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VISITE DE SARKOZY EN HAITI ! - Haiti Liberte

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LIBERTE<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 <strong>Haiti</strong>: 10gdes / USA: $1.00 / France 1.50 / Canada: $1.50<br />

<strong>HAITI</strong><br />

Justice<br />

Vérité<br />

Indépendance<br />

1583 Albany Ave, Brooklyn, NY 11210 Tel: 718-421-0162 Email: editor@haitiliberte.com Web: www.haitiliberte.com<br />

UN MOIS APRÈS, QUELLE<br />

SITUATION?<br />

Brian Jackson/Millenials Project<br />

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yon sware dèy<br />

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yo<br />

Page 6<br />

Voir page 4<br />

Port-au-<br />

Prince, d’un<br />

tremblement<br />

de terre à<br />

l’autre<br />

Page 8<br />

Un mois après cette épouvantable catastrophe, aucun programme n’a été conçu par le<br />

gouvernement haïtien pour aider les sans abris dans leur inhumaine condition<br />

<strong>VISITE</strong><br />

<strong>DE</strong> <strong>SARKOZY</strong><br />

<strong>EN</strong> <strong>HAITI</strong> !<br />

Comment les<br />

puissances<br />

coloniales<br />

maintiennent<br />

Somalie dans<br />

le chaos?<br />

Page 10<br />

Voir page 3<br />

Alors que Nicolas Sarkozy s’apprête à fouler le sol d’<strong>Haiti</strong>, le mercredi 17 février, une<br />

mobilisation se prépare autour de la Restitution-Réparation, de la participation française<br />

au drame socio-économique d’<strong>Haiti</strong><br />

Hommage<br />

à Daniel<br />

Bensaïd<br />

Page 16


Editorial<br />

<strong>HAITI</strong><br />

LIBERTÉ<br />

Aube d’une ère nouvelle<br />

ou théorie du chaos?<br />

1583 Albany Ave<br />

Brooklyn, NY 11210<br />

Tel: 718-421-0162<br />

Fax: 718-421-3471<br />

3, 2ème Impasse Lavaud<br />

Port-au-Prince, <strong>Haiti</strong><br />

Tél: 509-3407-0761<br />

Responsable:<br />

Yves Pierre-Louis<br />

Par Berthony Dupont<br />

aiti se trouve dans un moment de crise aiguë mais<br />

Hégalement de transition où tout se défait. Un moment<br />

qui devrait être un motif pour mettre fin au règne<br />

de l’entreprise d’assujettissement, pour un changement<br />

en profondeur et sans doute pour atteindre un nouveau<br />

stade, de nouveaux horizons. Les événements tragiques<br />

du 12 janvier, ont mis à nu les limites de dépendance et<br />

de nullité de nos dirigeants. Un tel constat affecte profondément<br />

l’honneur et la dignité de l’ensemble de la nation<br />

haïtienne et ne devrait-il pas être le moment de s’armer de<br />

courage pour repartir sur de nouvelles bases pour défendre<br />

la patrie en commencent par mettre un terme au passé.<br />

Ce problème se pose aujourd’hui avec plus d’acuité<br />

que jamais. Mais tel ne semble pas l’avis des hommes au<br />

pouvoir dans ce pays, s’il en reste encore.<br />

Ce mardi a été déclaré férié par l’Etat, pour respecter<br />

le jour gras. En vérité, si ce n’était la catastrophe sismique,<br />

tout le Champ-de-Mars serait en un clin d’œil<br />

bondé de stands carnavalesques les uns plus beaux que<br />

les autres pour que la bourgeoisie vienne se divertir. Mais<br />

voilà qu’un mois déjà après le cataclysme, rien n’est encore<br />

fait par les autorités en place pour aider les masses<br />

populaires à dormir dans un endroit plus ou moins convenable.<br />

Attendent-elles peut être que ce soit Clinton, Ban<br />

ki-Moon, Harper ou Sarkozy qui viennent leur dire ce<br />

qu’elles doivent faire ? Alors que ces derniers, s’ils viennent<br />

compatir à notre sort c’est dans l’unique dessein de<br />

s’assurer que leur proie est saine et sauve. Et pour comble<br />

d’irrespect et de manque d’humanité, ils utilisent leurs<br />

garde-côtes pour empêcher une éventuelle augmentation<br />

du nombre d’illégaux en direction de la Floride.<br />

Combien aurait-il fallu de temps pour construire des<br />

petits logis provisoires pour abriter les sinistrés avant la<br />

saison pluvieuse ? Sans doute au moins le temps qu’il<br />

prenait pour édifier les stands de carnaval. Le responsable<br />

même de la Commission chargée de la gestion des<br />

abris provisoires, l’économiste-ingénieur Charles Clermont,<br />

s’est donné une fausse couverture en affirmant :<br />

« c’est qu’après le mois de mai, le gouvernement mettra<br />

des structures en place pour créer des logements de transition<br />

qui permettront d’abriter les rescapés pendant 5<br />

ans. » Voire…<br />

A ce stade, le peuple haïtien ne doit pas rester passif,<br />

résigné et démoralisé devant la mauvaise foi de cette<br />

classe dirigeante qui a tout fait pour amener le pays là où<br />

il est actuellement. Certes, c’est bien de la part de Bellerive<br />

de remercier Cuba et le Venezuela pour leur aide, mais il n’a<br />

pas assez de courage pour dire aux occupants leurs quatre<br />

vérités; au contraire le Premier ministre préfère recourir<br />

aux fuites en avant et aux pseudo-dénonciations. En effet,<br />

il « n’a aucun problème avec les ONG mais plutôt avec<br />

les bailleurs qui leur donnent de l’argent pour faire du<br />

désordre. Ce sont eux qui permettent aux Organisations<br />

non gouvernementales de faire ce qu’elles veulent. Et ce<br />

sont eux qui n’exigent pas de ces ONG qu’elles rendent<br />

des comptes au gouvernement »<br />

Si les pays qui sont accourus pour nous secourir ne<br />

peuvent pas respecter les règles établies par l’Etat haïtien,<br />

pourquoi ne leur pas demander de ficher le camp avec toute<br />

leur aide? Nos dirigeants ne le feront jamais, d’autant qu’ils<br />

sont les premiers responsables de la gabegie dans laquelle<br />

le pays se trouve. Le gouvernement haïtien se trouve à<br />

mille lieues des revendications des masses populaires,<br />

professant la théorie du chaos. C’est un Etat qui s’effondre<br />

au nom de l’ingérence humanitaire! Comment se fait- il<br />

que ce soit un général des Forces aériennes américaines,<br />

Darryl Burke, qui dans une conférence de presse, annonce<br />

la reprise des vols commerciaux à l’aéroport International<br />

Toussaint Louverture ? Où sont-ils le directeur de<br />

l’aéroport et son ministre de tutelle ? A ce stade-là, il n’y<br />

a aucune raison de se plaindre Bellerive. Demande-t-on<br />

un changement de cabinet ? Ce serait en venir à la même<br />

situation antérieure avec seulement quelques replâtrages<br />

économiques qui ne résoudront en rien les problèmes du<br />

peuple et du pays<br />

Au delà de l’indicible douleur et de l’immense tristesse<br />

du peuple, sans aucune aide un mois après l’horreur du<br />

12 Janvier, cela paraît un paradoxe qui pourrait engendrer<br />

le désarroi et la colère. Pourtant, le peuple haïtien reste<br />

encore égal à lui-même. Qu’on le veuille ou non il ne se<br />

laissera pas mener par le ventre.<br />

Email :<br />

editor@haitiliberte.com<br />

Website :<br />

www.haitiliberte.com<br />

DIRECTEUR<br />

Berthony Dupont<br />

EDITEUR<br />

Dr. Frantz Latour<br />

RÉDACTION<br />

Berthony Dupont<br />

Wiener Kerns Fleurimond<br />

Kim Ives<br />

Fanfan Latour<br />

Guy Roumer<br />

CORRESPONDANTS<br />

<strong>EN</strong> <strong>HAITI</strong><br />

Wadner Pierre<br />

Jean Ristil<br />

COLLABORATEURS<br />

Marie-Célie Agnant<br />

Carline Archille<br />

Catherine Charlemagne<br />

Pierre L. Florestal<br />

Morisseau Lazarre<br />

Didier Leblanc<br />

Jacques Elie Leblanc<br />

Roger Leduc<br />

Joël Léon<br />

Claudel C. Loiseau<br />

Anthony Mompérousse<br />

Dr. Antoine Fritz Pierre<br />

Jackson Rateau<br />

Eddy Toussaint<br />

ADMINISTRATION<br />

Bernier Archille<br />

Jean Bertrand Laurent<br />

DISTRIBUTION: CANADA<br />

Pierre Jeudy<br />

(514)727-6996<br />

DISTRIBUTION: MIAMI<br />

Pierre Baptiste<br />

(786) 262-4457<br />

COMPOSITION ET ARTS<br />

GRAPHIQUES<br />

Mevlana Media Solutions Inc.<br />

416-789-9933 * fmelani@rogers.com<br />

WEBMASTER<br />

Frantz Merise<br />

frantzmerise.com<br />

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2<br />

Haïti Liberté<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010


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A Travers <strong>Haiti</strong><br />

Visite de Sarkozy en <strong>Haiti</strong>:<br />

Est-ce pour renforcer la colonisation?<br />

Par Hervé Jean Michel<br />

Le président français, Nicolas<br />

Sarkozy arrivera à Port-au-<br />

Prince, le mercredi 17 février 2010<br />

pour une visite de quelques heures.<br />

Selon l’Elysée, le chef de l’Etat français<br />

aura des entretiens avec son homologue<br />

haïtien, René Préval, et le<br />

premier ministre, Jean Max Bellerive<br />

sur la question de la reconstruction<br />

d’<strong>Haiti</strong>. L’Elysée a confirmé que<br />

le président français à l’instar du<br />

gouvernement étasunien, est détenteur<br />

de ses propres idées sur la<br />

reconstruction du pays. La « dette »<br />

d’<strong>Haiti</strong> envers la France, de l’ordre<br />

de 56 millions d’euros sera annulée,<br />

selon cette même source.<br />

Pour le président Préval et les<br />

conservateurs haïtiens, l’arrivée<br />

de Sarkozy en <strong>Haiti</strong> est historique,<br />

compte tenu des liens culturels entre<br />

les deux pays. C’est une certaine<br />

manière de bien dorer la pilule afin<br />

que le pays puisse mieux l’avaler. Le<br />

président connaît les petits secrets<br />

pour endormir la conscience des gens,<br />

pour les faire accepter l’inacceptable.<br />

Comparant les relations d’<strong>Haiti</strong> avec<br />

celles des pays tels : les Etats-Unis,<br />

la République Dominicaine et autres<br />

de l’Amérique Latine, le président<br />

Préval estime que ce sont des relations<br />

de proximité, tandis qu’avec la<br />

France l’histoire a tissé des relations<br />

culturelles.<br />

Comment le peuple haïtien<br />

accueillera-t-il cette visite d’un<br />

président français, la puissance<br />

qui a inauguré la Traite négrière en<br />

Amérique, après le Traité de Ryswick<br />

en 1697 et l’esclavagisme qui<br />

ont jeté des centaines de milliers<br />

de Nègres arrachés d’Afrique dans<br />

l’enfer colonial ?<br />

La grande contradiction<br />

qui traverse la société haïtienne<br />

d’aujourd’hui, est que la minorité<br />

privilégiée lutte pour que l’éponge de<br />

l’oubli soit passée sur cette tranche<br />

d’histoire sordide, sauvage, inhumaine<br />

qui s’étend du Traité de Ryswick<br />

1697 à la période des luttes<br />

jusqu’à la grande proclamation de<br />

1804, pour tuer la mémoire. Rien ne<br />

peut empêcher aux patriotes, ceux<br />

qui n’ont jamais oublié les châtiments<br />

infligés à nos pères dans le<br />

système de l’Exclusif, de se remémorer<br />

la terreur colonialiste française,<br />

exigence de l’accumulation du<br />

capital monopolistique.<br />

En Mai 2003, Jean Bertrand<br />

Aristide, alors président de<br />

la République d’<strong>Haiti</strong>, a exigé de la<br />

France, le paiement de la dette de<br />

l’indépendance, c’est-à-dire les 90<br />

millions de francs or arrachés au<br />

gouvernement Boyer pour la reconnaissance<br />

de l’indépendance d’<strong>Haiti</strong><br />

par la France. Ainsi la somme cumulée<br />

de plus de 21 milliards de<br />

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dollars était exigée au nom de la<br />

