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19990210_communicati.. - Académie d'Agriculture de France

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RÉSUMÉ<br />

SURFACES RÉACTIVES ET RAISONNEMENT<br />

DE QUELQUES PROPRIÉTÉS CHIMIQUES DES SOLS ACIDES<br />

par Jean-Luc Julien (*) et André Turpin (**)<br />

(note présentée par Jean-Luc Julien)<br />

Le pHeau d’un échantillon <strong>de</strong> terre résulte du bilan <strong>de</strong> la réaction avec l’eau, soit sur un temps court, <strong>de</strong>s entités pouvant soit donner <strong>de</strong>s<br />

H+ (aci<strong>de</strong>s), soit fixer <strong>de</strong>s H+ (basiques). Ces entités sont, d’une part, les surfaces réactives <strong>de</strong> la matrice organo-minérale et, d’autre part, les<br />

ions compensateurs <strong>de</strong>s sites positifs ou négatifs <strong>de</strong> ces surfaces, en équilibre avec les ions en solution. Pour les sols aci<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s régions<br />

tempérées, la charge intrinsèque <strong>de</strong>s surfaces <strong>de</strong>meure négative. On distingue les charges permanentes, toujours négatives, <strong>de</strong> basicité<br />

négligeable et les sites à charges variables schématiquement sous trois états :<br />

i) négatifs et basiques, ii) neutres aci<strong>de</strong>s (matières organiques) ou amphotères (oxyhydroxy<strong>de</strong>s), iii) positifs et aci<strong>de</strong>s. Pour les cations<br />

compensateurs, on peut les classer en <strong>de</strong>ux groupes: les cations d’acidité négligeable (Ca2+, Mg2+, K+, Na+) et les cations d’acidité forte à<br />

moyenne (ions <strong>de</strong> l’aluminium principalement). Il est vérifié que les cations d’acidité négligeable (CAN) ne jouent aucun rôle sur le pH si ce<br />

n’est <strong>de</strong> permettre aux sites négatifs correspondants <strong>de</strong> la matrice organo-minérale d’exprimer leur basicité. Pour <strong>de</strong>s pHeau supérieurs à 5,8,<br />

les sites négatifs sont saturés à 100 % par les CAN. Pour les pHeau inférieurs à 5,8, le taux <strong>de</strong> saturation <strong>de</strong> ces mêmes sites par les CAN est<br />

très variable. L’utilisation conjointe <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> mesure <strong>de</strong> la capacité d’échange en cations, l’une au pH du sol (CECE), l’autre à pH<br />

= 7 (CEC7) permet <strong>de</strong> caractériser grossièrement l’état <strong>de</strong>s surfaces réactives et leur contribution au pH <strong>de</strong> l’échantillon. La détermination<br />

systématique <strong>de</strong>s charges permanentes serait souhaitable pour déduire <strong>de</strong> la CECE les sites négatifs <strong>de</strong> basicité négligeable. Il <strong>de</strong>vrait alors<br />

être possible <strong>de</strong> déterminer plus précisément la relation entre pH et état <strong>de</strong>s surfaces à charge variable.<br />

Mots clés : capacité d’échange ionique, cation, sol aci<strong>de</strong>, propriété physicochimique du sol, amen<strong>de</strong>ment du sol, amen<strong>de</strong>ment calcique.<br />

INTRODUCTION<br />

Le rôle <strong>de</strong>s ions H + et <strong>de</strong>s ions <strong>de</strong> l’aluminium sur la réaction aci<strong>de</strong> d’un sol est bien connu. Quel peut être<br />

l’intérêt d’analyser plus en détail les relations entre les caractéristiques <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong> surface <strong>de</strong>s constituants, les<br />

cations échangeables et le pH ? Une compréhension accrue <strong>de</strong>s effets directs du chaulage sur le sol est le<br />

premier objectif <strong>de</strong> cet article.<br />

L’exposé précé<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> L. Charlet nous rappelle que, dans les sols aci<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s régions tempérées, la charge<br />

intrinsèque <strong>de</strong>s surfaces <strong>de</strong>meure négative ; cette charge est équilibrée par <strong>de</strong>s cations compensateurs plus ou<br />

moins échangeables (10). Les sites négatifs, comme tout anion, sont susceptibles <strong>de</strong> fixer <strong>de</strong>s ions H + ; les sites<br />

d’échange <strong>de</strong> cations ont, <strong>de</strong> ce fait, la fonction basique, qu’il s’agisse <strong>de</strong>s minéraux ou <strong>de</strong>s matières organiques.<br />

