Hayom_37_last - Communauté Israélite Libérale de Genève
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encontre<br />
donnons du style<br />
à la vie<br />
<strong>Genève</strong>, 6 rue Cornavin<br />
www.manor.ch<br />
> Prix <strong>de</strong> la paix 2010 à David Grossman<br />
Hasard, ironie <strong>de</strong> l’actualité ou distinction à <strong>de</strong>ssein, toujours est-il que le 10 juin 2010, quelques jours seulement après<br />
la tragédie qui s’était déroulée au large <strong>de</strong> Gaza le 31 mai, David Grossman recevait le prestigieux «Prix <strong>de</strong> la paix» <strong>de</strong>s<br />
libraires allemands pour son engagement littéraire en faveur <strong>de</strong> la réconciliation israélo-palestinienne.<br />
L<br />
e jury <strong>de</strong> la plus haute distinction<br />
littéraire alleman<strong>de</strong><br />
justifiait ainsi le prix attribué<br />
à l’écrivain israélien: «Ce<br />
prix attribué à David Grossman honore<br />
un écrivain israélien qui œuvre<br />
activement pour la réconciliation entre<br />
Israéliens et Palestiniens. Dans ses romans,<br />
ses essais et ses nouvelles, il essaie<br />
<strong>de</strong> comprendre et <strong>de</strong> décrire non<br />
seulement sa propre position, mais<br />
également toujours celle <strong>de</strong> l’Autre.<br />
David Grossman donne une voix littéraire<br />
entendue dans le mon<strong>de</strong> entier<br />
à une difficile cohabitation. Ses<br />
livres montrent que la spirale <strong>de</strong> la<br />
violence, <strong>de</strong> la haine et <strong>de</strong> l’expulsion<br />
au Proche-Orient peut s’achever dans<br />
l’écoute, la modération et la puissance<br />
<strong>de</strong> la parole. Dans son ouvrage principal,<br />
«Ischa borachat me-bessora»<br />
(traduit en allemand «Eine Frau flieht<br />
vor einer Nachricht», mais malheureusement<br />
pas encore en français), David<br />
Grossman montre l’importance du<br />
langage dans la recherche <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité<br />
et met en gar<strong>de</strong> contre sa militarisation<br />
croissante. Il offre au milieu d’une réalité<br />
<strong>de</strong> l’arbitraire, <strong>de</strong> la contrainte et<br />
<strong>de</strong> l’aliénation, <strong>de</strong>s issues à l’état actuel<br />
<strong>de</strong> la société, qui se situe entre guerre<br />
et paix. Il a avant tout porté son regard<br />
sur les <strong>de</strong>ux côtés, les Arabes ainsi que<br />
les Juifs, pour tenter <strong>de</strong> construire un<br />
pont <strong>de</strong> compréhension qui doit précé<strong>de</strong>r<br />
toute paix véritable».<br />
Ce prix, <strong>de</strong> 25’000 €, lui sera remis,<br />
comme le veut la tradition, le <strong>de</strong>rnier<br />
jour <strong>de</strong> la Foire du livre <strong>de</strong> Francfort,<br />
en octobre. L’an <strong>de</strong>rnier, c’était<br />
l’écrivain italien Claudio Magris<br />
qui recevait ce prix qui a distingué<br />
durant les soixante années<br />
<strong>de</strong> son existence <strong>de</strong>s écrivains<br />
tels que Anselm<br />
Kiefer, Saul Friedlan<strong>de</strong>r,<br />
Orhan Pamuk, Susan<br />
Sontag, Jürgen Habermas,<br />
Martin Walser,<br />
Siegfried Lenz ou Amos<br />
Oz.<br />
David Grossman, «l’optimiste désespéré»<br />
Quelques jours seulement avant <strong>de</strong> recevoir<br />
ce prix, Grossman s’élevait dans<br />
les colonnes <strong>de</strong> la Frankfurter Allgemeine<br />
Zeitung contre l’assaut «brutal» <strong>de</strong> l’armée<br />
israélienne sur la flottille voulant<br />
se rendre à Gaza et dénonçait le blocus<br />
«immoral et inefficace» <strong>de</strong> la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
Gaza. Il y déplorait également l’état lamentable<br />
<strong>de</strong> la politique israélienne en<br />
général: «D’une certaine manière tout<br />
ce malheur, y compris les événements<br />
meurtriers <strong>de</strong> lundi matin, semble<br />
faire partie d’une décomposition généralisée.<br />
On a le sentiment d’un système<br />
pourri qui se gonfle compte tenu du<br />
bouillon qu’il s’est lui-même brassé en<br />
quelques décennies dans la panique, le<br />
désespoir <strong>de</strong> l’impossibilité <strong>de</strong> démêler<br />
l’imbroglio sans fin, <strong>de</strong> plus en plus<br />
pétrifié <strong>de</strong>vant les exigences urgentes<br />
d’une réalité complexe, et qui a <strong>de</strong>puis<br />
longtemps perdu la fraîcheur, l’origi-<br />
nalité et la créativité, dans lesquels Is-<br />
raël et les dirigeants israéliens avaient<br />
autrefois excellé». Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s en-<br />
quêtes indépendantes concernant la<br />
guerre <strong>de</strong> Gaza, appelle la classe poli-<br />
tique israélienne à lutter contre «<strong>de</strong>s<br />
réflexes conditionnés». Les mots sont<br />
durs et semblent être le produit d’une<br />
résignation à laquelle David Gross-<br />
man ne se laisse que rarement aller.<br />
Il dit lui-même qu’il «ne peu(t) pas<br />
s’offrir le luxe du désespoir». Il se dé-<br />
crit lui-même comme un «optimiste<br />
désespéré». Lorsque son fils est tué en<br />
2006 au Liban, Grossman ne se laisse<br />
pas aller au désespoir, il continue l’écri-<br />
ture du roman-fleuve qui lui vaut ce<br />
prix, épopée <strong>de</strong> l’histoire d’Israël, <strong>de</strong> la<br />
guerre <strong>de</strong>s Six Jours à celle du Liban <strong>de</strong><br />
2006, à travers la figure d’une femme,<br />
Ora (Lumière en hébreu), dont le plus<br />
jeune fils s’engage volontairement<br />
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