République d’<strong>Haiti</strong> par son président<br />

légitime.<br />

Cette revendication a poussé<br />

ceux qui soutiennent la domination,<br />

la main mise étrangère sur <strong>Haiti</strong>, à<br />

se battre pour la destitution du président,<br />

étranglant du coup cette historique<br />

et légitime demande. Enfin, le<br />

29 février 2004, ils ont obtenu gain<br />

de cause. Cette même année 2003,<br />

dans un conciliabule sur les bords du<br />

lac Mitch au Canada, les puissances<br />

: Etats-Unis, France, Canada ont<br />

obtenu la mise sous tutelle d’<strong>Haiti</strong>,<br />

consécration fût donnée à cette initiative<br />

par un coup d’Etat qui a ruiné<br />

le pays.<br />

Alors que Nicolas Sarkozy<br />

s’apprête à fouler le sol d’<strong>Haiti</strong>, le<br />

mercredi 17 février, une mobilisation<br />

se prépare autour de la Restitution-<br />

Réparation, de la participation française<br />

au drame socio-économique<br />

d’<strong>Haiti</strong>, c’est-à-dire l’actualisation<br />

de l’exigence de restituer plus de 21<br />

milliards de dollars et de se garder<br />

de toute domination impérialiste.<br />

Cette même mobilisation exige le<br />

retour physique de l’ex-président,<br />

Jean Bertrand Aristide au pays<br />

et le départ de l’actuel président,<br />

René Préval, estimé trop inféodé au<br />

néolibéralisme, enfin l’application<br />

de la constitution de 1987. <strong>Haiti</strong> se<br />

situe, aujourd’hui, à un carrefour où<br />

il faut faire un choix judicieux pour<br />

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croustillants.<br />

en finir avec le néocolonialisme, qui<br />

enlise les pays et les peuples dans<br />

une dépendance asphyxiante. La<br />

construction d’un Etat démocratique<br />

d’intégration nationale doit<br />

être la préoccupation de tous les<br />

Haïtiens qui rêvent d’en finir avec<br />

l’exclusion sociale, comme manière<br />

de gérer le pays depuis l’assassinat<br />

de Dessalines, au moment même où<br />

la grande révolution de 1804 a été<br />

bafouée, dénaturée et étouffée par<br />

un vaste complot des anciens et des<br />

nouveaux colons.<br />

La démarche actuelle doit être<br />

une démarche anti-impérialiste pour<br />

contrer sa montée fulgurante, à un<br />

moment où <strong>Haiti</strong> fait face à l’une<br />

des crises les plus aiguës, le séisme<br />

du 12 janvier 2010 qui a ravagé des<br />

régions du département de l’Ouest<br />

et du département du Sud-Est, et<br />

a posé de sérieux problèmes, une<br />

situation qui favorise tous les profiteurs<br />

qui nourrissent des prétentions<br />

colonialistes. Dans cette conjoncture,<br />

il faut substituer à l’émotion<br />

une démarche scientifique, capable<br />

d’expliquer et de résoudre<br />

les problèmes. En même temps il<br />

faut rejeter toute solution préfabriquée<br />

de type triomphaliste qui agite<br />

non la raison, mais les sentiments<br />

égoïstes et suivistes.<br />

Le Premier ministre canadien,<br />

Stephen Harper, a effectué une visite<br />

en <strong>Haiti</strong> les lundi 15 et mardi<br />

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Orge de Dr. Robert<br />

fortifie les enfants et<br />

coût moins.<br />

16 février 2010. Dans le cadre des<br />

rencontres qu’il a eues avec le président<br />

Préval et le Premier ministre<br />

Jean Max Bellerive, une somme de<br />

11.3 millions de dollars a été conçue<br />

pour la construction au bicentenaire<br />

des locaux pour loger des bureaux<br />

des ministères. Le gouvernement<br />

haïtien, certes, n’a aucun plan pour<br />

résoudre la crise. La population est<br />

livrée à elle-même, triste spectateur<br />

du drame qui se joue, sans se<br />

rendre compte que sa vie en pâtit.<br />

Grappiller quelques dollars par-ci et<br />

par-là ne peut remplacer un plan de<br />

reconstruction cohérent, apte à aller<br />

de l’avant dans le cadre d’un projet<br />

global. Vivre de la mendicité est<br />

une chose, accepter l’aide dans des<br />

conditions dignes en est une autre.<br />

C’est pourquoi la participation de la<br />

population ne doit souffrir d’aucune<br />

discrimination, d’aucune démagogie.<br />

Le peuple haïtien doit être son propre<br />

protecteur, son propre Prométhée<br />

pour changer les choses dans ce pays<br />

qui brille par l’absence d’un leadership<br />

responsable et progressiste.<br />

En fait, le peuple doit prendre<br />

du recul, car le constat est fait, d’une<br />

part le gouvernement regarde d’un<br />

côté et lui de l’autre. C’est cette situation<br />

qui facilite l’action des colons<br />

d’ici et d’ailleurs, qui n’ont jamais<br />

cessé de présenter de fausses solutions,<br />

de fausses perceptions et de<br />

fausses perspectives.<br />

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Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 3


<strong>Haiti</strong>-Séisme:<br />

Un mois après, quelle situation?<br />

Par Hervé Jean Michel<br />

Le tremblement de terre du 12<br />

janvier 2010, a ravagé de nombreuses<br />

communes des départements<br />

de l’Ouest et du Sud-EST, tué plus de<br />

250.000 personnes et jeté dans les<br />

rues plus d’un million de sinistrés.<br />

Un mois après cette épouvantable<br />

catastrophe, aucun programme<br />

n’a été conçu par le gouvernement<br />

haïtien pour aider les sans abris dans<br />

leur inhumaine condition, redonner<br />

l’espoir et cicatriser les blessures<br />

traumatisantes de la population. Le<br />

gouvernement Préval/Bellerive n’a<br />

jamais tenté d’inventer la solution<br />

à cette crise sans précédent dans<br />

l’histoire du pays. Au lieu de se lancer<br />

dans des initiatives qui responsabilisent,<br />

les propos du chef de l’Etat,<br />

irresponsables dès les premières heures<br />

qui suivaient la catastrophe, deviennent<br />

de plus en plus hypocrites,<br />

au fur et à mesure de la constatation<br />

de l’ampleur des dégâts. C’est un chef<br />

d’Etat toujours à la traîne, toujours<br />

prêt à recevoir des directives, qu’elles<br />

viennent des politiciens nationaux ou<br />

étrangers.<br />

C’est un sentiment<br />

d’impuissance et de peur qui anime<br />

nos dirigeants, pris de cours par une<br />

gestion routinière et exclusiviste. Au<br />

lendemain de la catastrophe, <strong>Haiti</strong><br />

est incapable de présenter une solution<br />

intelligente, cohérente, apte à<br />

faire face au mauvais sort. C’est le<br />

tâtonnement, l’improvisation et le<br />

piétinement qui résument l’action de<br />

cet embryon d’Etat, de cet embryon<br />

de gouvernement, incapable d’agir<br />

par lui-même et au profit des sinistrés.<br />

Face à ce problème exigeant<br />

des solutions concrètes, à l’inaction<br />

du gouvernement se substituent des<br />

réponses qui ne se situent pas dans la<br />

matérialité de la vie, mais bien dans<br />

un idéal métaphysique pour pouvoir<br />

mieux sauver les vieilles contradictions<br />

sociales qui maintiennent la société<br />

dans son état de délabrement et<br />

d’indignité.<br />

Il est urgent de constater comment<br />

des hommes ne cultivant aucune<br />

sensibilité humaine, aucune forme<br />

d’humanisme se glissent au premier<br />

rang pour imposer de subjectives solutions.<br />

Ne dit-on pas que la nature<br />

à horreur du vide? C’est le cas de<br />

l’avouer, puisque à la grande question<br />

« que faire », le président et son<br />

gouvernement ne peuvent apporter<br />

aucune réponse concrète. C’est pourquoi<br />

des exploiteurs, des profiteurs<br />

ont usé de manèges pour mobiliser<br />

la population et même le pays entier<br />

sur des objectifs n’ayant rien à voir<br />

avec ses conditions concrètes et historiques<br />

d’hommes et de femmes vivant<br />

au milieu de terribles conditions<br />

matérielles et spirituelles d’existence.<br />

Les vendredi, samedi et dimanche,<br />

c’est-à-dire du 12 au 14 février 2010,<br />

au lieu de travailler durement pour<br />

sortir la population dans les rues,<br />

extraire les cadavres des décombres,<br />

pour les enterrer, déblayer les rues,<br />

le gouvernement a préféré obéir aux<br />

chants de sirène d’idéologues et de<br />

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Un pays qui a vécu le cauchemar du 12 janvier 2010, ne mérite pas de<br />

sombrer dans la léthargie métaphysique, mais a plutôt besoin de se<br />

réveiller de la torpeur pour mieux voir la réalité, la comprendre et la<br />

changer de manière claire, intelligente et scientifique. Ci-dessus une<br />

manifestation de 500 femmes à Port-au-Prince le 5 février.<br />

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libérée de ses entraves, d’une <strong>Haiti</strong><br />