Or, l’idée inverse est souvent exprimée dans les ouvrages <strong>de</strong> référence. En revanche, les cations compensateurs<br />

<strong>de</strong> cette charge possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s propriétés aci<strong>de</strong>s plus ou moins marquées et nous verrons plus loin que l’acidité<br />

<strong>de</strong> Ca 2+ , Mg 2+ , Na + et K + est négligeable. Là encore prévaut une opinion qui n’a pas cours uniquement dans<br />

les milieux agricoles, à savoir que l’on raisonne, à tort, en termes <strong>de</strong> “cations basiques” (7, 9, 14). Ces confusions<br />

nuisent à la compréhension <strong>de</strong>s phénomènes d’acidification et d’alcalinisation dans les sols.<br />

Le <strong>de</strong>uxième objectif <strong>de</strong> cette note est ainsi <strong>de</strong> clarifier l’application <strong>de</strong> quelques notions simples <strong>de</strong> chimie à<br />

un milieu complexe : le sol. Après un rappel <strong>de</strong>s définitions <strong>de</strong>s aci<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s bases, les propriétés acidobasiques<br />

<strong>de</strong>s constituants du sol seront passées en revue. Une série d’analyses d’échantillons <strong>de</strong> sols cultivés<br />

permettra d’illustrer les relations entre le pH, les surfaces réactives et les ions adsorbés. Dans la conclusion,<br />

nous proposerons une représentation du sol aci<strong>de</strong> mieux adaptée à la compréhension <strong>de</strong> l’origine <strong>de</strong> l’acidité et<br />

<strong>de</strong>s effets du chaulage.<br />

1. PROPRIÉTÉS ACIDO-BASIQUES<br />

DES PRINCIPAUX CONSTITUANTS DU SOL<br />

1.1. Propriétés acido-basiques <strong>de</strong>s ions en solution<br />

Les définitions les plus simples <strong>de</strong>s aci<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s bases sont celles <strong>de</strong> Bronsted : un aci<strong>de</strong> est une entité<br />

(molécule, ion....) susceptible <strong>de</strong> donner un proton H + . Une base est une entité (molécule, ion ...) susceptible <strong>de</strong><br />

fixer un proton H + . L’équation 1, écrite en prenant Ca2+ pour exemple, montre que tout cation métallique en<br />

solution aqueuse est un aci<strong>de</strong> secondaire <strong>de</strong> Bronsted :<br />

Ca(H 2 O) n 2+ Ca(OH)(H2 O) (n-1) + + H + Éq [1]


La constante <strong>de</strong> cet équilibre est égale à 10 -12,7 , soit un pKa <strong>de</strong> 12,7, ce qui correspond à une production <strong>de</strong><br />

H + extrêmement faible dans le milieu (16). Ainsi Ca 2+ est un aci<strong>de</strong> <strong>de</strong> force négligeable. Il en est<br />

<strong>de</strong> même <strong>de</strong>s cations Mg 2+ , K + et Na + . À l’opposé dans l’échelle d’acidité en solution aqueuse se trouve Fe 3+<br />

dont l’acidité est forte, puisque son pKa = 1,9, tandis que Al 3+ est en position intermédiaire avec un pKa = 5,1.<br />

Toujours dans l’eau, les anions Cl - , NO 3 - et SO4 2- sont <strong>de</strong>s bases puisqu’ils peuvent fixer H + , mais leur force est<br />

négligeable puisque l’expérience montre que cette fixation est très limitée.<br />

