VISITE DE SARKOZY EN HAITI ! - Haiti Liberte
VISITE DE SARKOZY EN HAITI ! - Haiti Liberte
VISITE DE SARKOZY EN HAITI ! - Haiti Liberte
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LIBERTE<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 <strong>Haiti</strong>: 10gdes / USA: $1.00 / France 1.50 / Canada: $1.50<br />
<strong>HAITI</strong><br />
Justice<br />
Vérité<br />
Indépendance<br />
1583 Albany Ave, Brooklyn, NY 11210 Tel: 718-421-0162 Email: editor@haitiliberte.com Web: www.haitiliberte.com<br />
UN MOIS APRÈS, QUELLE<br />
SITUATION?<br />
Brian Jackson/Millenials Project<br />
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yon sware dèy<br />
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tranblemanntè<br />
yo<br />
Page 6<br />
Voir page 4<br />
Port-au-<br />
Prince, d’un<br />
tremblement<br />
de terre à<br />
l’autre<br />
Page 8<br />
Un mois après cette épouvantable catastrophe, aucun programme n’a été conçu par le<br />
gouvernement haïtien pour aider les sans abris dans leur inhumaine condition<br />
<strong>VISITE</strong><br />
<strong>DE</strong> <strong>SARKOZY</strong><br />
<strong>EN</strong> <strong>HAITI</strong> !<br />
Comment les<br />
puissances<br />
coloniales<br />
maintiennent<br />
Somalie dans<br />
le chaos?<br />
Page 10<br />
Voir page 3<br />
Alors que Nicolas Sarkozy s’apprête à fouler le sol d’<strong>Haiti</strong>, le mercredi 17 février, une<br />
mobilisation se prépare autour de la Restitution-Réparation, de la participation française<br />
au drame socio-économique d’<strong>Haiti</strong><br />
Hommage<br />
à Daniel<br />
Bensaïd<br />
Page 16
Editorial<br />
<strong>HAITI</strong><br />
LIBERTÉ<br />
Aube d’une ère nouvelle<br />
ou théorie du chaos?<br />
1583 Albany Ave<br />
Brooklyn, NY 11210<br />
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Port-au-Prince, <strong>Haiti</strong><br />
Tél: 509-3407-0761<br />
Responsable:<br />
Yves Pierre-Louis<br />
Par Berthony Dupont<br />
aiti se trouve dans un moment de crise aiguë mais<br />
Hégalement de transition où tout se défait. Un moment<br />
qui devrait être un motif pour mettre fin au règne<br />
de l’entreprise d’assujettissement, pour un changement<br />
en profondeur et sans doute pour atteindre un nouveau<br />
stade, de nouveaux horizons. Les événements tragiques<br />
du 12 janvier, ont mis à nu les limites de dépendance et<br />
de nullité de nos dirigeants. Un tel constat affecte profondément<br />
l’honneur et la dignité de l’ensemble de la nation<br />
haïtienne et ne devrait-il pas être le moment de s’armer de<br />
courage pour repartir sur de nouvelles bases pour défendre<br />
la patrie en commencent par mettre un terme au passé.<br />
Ce problème se pose aujourd’hui avec plus d’acuité<br />
que jamais. Mais tel ne semble pas l’avis des hommes au<br />
pouvoir dans ce pays, s’il en reste encore.<br />
Ce mardi a été déclaré férié par l’Etat, pour respecter<br />
le jour gras. En vérité, si ce n’était la catastrophe sismique,<br />
tout le Champ-de-Mars serait en un clin d’œil<br />
bondé de stands carnavalesques les uns plus beaux que<br />
les autres pour que la bourgeoisie vienne se divertir. Mais<br />
voilà qu’un mois déjà après le cataclysme, rien n’est encore<br />
fait par les autorités en place pour aider les masses<br />
populaires à dormir dans un endroit plus ou moins convenable.<br />
Attendent-elles peut être que ce soit Clinton, Ban<br />
ki-Moon, Harper ou Sarkozy qui viennent leur dire ce<br />
qu’elles doivent faire ? Alors que ces derniers, s’ils viennent<br />
compatir à notre sort c’est dans l’unique dessein de<br />
s’assurer que leur proie est saine et sauve. Et pour comble<br />
d’irrespect et de manque d’humanité, ils utilisent leurs<br />
garde-côtes pour empêcher une éventuelle augmentation<br />
du nombre d’illégaux en direction de la Floride.<br />
Combien aurait-il fallu de temps pour construire des<br />
petits logis provisoires pour abriter les sinistrés avant la<br />
saison pluvieuse ? Sans doute au moins le temps qu’il<br />
prenait pour édifier les stands de carnaval. Le responsable<br />
même de la Commission chargée de la gestion des<br />
abris provisoires, l’économiste-ingénieur Charles Clermont,<br />
s’est donné une fausse couverture en affirmant :<br />
« c’est qu’après le mois de mai, le gouvernement mettra<br />
des structures en place pour créer des logements de transition<br />
qui permettront d’abriter les rescapés pendant 5<br />
ans. » Voire…<br />
A ce stade, le peuple haïtien ne doit pas rester passif,<br />
résigné et démoralisé devant la mauvaise foi de cette<br />
classe dirigeante qui a tout fait pour amener le pays là où<br />
il est actuellement. Certes, c’est bien de la part de Bellerive<br />
de remercier Cuba et le Venezuela pour leur aide, mais il n’a<br />
pas assez de courage pour dire aux occupants leurs quatre<br />
vérités; au contraire le Premier ministre préfère recourir<br />
aux fuites en avant et aux pseudo-dénonciations. En effet,<br />
il « n’a aucun problème avec les ONG mais plutôt avec<br />
les bailleurs qui leur donnent de l’argent pour faire du<br />
désordre. Ce sont eux qui permettent aux Organisations<br />
non gouvernementales de faire ce qu’elles veulent. Et ce<br />
sont eux qui n’exigent pas de ces ONG qu’elles rendent<br />
des comptes au gouvernement »<br />
Si les pays qui sont accourus pour nous secourir ne<br />
peuvent pas respecter les règles établies par l’Etat haïtien,<br />
pourquoi ne leur pas demander de ficher le camp avec toute<br />
leur aide? Nos dirigeants ne le feront jamais, d’autant qu’ils<br />
sont les premiers responsables de la gabegie dans laquelle<br />
le pays se trouve. Le gouvernement haïtien se trouve à<br />
mille lieues des revendications des masses populaires,<br />
professant la théorie du chaos. C’est un Etat qui s’effondre<br />
au nom de l’ingérence humanitaire! Comment se fait- il<br />
que ce soit un général des Forces aériennes américaines,<br />
Darryl Burke, qui dans une conférence de presse, annonce<br />
la reprise des vols commerciaux à l’aéroport International<br />
Toussaint Louverture ? Où sont-ils le directeur de<br />
l’aéroport et son ministre de tutelle ? A ce stade-là, il n’y<br />
a aucune raison de se plaindre Bellerive. Demande-t-on<br />
un changement de cabinet ? Ce serait en venir à la même<br />
situation antérieure avec seulement quelques replâtrages<br />
économiques qui ne résoudront en rien les problèmes du<br />
peuple et du pays<br />
Au delà de l’indicible douleur et de l’immense tristesse<br />
du peuple, sans aucune aide un mois après l’horreur du<br />
12 Janvier, cela paraît un paradoxe qui pourrait engendrer<br />
le désarroi et la colère. Pourtant, le peuple haïtien reste<br />
encore égal à lui-même. Qu’on le veuille ou non il ne se<br />
laissera pas mener par le ventre.<br />
Email :<br />
editor@haitiliberte.com<br />
Website :<br />
www.haitiliberte.com<br />
DIRECTEUR<br />
Berthony Dupont<br />
EDITEUR<br />
Dr. Frantz Latour<br />
RÉDACTION<br />
Berthony Dupont<br />
Wiener Kerns Fleurimond<br />
Kim Ives<br />
Fanfan Latour<br />
Guy Roumer<br />
CORRESPONDANTS<br />
<strong>EN</strong> <strong>HAITI</strong><br />
Wadner Pierre<br />
Jean Ristil<br />
COLLABORATEURS<br />
Marie-Célie Agnant<br />
Carline Archille<br />
Catherine Charlemagne<br />
Pierre L. Florestal<br />
Morisseau Lazarre<br />
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Roger Leduc<br />
Joël Léon<br />
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(786) 262-4457<br />
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2<br />
Haïti Liberté<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010
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A Travers <strong>Haiti</strong><br />
Visite de Sarkozy en <strong>Haiti</strong>:<br />
Est-ce pour renforcer la colonisation?<br />
Par Hervé Jean Michel<br />
Le président français, Nicolas<br />
Sarkozy arrivera à Port-au-<br />
Prince, le mercredi 17 février 2010<br />
pour une visite de quelques heures.<br />
Selon l’Elysée, le chef de l’Etat français<br />
aura des entretiens avec son homologue<br />
haïtien, René Préval, et le<br />
premier ministre, Jean Max Bellerive<br />
sur la question de la reconstruction<br />
d’<strong>Haiti</strong>. L’Elysée a confirmé que<br />
le président français à l’instar du<br />
gouvernement étasunien, est détenteur<br />
de ses propres idées sur la<br />
reconstruction du pays. La « dette »<br />
d’<strong>Haiti</strong> envers la France, de l’ordre<br />
de 56 millions d’euros sera annulée,<br />
selon cette même source.<br />
Pour le président Préval et les<br />
conservateurs haïtiens, l’arrivée<br />
de Sarkozy en <strong>Haiti</strong> est historique,<br />
compte tenu des liens culturels entre<br />
les deux pays. C’est une certaine<br />
manière de bien dorer la pilule afin<br />
que le pays puisse mieux l’avaler. Le<br />
président connaît les petits secrets<br />
pour endormir la conscience des gens,<br />
pour les faire accepter l’inacceptable.<br />
Comparant les relations d’<strong>Haiti</strong> avec<br />
celles des pays tels : les Etats-Unis,<br />
la République Dominicaine et autres<br />
de l’Amérique Latine, le président<br />
Préval estime que ce sont des relations<br />
de proximité, tandis qu’avec la<br />
France l’histoire a tissé des relations<br />
culturelles.<br />
Comment le peuple haïtien<br />
accueillera-t-il cette visite d’un<br />
président français, la puissance<br />
qui a inauguré la Traite négrière en<br />
Amérique, après le Traité de Ryswick<br />
en 1697 et l’esclavagisme qui<br />
ont jeté des centaines de milliers<br />
de Nègres arrachés d’Afrique dans<br />
l’enfer colonial ?<br />
La grande contradiction<br />
qui traverse la société haïtienne<br />
d’aujourd’hui, est que la minorité<br />
privilégiée lutte pour que l’éponge de<br />
l’oubli soit passée sur cette tranche<br />
d’histoire sordide, sauvage, inhumaine<br />
qui s’étend du Traité de Ryswick<br />
1697 à la période des luttes<br />
jusqu’à la grande proclamation de<br />
1804, pour tuer la mémoire. Rien ne<br />
peut empêcher aux patriotes, ceux<br />
qui n’ont jamais oublié les châtiments<br />
infligés à nos pères dans le<br />
système de l’Exclusif, de se remémorer<br />
la terreur colonialiste française,<br />
exigence de l’accumulation du<br />
capital monopolistique.<br />
En Mai 2003, Jean Bertrand<br />
Aristide, alors président de<br />
la République d’<strong>Haiti</strong>, a exigé de la<br />
France, le paiement de la dette de<br />
l’indépendance, c’est-à-dire les 90<br />
millions de francs or arrachés au<br />
gouvernement Boyer pour la reconnaissance<br />
de l’indépendance d’<strong>Haiti</strong><br />
par la France. Ainsi la somme cumulée<br />
de plus de 21 milliards de<br />
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dollars était exigée au nom de la<br />
République d’<strong>Haiti</strong> par son président<br />
légitime.<br />
Cette revendication a poussé<br />
ceux qui soutiennent la domination,<br />
la main mise étrangère sur <strong>Haiti</strong>, à<br />
se battre pour la destitution du président,<br />
étranglant du coup cette historique<br />
et légitime demande. Enfin, le<br />
29 février 2004, ils ont obtenu gain<br />
de cause. Cette même année 2003,<br />
dans un conciliabule sur les bords du<br />
lac Mitch au Canada, les puissances<br />
: Etats-Unis, France, Canada ont<br />
obtenu la mise sous tutelle d’<strong>Haiti</strong>,<br />
consécration fût donnée à cette initiative<br />
par un coup d’Etat qui a ruiné<br />
le pays.<br />
Alors que Nicolas Sarkozy<br />
s’apprête à fouler le sol d’<strong>Haiti</strong>, le<br />
mercredi 17 février, une mobilisation<br />
se prépare autour de la Restitution-<br />
Réparation, de la participation française<br />
au drame socio-économique<br />
d’<strong>Haiti</strong>, c’est-à-dire l’actualisation<br />
de l’exigence de restituer plus de 21<br />
milliards de dollars et de se garder<br />
de toute domination impérialiste.<br />
Cette même mobilisation exige le<br />
retour physique de l’ex-président,<br />
Jean Bertrand Aristide au pays<br />
et le départ de l’actuel président,<br />
René Préval, estimé trop inféodé au<br />
néolibéralisme, enfin l’application<br />
de la constitution de 1987. <strong>Haiti</strong> se<br />
situe, aujourd’hui, à un carrefour où<br />
il faut faire un choix judicieux pour<br />
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en finir avec le néocolonialisme, qui<br />
enlise les pays et les peuples dans<br />
une dépendance asphyxiante. La<br />
construction d’un Etat démocratique<br />
d’intégration nationale doit<br />
être la préoccupation de tous les<br />
Haïtiens qui rêvent d’en finir avec<br />
l’exclusion sociale, comme manière<br />
de gérer le pays depuis l’assassinat<br />
de Dessalines, au moment même où<br />
la grande révolution de 1804 a été<br />
bafouée, dénaturée et étouffée par<br />
un vaste complot des anciens et des<br />
nouveaux colons.<br />
La démarche actuelle doit être<br />
une démarche anti-impérialiste pour<br />
contrer sa montée fulgurante, à un<br />
moment où <strong>Haiti</strong> fait face à l’une<br />
des crises les plus aiguës, le séisme<br />
du 12 janvier 2010 qui a ravagé des<br />
régions du département de l’Ouest<br />
et du département du Sud-Est, et<br />
a posé de sérieux problèmes, une<br />
situation qui favorise tous les profiteurs<br />
qui nourrissent des prétentions<br />
colonialistes. Dans cette conjoncture,<br />
il faut substituer à l’émotion<br />
une démarche scientifique, capable<br />
d’expliquer et de résoudre<br />
les problèmes. En même temps il<br />
faut rejeter toute solution préfabriquée<br />
de type triomphaliste qui agite<br />
non la raison, mais les sentiments<br />
égoïstes et suivistes.<br />
Le Premier ministre canadien,<br />
Stephen Harper, a effectué une visite<br />
en <strong>Haiti</strong> les lundi 15 et mardi<br />
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coût moins.<br />
16 février 2010. Dans le cadre des<br />
rencontres qu’il a eues avec le président<br />
Préval et le Premier ministre<br />
Jean Max Bellerive, une somme de<br />
11.3 millions de dollars a été conçue<br />
pour la construction au bicentenaire<br />
des locaux pour loger des bureaux<br />
des ministères. Le gouvernement<br />
haïtien, certes, n’a aucun plan pour<br />
résoudre la crise. La population est<br />
livrée à elle-même, triste spectateur<br />
du drame qui se joue, sans se<br />
rendre compte que sa vie en pâtit.<br />
Grappiller quelques dollars par-ci et<br />
par-là ne peut remplacer un plan de<br />
reconstruction cohérent, apte à aller<br />
de l’avant dans le cadre d’un projet<br />
global. Vivre de la mendicité est<br />
une chose, accepter l’aide dans des<br />
conditions dignes en est une autre.<br />
C’est pourquoi la participation de la<br />
population ne doit souffrir d’aucune<br />
discrimination, d’aucune démagogie.<br />
Le peuple haïtien doit être son propre<br />
protecteur, son propre Prométhée<br />
pour changer les choses dans ce pays<br />
qui brille par l’absence d’un leadership<br />
responsable et progressiste.<br />
En fait, le peuple doit prendre<br />
du recul, car le constat est fait, d’une<br />
part le gouvernement regarde d’un<br />
côté et lui de l’autre. C’est cette situation<br />
qui facilite l’action des colons<br />
d’ici et d’ailleurs, qui n’ont jamais<br />
cessé de présenter de fausses solutions,<br />
de fausses perceptions et de<br />
fausses perspectives.<br />
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Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 3
<strong>Haiti</strong>-Séisme:<br />
Un mois après, quelle situation?<br />
Par Hervé Jean Michel<br />
Le tremblement de terre du 12<br />
janvier 2010, a ravagé de nombreuses<br />
communes des départements<br />
de l’Ouest et du Sud-EST, tué plus de<br />
250.000 personnes et jeté dans les<br />
rues plus d’un million de sinistrés.<br />
Un mois après cette épouvantable<br />
catastrophe, aucun programme<br />
n’a été conçu par le gouvernement<br />
haïtien pour aider les sans abris dans<br />
leur inhumaine condition, redonner<br />
l’espoir et cicatriser les blessures<br />
traumatisantes de la population. Le<br />
gouvernement Préval/Bellerive n’a<br />
jamais tenté d’inventer la solution<br />
à cette crise sans précédent dans<br />
l’histoire du pays. Au lieu de se lancer<br />
dans des initiatives qui responsabilisent,<br />
les propos du chef de l’Etat,<br />
irresponsables dès les premières heures<br />
qui suivaient la catastrophe, deviennent<br />
de plus en plus hypocrites,<br />
au fur et à mesure de la constatation<br />
de l’ampleur des dégâts. C’est un chef<br />
d’Etat toujours à la traîne, toujours<br />
prêt à recevoir des directives, qu’elles<br />
viennent des politiciens nationaux ou<br />
étrangers.<br />
C’est un sentiment<br />
d’impuissance et de peur qui anime<br />
nos dirigeants, pris de cours par une<br />
gestion routinière et exclusiviste. Au<br />
lendemain de la catastrophe, <strong>Haiti</strong><br />
est incapable de présenter une solution<br />
intelligente, cohérente, apte à<br />
faire face au mauvais sort. C’est le<br />
tâtonnement, l’improvisation et le<br />
piétinement qui résument l’action de<br />
cet embryon d’Etat, de cet embryon<br />
de gouvernement, incapable d’agir<br />
par lui-même et au profit des sinistrés.<br />
Face à ce problème exigeant<br />
des solutions concrètes, à l’inaction<br />
du gouvernement se substituent des<br />
réponses qui ne se situent pas dans la<br />
matérialité de la vie, mais bien dans<br />
un idéal métaphysique pour pouvoir<br />
mieux sauver les vieilles contradictions<br />
sociales qui maintiennent la société<br />
dans son état de délabrement et<br />
d’indignité.<br />
Il est urgent de constater comment<br />
des hommes ne cultivant aucune<br />
sensibilité humaine, aucune forme<br />
d’humanisme se glissent au premier<br />
rang pour imposer de subjectives solutions.<br />
Ne dit-on pas que la nature<br />
à horreur du vide? C’est le cas de<br />
l’avouer, puisque à la grande question<br />
« que faire », le président et son<br />
gouvernement ne peuvent apporter<br />
aucune réponse concrète. C’est pourquoi<br />
des exploiteurs, des profiteurs<br />
ont usé de manèges pour mobiliser<br />
la population et même le pays entier<br />
sur des objectifs n’ayant rien à voir<br />
avec ses conditions concrètes et historiques<br />
d’hommes et de femmes vivant<br />
au milieu de terribles conditions<br />
matérielles et spirituelles d’existence.<br />
Les vendredi, samedi et dimanche,<br />
c’est-à-dire du 12 au 14 février 2010,<br />
au lieu de travailler durement pour<br />
sortir la population dans les rues,<br />
extraire les cadavres des décombres,<br />
pour les enterrer, déblayer les rues,<br />
le gouvernement a préféré obéir aux<br />
chants de sirène d’idéologues et de<br />
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Un pays qui a vécu le cauchemar du 12 janvier 2010, ne mérite pas de<br />
sombrer dans la léthargie métaphysique, mais a plutôt besoin de se<br />
réveiller de la torpeur pour mieux voir la réalité, la comprendre et la<br />
changer de manière claire, intelligente et scientifique. Ci-dessus une<br />
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politiciens qui n’ont cure d’une <strong>Haiti</strong><br />
libérée de ses entraves, d’une <strong>Haiti</strong><br />
prospère, prestigieuse et digne. A<br />
l’action concrète et pratique, capable<br />
de changer la réalité, le gouvernement<br />
a préféré s’enliser dans la métaphysique.<br />
C’était comme si les Haïtiens<br />
étaient des anges qui n’ont besoin<br />
que de mythes pour vivre ; que la<br />
réalité dans laquelle ils vivent pourra<br />
changer par la volonté de l’Eternel.<br />
Un pays qui a vécu le cauchemar<br />
du 12 janvier 2010, ne mérite<br />
pas de sombrer dans la léthargie métaphysique,<br />
mais a plutôt besoin de se<br />
réveiller de la torpeur pour mieux voir<br />
la réalité, la comprendre et la changer<br />
de manière claire, intelligente et scientifique.<br />
Les journées que les Haïtiens<br />
ont consacrées à la prière «pour<br />
changer <strong>Haiti</strong>» ne sont qu’un leurre,<br />
une utopie, une illusion.<br />
Ce sont les hommes qui construisent<br />
leur histoire sur la base des<br />
conditions concrètes d’existence,<br />
des contradictions qui tissent la vie<br />
sociale. L’histoire des hommes est<br />
construite dans la réalité vécue, dans<br />
les luttes. C’est une histoire concrète.<br />
L’histoire des dieux et des mythes se<br />
construit dans l’imaginaire, dans le<br />
merveilleux, dans le non-être pour la<br />
glorification et non pour la transformation<br />
de la vie.<br />
L’histoire des masses, spécifiquement<br />
des masses haïtiennes ne<br />
peut épouser le modèle métaphysique,<br />
car c’est ce modèle même qui a induit<br />
l’esclavage avec ses corollaires:<br />
dépendance, sous-développement,<br />
néo-colonialisme etc. Un peuple qui<br />
a connu l’esclavage ne peut épouser<br />
les mythes de ses colonisateurs, au<br />
contraire il devrait chercher à enrichir<br />
son histoire en la transformant en<br />
conditions matérielles et spirituelles<br />
d’existence. C’est par la lutte concrète,<br />
les solidarités nationales et la fraternité<br />
internationale pour construire une<br />
vie humaine digne, que les Haïtiens<br />
doivent relever le défi du tremblement<br />
de terre du 12 janvier 2010 et non<br />
par la démagogie inspirée des exploiteurs<br />
: colons d’ici et d’ailleurs. Les Haïtiens<br />
doivent rechercher et enrichir la<br />
solidarité des peuples qui respectent la<br />
dignité des peuples engagés dans une<br />
histoire pour leur libération matérielle,<br />
morale et intellectuelle.<br />
La population haïtienne écrasée<br />
par le violent séisme du 12 janvier et<br />
par l’indifférence, le mépris des décideurs<br />
politiques doivent rester vigilante<br />
pour garder la mémoire. Un peuple<br />
qui se laisse égarer par des mythes est<br />
condamné à végéter en histoire. Les<br />
206 ans d’exploitation de l’expérience<br />
post-indépendantiste, de la misère<br />
et du sous-développement du peuple<br />
haïtien, témoignent de la véracité de<br />
la question de la lucidité historique.<br />
Les peuples répètent l’histoire à force<br />
de l’ignorer. La thèse qui consiste à<br />
dire que c’est le diable qui a donné<br />
l’indépendance aux Nègres est un<br />
mensonge absolu. Aucun diable n’a<br />
donné l’indépendance aux Nègres<br />
esclaves. Cette indépendance ils l’ont<br />
acquise par la sueur, la souffrance, le<br />
combat, le sang et la mort. Les mythes<br />
sataniques n’interviennent jamais<br />
dans l’histoire des esclaves de Saint-<br />
Domingue, pas plus que les dieux tutélaires.<br />
L’histoire religieuse des Occidentaux<br />
est l’histoire du catholicisme<br />
et du protestantisme, tous deux, issus<br />
du christianisme. Chacun a fertilisé le<br />
champ du capitalisme pré-industriel<br />
et post-industriel, donc colonialisme<br />
et néocolonialisme. Aucun ne<br />
peut être le remède aux maux du<br />
peuple haïtien, mais plutôt comme<br />
cela l’a été, le venin de l’injustice, de<br />
l’exploitation, de la domination et de<br />
la misère humaine.<br />
Occupation renforcée ou<br />
support?<br />
Selon ce qu’a déclaré le sous-secrétaire<br />
général au maintien de la<br />
paix en Haïti Alain Le Roy, le vendredi<br />
12 février dernier, 3500 soldats<br />
et policiers fournis par 16 pays membres<br />
de l’ONU arriveront en Haïti<br />
dans 3 semaines pour suppléer aux<br />
7000 casques bleus déjà sur place en<br />
Haïti. Le Conseil de Sécurité de l’ONU,<br />
dans le souci d’assurer la sécurité et<br />
garantir l’aide aux sinistrés, s’était<br />
réuni pour décider de l’envoi de 2000<br />
soldats et 1500 policiers devant suppléer<br />
aux 2100 policiers onusiens<br />
déjà sur place en Haïti. Monsieur<br />
Le Roy a précisé dès le jeudi 18 et<br />
le vendredi 19 février prochains, que<br />
1050 militaires onusiens dont 900<br />
brésiliens et 150 dominicains devront<br />
être déployés sur Haïti. Cependant,<br />
ceux venus du Pérou, d’Argentine et<br />
d’Uruguay sont attendus la semaine<br />
prochaine. Des ingénieurs venus du<br />
Japon et de la Corée du Sud sont déjà<br />
en route vers Haïti. Il a aussi précisé<br />
que l’Italie, l’Espagne, la France, le<br />
Pays-Bas, le Bengladesh, l’Inde, le<br />
Pakistan, la Turquie et le Ruanda ont<br />
promis eux aussi d’envoyer 1500<br />
policiers en Haïti. Aujourd’hui, tout<br />
le monde se pose la même question à<br />
savoir, s’il s’agit vraiment de support<br />
d’assistance onusien envers Haïti,<br />
ou bien des prétextes dûs au séisme<br />
du 12 janvier dernier pour renforcer<br />
l’occupation d’Haïti.<br />
Effondrement d’une<br />
école au Cap-Haïtien<br />
Ce lundi 15 février, au Cap-Haïtien,<br />
suite au renversement<br />
d’un mur dû à un éboulement,<br />
une école primaire dénommée<br />
« La petite Ecole » s’est effondrée<br />
aux environs de 10 :30 heures<br />
du matin, faisant 4 morts et<br />
des dizaines de blessés. Plusieurs<br />
survivants ont été délivrés sous<br />
les décombres par les militaires<br />
de la MINUSTAH et des agents<br />
de la PNH. Les rescapés ont été<br />
conduits d’urgence à l’hôpital.<br />
Certains riverains prétendent que<br />
de fortes averses qui ont frappé<br />
la région nord ces derniers temps<br />
seraient la cause de la chute de<br />
l’établissement scolaire. Mais le<br />
US Geological Survey (USGS) a<br />
nié cette allégation, disant que la<br />
cause de cet incident reste jusqu’à<br />
présent indéterminée.<br />
Une fillette de 11 ans<br />
tuée par balles<br />
Vendredi 12 février dernier, sous<br />
une tente située à la rue Catalpa,<br />
Delmas 75, une fillette de 11<br />
ans a été abattue par un garçonnet<br />
de 10 ans. Ce dernier aurait<br />
utilisé l’arme de son père, Harry<br />
Paul pour perpétrer le crime. « Effectivement,<br />
à Delmas 75, route<br />
Catalpa, il y a un petit garçon de<br />
10 ans qui jouait avec l’arme de<br />
son père et qui a tué une petite fille<br />
de 11 ans à l’intérieur d’une tente<br />
où ils se trouvaient. Le père aurait<br />
oublié son arme dans la tente. Le<br />
dossier a été remis à la DCPJ, plus<br />
spécialement à l’unité spécialisée<br />
dans les affaires pour mineurs », a<br />
expliqué le commissaire Carl Henry<br />
Boucher. « Jusqu’à présent nous ne<br />
sommes pas en mesure de savoir<br />
s’il s’agit d’une arme légale ou<br />
non, car le père de l’enfant ne s’est<br />
jamais présenté à la DC PJ. Nous<br />
l’avons cherché en vain », a poursuivi<br />
Mr Boucher, précisant que la<br />
fillette n’est pas un membre de la<br />
famille d’Harry Paul : « La fillette<br />
était venue jouer sous la tente ».<br />
Par ailleurs, dans la nuit du<br />
samedi 13 au dimanche 14 février<br />
dernier, 6 bandits qui seraient des<br />
évadés de prison ont été ligotés<br />
par des agents de la PNH. Certains<br />
d’entre eux ont été surpris en flagrant<br />
délit en train de commettre<br />
des actes de viol et de vol à main<br />
armée, d’autres en possession d’armes<br />
illégales.<br />
Réouverture des classes,<br />
un casse-tête majeur<br />
pour les responsables<br />
Une annonce gouvernementale<br />
publiée le lundi 25 février 2010<br />
a fait part d’un don du gouvernement<br />
dominicain de 15 structures<br />
d’écoles mobiles au gouvernement<br />
haïtien.<br />
Ces écoles qui seront installées<br />
plus particulièrement dans<br />
les zones frontalières pourront accueillir<br />
jusqu’à 40 enfants. D’autre<br />
part, le gouvernement haïtien a fait<br />
part de ses multiples démarches<br />
visant à intégrer dans les salles de<br />
classe les enfants déplacés.<br />
Le déplacement des enfants<br />
scolarisés éparpillés dans différents<br />
endroits de la zone métropolitaine<br />
constitue un handicap majeur pour<br />
la réouverture des classes prévue<br />
par les autorités haïtiennes pour<br />
le mois de mars prochain, disons<br />
mieux dans une quinzaine de<br />
jours. Les professeurs eux aussi<br />
sont introuvables. D’après les chiffres<br />
officiels, près de 4 mille écoles<br />
dans la zone métropolitaine ont été<br />
détruites ou endommagées par le<br />
tremblement de terre du 12 janvier<br />
dernier.<br />
Jackson Rateau<br />
4<br />
Haïti Liberté<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010
Twa fèy, twa rasin O!<br />
Nancy Roc et Marvel Dandin: jongleurs<br />
de phrases creuses<br />
Par Fanfan Latulipe<br />
Il y en a qui ne changeront jamais,<br />
un peu comme Dieu et<br />
les imbéciles. Ils s’accrochent<br />
aux mêmes phrases creuses,<br />
aux mêmes propos aux forts<br />
accents moralisants. Leurs<br />
œillères d’appréciation bien<br />
ajustées, ils avancent tranquillement,<br />
loin de la réalité<br />
des rapports sociaux, loin des<br />
mécanismes qui tiennent nos<br />
sociétés en équilibre instable.<br />
Ils semblent incapables d’avoir<br />
des paramètres autres que les<br />
leurs pour appréhender le<br />
monde qui les entoure. Et à<br />
défaut de saisir le taureau de<br />
la vie par les cornes d’une approche<br />
dialectique, rationnelle,<br />
saine, ils préfèrent se perdre<br />
dans des formules et formulations<br />
creuses, ils préfèrent<br />
pleurnicher, se laisser aller<br />
aux yenyen, aux yenyennades<br />
