(1988) n°4 (PDF format) - Royal Academy for Overseas Sciences
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les débuts avec Homère, et se prolongent très loin, jusqu’aux n' et me siècles de notre<br />
ère» [1]*.<br />
Le monde ancien n’a cependant pas ignoré le problème du refus de la différence.<br />
Toutefois, il faut se garder de traduire anachroniquement les mots genos, ethnos et<br />
phulon en grec, gens et natio en latin, par le terme français «race» utilisé dans le sens<br />
que lui attribuaient des théories racistes aberrantes [2],<br />
Soulignons d’abord que les Grecs refusent d’admettre la diversité culturelle et<br />
appliquent aux populations hétérogènes une structure binaire antithétique et ethno-<br />
centrique en divisant l’ensemble de l’humanité en deux groupes inégaux : le monde<br />
grec et le monde barbare.<br />
Cette vision du monde, véritable canon durant toute l’Antiquité, a suscité, ainsi<br />
que le rappelle Michel Dubuisson [3], une réaction négative de Platon, qui déclare<br />
dans la Politique :<br />
... ils mettent en bloc toutes les autres races, alors qu’elles sont une infinité qui ne se<br />
mêlent ni ne s’entendent entre elles, et, parce qu’ils les qualifient du nom unique de<br />
Barbares, s’imaginent que, à les appeler ainsi d’un seul nom, ils en ont fait un seul<br />
genre [4].<br />
Le terme Barbaros s’applique à l’origine à ceux qui utilisent une langue incompréhensible,<br />
différente du grec, puis aux non-Grecs eux-mèmes. Après les guerres<br />
médiques, les Grecs se considérant comme supérieurs aux Perses, c’est-à-dire aux<br />
Barbares par excellence, ce terme prend le sens péjoratif que nous lui connaissons<br />
encore maintenant [5],<br />
Dans une brillante étude sur le vocabulaire grec de l’acculturation, Michel<br />
Dubuisson a analysé le sens de mixellên et de mixobarbaros. Ces deux termes sont<br />
complémentaires et signifient respectivement le Barbare en voie d’hellénisation<br />
culturelle et le Grec en voie de «barbarisation» ethnique. Mais, en revanche, on ne<br />
trouve aucun terme pour qualifier les Barbares devenant Grecs grâce au métissage<br />
ou les Grecs acquérant une culture barbare [6],<br />
Tout se passe, on le voit, comme s’il n’y avait qu’une seule culture digne de ce nom,<br />
l’état de Barbare étant identifié à l’absence de culture, et comme si l’acculturation ne se<br />
faisait qu’à sens unique ; quant au mélange des races, il n’apporte rien au Barbare et<br />
constitue une déchéance pour le Grec ; il est donc négatif en soi [7].<br />
Michel Dubuisson a également étudié les emplois d' exellènidzein et d’ekbarba-<br />
roun.<br />
Si exellènidzesthai désigne bien l’acquisition d’une culture, ekbarbarousthai ne lui<br />
correspond nullement sur ce plan. Il s’applique en fait soit à une soumission <strong>for</strong>cée au<br />
Barbare, plus <strong>for</strong>t politiquement ou militairement, soit à la perte ou à la détérioration de<br />
sa propre culture — que ce phénomène soit dû ou non d’ailleurs à l’influence étrangère.<br />
Vexellènisis est bien une acculturation ; l’ekbarbarôsis, en revanche est une décultura<br />
tion [8],<br />
* Les chiffres entre crochets [ ] renvoient aux notes et réferences, pp. 588-592