Quel peut être l’intérêt <strong>de</strong> rappeler que Ca 2+ est un cation d’acidité négligeable ? Autrement dit, d’où vient le<br />

fait qu’un pH élevé soit souvent associé à une forte proportion <strong>de</strong> calcium échangeable, alors que ce <strong>de</strong>rnier ne<br />

peut pas être basique ?<br />

1.2. Propriétés acido-basiques <strong>de</strong>s surfaces réactives<br />

Dans les sols <strong>de</strong>s régions tempérées, les constituants minéraux et organiques possè<strong>de</strong>nt une charge<br />

intrinsèque négative. D’après les définitions <strong>de</strong> Bronsted, ces anions ont <strong>de</strong>s propriétés basiques. Si les cations<br />

adsorbés ont une acidité importante, ils neutralisent les sites <strong>de</strong> forte basicité, et réciproquement (21). Au<br />

contraire, si les cations adsorbés ont une acidité négligeable, comme Ca 2+ , l’échangeur peut exprimer sa<br />

basicité, fonction du nombre <strong>de</strong> sites concernés et <strong>de</strong> leur basicité.<br />

Depuis une vingtaine d’années, les propriétés acido-basiques <strong>de</strong>s différents sites <strong>de</strong> surface présents dans<br />

les sols aci<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s régions tempérées ont été bien étudiées (19, 20) :<br />

– les sites à charges permanentes : ces charges, toujours négatives, sont dues à <strong>de</strong>s substitutions<br />

isomorphiques au sein du réseau cristallin <strong>de</strong> certains phyllosilicates. Leur quantité est indépendante <strong>de</strong> la force<br />

ionique, d’une part, et, d’autre part, du pH car ils ont une basicité négligeable ;<br />

– les sites à charges variables : ils se rencontrent en bordure <strong>de</strong>s feuillets <strong>de</strong>s phyllosilicates, mais aussi sur<br />

les oxy<strong>de</strong>s et les matières organiques. Étant donné que leur acidité ou leur basicité peut être notable, nous les<br />

représenterons schématiquement sous trois états :<br />

SO - , site basique ;<br />

SOH, site neutre, aci<strong>de</strong> (matière organique) ou amphotère (oxyhydroxy<strong>de</strong>s)…;<br />

SOH 2+ , site aci<strong>de</strong>.<br />

1.3. Propriétés acido-basiques d’un échantillon<br />

Le pH d’un échantillon <strong>de</strong> terre résulte du bilan <strong>de</strong> la réaction avec l’eau, sur un temps court, <strong>de</strong>s entités (sites<br />

<strong>de</strong> surface, ions) pouvant soit donner <strong>de</strong>s H + , soit accepter <strong>de</strong>s H + . Le pH dépend : (i) <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>s différentes<br />

entités et (ii) <strong>de</strong> leur acidité et leur basicité respectives. Il est inutile <strong>de</strong> prendre en compte <strong>de</strong>s entités d’acidité ou<br />

<strong>de</strong> basicité négligeables.<br />

Si l’on s’en tient, pour simplifier, aux sites <strong>de</strong> surface négatifs ou neutres et aux cations franchement aci<strong>de</strong>s,<br />

notés M 3+ , les trois équilibres suivants résument le bilan acido-basique :<br />

SOH SO - + H + [Éq. 2]<br />

[(SO - ) 3 M 3+ ] 3SO - + M 3+ [Éq. 3]<br />

M 3+ + 3H 2 O M(OH) 3 + 3H + [Éq. 4]<br />

Lors d’un apport <strong>de</strong> H + dans le milieu, dû à l’activité biologique par exemple, l’acidification se traduit par le<br />

déplacement <strong>de</strong>s équilibres vers la gauche. Inversement, lors d’une consommation <strong>de</strong> H + pouvant être due à un<br />

apport <strong>de</strong> HO - (ou CO 3 2- ,...), l’alcalinisation se traduit par un déplacement <strong>de</strong>s équilibres vers la droite.<br />