prospère, prestigieuse et digne. A<br />

l’action concrète et pratique, capable<br />

de changer la réalité, le gouvernement<br />

a préféré s’enliser dans la métaphysique.<br />

C’était comme si les Haïtiens<br />

étaient des anges qui n’ont besoin<br />

que de mythes pour vivre ; que la<br />

réalité dans laquelle ils vivent pourra<br />

changer par la volonté de l’Eternel.<br />

Un pays qui a vécu le cauchemar<br />

du 12 janvier 2010, ne mérite<br />

pas de sombrer dans la léthargie métaphysique,<br />

mais a plutôt besoin de se<br />

réveiller de la torpeur pour mieux voir<br />

la réalité, la comprendre et la changer<br />

de manière claire, intelligente et scientifique.<br />

Les journées que les Haïtiens<br />

ont consacrées à la prière «pour<br />

changer <strong>Haiti</strong>» ne sont qu’un leurre,<br />

une utopie, une illusion.<br />

Ce sont les hommes qui construisent<br />

leur histoire sur la base des<br />

conditions concrètes d’existence,<br />

des contradictions qui tissent la vie<br />

sociale. L’histoire des hommes est<br />

construite dans la réalité vécue, dans<br />

les luttes. C’est une histoire concrète.<br />

L’histoire des dieux et des mythes se<br />

construit dans l’imaginaire, dans le<br />

merveilleux, dans le non-être pour la<br />

glorification et non pour la transformation<br />

de la vie.<br />

L’histoire des masses, spécifiquement<br />

des masses haïtiennes ne<br />

peut épouser le modèle métaphysique,<br />

car c’est ce modèle même qui a induit<br />

l’esclavage avec ses corollaires:<br />

dépendance, sous-développement,<br />

néo-colonialisme etc. Un peuple qui<br />

a connu l’esclavage ne peut épouser<br />

les mythes de ses colonisateurs, au<br />

contraire il devrait chercher à enrichir<br />

son histoire en la transformant en<br />

conditions matérielles et spirituelles<br />

d’existence. C’est par la lutte concrète,<br />

les solidarités nationales et la fraternité<br />

internationale pour construire une<br />

vie humaine digne, que les Haïtiens<br />

doivent relever le défi du tremblement<br />

de terre du 12 janvier 2010 et non<br />

par la démagogie inspirée des exploiteurs<br />

: colons d’ici et d’ailleurs. Les Haïtiens<br />

doivent rechercher et enrichir la<br />

solidarité des peuples qui respectent la<br />

dignité des peuples engagés dans une<br />

histoire pour leur libération matérielle,<br />

morale et intellectuelle.<br />

La population haïtienne écrasée<br />

par le violent séisme du 12 janvier et<br />

par l’indifférence, le mépris des décideurs<br />

politiques doivent rester vigilante<br />

pour garder la mémoire. Un peuple<br />

qui se laisse égarer par des mythes est<br />

condamné à végéter en histoire. Les<br />

206 ans d’exploitation de l’expérience<br />

post-indépendantiste, de la misère<br />

et du sous-développement du peuple<br />

haïtien, témoignent de la véracité de<br />

la question de la lucidité historique.<br />

Les peuples répètent l’histoire à force<br />

de l’ignorer. La thèse qui consiste à<br />

dire que c’est le diable qui a donné<br />

l’indépendance aux Nègres est un<br />

mensonge absolu. Aucun diable n’a<br />

donné l’indépendance aux Nègres<br />

esclaves. Cette indépendance ils l’ont<br />

acquise par la sueur, la souffrance, le<br />

combat, le sang et la mort. Les mythes<br />

sataniques n’interviennent jamais<br />

dans l’histoire des esclaves de Saint-<br />

Domingue, pas plus que les dieux tutélaires.<br />

L’histoire religieuse des Occidentaux<br />

est l’histoire du catholicisme<br />

et du protestantisme, tous deux, issus<br />

du christianisme. Chacun a fertilisé le<br />

champ du capitalisme pré-industriel<br />

et post-industriel, donc colonialisme<br />

et néocolonialisme. Aucun ne<br />

peut être le remède aux maux du<br />

peuple haïtien, mais plutôt comme<br />

cela l’a été, le venin de l’injustice, de<br />

l’exploitation, de la domination et de<br />

la misère humaine.<br />

Occupation renforcée ou<br />

support?<br />

Selon ce qu’a déclaré le sous-secrétaire<br />

général au maintien de la<br />

paix en Haïti Alain Le Roy, le vendredi<br />

12 février dernier, 3500 soldats<br />

et policiers fournis par 16 pays membres<br />

de l’ONU arriveront en Haïti<br />

dans 3 semaines pour suppléer aux<br />

7000 casques bleus déjà sur place en<br />

Haïti. Le Conseil de Sécurité de l’ONU,<br />

dans le souci d’assurer la sécurité et<br />

garantir l’aide aux sinistrés, s’était<br />

réuni pour décider de l’envoi de 2000<br />

soldats et 1500 policiers devant suppléer<br />

aux 2100 policiers onusiens<br />

déjà sur place en Haïti. Monsieur<br />

Le Roy a précisé dès le jeudi 18 et<br />

le vendredi 19 février prochains, que<br />

1050 militaires onusiens dont 900<br />

brésiliens et 150 dominicains devront<br />

être déployés sur Haïti. Cependant,<br />

ceux venus du Pérou, d’Argentine et<br />

d’Uruguay sont attendus la semaine<br />

prochaine. Des ingénieurs venus du<br />

Japon et de la Corée du Sud sont déjà<br />

en route vers Haïti. Il a aussi précisé<br />

que l’Italie, l’Espagne, la France, le<br />

Pays-Bas, le Bengladesh, l’Inde, le<br />

Pakistan, la Turquie et le Ruanda ont<br />

promis eux aussi d’envoyer 1500<br />

policiers en Haïti. Aujourd’hui, tout<br />

le monde se pose la même question à<br />

savoir, s’il s’agit vraiment de support<br />

d’assistance onusien envers Haïti,<br />

ou bien des prétextes dûs au séisme<br />

du 12 janvier dernier pour renforcer<br />

l’occupation d’Haïti.<br />

Effondrement d’une<br />

école au Cap-Haïtien<br />

Ce lundi 15 février, au Cap-Haïtien,<br />

suite au renversement<br />

d’un mur dû à un éboulement,<br />

une école primaire dénommée<br />

« La petite Ecole » s’est effondrée<br />

aux environs de 10 :30 heures<br />

du matin, faisant 4 morts et<br />

des dizaines de blessés. Plusieurs<br />

survivants ont été délivrés sous<br />

les décombres par les militaires<br />

de la MINUSTAH et des agents<br />

de la PNH. Les rescapés ont été<br />

conduits d’urgence à l’hôpital.<br />

Certains riverains prétendent que<br />

de fortes averses qui ont frappé<br />

la région nord ces derniers temps<br />

seraient la cause de la chute de<br />

l’établissement scolaire. Mais le<br />

US Geological Survey (USGS) a<br />

nié cette allégation, disant que la<br />

cause de cet incident reste jusqu’à<br />

présent indéterminée.<br />

Une fillette de 11 ans<br />

tuée par balles<br />

Vendredi 12 février dernier, sous<br />

une tente située à la rue Catalpa,<br />

Delmas 75, une fillette de 11<br />

ans a été abattue par un garçonnet<br />

de 10 ans. Ce dernier aurait<br />

utilisé l’arme de son père, Harry<br />

Paul pour perpétrer le crime. « Effectivement,<br />

à Delmas 75, route<br />

Catalpa, il y a un petit garçon de<br />

10 ans qui jouait avec l’arme de<br />

son père et qui a tué une petite fille<br />

de 11 ans à l’intérieur d’une tente<br />

où ils se trouvaient. Le père aurait<br />

oublié son arme dans la tente. Le<br />

dossier a été remis à la DCPJ, plus<br />

spécialement à l’unité spécialisée<br />

dans les affaires pour mineurs », a<br />

expliqué le commissaire Carl Henry<br />

Boucher. « Jusqu’à présent nous ne<br />

sommes pas en mesure de savoir<br />

s’il s’agit d’une arme légale ou<br />

non, car le père de l’enfant ne s’est<br />

jamais présenté à la DC PJ. Nous<br />

l’avons cherché en vain », a poursuivi<br />

Mr Boucher, précisant que la<br />

fillette n’est pas un membre de la<br />

famille d’Harry Paul : « La fillette<br />

était venue jouer sous la tente ».<br />

Par ailleurs, dans la nuit du<br />

samedi 13 au dimanche 14 février<br />

dernier, 6 bandits qui seraient des<br />

évadés de prison ont été ligotés<br />

par des agents de la PNH. Certains<br />

d’entre eux ont été surpris en flagrant<br />

délit en train de commettre<br />

des actes de viol et de vol à main<br />

armée, d’autres en possession d’armes<br />

illégales.<br />

Réouverture des classes,<br />

un casse-tête majeur<br />

pour les responsables<br />

Une annonce gouvernementale<br />

publiée le lundi 25 février 2010<br />

a fait part d’un don du gouvernement<br />

dominicain de 15 structures<br />

d’écoles mobiles au gouvernement<br />

haïtien.<br />

Ces écoles qui seront installées<br />

plus particulièrement dans<br />

les zones frontalières pourront accueillir<br />

jusqu’à 40 enfants. D’autre<br />

part, le gouvernement haïtien a fait<br />

part de ses multiples démarches<br />

visant à intégrer dans les salles de<br />

classe les enfants déplacés.<br />

Le déplacement des enfants<br />

scolarisés éparpillés dans différents<br />

endroits de la zone métropolitaine<br />

constitue un handicap majeur pour<br />

la réouverture des classes prévue<br />

par les autorités haïtiennes pour<br />

le mois de mars prochain, disons<br />

mieux dans une quinzaine de<br />

jours. Les professeurs eux aussi<br />

sont introuvables. D’après les chiffres<br />

officiels, près de 4 mille écoles<br />

dans la zone métropolitaine ont été<br />

détruites ou endommagées par le<br />

tremblement de terre du 12 janvier<br />

dernier.<br />

Jackson Rateau<br />

4<br />

Haïti Liberté<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010


Twa fèy, twa rasin O!<br />

Nancy Roc et Marvel Dandin: jongleurs<br />

de phrases creuses<br />

Par Fanfan Latulipe<br />

Il y en a qui ne changeront jamais,<br />

un peu comme Dieu et<br />

les imbéciles. Ils s’accrochent<br />

aux mêmes phrases creuses,<br />

aux mêmes propos aux forts<br />

accents moralisants. Leurs<br />

œillères d’appréciation bien<br />

ajustées, ils avancent tranquillement,<br />

loin de la réalité<br />

des rapports sociaux, loin des<br />

mécanismes qui tiennent nos<br />

sociétés en équilibre instable.<br />

Ils semblent incapables d’avoir<br />

des paramètres autres que les<br />

leurs pour appréhender le<br />

monde qui les entoure. Et à<br />

défaut de saisir le taureau de<br />

la vie par les cornes d’une approche<br />

dialectique, rationnelle,<br />

saine, ils préfèrent se perdre<br />

dans des formules et formulations<br />

creuses, ils préfèrent<br />

pleurnicher, se laisser aller<br />

aux yenyen, aux yenyennades<br />

plutôt que de proposer<br />

aux grands maux les grands<br />

remèdes.<br />

Dans son édition du dimanche<br />

14 février 2010, dans<br />

la rubrique Agora, le quotidien<br />

Le Matin publie un article signé<br />

Nancy Roc, journaliste<br />

peut-être «indépendante». Le<br />

texte intitulé «2010 ça passe<br />

ou ça casse !» est daté du<br />

vendredi 8 janvier 2010, ce<br />

qui me laisse à penser qu’il<br />

s’agit d’un plat réchauffé<br />

qui nous a été servi dans le<br />

numéro du dimanche 14 février.<br />

Mais là n’est pas mon<br />

propos. Je m’intéresse plutôt<br />

aux propos du directeur de<br />

l’information à Radio Kiskeya,<br />

Marvel Dandin, un GNBiste<br />

et kabrit Tomazo de même<br />

pelage que Nany Roc, propos<br />

que celle-ci a rapportés dans<br />

son article.<br />

Après avoir vitupéré –<br />

avec raison d’ailleurs – contre<br />

le sans-gêne et le culot de<br />

Préval lors de son discours<br />

du premier janvier 2010, Roc<br />

rappelle que Dandin a rappelé<br />

que « si les dirigeants doivent<br />

être les premiers à subir les<br />

blâmes en raison de leur échec<br />

à réaliser les transformations<br />

matérielles et morales souhaitées,<br />

il n’en demeure pas<br />

moins que les Haïtiens de<br />

toutes les catégories sociales,<br />

d’ici et d’ailleurs, et particulièrement<br />

les secteurs organisés<br />

de la société civile, ont<br />

eux aussi failli dans la dynamique<br />

de création d’une véritable<br />

alternative à nos modes<br />

d’agir et de penser.»<br />

Nancy Roc, à la manière<br />

de ces moralisateurs, ces donneurs<br />

de leçons aux consciences<br />

et mains pures, ces éléments<br />

instruits, zuzu, des<br />

classes dominantes, est d’accord<br />

avec Dandin pour mettre<br />

«les Haïtiens de toutes les<br />

catégories sociales» (souligné<br />

par nous) dans le même<br />

sac. Comme son konpayèl<br />

GNBiste de Radio Kiskeya,<br />

elle partage l’idée de les rendre<br />

tous responsables d’avoir<br />

failli «dans la dynamique de<br />

création d’une véritable alternative<br />

à nos modes d’agir<br />

et de penser». En deux mots,<br />

ces deux larrons des médias<br />

à vocation déstabilisatrice logent<br />

à la même enseigne de<br />

responsabilité les ferblantiers,<br />

les cordonniers, les machann<br />

fresko, les vendeuses de légumes<br />

et de fruits, les étalagistes<br />

aux abords de ce qui fut la<br />

Cathédrale de Port-au-Prince,<br />

la petite secrétaire-péronnelle<br />

de tel ministère que Monsieur<br />

le Ministre a préférée à Leya<br />

Kokoye, les étudiants malere<br />

malerèz préparant leur bac<br />

à la clarté des lampadaires<br />

du Champ-de-Mars, les machann<br />

pistach, les journaliers<br />

Marvel Dandin (à droite), un GNBiste et kabrit Tomazo de<br />

même pelage que Nany Roc<br />

de la CHOMECO, ainsi que les<br />

Mevs, les Acra, les Bigio, les<br />

Nadal, les Apaid, les Baker, les<br />

Guy Philippe, les Victor Benoît,<br />

les Michèle Pierre-Louis, les<br />

Konpè Plim, les Bajeux, les<br />

Chamblain, les Manigat,<br />

Suite à la page (14)<br />

RESANSMAN ETAZINI PÈMÈT<br />

KE NAN LAMERIK, N AP<br />

TAN<strong>DE</strong> SA W G<strong>EN</strong> POU DI A.<br />

Pi bon swen sante, pi bon lekòl ak pi bon wout: tout bagay sa yo posib. Si nou chak pran 10 minit pou reponn 10 kesyon senp, nou kapab ede deside ki<br />

kote yo dwe depanse 400 milya dola nan fon/lajan federal ki bay chak ane pou kominote Etazini yo. Repons yo konfidansyèl epi yo pa pral pataje<br />

yo avèk sèvis imigrasyon oswa avèk kèk tyès pati. Ranpli fòm resansman ou an epi voye l retounen pa lapòs lè w resevwa l nan mwad mas.<br />

POU PLIS <strong>EN</strong>FÒMASYON, ALE WÈ WWW.2010C<strong>EN</strong>SUS.GOV.<br />

LI NAN M<strong>EN</strong> NOU.<br />

NOU PAP AVANSE TOUTOTAN OU PA VOYE L RETOUN<strong>EN</strong> BAN NOU PA LAPÒS.<br />

