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LA NOTITIA D'ANTIOCHE 71
On ne saurait davantage faire cas1 des conditions spéciales
dans lesquelles chaque pièce se présente à nous dans la tradition,
ici à l'état libre comme pièce séparée, là comme partie intégrante
d'une Géographie de la Pentarchie ou simplement comme élément
d'un recueil général ou partiel de Notitiae de tous âges et de toutes
régions. Il est normal que dès la basse époque d'où partent nos
copies la plus ancienne est du xne siècle la mode fût à ces
sortes de compilations2 qui, sous les Comnènes, dans une période
de grande expansion, pouvaient donner aux Byzantins l'image
séduisante du monde promis à leur effort de guerre. Les fou
droyantes campagnes de Basile II (t 1025) laissèrent dans l'ima
gination des Grecs une trace profonde ; jamais on ne rêva tant de
la conquête de l'univers qu'entre l'an mille et la catastrophe de
1204. Le goût pour des nomenclatures arides, plus faites pour
le xe siècle, est le fruit d'un impérialisme sûr de ses prochaines
conquêtes. Roger II de Sicile, dont le regard portait également
loin, commanda de frais en 1142-43 à un moine orthodoxe8 la
carte descriptive de la Chrétienté, un peu pour y placer à bon
escient ses coups d'épée. A Byzance, on n'avait que faire de son
exemple, car ce genre de littérature y avait connu au siècle précé
dent une vogue que le mouvement des croisades devait naturel
lement entretenir et stimuler. L'érudition du temps cherche, au
moment où le schisme de Cérulaire le déchire sans rémission, à
donner une image fidèle de Vorbis chrislianus. De vieux traités
comme la Récapitulation sont reproduits sans changement ou
remaniés ; le plus souvent, l'on se contente de juxt? poser ou de
coudre ensemble des catalogues depuis longtemps en circulation
et jouissant comme tels d'une existence autonome. Le vieux traité
de Basile de Ialimbana* resta le modèle du genre, à cette différence
que, la curiosité dérivant presque entièrement vers l'Est, le patriar
cat romain y est peu ou point décrit. Ceux d'Antioche, ou d'Alexand
rie et de Jérusalem y accompagnent en revanche celui de Cons
tantinople ou s'y présentent isolément.
Comme il est dit plus haut, ces groupements sont factices et
ne sauraient servir de base à une étude de filiation des textes,
intéressée essentiellement à la structure des documents et au
jeu de leurs variantes les plus suggestives. Dans sa rédaction la
(1) Voir infra, p. 85 suiv.
(2) Elle devait le rester longtemps comme en fait foi ce codex de 1 787 que le profes
seur N. Bänescu a bien voulu me présenter dernièrement et où se trouvent groupées,
sous huit titres difiérents, les principales Notiliae parues du ixe au xive siècles.
(3) Cf. V. Laurent, op. et loc. cit., 14-18.
(4) Cf. V. Laurent, La « Notitia » de Basile l'Arménien. Tradition manuscrite et
date de composition dans Échos d'Orient, XXXII, 1933, 439-472.