Quel est l’intérêt <strong>de</strong> ces rappels théoriques pour le praticien, l’agronome ou le pédologue ? En particulier, les<br />

différents paramètres <strong>de</strong>s équations 2, 3 et 4 peuvent-ils être estimés à partir <strong>de</strong>s analyses classiques <strong>de</strong> terre?<br />

Pour en discuter, nous nous appuierons sur les résultats d’analyse d’une série d’échantillons <strong>de</strong> sols <strong>de</strong> nature<br />

variée.<br />

2. SIGNIFICATION DES MESURES DE CEC<br />

Trente-cinq échantillons ont été prélevés dans l’horizon superficiel <strong>de</strong> sols cultivés du sud <strong>de</strong> la <strong>France</strong> et<br />

analysés dans un laboratoire accrédité avec les métho<strong>de</strong>s normalisées (ISO). Le pH eau a été déterminé avec le<br />

rapport 1/5 en volume (3). Les cations échangeables ont été extraits à l’acétate d’ammonium (1). Deux métho<strong>de</strong>s


ont été utilisées pour déterminer la capacité d’échange <strong>de</strong> cations : la CEC Metson à pH = 7 (CEC 7 ) déterminée<br />

en présence d’une solution d’acétate d’ammonium (2) et la CEC effective au pH du sol (CEC E ) avec la métho<strong>de</strong><br />

au BaCl 2 non tamponné (4). On notera que, le pH se rapportant à un volume, ces conditions standardisées<br />

introduisent un biais dû à la <strong>de</strong>nsité apparente très variée <strong>de</strong>s échantillons : les concentrations en terre sont<br />

différentes d’un échantillon à l’autre.<br />

La métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> détermination <strong>de</strong> la CEC la plus utilisée en <strong>France</strong> est la métho<strong>de</strong> Metson, à pH = 7 (CEC7 ).<br />

La CEC7 figure d’ailleurs en bonne place dans les bases <strong>de</strong> données sols, en particulier celle <strong>de</strong> la carte<br />

pédologique <strong>de</strong> <strong>France</strong>. Les métho<strong>de</strong>s au “pH du sol ” ne se sont développées que récemment (4, 11). L. Charlet<br />

nous a précisé les différences entre les métho<strong>de</strong>s : caractéristiques du cation saturant, nature <strong>de</strong>s sites dosés<br />

(10). La principale différence est due au fait que, lors <strong>de</strong> la mesure <strong>de</strong> la CEC au “pH du sol ”, le baryum ne peut<br />

pas déplacer les atomes H <strong>de</strong>s sites SOH : ces H ne sont pas échangeables. G.H. Bolt précise qu’ils font partie<br />

<strong>de</strong>s surfaces elles-mêmes, sur lesquelles ils sont liés par covalence (5, 8, 20). En revanche, lors <strong>de</strong> la mesure à<br />

pH = 7, l’ion acétate déprotone une partie <strong>de</strong>s sites SOH présents à la surface <strong>de</strong>s constituants (équation 2) et<br />

précipite une partie <strong>de</strong>s ions <strong>de</strong> l’aluminium et du fer (équations 3 et 4)(13). Les sites basiques SO- ainsi obtenus<br />

permettent aux cations ammonium <strong>de</strong> s’adsorber en plus gran<strong>de</strong> quantité. La différence (CEC7 - CECE ) est une<br />

mesure <strong>de</strong> ces nouveaux sites. Cette différence est principalement fonction <strong>de</strong> l’écart entre le “pH du sol ” et le<br />

pH = 7 et <strong>de</strong> la teneur en matière organique (12).<br />

Les résultats d’analyse <strong>de</strong> ces échantillons couvrent une large gamme <strong>de</strong> valeurs (tableau 1).<br />