plutôt que de proposer<br />
aux grands maux les grands<br />
remèdes.<br />
Dans son édition du dimanche<br />
14 février 2010, dans<br />
la rubrique Agora, le quotidien<br />
Le Matin publie un article signé<br />
Nancy Roc, journaliste<br />
peut-être «indépendante». Le<br />
texte intitulé «2010 ça passe<br />
ou ça casse !» est daté du<br />
vendredi 8 janvier 2010, ce<br />
qui me laisse à penser qu’il<br />
s’agit d’un plat réchauffé<br />
qui nous a été servi dans le<br />
numéro du dimanche 14 février.<br />
Mais là n’est pas mon<br />
propos. Je m’intéresse plutôt<br />
aux propos du directeur de<br />
l’information à Radio Kiskeya,<br />
Marvel Dandin, un GNBiste<br />
et kabrit Tomazo de même<br />
pelage que Nany Roc, propos<br />
que celle-ci a rapportés dans<br />
son article.<br />
Après avoir vitupéré –<br />
avec raison d’ailleurs – contre<br />
le sans-gêne et le culot de<br />
Préval lors de son discours<br />
du premier janvier 2010, Roc<br />
rappelle que Dandin a rappelé<br />
que « si les dirigeants doivent<br />
être les premiers à subir les<br />
blâmes en raison de leur échec<br />
à réaliser les transformations<br />
matérielles et morales souhaitées,<br />
il n’en demeure pas<br />
moins que les Haïtiens de<br />
toutes les catégories sociales,<br />
d’ici et d’ailleurs, et particulièrement<br />
les secteurs organisés<br />
de la société civile, ont<br />
eux aussi failli dans la dynamique<br />
de création d’une véritable<br />
alternative à nos modes<br />
d’agir et de penser.»<br />
Nancy Roc, à la manière<br />
de ces moralisateurs, ces donneurs<br />
de leçons aux consciences<br />
et mains pures, ces éléments<br />
instruits, zuzu, des<br />
classes dominantes, est d’accord<br />
avec Dandin pour mettre<br />
«les Haïtiens de toutes les<br />
catégories sociales» (souligné<br />
par nous) dans le même<br />
sac. Comme son konpayèl<br />
GNBiste de Radio Kiskeya,<br />
elle partage l’idée de les rendre<br />
tous responsables d’avoir<br />
failli «dans la dynamique de<br />
création d’une véritable alternative<br />
à nos modes d’agir<br />
et de penser». En deux mots,<br />
ces deux larrons des médias<br />
à vocation déstabilisatrice logent<br />
à la même enseigne de<br />
responsabilité les ferblantiers,<br />
les cordonniers, les machann<br />
fresko, les vendeuses de légumes<br />
et de fruits, les étalagistes<br />
aux abords de ce qui fut la<br />
Cathédrale de Port-au-Prince,<br />
la petite secrétaire-péronnelle<br />
de tel ministère que Monsieur<br />
le Ministre a préférée à Leya<br />
Kokoye, les étudiants malere<br />
malerèz préparant leur bac<br />
à la clarté des lampadaires<br />
du Champ-de-Mars, les machann<br />
pistach, les journaliers<br />
Marvel Dandin (à droite), un GNBiste et kabrit Tomazo de<br />
même pelage que Nany Roc<br />
de la CHOMECO, ainsi que les<br />
Mevs, les Acra, les Bigio, les<br />
Nadal, les Apaid, les Baker, les<br />
Guy Philippe, les Victor Benoît,<br />
les Michèle Pierre-Louis, les<br />
Konpè Plim, les Bajeux, les<br />
Chamblain, les Manigat,<br />
Suite à la page (14)<br />
RESANSMAN ETAZINI PÈMÈT<br />
KE NAN LAMERIK, N AP<br />
TAN<strong>DE</strong> SA W G<strong>EN</strong> POU DI A.<br />
Pi bon swen sante, pi bon lekòl ak pi bon wout: tout bagay sa yo posib. Si nou chak pran 10 minit pou reponn 10 kesyon senp, nou kapab ede deside ki<br />
kote yo dwe depanse 400 milya dola nan fon/lajan federal ki bay chak ane pou kominote Etazini yo. Repons yo konfidansyèl epi yo pa pral pataje<br />
yo avèk sèvis imigrasyon oswa avèk kèk tyès pati. Ranpli fòm resansman ou an epi voye l retounen pa lapòs lè w resevwa l nan mwad mas.<br />
POU PLIS <strong>EN</strong>FÒMASYON, ALE WÈ WWW.2010C<strong>EN</strong>SUS.GOV.<br />
LI NAN M<strong>EN</strong> NOU.<br />
NOU PAP AVANSE TOUTOTAN OU PA VOYE L RETOUN<strong>EN</strong> BAN NOU PA LAPÒS.<br />
Se Biwo Resansman Etazini ki<br />
peye pou anons sa a.<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 5
Kwonik Kreyòl<br />
MIYAMI:<br />
Vodouyizan yo te òganize<br />
yon sware dèy pou<br />
viktim tranblemanntè yo<br />
Men kèk vodouyizan ki te patisipe nan mès priyè anmemwa 200.000<br />
ayisyen ki mouri nan tranblemantè 12 janvye a.<br />
Kim Ives/<strong>Haiti</strong> Liberté<br />
Kim Ives/<strong>Haiti</strong> Liberté<br />
Samdi 13 fevriye ki sot pase a,<br />
nan Miyami, yon santèn manbo,<br />
ougan ak lòt vodouyizan te òganize<br />
yon sware lapriyè ak posesyon pou<br />
komemore lanmò plis pase 200,000<br />
ayisyen nan tranblemanntè jounen<br />
12 janvye 2010 la. Mès vodou sa a te<br />
fèt nan Halouba Botanica ki chita nan<br />
54triyèm ri nan mitan “Little <strong>Haiti</strong>.”<br />
“Nan non vodou, noumenm,<br />
vodouyizan nan Miyami reyini anfoul<br />
pou n òganize lanmès priyè sa<br />
a, yon fason pou n patisipe nan<br />
estrateji pou rebati Ayiti,” te di nou<br />
manbo Marie Carmelle Jerome, k<br />
ap dirije Botanica 3 x 3 Rasin san<br />
Bout nan North Miami. Li te fè nou<br />
konnen tou, se limenm ki te sonnen<br />
lanbi rasanbleman sa a ki pèmèt<br />
tout lòt vodouyizan yo te vin potekole<br />
nan sware sa a.<br />
Anpil manbo te patisipe tankou<br />
Elsie Joseph ki genyen Botanica<br />
Vierge Miracle ak St. Philippe (“Attend<br />
Dieu”), Manbo Marlène ki<br />
genyen Botanica Isidor & Carmel,<br />
Manbo Lydie ki genyen Botanica<br />
Danthor & Agarou, Manmi Toyee<br />
ki genyen Botanica Tipa Tipa, ak<br />
Manmita (Madanm Papa Paul) ki<br />
genyen Halouba. Yo tout te abiye<br />
anblan pou make lapèn ak soufrans<br />
yo pou pèp ayisyen an.<br />
Tout sosyete sa yo te fè yon<br />
defile nan katye yo, ak bouji epi<br />
brasa nwa, pou komemore viktim<br />
yo. Yo fè seremoni sa a menmlè ak<br />
jou an Ayiti, yo t ap komemore viktim<br />
katastròf 12 janvye yo.<br />
“Nou vle tout moun wè noumenm<br />
vodouyizan, nou gen plas<br />
nou tou nan sosyete a,” Mambo<br />
Marie Carmelle te di.<br />
Kim Ives<br />
Michan malè dekonstonbray<br />
(Konplent lespwa pou tout sa k ale yo)<br />
Li rive jouk konsa<br />
sibitman soti nan Dangololay<br />
li blayi sou kat pwen kadino<br />
nan nannan nanm Montay Nwa<br />
nan Petyonvil delalay<br />
Otèl Montana bakalaw<br />
desann lavil kouwè fou pèdi<br />
k’ap voye wòch toupatou je fèmen.<br />
Li rive jouk konsa<br />
anba vant lanmè rad wout sid<br />
lè solèy te pare pou l ale leve rak<br />
lè yo pat atann lavi ka pi mal.<br />
Se te yon malè ki koze laterè<br />
ka sa yo ki pat benefisye malvi lòt<br />
kou lòt yo ki te pwopriye swe bourik.<br />
Anba detrès yon vil ann agoni<br />
rivyè dlo nan je ak lapenn<br />
timoun ki pedi paran<br />
paran ki pèdi pitit<br />
menm Palè Nasyonal senbòl gwokòlèt<br />
senbòl pouvwa malfezan kraze zo<br />
akwoupi anba kout pye latè andyable<br />
ki demantibile san l pa gade dèyè.<br />
Ni Bondye ni Ledyab pa gen anyen nan sa<br />
se koz kwazman kolè latè ak fayit imen<br />
pou demantibile sa ki ekziste<br />
se tout kesyon ki pou poze<br />
lè se lavi ak lanmò moun ki an kesyon.<br />
Kesyon mèt latè dwe poze<br />
ke l se lapè ant tout pèp pou bati Miyòla<br />
nan espas kolektif bèlte apwopriye<br />
oubyen rapas Bon Papa malfini<br />
kache anba jakèt dan sourit manitè:<br />
Èske se konchon nwa yo ki retounen<br />
oubyen kochon blondèl prensès ki rete?<br />
Èske bouch li tulututu oubyen li woukonnen?<br />
Èske l se sa Ginen vle?<br />
Èske l se sa Ginen ye?<br />
Èske l pa boutik sikisal bèl vitrin<br />
reprezantan lakoloni nan kapital?<br />
Èske l pa modèl levanjil globalite<br />
sou nouvo plantasyon modènite?<br />
Se tout kesyonki pou poze<br />
paske se sa avni nou ap vin ye.<br />
Anba kout beton ak fèy tòl k’ap vole<br />
yon latè andyable ak lanmè menasan<br />
moun yo rele anmwe, yo soti nan lari;<br />
anba sakay dekonstonbray ki pote ale<br />
Katedral Pòtoprens ki te drese kò li<br />
kou yon majeste, silwèt li anpenpan<br />
lonbray li blayi lespas ak mistè;<br />
li te yon pwotektrès tout lavi sou Bèlè.<br />
Anba kout masou replik aprèchòk<br />
enprevizib kou malfini sou savann<br />
ki ka pote w ale kou ou vire tèt ou<br />
nan espas yon sekond movèz sò;<br />
devan malfezè lafirè lanfè sou latè<br />
nou te wè byenfezans menm sa yo ki viktim<br />
pou ede frè ak sè yo kan Leta ape dodomeya;<br />
moun yo louvri bra bay bonte letranje<br />
voye bèl lwanj bay pou solidarite<br />
tout sa yo k sot alawonnbadè sou latè<br />
pou sove lespwa nan kè malakwa.<br />
Devan frajilite desten kretyenvivan<br />
ki nan lespas yon sekond kapab tounen<br />
fatra<br />
pou gozye fòs komin nan mitan Montay<br />
Nwa;<br />
anba rèl toupatou pou pote sekou<br />
nou salye tout sa yo, grenadye limanite,<br />
ki fè desandelye osèvis sa ki bon<br />
nou leve bra louvri<br />
pou sa yo ki pote sitèn dlo ak ponpye<br />
ak manje pou sove lavi<br />
nou leve bra louvri<br />
nou onore bèl kalite yo reprezante.<br />
Ginen pap asepte twonkay mèt lakay<br />
pou redevans anvè mizè dekonstonbray<br />
nou kwè konsyans tout pèp latè<br />
ap kontinye voye je pou sove memwa<br />
sove memwa verite libète<br />
sove memwa 1791 lespwa li te limen<br />
sove aspirasyon Ginen ki t’ap krapinen<br />
nan lanfè zile labatwa negriye.<br />
Labyenveni pou sa yo ki sot lwen<br />
sa yo ki swiv chimen ideyal fon kè yo<br />
sa yo ki konnen soufrans yon manman<br />
se soufrans yon lòt manman<br />
sa yo ki kwè se yon sèl mond ki genyen<br />
nou salye ou<br />
oumenm ki swiv bonnanj ou<br />
pou pote lavi bay malvi nan ziltik;<br />
nou salye kouraj pèp nonm Toma<br />
ki pote sekou ak bra vid<br />
nou salye sa yo<br />
manm ki deja kofre anba chay<br />
ki vin louvri tinèl pou solèy lavi;<br />
nou salye limanite ann aksyon<br />
pou transande malè pa bèlte<br />
pou louvri je lespwa nan lenwa<br />
pou afime esans sa lavi ye.<br />
Nou salye tout sa yo<br />
ki wè latè anvan kalvè<br />
nou salye w<br />
oumenm ki kwè tout moun se moun<br />
nou salye w<br />
oumenm ki pataje rèv nou.<br />
Nou onore Beyonse ki voye halo pou Ayiti,<br />
halo pou tout nanm zansèt yo k nan zafra<br />
halo pou kenbe lespwa djanm<br />
pou drese orizon pou yon lòt demen<br />
pou bati yon Ayiti miyò<br />
pou renouvle konfyans nan zile madichon<br />
pou resoude lyen ki ini tout konsyans<br />
halo pou fè leve yon lòt jou.<br />
-Tontongi, 5 fevriye 2010<br />
(Powèm sa a pibliye tou nan revi Tanbou :<br />
http://www.tanbou.com)<br />
Mobilizasyon kont prezans<br />
Nicolas Sarkozy nan peyi a!<br />
BOUKAN<br />
101.9 FM • SCA<br />
Radyo Pa Nou<br />
Emisyon KAKOLA<br />
Konbit Ayisyen pou Kore Lit la ann Ayiti<br />
• Nouvèl •<br />
• Analiz •<br />
• Kòmantè •<br />
• Deba •<br />
Pou yon Ayiti Libere<br />
(917) 251-6057<br />
www.RadyoPaNou.com<br />
Mèkredi 9-10 pm<br />
Mèkredi 17 fevriye 2010 la,<br />
yon mwa aprè tanblemanntè a ki<br />
te demantibile plizyè vil ak touye<br />
plis pase 200.000 moun nan peyi<br />
Dayiti, prezidan Lafrans lan, Nicolas<br />
Sarkozy ap fè yon ti kout pye<br />
nan ansyen koloni fransè a. Nicolas<br />
Sarkozy se premye prezidan Lafrans<br />
k ap pile tè Dessalines lan aprè 206<br />
lane endepandans Ayiti. Nan lokazyon<br />
sa a, pèp ayisyen an ap tanmen<br />
yon kokennchenn manifestasyon<br />
pou l raple Sarkozy divès krim<br />
ak enjistis kolon zansèt li yo te fè<br />
nan koloni an avan lendepandans.<br />
Nan kad mobilizasyon sa a,<br />
Platfòm nasyonal òganizasyon baz<br />
ak viktim Leta yo (PLONBAVIL),<br />
deja fè sikilè l sòti kote li di pèp ayisyen<br />
an : « Atansyon, veye anwo,<br />
Prezidan Lafrans lan, Nicolas Sarkozy<br />
veye anba » e li voye yon pinga bay<br />
Nicolas Sarkozy: «Prezidan Lafrans<br />
lan, Nicolas Sarkozy, ap an Ayiti<br />
jou k ap mèkredi 17 fevriye 2010 la.<br />
Pèp ayisyen ap mande l pou l mete<br />
nan pòch vès li plis pase 21 milya<br />
dola Lafrans te pran ak lafòs an Ayiti<br />
nan lane 1825 sou gouvènman<br />
prezidan Boyer a. Debakman bridsoukou<br />
pitit kolon sa a se yon menas<br />
ak yon malè pandye anplis sou<br />
peyi a nan tout sans. Pèp ayisyen,<br />
an n leve kanpe pou n bat chalbari<br />
dèyè pitit kolon ak enperyalis yo k<br />
ap pote boure sou tirès richès peyi<br />
a ! N ap fè sonje kèk krim Lafrans<br />
te fè Ayiti ki merite jistis ak reparasyon,<br />
krim tankou :<br />
- Komès vann nèg kòm<br />
esklav ! - Lesklavaj, krim kont limanite.<br />
- Zak eskamotè nan lane<br />
1825. - Apiye tout diktati sanginè<br />
epi gade lakay li yon gwo diktatè<br />
ayisyen, Jean Claude Duvalier. -<br />
Patisipasyon l nan koudeta/kidnapin<br />
29 fevriye 2004 la, san nou<br />
pa bliye kidnapin ak sasinay Toussaint<br />
Louverture an 1802-1803.<br />
“Mèkredi 17 fevriye a gwo<br />
mobilizasyon kont kolon ak enperyalis<br />
yo pou mande restitisyon<br />
ak reparasyon.<br />
Aba pitit kolon ! Aba enperyalis<br />
! Viv yon Ayiti granmoun<br />
! »<br />
Atravè mobilizasyon sa a, pèp<br />
ayisyen an ap raple Lafrans, Etazini<br />
ak Kanada ki pretann y ap vin ede<br />
Ayiti pou yo tou pwofite piye tout<br />
ti rès richès peyi a, menm jan yo<br />
te fè l nan tan lakoloni ak jan y ap<br />
kontinye fè l jouk jounen jodi a. Pèp<br />
ayisyen ap raple 3 peyi enperyalis sa<br />
yo, patisipasyon yo nan kraze peyi a,<br />
ki fè li pa kapab reziste anba nenpòt<br />
ti katastwòf natirèl. Yo kraze peyi a<br />
tankou nan piye richès li, sipòte tout<br />
diktatè sanginè ki pa dansekole ak<br />
demokrasi, sipòte tout rejim kòwonpi<br />
ak dilè dwòg, nan kreye destabilizasyon,<br />
nan fè koudeta ak kidnapin<br />
sou prezidan pèp la te eli.<br />
Kidonk, aprè tranblemanntè a<br />
se pa yon kado y ap vin fè Ayiti, se<br />
sa yo te pran ak gwo ponyèt yo yo<br />
dwe renmèt Ayiti nan moman difisil<br />
sa a. Sarkozy, pèp ayisyen an pa<br />
bezwen tande okenn diskou demagojik<br />
ki chaje ak anpil vye pwomès,<br />
se lajan l l ap tann nan men ou.<br />
Yves Pierre-Louis<br />
6<br />
Haïti Liberté<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010
Perspectives<br />
Le séisme du 12 janvier et sa construction<br />
socio-historique<br />
Par Franck Séguy *<br />
Pour l’Haïtien que je suis, dans<br />
mon exil volontaire [au Brésil],<br />
devenu exil forcé depuis le lendemain<br />
du fameux 12 janvier 2010<br />
– depuis le 16 janvier pour être plus<br />
précis, car ç’aurait dû être la date<br />
de mon retour au pays natal – la<br />
moindre activité prend chaque jour<br />
l’allure de question existentielle.<br />
M’informer sur Haïti devient une<br />
sorte de supplice. Une obligation<br />
de supporter le racisme larvé dont<br />
mon peuple a toujours été l’objet.<br />
Une manière de mourir à petit feu.<br />
De me rendre compte que je meurs<br />
à petit feu. Dans cette mort lente,<br />
écrire s’impose comme une tentative<br />
de me réveiller. De reprendre vie. De<br />
faire l’impasse sur le vide. De tromper<br />
l’impuissance... J’ai toujours préféré<br />
écrire pour que la vie fleurisse<br />
au lieu de le faire pour la mort... sauf<br />
que, aujourd’hui, l’acte que je pose<br />
ne répond en rien à mes préférences,<br />
sinon qu’il s’est imposé à moi par la<br />
force des circonstances.<br />
Pour celles et ceux que les chiffres<br />
intéressent, disons-le clairement:<br />
plus de 200’000 morts comptabilisés<br />
à Port-au-Prince, au 2 février 2010.<br />
Officiellement. Car selon Jean-Max<br />
Bellerive, le premier ministre haïtien,<br />
ce comptage ne prend en compte ni<br />
les milliers de morts encore sous les<br />
décombres, ni ceux qui ont été ensevelis<br />
par leurs propres familles.<br />
Ce que révèlent les propos<br />
de Bellerive<br />
On ne sait pas s’il faut pleurer<br />
en lisant les propos du chef du gouvernement<br />
haïtien ou s’il faut se révolter<br />
devant les écrans de TV, à des<br />
milliers de kilomètres. Mais on est<br />
forcé de reconnaître la crudité des vérités<br />
qu’il était allé cracher aux parlementaires:<br />
«Le gouvernement, tel<br />
que constitué, ne peut pas présenter<br />
de résultats [satisfaisants] face à<br />
cette situation.» Un gouvernement<br />
incapable de remplir les fonctions régaliennes<br />
de l’Etat. En clair, un Etat<br />
qui n’existe pas.<br />
C’est exactement de cette<br />
manière qu’il convient d’interpréter<br />
les complaintes de J.-M. Bellerive<br />
concernant les problèmes<br />
d’infrastructures à l’aéroport international<br />
de Port-au-Prince dont il<br />
affirme qu’ils ont «empêché l’arrivée<br />
des avions d’aide» – ce qui, ajoutet-il,<br />
«fruste la population aussi bien<br />
que le gouvernement». C’est que<br />
Bellerive n’a aucun contrôle dudit<br />
aéroport que lui-même et son propre<br />
président, René Préval ont rapidement<br />
remis aux militaires étatsuniens,<br />
dont un représentant – le<br />
général P. K. Keen, commandant<br />
en second du SouthCom (Commandement<br />
du Sud) – était sur place à<br />
Port-au-Prince avant le 12 janvier,<br />
pour «coordonner les opérations de<br />
secours prévisibles».<br />
Le tremblement de terre du<br />
12 janvier frappe Port-au-Prince et<br />
d’autres villes du même département<br />
de l’Ouest, puis une partie du Sudest<br />
où il a plus endommagé ou détruit<br />
des constructions qu’occasionné<br />
de victimes. Non seulement les<br />
forces armées étatsuniennes se sont<br />
emparées de l’aéroport de Port-au-<br />
Prince, mais elles ont rapidement<br />
pris le contrôle de tout le pays, particulièrement<br />
des ports et aéroports.<br />
Et occupent jalousement le môle St-<br />
Nicolas (Nord-est), région qui donne<br />
une vue sur Cuba pareille à celle<br />
Les plus de 200 000 morts du séisme du 12 janvier sont avant tout des<br />
victimes de l’injustice agraire commise et non réparée depuis 200 ans.<br />
qu’offre sur la mer une maison de<br />
villégiature au bord de la plage. Nos<br />
informations sont trop limitées sur<br />
les questions géologiques pour pouvoir<br />
fournir une quelconque explication<br />
précise. Toutefois, l’hypothèse<br />
a été faite qu’un des éléments de<br />
l’empressement des Etats-Unis pourrait<br />
être motivé par les possibilités<br />
assez grandes de mettre au jour des<br />
réserves diverses (du pétrole à des<br />
minerais), dans la mesure où Haïti<br />
est à l'intersection de deux plaques<br />
tectoniques. Cela dit, nous fermons<br />
cette parenthèse sans, pour autant,<br />
fermer nos yeux sur cette nouvelle<br />
offensive impérialiste qui, ayant<br />
depuis longtemps orchestré une catastrophe<br />
économique, profite maintenant<br />
d’une catastrophe naturelle<br />
pour se rattacher, Haïti renforçant<br />
ainsi sa condition de néocolonisée.<br />
Nous y reviendrons.<br />
Dans les déclarations du chef du<br />
gouvernement haïtien, deux éléments<br />
particuliers méritent l’attention.<br />
Le premier: M. Bellerive identifie<br />
comme problème rendant la distribution<br />
de l’aide difficile le fait que<br />
«les sans-abri du séisme [soient]<br />
mélangés aux autres personnes pauvres<br />
qui vivaient dans la précarité<br />
bien avant la catastrophe». Dans<br />
son raisonnement, cela «rend difficile<br />
la distribution de l’aide et crée des<br />
tensions».<br />
Le second: le principal<br />
problème est que l’aide passe par les<br />
ONG en lieu et place du gouvernement.<br />
Et la plupart «de ces entités<br />
n’étaient pas prêtes» pour assumer<br />
une telle responsabilité. Comme pour<br />
ridiculiser le premier ministre haïtien,<br />
le site brésilien qui rapporte ses<br />
propos colle, tout de suite après, un<br />
numéro de compte bancaire de l’ONG<br />
brésilienne Viva Rio, une de ces entités<br />
qui sont en train de faire leur<br />
beurre sur le dos des victimes en Haïti.<br />
Une petite idée sur Viva Rio. Son<br />
projet en Haïti depuis 2005 emploie<br />
130 travailleurs haïtiens pour un<br />
salaire mensuel de 135 dollars. L’un<br />
de ses dirigeants justifie ce salaire de<br />
chien par l’argument suivant: «S’ils<br />
payaient un centime de plus à ces<br />
travailleurs, ces derniers auraient<br />
un niveau de vie supérieur qui casserait<br />
l’économie du pays.» Nous reviendrons<br />
sur la participation des ONG<br />
dans la construction socio-historique<br />
du séisme de Port-au-Prince et de ses<br />
suites, mais accordons pour le moment<br />
notre attention à M. Bellerive.<br />
Quelles sont les révélations<br />
contenues dans les propos du premier<br />
ministre au sujet des sans-abri ?<br />
Elles sont multiples. Nous en signalerons<br />
deux. La première: la présence<br />
continuelle de sans-abri dans les rues<br />
de Port-au-Prince avant le 12 janvier<br />
n’a jamais constitué un problème<br />
aux yeux des dirigeants haïtiens.<br />
Beaucoup de pauvres gisaient dans<br />
la précarité bien avant la dernière<br />
catastrophe, mais cela était tellement<br />
ordinaire que ce n’était même pas<br />
un fait divers. Cela était considéré<br />
comme «naturel». La présence de ces<br />
sans-abri habituels devient par contre<br />
un problème seulement à partir<br />
du 13 janvier 2010. En effet, eux<br />
aussi veulent alors recevoir un sachet<br />
d’eau ou une boîte de sardines.<br />
Ces éternels sans-abri rendent difficile,<br />
selon Bellerive, la distribution<br />
de l’aide aux nouveaux sans-abri<br />
circonstanciels d’aujourd’hui – qui<br />
deviendront, demain, des sans-abri<br />
«naturels». Ils représentent une sorte<br />
d’empêchement au déploiement sans<br />
heurts de la bannière de «la solidarité<br />
de spectacle», pour reprendre une expression<br />
chère à Jn Anil Louis-Juste,<br />
crapuleusement assassiné deux heures<br />
avant le séisme [voir sur ce site<br />
l’article en date du 25 janvier 2010].<br />
Deuxième révélation de M. Bellerive:<br />
la «solidarité de spectacle» qui<br />
se déploie à Port-au-Prince n’entend<br />
aucunement s’attaquer au problème<br />
structurel de l’habitat du pays,<br />
plus dévastateur que le séisme luimême.<br />
Le premier ministre est clair<br />
là-dessus dans ses sous-entendus:<br />
il y avait déjà des sans-abri à Portau-Prince<br />
et c’était naturel. Pourquoi<br />
alors la présence de quelques milliers<br />
de plus, fûssent-ils des centaines de<br />
milliers, voire 1 million, serait-elle<br />
un problème ? Comme l’a remarqué<br />
l’intellectuelle Marilena Chaui, citant<br />
l’auteur des Grundrisse, de l’Idéologie<br />
allemande et de la Critique de la philosophie<br />
du droit de Hegel, «le mode<br />
de production capitaliste est le seul<br />
à être historique d’un bout à l’autre,<br />
dans lequel il ne subsiste rien qui<br />
soit naturel. Voilà pourquoi dans ce<br />
mode de production, l’idéologie possède<br />
une force immense, car sa fonction<br />
consiste à faire entrer le naturel<br />
dans l’histoire, naturaliser ce qui est<br />
historique.» (Chaui, 2007, p. 146)<br />
Ce constat nous met dans<br />
l’obligation, au risque d’être répétitif,<br />
de démontrer le caractère socio-historique<br />
du drame de Port-au-<br />
Prince, une façon de rappeler qu’il<br />
est le produit de l’action humaine,<br />
orchestrée dans des circonstances<br />
connues. Ce qui laissera clairement<br />
entendre que ce drame était évitable<br />
et qu’il y a moyen d’éviter sa répétition<br />
à l’avenir puisqu’il ne répond<br />
à aucune nécessité vitale, naturelle,<br />
universelle, immuable ou rationnelle<br />
sinon qu’à la reproduction du mode<br />
de production qui l’a engendré: celui<br />
du capital. Il ne suffit pas que la terre<br />
tremble, le séisme fût-il de magnitude<br />
7 sur l’échelle de Ritcher, pour<br />
qu’une catastrophe de ce type en<br />
découle. D’autres conditions sociales<br />
doivent être réunies qui, dans le cas<br />
d’Haïti, ont été forgées historiquement<br />
par les puissants de ce monde.<br />
6e siècle de veines ouvertes<br />
Je ne rappellerai pas qu’Haïti<br />
a souffert de deux colonisations au<br />
début de l’ère de la modernité: une<br />
colonisation espagnole (1492-1697)<br />
et une française (1697-1803). Je rappellerai<br />
toutefois, rapidement, que<br />
l’administration moderne / coloniale<br />
française à elle seule a détruit systématiquement<br />
45 % de l’environnement<br />
haïtien durant ces 100 et quelques<br />
années. Qui n’a pas entendu parler de<br />
ces chefs-d’œuvre d’édifices en France<br />
frappés de l’inscription: «bois d’Haïti» ?<br />
Ce n’est pas une imagination littéraire<br />
prolifique qui a octroyé à Haïti le titre<br />
de «Perle des Antilles». Ces lauriers, le<br />
pays les avait gagnés en reconnaissance<br />
du volume hors pair de richesses<br />
que la France lui extrayait. J’ai une affection<br />
particulière pour la simplicité<br />
avec laquelle Benoit Joachim résume<br />
les premières conséquences de cette<br />
veine ouverte d’Haïti:<br />
«Si l’exploitation de la terre<br />
et des hommes dans la colonie de<br />
Saint-Domingue [actuelle République<br />
d’Haïti] avait puissamment<br />
contribué à enrichir la bourgeoisie<br />
française et avait accéléré le développement<br />
du capitalisme dans la<br />
métropole, par contre le peuple qui<br />
avait succédé aux esclaves dont le<br />
dur labeur avait permis cette accumulation<br />
du capital en métropole<br />
n’a hérité que de sols usés, de surfaces<br />
en grande partie calcinées, de<br />
décombres enfin.» (Joachim, 1979,<br />
p. 87)<br />
Quand la bourgeoisie plante<br />
son exploitation ouverte, éhontée,<br />
directe, brutale dans un espace, le résultat<br />
ne saurait être différent.<br />
Si l’indépendance (proclamée<br />
le 1er janvier 1804) avait ligaturé<br />
cette veine ouverte, cette saignée,<br />
l’environnement haïtien se serait<br />
certainement cicatrisé. Mais Haïti a<br />
dû signer et verser à la France une<br />
«dette» qu’elle n’a jamais contractée<br />
de 150 millions de francs or. La<br />
loi de la jungle capitaliste prévalant<br />
encore, jusqu’à présent aucun<br />
gouvernement français n’a compris<br />
la décence de rendre cet argent, injustement<br />
volé. Le paiement de cette<br />
somme – évaluée à plus de 21 milliards<br />
de dollars en 2003 – a eu sur le<br />
milieu ambiant haïtien un effet comparable<br />
à celui de la colonisation du<br />
siècle antérieur. Car les classes dominantes<br />
haïtiennes, qui n’ont point<br />
versé un centime dans les caisses de<br />
leur propre Etat jusqu’en 1920, ont<br />
sucé tout cet argent des veines des<br />
paysans et paysannes, principalement<br />
de leur production caféière, les<br />
forçant ainsi, pour assurer leur subsistance,<br />
à planter dans les surfaces<br />
en pente des cultures érosives et décapantes<br />
comme le maïs, la patate<br />
douce ou le haricot. Entre-temps, ces<br />
mêmes classes dominantes, alliées à<br />
leurs cousines européennes et nordaméricaines,<br />
foncent à vive allure<br />
dans l’exploitation de la réserve forestière<br />
du pays. Donnons une fois de<br />
plus la parole à Benoit Joachim:<br />
«L’essor sans précédent des<br />
exploitations forestières en Haïti<br />
au 19e siècle a été souligné par<br />
tous les témoins. Les bois de teinture<br />
(campêche, etc.,), d’ébénisterie<br />
(acajou), de construction (pin...)<br />
se sont imposés par leur volume<br />
croissant à l’exportation. Tous les<br />
navires quittant les ports haïtiens<br />
emportaient du campêche, (le bois<br />
rouge), ne fût-ce que comme lestage.<br />
La variété ‘bois de saline’, dont les<br />
qualités tinctoriales étaient mises<br />
en valeur par sa longue immersion<br />
de trois semaines à deux mois avant<br />
d’arriver au port d’embarquement,<br />
allait principalement au Havre, tandis<br />
que le ‘bois de ville’, de second<br />
ordre, était employé en Angleterre,<br />
en Allemagne, aux Etats-Unis.»<br />
(Ibid., pp. 202-203)<br />
Si le processus s’était arrêté<br />
là, Haïti très certainement n’aurait<br />
pas été ce qu’il est aujourd’hui. Mais<br />
non. La situation n’est pas si simple.<br />
La France esclavagiste et esclavocrate<br />
elle-même, s’estimant perdante,<br />
avait réclamé 150 millions de francs<br />
or comme «dédommagement» en<br />
échange de quoi elle a signé la reconnaissance<br />
de l’indépendance d’Haïti<br />
en 1825, assouplissant ainsi certains<br />
termes de l’embargo. Mais les Etats-<br />
Unis ont attendu jusqu’à la décennie<br />
1860 pour accomplir ce simple geste.<br />
Car l’ordre moderne, dont ils étaient<br />
en passe de devenir les nouveaux<br />
gardiens, ne prévoyait pas de place<br />
pour une République dirigée par des<br />
nègres anciens esclavisés.<br />
Ainsi, au moment où les puissants<br />
ouvrent le XXe siècle par une<br />
première grande guerre (appelée à tort<br />
Première Guerre mondiale), les Etats-<br />
Unis, tout-puissants en Amérique, et<br />
appliquant la doctrine de Monroe –<br />
«l’Amérique aux Américains», c’està-dire<br />
aux seules élites des Etats-Unis<br />
– établissent leur première occupation<br />
d’Haïti (1915-1934). Le tout premier<br />
acte de cette occupation commence<br />
par un hold-up sur la Banque centrale<br />
haïtienne. Toute la réserve d’or de la<br />
Banque de la République d’Haïti a été<br />
pillée par les marines et emportée à<br />
Washington. L’acte deux a consisté à<br />
expulser les paysans de leurs terres –<br />
ces mêmes paysans dont le dur labeur<br />
a payé le rapt français, mal nommé<br />
«dette de l’Indépendance». Ces paysans<br />
ont été «embarqués», comme à<br />
l’époque des négriers, vers les plantations<br />
Suite à la page (18)<br />
Excellence Income Tax<br />