Se Biwo Resansman Etazini ki<br />

peye pou anons sa a.<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 5


Kwonik Kreyòl<br />

MIYAMI:<br />

Vodouyizan yo te òganize<br />

yon sware dèy pou<br />

viktim tranblemanntè yo<br />

Men kèk vodouyizan ki te patisipe nan mès priyè anmemwa 200.000<br />

ayisyen ki mouri nan tranblemantè 12 janvye a.<br />

Kim Ives/<strong>Haiti</strong> Liberté<br />

Kim Ives/<strong>Haiti</strong> Liberté<br />

Samdi 13 fevriye ki sot pase a,<br />

nan Miyami, yon santèn manbo,<br />

ougan ak lòt vodouyizan te òganize<br />

yon sware lapriyè ak posesyon pou<br />

komemore lanmò plis pase 200,000<br />

ayisyen nan tranblemanntè jounen<br />

12 janvye 2010 la. Mès vodou sa a te<br />

fèt nan Halouba Botanica ki chita nan<br />

54triyèm ri nan mitan “Little <strong>Haiti</strong>.”<br />

“Nan non vodou, noumenm,<br />

vodouyizan nan Miyami reyini anfoul<br />

pou n òganize lanmès priyè sa<br />

a, yon fason pou n patisipe nan<br />

estrateji pou rebati Ayiti,” te di nou<br />

manbo Marie Carmelle Jerome, k<br />

ap dirije Botanica 3 x 3 Rasin san<br />

Bout nan North Miami. Li te fè nou<br />

konnen tou, se limenm ki te sonnen<br />

lanbi rasanbleman sa a ki pèmèt<br />

tout lòt vodouyizan yo te vin potekole<br />

nan sware sa a.<br />

Anpil manbo te patisipe tankou<br />

Elsie Joseph ki genyen Botanica<br />

Vierge Miracle ak St. Philippe (“Attend<br />

Dieu”), Manbo Marlène ki<br />

genyen Botanica Isidor & Carmel,<br />

Manbo Lydie ki genyen Botanica<br />

Danthor & Agarou, Manmi Toyee<br />

ki genyen Botanica Tipa Tipa, ak<br />

Manmita (Madanm Papa Paul) ki<br />

genyen Halouba. Yo tout te abiye<br />

anblan pou make lapèn ak soufrans<br />

yo pou pèp ayisyen an.<br />

Tout sosyete sa yo te fè yon<br />

defile nan katye yo, ak bouji epi<br />

brasa nwa, pou komemore viktim<br />

yo. Yo fè seremoni sa a menmlè ak<br />

jou an Ayiti, yo t ap komemore viktim<br />

katastròf 12 janvye yo.<br />

“Nou vle tout moun wè noumenm<br />

vodouyizan, nou gen plas<br />

nou tou nan sosyete a,” Mambo<br />

Marie Carmelle te di.<br />

Kim Ives<br />

Michan malè dekonstonbray<br />

(Konplent lespwa pou tout sa k ale yo)<br />

Li rive jouk konsa<br />

sibitman soti nan Dangololay<br />

li blayi sou kat pwen kadino<br />

nan nannan nanm Montay Nwa<br />

nan Petyonvil delalay<br />

Otèl Montana bakalaw<br />

desann lavil kouwè fou pèdi<br />

k’ap voye wòch toupatou je fèmen.<br />

Li rive jouk konsa<br />

anba vant lanmè rad wout sid<br />

lè solèy te pare pou l ale leve rak<br />

lè yo pat atann lavi ka pi mal.<br />

Se te yon malè ki koze laterè<br />

ka sa yo ki pat benefisye malvi lòt<br />

kou lòt yo ki te pwopriye swe bourik.<br />

Anba detrès yon vil ann agoni<br />

rivyè dlo nan je ak lapenn<br />

timoun ki pedi paran<br />

paran ki pèdi pitit<br />

menm Palè Nasyonal senbòl gwokòlèt<br />

senbòl pouvwa malfezan kraze zo<br />

akwoupi anba kout pye latè andyable<br />

ki demantibile san l pa gade dèyè.<br />

Ni Bondye ni Ledyab pa gen anyen nan sa<br />

se koz kwazman kolè latè ak fayit imen<br />

pou demantibile sa ki ekziste<br />

se tout kesyon ki pou poze<br />

lè se lavi ak lanmò moun ki an kesyon.<br />

Kesyon mèt latè dwe poze<br />

ke l se lapè ant tout pèp pou bati Miyòla<br />

nan espas kolektif bèlte apwopriye<br />

oubyen rapas Bon Papa malfini<br />

kache anba jakèt dan sourit manitè:<br />

Èske se konchon nwa yo ki retounen<br />

oubyen kochon blondèl prensès ki rete?<br />

Èske bouch li tulututu oubyen li woukonnen?<br />

Èske l se sa Ginen vle?<br />

Èske l se sa Ginen ye?<br />

Èske l pa boutik sikisal bèl vitrin<br />

reprezantan lakoloni nan kapital?<br />

Èske l pa modèl levanjil globalite<br />

sou nouvo plantasyon modènite?<br />

Se tout kesyonki pou poze<br />

paske se sa avni nou ap vin ye.<br />

Anba kout beton ak fèy tòl k’ap vole<br />

yon latè andyable ak lanmè menasan<br />

moun yo rele anmwe, yo soti nan lari;<br />

anba sakay dekonstonbray ki pote ale<br />

Katedral Pòtoprens ki te drese kò li<br />

kou yon majeste, silwèt li anpenpan<br />

lonbray li blayi lespas ak mistè;<br />

li te yon pwotektrès tout lavi sou Bèlè.<br />

Anba kout masou replik aprèchòk<br />

enprevizib kou malfini sou savann<br />

ki ka pote w ale kou ou vire tèt ou<br />

nan espas yon sekond movèz sò;<br />

devan malfezè lafirè lanfè sou latè<br />

nou te wè byenfezans menm sa yo ki viktim<br />

pou ede frè ak sè yo kan Leta ape dodomeya;<br />

moun yo louvri bra bay bonte letranje<br />

voye bèl lwanj bay pou solidarite<br />

tout sa yo k sot alawonnbadè sou latè<br />

pou sove lespwa nan kè malakwa.<br />

Devan frajilite desten kretyenvivan<br />

ki nan lespas yon sekond kapab tounen<br />

fatra<br />

pou gozye fòs komin nan mitan Montay<br />

Nwa;<br />

anba rèl toupatou pou pote sekou<br />

nou salye tout sa yo, grenadye limanite,<br />

ki fè desandelye osèvis sa ki bon<br />

nou leve bra louvri<br />

pou sa yo ki pote sitèn dlo ak ponpye<br />

ak manje pou sove lavi<br />

nou leve bra louvri<br />

nou onore bèl kalite yo reprezante.<br />

Ginen pap asepte twonkay mèt lakay<br />

pou redevans anvè mizè dekonstonbray<br />

nou kwè konsyans tout pèp latè<br />

ap kontinye voye je pou sove memwa<br />

sove memwa verite libète<br />

sove memwa 1791 lespwa li te limen<br />

sove aspirasyon Ginen ki t’ap krapinen<br />

nan lanfè zile labatwa negriye.<br />

Labyenveni pou sa yo ki sot lwen<br />

sa yo ki swiv chimen ideyal fon kè yo<br />

sa yo ki konnen soufrans yon manman<br />

se soufrans yon lòt manman<br />

sa yo ki kwè se yon sèl mond ki genyen<br />

nou salye ou<br />

oumenm ki swiv bonnanj ou<br />

pou pote lavi bay malvi nan ziltik;<br />

nou salye kouraj pèp nonm Toma<br />

ki pote sekou ak bra vid<br />

nou salye sa yo<br />

manm ki deja kofre anba chay<br />

ki vin louvri tinèl pou solèy lavi;<br />

nou salye limanite ann aksyon<br />

pou transande malè pa bèlte<br />

pou louvri je lespwa nan lenwa<br />

pou afime esans sa lavi ye.<br />

Nou salye tout sa yo<br />

ki wè latè anvan kalvè<br />

nou salye w<br />

oumenm ki kwè tout moun se moun<br />

nou salye w<br />

oumenm ki pataje rèv nou.<br />

Nou onore Beyonse ki voye halo pou Ayiti,<br />

halo pou tout nanm zansèt yo k nan zafra<br />

halo pou kenbe lespwa djanm<br />

pou drese orizon pou yon lòt demen<br />

pou bati yon Ayiti miyò<br />

pou renouvle konfyans nan zile madichon<br />

pou resoude lyen ki ini tout konsyans<br />

halo pou fè leve yon lòt jou.<br />

-Tontongi, 5 fevriye 2010<br />

(Powèm sa a pibliye tou nan revi Tanbou :<br />

http://www.tanbou.com)<br />

Mobilizasyon kont prezans<br />

Nicolas Sarkozy nan peyi a!<br />

BOUKAN<br />

101.9 FM • SCA<br />

Radyo Pa Nou<br />

Emisyon KAKOLA<br />

Konbit Ayisyen pou Kore Lit la ann Ayiti<br />

• Nouvèl •<br />

• Analiz •<br />

• Kòmantè •<br />

• Deba •<br />

Pou yon Ayiti Libere<br />

(917) 251-6057<br />

www.RadyoPaNou.com<br />

Mèkredi 9-10 pm<br />

Mèkredi 17 fevriye 2010 la,<br />

yon mwa aprè tanblemanntè a ki<br />

te demantibile plizyè vil ak touye<br />

plis pase 200.000 moun nan peyi<br />

Dayiti, prezidan Lafrans lan, Nicolas<br />

Sarkozy ap fè yon ti kout pye<br />

nan ansyen koloni fransè a. Nicolas<br />

Sarkozy se premye prezidan Lafrans<br />

k ap pile tè Dessalines lan aprè 206<br />

lane endepandans Ayiti. Nan lokazyon<br />

sa a, pèp ayisyen an ap tanmen<br />

yon kokennchenn manifestasyon<br />

pou l raple Sarkozy divès krim<br />

ak enjistis kolon zansèt li yo te fè<br />

nan koloni an avan lendepandans.<br />

Nan kad mobilizasyon sa a,<br />

Platfòm nasyonal òganizasyon baz<br />

ak viktim Leta yo (PLONBAVIL),<br />

deja fè sikilè l sòti kote li di pèp ayisyen<br />

an : « Atansyon, veye anwo,<br />

Prezidan Lafrans lan, Nicolas Sarkozy<br />

veye anba » e li voye yon pinga bay<br />

Nicolas Sarkozy: «Prezidan Lafrans<br />

lan, Nicolas Sarkozy, ap an Ayiti<br />

jou k ap mèkredi 17 fevriye 2010 la.<br />

Pèp ayisyen ap mande l pou l mete<br />

nan pòch vès li plis pase 21 milya<br />

dola Lafrans te pran ak lafòs an Ayiti<br />

nan lane 1825 sou gouvènman<br />

prezidan Boyer a. Debakman bridsoukou<br />

pitit kolon sa a se yon menas<br />

ak yon malè pandye anplis sou<br />

peyi a nan tout sans. Pèp ayisyen,<br />

an n leve kanpe pou n bat chalbari<br />

dèyè pitit kolon ak enperyalis yo k<br />

ap pote boure sou tirès richès peyi<br />

a ! N ap fè sonje kèk krim Lafrans<br />

te fè Ayiti ki merite jistis ak reparasyon,<br />

krim tankou :<br />

- Komès vann nèg kòm<br />

esklav ! - Lesklavaj, krim kont limanite.<br />

- Zak eskamotè nan lane<br />

1825. - Apiye tout diktati sanginè<br />

epi gade lakay li yon gwo diktatè<br />

ayisyen, Jean Claude Duvalier. -<br />

Patisipasyon l nan koudeta/kidnapin<br />

29 fevriye 2004 la, san nou<br />

pa bliye kidnapin ak sasinay Toussaint<br />

Louverture an 1802-1803.<br />

“Mèkredi 17 fevriye a gwo<br />

mobilizasyon kont kolon ak enperyalis<br />

yo pou mande restitisyon<br />

ak reparasyon.<br />

Aba pitit kolon ! Aba enperyalis<br />

! Viv yon Ayiti granmoun<br />

! »<br />

Atravè mobilizasyon sa a, pèp<br />

ayisyen an ap raple Lafrans, Etazini<br />

ak Kanada ki pretann y ap vin ede<br />

Ayiti pou yo tou pwofite piye tout<br />

ti rès richès peyi a, menm jan yo<br />

te fè l nan tan lakoloni ak jan y ap<br />

kontinye fè l jouk jounen jodi a. Pèp<br />

ayisyen ap raple 3 peyi enperyalis sa<br />

yo, patisipasyon yo nan kraze peyi a,<br />

ki fè li pa kapab reziste anba nenpòt<br />

ti katastwòf natirèl. Yo kraze peyi a<br />

tankou nan piye richès li, sipòte tout<br />

diktatè sanginè ki pa dansekole ak<br />

demokrasi, sipòte tout rejim kòwonpi<br />

ak dilè dwòg, nan kreye destabilizasyon,<br />

nan fè koudeta ak kidnapin<br />

sou prezidan pèp la te eli.<br />

Kidonk, aprè tranblemanntè a<br />

se pa yon kado y ap vin fè Ayiti, se<br />

sa yo te pran ak gwo ponyèt yo yo<br />

dwe renmèt Ayiti nan moman difisil<br />

sa a. Sarkozy, pèp ayisyen an pa<br />

bezwen tande okenn diskou demagojik<br />

ki chaje ak anpil vye pwomès,<br />

se lajan l l ap tann nan men ou.<br />

Yves Pierre-Louis<br />

6<br />

Haïti Liberté<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010


Perspectives<br />

Le séisme du 12 janvier et sa construction<br />

socio-historique<br />

Par Franck Séguy *<br />

Pour l’Haïtien que je suis, dans<br />

mon exil volontaire [au Brésil],<br />

devenu exil forcé depuis le lendemain<br />

du fameux 12 janvier 2010<br />

– depuis le 16 janvier pour être plus<br />

précis, car ç’aurait dû être la date<br />

de mon retour au pays natal – la<br />

moindre activité prend chaque jour<br />

l’allure de question existentielle.<br />

M’informer sur Haïti devient une<br />

sorte de supplice. Une obligation<br />

de supporter le racisme larvé dont<br />

mon peuple a toujours été l’objet.<br />

Une manière de mourir à petit feu.<br />

De me rendre compte que je meurs<br />

à petit feu. Dans cette mort lente,<br />

écrire s’impose comme une tentative<br />

de me réveiller. De reprendre vie. De<br />

faire l’impasse sur le vide. De tromper<br />

l’impuissance... J’ai toujours préféré<br />

écrire pour que la vie fleurisse<br />

au lieu de le faire pour la mort... sauf<br />

que, aujourd’hui, l’acte que je pose<br />

ne répond en rien à mes préférences,<br />

sinon qu’il s’est imposé à moi par la<br />

force des circonstances.<br />

Pour celles et ceux que les chiffres<br />

intéressent, disons-le clairement:<br />

plus de 200’000 morts comptabilisés<br />

à Port-au-Prince, au 2 février 2010.<br />