2.1. Relation entre le “pH du sol” et le rapport CECE /CEC7 Le rapport CECE /CEC7 part <strong>de</strong> l’hypothèse d’un continuum <strong>de</strong> couples aci<strong>de</strong>/base <strong>de</strong> pK régulièrement<br />

répartis et <strong>de</strong> concentrations égales. La figure 1 montre que ce rapport CECE /CEC7 a tendance à varier comme<br />

le pH. Cela traduit la basicité <strong>de</strong> certains <strong>de</strong>s sites qui sont négatifs au pH du sol.<br />

2.2. Relation entre le “pH du sol” et les cations échangeables<br />

(figure 2)<br />

La nature basique <strong>de</strong>s sites d’échange <strong>de</strong> cations étant établie, quel est le rôle spécifique <strong>de</strong>s cations<br />

échangeables ? La relation entre le pH et le taux <strong>de</strong> saturation effectif <strong>de</strong> la CEC E du sol par la somme <strong>de</strong>s<br />

cations d’acidité négligeable, Scan, peut apparaître surprenante. Elle confirme cependant <strong>de</strong>s résultats obtenus<br />

par ailleurs (13, 15, 17, 18, 22).<br />

Pour <strong>de</strong>s pH variant <strong>de</strong> 5,8 à 7, la CEC E est saturée à 100% par ces cations (Ca 2+ , Mg 2+ , K + et Na + ). Les<br />

points sont alors alignés sur une droite (A) <strong>de</strong> pente nulle, avec <strong>de</strong>s quantités extrêmement variables <strong>de</strong> cations<br />

échangeables, <strong>de</strong> 4 à 25 cmolc.kg -1 , sans aucune relation avec le pH. Or, ces cations ne jouent aucun rôle sur le<br />

pH, si ce n’est <strong>de</strong> permettre aux sites négatifs correspondants d’exprimer leur basicité. Une conclusion s’impose :<br />

la quantité <strong>de</strong> ces sites négatifs, gran<strong>de</strong>ur extensive, ne suffit pas à expliquer le pH ; il faut connaître leur basicité,<br />

gran<strong>de</strong>ur intensive<br />

Pour les pH inférieurs à 5,8, le taux <strong>de</strong> saturation <strong>de</strong> la CEC E par<br />

les cations d’acidité négligeable baisse pour une diminution <strong>de</strong> pH<br />

variable suivant les sols. Le pH est un piètre indicateur <strong>de</strong> la proportion <strong>de</strong>s différents cations échangeables, en<br />

particulier <strong>de</strong>s cations <strong>de</strong> l’aluminium.<br />

2.3. Relation entre le pH et les surfaces réactives (figure 3)<br />

Les <strong>de</strong>ux paragraphes précé<strong>de</strong>nts montrent une certaine relation entre le pH, la nature <strong>de</strong>s surfaces<br />

(minéraux ou matière organique), l’état <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong> ces surfaces (ionisé ou neutre) et les cations compensateurs.<br />

Dans l’hypothèse d’un aci<strong>de</strong> mono ou polyprotique (6,18), on pourrait espérer une relation entre le pH et le<br />

logarithme <strong>de</strong> (CEC 7 - CEC E ) / CEC E , puisque dans le numérateur figurent les sites neutres aci<strong>de</strong>s, tandis que<br />

le dénominateur correspond aux sites négatifs, donc basiques. Mais cette relation n’est pas bonne pour les<br />

raisons suivantes :<br />

– l’influence <strong>de</strong>s sites SOH sur le pH du sol n’est pas limitée aux<br />

seuls SOH déprotonés à pH = 7 : l’erreur est d’autant plus gran<strong>de</strong> que (CEC 7 - CEC E ) est proche <strong>de</strong> 0 ;<br />

– la CEC E comprend les charges permanentes, <strong>de</strong> basicité négligeable, dont il ne faudrait pas tenir compte ;<br />

– la différence (CEC 7 - CEC E ) ne comprend pas que <strong>de</strong>s sites SOH, mais aussi <strong>de</strong>s sites négatifs complexés<br />

avec <strong>de</strong>s cations d’acidités diverses.<br />

– lorsque le pH est inférieur à 5,8, il faut tenir compte <strong>de</strong>s ions <strong>de</strong> l’aluminium en solution.