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Tel: 305.892.5053<br />
Fax: 305.892.5058<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 7
Perspectives<br />
Port-au-Prince, d’un tremblement de terre à l’autre<br />
Par Wiener K. Fleurimond<br />
Une ordonnance du roi de France<br />
dâtant du 26 novembre 1749<br />
proclamait la bourgade de Port-au-<br />
Prince «capitale des îles sous le vent»<br />
des îles françaises d’Amérique. Par ce<br />
décret ou ordre royal venu de Paris,<br />
les fondateurs et bâtisseurs de cette<br />
cité perdue de nulle part face à la mer<br />
bleue des Caraïbes, pensaient en avoir<br />
terminé avec les maintes difficultés<br />
d’ordre techniques, topographiques et<br />
politiques qu’ils avaient rencontrées<br />
depuis le début des années 1700.<br />
Contrairement à ce qu’on dit, le Cap-<br />
Français n’a jamais été officiellement<br />
promu capitale de la colonie de Saint-<br />
Domingue.<br />
Certes, nous savons que deux<br />
autres bourgades existaient déjà et se<br />
chamaillaient pour avoir le titre et le<br />
privilège d’être la capitale de la colonie<br />
française de Saint-Domingue : il<br />
s’agissait de Léogane et de Petit-Goave.<br />
Mais vu leurs situations géographiques,<br />
les différents envoyés du roi surtout<br />
Bertrand d’Ogeron voulant marquer<br />
la grandeur de la France coloniale<br />
dans cette contrée du monde et aussi<br />
imposer son système administratif très<br />
centralisé, penchèrent pour une nouvelle<br />
ville digne du roi de France face<br />
à la prépondérance de la reine Isabelle<br />
la catholique d’Espagne. Dès la fondation<br />
effective et fort laborieuse de la<br />
ville de Port-au-Prince en 1749, qui<br />
d’ailleurs, a connu bien d’autres noms<br />
tout au long de son histoire du temps de<br />
Saint-Domingue – tous dérivés du nom<br />
de ce fameux port: Port-Royal, Port-<br />
Républicain, Port-Patriotes, voire Portaux-Crimes<br />
– cette capitale ne cessa ou<br />
ne cesse de connaître des malheurs, des<br />
drames et des catastrophes extrêmement<br />
graves.<br />
Mis à part des soubresauts politiques<br />
inhérents à toutes les capitales<br />
où siègent les institutions de l’Etat, la<br />
ville de Port-au-Prince a connu toutes<br />
ces vicissitudes que sont les pillages,<br />
les incendies, les attaques militaires,<br />
les révolutions et contrerévolutions, les<br />
destructions etc., même et surtout pendant<br />
toute la période coloniale. Elle n’a<br />
pas non plus échappé à une sorte de<br />
malédiction collective, de mauvais présages<br />
de la part des nombreux opposants<br />
à sa construction, en tout cas là<br />
où elle devait être située. Tout d’abord,<br />
un certain Meynier, ingénieur en chef<br />
envoyé par le ministère de la marine<br />
pour confirmer ou non aux autorités<br />
si le lieu choisi était le meilleur endroit<br />
pour bâtir une capitale.<br />
Après une visite et des relevés<br />
topographiques, l’ingénieur était<br />
formel : le site retenu était trop exposé<br />
à diverses calamités qu’on ne pourrait<br />
prévenir. D’autres sommités publiques<br />
s’opposèrent à ce que Port-au-Prince<br />
devienne la capitale de la colonie, entr’<br />
autres le Comte Dubois de Lamote,<br />
de son vrai nom Emmanuel Auguste<br />
de Cahideux, gouverneur de Saint-<br />
Domingue en 1751 ou encore un autre<br />
ingénieur en chef, Henri Dumoulceau.<br />
Tous, même après l’édification de la<br />
ville restèrent ardemment opposés à sa<br />
position géographique et lui prédirent<br />
de sombres années à venir. Mais les<br />
partisans de Port-au-Prince, spécialement<br />
Charles Brunier, plus connu sous<br />
le nom de marquis de Larnage, gouverneur<br />
de Saint-Domingue, considéré<br />
à juste titre, par tous les historiens<br />
comme étant le vrai père fondateur de<br />
la ville de Port-au-Prince, va mettre<br />
tout son poids dans la balance pour<br />
convaincre ses supérieurs de Paris, du<br />
bien fondé du site de Port-au-Prince et<br />
surtout de sa position stratégique pour<br />
établir la capitale coloniale de l’empire<br />
de France.<br />
Il arrive à mettre en minorité auprès<br />
du ministre de la marine les points<br />
de vue de tous les ingénieurs en chef y<br />
compris Meynier. De Larnage fera tout<br />
qui ce était en son pouvoir pour garder<br />
ce coin ancré dans la rade comme<br />
site de la future capitale. Le décret du<br />
26 novembre 1749 du roi de France<br />
consacra donc le rêve de Larnage bien<br />
après sa mort. Mais les prédictions<br />
maléfiques de Meynier demeurent et<br />
les opposants historiques n’avaient<br />
pas dit leurs derniers mots sur Portau-Prince.<br />
En effet, moins de deux années<br />
à peine, après la construction de<br />
la ville à titre de capitale, ses premiers<br />
habitants faisaient face à leur première<br />
catastrophes naturelle. Ce fût un ouragan.<br />
Il dâte du 6 juillet 1751. Certes,<br />
peu de dégâts furent signalés à part<br />
quelques cases arrachées et des toitures<br />
en chaume parties dans la nature sans<br />
laisser de trace.<br />
On n’enregistre pas non de plus<br />
de victimes humaines, selon les archives<br />
coloniales. Mais ce fut un avantgoût.<br />
Deux mois plus tard, le 20 septembre,<br />
rebelote. Un nouveau cyclone<br />
frappe cette capitale qui à la vérité ne<br />
l’est que de nom. Toujours sans faire de<br />
dégâts mais les Port-au-Princiens sont<br />
ébranlés et demeurent inquiets. Les colons<br />
se posent des questions. Et si les<br />
oiseaux de malheurs à l’instar de Meyniers<br />
et consorts avaient raison. Cette<br />
capitale en construction résisterait-elle<br />
aux assauts répétés des ondées tropicales<br />
venues de la mer ? Mais comme<br />
d’habitude quelques jours plus tard, la<br />
vie reprend ses droits et la cité replonge<br />
dans ses intrigues politiques coloniales,<br />
commerciales. Entretemps, les concepteurs<br />
de la ville s’acharnent à lui donner<br />
de l’allure et essaient d’assurer ses<br />
habitants contre d’éventuelles attaques<br />
des Anglais qui rodaient au large après<br />
leur échec à prendre pied dans l’île. Un<br />
mois après, et ce sera une première<br />
pour la capitale dans la série d’une<br />
longue liste, la terre se met à trembler<br />
sous les pieds des Port-au-Princiens, le<br />
18 octobre 1751. Deux secousses en<br />
l’espace de trois minutes.<br />
Cela secouait si fort que les habitants<br />
de la ville en étaient restés tétanisés.<br />
Pourtant, malgré ces secousses<br />
telluriques d’une grande puissance,<br />
miraculeusement la ville sort pratiquement<br />
indemne avec quelques fissures<br />
çà et là. Par précaution, toute la<br />
population de Port-au-Prince préfère<br />
gagner les rues par crainte de nouvelles<br />
secousses. Curieusement, les<br />
Meynier et compagnie vont avoir raison.<br />
Depuis ce 18 octobre 1751, en effet,<br />
la ville coloniale va vivre une succession<br />
de phénomènes inexpliquée.<br />
Pendant presqu’un mois des bruits et<br />
des gémissements vont rendre la vie<br />
impossible dans la cité. Les habitants<br />
pris de panique ne savent plus où se<br />
positionner car la terre n’arrête pas de<br />
secouer. Des secousses plus ou moins<br />
distancées affolent la population.<br />
En fait, Port-au-Prince avait raison<br />
de s’inquiéter car le malheur était<br />
à ses portes plus justement sous les<br />
pieds de ses habitants. Le 21 novembre<br />
1751, soit tout juste un mois après les<br />
premières secousses, ce que les gens<br />
considéraient à l’époque comme le<br />
tremblement du siècle frappait Port-au-<br />
Prince. Il était aux environs de 8 heures<br />
du matin ce 21 novembre quand le<br />
coup fatal est tombé sur la ville. C’est<br />
l’auteur de la célèbre somme historique<br />
intitulée Port-au-Prince au cours des<br />
ans, l’historien Georges Corvington,<br />
citant le non moins célèbre historien<br />
français Moreau de Saint-Rémy, qui a<br />
décrit cette scène d’épouvante dont le<br />
reportage donne froid dans le dos.<br />
Selon Corvington, qui reprend le<br />
récit de Moreau de Saint-Rémy : «le 21<br />
novembre à 8 heures du matin, durant<br />
un calme profond, il y eut une légère<br />
secousse de tremblement de terre à<br />
Port-au-Prince. Des secousses plus violentes<br />
suivirent. Une seule des maisons<br />
de maçonnerie ne fut pas renversée.<br />
Les casernes, le magasin général et<br />
une aile de l’intendance s’écroulèrent.<br />
Le 22, les bâtiments qui avaient résisté<br />
la veille furent détruits, et du 19<br />
Comme lors du séisme du 12 janvier dernier après la destruction quasi<br />
complète de Port-au-Prince le 3 juin 1770, tout le monde s’était réfugié<br />
sous des tentes de fortune<br />
au 22, la terre ne fut pas stable un seul<br />
instant…Du 22 novembre au 8 décembre<br />
il y eut 25 secousses…» (G. Corvington.<br />
Port-au-Prince au cours des<br />
ans, 2 ème édition, p. 37). Toujours selon<br />
Georges Corvington «Durant ces jours<br />
d’angoisse, la population vit sous la<br />
tente: Port-au-Prince est transformé<br />
en un camp de bédouins…».<br />
Plusieurs semaines après le séisme<br />
du 12 janvier, la terre continue<br />
encore de trembler à Port-au-Prince, les<br />
habitants vivent dans l’angoisse et une<br />
sorte de psychose a envahi la capitale<br />
ainsi que les autres villes touchées par<br />
ce terrible cataclysme. Aujourd’hui,<br />
l’on s’étonne de l’effondrement de tous<br />
les bâtiments publics et des édifices<br />
religieux, suite à la catastrophe du 12<br />
janvier 2010. Et si l’on regardait ce qui<br />
s’était passé lors de la première destruction<br />
de Port-au-Prince par un tremblement<br />
de terre. Dans son Port-au-Prince<br />
au cours des ans, Corvington nous<br />
donne un bilan assez exhaustif de ce<br />
malheur: «le bilan du désastre est impressionnant.<br />
Des rares maisons encore<br />
debout, pas une qui ne soit lézardée.<br />
Les édifices gouvernementaux sont<br />
renversés ou gravement endommagés.<br />
L’église est en ruine. Les fortification<br />
n’ont pas mieux tenu : la batterie de<br />
l’Islet est complètement hors d’usage<br />
et celle des Trois-Joseph anéantie…».<br />
Cela ne vous rappelle rien?<br />
A partir de cette description du<br />
bilan d’un séisme datant de 1751 dans<br />
une ville qui n’était en fait qu’un village<br />
de peu d’âmes et dont l’habitat urbain<br />
n’était constitué que de quelques<br />
maisonnettes plantées sur de vastes<br />
terrains, on peut comprendre le bilan<br />
désastreux en vie humaine et en matériels<br />
d’un tremblement de terre de<br />
magnitude 7,5 sur l’échelle de Richter<br />
dans une métropole de près de trois<br />
millions d’habitants avec une urbanisation<br />
à outrance et sans contrôle. Mais<br />
l’histoire de destruction quasi totale hier<br />
de la capitale de Saint-Domingue et de<br />
nos jours d’Haïti à chaque tremblement<br />
de terre ne s’arrêtera pas là. Les prédictions<br />
des ingénieurs-architectes de la<br />
colonie semblent partir pour durer. Ce<br />
lieu ne leur inspirait pas de confiance.<br />
Et aujourd’hui, plus que jamais la capitale<br />
fait peur.<br />
Scientifiquement, on connaît<br />
maintenant avec certitude les causes<br />
pouvant transformer Port-au-Prince<br />
en un tombeau vivant capable de se<br />
refermer sur ses habitants à tout moment.<br />
Le tremblement de terre de 1751<br />
qui l’avait ruiné n’avait pas pour autant<br />
ralenti son développement et son<br />
expansion. Quelques semaines après<br />
avoir pansé les plaies et secouru les<br />
premiers sinistrés de Port-au-Prince,<br />
la ville se lança dans sa reconstruction<br />
sous la houlette des autorités coloniales<br />
toutes dévouées corps et âme au roi<br />
de France. A l’époque, c’était chacun<br />
pour soi. L’entité abstraite dénommée<br />
Communauté internationale n’existait<br />
point. Les Etats devaient se débrouiller<br />
tout seuls.<br />
Les dirigeants devaient être à la<br />
hauteur de leurs tâches et de leurs responsabilités.<br />
Un chef ne pleurnichait<br />
pas sur son sort. Il savait qu’il devait<br />
prendre les choses en main. D’ailleurs,<br />
le royaume de France ne permettrait pas<br />
de venir aider les sujets de sa majesté le<br />
roi. C’est une question de principe, de<br />
grandeur, de puissance et de dignité,<br />
voire d’orgueil. Bref, Port-au-Prince, la<br />
capitale des îles sous le vent, possession<br />
française d’Amérique allait renaître<br />
de ses cendres avec le seul courage<br />
et les moyens humains, financiers, et<br />
la volonté politique de Paris. En un<br />
temps record Port-au-Prince reprenait<br />
ses airs de capitale tropicale française.<br />
Tous les bâtiments publics et religieux<br />
furent reconstruits, les maisons endommagées<br />
ou détruites laissaient place à<br />
de nouvelles constructions flambant<br />
neuves.<br />
Les places publiques, les monuments<br />
et autres ornements de la ville<br />
furent tous refaits à neuf. Et les Portau-Princiens,<br />
insouciants oublièrent<br />
vite les effets du cataclysme. Ils avaient<br />
tort. Meynier, Dumoulceau et l’exgouverneur<br />
le Comte Dubois de Lamote<br />
n’en démordaient pas. Ils restaient<br />
persuadés que Port-au-Prince serait<br />
rayé de la carte. Comment ? Ils ignoraient.<br />
Mais cette cité antillaise ne survivra<br />
point dans le temps. Et jusqu’à<br />
aujourd’hui, la nature s’acharnera à<br />
donner raison à ceux qui n’en voulaient<br />
pas de l’emplacement pour la capitale.<br />
Moins de vingt ans après le séisme<br />
qu’on croyait être le tremblement du<br />
siècle, un autre encore plus terrifiant<br />
frappa à nouveau la capitale coloniale.<br />
Nous sommes fin mai 1770. Après une<br />
série d’éléments bizarres et de phénomènes<br />
apparus dans le ciel, ce sont<br />
des petites secousses à répétitions qui<br />
agitent la terre et qui rendent nerveux<br />
les habitants de Port-au-Prince.<br />
Et puis survint ce triste 3 juin<br />
1770. Alors qu’une chaleur étouffante<br />
rendait la respiration impossible il était<br />
sept heures du soir quand soudain une<br />
secousse renversa tout par terre et projeta<br />
les gens face contre terre. Alexandre<br />
Pétion, âgé seulement de deux<br />
mois n’a eu la vie sauve que par miracle.<br />
La maison de ses parents située à la<br />
rue du Peuple ci-devant rue d’Orléans<br />
s’était effondrée. Dans le sauve-quipeut<br />
on avait oublié de prendre le futur<br />
Président d’Haïti dans son berceau.<br />
Une tante qui s’en était souvenue se<br />
précipita dans la maison et sauva le<br />
petit Alexandre de justesse. Dans la<br />
nuit et la panique, ce fût l’affolement<br />
général. Le récit qu’a fait l’historien de<br />
la colonie, Moreau de Saint-Rémy dans<br />
son inimitable Description dépasse<br />
l’imagination.<br />
Selon l’auteur, rapporté par<br />
Georges Corvington dans son Portau-Prince<br />
au cours des ans, tome I,<br />
ce fut: une nuit d’effroi, peuplée de<br />
cauchemars et de ruines, qui paraîtra<br />
éternelle. Mais cet esprit curieux ne<br />
s’est pas seulement contenté de donner<br />
son impression sur cette horreur, il<br />
a aussi décrit ce qu’il a vu : « Le jour<br />
montra toute l’horreur de cette scène<br />
déchirante. Un sol entr’ouvert en mille<br />
endroits, des défenseurs de la patrie<br />
ensevelis sous les ruines des casernes<br />
ou des hôpitaux, des prisonniers écrasés<br />
sous les débris de la geôle, les montagnes<br />
voisines de la ville dégradées<br />
et affaissées ; enfin, des monceaux de<br />
décombres couvrant toute l’étendue<br />
d’une ville où il n’y avait d’autre abri<br />
que celui des arbres qui indiquaient<br />
la direction des rues ; tel était le<br />
tableau que contemplaient les infortunés,<br />
s’estimant trop heureux encore,<br />
lorsqu’ils n’avaient à déplorer que les<br />
pertes de la fortune, et qu’ils ne découvraient<br />
aucun objet cher à leur tendresse<br />
parmi deux cents cadavres »<br />
Corvington, ibid. p. 75-76). Comme<br />
lors du séisme du 12 janvier dernier<br />
après la destruction quasi complète de<br />
Port-au-Prince le 3 juin 1770, tout le<br />
monde s’était réfugié sous des tentes de<br />
fortune cousues avec les voiles des bateaux<br />
qui étaient ancrés dans le port. Le<br />
temps que l’aide arrive de la métropole,<br />
il fallait donner à manger et à boire à la<br />
population de la capitale.<br />
Les autorités coloniales eurent<br />
vite fait de réquisitionner tous les fours<br />
de terre miraculeusement épargnés<br />
pour procéder à la fabrication de pain.<br />
De même que l’eau était toute de suite<br />
placée sous l’autorité du gouverneur<br />
afin de permettre à ce que toutes les<br />
victimes reçoivent de quoi étancher leur<br />
soif. D’ailleurs, sans distinction de rang<br />
et de classe : les blanc, les mulâtres et<br />
les nègres libres ou esclaves, les militaires,<br />
commerçants et ouvriers réunissaient<br />
leur force sous ordre des autorités<br />
pour acheminer l’eau depuis les collines<br />
des montagnes avoisinantes jusqu’en<br />
ville. Après le passage de catastrophes,<br />
cyclones, ouragans, tremblements de<br />
terre et incendies, on le sait, le manque<br />
de nourriture et d’eau constitue les<br />
meilleurs alliés naturels pour prolonger<br />
la souffrance de ceux qui ont la chance<br />
d’en sortir vivants.<br />
Aussi, il est impératif que ceux<br />
qui coordonnent l’aide, qu’elle soit<br />
nationale ou internationale prennent<br />
bien soin de procéder à une répartition<br />
équitable au sein de la population des<br />
produits de première nécessité. Comme<br />
on le voit, ce genre de tremblement<br />
de terre meurtrier reste coutumier à<br />
Port-au-Prince. La ville était encore<br />
en construction quand elle fut détruite<br />
et tout au long de sa construction les<br />
habitants de cette cité subissaient les<br />
chocs des éléments qui restent pour<br />
le moment incontrôlables. Dans le cas<br />
où l’on fait le choix de conserver cette<br />
ville dans sa position actuelle, il ne<br />
fait aucun doute qu’on n’aura pas fini<br />
avec les tremblements de terre. Seule<br />
une bonne gestion politique, administrative,<br />
technique et scientifique peut<br />
aider non pas à empêcher les désastres<br />
du type du 12 janvier 2010 mais<br />
au moins à les prévenir et par la même<br />
occasion à sauver le plus de vie humaines<br />
possibles et ce qui peut l’être<br />
sur le plan matériel.<br />
Comme l’avait prévu l’ingénieur<br />
en chef Meynier, le site de Port-au-<br />
Prince n’était pas le meilleur endroit<br />
pour construire la capitale de la colonie<br />
française de Saint-Domingue en 1749.<br />
Ni celle de l’Empire d’Haïti en 1804,<br />
en effet on peut se rappeler que Dessalines<br />
avait préféré Marchand dans le<br />
centre du pays (encore que ce fut un<br />
choix politique). Ni celle du royaume<br />
d’Haïti avec Christophe en 1806, ni<br />
enfin celle de la République d’Haïti en<br />
1807 puisque depuis, Port-au-Prince<br />
a connu bien d’autres tremblements<br />
de terre aussi violents et meurtriers<br />
que le dernier en date. Aujourd’hui, la<br />
balle se trouve dans le camp de nos dirigeants<br />
politiques, de nos scientifiques,<br />
d’ingénieurs et architectes en chef pour<br />
déterminer quel est le meilleur choix<br />
pour doter Haïti d’une capitale où ses<br />
habitants pourront vivre en toute quiétude.<br />
8<br />
Haïti Liberté<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010
This Week in <strong>Haiti</strong><br />
500 women march on MINUSTAH<br />
and U.S. Embassy to demand<br />
“Tents, not guns!”<br />
Brian Jackson/Millenials Project<br />
U.S. brags <strong>Haiti</strong> response<br />
is a “Model” while more<br />
than a million <strong>Haiti</strong>ans<br />
remain homeless<br />
Over 500 women marched 7 miles from Carrefour Aviation to the US Embassy in Tabarre.<br />
by Christian Guerrier and Brian<br />
Jackson<br />
Christian Guerrier and Brian<br />
Jackson, both based in the Miami,<br />
Florida area, visited <strong>Haiti</strong> from Feb. 1<br />
- 9. They are with the Millennials Project,<br />
an organization dedicated to the<br />
empowerment of women.<br />
We traveled to <strong>Haiti</strong> with the idea<br />
that women would emerge to lead<br />
in rebuilding and reshaping the country’s<br />
future after the devastating Jan.<br />
12 th earthquake. Arriving by bus from<br />
the Dominican Republic, we stayed in<br />
makeshift tents at Port-au-Prince’s Carrefour<br />
Aviation Base, near the community<br />
of Pont Rouge, where Christian had<br />
lived as a boy.<br />
Prior to our arrival, we had heard<br />
from news reports that women were<br />
having difficulty obtaining the aid that<br />
was being distributed. When we arrived,<br />
it appeared that nobody was receiving<br />
such aid. It was quite clear that the most<br />
pressing need among the hundreds of<br />
thousands of internally displaced was<br />
tents. Having toured much of Port–au–<br />
Prince by car, we had observed no more<br />
than a few hundred tents spread between<br />
a handful of locations. Throughout the<br />
week, we spent the better part of our<br />
time organizing the women at Carrefour<br />
Aviation and going back and forth to<br />
the United Nation’s Mission to Stabilize<br />
<strong>Haiti</strong> (MINUSTAH) Logistics Base, in the<br />
airport’s northeast corner, where most of<br />
the foreign aid groups were stationed.<br />
We spoke with no less than two dozen<br />
representatives from organizations such<br />
as the UN Children’s Fund (UNICEF),<br />
the UN Refugee Agency (UNHCR), the<br />
International Organization for Migration<br />
(IOM), The Red Cross, the World Health<br />
Organization (WHO) and the UN World<br />
Food Programme (WFP), none of whom<br />
could tell us how many tents were available,<br />
where they were, or why they<br />
were not being distributed.<br />
The general consensus was that<br />
IOM was primarily responsible for the<br />
handling of tents, however, when we<br />
met with its representative, Louis (no<br />
last name provided), he claimed that the<br />
organization’s resources had dried up,<br />
that there was no cache of tents waiting<br />
for distribution. “Unless the American<br />
people decide to turn the tap back on,<br />
there’s nothing we can do,” he said.<br />
The following day, we met a UN-<br />
HCR representative. The organization<br />
supplies tents for the camps of many<br />
internally displaced people around the<br />
world, but it is not mandated to work<br />
in <strong>Haiti</strong>. He explained to us that UN-<br />
HCR had offered to provide additional<br />
tents, but was told by the IOM that it<br />
had “more than enough.”<br />
We finally attempted to have a<br />
group of eight women from the Pont<br />
Rouge community admitted to the MI-<br />
NUSTAH Base to speak directly with the<br />
representatives of these NGOs, who generally<br />
did not want to cooperate with the<br />
Millenials Project, it being a new U.S.-<br />
based organization that they had never<br />
heard of. These women (called the <strong>Haiti</strong>an<br />
Women’s Leadership Council) could<br />
assess and articulate the needs of their<br />
community better than any foreign team<br />
of aid workers possibly could, and they<br />
were willing and able to coordinate the<br />
distribution of materials. Despite making<br />
the effort of traveling to the MINUSTAH<br />
Base, the women were not even allowed<br />
in the gate of the walled-in compound.<br />
The two of us went into the base to talk<br />
with NGO representatives, but they refused<br />
to admit the women’s delegation.<br />
It was turned away.<br />
After getting no help and no answers<br />
except those that we ourselves<br />
were able to deduce from a series of<br />
verbal inconsistencies, we decided with<br />
the women to organize a public demonstration.<br />
Since the <strong>Haiti</strong>an Women’s<br />
Leadership Council would not be admitted<br />
into the MINUSTAH base to voice<br />
their concerns, we chose to have a<br />
mass march to the base the following<br />
day. Throughout the week, huge rallies<br />
had been taking place each afternoon<br />
at an amphitheater located in the Carrefour<br />
Aviation area. By Thursday, Feb.<br />
4, we had amassed about 500 people<br />
from the community.<br />
The march took place on Friday,<br />
Feb. 5 th , led by a banner reading January<br />
12 Movement to Liberate <strong>Haiti</strong>an<br />
Women. Beginning at Pont Rouge, the<br />
crowd of over 500 women marched 20<br />
abreast, with a number of men providing<br />
a protective security perimeter<br />
around the women. The demonstrators<br />
came first to the airport, stopping all<br />
traffic along the way. They then proceeded<br />
to the Central Directorate of the<br />
Judicial Police (DCPJ), which has also<br />
been President René Préval’s residence<br />
and office since the disaster.<br />
The demonstrators briefly blocked<br />
the DCPJ’s entrance as they marched by.<br />
<strong>Haiti</strong>an police began hitting the men<br />
guarding the demonstration’s perimeter<br />
with clubs. Despite this provocational<br />
brutality, the protestors remained<br />
commendably peaceful throughout the<br />
march. People joined the procession as<br />
it passed. The protestors joined hands,<br />
singing traditional <strong>Haiti</strong>an songs and<br />
chanting the slogan “Tents, not guns!”<br />
in Kreyòl. The march paused again in<br />
front of the MINUSTAH Base, and then<br />
finally continued on to the U.S. Embassy<br />
in Tabarre. The entire march from<br />
Pont Rouge to Tabarre is about 7 miles.<br />
In a radio address, President<br />
Préval claimed to have heard about the<br />
march and commented that it should<br />
not happen again.<br />
On the evening of Feb. 7, it rained<br />
for the first time since the earthquake,<br />
auguring the rainy season which starts<br />
in March. The vast majority of residents<br />
in <strong>Haiti</strong>’s “sheet cities” still have<br />
no tents to shelter them.<br />
On Feb. 9, the January 12 Movement<br />
to Liberate <strong>Haiti</strong>an Women, again<br />
with the Millenials Project’s support,<br />
staged a sit–in on the Champs de Mars<br />
outside the Plaza Hotel, where CNN had<br />
been staying. About 50 demonstrators<br />
held signs reading “Tents Now, Politics<br />
Later” and “End U.N. Racism.”<br />
The two groups have initiated<br />
plans for another demonstration in<br />
Port-au-Prince to be held on Mar. 8,<br />
International Women’s Day. Women’s<br />
organizations from around <strong>Haiti</strong> have<br />
been invited to help organize the event,<br />
which organizers hope will bring out<br />
thousands of women from around <strong>Haiti</strong><br />
and its capital.<br />
Brian Jackson/Millenials Project<br />
The demonstrators had received<br />
no aid and needed tents before the<br />
rainy season.<br />
by Bill Quigley.<br />
Despite the fact that over a million<br />
people remained homeless in <strong>Haiti</strong><br />
one month after the earthquake, the<br />
U.S. Ambassador to <strong>Haiti</strong>, Ken Merten,<br />
is quoted at a State Department briefing<br />
on February 12 as saying: “In terms of<br />
humanitarian aid delivery…frankly,<br />
it’s working really well, and I believe<br />
that this will be something that people<br />
will be able to look back on in the future<br />
as a model for how we’ve been<br />
able to sort ourselves out as donors<br />
on the ground and responding to an<br />
earthquake.”<br />
What? <strong>Haiti</strong> is a model of how<br />
the international government and donor<br />
community should respond to an<br />
earthquake? The Ambassador must be<br />
overworked and need some R&R. Look<br />
at the facts.<br />
The UN Office for the Coordination<br />
of Humanitarian Affairs (OCHA)<br />
reported Feb. 11 there are still 1.2<br />
million people living in “spontaneous<br />
settlements” in and around Port-au-<br />
Prince as a result of the Jan. 12 earthquake.<br />
These spontaneous settlements<br />
are sprawling camps of homeless <strong>Haiti</strong>an<br />
children and families living on the<br />
ground under sheets.<br />
Over 300,000 are in camps in<br />
Carrefour, nearly 200,000 in Port au<br />
Prince, and over 100,000 each in Delmas,<br />
Pétionville and Léogane according<br />
to the UN.<br />
About 25,000 people are camped<br />
out on one golf course in Pétionville.<br />
Hundreds of thousands of others are<br />
living in soccer fields, church yards,<br />
on hillsides, in gullies, and even on the<br />
strips of land in the middle of the street.<br />
The UN has identified over 300 such<br />
spontaneous settlements. The Red<br />
Cross reports there are over 700.<br />
The UN reported that barely one<br />
in five of the people in camps have<br />
received tents or tarps as of Feb. 11.<br />
Eighty percent of the hundreds of thousands<br />
of children and families still live<br />
on the ground under sheets.<br />
Many of these camps are huge.<br />
Nineteen of these homeless camps in<br />
the Port au Prince area together house<br />
180,000 people. More than half of these<br />
camps are so spontaneous that there is<br />
no organization in the camp to even<br />