Officiellement. Car selon Jean-Max<br />

Bellerive, le premier ministre haïtien,<br />

ce comptage ne prend en compte ni<br />

les milliers de morts encore sous les<br />

décombres, ni ceux qui ont été ensevelis<br />

par leurs propres familles.<br />

Ce que révèlent les propos<br />

de Bellerive<br />

On ne sait pas s’il faut pleurer<br />

en lisant les propos du chef du gouvernement<br />

haïtien ou s’il faut se révolter<br />

devant les écrans de TV, à des<br />

milliers de kilomètres. Mais on est<br />

forcé de reconnaître la crudité des vérités<br />

qu’il était allé cracher aux parlementaires:<br />

«Le gouvernement, tel<br />

que constitué, ne peut pas présenter<br />

de résultats [satisfaisants] face à<br />

cette situation.» Un gouvernement<br />

incapable de remplir les fonctions régaliennes<br />

de l’Etat. En clair, un Etat<br />

qui n’existe pas.<br />

C’est exactement de cette<br />

manière qu’il convient d’interpréter<br />

les complaintes de J.-M. Bellerive<br />

concernant les problèmes<br />

d’infrastructures à l’aéroport international<br />

de Port-au-Prince dont il<br />

affirme qu’ils ont «empêché l’arrivée<br />

des avions d’aide» – ce qui, ajoutet-il,<br />

«fruste la population aussi bien<br />

que le gouvernement». C’est que<br />

Bellerive n’a aucun contrôle dudit<br />

aéroport que lui-même et son propre<br />

président, René Préval ont rapidement<br />

remis aux militaires étatsuniens,<br />

dont un représentant – le<br />

général P. K. Keen, commandant<br />

en second du SouthCom (Commandement<br />

du Sud) – était sur place à<br />

Port-au-Prince avant le 12 janvier,<br />

pour «coordonner les opérations de<br />

secours prévisibles».<br />

Le tremblement de terre du<br />

12 janvier frappe Port-au-Prince et<br />

d’autres villes du même département<br />

de l’Ouest, puis une partie du Sudest<br />

où il a plus endommagé ou détruit<br />

des constructions qu’occasionné<br />

de victimes. Non seulement les<br />

forces armées étatsuniennes se sont<br />

emparées de l’aéroport de Port-au-<br />

Prince, mais elles ont rapidement<br />

pris le contrôle de tout le pays, particulièrement<br />

des ports et aéroports.<br />

Et occupent jalousement le môle St-<br />

Nicolas (Nord-est), région qui donne<br />

une vue sur Cuba pareille à celle<br />

Les plus de 200 000 morts du séisme du 12 janvier sont avant tout des<br />

victimes de l’injustice agraire commise et non réparée depuis 200 ans.<br />

qu’offre sur la mer une maison de<br />

villégiature au bord de la plage. Nos<br />

informations sont trop limitées sur<br />

les questions géologiques pour pouvoir<br />

fournir une quelconque explication<br />

précise. Toutefois, l’hypothèse<br />

a été faite qu’un des éléments de<br />

l’empressement des Etats-Unis pourrait<br />

être motivé par les possibilités<br />

assez grandes de mettre au jour des<br />

réserves diverses (du pétrole à des<br />

minerais), dans la mesure où Haïti<br />

est à l'intersection de deux plaques<br />

tectoniques. Cela dit, nous fermons<br />

cette parenthèse sans, pour autant,<br />

fermer nos yeux sur cette nouvelle<br />

offensive impérialiste qui, ayant<br />

depuis longtemps orchestré une catastrophe<br />

économique, profite maintenant<br />

d’une catastrophe naturelle<br />

pour se rattacher, Haïti renforçant<br />

ainsi sa condition de néocolonisée.<br />

Nous y reviendrons.<br />

Dans les déclarations du chef du<br />

gouvernement haïtien, deux éléments<br />

particuliers méritent l’attention.<br />

Le premier: M. Bellerive identifie<br />

comme problème rendant la distribution<br />

de l’aide difficile le fait que<br />

«les sans-abri du séisme [soient]<br />

mélangés aux autres personnes pauvres<br />

qui vivaient dans la précarité<br />

bien avant la catastrophe». Dans<br />

son raisonnement, cela «rend difficile<br />

la distribution de l’aide et crée des<br />

tensions».<br />

Le second: le principal<br />

problème est que l’aide passe par les<br />

ONG en lieu et place du gouvernement.<br />

Et la plupart «de ces entités<br />

n’étaient pas prêtes» pour assumer<br />

une telle responsabilité. Comme pour<br />

ridiculiser le premier ministre haïtien,<br />

le site brésilien qui rapporte ses<br />

propos colle, tout de suite après, un<br />

numéro de compte bancaire de l’ONG<br />

brésilienne Viva Rio, une de ces entités<br />

qui sont en train de faire leur<br />

beurre sur le dos des victimes en Haïti.<br />

Une petite idée sur Viva Rio. Son<br />

projet en Haïti depuis 2005 emploie<br />

130 travailleurs haïtiens pour un<br />

salaire mensuel de 135 dollars. L’un<br />

de ses dirigeants justifie ce salaire de<br />

chien par l’argument suivant: «S’ils<br />

payaient un centime de plus à ces<br />

travailleurs, ces derniers auraient<br />

un niveau de vie supérieur qui casserait<br />

l’économie du pays.» Nous reviendrons<br />

sur la participation des ONG<br />

dans la construction socio-historique<br />

du séisme de Port-au-Prince et de ses<br />

suites, mais accordons pour le moment<br />

notre attention à M. Bellerive.<br />

Quelles sont les révélations<br />

contenues dans les propos du premier<br />

ministre au sujet des sans-abri ?<br />

Elles sont multiples. Nous en signalerons<br />

deux. La première: la présence<br />

continuelle de sans-abri dans les rues<br />

de Port-au-Prince avant le 12 janvier<br />

n’a jamais constitué un problème<br />

aux yeux des dirigeants haïtiens.<br />

Beaucoup de pauvres gisaient dans<br />

la précarité bien avant la dernière<br />

catastrophe, mais cela était tellement<br />

ordinaire que ce n’était même pas<br />

un fait divers. Cela était considéré<br />

comme «naturel». La présence de ces<br />

sans-abri habituels devient par contre<br />

un problème seulement à partir<br />

du 13 janvier 2010. En effet, eux<br />

aussi veulent alors recevoir un sachet<br />

d’eau ou une boîte de sardines.<br />

Ces éternels sans-abri rendent difficile,<br />

selon Bellerive, la distribution<br />

de l’aide aux nouveaux sans-abri<br />

circonstanciels d’aujourd’hui – qui<br />

deviendront, demain, des sans-abri<br />

«naturels». Ils représentent une sorte<br />

d’empêchement au déploiement sans<br />

heurts de la bannière de «la solidarité<br />

de spectacle», pour reprendre une expression<br />

chère à Jn Anil Louis-Juste,<br />

crapuleusement assassiné deux heures<br />

avant le séisme [voir sur ce site<br />

l’article en date du 25 janvier 2010].<br />

Deuxième révélation de M. Bellerive:<br />

la «solidarité de spectacle» qui<br />

se déploie à Port-au-Prince n’entend<br />

aucunement s’attaquer au problème<br />

structurel de l’habitat du pays,<br />

plus dévastateur que le séisme luimême.<br />

Le premier ministre est clair<br />

là-dessus dans ses sous-entendus:<br />

il y avait déjà des sans-abri à Portau-Prince<br />

et c’était naturel. Pourquoi<br />

alors la présence de quelques milliers<br />

de plus, fûssent-ils des centaines de<br />

milliers, voire 1 million, serait-elle<br />

un problème ? Comme l’a remarqué<br />

l’intellectuelle Marilena Chaui, citant<br />

l’auteur des Grundrisse, de l’Idéologie<br />

allemande et de la Critique de la philosophie<br />

du droit de Hegel, «le mode<br />

de production capitaliste est le seul<br />

à être historique d’un bout à l’autre,<br />

dans lequel il ne subsiste rien qui<br />

soit naturel. Voilà pourquoi dans ce<br />

mode de production, l’idéologie possède<br />

une force immense, car sa fonction<br />

consiste à faire entrer le naturel<br />

dans l’histoire, naturaliser ce qui est<br />

historique.» (Chaui, 2007, p. 146)<br />

Ce constat nous met dans<br />

l’obligation, au risque d’être répétitif,<br />

de démontrer le caractère socio-historique<br />

du drame de Port-au-<br />

Prince, une façon de rappeler qu’il<br />

est le produit de l’action humaine,<br />

orchestrée dans des circonstances<br />

connues. Ce qui laissera clairement<br />

entendre que ce drame était évitable<br />

et qu’il y a moyen d’éviter sa répétition<br />

à l’avenir puisqu’il ne répond<br />

à aucune nécessité vitale, naturelle,<br />

universelle, immuable ou rationnelle<br />

sinon qu’à la reproduction du mode<br />

de production qui l’a engendré: celui<br />

du capital. Il ne suffit pas que la terre<br />

tremble, le séisme fût-il de magnitude<br />

7 sur l’échelle de Ritcher, pour<br />

qu’une catastrophe de ce type en<br />

découle. D’autres conditions sociales<br />

doivent être réunies qui, dans le cas<br />

d’Haïti, ont été forgées historiquement<br />

par les puissants de ce monde.<br />

6e siècle de veines ouvertes<br />

Je ne rappellerai pas qu’Haïti<br />

a souffert de deux colonisations au<br />

début de l’ère de la modernité: une<br />

colonisation espagnole (1492-1697)<br />

et une française (1697-1803). Je rappellerai<br />

toutefois, rapidement, que<br />

l’administration moderne / coloniale<br />

française à elle seule a détruit systématiquement<br />

45 % de l’environnement<br />

haïtien durant ces 100 et quelques<br />

années. Qui n’a pas entendu parler de<br />

ces chefs-d’œuvre d’édifices en France<br />

frappés de l’inscription: «bois d’Haïti» ?<br />

Ce n’est pas une imagination littéraire<br />

prolifique qui a octroyé à Haïti le titre<br />

de «Perle des Antilles». Ces lauriers, le<br />

pays les avait gagnés en reconnaissance<br />

du volume hors pair de richesses<br />

que la France lui extrayait. J’ai une affection<br />

particulière pour la simplicité<br />

avec laquelle Benoit Joachim résume<br />

les premières conséquences de cette<br />

veine ouverte d’Haïti:<br />

«Si l’exploitation de la terre<br />

et des hommes dans la colonie de<br />

Saint-Domingue [actuelle République<br />

d’Haïti] avait puissamment<br />

contribué à enrichir la bourgeoisie<br />

française et avait accéléré le développement<br />

du capitalisme dans la<br />

métropole, par contre le peuple qui<br />

avait succédé aux esclaves dont le<br />

dur labeur avait permis cette accumulation<br />

du capital en métropole<br />

n’a hérité que de sols usés, de surfaces<br />

en grande partie calcinées, de<br />

décombres enfin.» (Joachim, 1979,<br />

p. 87)<br />

Quand la bourgeoisie plante<br />

son exploitation ouverte, éhontée,<br />

directe, brutale dans un espace, le résultat<br />

ne saurait être différent.<br />

Si l’indépendance (proclamée<br />

le 1er janvier 1804) avait ligaturé<br />

cette veine ouverte, cette saignée,<br />

l’environnement haïtien se serait<br />

certainement cicatrisé. Mais Haïti a<br />

dû signer et verser à la France une<br />

«dette» qu’elle n’a jamais contractée<br />

de 150 millions de francs or. La<br />

loi de la jungle capitaliste prévalant<br />

encore, jusqu’à présent aucun<br />

gouvernement français n’a compris<br />

la décence de rendre cet argent, injustement<br />

volé. Le paiement de cette<br />

somme – évaluée à plus de 21 milliards<br />

de dollars en 2003 – a eu sur le<br />

milieu ambiant haïtien un effet comparable<br />

à celui de la colonisation du<br />

siècle antérieur. Car les classes dominantes<br />

haïtiennes, qui n’ont point<br />

versé un centime dans les caisses de<br />

leur propre Etat jusqu’en 1920, ont<br />

sucé tout cet argent des veines des<br />

paysans et paysannes, principalement<br />

de leur production caféière, les<br />

forçant ainsi, pour assurer leur subsistance,<br />

à planter dans les surfaces<br />

en pente des cultures érosives et décapantes<br />

comme le maïs, la patate<br />

douce ou le haricot. Entre-temps, ces<br />

