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Nlle SÄrie – Novembre 1965 NÇ 1
Pages 8 et 9
La politique ÄtrangÉre du gaullisme est
sans doute l'ÄlÄment oÑ la contribution
personnelle du gÄnÄral a ÄtÄ la plus grande,
oÑ il a su favoriser des intÄrÖts
Äconomiques (MIFERMA, UGP, etc …)
dont le crÄdit sans lui eut ÄtÄ beaucoup plus
faible.
Plutát que de rÄpÄter les critiques
Ämanant d'individus dont l'activitÄ à cet
Ägard sous la IVe RÄpublique n'a rien de
reluisant ("l'AlgÄrie c'est la France") nous
voulons tout d'abord souligner la faâon
dont on ressent le gaullisme dans le Tiers-
Monde.
Au cours d'un rÄcent voyage en Syrie,
des membres du bureau politique de notre
parti ont eu l'occasion de discuter des
prÄsidentielles en France : leurs
interlocuteurs ne leur cachÉrent pas qu'à
Damas, le seul homme d'Ätat qui jouissait
d'un prestige sans bornes Ätait de Gaulle,
tant pour son attitude vis à vis de
l'hÄgÄmonie amÄricaine, que de l'aide qu'il
accordait aux anciennes colonies franâaises
tout particuliÉrement pour la coopÄration
franco-algÄrienne. Quant aux candidats
anti-gaullistes, la premiÉre question des
dirigeants syriens fut de s'enquÄrir de leur
activitÄ au moment de Suez. Sur ce, la
conversation s'arrÖta d'elle-mÖme.
LA POLITIQUE
ETRANGERE
DU GAULLISME
EST- ELLE
PROGRESSISTE ?
Cet immense prestige, voire cette
adoration de l'opinion publique des
"nations prolÄtaires" qui pousse tous les
gouvernements du Tiers-monde à
demander la visite du chef de l’Etat franâais
peuvent-ils dÄboucher sur autre chose
qu'une position de principe ?
Les choses Ätant ce qu'elles sont, ne
sont plus aussi claires.
Pour l'Union soviÄtique, semble-t-il,
aprÉs la dÄpÖche de l'Agence Tass, le choix
est fait, le pari pris, et loin de regretter un
nouveau septennat gaulliste, il apparaãt
qu'on l'envisage avec ferveur.
Pour le courant de renouveau socialiste,
la politique ÄtrangÉre gaulliste pose deux
problÉmes cruciaux :
Quelle conception avons-nous des
rapports avec le Tiers-monde ?
Comment affirmer notre indÄpendance
par rapport à l'impÄrialisme amÄricain ?
A la premiÉre de ces questions, le
gaullisme rÄpond par l'exemple de
coopÄration entre nations inÄgalement
dÄveloppÄes que constituent ses rapports
avec l'AlgÄrie et l'Afrique Noire.
Pour l'AlgÄrie, il faut reconnaãtre que
dans le contexte politique franâais, l'accord
franco-algÄrien est le meilleur qu'il Ätait
possible d'attendre.

NÄanmoins, il faut constater que
l'AlgÄrie se trouve plus engagÄe que jamais
dans des rapports de dÄpendance technique
et financiÉre à l'Ägard de l'ancienne
mÄtropole.
Pour l'Afrique Noire il faut bien
considÄrer que l'aide franâaise a surtout
servi à la consolidation d'une classe de
compradores autochtones, dont Houphouåt
est l'ÄlÄment le plus reprÄsentatif.
Et l'on voit mal la diffÄrence
fondamentale qui existerait entre la
politique franâaise et celle que voulut
impulser Kennedy par le biais de l'Alliance
pour le ProgrÉs. Cependant, si les relations
avec la GuinÄe ont pu paraãtre une
anticipation sur le conflit amÄricano-cubain,
l'erreur ne s'est pas reproduite au Congo
Brazzaville.
Mais là n'est pas l'essentiel. Le centre
mÖme de l'intÄrÖt que suscite la politique
ÄtrangÉre gaulliste tient à son attitude
d'indÄpendance à l'Ägard des çtats-unis.
Que ce soit sur l'Affaire vietnamienne,
à l'occasion de la reconnaissance de la
Chine Populaire, au sujet de l'OTAN, la
diplomatie gaulliste n'a cessÄ de s'efforcer
de contrecarrer la politique amÄricaine au
nom d'une indÄpendance nationale de
conception toute maurassienne.