comprehensively report their needs.<br />
Another half a million people have<br />
left Port-au-Prince, most to the countryside.<br />
As a result, there are significant<br />
food problems in the countryside. About<br />
168,000 internally displaced people are<br />
living along the border with the Dominican<br />
Republic, many with families. Others<br />
are in “spontaneous settlements” of<br />
up to a 1000 people.<br />
People living in these densely<br />
populated camps will be asked to move<br />
to more organized settlements outside<br />
the city. Relocation, says the UN, will<br />
be on a voluntary basis.<br />
The U.S. Ambassador knows full<br />
well there are 900 or so aid agencies<br />
are on the ground in <strong>Haiti</strong>. Coordination<br />
and communication between those<br />
agencies and between them and the<br />
<strong>Haiti</strong>an government continues to be a<br />
very serious challenge.<br />
Though many people are trying<br />
hard to meet the survival needs of<br />
<strong>Haiti</strong>, no one besides the Ambassador<br />
dares say that it is a model of how to<br />
respond. Partners in Health director Dr.<br />
Louise Ivers reported on the very same<br />
day that “there is more and more misery”<br />
in Port-au-Prince. Fears of typhoid<br />
and dysentery haunt the camps as the<br />
rainy season looms.<br />
But still the <strong>Haiti</strong>an spirit prevails.<br />
Everyone who has been to <strong>Haiti</strong><br />
since the earthquake reports inspiring<br />
stories of <strong>Haiti</strong>ans helping <strong>Haiti</strong>ans despite<br />
the tragically inadequate response<br />
of the <strong>Haiti</strong>an government and the international<br />
community. That spirit is<br />
something people should admire. Let<br />
me finish with a story that illustrates.<br />
One orphanage outside of Port-au-<br />
Prince, home to 57 children, was promised<br />
a big tent so the children would no<br />
longer have to sleep under the stars. The<br />
tent arrived but without poles to hold it<br />
up. The same group was promised food<br />
from UNICEF. Twelve days later, no food<br />
had arrived. They improvised and constructed<br />
scaffolding to create an awning<br />
over the mattresses lying on the dirt.<br />
They are finding food from anywhere<br />
they can. “We’re holding on,” said the<br />
<strong>Haiti</strong>an director Etienne Bruny, “We’re<br />
used to difficult times.”<br />
<strong>Haiti</strong>ans are holding on despite<br />
the inadequate humanitarian response.<br />
They are the model.<br />
Bill Quigley is the legal director<br />
of the Center for Constitutional Rights<br />
and a frequent visitor to <strong>Haiti</strong> for human<br />
rights work over the past decade.<br />
You can reach him at Quigley77@<br />
gmail.com.<br />
CUNY’s Evening in Solidarity with the<br />
People of <strong>Haiti</strong><br />
On Friday, Feb. 19 at 5:30<br />
p.m., the Professional Staff Congress<br />
(PSC), which represents the<br />
faculty and staff at CUNY, is hosting<br />
an Evening in Solidarity with<br />
the People of <strong>Haiti</strong>. Please join us<br />
for this important opportunity to<br />
expand the public conversation<br />
about the earthquake, to show<br />
our solidarity as a union with the<br />
people of <strong>Haiti</strong>, and to raise money<br />
for rebuilding <strong>Haiti</strong>an universities<br />
and continuing relief work on the<br />
island.<br />
The evening will include <strong>Haiti</strong>an<br />
food and music, as well as a<br />
panel discussion about the political<br />
and economic histories that converged<br />
to make the January 12<br />
earthquake so catastrophic. As we<br />
learned from Hurricane Katrina,<br />
there are no “natural” disasters.<br />
The panel will be followed by an<br />
open discussion, in which we hope<br />
to explore how the earthquake has<br />
and has not been covered in the<br />
media, how it has affected the <strong>Haiti</strong>an<br />
community, and how we as a<br />
union might respond. New York’s<br />
<strong>Haiti</strong>an community includes many<br />
PSC members and CUNY students,<br />
some of whom suffered devastating<br />
losses last month. The event is also<br />
a gesture of solidarity with them.<br />
All are welcome. Please let us<br />
know if you plan to come, because<br />
we need to have an idea of numbers<br />
in ordering food. Come for all<br />
or part of the evening:<br />
5:30-6:30: Dinner.<br />
6:30-8:00: Panel and Discussion.<br />
8:00-9:30: Film.<br />
The event will take place at<br />
the PSC Union Hall, 61 Broadway,<br />
16th floor, in Manhattan. The<br />
building in which we are located<br />
requires photo I.D. for entrance.<br />
Suggested contribution: $40 ($10<br />
for students and those on lower<br />
incomes). All funds raised will go<br />
toward rebuilding <strong>Haiti</strong>an universities<br />
and supporting the relief work<br />
of Doctors without Borders. RSVP:<br />
mberger@pscmail.org or (212)<br />
354-1252.<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 9
COMM<strong>EN</strong>T LES<br />
PUISSANCES<br />
COLONIALES<br />
MAINTI<strong>EN</strong>N<strong>EN</strong>T<br />
SOMALIE DANS<br />
LE CHAOS ?<br />
Interview de Mohamed Hassan<br />
Des navires européens et asiatiques ont profité de cette situation chaotique pour pêcher le long des côtes<br />
somaliennes sans aucune licence et sans respecter des règles élémentaires<br />
Par Grégoire Lalieu et Michel Collon<br />
La Somalie avait tout pour réussir : une situation géographique avantageuse, du pétrole, des minerais et, fait plutôt<br />
rare en Afrique, une seule religion et une seule langue pour tout le territoire. La Somalie aurait pu être une grande<br />
puissance de la région. Mais la réalité est toute différente : famine, guerres, pillages, pirates, attentats… Comment<br />
ce pays a-t-il sombré? Pourquoi n’y a-t-il pas de gouvernement somalien depuis presque vingt ans? Quels scandales<br />
se cachent derrière ces pirates qui détournent nos navires? Dans ce nouveau chapitre de notre série « Comprendre<br />
le monde musulman », Mohamed Hassan nous explique pourquoi et comment les puissances impérialistes<br />
ont appliqué en Somalie une théorie du chaos.<br />
Grégoire LALIEU & Michel COLLON : Comment la piraterie s’est-elle développée en Somalie? Qui sont ces<br />
pirates?<br />
Mohamed Hassan : Depuis 1990, il n’y a plus de gouvernement en Somalie. Le pays est aux mains des seigneurs<br />
de guerre. Des navires européens et asiatiques ont profité de cette situation chaotique pour pêcher le long des<br />
côtes somaliennes sans aucune licence et sans respecter des règles élémentaires. Ils n’ont pas respecté les quotas en<br />
vigueur dans leurs propres pays pour préserver les espèces et ont employé des techniques de pêche – notamment des<br />
bombes! – qui ont créé d’énormes dégâts aux richesses des mers somaliennes.<br />
Ce n’est pas tout ! Profitant également de cette absence d’autorité politique, des compagnies européennes, avec<br />
l’aide de la mafia, ont déversé des déchets nucléaires aux larges des côtes somaliennes. L’Europe était au courant, mais<br />
a fermé les yeux car cette solution présentait un avantage pratique et économique pour le traitement des déchets nucléaires.<br />
Or, le tsunami de 2005 a déposé une grande partie de ces déchets jusqu’aux terres somaliennes. Et d’étranges<br />
maladies sont apparues pour la première fois au sein de la population. Voilà le contexte dans lequel la piraterie s’est<br />
principalement développée. Les pêcheurs somaliens, qui disposent de techniques rudimentaires, n’étaient plus en<br />
mesure de travailler. Ils ont donc décidé de se protéger ainsi que leurs mers. C’est exactement ce que les Etats-Unis<br />
ont fait durant la guerre civile contre les Britanniques (1756 – 1763): ne disposant pas de forces navales, le président<br />
Georges Washington passa un accord avec des pirates pour protéger les richesses des mers américaines.<br />
Le dernier président Somalien Siad<br />
Barre<br />
Grégoire LALIEU & Michel COLLON : Pas d’Etat somalien depuis presque vingt ans! Comment cela est-il<br />
possible?<br />
Mohamed Hassan : C’est le résultat d’une stratégie américaine. En 1990, le pays est meurtri par les conflits,<br />
la famine et les pillages, et l’Etat<br />
s’effondre. Face à une telle situation,<br />
les Etats-Unis, qui ont découvert<br />
quelques années auparavant<br />
des réserves de pétrole en Somalie,<br />
lancent l’opération Restore Hope<br />
en 1992. Pour la première fois, des<br />
Marines US interviennent en Afrique<br />
pour essayer de prendre le contrôle<br />
d’un pays. Pour la première fois aussi,<br />
une invasion militaire est déclenchée<br />
au nom de l’ingérence humanitaire.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Le fameux sac de riz exhibé<br />
sur une plage somalienne par<br />
Bernard Kouchner ?<br />
Mohamed Hassan : Oui, tout<br />
le monde se souvient de ces images<br />
soigneusement mises en scène. Mais<br />
les véritables raisons étaient stratégiques.<br />
En effet, un document du département<br />
d’Etat US préconisait que<br />
les Etats-Unis se maintiennent comme<br />
seule et unique superpuissance<br />
mondiale suite à la chute du bloc soviétique.<br />
Pour accomplir cet objectif,<br />
il recommandait d’occuper une position<br />
hégémonique en Afrique, très<br />
riche en matières premières.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Restore Hope sera pourtant<br />
un échec. Le film hollywoodien<br />
La chute du faucon noir a marqué<br />
les esprits, avec ses pauvres G.I.’s «<br />
assaillis par de méchants rebelles somaliens<br />
»…<br />
Mohamed Hassan : En effet,<br />
les soldats US seront vaincus par une<br />
résistance nationaliste somalienne.<br />
Depuis lors, la politique des Etats-<br />
Unis a été de maintenir la Somalie<br />
sans véritable gouvernement, voire<br />
de la balkaniser. La vieille stratégie<br />
britannique, d’ailleurs appliquée en<br />
de nombreux endroits : mettre en<br />
place des Etats faibles et divisés pour<br />
mieux tirer les ficelles. Voilà pourquoi<br />
il n’y a pas d’Etat somalien depuis<br />
presque vingt ans. Les Etats-Unis<br />
ont une espèce de théorie du chaos<br />
afin d’empêcher toute réconciliation<br />
somalienne et maintenir le pays divisé.<br />
Mohamed Hassan est un spécialiste<br />
de la géopolitique et du monde arabe<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Au Soudan, suite<br />
à la guerre civile, Exxon a dû quitter<br />
le pays après y avoir découvert<br />
du pétrole. Alors, laisser la Somalie<br />
plongée dans le chaos n’est-ce pas<br />
contraire aux intérêts des Etats-Unis<br />
qui ne peuvent y exploiter le pétrole<br />
découvert?<br />
Mohamed Hassan :<br />
L’exploitation du pétrole somalien<br />
n’est pas leur objectif prioritaire. Les<br />
Etats-Unis savent que les réserves<br />
sont là et n’en ont pas besoin dans<br />
l’immédiat. Deux éléments sont<br />
beaucoup plus importants dans leur<br />
stratégie. Tout d’abord, empêcher<br />
les compétiteurs de négocier avantageusement<br />
avec un Etat somalien<br />
riche et puissant. Vous parlez du Soudan,<br />
la comparaison est intéressante.<br />
Le pétrole que des compagnies pétrolières<br />
y ont découvert il y a trente<br />
ans, le Soudan le vend aujourd’hui<br />
aux Chinois. La même chose pourrait<br />
se produire en Somalie. Lorsqu’il<br />
était président du gouvernement de<br />
transition, Abdullah Yusuf s’était<br />
d’ailleurs rendu en Chine, bien qu’il<br />
fût soutenu par les Etats-Unis. Les<br />
médias US avaient vivement critiqué<br />
cette visite. Le fait est que les<br />
Etats-Unis n’ont aucune garantie<br />
sur ce point : si un gouvernement<br />
somalien voit le jour demain, peu<br />
importe sa couleur politique, il pourrait<br />
très bien adopter une stratégie<br />
indépendante des Etats-Unis et commercer<br />
avec la Chine. Les impérialistes<br />
occidentaux ne veulent donc<br />
pas d’un Etat somalien fort et uni. Le<br />
deuxième objectif poursuivi par cette<br />
théorie du chaos est lié à la situation<br />
géographique de la Somalie, qui est<br />
stratégique pour les impérialistes des<br />
Etats-Unis et de l’Europe réunis.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Stratégique pourquoi?<br />
Mohamed Hassan : Le contrôle<br />
de l’Océan Indien, regardez la<br />
carte. Comme je l’ai dit, les puissances<br />
occidentales portent une lourde part<br />
de responsabilité dans le développement<br />
de la piraterie en Somalie. Mais<br />
plutôt que de dire la vérité et payer<br />
des compensations pour ce qu’elles<br />
ont fait, ces puissances criminalisent<br />
le phénomène afin de justifier leurs<br />
positions dans la région. Sous prétexte<br />
de combattre la piraterie, l’Otan<br />
positionne sa marine militaire dans<br />
l’Océan Indien.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Le véritable objectif?<br />
Mohamed Hassan : Contrôler<br />
le développement économique des<br />
puissances émergentes, principalement<br />
l’Inde et la Chine. En effet, la<br />
moitié de la flotte mondiale des porteconteneurs<br />
et 70% du trafic total des<br />
produits pétroliers passent par l’Océan<br />
Indien. De ce point de vue stratégique,<br />
la Somalie occupe une place<br />
importante : le pays a la plus vaste<br />
côte d’Afrique (3.300 kilomètres) et<br />
fait face au Golfe Arabe et au détroit<br />
d’Hormuz, deux centres névralgiques<br />
de l’économie de la région. De plus, si<br />
une réponse pacifique était apportée<br />
au problème somalien, les relations<br />
entre l’Afrique d’une part, l’Inde et<br />
la Chine d’autre part, pourraient se<br />
développer à travers l’Océan Indien.<br />
Ces concurrents des Etats-Unis pourraient<br />
alors avoir de l’influence dans<br />
cette région de l’Afrique. Le Mozambique,<br />
le Kenya, Madagascar, la Tanzanie,<br />
Zanzibar, l’Afrique du Sud…<br />
Tous ces pays connectés à l’Océan<br />
Indien pourraient avoir un accès facile<br />
au marché asiatique et développer<br />
des relations économiques fructueuses.<br />
Nelson Mandela, lorsqu’il était<br />
président de l’Afrique du Sud, avait<br />
d’ailleurs évoqué la nécessité d’une<br />
révolution de l’Océan Indien avec<br />
de nouvelles relations économiques.<br />
Ce projet, les Etats-Unis et l’Europe<br />
n’en veulent pas. C’est pourquoi ils<br />
préfèrent maintenir la Somalie dans<br />
le chaos.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Vous dites que les Etats-<br />
Unis ne veulent pas d’une réconciliation<br />
en Somalie. Mais quelles sont les<br />
origines des divisions somaliennes?<br />
Mohamed Hassan : Pour bien<br />
comprendre cette situation chaotique,<br />
nous devons remonter plus<br />
loin dans l’histoire de la Somalie. Ce<br />
pays a été divisé par les forces coloniales.<br />
En 1959, la Somalie devient<br />
indépendante par la fusion des colonies<br />
italienne au Sud et britannique<br />
au Nord. Mais des Somaliens vivent<br />
10<br />
Haïti Liberté<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010
également dans certaines parties<br />
du Kenya, d’Ethiopie et de Djibouti.<br />
Le nouvel Etat somalien adopte<br />
d’ailleurs comme drapeau une étoile,<br />
dont chaque branche représente une<br />
des parties de la Somalie historique.<br />
Le message derrière ce symbole étant<br />
: « Deux Somalies ont été réunies<br />
mais il en reste trois colonisées ».<br />
Devant la légitimité de ces<br />
revendications, les Britanniques - qui<br />
contrôlaient le Kenya - organisèrent<br />
un référendum dans la région de ce<br />
pays revendiquée par la Somalie.<br />
87 % de la population, provenant<br />
essentiellement d’ethnies somaliennes,<br />
se prononcèrent pour l’unité<br />
de la Somalie. Mais lorsque les résultats<br />
fûrent publiés, Jomo Kenyatta,<br />
leader d’un mouvement nationaliste<br />
kenyan, menaça les Britanniques<br />
d’expulser les colons s’ils cédaient<br />
une partie du territoire à la Somalie.<br />
La Grande-Bretagne décida donc de<br />
ne pas tenir compte du référendum<br />
et aujourd’hui encore, une importante<br />
communauté de Somaliens vit<br />
au Kenya. Il faut bien comprendre<br />
que ces frontières coloniales ont été<br />
une véritable catastrophe pour la Somalie.<br />
Cette question avait d’ailleurs<br />
fait l’objet d’un débat important sur<br />
le continent africain.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Quel était l’enjeu de ce<br />
débat ?<br />
Mohamed Hassan : Dans les<br />
années soixante, alors que de nombreux<br />
pays africains étaient devenus<br />
indépendants, un débat opposa ceux<br />
qu’on appelait les groupes de Monrovia<br />
et de Casablanca. Ce dernier, comportant<br />
entr’ autres le Maroc et la Somalie,<br />
souhaitait qu’on rediscute les<br />
frontières héritées du colonialisme.<br />
Elles n’avaient aucune légitimité à<br />
leurs yeux. Mais la plupart des pays<br />
africains et leurs frontières sont le<br />
produit du colonialisme. Finalement,<br />
l’Organisation de l’Unité Africaine<br />
(OUA), ancêtre de l’actuelle Union<br />
Africaine, mit un terme au débat<br />
en décrétant que les frontières sont<br />
indiscutables : revenir sur ces délimitations<br />
provoquerait des guerres<br />
civiles partout sur le continent. Plus<br />
tard, l’un des architectes de l’OUA,<br />
le Tanzanien Julius Nyerere, confessa<br />
que cette décision était la meilleure<br />
mais qu’il la regrettait pour le cas somalien.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Quel sera l’impact de ces<br />
divisions coloniales sur la Somalie ?<br />
Mohamed Hassan : Elles<br />
vont créer des tensions avec les<br />
pays voisins. Durant ces années où<br />
la Somalie réclamait la révision des<br />
frontières, l’Ethiopie était devenue<br />
un bastion de l’impérialisme des<br />
Etats-Unis, qui tenaient également<br />
des bases militaires au Kenya et en<br />
Erythrée. C’est alors que la Somalie,<br />
jeune démocratie pastorale, émit le<br />
désir de bâtir sa propre armée. Le<br />
but était de ne pas être trop faible<br />
face aux voisins armés, de soutenir<br />
les mouvements somalis en Ethiopie<br />
voire même de récupérer par la force<br />
certains territoires. Mais les puissances<br />
occidentales s’opposèrent à la<br />
création d’une armée somalienne.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Donc, la Somalie entretenait<br />
des relations tendues avec ses<br />
voisins. N’était-il pas raisonnable<br />
de s’opposer à ce projet d’armée somalienne<br />
? Cela aurait provoqué des<br />
guerres, non ?<br />
Mohamed Hassan : Ce qui<br />
préoccupait l’Occident, ce n’était pas<br />
les conflits entre pays africains mais<br />
ses propres intérêts. Les Etats-Unis et<br />
la Grande-Bretagne équipaient et formaient<br />
des militaires en Ethiopie, au<br />
Kenya et en Erythrée. Des pays qui<br />
vivaient encore sous le joug de systèmes<br />
féodaux très oppressifs. Mais<br />
c’était des régimes néocoloniaux dévoués<br />
aux intérêts des Occidentaux.<br />
En Somalie, par contre, le pouvoir en<br />
place était plus démocratique et indépendant.<br />
L’Occident n’avait donc<br />
pas d’intérêt à armer un pays qui<br />
pouvait échapper à son contrôle.<br />
En conséquence, la Somalie<br />
décida de se tourner vers l’Union<br />
Soviétique. Cela inquiéta hautement<br />
les puissances occidentales qui redoutaient<br />
que l’influence de l’URSS<br />
s’étende en Afrique. Ces craintes<br />
vont s’accentuer avec le coup d’Etat<br />
de 1969.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : C’est-à-dire ?<br />
Mohamed Hassan : Des idées<br />
socialistes s’étaient répandues dans le<br />
pays. En effet, une importante communauté<br />
somalienne vivait à Aden<br />
dans le Sud du Yémen. Or, c’est dans<br />
cette ville que la Grande-Bretagne<br />
avait pris pour habitude d’envoyer<br />
en exil toutes les personnes qu’elle<br />
considérait comme dangereuses en<br />
Inde : communistes, nationalistes,<br />
etc. Ils étaient tous arrêtés et envoyés<br />
à Aden où se développèrent<br />
rapidement des idées nationalistes<br />
et révolutionnaires qui affecteront<br />
plus tard les Yéménites mais aussi<br />
les Somaliens. Sous l’impulsion de<br />
civils aux idées marxistes, un coup<br />
d’Etat fût organisé en 1969 par les<br />
militaires et Siad Barré prit le pouvoir<br />
en Somalie.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Quelles étaient les raisons<br />
de ce coup d’Etat ?<br />
Mohamed Hassan : Le gouvernement<br />
somalien était corrompu.<br />
Il avait pourtant tous les ingrédients<br />
en mains pour ériger le pays au rang<br />
de grande puissance de la région :<br />
une position stratégique, une seule<br />
langue, une seule religion et d’autres<br />
éléments culturels communs. Ce qui<br />
est plutôt rare en Afrique. Mais en<br />
ratant le développement économique<br />
du pays, ce gouvernement a créé un<br />
climat favorable à la division entre<br />
clans. Sous prétexte de faire de la<br />
politique, les élites somaliennes se<br />
sont divisées, chacune créant son<br />
parti sans véritable programme et<br />
en recrutant son électorat selon les<br />
clans existants. Cela accentua les<br />
divisions et se révéla totalement<br />
inefficace. Une démocratie de type<br />
libéral n’était en fait pas adaptée à<br />
la Somalie : il y avait à un moment<br />
63 partis politiques pour un pays<br />
de trois millions d’habitants ! Et le<br />
gouvernement n’était même pas capable<br />
d’adopter une écriture officielle<br />
ce qui créait de sérieux problèmes<br />
dans l’administration. Le niveau<br />
d’éducation était faible. On établit<br />
malgré tout une bureaucratie, une<br />
police et une armée. Qui va d’ailleurs<br />
jouer un rôle fondamental dans le<br />
coup d’Etat progressiste.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : « Progressiste » ! Avec<br />
l’armée ?<br />
Mohamed Hassan : L’armée<br />
était la seule institution organisée en<br />
Somalie. En tant qu’appareil de répression,<br />
elle était supposée protéger<br />
le soi-disant gouvernement civil et<br />
l’élite. Mais pour de nombreux Somaliens<br />
provenant de familles et de<br />
régions différentes, l’armée était aussi<br />
un lieu de rencontres et d’échanges<br />
où il n’y avait pas de frontières, pas<br />
de tribalisme, pas de divisions claniques…<br />
C’est comme cela que les<br />
idées marxistes héritées d’Aden<br />
vont circuler au sein de l’armée. Le<br />
coup d’Etat sera donc mené par des<br />
officiers qui étaient avant tout nationalistes<br />
et qui, sans avoir de très<br />
bonnes connaissances du socialisme,<br />
éprouvaient de la sympathie pour ces<br />
idées. De plus, ils étaient au courant<br />
de ce qui se passait au Vietnam et<br />
nourrissaient des sentiments antiimpérialistes.<br />
Les civils qui connaissaient<br />
bien Marx et Lénine mais qui<br />
n’avaient pas de parti politique de<br />
masse, appuyèrent le coup d’Etat et<br />
devinrent les conseillers des officiers<br />
lorsque ceux-ci prirent le pouvoir.<br />
Les Etats-Unis et l’Europe maintiennent la Somalie dans le chaos :<br />
famine, guerres, pillages, pirates et attentats ont sombré le pays<br />
Les puissances impériales présentent toujours comme terroristes les<br />
peuples qui luttent pour leurs droits.<br />
En 1993, les soldats US de l’opération restore Hope seront vaincus par<br />
une résistance nationaliste somalienne. Depuis lors, la politique des<br />
Etats-Unis a été de maintenir la Somalie sans véritable gouvernement<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Quel changement apporta<br />
le coup d’Etat en Somalie ?<br />
Mohamed Hassan : Un aspect<br />
positif important : le nouveau gouvernement<br />
adopta rapidement une<br />
écriture officielle. De plus, l’Union<br />
Soviétique et la Chine aidaient la<br />
Somalie. Les étudiants et la population<br />
se mobilisaient. L’éducation<br />
ainsi que les conditions sociales<br />
s’améliorèrent. Les années qui ont<br />
suivi le coup d’Etat fûrent ainsi les<br />
meilleures que la Somalie ait jamais<br />
connues. Jusqu’en 1977.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Qu’est-ce qui a changé ?<br />
Mohamed Hassan : La Somalie,<br />
qui avait été divisée par<br />
les puissances coloniales, attaqua<br />
l’Ethiopie pour récupérer le territoire<br />
de l’Ogaden, majoritairement peuplé<br />
de Somalis. A cette époque pourtant,<br />
l’Ethiopie était elle-même un Etat socialiste<br />
soutenu par les Soviétiques.<br />
Ce pays avait été longtemps dirigé<br />
par l’empereur Sélassié. Mais durant<br />
les années septante, la mobilisation<br />
était forte pour le renverser. Les mouvements<br />
d’étudiants - auxquels j’ai<br />
personnellement participé - posaient<br />
quatre revendications majeures.<br />
Tout d’abord, résoudre les tensions<br />
avec l’Erythrée de manière pacifique<br />
et démocratique. Deuxièmement,<br />
établir une réforme agraire qui distribuerait<br />
des terres aux paysans.<br />
Troisièmement, établir le principe<br />
d’égalité des nationalités : l’Ethiopie<br />
était alors un pays multinational<br />
dirigé par une élite non représentative<br />
de la diversité. Quatrièmement,<br />
abolir le système féodal et établir un<br />
Etat démocratique. Tout comme en<br />
Somalie, l’armée était la seule institution<br />
organisée en Ethiopie et les<br />
civils s’associèrent aux officiers pour<br />
renverser Sélassié en 1974.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Comment se fait-il que<br />
deux Etats socialistes soutenus par<br />
l’Union Soviétique se sont fait la<br />
guerre ?<br />
Mohamed Hassan : Après<br />
la révolution éthiopienne, une délégation<br />
regroupant l’Union Soviétique,<br />
Cuba et le Yémen du Sud organisa<br />
une table ronde en présence<br />
de l’Ethiopie et de la Somalie en vue<br />
de résoudre leur différend. Castro se<br />
rendit à Adis Abeba et à Mogadiscio.<br />
Selon lui, les revendications somaliennes<br />
étaient tout à fait justifiées. Finalement,<br />
la délégation éthiopienne<br />
accepta d’étudier sérieusement la demande<br />
de son voisin somalien et les<br />
deux pays signèrent un accord stipulant<br />
qu’aucun acte de provocation ne<br />
serait commis le temps de prendre<br />
une décision. Les choses semblaient<br />
donc bien parties, mais la Somalie ne<br />
respecta pas cet accord…<br />
Deux jours après que la délégation<br />
éthiopienne soit retournée au<br />
pays, Henry Kissinger, ancien ministre<br />
du président Nixon, débarqua<br />
à Mogadiscio. Kissinger représentait<br />
une organisation officieuse : le Safari<br />
Club qui regroupait notamment<br />
l’Iran du Chah, le Congo de Mobutu,<br />
l’Arabie Saoudite, le Maroc ainsi que<br />
les services secrets français et pakistanais.<br />
L’objectif de cette organisation<br />
était de combattre la prétendue<br />
infiltration soviétique dans le Golfe<br />
et en Afrique. Sous les pressions et<br />
les promesses d’aides du Safari Club,<br />
Siad Barré va commettre un désastre,<br />
une grave erreur stratégique: attaquer<br />
l’Ethiopie.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Quelles seront les conséquences<br />
de cette guerre ?<br />
Mohamed Hassan : Les Soviétiques<br />
quittèrent la région et la<br />
Somalie, toujours présidée par Siad<br />
Barré qui intégra le réseau néocolonial<br />
des puissances impérialistes. Le<br />
pays avait été sérieusement endommagé<br />
par le conflit et la Banque Mondiale<br />
et le FMI fûrent chargés de le<br />
« reconstruire ». Ceci allait aggraver<br />
les contradictions au sein de la bourgeoisie<br />
somalienne. Chacune des<br />
élites régionales voulant posséder<br />
son propre marché. Elles ont accentué<br />
les divisions entre clans et contribué<br />
à la dislocation progressive du<br />
pays jusqu’à la chute de Siad Barré<br />
en 1990. Depuis, aucun chef d’Etat<br />
ne lui a succédé.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Mais, trente ans après la<br />
guerre de l’Ogaden, le scénario va<br />
s’inverser : l’Ethiopie sera appuyée<br />
par les Etats-Unis pour attaquer la<br />
Somalie...<br />
Mohamed Hassan : Oui,<br />
comme je l’ai dit, depuis l’échec de<br />
l’Opération Restore Hope, les Etats-<br />
Unis préfèrent maintenir la Somalie<br />
dans le chaos. Cependant, en 2006,<br />
un mouvement spontané se<br />
Suite à la page (17)<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 11
Perspectives<br />
Témoignage et réflexions<br />
Régis Debray en Bolivie et en Haïti (1ère partie)<br />
Par Claude Ribbe*<br />
En 2004, la France se réconciliait<br />
avec les Etats-Unis en participant<br />
au renversement du président Jean-<br />
Bertrand Aristide. Côté français,<br />
le coup d’Etat était organisé par<br />
l’intellectuel pseudo-révolutionnaire<br />
Régis Debray. Témoin privilégié de<br />
ce drame, l’écrivain Claude Ribbe,<br />
qui fut membre de la Commission<br />
internationale d’experts sur la dette<br />
d’Haïti, relate ici le complot, la<br />
campagne de diffamation contre le<br />
président Aristide, son enlèvement<br />
et sa séquestration. Paris avait<br />
prévu de réinstaller au pouvoir l’exdictateur<br />
Jean-Claude Duvalier, mais<br />
les Etats-Unis imposèrent au dernier<br />
moment leurs hommes, Boniface Alexandre<br />
