(1988) n°4 (PDF format) - Royal Academy for Overseas Sciences
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Rome réalise la fusion ethnique et l’assimilation juridique des peuples conquis au<br />
peuple conquérant. En 212, l’Édit de Caracalla accorde le droit de cité à tous les<br />
hommes libres de l’Empire, à l’exception des dediticii.<br />
Raoul Lonis souligne que l’approche mythique des Romains à l’égard des<br />
Ethiopiens se retrouve dans certaines œuvres d’inspiration romanesque vraisemblablement<br />
composées au me siècle de notre ère comme les Ethiopiques d’Héliodore ou<br />
le Roman d ’Alexandre du Pseudo-Callisthène : l’Ethiopie y apparaît comme un pays<br />
merveilleux grâce à la fertilité de son sol et à la sagesse de ses habitants [71]. Raoul<br />
Lonis rappelle, cependant, que l’héroïne des Ethiopiques, Chariclée, est blanche,<br />
bien que née de parents éthiopiens :<br />
Héliodore imagine une explication qui vaut ce que valent d ’autres explications de ce<br />
roman fertile en phénomènes irrationnels : la reine Persinna, au m oment de s’unir avec<br />
son royal époux, aurait longuement contemplé un portrait d ’Androm ède accroché au<br />
mur de sa chambre et qui représentait, dans sa blanche nudité, le corps de cette<br />
héroïne [72].<br />
Ce trait semble avoir été emprunté au mythe d’Andromède à qui certaines<br />
traditions attribuaient la même particularité. Toutefois, le fait que l’héroïne ne soit<br />
pas noire ne nous amène pas, comme Raoul Lonis, à «penser que le public l’acceptait<br />
mieux ainsi» [73], Héliodore veut peut-être insister sur l’aspect semi-divin de son<br />
personnage.<br />
Dans le Roman d'Alexandre, la reine Candace écrit au conquérant avant de le<br />
connaître : «Ne porte pas un jugement défavorable sur notre couleur, car nous<br />
sommes plus blancs et plus resplendissants que les plus blancs de ceux qui sont<br />
auprès de toi» [74], Cette déclaration paraît bien montrer, comme le note Raoul<br />
Lonis, «l’existence d’un préjugé racial assez répandu, non point tant chez Alexandre<br />
et son entourage, que chez les contemporains et lecteurs du Pseudo-Calli-<br />
sthène» [75].<br />
En outre, il apparaît que, dans certains milieux romains, la couleur noire était<br />
considérée comme néfaste et que la vue d’un Ethiopien pouvait, dans certains cas,<br />
porter malheur [76].<br />
Le monde romain n’ignore donc pas le préjugé de couleur. Mais aucune loi n’y<br />
interdit les mariages et les relations sexuelles entre Blancs et Noirs. Le poète<br />
Properce estime qu’une femme noire possède autant de pouvoir de séduction qu’une<br />
femme d’une blancheur parfaite [77], Martial raffole d’une jeune fille plus noire que<br />
la nuit, que la fourmi, que la poix, alors qu’une jeune fille plus blanche que le cygne<br />
sans tache, que l’argent, que la neige, que le lys, recherche son amour [78].<br />
La question des croisements raciaux entre Blancs et Noirs dans le m onde gréco-<br />
romain — remarque F. M. Snowden — s’avère toutefois suffisamment importante pour<br />
qu’il soit digne de noter que la curiosité scientifique d ’Aristote à l’égard des phénomènes<br />
de transmission des caractères héréditaires fut partagée par Pline l'Ancien et Plutar-<br />
que [79], Grecs et Romains, les poètes ont chanté les dames à la peau noire ou sombre.<br />
Les unions interraciales étaient assez répandues sous l’Empire pour que, signe d ’adultère,