Dans cette conception, la force militaire
Ätant la base de l'existence nationale, toute
la politique ÄtrangÉre repose sur la
constitution d'une Force de Frappe.
Force à laquelle on attribue un double
rále : dÄfensif en dÄcourageant l'agresseur
Äventuel, elle vise aussi à servir de
dÄtonateur de la force nuclÄaire amÄricaine.
C'est dire, que, du fait de l'insuffisance des
moyens Äconomiques purement nationaux,
la force de frappe n'a d'utilitÄ que dans un
cadre proprement atlantique.
On comprend mieux la fidÄlitÄ du
gÄnÄral à l'Alliance Atlantique et son
hostilitÄ à l'organisation militaire intÄgrÄe
(OTAN) oÑ il verrait fondre ses forces
armÄes, nationales : l'ambiguétÄ ne fait
qu'augmenter car de Gaulle se dÄfinit
toujours comme membre de l'Alliance
Atlantique et le retrait de l'OTAN
n'interviendra qu'en 1969.
Cette indÄpendance militaire atomique
ne pourrait Ötre assumÄe que par une entitÄ
politique de stature Äconomique mondiale,
telle qu'une Europe intÄgrÄe que le gÄnÄral,
dans sa poursuite de l'affirmation du fait
national, rejette.
C'est ainsi que l'on doit comprendre la
crise actuelle du MarchÄ Commun et la
volontÄ de retour sur les aspects supranationaux
du TraitÄ de Rome. Or, dans son
effort pour bètir une Europe des patries oÑ
la diplomatie franâaise aurait une place
privilÄgiÄe, de Gaulle ne cesse de
collectionner les Ächecs. Sa volontÄ d'une
"belle et bonne alliance" franco-allemande,
dominant l'Europe, n'a abouti qu'à
renforcer l'emprise amÄricaine sur la
RÄpublique FÄdÄrale.
De mÖme le gouvernement, tout en
menant une politique extÄrieure hostile aux
amÄricains, a-t-il laissÄ leurs firmes
s'implanter dans les secteurs de pointe de
notre Äconomie (voir Machines Bull, Simca
...).
Seul, le refus gaulliste de l'entrÄe de
l'Angleterre avant qu'elle ait rompu ses liens
de subordination Äconomique aux çtatsunis
paraãt cohÄrent avec la volontÄ
politique d'indÄpendance de de Gaulle.
Pour la Chine, il est Ävidemment positif
que Paris se soit, quinze ans aprÉs les
Anglais, dÄcidÄ à reconnaãtre comme tel le
gouvernement du pays le plus peuplÄ de la
planÉte. On peut malheureusement

emarquer que les deux pays sont
essentiellement d'accord pour empÖcher le
dÄsarmement atomique. Mais les systÉmes
politiques sont trop diffÄrents pour avoir de
commun plus que des refus. Et puis l'on
connaãt la suprÖme injure faite au chef de
l'Etat par les Chinois : "La France, c'est un
si petit pays".
Quelle attitude doit alors adopter le
courant de renouveau socialiste ?
Deux tentations sont Ävidentes :
la premiÉre part du fait que la politique
ÄtrangÉre du gaullisme sert les mouvements
du Tiers-monde et s'oppose à l'impÄrialisme
yankee.
De Gaulle se dira –t-on alors, c'est le
moindre mal. C'est le choix, il faut bien le
dire (hÄlas) que fera, en absence de vÄritable
alternative, une partie de l'Älectorat de
gauche le 5 dÄcembre.
Selon l'autre optique, de Gaulle Ätant
rÄactionnaire, il convient de le contrer, et ce
sur tous les points :
de Gaulle est contre les USA ? Eh bien
dÄfendons-les. Il aide l'AlgÄrie ? Eh bien,
dÄfendons les thÉses cartiÄristes : telle est
l'attitude de la SFIO. En fait ces deux
attitudes font le jeu du gaullisme. C'est dans
la mesure oÑ nous saurons dÄfinir une
politique ÄtrangÉre commune basÄe sur le
neutralisme positif, le dÄsengagement de
l'Europe vis à vis de tous les blocs
militaires, l'instauration d'une vÄritable aide
aux pays sous-dÄveloppÄs en leur
consacrant les ressources dÄgagÄes par un
dÄsarmement gÄnÄral, que la gauche pourra
contester de faâon efficace la politique
gaulliste.
RenÄe Berâot.