à une version tronquée<br />
par rapport à la version<br />
originale. Le film en reste pas<br />
moins très divertissant. Un<br />
DVD de qualité avec un superbe<br />
documentaire sur la carrière<br />
de Jackie Chan. / pti<br />
! DVD Metropolitan à la vente.<br />
VITE VU<br />
" PRÉHISTORIQUE. La<br />
famille la plus célèbre de l’âge<br />
de pierre, les Pierrafeu, a sa<br />
propre (pré)histoire. Celle-ci<br />
débute avec la rencontre de Fred<br />
et de Wilma, dont l’idylle<br />
s’épanouit à Rock Vegas, déjà<br />
incontournable au temps des<br />
cavernes. Les dinosaures ont<br />
disparu, les Pierrafeu résistent,<br />
hélas, aux retours aux origines<br />
comme aux «sequels». / dbo<br />
! «Les Pierrafeu à Rock Vegas»,<br />
Neuchâtel, Apollo 1; 1h30.<br />
Las Vegas, âge de pierre.<br />
photo uip<br />
" COURTS MÉTRAGES. Au<br />
festival de la Cité à Lausanne, le<br />
cinéma rejoint la musique, le<br />
théâtre et la danse. Pour la<br />
première fois, l’Agence suisse <strong>du</strong><br />
court métrage projette chaque<br />
soir en plein air une sélection de<br />
films d’animation et de fiction.<br />
Début ce vendredi.<br />
«Nous avons sauté sur<br />
l’occasion lorsque les<br />
organisateurs nous l’ont<br />
proposé», a explique Philippe<br />
Clivaz, directeur de l’Agence<br />
suisse <strong>du</strong> court métrage. Créée<br />
début 1998, l’agence s’occupe<br />
de promotion, de diffusion et de<br />
vente de courts métrages. Pour<br />
la Cité, Philippe Clivaz a choisi<br />
des œuvres brèves, dix minutes<br />
au maximum, et faciles d’accès.<br />
Le festival accueille un public<br />
large, qui furète d’un lieu à un<br />
autre et qui est là plus pour se<br />
détendre que pour réfléchir.<br />
Environ une centaine de<br />
personnes pourront s’installer à<br />
la place de la Barre, un endroit<br />
dont la configuration ressemble<br />
un peu à une salle de cinéma.<br />
Les projections <strong>du</strong>reront une<br />
heure. Les œuvres seront<br />
montrées deux fois, à cinq jours<br />
d’intervalle.<br />
Samedi par exemple, le public<br />
pourrra découvrir «Le petit<br />
manchot», le premier court<br />
métrage des frères Guillaume,<br />
des jumeaux fribourgeois,<br />
connus des amateurs <strong>du</strong> genre.<br />
Le programme de mardi se<br />
terminera sur «Le p’tit bal», un<br />
clip vidéo sur une chanson de<br />
Bourvil réalisé par le Français<br />
Philippe Decouflé. Dès 22h15,<br />
la soirée de dimanche sera<br />
consacrée à des films primés<br />
dans des festivals européens en<br />
1998. Les projections sont<br />
gratuites, comme pour les autres<br />
spectacles <strong>du</strong> festival. / ats<br />
! Lausanne, pl. de la Barre, 7-15<br />
<strong>juillet</strong>, 22h15.<br />
Tournage Une<br />
«Tosca» avec Alagna<br />
Le cinéaste français Benoît<br />
Jacquot tournera cet été<br />
«Tosca», l’opéra de Puccini.<br />
Le ténor Roberto Alagna et<br />
son épouse la soprano Angela<br />
Georghiu, ainsi que le baryton-basse<br />
Ruggero Raimondi<br />
figurent en tête <strong>du</strong> générique.<br />
L’action sera captée en décors<br />
naturels à Rome, puis en<br />
studio à Cologne en Allemagne.<br />
Il s’agit d’une pro<strong>du</strong>ction<br />
franco-allemande, a indiqué<br />
l’autre jour le président<br />
d’Unifrance Daniel Toscan <strong>du</strong><br />
Plantier. Ce dernier s’est engagé<br />
sur ce film par amour de<br />
l’art lyrique. Il a été à l’origine<br />
de l’adaptation au<br />
cinéma de «Don Giovanni»<br />
par Joseph Losey en 1979, de<br />
«Carmen» par Francesco<br />
Rosi en 1984, et de «Madame<br />
Butterfly» en 1995 par Frédéric<br />
Mitterrand. / afp