mêmes classes dominantes, alliées à<br />

leurs cousines européennes et nordaméricaines,<br />

foncent à vive allure<br />

dans l’exploitation de la réserve forestière<br />

du pays. Donnons une fois de<br />

plus la parole à Benoit Joachim:<br />

«L’essor sans précédent des<br />

exploitations forestières en Haïti<br />

au 19e siècle a été souligné par<br />

tous les témoins. Les bois de teinture<br />

(campêche, etc.,), d’ébénisterie<br />

(acajou), de construction (pin...)<br />

se sont imposés par leur volume<br />

croissant à l’exportation. Tous les<br />

navires quittant les ports haïtiens<br />

emportaient du campêche, (le bois<br />

rouge), ne fût-ce que comme lestage.<br />

La variété ‘bois de saline’, dont les<br />

qualités tinctoriales étaient mises<br />

en valeur par sa longue immersion<br />

de trois semaines à deux mois avant<br />

d’arriver au port d’embarquement,<br />

allait principalement au Havre, tandis<br />

que le ‘bois de ville’, de second<br />

ordre, était employé en Angleterre,<br />

en Allemagne, aux Etats-Unis.»<br />

(Ibid., pp. 202-203)<br />

Si le processus s’était arrêté<br />

là, Haïti très certainement n’aurait<br />

pas été ce qu’il est aujourd’hui. Mais<br />

non. La situation n’est pas si simple.<br />

La France esclavagiste et esclavocrate<br />

elle-même, s’estimant perdante,<br />

avait réclamé 150 millions de francs<br />

or comme «dédommagement» en<br />

échange de quoi elle a signé la reconnaissance<br />

de l’indépendance d’Haïti<br />

en 1825, assouplissant ainsi certains<br />

termes de l’embargo. Mais les Etats-<br />

Unis ont attendu jusqu’à la décennie<br />

1860 pour accomplir ce simple geste.<br />

Car l’ordre moderne, dont ils étaient<br />

en passe de devenir les nouveaux<br />

gardiens, ne prévoyait pas de place<br />

pour une République dirigée par des<br />

nègres anciens esclavisés.<br />

Ainsi, au moment où les puissants<br />

ouvrent le XXe siècle par une<br />

première grande guerre (appelée à tort<br />

Première Guerre mondiale), les Etats-<br />

Unis, tout-puissants en Amérique, et<br />

appliquant la doctrine de Monroe –<br />

«l’Amérique aux Américains», c’està-dire<br />

aux seules élites des Etats-Unis<br />

– établissent leur première occupation<br />

d’Haïti (1915-1934). Le tout premier<br />

acte de cette occupation commence<br />

par un hold-up sur la Banque centrale<br />

haïtienne. Toute la réserve d’or de la<br />

Banque de la République d’Haïti a été<br />

pillée par les marines et emportée à<br />

Washington. L’acte deux a consisté à<br />

expulser les paysans de leurs terres –<br />

ces mêmes paysans dont le dur labeur<br />

a payé le rapt français, mal nommé<br />

«dette de l’Indépendance». Ces paysans<br />

ont été «embarqués», comme à<br />

l’époque des négriers, vers les plantations<br />

Suite à la page (18)<br />

Excellence Income Tax<br />

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Tel: 305.892.5053<br />

Fax: 305.892.5058<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 7


Perspectives<br />

Port-au-Prince, d’un tremblement de terre à l’autre<br />

Par Wiener K. Fleurimond<br />

Une ordonnance du roi de France<br />

dâtant du 26 novembre 1749<br />

proclamait la bourgade de Port-au-<br />

Prince «capitale des îles sous le vent»<br />

des îles françaises d’Amérique. Par ce<br />

décret ou ordre royal venu de Paris,<br />

les fondateurs et bâtisseurs de cette<br />

cité perdue de nulle part face à la mer<br />

bleue des Caraïbes, pensaient en avoir<br />

terminé avec les maintes difficultés<br />

d’ordre techniques, topographiques et<br />

politiques qu’ils avaient rencontrées<br />

depuis le début des années 1700.<br />

Contrairement à ce qu’on dit, le Cap-<br />

Français n’a jamais été officiellement<br />

promu capitale de la colonie de Saint-<br />

Domingue.<br />

Certes, nous savons que deux<br />

autres bourgades existaient déjà et se<br />

chamaillaient pour avoir le titre et le<br />

privilège d’être la capitale de la colonie<br />

française de Saint-Domingue : il<br />

s’agissait de Léogane et de Petit-Goave.<br />

Mais vu leurs situations géographiques,<br />

les différents envoyés du roi surtout<br />

Bertrand d’Ogeron voulant marquer<br />

la grandeur de la France coloniale<br />

dans cette contrée du monde et aussi<br />

imposer son système administratif très<br />

centralisé, penchèrent pour une nouvelle<br />

ville digne du roi de France face<br />

à la prépondérance de la reine Isabelle<br />

la catholique d’Espagne. Dès la fondation<br />

effective et fort laborieuse de la<br />

ville de Port-au-Prince en 1749, qui<br />

d’ailleurs, a connu bien d’autres noms<br />

tout au long de son histoire du temps de<br />

Saint-Domingue – tous dérivés du nom<br />

de ce fameux port: Port-Royal, Port-<br />

Républicain, Port-Patriotes, voire Portaux-Crimes<br />

– cette capitale ne cessa ou<br />

ne cesse de connaître des malheurs, des<br />

drames et des catastrophes extrêmement<br />

graves.<br />

Mis à part des soubresauts politiques<br />

inhérents à toutes les capitales<br />

où siègent les institutions de l’Etat, la<br />

ville de Port-au-Prince a connu toutes<br />

ces vicissitudes que sont les pillages,<br />

les incendies, les attaques militaires,<br />

les révolutions et contrerévolutions, les<br />

destructions etc., même et surtout pendant<br />

toute la période coloniale. Elle n’a<br />

pas non plus échappé à une sorte de<br />

malédiction collective, de mauvais présages<br />

de la part des nombreux opposants<br />

à sa construction, en tout cas là<br />

où elle devait être située. Tout d’abord,<br />

un certain Meynier, ingénieur en chef<br />

envoyé par le ministère de la marine<br />

pour confirmer ou non aux autorités<br />

si le lieu choisi était le meilleur endroit<br />

pour bâtir une capitale.<br />

Après une visite et des relevés<br />

topographiques, l’ingénieur était<br />

formel : le site retenu était trop exposé<br />

à diverses calamités qu’on ne pourrait<br />

prévenir. D’autres sommités publiques<br />

s’opposèrent à ce que Port-au-Prince<br />

devienne la capitale de la colonie, entr’<br />

autres le Comte Dubois de Lamote,<br />

de son vrai nom Emmanuel Auguste<br />

de Cahideux, gouverneur de Saint-<br />

Domingue en 1751 ou encore un autre<br />

ingénieur en chef, Henri Dumoulceau.<br />

Tous, même après l’édification de la<br />

ville restèrent ardemment opposés à sa<br />

position géographique et lui prédirent<br />

de sombres années à venir. Mais les<br />

partisans de Port-au-Prince, spécialement<br />

Charles Brunier, plus connu sous<br />

le nom de marquis de Larnage, gouverneur<br />

de Saint-Domingue, considéré<br />

à juste titre, par tous les historiens<br />

comme étant le vrai père fondateur de<br />

la ville de Port-au-Prince, va mettre<br />

tout son poids dans la balance pour<br />

convaincre ses supérieurs de Paris, du<br />

bien fondé du site de Port-au-Prince et<br />

surtout de sa position stratégique pour<br />

établir la capitale coloniale de l’empire<br />

de France.<br />

Il arrive à mettre en minorité auprès<br />

du ministre de la marine les points<br />

de vue de tous les ingénieurs en chef y<br />

compris Meynier. De Larnage fera tout<br />

qui ce était en son pouvoir pour garder<br />

ce coin ancré dans la rade comme<br />

site de la future capitale. Le décret du<br />

26 novembre 1749 du roi de France<br />

consacra donc le rêve de Larnage bien<br />

après sa mort. Mais les prédictions<br />

maléfiques de Meynier demeurent et<br />

les opposants historiques n’avaient<br />

pas dit leurs derniers mots sur Portau-Prince.<br />

En effet, moins de deux années<br />

à peine, après la construction de<br />

la ville à titre de capitale, ses premiers<br />

habitants faisaient face à leur première<br />

catastrophes naturelle. Ce fût un ouragan.<br />

Il dâte du 6 juillet 1751. Certes,<br />

peu de dégâts furent signalés à part<br />

quelques cases arrachées et des toitures<br />

en chaume parties dans la nature sans<br />

laisser de trace.<br />

On n’enregistre pas non de plus<br />

de victimes humaines, selon les archives<br />

coloniales. Mais ce fut un avantgoût.<br />

Deux mois plus tard, le 20 septembre,<br />

rebelote. Un nouveau cyclone<br />

frappe cette capitale qui à la vérité ne<br />

l’est que de nom. Toujours sans faire de<br />

dégâts mais les Port-au-Princiens sont<br />

ébranlés et demeurent inquiets. Les colons<br />

se posent des questions. Et si les<br />

oiseaux de malheurs à l’instar de Meyniers<br />

et consorts avaient raison. Cette<br />

capitale en construction résisterait-elle<br />

aux assauts répétés des ondées tropicales<br />

venues de la mer ? Mais comme<br />

d’habitude quelques jours plus tard, la<br />

vie reprend ses droits et la cité replonge<br />

dans ses intrigues politiques coloniales,<br />

commerciales. Entretemps, les concepteurs<br />

de la ville s’acharnent à lui donner<br />

de l’allure et essaient d’assurer ses<br />

habitants contre d’éventuelles attaques<br />

des Anglais qui rodaient au large après<br />

leur échec à prendre pied dans l’île. Un<br />

mois après, et ce sera une première<br />

pour la capitale dans la série d’une<br />

longue liste, la terre se met à trembler<br />

sous les pieds des Port-au-Princiens, le<br />

18 octobre 1751. Deux secousses en<br />

l’espace de trois minutes.<br />

Cela secouait si fort que les habitants<br />

de la ville en étaient restés tétanisés.<br />

Pourtant, malgré ces secousses<br />

telluriques d’une grande puissance,<br />

miraculeusement la ville sort pratiquement<br />

indemne avec quelques fissures<br />

çà et là. Par précaution, toute la<br />

population de Port-au-Prince préfère<br />

gagner les rues par crainte de nouvelles<br />

secousses. Curieusement, les<br />

Meynier et compagnie vont avoir raison.<br />

Depuis ce 18 octobre 1751, en effet,<br />

la ville coloniale va vivre une succession<br />

de phénomènes inexpliquée.<br />

Pendant presqu’un mois des bruits et<br />

des gémissements vont rendre la vie<br />

impossible dans la cité. Les habitants<br />

pris de panique ne savent plus où se<br />

positionner car la terre n’arrête pas de<br />

secouer. Des secousses plus ou moins<br />

distancées affolent la population.<br />

En fait, Port-au-Prince avait raison<br />

de s’inquiéter car le malheur était<br />

à ses portes plus justement sous les<br />

pieds de ses habitants. Le 21 novembre<br />

1751, soit tout juste un mois après les<br />

premières secousses, ce que les gens<br />

considéraient à l’époque comme le<br />

tremblement du siècle frappait Port-au-<br />

Prince. Il était aux environs de 8 heures<br />

du matin ce 21 novembre quand le<br />

coup fatal est tombé sur la ville. C’est<br />

l’auteur de la célèbre somme historique<br />

intitulée Port-au-Prince au cours des<br />

ans, l’historien Georges Corvington,<br />

citant le non moins célèbre historien<br />

français Moreau de Saint-Rémy, qui a<br />

décrit cette scène d’épouvante dont le<br />

reportage donne froid dans le dos.<br />

Selon Corvington, qui reprend le<br />

récit de Moreau de Saint-Rémy : «le 21<br />

novembre à 8 heures du matin, durant<br />

un calme profond, il y eut une légère<br />

secousse de tremblement de terre à<br />

Port-au-Prince. Des secousses plus violentes<br />

suivirent. Une seule des maisons<br />

de maçonnerie ne fut pas renversée.<br />

Les casernes, le magasin général et<br />

une aile de l’intendance s’écroulèrent.<br />

Le 22, les bâtiments qui avaient résisté<br />

la veille furent détruits, et du 19<br />