et Gérard Latortue.<br />
Régis Debray, bavard « compagnon<br />
» du Che<br />
Je le savais ! Je savais bien que<br />
le fumet des cadavres d’Haïti en décomposition<br />
ferait sortir Régis Debray,<br />
l’homme qui croit que Villepin,<br />
dont il a certainement accroché le<br />
portrait dans sa chambrette, juste audessus<br />
de son lit, sera couronné empereur<br />
des Français en mars 2012.<br />
Régis Debray rêve d’être ministre de<br />
la Culture de Napoléon IV. Il a raison.<br />
Donc toutes les occasions sont<br />
bonnes. Il n’aura pas fallu dix jours.<br />
Quel flair ! Après les conseils donnés<br />
par Villepin à Nicolas Sarkozy,<br />
Régis Debray monte au créneau en<br />
déclarant à France Inter qu’il faut<br />
mettre Haïti sous tutelle.<br />
Alors parlons de Régis Debray<br />
que j’admire beaucoup, je tiens à le<br />
préciser. J’aimerais avoir son style<br />
mesuré, et cette envolée qui me rappelle<br />
d’ailleurs un peu le style de<br />
Villepin. C’est vrai, je n’avais jamais<br />
remarqué : il y a quelque chose de<br />
commun dans leurs écrits. Je me<br />
demande pourquoi. Il faudra que<br />
j’y réfléchisse quand j’aurai un moment.<br />
Donc je ne me serais jamais<br />
intéressé à ce vieux réactionnaire un<br />
peu rogue, mais tellement attendrissant<br />
dans ses certitudes, ce vieux<br />
guérilléro dont les idées sont passées,<br />
certes (les costumes aussi d’ailleurs)<br />
; je ne me serais jamais intéressé<br />
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à lui si je ne l’avais trouvé sur ma<br />
route d’une manière étonnante que<br />
je vais narrer en détails. Inutile de<br />
revenir sur son rôle héroïque dans<br />
l’arrestation de Che Guevara. Il en<br />
a été le compagnon et il a raison de<br />
s’en glorifier. Les ex-soixante-huitards<br />
français le tiennent tous pour<br />
un révolutionnaire exemplaire. Tout<br />
ce que j’aurais voulu être ! Mais les<br />
mauvaises langues —dont la fille de<br />
Che Guevara qui n’est certainement<br />
qu’une folle minée par le chagrin—<br />
disent que c’était un traître vendu<br />
aux Etats-uniens. Viles calomnies,<br />
évidemment, simplement fondées sur<br />
le fait que Che Guevara, qui se trouvait<br />
secrètement en Bolivie en 1967<br />
et dont une taupe de la CIA révéla<br />
la présence, écrivit des choses dans<br />
son journal. Mais j’entends déjà les<br />
lecteurs de ce grand écrivain français<br />
(et certainement futur académicien,<br />
en tout cas futur ministre de la Culture)<br />
; je les entends s’indigner. Ils<br />
réclament des détails. Des détails ?<br />
Très bien, mais cela va allonger mon<br />
propos. Tant pis. Revenons en 1967.<br />
Voici ce que note le Che dans son<br />
journal le 28 mars : « Le Français a<br />
défendu avec trop de véhémence le<br />
fait qu’il serait utile dehors. »<br />
Je ne vois là que des soupçons<br />
infondés. Debray, jeune intellectuel<br />
gaulliste déguisé en guérillero, fils<br />
d’une sénatrice gaulliste et de… je<br />
ne sais plus qui, un autre gaulliste,<br />
je crois, était à l’époque en Bolivie<br />
avec Che Guevara [1]. Mais il était<br />
pressé de s’en aller. Le Che se méfiait<br />
de cette envie précipitée de prendre<br />
l’air. Hasard heureux ou malheureux<br />
(on ne sait trop), Debray a été arrêté<br />
par les Boliviens qui travaillaient<br />
avec la CIA. Une fois aux mains de<br />
ces gens, je ne doute pas qu’un intellectuel<br />
de la trempe de Debray a<br />
été discret. Mais le Che, lui, avait des<br />
doutes. Après l’arrestation de Debray<br />
et de son compagnon Bustos, un autre<br />
intellectuel émérite, aussi fiable<br />
que Debray, les Boliviens et la CIA<br />
furent informés que le Che était en<br />
Bolivie. Après cette arrestation, voici<br />
ce que le Che note, à la date du 30<br />
juin 1967 : « ... Sur le plan politique,<br />
le plus important est la déclaration<br />
officielle d’Ovando selon laquelle je<br />
suis ici. De plus, il a dit que l’armée<br />
fait face à des guérilleros parfaitement<br />
entraînés qui, même, comptaient<br />
des commandants vietcongs<br />
qui avaient mis en déroute les meilleurs<br />
régiments nord-américains. Il<br />
se base sur les déclarations de Debray<br />
qui, semble-t-il, a parlé plus que<br />
nécessaire bien que nous ne puissions<br />
savoir quelle implication cela<br />
a, ni quelles ont été les circonstances<br />
dans lesquelles il a dit ce qu’il a<br />
dit... »<br />
Debray avait été arrêté et interrogé<br />
par les Boliviens et la CIA,<br />
notamment les 8 et 14 mai 1967. Je<br />
ne doute pas qu’il ait été héroïque,<br />
même s’il avait reçu quelques<br />
claques. Pauvre Régis !<br />
Toujours dans son journal, Che<br />
Guevara note encore, à la date du<br />
10 juillet : « Par ailleurs, les déclarations<br />
de Debray… ne sont pas<br />
bonnes ; surtout parce qu’ils [Debray<br />
et Bustos] ont fait des confessions<br />
à propos du but continental de<br />
la guérilla, chose qu’ils ne devaient<br />
pas faire. »<br />
Des « confessions » ? Et<br />
puis quoi encore ? Là, je doute de<br />
l’honnêteté du Che.<br />
Mais puisque vous voulez tout<br />
savoir sur le futur ministre de la Culture<br />
de Napoléon IV, je suis obligé<br />
d’ajouter que, vingt ans après les<br />
faits, un général bolivien, Arnaldo<br />
Saucedo Parada, chef des services<br />
secrets de la 8ème division, celle-là<br />
même qui opérait contre la guérilla<br />
du Che, donna sa version et publia<br />
même des documents concernant les<br />
informations obtenues par l’armée<br />
sur la guérilla [2]. Faut-il croire cet<br />
homme ? Certainement pas. Mais,<br />
par honnêteté, je livre in extenso ce<br />
qu’il précise : « L’existence de la guérilla<br />
a été portée à la connaissance<br />
de l’armée le 11 mars, lorsque les<br />
guérilleros déserteurs Vicente Rocabado<br />
Terras et Pastor Barrera Quintana<br />
se sont retrouvés au pouvoir de<br />
la Direction provinciale d’enquêtes<br />
—DIP— et ont été ensuite remis aux<br />
autorités militaires de Camiri. Ces déserteurs<br />
ont clairement informé du<br />
fait que la guérilla se préparait sur les<br />
rives du Ñancahuazu avec des éléments<br />
cubains, péruviens, argentins<br />
et boliviens et que le chef était Che<br />
Guevara, sous la protection de Fidel<br />
Castro depuis Cuba ; ensuite, cette<br />
information a été complétée par un<br />
autre guérillero arrêté le 18 mars,<br />
Salustio Choque Choque et confirmée<br />
par Régis Debray et Ciro Roberto<br />
Bustos, le 8 mai 1967, au cours de<br />
l’interrogatoire auquel a procédé le<br />
J-2 du Commandement des forces<br />
armées, Federico Arana Cerudo, qui<br />
relate cela, le lieutenant colonel des<br />
carabiniers Roberto Quintanilla et<br />
Mario Gonzalez, de la CIA.<br />
Quand on lira les mémoires<br />
de Bustos dans ce livre, on verra<br />
que l’empressement avec lequel les<br />
théoriciens Debray et Bustos voulaient<br />
quitter la zone de danger a été<br />
la cause principale de l’échec rapide<br />
de la guérilla, parce que cela a obligé<br />
toute la troupe à aller à Muyupampa<br />
et, par le Yuque ; à cause d’un malade,<br />
Che a laissé l’arrière garde avec<br />
Joaquin et, au retour, ils ne se sont<br />
pas retrouvés et la recherche des<br />
uns et des autres a accaparé toute<br />
l’attention de Guevara et Joaquin,<br />
leur a lié les mains, les empêchant<br />
d’effectuer d’autres actions militaires,<br />
qui auraient peut-être donné<br />
de plus grands avantages, avec des<br />
résultats imprévisibles dans ce genre<br />
de lutte, parce que tant que l’ennemi<br />
n’est pas écrasé et ne s’est pas rendu<br />
sans condition, la guerre ne s’arrête<br />
pas [« Même trois personnes peuvent<br />
continuer à lutter dans la guérilla. » ,<br />
Régis Debray, in Révolution dans la<br />
révolution] et les résultats peuvent<br />
varier en fonction des analyses de la<br />
situation qui se font au sein des états<br />
majors, ce qui est certain, c’est que<br />
cette division de la guérilla a été un<br />
accident qui lui a enlevé de la force et<br />
le début de la fin. Cela a été le prélude<br />
du Gué du Yeso et du Churo.<br />
Avec la chute de Debray et<br />
Bustos à Muyupampa, le 20 avril,<br />
nous avons eu un panorama large et<br />
clair des guérillas, ordre de bataille,<br />
organisation et autres questions inconnues<br />
jusqu’alors, confirmation de<br />
la présence de Che Guevarra et du<br />
groupe de cubains, tant grâce aux<br />
déclarations de Debray et Bustos que<br />
par le bulletin de mémoires écrit par<br />
ce dernier et qui, immédiatement, a<br />
été porté à la connaissance du Commandement<br />
Supérieur, de même que<br />
les originaux des portraits de 20<br />
guérilleros effectués au crayon et de<br />
mémoire qu’il a fait ensuite et plus<br />
encore, une description détaillée par<br />
écrit des caractéristiques physiques<br />
de chaque guérillero et ensuite les<br />
croquis détaillés des campements<br />
et caches qui ont permis de découvrir<br />
les "grottes" où ils cachaient leurs<br />
armes et leurs équipements etc...<br />
La Section 2 de la 8ème division<br />
a également obtenu de Régis<br />
Debray une lettre écrite de sa main le<br />
14 mai et dans laquelle il confirme la<br />
présence de Che Guevara en Bolivie<br />
et signale que c’est Fidel Castro lui<br />
même qui l’a envoyé le rencontrer.<br />
Régis Debray, compagnon du Che en Bolivie dans les années 60 (on le<br />
voit ici lors de son interrogatoire par l'armée bolivienne en 1967)<br />
Les militaires boliviens exposent la dépouille mortelle d’Ernesto Che<br />
Guevara.<br />
Cette lettre —l’original— a été envoyée<br />
au Commandant en chef. Indubitablement,<br />
c’est de l’arrestation<br />
de Debray et Bustos que l’armée bolivienne<br />
tire la preuve du fait que le<br />
Che est là. Les deux confirment aux<br />
services secrets que le Che est là.<br />
Une autre chose qui a eu une<br />
grande influence a été la séparation<br />
d’avec le groupe de Vilo, de l’arrièregarde.<br />
Cela a été une séparation involontaire,<br />
mais qui a été due<br />
Suite à la page (15)<br />
12<br />
Haïti Liberté<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010
Perspectives<br />
L’UNASUR défend des priorités pour Haïti<br />
Suivant le principe qui veut que<br />
l’aide humanitaire ne signifie en<br />
aucune sorte l’intervention ou des<br />
limitations de la souveraineté les<br />
pays de l’UNASUR, l’Union Sudaméricaine<br />
des Nations ont défini<br />
à Quito, la capitale de l’Équateur,<br />
les priorités pour la reconstruction<br />
d’Haïti dévastée par un violent séisme<br />
le 12 janvier.<br />
Les participants au sommet<br />
extraordinaire de ce bloc régional,<br />
en présence du Président haïtien<br />
René Préval, ont réaffirmé que c’est<br />
le gouvernement du pays affecté qui<br />
doit diriger et coordonner les actions<br />
proposées par les gouvernements et<br />
les institutions voulant coopérer.<br />
René Préval a brossé un panorama<br />
de la situation dans son pays<br />
et des besoins pressants : les conditions<br />
d’accueil adéquates pour les<br />
milliers de survivants qui ont tout<br />
perdu à cause de la catastrophe et<br />
les tâches de reconstruction et de<br />
relance de l’économie.<br />
Il a défini comme points de<br />
départ la refondation de la capitale<br />
Port-au-Prince, ce qui implique<br />
transférer la ville dans un endroit<br />
Les présidents de l’Union Sud-américaine des Nations (l’UNASUR)<br />
plus sur vis-à-vis des adversités de<br />
la nature, ainsi que sa décentralisation<br />
pour éliminer la surpopulation,<br />
considérée comme un des facteurs<br />
qui ont aggravé les conséquences<br />
du séisme.<br />
Au moment du désastre, dans<br />
la ville et ses alentours vivaient près<br />
de 3 des 8 millions d’habitants que<br />
compte le pays, pour la plupart dans<br />
des maisons construites avec des matériaux<br />
de mauvaise qualité qui n’ont<br />
pas résisté au tremblement de terre.<br />
Cela a fait que plus d’un million<br />
de personnes se sont retrouvées<br />
sans toit et il est urgent de les doter<br />
de conditions minimales de sécurité,<br />
de santé et de nourriture, surtout<br />
face à l’approche de la saison des<br />
pluies.<br />
Conformément aux propos<br />
tenus par René Préval, l’UNASUR<br />
a décidé d’envoyer des tentes, des<br />
médicaments et des aliments pour<br />
palier la grave situation ainsi que<br />
d’élaborer un plan concret pour contribuer<br />
à la reconstruction.<br />
La déclaration adoptée à<br />
l’unanimité indique que le projet<br />
sera centré sur les trois axes proposés<br />
par le gouvernement haïtien<br />
: l’infrastructure, l’énergie et<br />
l’agriculture.<br />
Le but est simple et clair : il<br />
est impossible de continuer à nourrir<br />
indéfiniment des centaines de<br />
milliers de personnes grâce uniquement<br />
à l’aide internationale raison<br />
pour laquelle il faut relancer la vie<br />
économique; promouvoir la création<br />
d’emplois et garantir la production<br />
de l’agriculture et de l’élevage pour<br />
assurer les aliments essentiels à la<br />
population.<br />
Il a été décidé de créer un<br />
fonds de 300 millions de dollars<br />
dont 100 millions sortiront des coffres<br />
de l’UNASUR et les 200 autres<br />
d’un prêt, dans des conditions avantageuses<br />
qui sera demandé à la BID,<br />
la Banque Interaméricaine de Développement.<br />
L’on essaiera également<br />
d’obtenir l’annulation de la dette extérieure<br />
contractée par Haïti envers<br />
les pays membres de l’UNASUR et<br />
l’on a exhorté la communauté internationale<br />
à en faire autant pour soulager<br />
ce pays dévasté par ce lourd<br />
fardeau.<br />
Toutes ces actions viennent<br />
compléter celles exécutées par<br />
l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples<br />
de Notre Amérique, l’ALBA,<br />
pour soulager les souffrances du<br />
peuple frère d’Haïti.<br />
Grâce à la Brigade Médicale<br />
Cubaine, renforcée par des médecins<br />
haïtiens qui ont fait leurs études à<br />
Cuba et grâce aux équipes envoyées<br />
par le Venezuela, la Bolivie et plus<br />
récemment par le Nicaragua, il est<br />
possible de soigner des milliers de<br />
blessés et l’on a freiné le danger<br />
d’épidémies après le séisme.<br />
Le défi fondamental consiste<br />
encore, cependant, pas seulement à<br />
guérir les plaies ouvertes par la catastrophe<br />
mais aussi à commencer<br />
un grand mouvement de la part de<br />
la communauté internationale pour<br />
sortir Haïti de sa situation de pauvreté<br />
et de misère, le placer sur la<br />
voie du développement et empêcher<br />
qu’un autre phénomène naturel<br />
réédite une tragédie comme celle-ci<br />
qui a couvert de honte l’humanité<br />
tout entière.<br />
Cuba si Lorraine<br />
16 février 2010<br />
Pourquoi Washington "s'intéresse" au Honduras et à Haïti<br />
Les pions sont importants<br />
Par Mark Weisbrot<br />
Quand j'écris sur la politique<br />
étrangère US dans des endroits<br />
comme Haïti ou le Honduras, j'ai<br />
toujours des réactions de personnes<br />
qui ont du mal à croire que le gouvernement<br />
US s'intéresserait suffisamment<br />
à ces pays pour chercher<br />
à avoir la mainmise sur leurs gouvernements<br />
ou à les renverser. Ce<br />
sont des petits pays pauvres avec<br />
peu de choses en matière de ressources<br />
ou de marchés. Pourquoi les<br />
décideurs de Washington devraientils<br />
s'intéresser à qui les dirige?<br />
Hélas, ils s'y intéressent vraiment.<br />
Beaucoup. Ils s'intéressent<br />
suffisamment à Haïti pour avoir<br />
renversé le président Jean-Bertrand<br />
Aristide non pas une, mais deux<br />
fois. La première, en 1991, où cela a<br />
été fait subrepticement. On ne l'a su<br />
que quand il s'est avéré que ceux qui<br />
avaient dirigé le coup d'état avaient<br />
été payés par la Central Intelligence<br />
Agency. Et puis, Emmanuel Constant,<br />
le chef de l'escadron de la<br />
mort le plus notoire là-bas – qui a<br />
éliminé des milliers de partisans<br />
d'Aristide après le coup d'état – a raconté<br />
à CBS News que lui aussi avait<br />
été payé par la CIA.<br />
En 2004, l'implication des<br />
Etats-Unis dans le coup d'état avait<br />
été bien plus ostensible. Washington<br />
avait imposé la suppression<br />
de pratiquement toutes les aides<br />
internationales pendant quatre<br />
ans, rendant inévitable la chute du<br />
gouvernement. Selon le New York<br />
Times, d'un côté, le Département<br />
d'état américain demandait à Aristide<br />
de parvenir à un accord avec<br />
l'opposition (ce qui représentait des<br />
millions de dollars payés par les<br />
contribuables US), mais de l'autre,<br />
l'International Republican Institute<br />
(IRI), incitait l'opposition à ne pas<br />
le faire.<br />
Au Honduras, au cours de<br />
Barack Obama commande l’occupation militaire d’<strong>Haiti</strong> sous des bases<br />
humanitaires<br />
l'été et de l'automne derniers, le<br />
gouvernement US a tout fait pour<br />
empêcher le reste du continent<br />
américain de former une opposition<br />
politique efficace contre les putschistes<br />
au Honduras. Par exemple, ils<br />
ont empêché l'Organisation des États<br />
américains de prendre la position<br />
de ne pas reconnaître les élections<br />
qui ont eu lieu pendant la dictature.<br />
En même temps, l'administration<br />
Obama proclamait publiquement<br />
son opposition au coup d'état.<br />
Cela n'a réussi que partiellement,<br />
du point de vue des relations<br />
publiques. La majorité de la<br />
population américaine pense que<br />
l'administration Obama était opposée<br />
au coup d'état au Honduras;<br />
alors même qu'au mois de novembre,<br />
de nombreux articles de presse,<br />
voire d'éditoriaux, indiquaient<br />
qu'Obama avait cédé à la pression<br />
des républicains et n'en avait pas<br />
fait assez. Mais c'était méconnaître<br />
ce qui s'était passé en réalité: si la<br />
pression des républicains pour soutenir<br />
le coup d'état au Honduras<br />
avait fait changer la stratégie de relations<br />
publiques du gouvernement,<br />
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cela n'avait pas été le cas pour sa<br />
stratégie politique. Ceux qui ont<br />
suivi les événements de près depuis<br />
le début ont bien vu que la stratégie<br />
était de retarder et d'émousser toute<br />
tentative de rétablir le président élu<br />
au pouvoir, tout en prétendant que<br />
l'objectif réel était le retour à la démocratie.<br />
Parmi ceux qui avaient compris<br />
cela, il y a les gouvernements<br />
d'Amérique Latine, dont des poids<br />
lourds comme le Brésil. C'est important<br />
parce que cela montre que le<br />
département d'état était prêt à payer<br />
un prix politique élevé pour aider la<br />
droite au Honduras. La grande majorité<br />
des gouvernements des pays<br />
d'Amérique Latine a constaté que<br />
le gouvernement Obama avait les<br />
mêmes objectifs pour le continent<br />
américain que celui de Bush, ce qui<br />
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n'est pas un constat agréable du<br />
point de vue diplomatique.<br />
Pourquoi s'intéressent-ils tant<br />
aux dirigeants de ces pays pauvres?<br />
Comme le sait tout bon joueur<br />
d'échecs, les pions sont importants.<br />
La perte d'un ou deux pions au début<br />
d'une partie peut souvent faire<br />
basculer le résultat. Ils s'intéressent<br />
à ces pays essentiellement en matière<br />
de pouvoir. Les gouvernements<br />
qui sont d'accord pour promouvoir<br />
la puissance des Etats-Unis dans le<br />
monde, ils les aiment. Ceux qui ont<br />
d'autres projets, ils les rejettent, ils<br />
ne les aiment pas.<br />
Il n'est pas étonnant, donc,<br />
que les alliés les plus proches de<br />
l'administration Obama sur le continent<br />
américain soient les gouvernements<br />
de droite comme en Colombie<br />
Suite à la page (17)<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 13
Nancy Roc<br />
Suite de la page (5)<br />
les Gérard Latortue et autres quidams<br />
de la même engeance. Bref,<br />
wòch nan solèy ak wòch nan dlo.<br />
Bien sûr, Dandin, Roc, Liliane<br />
Pierre-Louis et autres GNBistes des<br />
médias ne portent aucune responsabilité<br />
puisque de par leur métier même<br />
de dénoncer l’incurie, la corruption,<br />
l’immoralité des dirigeants et de «la<br />
société», de par leur rôle de phare et<br />
de boussole justement de cette société,<br />
ils sont au-dessus de la mêlée.<br />
Ils peuvent pontifier, critiquer, jeter<br />
le blâme autant que le coeur leur en<br />
dit, mais ils ne sont responsables de<br />
rien. Et Dandin s’abandonne jusqu’à<br />
dire que parmi les responsables de la<br />
faillite constatée, figurent «particulièrement<br />
les secteurs organisés de<br />
la société civile». Parlons-en !<br />
Bien sûr, Dandin et cette<br />
dyòlalèlèz de Nancy oublient qu’ils<br />
font justement partie des secteurs<br />
organisés de cette dite société civile<br />
et sont responsables à un degré ou<br />
un autre du gâchis en cours depuis<br />
le 29 février 2004, sinon bien avant.<br />
De près ou de loin, ils font partie du<br />
groupe des 189 de Baker et Apaid Jr.<br />
qui donnaient de l’argent à un certain<br />
Labanyè pour créer du grabuge<br />
et faire diversion à Cité Soleil, ils furent<br />
les associés moraux des extravagances<br />
du Réseau National de Défense<br />
des Droits Humains (RNDDH)<br />
de Pierre Espérance lors de «l’affaire<br />
de la Scierie», ils furent – de par leur<br />
haineuse propagande – associés à<br />
ceux-là qui en sous-main, offraient<br />
des visas de sortie à de pseudo-journalistes<br />
et payaient des étudiants<br />
dupés pour gagner les rues, protester<br />
contre un gouvernement légitime,<br />
perturber la paix publique et<br />
gâcher la célébration du bicentenaire<br />
de l’Indépendance. C’est plutôt tout<br />
ce beau monde, agent déstabilisateur<br />
au service de l’étranger qui a<br />
failli. Ce ne sont pas «les Haïtiens de<br />
toutes les catégories sociales». Pran<br />
men w, Dandin, pran men w, Nancy<br />
Roc, prends ta main, ma chère.<br />
Non content de culpabiliser<br />
toutes les catégories sociales à la<br />
ronde badè, Dandin verse dans la<br />
démagogie fleurie. En effet, ces catégories<br />
ont elles «aussi failli dans<br />
la dynamique de création d’une<br />
véritable alternative à nos modes<br />
d’agir et de penser». Pourquoi cette<br />
formulation ampoulée, creuse, vague,<br />
désuète, insipide, au goût de<br />
Leslie Manigat ? C’est quoi nos modes<br />
d’agir et de penser ? Est-ce un<br />
amalgame du faire cabotin et égoïste<br />
de la vaste majorité de nos partis politiques<br />
sans audience populaire et de<br />
la détresse des laissés-pour-compte<br />
et des sans-travail laminés par les<br />
pratiques néo-libérales qui tient lieu<br />
de ces modes d’agir et de penser ?<br />
Est-ce le nouvel alliage impur coulé<br />
au creuset du «vagabondage» politique<br />
par des transfuges ou traîtres<br />
lavalassiens et d’indécrottables GN-<br />
Bistes au service de la conspiration<br />
nationale-internationale contre les<br />
intérêts du peuple haïtien ? Pour ce<br />
qu’il s’agit des modes d’agir et de<br />
Arlette Charles Cayard<br />
(1931-2010)<br />
Arlette Charles Cayard passed away on February 10, 2010 at<br />
Aventura Hospital in Miami, Florida.<br />
She was born December 23, 1931 in Port-de-Paix, <strong>Haiti</strong> to the late Elie Tiphen<br />
and Alexina Charles. At the tender age of 18, she was married to Fernand<br />
Cayard and was a loving mother to three sons: Rulx (Ringo), Errol and Lionel<br />
Cayard, as well as a devoted grandmother.<br />
In 1961, she and her family emigrated from <strong>Haiti</strong> to Africa where they lived for<br />
seven years. Then they moved to Canada, where she ran a very successful<br />
boarding house for young schoolchildren. In 1976, she and her husband, in<br />
search of a warmer climate, moved to Florida.<br />
The Cayard family were pioneers who opened Cayard’s Market, the first<br />
<strong>Haiti</strong>an grocery store in Miami, located at the corner of North Miami Avenue<br />
and 62nd Street in the heart of Little <strong>Haiti</strong>. Cayard’s Market became a cultural<br />
mecca in the <strong>Haiti</strong>an community, as a place where people could shop for<br />
goods from back home and speak in their own language. Within the market,<br />
Arlette created a niche for herself by establishing a thriving bakery. Her<br />
passions included going to the beach and tending to her rose garden.<br />
After the passing of her oldest siblings, she became the rock of the extended<br />
family. She was fiercely loyal to her family and her many friends.<br />
She will be sadly missed by all who knew and loved her.<br />
There will be a viewing on Saturday, February 20 from 12 - 1:30 p.m. at the<br />
St. Ford Funeral Home, 16480 NE 19th Avenue in North Miami Beach. The<br />
funeral will be held the same day at 2 p.m. at the St. James Catholic Church,<br />
13155 NW 7th Avenue in North Miami.<br />
For more information,<br />
please call 305-893-1800.<br />
penser, il faut surtout et avant tout<br />
prendre en compte les agissements<br />
de cette minorité irresponsable, égoïste<br />
et cupide qui depuis le parricide<br />
du Pont-Rouge a accaparé tous les<br />
pouvoirs et a vendu son âme à la<br />
France d’abord, aux Américains<br />
plus récemment. De grâce, Roc et<br />
Dandin, ne culpabilisez pas toutes<br />
les catégories sociales !<br />
Nancy Roc habituée à certains<br />
modes d’agir et de penser poursuit<br />
en disant : "Dandin souligne<br />
judicieusement" que «2010 ne sera<br />
pas différent pour Haïti si tout un<br />
chacun ne s’attaque à ces tares en<br />
lui et chez les autres. Rompre avec<br />
les tares décrites implique aussi<br />
qu’on sorte résolument des méandres<br />
du discours et qu’on investisse<br />
le champ radieux de l’action». Ces<br />
tares avaient déjà été énumérées<br />
dans une intervention de Dandin<br />
en date du 4 janvier 2010 sur les<br />
antennes de Kiskeya. S’accrochant<br />
au vieux dicton « les peuples ont les<br />
gouvernements qu’ils méritent » et<br />
à la métaphore du «vieil homme qui<br />
dort en nous», Dandin se livre à une<br />
auto-flagellation collective en règle,<br />
mécanisme de défense familier à ma<br />
grand-mère paternelle qui se plaignait<br />
tout le temps des avatars du<br />
pays depuis… Tonton Nò.<br />
Lisez bien quelles sont «nos»<br />
tares, celles de toutes les catégories<br />
sociales: «refus carabiné de l’Organisation<br />
et de l’Institution ; désinvolture,<br />
amateurisme, irresponsabilité<br />
en tout ; ignorance et mépris<br />
des Constitutions et des lois ; méconnaissance<br />
des profondes réalités<br />
du pays et refus intime d’être<br />
Haïtien par le rejet de la culture et<br />
de l’identité nationales ; subordination<br />
de l’intérêt général aux intérêts<br />
particuliers généralement mesquins<br />
; subordination des intérêts<br />
du pays à ceux de l’étranger ; esprit<br />
de lucre ; corruption ; intolérance ;<br />
sectarisme, esprit de clan, clientélisme<br />
et népotisme».<br />
Je suis bien certain que ces tares<br />
ne sont pas caractéristiques encore<br />
moins spécifiques des Haïtiens.<br />
On les rencontre sans aucun doute<br />
sous tous les cieux. Les oligarchies et<br />
les militaires latino-américains, africains<br />
et même asiatiques en savent<br />
long sur le chapitre de l’ignorance<br />
et mépris des Constitutions et des<br />
lois. C’est à cause de la subordination<br />
de l’intérêt général aux intérêts<br />
particuliers généralement mesquins<br />
que plusieurs gwo zouzounn de divers<br />
milieux politiques européens se<br />
sont trouvés en contravention avec<br />
la Justice pour désinvolture, esprit<br />
de lucre, corruption, esprit de clan,<br />
clientélisme . En vrac on citera l’imprévisible<br />
et extravagant Premier<br />
ministre italien Silvio Berlusconi,<br />
poursuivi dans une vingtaine d'affaires<br />
judiciaires pour corruption,<br />
fraude fiscale, faux en bilan; Roland<br />
Dumas ancien Président du Conseil<br />
constitutionnel sous François Mitterrand,<br />
mis en cause par la justice<br />
dans «l'affaire Elf», et condamné à 6<br />
mois de prison ferme en 2003 ; l’exprésident<br />
Jacques Chirac dont le<br />
nom est régulièrement évoqué dans<br />
huit affaires judiciaires impliquant<br />
notamment la Mairie de Paris, parmi<br />
lesquelles l'affaire des emplois fictifs,<br />
l'affaire des faux chargés de mission,<br />
ou encore l'affaire des HLM (habitation<br />
à loyer modéré) de Paris;<br />
Que dire des proches collaborateurs<br />
de Chirac comme Michel Roussin,<br />
Louise-Yvonne Casetta ou Alain<br />
Juppé condamnés par la Justice.<br />
Juppé, maire de Bordeaux, Premier<br />
ministre de mai 1995 à juin 1997,<br />
donnait ordre à ses services, en juin<br />
1995, de diminuer le loyer de son fils<br />
Laurent, logé dans un appartement<br />
relevant des discrètes propriétés de<br />
la Ville de Paris, rue Jacob. En 1998,<br />
il était mis en examen pour « abus<br />
de confiance, recel d’abus de biens<br />
sociaux, et prise illégale d’intérêt ».<br />
Le 30 janvier 2004, il fut condamné<br />
par le tribunal correctionnel de Nanterre<br />
