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(1988) n°4 (PDF format) - Royal Academy for Overseas Sciences

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— 577 —<br />

les débuts avec Homère, et se prolongent très loin, jusqu’aux n' et me siècles de notre<br />

ère» [1]*.<br />

Le monde ancien n’a cependant pas ignoré le problème du refus de la différence.<br />

Toutefois, il faut se garder de traduire anachroniquement les mots genos, ethnos et<br />

phulon en grec, gens et natio en latin, par le terme français «race» utilisé dans le sens<br />

que lui attribuaient des théories racistes aberrantes [2],<br />

Soulignons d’abord que les Grecs refusent d’admettre la diversité culturelle et<br />

appliquent aux populations hétérogènes une structure binaire antithétique et ethno-<br />

centrique en divisant l’ensemble de l’humanité en deux groupes inégaux : le monde<br />

grec et le monde barbare.<br />

Cette vision du monde, véritable canon durant toute l’Antiquité, a suscité, ainsi<br />

que le rappelle Michel Dubuisson [3], une réaction négative de Platon, qui déclare<br />

dans la Politique :<br />

... ils mettent en bloc toutes les autres races, alors qu’elles sont une infinité qui ne se<br />

mêlent ni ne s’entendent entre elles, et, parce qu’ils les qualifient du nom unique de<br />

Barbares, s’imaginent que, à les appeler ainsi d’un seul nom, ils en ont fait un seul<br />

genre [4].<br />

Le terme Barbaros s’applique à l’origine à ceux qui utilisent une langue incompréhensible,<br />

différente du grec, puis aux non-Grecs eux-mèmes. Après les guerres<br />

médiques, les Grecs se considérant comme supérieurs aux Perses, c’est-à-dire aux<br />

Barbares par excellence, ce terme prend le sens péjoratif que nous lui connaissons<br />

encore maintenant [5],<br />

Dans une brillante étude sur le vocabulaire grec de l’acculturation, Michel<br />

Dubuisson a analysé le sens de mixellên et de mixobarbaros. Ces deux termes sont<br />

complémentaires et signifient respectivement le Barbare en voie d’hellénisation<br />

culturelle et le Grec en voie de «barbarisation» ethnique. Mais, en revanche, on ne<br />

trouve aucun terme pour qualifier les Barbares devenant Grecs grâce au métissage<br />

ou les Grecs acquérant une culture barbare [6],<br />

Tout se passe, on le voit, comme s’il n’y avait qu’une seule culture digne de ce nom,<br />

l’état de Barbare étant identifié à l’absence de culture, et comme si l’acculturation ne se<br />

faisait qu’à sens unique ; quant au mélange des races, il n’apporte rien au Barbare et<br />

constitue une déchéance pour le Grec ; il est donc négatif en soi [7].<br />

Michel Dubuisson a également étudié les emplois d' exellènidzein et d’ekbarba-<br />

roun.<br />

Si exellènidzesthai désigne bien l’acquisition d’une culture, ekbarbarousthai ne lui<br />

correspond nullement sur ce plan. Il s’applique en fait soit à une soumission <strong>for</strong>cée au<br />

Barbare, plus <strong>for</strong>t politiquement ou militairement, soit à la perte ou à la détérioration de<br />

sa propre culture — que ce phénomène soit dû ou non d’ailleurs à l’influence étrangère.<br />

Vexellènisis est bien une acculturation ; l’ekbarbarôsis, en revanche est une décultura­<br />

tion [8],<br />

* Les chiffres entre crochets [ ] renvoient aux notes et réferences, pp. 588-592

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