Comme lors du séisme du 12 janvier dernier après la destruction quasi<br />

complète de Port-au-Prince le 3 juin 1770, tout le monde s’était réfugié<br />

sous des tentes de fortune<br />

au 22, la terre ne fut pas stable un seul<br />

instant…Du 22 novembre au 8 décembre<br />

il y eut 25 secousses…» (G. Corvington.<br />

Port-au-Prince au cours des<br />

ans, 2 ème édition, p. 37). Toujours selon<br />

Georges Corvington «Durant ces jours<br />

d’angoisse, la population vit sous la<br />

tente: Port-au-Prince est transformé<br />

en un camp de bédouins…».<br />

Plusieurs semaines après le séisme<br />

du 12 janvier, la terre continue<br />

encore de trembler à Port-au-Prince, les<br />

habitants vivent dans l’angoisse et une<br />

sorte de psychose a envahi la capitale<br />

ainsi que les autres villes touchées par<br />

ce terrible cataclysme. Aujourd’hui,<br />

l’on s’étonne de l’effondrement de tous<br />

les bâtiments publics et des édifices<br />

religieux, suite à la catastrophe du 12<br />

janvier 2010. Et si l’on regardait ce qui<br />

s’était passé lors de la première destruction<br />

de Port-au-Prince par un tremblement<br />

de terre. Dans son Port-au-Prince<br />

au cours des ans, Corvington nous<br />

donne un bilan assez exhaustif de ce<br />

malheur: «le bilan du désastre est impressionnant.<br />

Des rares maisons encore<br />

debout, pas une qui ne soit lézardée.<br />

Les édifices gouvernementaux sont<br />

renversés ou gravement endommagés.<br />

L’église est en ruine. Les fortification<br />

n’ont pas mieux tenu : la batterie de<br />

l’Islet est complètement hors d’usage<br />

et celle des Trois-Joseph anéantie…».<br />

Cela ne vous rappelle rien?<br />

A partir de cette description du<br />

bilan d’un séisme datant de 1751 dans<br />

une ville qui n’était en fait qu’un village<br />

de peu d’âmes et dont l’habitat urbain<br />

n’était constitué que de quelques<br />

maisonnettes plantées sur de vastes<br />

terrains, on peut comprendre le bilan<br />

désastreux en vie humaine et en matériels<br />

d’un tremblement de terre de<br />

magnitude 7,5 sur l’échelle de Richter<br />

dans une métropole de près de trois<br />

millions d’habitants avec une urbanisation<br />

à outrance et sans contrôle. Mais<br />

l’histoire de destruction quasi totale hier<br />

de la capitale de Saint-Domingue et de<br />

nos jours d’Haïti à chaque tremblement<br />

de terre ne s’arrêtera pas là. Les prédictions<br />

des ingénieurs-architectes de la<br />

colonie semblent partir pour durer. Ce<br />

lieu ne leur inspirait pas de confiance.<br />

Et aujourd’hui, plus que jamais la capitale<br />

fait peur.<br />

Scientifiquement, on connaît<br />

maintenant avec certitude les causes<br />

pouvant transformer Port-au-Prince<br />

en un tombeau vivant capable de se<br />

refermer sur ses habitants à tout moment.<br />

Le tremblement de terre de 1751<br />

qui l’avait ruiné n’avait pas pour autant<br />

ralenti son développement et son<br />

expansion. Quelques semaines après<br />

avoir pansé les plaies et secouru les<br />

premiers sinistrés de Port-au-Prince,<br />

la ville se lança dans sa reconstruction<br />

sous la houlette des autorités coloniales<br />

toutes dévouées corps et âme au roi<br />

de France. A l’époque, c’était chacun<br />

pour soi. L’entité abstraite dénommée<br />

Communauté internationale n’existait<br />

point. Les Etats devaient se débrouiller<br />

tout seuls.<br />

Les dirigeants devaient être à la<br />

hauteur de leurs tâches et de leurs responsabilités.<br />

Un chef ne pleurnichait<br />

pas sur son sort. Il savait qu’il devait<br />

prendre les choses en main. D’ailleurs,<br />

le royaume de France ne permettrait pas<br />

de venir aider les sujets de sa majesté le<br />

roi. C’est une question de principe, de<br />

grandeur, de puissance et de dignité,<br />

voire d’orgueil. Bref, Port-au-Prince, la<br />

capitale des îles sous le vent, possession<br />

française d’Amérique allait renaître<br />

de ses cendres avec le seul courage<br />

et les moyens humains, financiers, et<br />

la volonté politique de Paris. En un<br />

temps record Port-au-Prince reprenait<br />

ses airs de capitale tropicale française.<br />

Tous les bâtiments publics et religieux<br />

furent reconstruits, les maisons endommagées<br />

ou détruites laissaient place à<br />

de nouvelles constructions flambant<br />

neuves.<br />

Les places publiques, les monuments<br />

et autres ornements de la ville<br />

furent tous refaits à neuf. Et les Portau-Princiens,<br />

insouciants oublièrent<br />

vite les effets du cataclysme. Ils avaient<br />

tort. Meynier, Dumoulceau et l’exgouverneur<br />

le Comte Dubois de Lamote<br />

n’en démordaient pas. Ils restaient<br />

persuadés que Port-au-Prince serait<br />

rayé de la carte. Comment ? Ils ignoraient.<br />

Mais cette cité antillaise ne survivra<br />

point dans le temps. Et jusqu’à<br />

aujourd’hui, la nature s’acharnera à<br />

donner raison à ceux qui n’en voulaient<br />

pas de l’emplacement pour la capitale.<br />

Moins de vingt ans après le séisme<br />

qu’on croyait être le tremblement du<br />

siècle, un autre encore plus terrifiant<br />

frappa à nouveau la capitale coloniale.<br />

Nous sommes fin mai 1770. Après une<br />

série d’éléments bizarres et de phénomènes<br />

apparus dans le ciel, ce sont<br />

des petites secousses à répétitions qui<br />

agitent la terre et qui rendent nerveux<br />

les habitants de Port-au-Prince.<br />

Et puis survint ce triste 3 juin<br />

1770. Alors qu’une chaleur étouffante<br />

rendait la respiration impossible il était<br />

sept heures du soir quand soudain une<br />

secousse renversa tout par terre et projeta<br />

les gens face contre terre. Alexandre<br />

Pétion, âgé seulement de deux<br />

mois n’a eu la vie sauve que par miracle.<br />

La maison de ses parents située à la<br />

rue du Peuple ci-devant rue d’Orléans<br />

s’était effondrée. Dans le sauve-quipeut<br />

on avait oublié de prendre le futur<br />

Président d’Haïti dans son berceau.<br />

Une tante qui s’en était souvenue se<br />

précipita dans la maison et sauva le<br />

petit Alexandre de justesse. Dans la<br />

nuit et la panique, ce fût l’affolement<br />

général. Le récit qu’a fait l’historien de<br />

la colonie, Moreau de Saint-Rémy dans<br />

son inimitable Description dépasse<br />

l’imagination.<br />

Selon l’auteur, rapporté par<br />

Georges Corvington dans son Portau-Prince<br />

au cours des ans, tome I,<br />

ce fut: une nuit d’effroi, peuplée de<br />

cauchemars et de ruines, qui paraîtra<br />

éternelle. Mais cet esprit curieux ne<br />

s’est pas seulement contenté de donner<br />

son impression sur cette horreur, il<br />

a aussi décrit ce qu’il a vu : « Le jour<br />

montra toute l’horreur de cette scène<br />

déchirante. Un sol entr’ouvert en mille<br />

endroits, des défenseurs de la patrie<br />

ensevelis sous les ruines des casernes<br />

ou des hôpitaux, des prisonniers écrasés<br />

sous les débris de la geôle, les montagnes<br />

voisines de la ville dégradées<br />

et affaissées ; enfin, des monceaux de<br />

décombres couvrant toute l’étendue<br />

d’une ville où il n’y avait d’autre abri<br />

que celui des arbres qui indiquaient<br />

la direction des rues ; tel était le<br />

tableau que contemplaient les infortunés,<br />

s’estimant trop heureux encore,<br />

lorsqu’ils n’avaient à déplorer que les<br />

pertes de la fortune, et qu’ils ne découvraient<br />

aucun objet cher à leur tendresse<br />

parmi deux cents cadavres »<br />

Corvington, ibid. p. 75-76). Comme<br />

lors du séisme du 12 janvier dernier<br />

après la destruction quasi complète de<br />

Port-au-Prince le 3 juin 1770, tout le<br />

monde s’était réfugié sous des tentes de<br />

fortune cousues avec les voiles des bateaux<br />

qui étaient ancrés dans le port. Le<br />

temps que l’aide arrive de la métropole,<br />

il fallait donner à manger et à boire à la<br />

population de la capitale.<br />

Les autorités coloniales eurent<br />

vite fait de réquisitionner tous les fours<br />

de terre miraculeusement épargnés<br />

pour procéder à la fabrication de pain.<br />

De même que l’eau était toute de suite<br />

placée sous l’autorité du gouverneur<br />

afin de permettre à ce que toutes les<br />

victimes reçoivent de quoi étancher leur<br />

soif. D’ailleurs, sans distinction de rang<br />

et de classe : les blanc, les mulâtres et<br />

les nègres libres ou esclaves, les militaires,<br />

commerçants et ouvriers réunissaient<br />

leur force sous ordre des autorités<br />

pour acheminer l’eau depuis les collines<br />

des montagnes avoisinantes jusqu’en<br />

ville. Après le passage de catastrophes,<br />

cyclones, ouragans, tremblements de<br />

terre et incendies, on le sait, le manque<br />

de nourriture et d’eau constitue les<br />

meilleurs alliés naturels pour prolonger<br />

la souffrance de ceux qui ont la chance<br />

d’en sortir vivants.<br />

Aussi, il est impératif que ceux<br />

qui coordonnent l’aide, qu’elle soit<br />

nationale ou internationale prennent<br />

bien soin de procéder à une répartition<br />

équitable au sein de la population des<br />

produits de première nécessité. Comme<br />

on le voit, ce genre de tremblement<br />

de terre meurtrier reste coutumier à<br />

Port-au-Prince. La ville était encore<br />

en construction quand elle fut détruite<br />

et tout au long de sa construction les<br />

habitants de cette cité subissaient les<br />

chocs des éléments qui restent pour<br />

le moment incontrôlables. Dans le cas<br />

où l’on fait le choix de conserver cette<br />

ville dans sa position actuelle, il ne<br />

fait aucun doute qu’on n’aura pas fini<br />

avec les tremblements de terre. Seule<br />

une bonne gestion politique, administrative,<br />

technique et scientifique peut<br />

aider non pas à empêcher les désastres<br />

du type du 12 janvier 2010 mais<br />

au moins à les prévenir et par la même<br />

occasion à sauver le plus de vie humaines<br />

possibles et ce qui peut l’être<br />

sur le plan matériel.<br />

Comme l’avait prévu l’ingénieur<br />

en chef Meynier, le site de Port-au-<br />

Prince n’était pas le meilleur endroit<br />

pour construire la capitale de la colonie<br />

française de Saint-Domingue en 1749.<br />

Ni celle de l’Empire d’Haïti en 1804,<br />

en effet on peut se rappeler que Dessalines<br />

avait préféré Marchand dans le<br />

centre du pays (encore que ce fut un<br />

choix politique). Ni celle du royaume<br />

d’Haïti avec Christophe en 1806, ni<br />

enfin celle de la République d’Haïti en<br />

1807 puisque depuis, Port-au-Prince<br />

a connu bien d’autres tremblements<br />

de terre aussi violents et meurtriers<br />

que le dernier en date. Aujourd’hui, la<br />

balle se trouve dans le camp de nos dirigeants<br />

politiques, de nos scientifiques,<br />

d’ingénieurs et architectes en chef pour<br />

déterminer quel est le meilleur choix<br />

pour doter Haïti d’une capitale où ses<br />

habitants pourront vivre en toute quiétude.<br />

8<br />

Haïti Liberté<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010


This Week in <strong>Haiti</strong><br />

500 women march on MINUSTAH<br />

and U.S. Embassy to demand<br />

“Tents, not guns!”<br />

Brian Jackson/Millenials Project<br />

U.S. brags <strong>Haiti</strong> response<br />

is a “Model” while more<br />

than a million <strong>Haiti</strong>ans<br />

remain homeless<br />

Over 500 women marched 7 miles from Carrefour Aviation to the US Embassy in Tabarre.<br />