à dix-huit mois de prison avec<br />
sursis.<br />
Dans l’affaire du casino d'Annemasse<br />
(parmi plusieurs affaires<br />
politico-financières depuis les années<br />
2000), Charles Pasqua, exministre<br />
de l’Intérieur français a été<br />
condamné le 26 novembre 2006 par<br />
le tribunal correctionnel de Paris à<br />
dix-huit mois de prison avec sursis,<br />
peine confirmée en appel en mars<br />
2008. Une procédure pour corruption<br />
est également en cours devant<br />
la Cour de justice de la République.<br />
On n’oubliera pas Spiro Agnew, vice-président<br />
de Nixon. Accusé de<br />
fraude fiscale et d'avoir accepté des<br />
pots-de-vin pendant son mandat de<br />
gouverneur du Maryland, il a dû démissionner<br />
en 1973. Dans le beau<br />
monde de la «société civile» américaine,<br />
on ne saurait passer sous<br />
silence deux fleurons malheureusement<br />
«tarés» de l’escroquerie tous<br />
azimuts: Martha Stewart reconnue<br />
coupable de complot, faux témoignage<br />
et d’entrave à la justice et<br />
condamnée à cinq mois de prison<br />
et 30 000 dollars d'amende; et le<br />
glorieux escroc du siècle, Bernard<br />
Madoff, condamné à 150 ans de<br />
prison pour 50 milliards de dollars<br />
volés à ses clients. Tout se vòlè, des<br />
corrompus, maîtres en subordination<br />
de l’intérêt général aux intérêts<br />
particuliers généralement mesquins.<br />
E yo pa ayisyen.<br />
Toutefois, Monsieur Marvel va<br />
un peu loin, trop loin même, en prêtant<br />
à toutes les catégories sociales<br />
un «refus intime d’être Haïtien par<br />
le rejet de la culture et de l’identité<br />
nationales». Voyons, Dandin ! Que<br />
je sache, un certain «bovarysme<br />
culturel» dénoncé par le Dr. Jean<br />
Price Mars ne visait pas toutes les<br />
catégories sociales haïtiennes, mais<br />
bien ces élites aliénées, européocentriques<br />
et francolâtres. Ces mêmes<br />
élites qui de concert avec un clergé<br />
breton réactionnaire avaient pensé<br />
détruire l’âme du petit peuple analphabète<br />
(mais pas bête) lors de l’infâme<br />
campagne dite des rejete. Le<br />
petit peuple, majoritaire, n’a jamais<br />
eu à manifester de refus intime d’être<br />
Haïtien par le rejet de la culture et<br />
de l’identité nationales. Au contraire,<br />
depuis toujours d’ailleurs, se ba l<br />
tanbou l, ba l rara l. Depuis Price-<br />
Mars, Estimé, la Troupe folklorique<br />
nationale, le Jazz des Jeunes, Lumane<br />
Casimir et le Théâtre de verdure,<br />
depuis l’émergence des mains miraculeuses<br />
des Philomé Obin, Préfète<br />
Duffault, Hector Hyppolite, Castera<br />
Bazile, Rigaud Benoît, depuis notre<br />
captivant konpa dirèk, la grande<br />
majorité n’a jamais été aussi fière de<br />
sa culture.<br />
Pour en finir avec ces tares,<br />
le docteur Dandin secondé par la<br />
consoeur Nancy prescrit «qu’on sorte<br />
résolument des méandres du discours<br />
et qu’on investisse le champ<br />
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radieux de l’action». Que de phrases<br />
creuses ! Qui c’est ce « ON » impersonnel<br />
? Jean-Claude Bajeux, le défenseur<br />
partial des droits humains ?<br />
L’onctueux Leslie Manigat ? Le<br />
bakoulou Evans Paul ? Le transfuge<br />
Yves Cristallin ? L’opportuniste Paul<br />
Denis ? L’audacieux Pierre Espérance<br />
du RNDDH ? L’insubmersible Jean<br />
Max Bellerive ? Déjà l’utilisation de<br />
l’expression méandres du discours<br />
témoigne d’une propension éculée<br />
à la démagogie, aux phrases<br />
creuses, sonores, à la manière<br />
manigate. Et puis, s’agit-il des<br />
méandres du discours du professeur<br />
Victor Benoît, de Guy Philippe<br />
ancien «candidat à la présidence»,<br />
du «léopard» Himmler Rébu, ou de<br />
ces médiocres lilliputiens qui tous<br />
réunis n’arrivent pas à accrocher<br />
15% de l’électorat ?<br />
Et le comble de la démagogie<br />
et du parler ronflant et creux est atteint<br />
par Dandin qui recommande<br />
«qu’ON investisse le champ radieux<br />
de l’action». Encore cet «ON»<br />
impersonnel, encore une phrase<br />
fleurie à la Manigat. De champ<br />
radieux de l’action, parlons-en,<br />
Dandin, parlons-en, Nancy Roc.<br />
Pendant les deux légales et démocratiques<br />
années du duumvirat<br />
Latortue-Alexandre, qu’avez-vous<br />
produit de bien radieux ? Sous<br />
les auspices de cette démocratie<br />
duumvirate, qu’avez-vous accouché<br />
de lumineux ? A un peu plus<br />
d’un mois du séisme du 12 janvier,<br />
qu’avez-vous mis en branle, en<br />
place, pour aider les sinistrés des<br />
violences de la croûte terrestre ?<br />
De quelle radieuse action pouvezvous<br />
vous enorgueillir ? De quelle<br />
campagne de désobéissance civile<br />
avez-vous pris l’initiative pour en<br />
arriver, en potekole avec les masses,<br />
à la désoccupation du pays ?<br />
Manyè di m non, Dandin ! Dis-moi<br />
donc, Nancy.<br />
En fait, avec ces deux jongleurs<br />
de phrases creuses, on ne peut s’empêcher<br />
de penser au proverbe haïtien:<br />
kite kò pou al kriye nan pye sèkèy.<br />
Roc et Dandin dénoncent les «tares»<br />
de «toutes [nos] catégories sociales»<br />
(pye sèkèy la), mais oublient que de<br />
«l’indemnisation» en 1825 aux trois<br />
occupations, ce sont de puissantes<br />
forces externes (kò a), exploiteuses,<br />
qui manipulent, entretiennent et tolèrent<br />
les modes d’agir et de penser<br />
d’une minorité interne, jouisseuse,<br />
donnant l’impression que toutes<br />
les catégories sociales sont affectées<br />
et handicapées par d’incurable tares.<br />
C’est plutôt à ces forces maldyòk que<br />
doivent d’abord s’en prendre Roc et<br />
Dandin au lieu de jouer aux moralisateurs<br />
en jonglant avec des phrases<br />
creuses, dépassées et insipides. Mais<br />
se colleter aux vrais coupables ce<br />
n’est pas dans leur mode d’agir et de<br />
penser…<br />
14<br />
Haïti Liberté<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010
Votre Santé avant tout !<br />
Ma foi, parlons un peu de votre foie<br />
Par Dòk Fanfan<br />
Rappel anatomique<br />
C’est l’organe le plus volumineux<br />
du corps (deux pour<br />
cent du poids corporel, soit une<br />
moyenne de 1 500 grammes).<br />
Il est situé dans l’abdomen,<br />
sous le diaphragme (espace appelé<br />
loge sous-phrénique droite),<br />
derrière les dernières côtes, en<br />
avant, à droite. C’est l'organe du<br />
corps humain qui effectue le plus<br />
grand nombre de transformations<br />
chimiques. On peut palper<br />
son bord inférieur sous les côtes.<br />
Quand le foie augmente de volume,<br />
on parle d’hépatomégalie.<br />
L'apport sanguin est réalisé<br />
par l'artère hépatique, amenant<br />
du sang oxygéné, et par la<br />
veine porte ramenant le sang du<br />
tube digestif riche en nutriments<br />
en période post prandiale (après<br />
la digestion). Le sang de ces deux<br />
vaisseaux se mélange dans de<br />
minuscules vaisseaux sanguins<br />
intra-hépatiques (sinusoïdes).<br />
Il est repris par les veines sushépatiques,<br />
qui se jettent dans la<br />
veine cave inférieure, elle- même<br />
se jetant dans le cœur droit après<br />
avoir traversé le diaphragme.<br />
foie<br />
Les grandes fonctions du<br />
1. Le foie participe au maintien<br />
du taux de sucre dans le sang<br />
C’est dans le foie et les muscles<br />
que le glucose (sucre) issu de la<br />
digestion des glucides contenus<br />
dans un repas, est transformé en<br />
glycogène, réserve énergétique.<br />
Entre les repas, le foie libère le<br />
glucose au fur et à mesure des besoins<br />
énergétiques de l’organisme.<br />
Cette fonction permet de garder<br />
un taux de glucose constant dans<br />
le sang (c'est-à-dire la glycémie).<br />
Aussi, un patient atteint d’une insuffisance<br />
hépatique sévère pourra<br />
présenter des hypoglycémies.<br />
Le foie et les structures environnantes. On notera les intestins dont le<br />
sang veineux passe à travers le foie pour être récupéré par la veine cave<br />
inférieure et être transporté jusqu’au coeur droit.<br />
2. La fonction de Stockage<br />
Stockage d'une multitude de substances,<br />
dont la vitamine B12, le<br />
fer, le cuivre et le glucose (sous<br />
forme de glycogène). Celles-ci<br />
sont récupérées par le foie lors de<br />
la destruction des vieilles hématies<br />
(globules rouges). Le foie emmagasine<br />
les vitamines A, D, K et<br />
E qui sont liposolubles (solubles<br />
dans la graisse).<br />
3. Le foie synthétise des molécules<br />
indispensables à l'organisme<br />
Le foie synthétise de nombreuses<br />
protéines comme l’albumine, les<br />
triglycérides, les lipoprotéines ou<br />
des facteurs de la coagulation.<br />
L’altération de cette fonction provoque<br />
des troubles de la coagulation,<br />
une diminution du taux des<br />
protéines dans le sang. Les acides<br />
gras provenant de la digestion des<br />
graisses sont transformés en molécules<br />
lipidiques plus complexes qui<br />
seront stockées dans les adipocytes<br />
(cellules graisseuses). Le foie<br />
synthétise le cholestérol, molécule<br />
indispensable qui participe à la<br />
formation d’hormones et qui entre<br />
dans la structure des membranes<br />
cellulaires.<br />
4. Le foie recycle les déchets<br />
Le foie est aussi chargé du recyclage<br />
des déchets issus du fonctionnement<br />
des cellules de l’organisme<br />
ainsi que des produits toxiques, des<br />
microbes, des médicaments, …. Il<br />
fait le tri, transforme et élimine les<br />
déchets. Il métabolise des drogues<br />
y compris l’alcool et transforme<br />
des agents nocifs en produits inactifs<br />
tant que ses fonctions sont<br />
intactes. Quand le foie fonctionne<br />
mal, il est nécessaire de faire attention<br />
aux médicaments qui sont<br />
métabolisés ou éliminés par le foie;<br />
un surdosage est alors possible.<br />
5. La fonction hépato-biliaire (voir<br />
le schéma)<br />
Le métabolisme des cellules du foie<br />
entraîne la production de déchets<br />
: protéiques, glucidiques, lipidiques;<br />
l’urée est par exemple un<br />
produit de dégradation des acides<br />
aminés(unités structurales de base<br />
des protéines). Ces déchets participent<br />
à la formation de la bile. La<br />
bile contient aussi du cholestérol<br />
ainsi que de la bilirubine, pigment<br />
biliaire issu de la dégradation des<br />
globules rouges et qui lui donne<br />
une couleur jaune-orangée.<br />
La bile est évacuée par les canaux<br />
biliaires présents dans le tissu hépatique,<br />
puis elle arrive dans la<br />
voie biliaire principale jusqu’à la<br />
vésicule biliaire où elle est stockée<br />
entre les repas. La vésicule biliaire<br />
est reliée au duodénum (la première<br />
partie de l’intestin grêle) par<br />
le canal cholédoque. Au moment<br />
de la digestion, la vésicule libère la<br />
bile nécessaire à l’absorption des<br />
vitamines A,D et K. Les sels biliaires<br />
contenus dans la bile émulsionnent<br />
les graisses, facilitant leur<br />
digestion. La bilirubine prend une<br />
couleur brune quand elle passe<br />
dans le tube digestif, ce qui explique<br />
la couleur des selles.<br />
Il arrive que les canaux excréteurs<br />
de la bile se bouchent. Alors ce qui<br />
n’est pas excrété dans la bile retournera<br />
dans le sang: la bilirubine<br />
va s’accumuler dans la circulation<br />
sanguine et elle sera responsable<br />
de l’apparition d’un ictère<br />
(jaunisse); par contre, comme elle<br />
ne sera pas passée dans le tube<br />
digestif, les selles seront pâles.<br />
Les cellules du foie elles-mêmes<br />
lorsqu’elles ne sont pas capables<br />
d’éliminer la bilirubine donnent<br />
lieu aussi à un ictère et des selles<br />
décolorées : c’est le cas des insuffisances<br />
hépatiques dues à une cirrhose,<br />
une hépatite.<br />
Survol des principales<br />
maladies du foie<br />
Les hépatites :<br />
Elles sont d’origine virale ou alcoolique,<br />
rarement médicamenteuse.<br />
Elles sont fulminantes et<br />
fatales, aiguës ou chroniques.<br />
L’ictère (jaunisse) est en un signe<br />
principal. Perte de l’appétit, sensibilité<br />
ou légère douleur au niveau<br />
du foie, nausées, vomissements,<br />
fièvre font partie du tableau clinique,<br />
à des degrés divers. Les<br />
formes aiguës guérissent spontanément<br />
(la majorité) ou bien<br />
passent à la chronicité, conduisant<br />
éventuellement à l’insuffisance<br />
hépatique.<br />
Les cirrhoses<br />
Elles sont généralement<br />
d’origine virale ou alcoolique, plus<br />
rarement liées à une surcharge en<br />
fer (hémochromatose) ou en cuivre<br />
(maladie de Wilson). Au mieux,<br />
elles se stabilisent, avec traitement.<br />
Au pire, elles conduisent à<br />
l’insuffisance hépatique ou, rarement,<br />
à un cancer.<br />
Les tumeurs<br />
Bénignes, elles sont rares et ne<br />
menacent pas la vie du patient.<br />
Malignes (cancers), elles sont de<br />
pronostic sombre, sauf exception:<br />
(1) les carcinomes hépatocelllaires,<br />
les plus fréquents; ils prennent<br />
naissance à partir des cellules<br />
hépatiques elles-mêmes, contrairement<br />
aux (2) cholangiocarcinomes<br />
prenant naissance à partir des<br />
canaux biliaires intrahépatiques,<br />
avec une prévalence plus élevée<br />
en Asie, attribuée aux parasitoses<br />
endémiques dans la région; et (3)<br />
les angiosarcomes, beaucoup plus<br />
rares et liés particulièrement au<br />
chlorure de vinyle.<br />
Les tumeurs métastatiques (secondaires)<br />
proviennent principalement<br />
des organes digestifs.<br />
Suite de la page (12) Témoignage et réflexions ............<br />
précisément à l’insistance avec<br />
laquelle Debray a demandé à partir.<br />
Face à cette situation —jour et nuit, il<br />
parlait avec le Che— il soulignait qu’il<br />
serait plus utile à la ville, nouant les<br />
contacts, que physiquement, il n’était<br />
pas guérillero, qu’il voulait partir, qu’il<br />
pouvait être très utile dehors (…)<br />
Dans la guérilla, il [Debray]<br />
n’a rien fait d’extraordinaire. Debray<br />
a passé son temps à parler de quitter<br />
la guérilla. Pour moi, compte tenu<br />
de tout ce qu’il a écrit, il a essayé de<br />
gagner la confiance de la Révolution<br />
cubaine et du Che. Je ne sais pas quel<br />
était son objectif. Avec ce qu’il a fait,<br />
la position qu’il a prise ces derniers<br />
temps, je n’exclue pas qu’il ait pu<br />
jouer sur les deux tableaux.<br />
Le Che a agi de manière conséquente<br />
envers lui, il a même été<br />
compréhensif lorsque Debray lui a<br />
parlé de son désir d’avoir un enfant<br />
(…) Je vous disais précisément que<br />
la séparation en deux groupes (…)<br />
C’est quelque chose que personne n’a<br />
dit et je dirais à Debray qu’il soit plus<br />
honnête, qu’il dise que la guérilla a<br />
eu plus de problèmes par sa faute,<br />
qu’il dise au moins une fois qu’il a<br />
été responsable de la séparation de<br />
la guérilla (…) Lorsque les hommes,<br />
n’ont pas l’envergure voulue, ils peuvent<br />
changer d’avis et Ciro Bustos a<br />
changé d’avis. Il s’est vu prisonnier, il<br />
semble qu’ils l’ont menacé et il a "déteint",<br />
il a perdu sa couleur. C’est ce<br />
que je crois à propos de Ciro Bustos,<br />
et de Debray —je le répète— je pense<br />
qu’il jouait sur les deux tableaux. »<br />
Tout le monde aura compris<br />
que ce général est un affabulateur.<br />
« Il a joué sur les deux tableaux ».<br />
Insensé ! De telles accusations ne<br />
méritent même pas d’être démenties.<br />
Voilà donc pour 1967 [3]. Refermons<br />
le dossier. Rien de bien grave. « Debray<br />
a parlé plus que nécessaire » mais<br />
c’est Che Guevara qui le dit. « Il a<br />
fait des confessions qu’il n’avait pas<br />
à faire. » C’est encore le Che qui le<br />
dit. Je me demande si ce Che n’était<br />
pas au fond un peu jaloux de notre<br />
grand intellectuel et de notre merveilleux<br />
écrivain national, pour douter<br />
ainsi de son ami. Le rôle mineur de<br />
Che Guevara dans la révolution cubaine<br />
peut-il être un seul instant<br />
comparé aux exploits de Régis Debray<br />
? Evidemment non ! Il suffit pour<br />
s’en persuader d’admettre la vérité :<br />
Guevara n’était qu’un perdant. La<br />
preuve ? Il est mort, pris et exécuté<br />
sommairement le 9 octobre 1967,<br />
alors que le courageux Debray, lui, a<br />
survécu et il est même devenu célèbre<br />
en racontant, pendant 43 ans<br />
durant, ses glorieuses aventures<br />
dans la jungle bolivienne. Comme<br />
je l’envie ! Donc tout cela ne<br />
prouve rien. Seulement que le Che<br />
était paranoïaque et, au pire, que<br />
Régis Debray aime la conversation<br />
et parle à tout le monde. Même à<br />
la CIA. Quoi de mal à cela ? C’est<br />
sans doute à cause de cette affabilité<br />
naturelle que Nicolas Demorand<br />
l’a invité le 22 janvier 2010<br />
au micro de France Inter. A-t-il<br />
trop parlé ? Non, il a juste dit qu’il<br />
fallait mettre Haïti sous tutelle.<br />
Dr. Joel<br />
Henriquez Poliard<br />
M.D.<br />
Family and Community<br />
Medicine<br />
Public health and Pedriatics<br />
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Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 15
A travers le monde<br />
Venezuela développera<br />
l’énergie nucléaire<br />
Le président vénézuélien,<br />
Hugo Chavez, a confirmé<br />
la décision de son gouvernement<br />
de développer l’énergie<br />
nucléaire à des fins pacifiques,<br />
ce qu’il a considéré<br />
comme un droit souverain<br />
des pays. Il a annoncé la<br />
mise en place d’une commission<br />
chargée de la question.<br />
Le président Chavez a confirmé<br />
attendre les attaques<br />
du gouvernement étasunien,<br />
tout comme il arrive aux autorités<br />
iraniennes.<br />
« Quand nous commencerons<br />
à développer<br />
notre énergie nucléaire, parce<br />
que nous allons le faire, on<br />
va poser son regard sur nous<br />
Hommage à Daniel Bensaïd<br />
Par Nestor Bidadanure<br />
Cet intellectuel et militant<br />
de la gauche radicale,<br />
professeur de philosophie<br />
à Paris-VIII, nous a quittés.<br />
Mais son exemple demeure.<br />
Importante figure de la<br />
gauche radicale et un<br />
des principaux dirigeants<br />
du mouvement de Mai-68,<br />
Daniel Bensaïd [ndlr : né le<br />
25 mars 1946 à Toulouse<br />
] est décédé à l’âge de 62<br />
ans, le 12 janvier 2010, à la<br />
suite d’une longue maladie.<br />
Cet intellectuel révolutionnaire<br />
et humaniste aura,<br />
à sa façon, marqué son<br />
temps. Il n’a cessé de dénoncer<br />
l’appauvrissement<br />
actuel du politique de plus<br />
en plus réduit au simple jeu<br />
électoraliste. Il attribuait<br />
cette évolution aux dérives<br />
populistes relayées par<br />
les médias qui assimilent<br />
l’action politique collective<br />
à la seule figure du chef.<br />
Il recommandait aux<br />
militants l’humilité et la lucidité,<br />
antidotes à l’illusion<br />
qui consiste à se croire intelligent<br />
tout seul dans son<br />
coin alors que l’on pense<br />
et grandit avec les autres,<br />
dans l’échange. Notre conscience,<br />
disait-il, est en<br />
grande partie le produit des<br />
pratiques collectives et non<br />
uniquement une conquête<br />
individuelle. Il insistait sur<br />
le fait qu’adhérer à un parti<br />
politique devait signifier<br />
militer d’abord avant d’aller<br />
voter. Il y avait, selon lui,<br />
une éthique militante dont<br />
l’exigence première était la<br />
primauté des convictions<br />
politiques sur toute autre<br />
considération.<br />
À ceux qui lui demandaient<br />
si ses activités<br />
d’intellectuel, d’écrivain et<br />
de professeur d’Université<br />
ne souffraient pas de ses<br />
positions militantes, il rappelait<br />
que l’engagement<br />
politique de Jean Jaurès,<br />
d’Antonio Gramsci, Marcel<br />
Mauss… ne les avait pas<br />
empêchés d’être des penseurs<br />
prolifiques incontestés.<br />
Pour échapper aux ris-<br />
et on dira que Chavez est en<br />
train de construire la bombe<br />
atomique » a-t-il relevé.<br />
A ce propos, il a<br />
souligné que le Venezuela<br />
n’a pas besoin d’armes<br />
d’extermination massive. «<br />
Nous détenons déjà « une<br />
bombe atomique », le Parti<br />
Socialiste et le peuple uni »<br />
a signalé Hugo Chavez qui<br />
a défendu le droit de l’Iran<br />
d’utiliser le nucléaire à des<br />
fins pacifiques. « Le Venezuela<br />
comprend clairement<br />
la lutte de l’Iran, parce que<br />
c’est la même lutte pour la<br />
souveraineté. Il faut continuer<br />
à repousser la prétention<br />
de l’impérialisme<br />
ques de l’assujettissement<br />
de la pensée autonome<br />
aux impératifs politiques,<br />
maintes fois observés dans<br />
l’Histoire, Daniel Bensaïd<br />
suggérait de toujours<br />
séparer le temps des activités<br />
militantes de celui<br />
de la réflexion théorique.<br />
Internationaliste, il assumait<br />
le soutien que son<br />
organisation, la Ligue<br />
communiste révolutionnaire<br />
(trotskiste, devenue<br />
le Nouveau parti anticapitaliste<br />
il y a un an), dont<br />
il fût l’un des théoriciens,<br />
a historiquement apporté<br />
aux luttes anticolonialistes<br />
et anti-impérialistes,<br />
malgré les désillusions.<br />
Aux critiques des intellectuels,<br />
soutenant l’État<br />
d’Israël qui lui reprochaient<br />
ses positions en faveur<br />
de l’autodétermination<br />
du peuple palestinien, il<br />
répondait qu’il était injuste<br />
et simpliste d’assimiler<br />
la critique du sionisme à<br />
l’antisémitisme.<br />
Il était de ceux<br />
qui pensent que seule<br />
l’existence d’espaces de dialogue<br />
sincère, de réflexion<br />
et de critique de la société<br />
peut préserver les États des<br />
dérives totalitaires. Concernant<br />
la possibilité du<br />
socialisme du XXI e siècle,<br />
Daniel Bensaïd croyait<br />
toujours, à l’instar de son<br />
collègue Alain Badiou, à<br />
l’hypothèse communiste<br />
comme solution à la crise<br />
du néolibéralisme, tout en<br />
reconnaissant que bien des<br />
concepts révolutionnaires<br />
avaient été marqués négativement<br />
par les dérives<br />
répressives de certains<br />
pouvoirs qui s’en sont<br />
réclamés au XX e siècle.<br />
Il voyait dans l’expérience<br />
du mouvement zapatiste<br />
au Mexique et le slogan<br />
altermondialiste « Un autre<br />
monde est possible » une<br />
tentative de sortir les luttes<br />
sociales de l’emprise bureaucratique.<br />
Mais il faisait<br />
remarquer que le visage de<br />
cet « autre monde » n’était<br />
qu’au stade de balbutiement.<br />
Dans son livre Les<br />
Dépossédés (La Fabrique,<br />
Le président vénézuélien,<br />
Hugo Chavez<br />
yankee d’empêcher le développement<br />
économique et énergétique de l’Iran »<br />
a souligné le président vénézuélien qui<br />
a félicité son homologue iranien, Mahmoud<br />
Ahmadinejad, pour le 31e anniversaire<br />
de la Révolution islamique.<br />
Cuba si lorraine 13 février 2010<br />
Daniel Bensaïd<br />
2007), il montre que les questions<br />
de notre temps sur les limites de ce<br />
qui est privatisable ne datent pas<br />
d’aujourd’hui, que la destruction en<br />
Europe du droit privé des pauvres<br />
dans les villages et des formes de<br />
solidarité coutumières au cours de la<br />
première moitié du XIX e siècle a été<br />
brutale, comme le sont aujourd’hui<br />
la privatisation du vivant et des connaissances,<br />
et la destruction de la<br />
Sécurité sociale conquise de haute<br />
lutte au cours du XX e siècle. Humble,<br />
digne et déterminé: tel fût Daniel<br />
Bensaïd. Il laisse un bel exemple de<br />
l’exercice de la liberté humaine et<br />
cela ne meurt pas.<br />
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La montée dangereuse des<br />
tensions entre la Chine et les<br />
Etats-Unis<br />
Par John Chan<br />
L<br />
'annonce par les Etats-<br />
Unis d'une vente d'armes<br />
atteignant 6,4 milliards de<br />
dollars à Taïwan a provoqué<br />
une forte réaction adverse<br />
de la part de la Chine ainsi<br />
qu'une forte montée des tensions<br />
entre ces deux grandes<br />
puissances. La détermination,<br />
de part et d'autre, de prendre<br />
une position dure sans se<br />
soucier des conséquences fait<br />
naître le spectre d'une fracture<br />
ouverte dans les relations<br />
diplomatiques et politiques<br />
des deux pays.<br />
La décision d'annoncer<br />
cette vente, alors qu'on savait<br />
parfaitement que la Chine allait<br />
réagir avec force était, de<br />
la part des Etats-Unis, une<br />
démarche calculée, destinée<br />
à contrecarrer l'influence<br />
économique et politique<br />
grandissante de Pékin dans<br />
le monde. Un article du New<br />
York Times de lundi déclare<br />
que l'administration Obama<br />
avait commencé un « refoulement<br />
». En annonçant cette<br />
vente d'armes, les Etats-Unis<br />
avaient « porté un coup direct<br />
au coeur de la question<br />
diplomatique la plus sensible<br />
existant entre les deux pays<br />
depuis que l'Amérique a adhéré<br />
à la politique d'une seule<br />
Chine en 1972. »<br />
Le New York Times<br />
explique que la vente était «<br />
doublement exaspérante pour<br />
Pékin, étant donné qu'elle arrivait<br />
si peu de temps après<br />
l'annonce par le président<br />
Bush en 2008 d'une vente<br />
similaire à Taïwan et juste<br />
au moment ou Pékin et Taïwan<br />
se trouvaient au milieu<br />
d'une sorte de détente<br />
dans leurs propres relations<br />
». L'annonce fût faite le jour<br />
même où la secrétaire d'Etat<br />
américaine aux Affaires<br />
étrangères, Hillary Clinton,<br />
avait critiqué Pékin publiquement<br />
pour ne pas avoir accepté<br />
de nouvelles mesures<br />
punitives à l'égard de l'Iran<br />
et de son programme nucléaire.<br />
Washington a enfoncé<br />
le couteau dans la plaie en insistant<br />
pour que la rencontre<br />
Costa Rica Laura Chinchilla<br />
élue à la Présidence<br />
Laura Chinchilla est la première<br />
femme à accéder à<br />
la présidence du Costa Rica.<br />
Politologue de 50 ans, ancienne<br />
vice-présidente du<br />
président sortant Oscar Arias,<br />
elle a emporté l'élection présidentielle<br />
au premier tour.<br />
Candidate du Parti de libération<br />
nationale (PLN, centredroit),<br />
elle a recueilli 47%<br />
des suffrages, contre 25%<br />
entre Obama et le Dalaï-Lama<br />
ait lieu malgré les objections<br />
chinoises.<br />
Le refus de la Chine de<br />
se laisser intimider et forcer<br />
à durcir sa position vis-à-vis<br />
de l'Iran est seulement l'une<br />
de nombreuses causes de<br />
frustration pour Washington.<br />
Durant sa visite à Pékin l'an<br />
dernier, Obama avait poussé<br />
ses homologues Chinois à<br />
réévaluer le yuan vis-à-vis<br />
du dollar et à accepter des<br />
limitations définitives pour les<br />
émissions de CO2. Le président<br />
américain a non seulement<br />
échoué dans la question<br />
de la réévaluation monétaire,<br />
mais on lui a aussi fait la<br />
leçon sur les besoins d'une<br />
gestion économique saine. Le<br />
premier ministre chinois lui a<br />
également infligé un camouflet<br />
au sommet sur le climat<br />
de Copenhague, n'envoyant à<br />
des négociations cruciales de<br />
dernière minute que des responsables<br />
de second plan.<br />
Washington a décidé un<br />
« refoulement » sur des questions<br />
particulièrement sensibles.<br />
Steve Clemons, directeur<br />
de la politique extérieure à la<br />
New America Foundation, a<br />
dit au New York Times « la<br />
Chine se sent très en confiance<br />
ces jours-ci, mais là où<br />
les Chinois pètent les plombs<br />
régulièrement c'est la question<br />
de la souveraineté. Tout<br />
ce qui a donc trait à Taïwan<br />
ou au Tibet les fera réagir. »<br />
Pékin considère Taïwan<br />
comme une province renégate<br />
et a menacé de l'envahir si Taïpeh<br />
venait à déclarer une indépendance<br />
dans les formes.<br />
Washington a soutenu la<br />
dictature du Kouo-min-tang,<br />
établie sur l'île après la révolution<br />
chinoise, mais il y eût en<br />
1972 un rapprochement avec<br />
la Chine. L'accord entre les<br />
deux pays fût toujours gros<br />
de contradictions, les États-<br />
Unis reconnaissant le contrôle<br />
de Pékin sur l'ensemble<br />
de la Chine y compris Taïwan,<br />
mais continuant de s'opposer<br />
à toute réunification par la<br />
force et à vendre des armes à<br />
Taïwan malgré les objections<br />
de la Chine. La Chine est<br />
particulièrement sensible à la<br />
à son principal rival, Otton<br />
Solis du Parti d'action citoyenne<br />
(PAC, centre-gauche).<br />
Otto Guevara, candidat du<br />
Mouvement libertaire (ML,<br />
droite), qui est arrivé en<br />
troisième position avec 21%.<br />
Députée de 2002 à<br />
2006, elle fut également<br />
Ministre de la Justice. Elle<br />
a le soutien des milieux<br />
économiques, proches du<br />
question de Taïwan parce que<br />
tout pas vers une indépendance<br />
de la part de celle-ci encouragerait<br />
des mouvements<br />
séparatistes dans d'autres<br />
régions, entr’ autres, au Tibet<br />
et au sein de la population<br />
Ouïgour, dans la province de<br />
Xinjiang. Lorsque les Etats-<br />
Unis avaient fait allusion à<br />
la vente d'armes en question<br />
le mois dernier, Pékin avait<br />
manifesté son déplaisir en<br />
procédant à des essais de<br />
son système de missiles antibalistiques<br />