Malgré les restrictions vues précé<strong>de</strong>mment, nous avons pris comme variable explicative du pH le log ((CEC 7 -<br />

CEC E )/CEC E (figure 3). Connaissant a priori l’importance <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> l’aluminium en solution sur le pH, seuls<br />

les échantillons avec un pH supérieur à 5,5 ont été retenus. Les échantillons dont la différence (CEC 7 - CEC E )<br />

est négative ont dû être écartés <strong>de</strong> la régression. La valeur du coefficient <strong>de</strong> corrélation R 2 reste élevée (0,65) et<br />

l’écart-type résiduel faible (0,24).<br />

Cela semble montrer que, pour une gamme étendue <strong>de</strong> pH (5,5 à au moins 7), les couples aci<strong>de</strong>/base<br />

constitués par les sites à charge variable sont le facteur prépondérant <strong>de</strong>s propriétés acido-basiques du sol.<br />

Si la CEC E dépend du nombre <strong>de</strong> charges négatives permanentes, <strong>de</strong> basicité négligeable, elle est aussi<br />

fonction <strong>de</strong>s charges SO - , <strong>de</strong> basicité beaucoup plus forte, dont la proportion croît en fonction du pH. Plus le<br />

matériau contient <strong>de</strong> sites à charges variables, plus la CEC E dépend du pH. Cela explique, malgré les<br />

restrictions évoquées précé<strong>de</strong>mment, les relations entre le pH, la CEC E et l’écart (CEC 7 - CEC E ).<br />

3. APPLICATION À LA CARACTÉRISATION<br />

DE L’ÉTAT PHYSICO-CHIMIQUE DES SOLS<br />

À partir <strong>de</strong>s données précé<strong>de</strong>ntes, il <strong>de</strong>vient possible <strong>de</strong> mieux caractériser le sol du point <strong>de</strong> vue<br />

géochimique et <strong>de</strong> raisonner le mo<strong>de</strong> d’action et les pratiques du chaulage.<br />

3.1. Mo<strong>de</strong> d’action d’un amen<strong>de</strong>ment basique<br />

La figure 4 schématise les effets d’un apport d’amen<strong>de</strong>ment basique calcique sur un sol. Les principaux<br />

mécanismes sont les suivants :<br />

(i) la base forte arrache à l’état <strong>de</strong> H + <strong>de</strong>s atomes H liés par covalence (équation 2). L’apport d’une base forte<br />

(HO - , CO 3 2-… ) diminue donc le nombre <strong>de</strong> sites neutres, les transformant en sites chargés négative-<br />

ment : c’est une création <strong>de</strong> charges négatives basiques ;<br />

(ii) la base forte provoque l’arrachement <strong>de</strong> cations d’acidité élevée complexés (Al) (équation 3). Les sites<br />

négatifs correspondants sont libérés ;<br />

(iii) la base précipite Al en solution (équation 4), ce qui entraîne une désorption <strong>de</strong> l’aluminium : c’est<br />

également une libération <strong>de</strong> charges négatives;<br />

(iv) cette désorption est favorisée par le mécanisme d’échange <strong>de</strong> cations Ca/Al.<br />

Le bilan <strong>de</strong> ces différents mécanismes est une adsorption supplémentaire <strong>de</strong> Ca 2+ qui est un indicateur <strong>de</strong>s<br />

créations et <strong>de</strong>s libérations <strong>de</strong> sites porteurs <strong>de</strong> charges négatives. Quant au pH, sa hausse est limitée car la<br />

quasi-totalité <strong>de</strong>s bases apportées est consommée par les trois premiers mécanismes cités.<br />