et en détruisant un<br />
missile qu'elle avait envoyé<br />
dans l'espace.<br />
A la suite de l'annonce<br />
de la semaine dernière, le régime<br />
chinois a pris la mesure,<br />
sans précédent, de menacer<br />
de sanctions les entreprises<br />
américaines impliquées dans<br />
la vente d'armes - une démarche<br />
qui aurait des conséquences<br />
importantes pour<br />
des sociétés comme Boeing,<br />
United Technologies, Lockheed<br />
Martin et Raytheon.<br />
Boeing s'inquiète de ce qu'il<br />
pourrait perdre du terrain visà-vis<br />
de son rival, Airbus, sur<br />
un marché estimé à 3770<br />
avions et qui atteindra une<br />
valeur de 400 milliards de<br />
dollars en 2028. La Chine a<br />
aussi annoncé un gel immédiat<br />
des échanges militaires<br />
avec les Etats-Unis et a convoqué<br />
l'ambassadeur américain<br />
à Pékin afin de protester<br />
dans les formes.<br />
Il existait déjà une augmentation<br />
des tensions commerciales<br />
entre les Etats-Unis<br />
et la Chine. Pékin avait réagi<br />
avec colère à l'imposition<br />
de tarifs douaniers sur les<br />
produits sidérurgiques et les<br />
pneumatiques chinois, menaçant<br />
les Etats-Unis de représailles.<br />
Le président Obama<br />
poursuit cependant sur sa lancée,<br />
il a dit aux démocrates du<br />
Sénat la semaine dernière que<br />
son administration allait se<br />
montrer « beaucoup plus dure<br />
dans l'imposition des règles<br />
commerciales existantes, exerçant<br />
une pression constante<br />
sur la Chine et d'autres pays<br />
afin qu'ils ouvrent leurs marchés<br />
de façon réciproque.»<br />
Suite à la page (17)<br />
président sortant, et a déclaré<br />
poursuivre la politique de<br />
libéralisation économique<br />
menée par le président Arias,<br />
défenseur du libéralisme<br />
économique. Laura Chinchilla<br />
prêtera serment en mai<br />
prochain.<br />
El Correo Paris, 8 février<br />
2010.<br />
16<br />
Haïti Liberté<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010
Suite de la page (16) La montèe ............<br />
Pourquoi<br />
Dans cette ambiance surchauffée,<br />
des sanctions chinoises à l'égard<br />
de Boeing pourraient déclencher une<br />
guerre commerciale ouverte.<br />
Cette escalade des tensions est<br />
l'expression de profonds changements<br />
géopolitiques. Les Etats-Unis<br />
font face, en tant que puissance en<br />
déclin mais encore dominante, à un<br />
défi économique et stratégique croissant<br />
de la part de la Chine et ce, dans<br />
chaque coin du globe, alors que Pékin<br />
cherche à se garantir un accès aux<br />
ressources et aux marchés. Les Etats-<br />
Unis tentent, de façon agressive, de<br />
consolider leurs occupations néocoloniales<br />
en Afghanistan et en Iraq pour<br />
s'assurer une position hégémonique<br />
dans les régions riches en ressources<br />
énergétiques du Moyen-Orient et<br />
d'Asie centrale. La Chine essaie de<br />
consolider ses propres alliances afin<br />
de faire partir les Etats-Unis de ce<br />
qu'elle considère comme sa propre<br />
zone d'influence, l'Asie centrale, et<br />
de garantir des livraisons de pétrole<br />
et de gaz vitales pour elle.<br />
Après avoir pris ses fonctions<br />
l'an dernier au beau milieu de la<br />
crise financière mondiale, Obama a<br />
recherché l'assistance de la Chine.<br />
Faisant face à des déficits énormes,<br />
les responsables de l'administration<br />
Obama en ont appelé à Pékin pour<br />
qu'elle continue d'acheter les obligations<br />
américaines et ils ont inclus<br />
le gouvernement chinois dans les<br />
discussions sur la crise, à travers<br />
le groupe du G 20. Certains optimistes<br />
ont alors même spéculé sur<br />
la formation d'un G2 - Etats-Unis et<br />
Chine - qui résoudrait les problèmes<br />
économiques du monde dans un esprit<br />
de coopération.<br />
L'approche de confrontation<br />
adoptée à présent par les Etats-<br />
Unis et la réponse déterminée de la<br />
Chine soulignent les contradictions<br />
économiques, politiques et sociales<br />
insolubles auxquelles fait face la<br />
classe capitaliste dans les deux pays.<br />
Face à un chômage à deux décimales<br />
et à la nécessité de faire des coupes<br />
immenses dans le budget, Obama<br />
joue la carte chinoise avec agressivité<br />
afin de donner un avantage à<br />
l'économie américaine aux dépens<br />
de l'économie chinoise et, sur le plan<br />
politique, pour détourner l'attention<br />
de sa propre responsabilité dans<br />
l'approfondissement de la crise<br />
économique en Amérique même.<br />
Quant à la Chine, elle affronte,<br />
malgré un taux de croissance « de<br />
temps de prospérité », un chômage<br />
en augmentation et une agitation<br />
sociale croissante qui s'aggraveront<br />
encore si ses industries-clés<br />
d'exportation sont frappées par des<br />
mesures protectionnistes. Les immenses<br />
mesures de relance prises<br />
par le régime chinois ont conduit<br />
à une orgie de spéculation sur les<br />
actions et sur l'immobilier, faisant<br />
naître la peur d'un effondrement<br />
financier. Tout comme Obama, les<br />
dirigeants chinois jouent la carte du<br />
chauvinisme, déclarant qu'ils vont<br />
défendre les intérêts de la Chine, afin<br />
de cacher leur propre rôle dans la<br />
création d'une des sociétés les plus<br />
inégalitaires dans le monde.<br />
Il existe un danger très réel que<br />
Taïwan, le Tibet ou tout autre problème<br />
ne devienne le point de cristallisation<br />
d'un effondrement rapide des relations<br />
entre les deux puissances et de<br />
l'éruption d'une guerre économique<br />
et pour finir d'un conflit militaire -<br />
comme ce fût le cas lors de la dernière<br />
grande crise du capitalisme mondial<br />
dans les années trente.<br />
Wsws 10 février 2010<br />
Suite de la page (13)<br />
ou au Panama, même si le président<br />
Obama n'est pas lui-même<br />
un homme politique de droite. Ceci<br />
montre bien la continuité de la politique<br />
de mainmise des Etats-Unis.<br />
La victoire de la droite au Chili la<br />
semaine dernière, première fois où<br />
elle gagnait des élections depuis un<br />
demi-siècle, était une victoire importante<br />
pour le gouvernement US. Si<br />
le Parti des travailleurs (Partido dos<br />
Trabalhadores, PT) de Lula da Silva<br />
devait perdre les élections présidentielles<br />
au Brésil à l'automne prochain,<br />
ce serait une victoire extraordinaire<br />
pour le département d'état.<br />
Si les hauts responsables US<br />
à la fois sous Bush et sous Obama<br />
sont restés courtois vis-à-vis du<br />
Brésil, il est évident qu'ils sont profondément<br />
irrités par les changements<br />
dans la politique étrangère<br />
du Brésil, qui s'est allié à des gouvernements<br />
socio-démocrates du<br />
continent américain et a adopté des<br />
positions indépendantes en matière<br />
de politique étrangère vis-à-vis du<br />
Moyen-Orient, de l'Iran ou autres.<br />
Les Etats-Unis se sont en fait<br />
immiscés dans la politique du Brésil<br />
pas plus tard qu'en 2005, où ils<br />
avaient organisé une conférence<br />
pour pousser à l'adoption d'une loi<br />
qui empêcherait les parlementaires<br />
de soutenir un parti ou un autre,<br />
selon le cas. Cette loi aurait renforcé<br />
l'opposition au parti du gouvernement<br />
de Lula dans la mesure<br />
où les membres du PT respectent<br />
la discipline de parti, ce que beaucoup<br />
de responsables politiques de<br />
l'opposition ne font pas. Cette intervention<br />
du gouvernement US n'a<br />
été révélée que l'an dernier grâce à<br />
une demande d'information déposée<br />
Emmanuel Constant, le chef de l'escadron de la mort le plus notoire<br />
à Washington dans le cadre de la loi<br />
Freedom of Information Act.<br />
Il y a bien d'autres interventions<br />
encore qui ont lieu sur tout le<br />
continent américain et dont nous<br />
n'avons pas connaissance. Les<br />
Etats-Unis sont largement impliqués<br />
dans la politique au Chili depuis les<br />
années 60, bien avant qu'ils aient<br />
organisé le renversement du gouvernement<br />
démocratique en 1973.<br />
En octobre 1970, le président Richard<br />
Nixon fulminait dans le Bureau<br />
Ovale contre le président socio-démocrate<br />
du Chili, Salvador Allende.<br />
"Ce fils de pute", avait dit Richard<br />
Nixon, le 15 octobre 1970, "ce fil<br />
de pute d'Allende, nous allons le<br />
fracasser". Quelques semaines plus<br />
tard, il expliquait pourquoi: “Le<br />
problème principal avec le Chili,<br />
c'est qu'Allende peut asseoir son<br />
pouvoir, et l'image qui sera projetée<br />
dans le monde entier, ce sera sa<br />
réussite … si nous permettons aux<br />
dirigeants éventuels en Amérique<br />
du sud de penser qu'ils peuvent faire<br />
comme le Chili et avoir le beurre et<br />
l'argent du beurre, nous allons avoir<br />
des problèmes… ".<br />
Cela montre encore combien<br />
les pions sont importants, et le<br />
cauchemar de Nixon est en fait devenu<br />
réalité un quart de siècle plus<br />
tard quand pays après pays élisait<br />
des gouvernements de gauche indépendants<br />
dont Washington ne<br />
voulait pas. Les Etats-Unis ont fini<br />
par "perdre" la plus grande partie de<br />
la région. Mais ils cherchent actuellement<br />
à la regagner l’un après<br />
l'autre. Ce sont les petits pays pauvres<br />
situés géographiquement le<br />
plus près des Etats-Unis qui sont<br />
le plus en danger. Le Honduras et<br />
Haïti n'auront sans doute droit à des<br />
élections démocratiques que quand<br />
l'influence que Washington exerce<br />
sur leur politique sera vraiment affaiblie.<br />
Mark Weisbrot est économiste<br />
et codirige le "Center for Economic<br />
and Policy Research".<br />
The Guardian 29 January 2010<br />
Par emcee Des bassines et du<br />
zèle 9 février 2010<br />
Comment<br />
Suite de la page (11)<br />
développa sous la bannière des<br />
tribunaux islamiques pour combattre<br />
les seigneurs de guerre locaux et<br />
ramener l’unité dans le pays. C’était<br />
une sorte d’intifada. Pour empêcher<br />
ce mouvement de reconstruire la<br />
Somalie, les Etats-Unis décidèrent<br />
brusquement de soutenir le gouvernement<br />
de transition somalien<br />
qu’ils n’avaient jamais voulu reconnaître.<br />
En fait, ils se rendirent compte<br />
que leur projet d’une Somalie sans<br />
Etat effectif n’était plus possible et<br />
qu’un mouvement était sur le point<br />
d’aboutir à une réconciliation du<br />
pays, islamique qui plus est ! Dans<br />
le but de saboter l’unité somalienne,<br />
ils décidèrent donc d’appuyer ce gouvernement<br />
de transition. Mais comme<br />
celui-ci ne disposait ni d’une base<br />
sociale, ni d’une armée, ce fûrent<br />
les troupes éthiopiennes commandées<br />
par Washington qui attaquèrent<br />
Mogadiscio pour faire tomber les tribunaux<br />
islamiques.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Ça a marché ?<br />
Mohamed Hassan : Non,<br />
l’armée éthiopienne a été défaite et<br />
a dû quitter la Somalie. De leurs côtés,<br />
les tribunaux islamiques se sont<br />
dispersés en divers mouvements qui<br />
aujourd’hui encore, contrôlent une<br />
bonne partie du pays. Quant au gouvernement<br />
de transition d’Abdullah<br />
Yussuf, il s’est effondré et les Etats-<br />
Unis l’ont remplacé par Sheik Sharrif,<br />
l’ancien porte-parole des tribunaux<br />
islamiques.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Sheik Sharrif est donc<br />
passé dans « l’autre camp » ?<br />
Mohamed Hassan : Il occupait<br />
la fonction de porte-parole des tribunaux<br />
islamiques, car c’est un bon<br />
orateur. Mais il n’a pas de connaissances<br />
politiques. Il n’a aucune idée<br />
de ce qu’est l’impérialisme ou le nationalisme.<br />
C’est pour ça que les puissances<br />
occidentales l’ont récupéré.<br />
C’était le maillon faible des tribunaux<br />
islamiques. Il préside aujourd’hui un<br />
faux gouvernement, créé à Djibouti.<br />
Qui n’a aucune base sociale ni autorité<br />
en Somalie. Il existe seulement<br />
sur la scène internationale parce que<br />
les puissances impérialistes le soutiennent.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : En Afghanistan, les Etats-<br />
Unis se disent prêts à négocier avec<br />
des talibans. Pourquoi ne cherchentils<br />
pas à dialoguer avec les groupes<br />
islamiques en Somalie ?<br />
Mohamed Hassan : Parce<br />
que ces groupes veulent renverser<br />
l’occupant étranger et permettre une<br />
réconciliation nationale du peuple somalien.<br />
Du coup, les Etats-Unis veulent<br />
briser ces groupes, car une réconciliation<br />
– que ce soit à travers les<br />
mouvements islamiques ou à travers<br />
le gouvernement de transition - n’est<br />
pas dans l’intérêt des forces impérialistes.<br />
Elles veulent juste le chaos. Le<br />
problème, c’est qu’aujourd’hui, ce<br />
chaos s’étend aussi à l’Ethiopie, très<br />
faible depuis l’agression de 2007.<br />
Un mouvement de résistance nationale<br />
y a vu le jour en lutte contre<br />
le gouvernement pro-impérialiste<br />
d’Addis Abeba. Avec leur théorie du<br />
chaos, les Etats-Unis ont en fait créé<br />
des problèmes dans toute la région.<br />
Et maintenant, ils s’en prennent à<br />
l’Erythrée.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Pourquoi?<br />
Mohamed Hassan : Ce petit<br />
pays mène une politique nationale<br />
indépendante. L’Erythrée a aussi<br />
une vision pour toute la région : la<br />
corne de l’Afrique (Somalie, Djibouti,<br />
Ethiopie, Erythrée) n’a pas<br />
besoin de l’ingérence des puissances<br />
étrangères, ses richesses doivent lui<br />
permettre d’établir de nouvelles relations<br />
économiques basées sur un<br />
respect mutuel. Pour l’Erythrée, cette<br />
région doit se prendre en mains et ses<br />
membres doivent pouvoir discuter de<br />
leurs problèmes. Bien évidemment,<br />
cette politique effraie les Etats-Unis<br />
qui craignent que d’autres pays suivent<br />
cet exemple. Alors, ils accusent<br />
l’Erythrée d’envoyer des armes en<br />
Somalie et de fomenter des troubles<br />
en Ethiopie.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : Selon vous, l’Erythrée<br />
n’envoie pas d’armes en Somalie ?<br />
Mohamed Hassan : Pas<br />
même une cartouche ! C’est de la<br />
pure propagande, comme celle qu’on<br />
mena contre la Syrie à propos de la<br />
résistance irakienne. La vision de<br />
l’Erythrée rejoint le projet de révolution<br />
de l’Océan Indien que nous<br />
évoquions plus haut. Les puissances<br />
occidentales n’en veulent pas et<br />
souhaitent ramener l’Erythrée dans<br />
le cercle des Etats néocoloniaux sous<br />
contrôle, tels que le Kenya, l’Ethiopie<br />
ou l‘Ouganda.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : N’y a-t-il pas de terroristes<br />
en Somalie ?<br />
Mohamed Hassan : Les puissances<br />
impériales présentent toujours<br />
comme terroristes les peuples<br />
qui luttent pour leurs droits. Les Irlandais<br />
étaient des terroristes jusqu’à<br />
ce qu’ils signent un accord. Abbas<br />
était un terroriste. Maintenant, c’est<br />
un ami.<br />
Grégoire LALIEU & Michel<br />
COLLON : On parle pourtant d’une<br />
présence d’Al Qaeda ?<br />
Mohamed Hassan : Al Qaeda<br />
est partout, de la Belgique à l’Australie<br />
! Cet Al Qaeda invisible est un logo<br />
destiné à justifier auprès de l’opinion<br />
publique des opérations militaires.<br />
Si les Etats-Unis disaient à leurs citoyens<br />
et soldats : « Nous allons<br />
envoyer nos troupes dans l’Océan<br />
Indien pour éventuellement combattre<br />
la Chine », les gens auraient peur<br />
bien entendu. Mais s’ils disent qu’il<br />
s’agit de combattre des pirates et Al<br />
Qaeda, cela ne pose pas de problèmes.<br />
En réalité, le véritable objectif<br />
est tout autre. Il consiste à installer<br />
des forces dans la région de l'Océan<br />
Indien qui sera le théâtre de conflits<br />
majeurs des années à venir.<br />
Mohamed Hassan est un spécialiste<br />
de la géopolitique et du monde<br />
arabe. Né à Addis Abeba (Ethiopie),<br />
il a participé aux mouvements d’étudiants<br />
dans la cadre de la révolution<br />
socialiste de 1974 dans son pays.<br />
Il a étudié les sciences politiques en<br />
Egypte avant de se spécialiser dans<br />
l’administration publique à Bruxelles.<br />
Diplomate pour son pays d’origine<br />
dans les années 90, il a travaillé<br />
à Washington, Pékin et Bruxelles.<br />
Co-auteur de L’Irak sous l’occupation<br />
(EPO, 2003), il a aussi participé à des<br />
ouvrages sur le nationalisme arabe et<br />
les mouvements islamiques, et sur le<br />
nationalisme flamand. C’est un des<br />
meilleurs connaisseurs contemporains<br />
du monde arabe et musulman.<br />
Les auteurs Grégoire Lalieu et<br />
Michel Collon sont journalistes au<br />
site Investig'Action, un partenaire de<br />
Tlaxcala, le réseau international de<br />
traducteurs pour la diversité linguistique.<br />
Source : Investig'Action article<br />
original publié le 8 Décembre 2009<br />
Tlaxcala 3 Février 2010<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 17
Le séisme<br />
Suite de la page (7)<br />
de canne à sucre étasuniennes<br />
à Cuba et en République dominicaine.<br />
Car, a décrété l’occupant: «La<br />
main-d'œuvre nègre est plus rentable<br />
et moins coûteuse.» Les terres<br />
volées aux paysans ont été remises<br />
à des compagnies nord-américaines<br />
qui n’ont pas tardé à les transformer<br />
en désert, à l’image de Savann Dezole<br />
(Gonaïves), là où ont péri la<br />
majorité des victimes de la tempête<br />
tropicale Jeanne, en 2004.<br />
Si la France et les Etats-Unis<br />
sont en tête sur la liste des pilleurs de<br />
ressources haïtiennes, il y a lieu de<br />
remarquer qu’ils sont assez bien accompagnés<br />
dans le haut du tableau.<br />
Des pays comme l’Angleterre ou<br />
l’Allemagne ne se sont jamais gênés,<br />
durant tout le XIXe siècle, d’assaillir<br />
les caisses de la République d’Haïti<br />
avec leurs bateaux de guerre, exactement<br />
comme un voleur de rue<br />
colle son revolver sur la tempe de<br />
sa victime. L’affaire Luders – ce ressortissant<br />
allemand, ayant enfreint<br />
nos lois en 1897, avait été arrêté<br />
et condamné; prétexte pour le gouvernement<br />
allemand d’envoyer deux<br />
navires de guerre dans la rade de<br />
Port-au-Prince et d’exiger une rançon<br />
de 20'000 dollars – est connue<br />
de tout écolier haïtien.<br />
Mais le coup de grâce devait<br />
venir du grand voisin du nord. Vers<br />
la fin de la décennie 1970, ayant<br />
éprouvé un besoin d’agrandir leur<br />
marché, les Etats-Unis avaient identifié<br />
dans le marché haïtien une de<br />
leurs arrière-cours idéales. Jouissant<br />
de la complicité sans faille de la<br />
grandonarcho-bourgeoisie haïtienne<br />
et de ses dirigeants étatiques, ils<br />
avaient systématiquement procédé à<br />
l’abattage de tous les porcs haïtiens.<br />
Le prétexte avait été que les porcs<br />
haïtiens avaient été malades de peste<br />
africaine. Pour comprendre la haute<br />
portée criminelle de cet acte, il suffit<br />
de rappeler que le porc en Haïti était<br />
surnommé à l’époque «kanè bank<br />
peyizan / compte d’épargne du paysan».<br />
Car, à côté de l’agriculture de<br />
subsistance, l’élevage de porc s’était<br />
révélé la principale source de survie<br />
en milieu rural haïtien. De nombreux<br />
petits paysans vont se retrouver<br />
drastiquement appauvris. C’est alors<br />
que, une fois le cheptel porcin abattu,<br />
l’Etat haïtien a signé avec l’Etat<br />
dominicain un accord en vertu duquel<br />
celui-là s’engage à fournir à celui-ci<br />
«l’excédent de bras» ainsi créé pour<br />
être employés comme coupeurs de<br />
canne à sucre dans les bateys, les<br />
plantations de canne de la région<br />
frontalière haïtiano-dominicaine.<br />
Faire payer la lutte pour<br />
l’abolition de l’esclavage<br />
Des écrivains très sympathiques<br />
envers Haïti, à l’image du<br />
théologien de la libération Frei Betto,<br />
constatent que «pour l’Occident<br />
‘civilisé et chrétien’, Haïti a toujours<br />
été un nègre inerte dans une vitrine,<br />
abandonné à sa propre misère»<br />
Aussi compatissante que soit<br />
cette affirmation, elle ne signale qu’un<br />
aspect du problème. Haïti n’a jamais<br />
été abandonnée. Elle a été pillée systématiquement<br />
par l’Occident «civilisé<br />
et chrétien» moderne / colonial.<br />
Son pillage ne relève pas du hasard:<br />
depuis Hegel et la publication de La<br />
raison dans l’histoire, l’Occident<br />
se retrouve dans l’obligation de se<br />
prouver à lui-même que les nègres<br />
ne sont pas humains; ne font pas<br />
partie de la civilisation; qu’ils sont au<br />
seuil de l’histoire, mais ne peuvent<br />
pas y accéder sans l’intervention du<br />
colonisateur esclavagiste européen;<br />
que de ce fait, l’abolition brutale de<br />
l’esclavage est une erreur grave. Il est<br />
vrai que «l’esclavage est une injustice<br />
en soi et pour soi, car l’essence<br />
humaine c’est la liberté. Mais, pour<br />
arriver à la liberté, l’homme doit<br />
d’abord acquérir la maturité nécessaire.<br />
De ce fait, l’élimination graduelle<br />
de l’esclavage est plus opportune<br />
et plus juste que son abolition<br />
brutale.» (Hegel, 2006, p. 260)<br />
En clair, pour Hegel comme<br />
pour l’Occident moderne, le peuple<br />
haïtien a commis une erreur gravissime<br />
en abolissant brutalement<br />
l’esclavage au lieu d’attendre son<br />
élimination graduelle. C’est cette<br />
erreur que paie le peuple haïtien,<br />
l’erreur de se mettre debout seul et<br />
d’abolir brutalement l’esclavage. Car,<br />
affirme le penseur de la modernité,<br />
«l’esclavage contribue à susciter un<br />
plus grand sentiment d’humanité<br />
chez les nègres. [...] c’est un moment<br />
de progrès [...], un moment<br />
d’éducation, une espèce de participation<br />
à une vie éthique et culturelle<br />
supérieure» (Ibid., pp. 259-260).<br />
Mais les nègres haïtiens emmenés<br />
par Boukman, Jean-Jacques<br />
Dessalines et consorts ont carrément<br />
refusé ce moment de passage à un<br />
degré supérieur. Leurs descendants<br />
doivent en payer les conséquences.<br />
Depuis qu’Hegel a écrit: «Le nègre<br />
représente l’homme naturel dans<br />
toute sa barbarie et manque de<br />
discipline. [...] On ne peut rien<br />
trouver dans son caractère qui correspond<br />
à l’humain» (Ibid,. p. 250-<br />
251), l’Occident s’est retrouvé dans<br />
l’obligation de fabriquer de toutes<br />
pièces la thèse que le nègre est incapable<br />
de s’auto-gouverner. D’où<br />
le discours médiatique qui a sorti de<br />
l’imaginaire occidental une guerre<br />
introuvable pour, en 2004, justifier<br />
la troisième occupation militaire<br />
d’Haïti, cette fois-ci par les troupes<br />
latino-américaines.<br />
La lectrice ou le lecteur aura<br />
remarqué que j’avais, un instant,<br />
délaissé la description des actes de<br />
pillage impérialistes sur l’économie<br />
haïtienne. J’avais estimé qu’il ne<br />
devait pas être difficile de déduire en<br />
quoi ces pillages ont activement participé<br />
à la construction du séisme du<br />
12 janvier et de ses effets tragiques.<br />
Une autre remarque s’impose, malgré<br />
tout. Port-au-Prince, la capitale<br />
d’Haïti, est une ville construite initialement<br />
pour abriter 250 000 habitants.<br />
Selon le Recensement général<br />
de la population et de l’habitat réalisé<br />
en 2003, la population de la région<br />
métropolitaine de Port-au-Prince<br />
avoisinait les 3 millions. Point n’est<br />
besoin d’être urbaniste, architecte<br />
ou ingénieur pour imaginer dans<br />
quelles conditions vivotent ces êtres<br />
humains chassés du milieu rural et<br />
poussés expressément vers les villes.<br />
On comprend aisément pourquoi<br />
tout phénomène «naturel» qui frappe<br />
Haïti engendre ipso facto une hécatombe.<br />
Les ONG: nouvelles administratrices<br />
coloniales en Haïti<br />
L’industrie de la déshumanisation<br />
de la vie du peuple noir haïtien<br />
ne compte pas qu’avec les pillages<br />
économiques et les occupations militaires.<br />
Comme l’avait fait remarquer<br />
Talleyrand, on ne construit pas une<br />
domination qu’avec des baïonnettes.<br />
Il faut générer l’idée que certains peuples<br />
ne font pas partie de l’histoire,<br />
qu’ils ne sont pas des êtres humains.<br />
C’est-à-dire que la logique de la colonialité<br />
ne se contente pas (ne saurait<br />
se contenter) de s’approprier de<br />
la terre, d’exploiter la main-d'œuvre<br />
et d’établir son contrôle politique...<br />
Il lui est nécessaire de contrôler tout<br />
l’être social jusqu’à la sexualité des<br />
gens. Plus important encore, elle doit<br />
contrôler la propre subjectivité des<br />
gens à travers leurs connaissances<br />
et croyances. Ce qu’on a constaté en<br />
Haïti, c’est que tout le poids de l’église<br />
catholique n’a pas réussi à empêcher<br />
le déclenchement de la révolution<br />
de 1791 (initiée avec Boukman)<br />
qui a triomphé le 1er janvier 1804<br />
(avec Jean-Jacques Dessalines). Les<br />
pillages et autres assauts des puissances<br />
impérialistes occidentales durant<br />
tout le XIXe siècle ont, à peu de<br />
chose près, laissé intacte la capacité<br />
de résistance des classes populaires<br />
haïtiennes, particulièrement de la<br />
paysannerie qui s’est souvent dressée<br />
pour réclamer le droit à la terre.<br />
L’occupation par la plus grande<br />
puissance impérialiste au début du<br />
XXe siècle a dû faire face à la résistance<br />
populaire dont les noms<br />
de Charlemagne Péralte et Benoit<br />
Batraville en sont le symbole. C’est<br />
ainsi qu’à côté des Eglises dites<br />
évangéliques qui pullulent au gré de<br />
l’accélération de la misère des masses,<br />
à partir de la seconde moitié du<br />
XXe siècle, la mission d’administrer<br />
la néocolonialité en Haïti a été confiée<br />
aux fameuses organisations mal<br />
appelées non gouvernementales, qui<br />
ne sont rien d’autre que les nouveaux<br />
gouvernements coloniaux<br />
du nouveau millénaire. Leur travail<br />
consiste à empêcher la matrice coloniale<br />
qui structure les relations<br />
capitalistes d’apparaître à la surface.<br />
Ou quand elle apparaît, de faire croire<br />
qu’on peut la corriger à l’aide du<br />
développement, de la démocratie ou<br />
d’une économie plus forte.<br />
Depuis quelques décennies,<br />
1948 pour être précis, Haïti expérimente<br />
des programmes de développement.<br />
Dans la région de Cochon-Gras<br />
(Marbial, sud-est), une<br />
région paysanne, évidemment. Car<br />
Haïti étant un pays majoritairement<br />
rural et essentiellement agricole, les<br />
paysans ont été identifiés comme le<br />
premier secteur à contrôler. Le rôle<br />
du développement communautaire<br />
introduit en milieu rural a consisté<br />
à se confondre avec la diffusion de<br />
nouvelles techniques agricoles appelées<br />
à persuader les paysans que<br />
le faible rendement des terres relevait<br />
de leur ignorance des techniques culturales<br />
et non pas de la confiscation<br />
des terres fertiles par les grandonsbourgeois.<br />
Haïti allait connaître la vraie invasion<br />
des ONG à partir de la décennie<br />
1970 pour deux raisons. D’abord, avec<br />
la restructuration productive du capital<br />
et l’imposition de l’économie dite de<br />
marché, au niveau international; puis,<br />
au niveau local, avec l’extermination<br />
des militants communistes haïtiens<br />
dont un agent de la CIA, Frank Eyssalem,<br />
avait réussi à infiltrer le mouvement.<br />
Depuis lors, ladite APD (aide<br />
publique au développement) a été privatisée<br />
pour être confiée aux fameuses<br />
ONG. D’où toute la justesse des reproches<br />
adressés par le premier ministre<br />
Bellerive aux bailleurs de fonds:<br />
«Ce sont eux qui permettent aux organisations<br />
non gouvernementales de<br />
faire ce qu'elles veulent. Et ce sont eux<br />
qui n'exigent pas de ces ONG qu'elles<br />
rendent des comptes au gouvernement.»<br />
La première loi réglementant le<br />
fonctionnement et l’implantation des<br />
ONG remonte à 1982. Ces «Organisations<br />
non gouvernementales d’aide<br />
au développement», pour reprendre<br />
le nom qui leur a été donné, avaient<br />
pour obligation, de concert avec les<br />
Conseils d’action communautaire<br />
jean-claudistes (Conajec – Jean-<br />
Claude Duvalier), de «proposer des<br />
programmes et projets susceptibles<br />
d’améliorer les conditions de vie des<br />
communautés rurales ou urbaines».<br />
En 1987, une année après la fin officielle<br />
du gouvernement dictatorial,<br />
l’Unité de coordination des activités<br />
d’ONG (UCAONG) avait déjà recensé<br />
plus de 950 ONG exerçant légalement<br />
sur le territoire haïtien. Avant<br />
le séisme, elles étaient déjà plus de<br />
4000, notamment dans les régions<br />
réputées les plus démunies.<br />
Du 13 janvier à aujourd’hui,<br />
leur nombre aurait déjà doublé, selon<br />
des observateurs sur place. C’est avec<br />
beaucoup de fanfare que les grands<br />
médias annoncent à chaque fois les<br />
promesses d’aide à Haïti. Les points<br />
de presse de l’ambassade étatsunienne<br />
en Haïti – trois par semaine –<br />
sont des messes auxquelles assistent<br />
religieusement les journalistes haïtiens<br />
qui les rapportent plus fidèlement<br />
que des attachés de presse.<br />
Mais la vérité est que pas un centime<br />
de ces sommes ne va au gouvernement<br />
haïtien. Chaque pays distribue<br />
son aide à ses ONG actives sur le<br />
territoire haïtien. Mais, jamais on<br />
n’entend une phrase sur les efforts titanesques<br />
des 400 médecins cubains<br />
qui prodiguent leurs soins aux blessés<br />
en ce moment difficile. En 2004,<br />
ils avaient été pendant longtemps<br />
les seuls à s’occuper des blessés de<br />
la tempête, aux Gonaïves. Jamais<br />
on n’entend un mot sur l'Afrique du<br />
Sud qui a envoyé tout un contingent<br />
sanitaire, sur la République démocratique<br />
du Congo, qui a fait un don de<br />
2,5 millions de dollars, sur le Congo<br />
Brazzaville: 1 million de dollars, sur<br />
le Gabon: 1 million de dollars; sur le<br />
Sénégal: 1 million de dollars; sur le<br />
Maroc qui a envoyé deux avions de<br />
médicaments, et d’autres pays africains<br />
dont l’aide arrive directement au<br />
gouvernement haïtien.<br />
Les grands médias font un<br />
concert de l’aide d’urgence aux Haïtiens.<br />
Et montrent des affamés qui<br />
se battent pour un sachet d’eau.<br />
Mais pas un seul mot sur la (re)<br />
construction d’hôpitaux, d’écoles ou<br />
d’universités publiques. Beaucoup<br />
de discours sur les tentes pour abris<br />
provisoires, mais pas un mot sur la<br />
construction de logements sociaux<br />
durables. Beaucoup de promesses<br />
de grosses sommes dont l’essentiel<br />
sera à charge de la population du<br />
pays, car elles sont comptabilisées<br />
comme des prêts (à rembourser) afin<br />
de nous maintenir encore et encore<br />
dans la dépendance. Pas un mot en<br />
faveur de l’annulation de toute dette.<br />
Beaucoup de soldats pour renforcer<br />
la violence et l’occupation, mais<br />
combien de médecins, d’infirmières,<br />
d’ingénieurs… qui restent ?<br />
En 2009, la classe ouvrière haïtienne<br />
a expérimenté d’une manière<br />
toute particulière la signification de<br />
la présence des troupes militaires<br />
latino-américaines. Après six ans de<br />
négation de ses obligations légales,<br />
le Parlement avait finalement réajusté<br />
le salaire minimum, le faisant<br />
passer de 70 à 200 gourdes (1 euro<br />
= + /- 60 gourdes). Les étudiants de<br />
l’Université d’Etat d’Haïti ont bataillé<br />
durant quatre mois (de juin à septembre)<br />
pour forcer la promulgation<br />
de la loi par le chef de l’Etat. Pas une<br />
seule manifestation que la Minustah<br />
(Mission des Nations unies pour la<br />
stabilisation en Haïti, commandée<br />
par l’armée brésilienne) n’a réprimée<br />
dans le sang. Même l’Hôpital de<br />
l’Université d’Etat d’Haïti – l’hôpital<br />
des plus appauvris – a été aspergé<br />
de gaz lacrymogène. En diverses<br />
occasions, la Minustah avait tenté<br />
d’envahir l’Université, à la recherche<br />
de militants, spécialement du professeur<br />
Jn Anil Louis-Juste dont le nom<br />
a été cité comme le principal responsable<br />
des revendications. Finalement,<br />
au moment où l’on s’y attendait le<br />
moins, le professeur a été assassiné,<br />
soit le 12 janvier, environ deux heures<br />
avant le séisme.<br />
Les plus de 200 000 morts du<br />
séisme du 12 janvier sont avant tout<br />
des victimes de l’injustice agraire<br />
commise et non réparée depuis 200<br />
ans. En 1987, l’élan populaire avait<br />
porté les constituants à créer dans<br />
la Constitution un Institut national<br />
de la réforme agraire (Inara). Mais<br />
c’est justement pour mieux laisser<br />
intacte cette brûlante question. Car<br />
toute réforme agraire passera par la<br />
saisie des terres injustement volées<br />
et considérées aujourd’hui «propriété<br />
privée» et par leur redistribution à<br />
leurs vrais propriétaires – les paysans.<br />
Sans nécessairement confondre<br />
distribution de terre et reforme<br />
agraire. Cela inclura les terres fertiles<br />
de Ouanaminthe transformées<br />
en zones franches, les terres fertiles<br />
volées par les entreprises brésiliennes<br />
et plantées actuellement en<br />
jatropha**, etc. On comprend tout<br />
de suite que, aussi longtemps que<br />
l’ordre socio-métabolique du capital<br />
continue de régner en Haïti, il<br />
n’y aura pas moyen d’éviter des<br />
calamités du type du 12 janvier ou<br />
de septembre 2004. Voilà pourquoi<br />
il faut tout de suite commencer par<br />
se battre pour nos vieilles revendications<br />
bien reprises par la Fédération<br />
syndicale unitaire (FSU): • Annulation<br />
immédiate et totale de la dette<br />
(multilatérale et bilatérale) d’Haïti,<br />
et ce, sans aucune condition. • Paiement<br />
des réparations ! Restitution<br />
immédiate par le gouvernement<br />
français des 900 millions d’euros de<br />
la fortune Duvalier; argent extorqué<br />
par le dictateur au peuple haïtien<br />
[de même que l’argent de Duvalier<br />
détenu par les banques suisses]. •<br />
Remboursement des 150 millions<br />
de francs-or (21 milliards d’euros)<br />
payés après leur indépendance par<br />
les Haïtiens pour «dédommager»<br />
les esclavagistes.<br />
• Que l’argent versé et autres<br />
ressources soient sous contrôle des<br />
travailleurs haïtiens et de leurs organisations.<br />
• Arrêt immédiat de<br />
l’occupation militaire: départ de<br />
toutes les troupes (américaines et<br />
de la Minustah).<br />
Bibliographie<br />
CHAUI, Marilena. A história no<br />
pensamento de Marx, in Atilio A. Boron<br />
et. alii (orgs), A teoria marxista<br />
hoje. Problemas e perspectivas, São<br />
Paulo, CLACSO / Expressão Popular,<br />
2007.<br />
HEGEL, Georg W. F., La raison<br />
dans l’histoire, Paris: 10 / 18, 2006.<br />
JOACHIM, Benoit, Les racines<br />
du sous-développement en Haïti,<br />
Port-au-Prince: Prix Deschamps,<br />
1979.<br />
LOUIS-JUSTE, Jean Anil, Internacional<br />
Comunitária: ONG chamadas<br />
alternativas e Projeto de livre<br />
individualidade Crítica à parceria<br />
enquanto forma de solidariedade de<br />
espetáculo no Desenvolvimento de<br />
comunidade no <strong>Haiti</strong>, 2007. 353 p.<br />
Thèse (Doctorat en service social),<br />
Université Fédérale de Pernambuco,<br />
2007.<br />
MINGOLO, Walter D., La Idea<br />
de América Latina, La herida colonial<br />
y la opcíon decolonial. Barcelona:<br />
gedisa, 2007.<br />
SEGUY, Franck, Globalização<br />
Neoliberal E Lutas Populares No <strong>Haiti</strong>:<br />
Crítica À Modernidade, Sociedade<br />
Civil E Movimentos Sociais No Estado<br />
De Crise Social <strong>Haiti</strong>ano, 2009.<br />
219 p. Dissertation (master en service<br />
social), Université Fédérale de<br />
Pernambuco, 2009.<br />
A l’encontre 12 Février 2010<br />
Ndlr. * Franck Seguy. Sociologue<br />
et membre de Asosyasyon<br />
Inivèsitè ak Inivèsitèz Desalinyèn-<br />
(ASID). ** Le jatropha (Jatropha<br />
curcas) est une espèce d'arbuste de<br />
la famille des Euphorbiaceae originaire<br />
du Brésil. En Afrique, il est appelé<br />
pourghère, ou tabanani en sénégalais,<br />
ou bagani (« poison ») en<br />
bambara à cause de sa toxicité. En<br />
Haïti, il est appelé Gwo Medsiyen. Sa<br />
graine contient 27 à 40 % d’une huile<br />
appelée huile de jatropha. Récemment,<br />
son usage pour produire des<br />
agrocarburants s'est développé,<br />
notamment en Inde.<br />
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18<br />
Haïti Liberté<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010
Le Palais National de Georges<br />
Baussan<br />
Suite de la page (20)<br />
de la campagne avoisinante<br />
s’installent, faute de structure<br />
d’accueil, sur les terrains impraticables<br />
en bordure Nord et Sud de la<br />
ville, entremêlant pour l’édification<br />
de leurs abris, matériaux récupérés<br />
et matériaux traditionnels.<br />
Pour la première fois depuis<br />
sa création, Port-au-Prince sort de<br />
ses limites initiales de 1750. Les<br />
classes aisées se séparent de leur<br />
commerce et construisent leurs<br />
résidences le long des chemins<br />
menant à la campagne (le chemin<br />
de Lalue qui deviendra plus tard<br />
l’avenue John Brown, le chemin<br />
du Bois-Verna qui deviendra<br />
l’avenue Lamartinière, le chemin<br />
des Dalles, l’avenue Christophe,<br />
etc.). Le quartier du Morne-à-Tuf<br />
se développe timidement au Sud.<br />
Le[s] premier[s] [travaux] de construction<br />
de chaussées et trottoirs,<br />
d’aménagement de réseaux<br />
d’évacuation des eaux pluviales, de<br />
captage et de canalisation moderne<br />
d’eau potable sont exécutés. Les anciens<br />
ponts en bois sont remplacés<br />
par de nouveaux en maçonnerie ou<br />
en fer. A la fin du XIXe siècle, la ville<br />
compte près de 70,000 habitants, 8<br />
000 maisons..., soit le triple de la<br />
ville coloniale.<br />
Au tournant du siècle, de<br />
grands édifices voient le jour, oeuvres<br />
d’architectes haïtiens ayant<br />
étudié en Europe,<br />
particulièrement en France, et<br />
qui sont revenus au pays avec une<br />
forte influence de l’Ecole des Beaux-<br />
Arts de Paris. Georges Baussan, le<br />
plus célèbre d’entre eux, dessinera<br />
des immeubles marquants du paysage<br />
urbain de Port-au-Prince tels le<br />
Palais National, les Casernes Jean-<br />
Jacques Dessalines, le Lycée Alexandre<br />
Pétion et, plus tard, l’Hôtel<br />
de Ville. Le majestueux Palais de<br />
Justice quant à lui est l’oeuvre de<br />
l’architecte Léonce Maignan. De<br />
cette même époque date la construction<br />
de la Cathédrale de Port-au-<br />
Prince et du Palais des Finances.<br />
Si pour l’architecture domestique,<br />
et religieuse l’influence<br />
du néogothique prédomine, pour<br />
l’architecture officielle, le style néoclassique<br />
est retenu, pour la monumentalité<br />
quelle assure.<br />
En fait, le choix du style néoclassique<br />
transplanté en Amérique<br />
répond à des motifs d’ordre politique.<br />
Choix esthétique réalisé depuis<br />
le début du XIXe siècle par les pays<br />
d’Amérique nouvellement indépendants,<br />
les formes classiques prennent<br />
une signification idéologique<br />
et deviennent symbole des vertus<br />
républicaines. Elles acquièrent, en<br />
outre, une valeur représentative<br />
d’autant plus importante que l’Etat<br />
doit manifester sa présence sur la<br />
scène internationale, en dépit des<br />
difficultés de toutes sortes.<br />
Baussan est imprégné de<br />
“l’Esprit de l’Occident” et connaît<br />
bien l’Europe pour y avoir séjourné<br />
de longues années et surtout pour<br />
avoir étudié à Paris. Considérant<br />
son oeuvre relative aux constructions<br />
officielles (le Palais National,<br />
l’Hôtel de Ville de Port-au-Prince,<br />
...), on peut constater que son adhésion<br />
aux modèles esthétiques néoclassiques<br />
est sans réserve. Cette<br />
observation n’a pas échappé à ses<br />
contemporains. Un journaliste du<br />
Matin, quotidien de la capitale commentant<br />
les plans du Palais National<br />
écrit qu’il y a même lieu de croire<br />
qu’il a été dressé par un étranger,<br />
maître de son métier mais ignorant<br />
de nos besoins. C’est un palais sans<br />
doute, mais un palais dans une ville<br />
étrangère froide... Ce qui a sans<br />
L’architecte haïtien Georges<br />
Baussan (1874-1958)<br />
doute échappé au rédacteur de ce<br />
commentaire, c’est que Baussan,<br />
sans remettre en question cette codification<br />
architecturale, a cependant<br />
émis d’importantes considérations<br />
sur le traitement d’adaptation de<br />
certains éléments architecturaux au<br />
climat des tropiques. Les patios, vérandas<br />
ouvertes, baies utilisés font<br />
du Palais National un immeuble<br />
parfaitement intégré à son environnement.<br />
Cette démarche de l’architecte<br />
a bien été comprise par Paul-Emile<br />
Simon, qui, dans une description<br />
non teintée de lyrisme, rétablit les<br />
dimensions de l’oeuvre :<br />
«Cependant, comme toute<br />
oeuvre architecturale, elle est chose<br />
publique et elle est donnée à voir.<br />
Il est vrai que le néo-classicisme de<br />
l’ouvrage se lit d’abord sur la façade,<br />
la principale, et Baussan l’a<br />
voulu ainsi. Mais il est vrai aussi<br />
que la part créole que ce talentueux<br />
architecte haïtien a su ajouter se lit<br />
mieux en appréhendant le totalité<br />
des volumes, en découvrant des<br />
transitions harmonieuses, des justifications<br />
d’échelles différentes, qui<br />
sont même parfois sujets à des caractères<br />
humoristiques, comme des<br />
pieds-de-nez au sacro-saint classicisme<br />
européen. Il faut sûrement<br />
tourner autour de ce bel ouvrage<br />
car il “invite à la promenade” pour<br />
sentir le rythme, mesuré et modéré,<br />
majestueux comme l’hymne national,<br />
de la façade principale nord,<br />
poursuivre la promenade à l’est<br />
comme à l’ouest et découvrir les<br />
apports d’une créolité certaine, que<br />
l’on partage en fredonnant Choucoune...”<br />
En fait, la réussite du Palais<br />
National tient à une combinaison<br />
de facteurs maintenant un équilibre<br />
entre la spontanéité de son assentiment<br />
à l’architecture néoclassique,<br />
une générosité dans la distribution<br />
et le positionnement des espaces, un<br />
constant souci de la commodité, une<br />
quête permanente de la lumière, une<br />
rare précision dans le dessin, d’une<br />
part, et une réelle adaptation aux<br />
conditions climatiques, d’autre part.<br />
Les palais précédents, érigés<br />
plus ou moins sur le même site,<br />
étaient articulés au tracé de la ville<br />
par l’axe de la rue du Champ-de-<br />
Mars et la place de l’Indépendance<br />
et présentaient leur façade principale<br />
plein ouest bordant l’ancienne<br />
“Ville du Roi” du Port-au-Prince<br />
colonial. L’extension de la ville<br />
vers l’Est, amorcée aux environs<br />
de 1890, rendait obsolète cette orientation<br />
primitive. Obéissant à la<br />
lettre aux exigences des commanditaires<br />
du projet, Baussan fixe son<br />
palais dans une complète autonomie<br />
par rapport à la trame urbaine<br />
existante. Aucun axe de composition<br />
ne relie l’édifice à la ville et le<br />
nouveau palais sera orienté plein<br />
nord, comme convenu.<br />
Pour le Palais National, Baussan<br />
a choisi un plan d’ensemble “aéré”<br />
situé en plein milieu du terrain de 40<br />
000 mètres carrés. L’édifice présente<br />
un avant-corps central symétrique<br />
précédé en son axe d’un péristyle<br />
d’ordre monumental soulignant le<br />
jeu théâtral des colonnes ioniques à<br />
fût lisse qui le composent. Ces colonnes<br />
supportent un fronton dont<br />
le tympan est richement orné d’un<br />
bas-relief représentant les Armes<br />
de la République. Succèdent à ces<br />
quatre colonnes monumentales,<br />
quatre autres colonnes, également<br />
d’ordre ionique, s’élevant seulement<br />
sur la hauteur du niveau inférieur.<br />
L’élégance de cette transition entre<br />
péristyle et le vestibule, même<br />
austère, est sans conteste une réussite<br />
d’articulation entre deux échelles<br />
distinctes.<br />
Un vaste escalier à degrés<br />
rectangulaires précède ce péristyle,<br />
l’ensemble du Palais étant posé sur<br />
un important soubassement formant<br />
un sous-sol aménageable.<br />
Cet escalier reliant la cour avant au<br />
bâtiment achève de contribuer à la<br />
mise en scène de la monumentalité<br />
de l’édifice.<br />
Au péristyle d’accès succède<br />
une arcade de trois baies libres à<br />
couvrement en arc à plein cintre,<br />
contrôlées par de légères grilles en<br />
fer forgé, et donne accès au grand<br />
hall d’entrée où se trouvent de part<br />
et d’autre les majestueux escaliers<br />
tournants à doubles volées supérieures<br />
conduisant au vestibule de<br />
l’étage.<br />
Pour le couvrement de ce<br />
corps principal, Baussan utilisa pour<br />
la partie centrale une coupole à plan<br />
carré, percée d’un oculus ovale et<br />
surmontée d’un campanile, et pour<br />
les extrémités est et ouest, deux<br />
coupoles secondaires également à<br />
plan carré. Ce corps principal se termine<br />
en ses extrémités par des vérandas<br />
en demi-cercles surmontées<br />
de terrasses.<br />
À ce corps principal, viennent<br />
se greffer perpendiculairement<br />
en direction sud, trois corps secondaires.<br />
Le plus important, placé<br />
dans l’axe de symétrie du bâtiment,<br />
abrite les salles de réceptions officielles,<br />
généreusement ventilées et<br />
éclairées par de grandes baies sur<br />
les façades est et ouest. Au plan<br />
inférieur, la Salle des Bustes, salle<br />
de réceptions officielles ornée de<br />
bustes de différents présidents de la<br />
République et, à l’étage, les salons<br />
d’apparat : le Salon Rouge et le Salon<br />
Jaune. L’aile orientale héberge<br />
les appartements et bureaux privés<br />
du Président de la République donnant<br />
sur les magnifiques jardins est,<br />
ornés de pergolas et réservés aux<br />
réceptions en plein air. L’aile ouest,<br />
à fonction administrative, abrite le<br />
Conseil des Ministres et les services<br />
d’intendance et d’administration du<br />
Palais National. Ce plan en E lui permit,<br />
en outre, de structurer l’édifice<br />
autour de la forte hiérarchisation<br />
des fonctions internes et également<br />
d’équilibrer un programme fort complexe<br />
et peu précis.<br />
L’adaptation au climat a été<br />
une préoccupation dominante dans<br />
la conception aidant l’aération des<br />
corps secondaires de l’édifice, tous<br />
placés en enfilade et présentant de<br />
front de larges surfaces à la ventilation<br />
naturelle de la baie de Port-au-<br />
Prince. Les trois corps de bâtiments<br />
secondaires sont en outre protégés<br />
par de spacieuses coursives ouvertes<br />
et donnant sur les cours intérieures,<br />
protégeant ainsi les salles des ardeurs<br />
du soleil tout en assurant une<br />
circulation simple et directe.<br />
Enfin, l’importante développée<br />
de façade facilite, au travers<br />
d’abondantes ouvertures et des<br />
vides créés par les cours intérieures,<br />
une lecture facile des composantes<br />
de l’édifice, pourtant rigoureusement<br />
symétrique.<br />
Appliquant scrupuleusement la<br />
“grammaire” de l’architecture classique,<br />
le vocabulaire utilisé pour les<br />
baies est d’une étonnante sobriété,<br />
particulièrement des portes-fenêtres<br />
à linteau plat et munies de vantaux<br />
à carreaux ouvrant à l’étage sur un<br />
balcon ou directement sur un gardecorps.<br />
Au premier niveau, ces ouvertures<br />
subissent une modification<br />
d’importance : des portes-fenêtres à<br />
arc surbaissé surmonté d'un châssis<br />
de tympan vitré. Ces baies courantes<br />
sont uniformément réparties sur<br />
toute la longueur des façades extérieures.<br />
Afin de mieux augmenter<br />
leur luminosité, les salles pourvues<br />
de vérandas donnant sur les<br />
cours-jardins sont ornées de portesfenêtres<br />
à deux volets, carrelées de<br />
vitres et surmontées d'un châssis de<br />
tympan en éventail également vitré<br />
et logé dans un arc à plein cintre.<br />
Le Palais National est, sans<br />
conteste, l'expression la plus<br />
achevée d'une grande période de<br />
l'Architecture en Haïti et est probablement<br />
un des plus bel exemple<br />
d'architecture néo-classique transplantée<br />
en Amérique. Réalisé en<br />
béton armé, cet édifice constitue,<br />
de plus, une avancée remarquable<br />
dans la technologie de la construction<br />
en Haïti.<br />
Au delà de ses fonctions de<br />
siège de la présidence de la République<br />
et de lieu où se sont déroulés<br />
d'importants événements historiques<br />
durant ces quatre-vingt huit<br />
dernières années, le Palais National<br />
à cause de ses qualités architecturales<br />
et techniques exceptionnelles<br />
remplit toutes les conditions<br />
qui en font un monument historique<br />
portant un important témoignage<br />
sur l'évolution artistique et scientifique<br />
de la société haïtienne.<br />
A ces titres, il devrait être inscrit<br />
sur la liste du Patrimoine National.<br />
BULLETIN <strong>DE</strong> L’ISPAN • No 6 • 1er<br />
novembre 2009<br />
En appendice du texte se lit<br />
ce qui suit : L’article “Le Palais<br />
National de Georges Baussan”<br />
publié dans ce présent numéro a<br />
été repris du livre “Le Palais National<br />
d’Haïti” publié par les Editions<br />
Henry Deschamps en 2003. Il<br />
a été revu, actualisé, augmenté et<br />
adapté aux objectifs du BULLETIN<br />
<strong>DE</strong> L’ISPAN.<br />
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Samedi 6 mars 2010 * A partir de 5h PM<br />
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panoplie d’artistes et de poètes tels que Jocelyne Dorismé, Jeanie<br />
Bogart, Jean Elie Barjon, Denizé Lauture, Papados et tant d’autres.<br />
En deuxième partie, l’urbaniste Etienne Télémaque présentera une<br />
grande conférence sous le thème: Port-au-Prince, quelle reconstruction<br />
pour la Capitale nationale?<br />
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the Performing Arts on the<br />
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Among the many musicians,<br />
singers, poets and writers<br />
who will be performing<br />
are many <strong>Haiti</strong>an artists such<br />
as the jazz collective “Blues<br />
in Red Band” led by <strong>Haiti</strong>an<br />
saxophonist Buyu Ambroise,<br />
jazz musician Eddy Bourjolly<br />
with vocalist Miriam Augustin,<br />
vocalist Moumouse, master<br />
drummer Serge Decius,<br />
guitarist Marc Mathelier,<br />
writers Hugues St. Fort,<br />
Robert Josephat Large and<br />
Yolaine St. Fort, and <strong>Haiti</strong>an<br />
musical groups Tabou Combo<br />
(konpa), Kongo Band (rasin),<br />
and Voix et Tambours<br />
d’Haïti (chorale).<br />
There will also be international<br />
artists such as noted<br />
poet Jayne Cortez and her<br />
band the Firsespitters, Nuyorican<br />
poets Sandra Maria<br />
Estevez and Willie Perdomo,<br />
Trinidadian poet Cheryl Boyce<br />
Taylor, and world renowned<br />
pianist Randy Weston.<br />
Tickets to the show are<br />
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with valid ID. Benefit passes<br />
are $50 and include concert<br />
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funds raised will be donated to<br />
four highly-regarded organizations<br />
leading in the relief effort:<br />
the American Red Cross;<br />
Doctors Without Borders; Yéle<br />
<strong>Haiti</strong> Foundation; and <strong>Haiti</strong>an<br />
Women for <strong>Haiti</strong>an Refugees.<br />
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Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 19
Devoir de Mémoire<br />
Le Palais National de Georges Baussan<br />
Le 8 août 1912, à 3 heures<br />
et demie du matin,<br />
la ville de Port-au-Prince<br />
est réveillée par une formidable<br />
détonation : la poudrière<br />
du Palais National<br />
vient d’exploser, détruisant<br />
avec elle l’édifice en bois<br />
et maçonnerie où logeait le<br />
Président de la République<br />
et emportant les toitures des<br />
bâtiments voisins. Les dégâts<br />
sont considérables : près<br />
de deux cents morts dont le<br />
président en exercice, M. Cincinnatus<br />
Leconte. Quelque<br />
temps plus tard, sous le<br />
gouvernement de Tancrède<br />
Auguste, son successeur,<br />
est lancé un concours ouvert<br />
aux architectes et ingénieurs<br />
haïtiens et étrangers<br />
dont les règlements, publiés<br />
au Moniteur du 30 octobre<br />
1912, précisent que “la façade<br />
principale doit s’ouvrir<br />
sur le côté nord” du même<br />
terrain que le précédent palais.<br />
Puis suit un vaste, mais<br />
imprécis, programme prévoyant<br />
: “Grands vestibules,<br />
grandes salles de réceptions,<br />
cabinet du chef de l’Etat et<br />
ses services, archives, télégraphe,<br />
galeries, chambres<br />
de service, bibliothèques,<br />
... salle du conseil, cabinets<br />
de travail, appartements du<br />
chef de l’Etat, salle d’armes,<br />
cuisine, remise pour quatre<br />
voitures au moins et écuries<br />
de 20 stalles, ..., etc.”<br />
Une bonne vingtaine<br />
de projets furent déposés<br />
puis exposés au public durant<br />
quinze jours à la Chambre<br />
des Députés. Le 2 août<br />
1913, le jury fixe finalement<br />
son choix sur le projet «Petit<br />
Nid» de l’architecte haïtien<br />
Georges Baussan, 38 ans,<br />
diplômé de l’Ecole Spéciale<br />
et Générale d’Architecture de<br />
Paris. Le chantier débute en<br />
mai 1914 sous la direction de<br />
la firme Simmonds Frères et<br />
la supervision de l’architecte<br />
Léonce Maignan. Entre la<br />
Révolution Française de<br />
1789 et la seconde moitié<br />
du XIXe siècle, l'architecture<br />
et la construction connaissent<br />
des mutations importantes<br />
en Europe. Pendant<br />
cette période transitoire vers<br />
l'Architecture moderne, le<br />
procès de la construction<br />
s'adapte et se transforme.<br />
Les artisans, tailleurs de<br />
pierre, maçons, charpentiers<br />
et autres tendent à<br />
perdre leur autonomie au<br />
profit de l'industrialisation.<br />
Le langage architectural<br />
emprunte des éléments des<br />
différents styles de l'histoire<br />
Le Palais National d’Haïti<br />
de l'architecture Européenne<br />
et également des "pays<br />
lointains" (particulièrement<br />
au Moyen-Orient et en Extrême-Orient).<br />
De cet éclectisme<br />
naîtront des styles architecturaux<br />
néo-gothiques,<br />
néo-classiques, revivals,<br />
etc., qui caractériseront cette<br />
fin de siècle.<br />
A cette époque, la bourgeoisie<br />
haïtienne confirme<br />
son pouvoir économique et<br />
politique et adopte les codes<br />
esthétiques européens,<br />
notamment en littérature,<br />
en musique et surtout en<br />
architecture. Les constructeurs<br />
haïtiens vont reprendre,<br />
en l'adaptant, cette architecture<br />
éclectique venue<br />
d’Europe. De ce contexte<br />
naîtront les résidences que<br />
nous appelons vulgairement<br />
en Haïti: gingerbread. C’est<br />
également à cette époque<br />
que nombre d’éléments<br />
d’architecture ou d’édifices<br />
en fer provenant de France<br />
et de Belgique particulièrement<br />
furent introduits dans<br />
le paysage urbain haïtien.<br />
Les villes vont “se<br />
mettre à la mode” et cette<br />
époque lèguera une impressionnante<br />
collection<br />
d’édifices d’architecture<br />
brillante qui deviendra plus<br />
tard l’image stéréotypée de<br />
l'architecture traditionnelle<br />
haïtienne. En général ces<br />
constructions bourgeoises<br />
sont réalisées en pans de<br />
bois, en briques ou, plus tard,<br />
en béton armé. Elles ont un,<br />
deux ou, plus rarement, trois<br />
niveaux sous combles, sont<br />
pourvues de spacieuses galeries<br />
sur lesquelles ouvrent<br />
de larges portes garnies de<br />
persiennes. Ornées extérieurement<br />
de balustrades,<br />
de colonnettes, de croisillons,<br />
de frises en bois découpés,<br />
elles s'agrémentent<br />
souvent à l'intérieur de boiseries.<br />
Leurs plans présentent<br />
des pièces en enfilades,<br />
accolées les unes aux autres<br />
renforçant une certaine<br />
monumentalité recherchée.<br />
Les toitures sont recouvertes<br />
de tôles ondulées pour la<br />
plupart ou de tuiles de fibrociments<br />
ou d'ardoises,<br />
plus rarement. Elles sont<br />
compliquées à souhait de<br />
tourelles et de clochetons.<br />
Leur façade est rehaussée<br />
d'oeils-de-boeuf et de girouettes.<br />
"Cet abus d'ornement,<br />
très dans la note du modern<br />
style, ajoute au luxe et<br />
à l'originalité de ces constructions<br />
dont l’architecture<br />
s’accommode avec bonheur<br />
aux convenances de la vie<br />
tropicale”.<br />
A la faveur de la révolution<br />
industrielle européenne<br />
du XIXe siècle, les<br />
usines anglaises, françaises<br />
et belges produisent des éléments<br />
d’architecture modulaires,<br />
tels que balcons, frises,<br />
vérandas, escaliers, etc.,<br />
ou même des édifices entiers<br />
tels que résidences, gares<br />
de chemins de fer, marchés,<br />
halles, églises, théâtres, ou<br />
encore kiosques à musique,<br />
tribunes, phares, miradors,<br />
réservoirs, etc., tous préfabriqués,<br />
démontables, transportables<br />
et proposés à la<br />
clientèle du monde entier sur<br />
catalogue.<br />
Au cours de la seconde<br />
moitié du XIXe siècle, Portau-Prince<br />
tente timidement<br />
un début d’industrialisation.<br />
Des manufactures commencent<br />
à s’installer en périphérie<br />
de la ville ou sur le littoral,<br />
autour du port. Un essor<br />
économique s’amorce et la<br />
construction reprend. De<br />
grands projets d’architecture<br />
et d’urbanisme se dessinent.<br />
Le marché Vallière, principal<br />
centre d’approvisionnement<br />
de la capitale, reçoit une<br />
magnifique structure en fer et<br />
fonte; les halles de la douane<br />
sont construites. Cette tentative<br />
industrielle aura pour<br />
revers d’attirer la première<br />
vague de migration massive<br />
vers la ville, provoquant une<br />
sévère crise de logement, les<br />
nouveaux migrants venus<br />
Suite à la page (19)<br />
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Haïti Liberté<br />
Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010