3.2. Détermination du besoin en chaux<br />

On peut penser utiliser la relation illustrée par la figure 1 pour calculer un besoin en chaux ou, mieux, un<br />

besoin en bases (BEB) puisque c’est la base qui est “active”. Si le pH souhaitable est 6,2, le rapport R = CEC E /<br />

CEC 7 peut être déterminé à partir <strong>de</strong> la régression déduite <strong>de</strong>s données (pH <strong>de</strong> 4,7 à 7,11):<br />

CEC / CEC = 0,32 . pH - 1,19 Éq.[5]<br />

E 7<br />

R = 0,8 pour un pH <strong>de</strong> 6,2<br />

L’augmentation <strong>de</strong> la CEC E due à l’augmentation du pH sera, les indices “i” et “s” se référant respectivement<br />

à l’état initial et à l’état souhaitable :<br />

CEC Es - CEC Ei = CEC 7 . (0,8 - R i ) avec R i = CEC Ei / CEC 7 Éq.[6]<br />

Cette approche présente l’avantage <strong>de</strong> tenir compte <strong>de</strong> l’augmentation <strong>de</strong> la CEC E due à l’apport d’une base<br />

forte. Soulignons que ce phénomène se produit quel que soit le pH (4,0 à 8,0). Cependant, il n’est pas tenu<br />

compte <strong>de</strong>s bases consommées, par exemple, par la précipitation <strong>de</strong> l’aluminium.<br />

Au-<strong>de</strong>là d’un pH = 5,8, la somme <strong>de</strong>s cations échangeables d’acidité négligeable, Scan, est égale à la CECE (figure 2). L’équation 6 peut<br />

alors être écrite <strong>de</strong> la manière suivante en admettant que le besoin en bases est principalement dû à<br />

l’augmentation <strong>de</strong> la CECE (BEB = CECEs - CECEi ) :<br />

BEB = CEC7 . (0,8 - (Scan / CEC7 )) Éq.[7]<br />

On retrouve ainsi une relation très utilisée, le rapport Scan/CEC7 , appelé malencontreusement “taux <strong>de</strong><br />

saturation <strong>de</strong> la CEC par les bases échangeables”.


L’équation 7 a trouvé <strong>de</strong> nombreuses applications pratiques pour les agriculteurs, sous forme d’abaque ou <strong>de</strong><br />

réglette <strong>de</strong> calcul <strong>de</strong> chaulage qui prennent en compte la CEC 7 mesurée avec la métho<strong>de</strong> Metson et la CEC E<br />

estimée à partir <strong>de</strong>s cations d’acidité négligeable. Cette métho<strong>de</strong> n’est bien entendu valable que lorsque le pH<br />

est supérieur à 5,8, ce qui est la majorité <strong>de</strong>s cas dans les sols cultivés. Il en serait autrement dans <strong>de</strong>s sols à pH<br />

beaucoup plus bas comme dans <strong>de</strong> nombreux sols forestiers ayant une forte quantité d’aluminium.<br />

4. SYNTHÈSE ET CONCLUSION<br />

La capacité d’échange <strong>de</strong> cations (CEC) constitue l’outil privilégié <strong>de</strong> caractérisation <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong> surface<br />

<strong>de</strong>s sols. Il existe <strong>de</strong>ux grands groupes <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s : (i) celles qui sont fondées sur une mesure à un pH<br />

déterminé, (ii) celles qui reposent sur une mesure “au pH du sol” et qui n’imposent pas le pH.<br />

Les métho<strong>de</strong>s reposant sur la détermination <strong>de</strong> la CEC à un pH donné, par exemple à pH = 7, permettent <strong>de</strong><br />

comparer <strong>de</strong>s matériaux sur <strong>de</strong>s bases standards. Elles donnent une estimation <strong>de</strong> la charge négative potentielle<br />

<strong>de</strong> la surface totale réactive développée par le matériau.<br />

Les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> détermination “au pH du sol “mesurent la charge négative réellement active pour l’échange<br />

<strong>de</strong> cations, c’est-à-dire la capacité d’échange effective <strong>de</strong> cations du sol, CEC E . Cette CEC E dépend <strong>de</strong><br />

l’environnement géochimique, en particulier du pH. L’utilisation conjointe <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s permet<br />

ainsi <strong>de</strong> suivre, sur un sol donné, l’évolution <strong>de</strong> cet environnement à l’échelle annuelle ou pluriannuelle.<br />

L’interprétation <strong>de</strong> la proportion <strong>de</strong>s différents types <strong>de</strong> cations échangeables doit se faire à partir <strong>de</strong> la<br />

détermination <strong>de</strong> la CEC E et pas <strong>de</strong> la CEC 7 . Les sols avec un pH supérieur à 5,8 sont saturés avec les quatre<br />

principaux cations d’acidité négligeable (Ca 2+ , Mg 2+ , Na + , K + ). Dès lors que le pH <strong>de</strong>scend en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> ce<br />

seuil <strong>de</strong> 5,8, <strong>de</strong>s variations considérables <strong>de</strong> la proportion <strong>de</strong>s cations d’acidité négligeable peuvent être<br />

observées pour <strong>de</strong>s variations très faibles <strong>de</strong> pH.<br />

Le raisonnement du chaulage peut être fondé sur le déficit en cations d’acidité négligeable par rapport à la<br />

CEC 7 si le pH est supérieur à 5,8. Pour les sols <strong>de</strong> pH < 5,8, il faut tenir compte à la fois <strong>de</strong> la modification <strong>de</strong><br />

l’état <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong>s surfaces réactives et <strong>de</strong>s cations <strong>de</strong> l’aluminium. Dans tous les cas <strong>de</strong> figure, le chaulage peut<br />

doubler, voire tripler, la CEC E du sol. Le schéma d’action d’un apport d’amen<strong>de</strong>ment basique présenté doit ai<strong>de</strong>r<br />

à structurer l’interprétation.<br />

Pour approfondir cette question, les techniques analytiques présentées par L. Charlet (10) semblent la voie à<br />

suivre. Des relations claires sont à établir entre ces techniques et les métho<strong>de</strong>s type CEC Metson, BaCl 2 ou<br />

cobaltihexamine. Une métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> routine <strong>de</strong> détermination<br />

<strong>de</strong>s charges permanentes serait utile pour mieux caractériser les sites négatifs.<br />

Le Groupe Chaulage du COMIFER œuvre en la matière pour clarifier les concepts utilisés et développer <strong>de</strong>s<br />

outils pertinents <strong>de</strong> conseil en chaulage : la nature et l’état <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong>s surfaces réactives sont un préalable<br />

indispensable à une bonne compréhension <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> l’acidification ou du chaulage. Les applications ne sont<br />

pas limitées au seul chaulage : nous citerons, pour exemple, les étu<strong>de</strong>s sur la mobilité <strong>de</strong>s métaux dans les sols,<br />

objectifs qui dépassent naturellement le cadre <strong>de</strong> cette note. Cette démarche globale <strong>de</strong> caractérisation <strong>de</strong>s sols<br />

pourrait être impulsée par l’<strong>Académie</strong> d’Agriculture <strong>de</strong> <strong>France</strong>.<br />

Les analyses ont été réalisées par le Laboratoire départemental d’Analyses <strong>de</strong> l’Aveyron dans le cadre d’une<br />

étu<strong>de</strong> financée par la Société <strong>France</strong> Amen<strong>de</strong>ment et l’Association <strong>de</strong>s Laboratoires agroalimentaires du Sud<br />

Massif central.<br />

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

(1) AFNOR, 1992. – Norme NFX 31-108. Qualité <strong>de</strong>s sols. Détermination <strong>de</strong>s cations extractibles par l’acétate d’ammonium. Métho<strong>de</strong> par agitation. 7 p..<br />

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(3) AFNOR, 1994. – Norme NF ISO 10390. Qualité du sol. Détermination du pH. 8 p..<br />

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(accepté le 10 février 1999)

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