by Christian Guerrier and Brian<br />

Jackson<br />

Christian Guerrier and Brian<br />

Jackson, both based in the Miami,<br />

Florida area, visited <strong>Haiti</strong> from Feb. 1<br />

- 9. They are with the Millennials Project,<br />

an organization dedicated to the<br />

empowerment of women.<br />

We traveled to <strong>Haiti</strong> with the idea<br />

that women would emerge to lead<br />

in rebuilding and reshaping the country’s<br />

future after the devastating Jan.<br />

12 th earthquake. Arriving by bus from<br />

the Dominican Republic, we stayed in<br />

makeshift tents at Port-au-Prince’s Carrefour<br />

Aviation Base, near the community<br />

of Pont Rouge, where Christian had<br />

lived as a boy.<br />

Prior to our arrival, we had heard<br />

from news reports that women were<br />

having difficulty obtaining the aid that<br />

was being distributed. When we arrived,<br />

it appeared that nobody was receiving<br />

such aid. It was quite clear that the most<br />

pressing need among the hundreds of<br />

thousands of internally displaced was<br />

tents. Having toured much of Port–au–<br />

Prince by car, we had observed no more<br />

than a few hundred tents spread between<br />

a handful of locations. Throughout the<br />

week, we spent the better part of our<br />

time organizing the women at Carrefour<br />

Aviation and going back and forth to<br />

the United Nation’s Mission to Stabilize<br />

<strong>Haiti</strong> (MINUSTAH) Logistics Base, in the<br />

airport’s northeast corner, where most of<br />

the foreign aid groups were stationed.<br />

We spoke with no less than two dozen<br />

representatives from organizations such<br />

as the UN Children’s Fund (UNICEF),<br />

the UN Refugee Agency (UNHCR), the<br />

International Organization for Migration<br />

(IOM), The Red Cross, the World Health<br />

Organization (WHO) and the UN World<br />

Food Programme (WFP), none of whom<br />

could tell us how many tents were available,<br />

where they were, or why they<br />

were not being distributed.<br />

The general consensus was that<br />

IOM was primarily responsible for the<br />

handling of tents, however, when we<br />

met with its representative, Louis (no<br />

last name provided), he claimed that the<br />

organization’s resources had dried up,<br />

that there was no cache of tents waiting<br />

for distribution. “Unless the American<br />

people decide to turn the tap back on,<br />

there’s nothing we can do,” he said.<br />

The following day, we met a UN-<br />

HCR representative. The organization<br />

supplies tents for the camps of many<br />

internally displaced people around the<br />

world, but it is not mandated to work<br />

in <strong>Haiti</strong>. He explained to us that UN-<br />

HCR had offered to provide additional<br />

tents, but was told by the IOM that it<br />

had “more than enough.”<br />

We finally attempted to have a<br />

group of eight women from the Pont<br />

Rouge community admitted to the MI-<br />

NUSTAH Base to speak directly with the<br />

representatives of these NGOs, who generally<br />

did not want to cooperate with the<br />

Millenials Project, it being a new U.S.-<br />

based organization that they had never<br />

heard of. These women (called the <strong>Haiti</strong>an<br />

Women’s Leadership Council) could<br />

assess and articulate the needs of their<br />

community better than any foreign team<br />

of aid workers possibly could, and they<br />

were willing and able to coordinate the<br />

distribution of materials. Despite making<br />

the effort of traveling to the MINUSTAH<br />

Base, the women were not even allowed<br />

in the gate of the walled-in compound.<br />

The two of us went into the base to talk<br />

with NGO representatives, but they refused<br />

to admit the women’s delegation.<br />

It was turned away.<br />

After getting no help and no answers<br />

except those that we ourselves<br />

were able to deduce from a series of<br />

verbal inconsistencies, we decided with<br />

the women to organize a public demonstration.<br />

Since the <strong>Haiti</strong>an Women’s<br />

Leadership Council would not be admitted<br />

into the MINUSTAH base to voice<br />

their concerns, we chose to have a<br />

mass march to the base the following<br />

day. Throughout the week, huge rallies<br />

had been taking place each afternoon<br />

at an amphitheater located in the Carrefour<br />

Aviation area. By Thursday, Feb.<br />

4, we had amassed about 500 people<br />

from the community.<br />

The march took place on Friday,<br />

Feb. 5 th , led by a banner reading January<br />

12 Movement to Liberate <strong>Haiti</strong>an<br />

Women. Beginning at Pont Rouge, the<br />

crowd of over 500 women marched 20<br />

abreast, with a number of men providing<br />

a protective security perimeter<br />

around the women. The demonstrators<br />

came first to the airport, stopping all<br />

traffic along the way. They then proceeded<br />

to the Central Directorate of the<br />

Judicial Police (DCPJ), which has also<br />

been President René Préval’s residence<br />

and office since the disaster.<br />

The demonstrators briefly blocked<br />

the DCPJ’s entrance as they marched by.<br />

<strong>Haiti</strong>an police began hitting the men<br />

guarding the demonstration’s perimeter<br />

with clubs. Despite this provocational<br />

brutality, the protestors remained<br />

commendably peaceful throughout the<br />

march. People joined the procession as<br />

it passed. The protestors joined hands,<br />

singing traditional <strong>Haiti</strong>an songs and<br />

chanting the slogan “Tents, not guns!”<br />

in Kreyòl. The march paused again in<br />

front of the MINUSTAH Base, and then<br />

finally continued on to the U.S. Embassy<br />

in Tabarre. The entire march from<br />

Pont Rouge to Tabarre is about 7 miles.<br />

In a radio address, President<br />

Préval claimed to have heard about the<br />

march and commented that it should<br />

not happen again.<br />

On the evening of Feb. 7, it rained<br />

for the first time since the earthquake,<br />

auguring the rainy season which starts<br />

in March. The vast majority of residents<br />

in <strong>Haiti</strong>’s “sheet cities” still have<br />

no tents to shelter them.<br />

On Feb. 9, the January 12 Movement<br />

to Liberate <strong>Haiti</strong>an Women, again<br />

with the Millenials Project’s support,<br />

staged a sit–in on the Champs de Mars<br />

outside the Plaza Hotel, where CNN had<br />

been staying. About 50 demonstrators<br />

held signs reading “Tents Now, Politics<br />

Later” and “End U.N. Racism.”<br />

The two groups have initiated<br />

plans for another demonstration in<br />

Port-au-Prince to be held on Mar. 8,<br />

International Women’s Day. Women’s<br />

organizations from around <strong>Haiti</strong> have<br />

been invited to help organize the event,<br />

which organizers hope will bring out<br />

thousands of women from around <strong>Haiti</strong><br />

and its capital.<br />

Brian Jackson/Millenials Project<br />

The demonstrators had received<br />

no aid and needed tents before the<br />

rainy season.<br />

by Bill Quigley.<br />

Despite the fact that over a million<br />

people remained homeless in <strong>Haiti</strong><br />

one month after the earthquake, the<br />

U.S. Ambassador to <strong>Haiti</strong>, Ken Merten,<br />

is quoted at a State Department briefing<br />

on February 12 as saying: “In terms of<br />

humanitarian aid delivery…frankly,<br />

it’s working really well, and I believe<br />

that this will be something that people<br />

will be able to look back on in the future<br />

as a model for how we’ve been<br />

able to sort ourselves out as donors<br />

on the ground and responding to an<br />

earthquake.”<br />

What? <strong>Haiti</strong> is a model of how<br />

the international government and donor<br />

community should respond to an<br />

earthquake? The Ambassador must be<br />

overworked and need some R&R. Look<br />

at the facts.<br />

The UN Office for the Coordination<br />

of Humanitarian Affairs (OCHA)<br />

reported Feb. 11 there are still 1.2<br />

million people living in “spontaneous<br />

settlements” in and around Port-au-<br />

Prince as a result of the Jan. 12 earthquake.<br />

These spontaneous settlements<br />

are sprawling camps of homeless <strong>Haiti</strong>an<br />

children and families living on the<br />

ground under sheets.<br />

Over 300,000 are in camps in<br />

Carrefour, nearly 200,000 in Port au<br />

Prince, and over 100,000 each in Delmas,<br />

Pétionville and Léogane according<br />

to the UN.<br />

About 25,000 people are camped<br />

out on one golf course in Pétionville.<br />

Hundreds of thousands of others are<br />

living in soccer fields, church yards,<br />

on hillsides, in gullies, and even on the<br />

strips of land in the middle of the street.<br />

The UN has identified over 300 such<br />

spontaneous settlements. The Red<br />

Cross reports there are over 700.<br />

The UN reported that barely one<br />

in five of the people in camps have<br />

received tents or tarps as of Feb. 11.<br />

Eighty percent of the hundreds of thousands<br />

of children and families still live<br />

on the ground under sheets.<br />

Many of these camps are huge.<br />

Nineteen of these homeless camps in<br />

the Port au Prince area together house<br />

180,000 people. More than half of these<br />

camps are so spontaneous that there is<br />

no organization in the camp to even<br />

comprehensively report their needs.<br />

Another half a million people have<br />

left Port-au-Prince, most to the countryside.<br />

As a result, there are significant<br />

food problems in the countryside. About<br />

168,000 internally displaced people are<br />

living along the border with the Dominican<br />

Republic, many with families. Others<br />

are in “spontaneous settlements” of<br />

up to a 1000 people.<br />

People living in these densely<br />

populated camps will be asked to move<br />

to more organized settlements outside<br />

the city. Relocation, says the UN, will<br />

be on a voluntary basis.<br />

The U.S. Ambassador knows full<br />

well there are 900 or so aid agencies<br />

are on the ground in <strong>Haiti</strong>. Coordination<br />

and communication between those<br />

agencies and between them and the<br />

<strong>Haiti</strong>an government continues to be a<br />

very serious challenge.<br />

Though many people are trying<br />

hard to meet the survival needs of<br />

<strong>Haiti</strong>, no one besides the Ambassador<br />

dares say that it is a model of how to<br />

respond. Partners in Health director Dr.<br />

Louise Ivers reported on the very same<br />

day that “there is more and more misery”<br />

in Port-au-Prince. Fears of typhoid<br />

and dysentery haunt the camps as the<br />

rainy season looms.<br />

But still the <strong>Haiti</strong>an spirit prevails.<br />

Everyone who has been to <strong>Haiti</strong><br />

since the earthquake reports inspiring<br />

stories of <strong>Haiti</strong>ans helping <strong>Haiti</strong>ans despite<br />

the tragically inadequate response<br />

of the <strong>Haiti</strong>an government and the international<br />

community. That spirit is<br />

something people should admire. Let<br />

me finish with a story that illustrates.<br />

One orphanage outside of Port-au-<br />

Prince, home to 57 children, was promised<br />

a big tent so the children would no<br />

longer have to sleep under the stars. The<br />

tent arrived but without poles to hold it<br />

up. The same group was promised food<br />

from UNICEF. Twelve days later, no food<br />

had arrived. They improvised and constructed<br />

scaffolding to create an awning<br />

over the mattresses lying on the dirt.<br />

They are finding food from anywhere<br />

they can. “We’re holding on,” said the<br />

<strong>Haiti</strong>an director Etienne Bruny, “We’re<br />

used to difficult times.”<br />

<strong>Haiti</strong>ans are holding on despite<br />

the inadequate humanitarian response.<br />

They are the model.<br />

Bill Quigley is the legal director<br />

of the Center for Constitutional Rights<br />

and a frequent visitor to <strong>Haiti</strong> for human<br />

rights work over the past decade.<br />

You can reach him at Quigley77@<br />

gmail.com.<br />

CUNY’s Evening in Solidarity with the<br />

People of <strong>Haiti</strong><br />

On Friday, Feb. 19 at 5:30<br />

p.m., the Professional Staff Congress<br />

(PSC), which represents the<br />

faculty and staff at CUNY, is hosting<br />

an Evening in Solidarity with<br />

the People of <strong>Haiti</strong>. Please join us<br />

for this important opportunity to<br />

expand the public conversation<br />

about the earthquake, to show<br />

our solidarity as a union with the<br />

people of <strong>Haiti</strong>, and to raise money<br />

for rebuilding <strong>Haiti</strong>an universities<br />

and continuing relief work on the<br />

island.<br />

The evening will include <strong>Haiti</strong>an<br />

food and music, as well as a<br />

panel discussion about the political<br />

and economic histories that converged<br />

to make the January 12<br />

earthquake so catastrophic. As we<br />

learned from Hurricane Katrina,<br />

there are no “natural” disasters.<br />

The panel will be followed by an<br />

open discussion, in which we hope<br />

to explore how the earthquake has<br />

and has not been covered in the<br />

media, how it has affected the <strong>Haiti</strong>an<br />

community, and how we as a<br />

union might respond. New York’s<br />

<strong>Haiti</strong>an community includes many<br />

PSC members and CUNY students,<br />

some of whom suffered devastating<br />

losses last month. The event is also<br />

a gesture of solidarity with them.<br />

All are welcome. Please let us<br />

know if you plan to come, because<br />

we need to have an idea of numbers<br />

in ordering food. Come for all<br />

or part of the evening:<br />

5:30-6:30: Dinner.<br />

6:30-8:00: Panel and Discussion.<br />

8:00-9:30: Film.<br />

The event will take place at<br />

the PSC Union Hall, 61 Broadway,<br />

16th floor, in Manhattan. The<br />

building in which we are located<br />

requires photo I.D. for entrance.<br />

Suggested contribution: $40 ($10<br />

for students and those on lower<br />

incomes). All funds raised will go<br />

toward rebuilding <strong>Haiti</strong>an universities<br />

and supporting the relief work<br />

of Doctors without Borders. RSVP:<br />

mberger@pscmail.org or (212)<br />

354-1252.<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 9


COMM<strong>EN</strong>T LES<br />

PUISSANCES<br />

COLONIALES<br />

MAINTI<strong>EN</strong>N<strong>EN</strong>T<br />

SOMALIE DANS<br />

LE CHAOS ?<br />

Interview de Mohamed Hassan<br />

Des navires européens et asiatiques ont profité de cette situation chaotique pour pêcher le long des côtes<br />

somaliennes sans aucune licence et sans respecter des règles élémentaires<br />

Par Grégoire Lalieu et Michel Collon<br />

La Somalie avait tout pour réussir : une situation géographique avantageuse, du pétrole, des minerais et, fait plutôt<br />

rare en Afrique, une seule religion et une seule langue pour tout le territoire. La Somalie aurait pu être une grande<br />

puissance de la région. Mais la réalité est toute différente : famine, guerres, pillages, pirates, attentats… Comment<br />

ce pays a-t-il sombré? Pourquoi n’y a-t-il pas de gouvernement somalien depuis presque vingt ans? Quels scandales<br />

se cachent derrière ces pirates qui détournent nos navires? Dans ce nouveau chapitre de notre série « Comprendre<br />

le monde musulman », Mohamed Hassan nous explique pourquoi et comment les puissances impérialistes<br />

ont appliqué en Somalie une théorie du chaos.<br />

Grégoire LALIEU & Michel COLLON : Comment la piraterie s’est-elle développée en Somalie? Qui sont ces<br />

pirates?<br />

Mohamed Hassan : Depuis 1990, il n’y a plus de gouvernement en Somalie. Le pays est aux mains des seigneurs<br />

de guerre. Des navires européens et asiatiques ont profité de cette situation chaotique pour pêcher le long des<br />

côtes somaliennes sans aucune licence et sans respecter des règles élémentaires. Ils n’ont pas respecté les quotas en<br />

vigueur dans leurs propres pays pour préserver les espèces et ont employé des techniques de pêche – notamment des<br />

bombes! – qui ont créé d’énormes dégâts aux richesses des mers somaliennes.<br />

Ce n’est pas tout ! Profitant également de cette absence d’autorité politique, des compagnies européennes, avec<br />

l’aide de la mafia, ont déversé des déchets nucléaires aux larges des côtes somaliennes. L’Europe était au courant, mais<br />

a fermé les yeux car cette solution présentait un avantage pratique et économique pour le traitement des déchets nucléaires.<br />

Or, le tsunami de 2005 a déposé une grande partie de ces déchets jusqu’aux terres somaliennes. Et d’étranges<br />

maladies sont apparues pour la première fois au sein de la population. Voilà le contexte dans lequel la piraterie s’est<br />

principalement développée. Les pêcheurs somaliens, qui disposent de techniques rudimentaires, n’étaient plus en<br />

mesure de travailler. Ils ont donc décidé de se protéger ainsi que leurs mers. C’est exactement ce que les Etats-Unis<br />

ont fait durant la guerre civile contre les Britanniques (1756 – 1763): ne disposant pas de forces navales, le président<br />

Georges Washington passa un accord avec des pirates pour protéger les richesses des mers américaines.<br />

Le dernier président Somalien Siad<br />

Barre<br />

Grégoire LALIEU & Michel COLLON : Pas d’Etat somalien depuis presque vingt ans! Comment cela est-il<br />

possible?<br />

Mohamed Hassan : C’est le résultat d’une stratégie américaine. En 1990, le pays est meurtri par les conflits,<br />

la famine et les pillages, et l’Etat<br />

s’effondre. Face à une telle situation,<br />

les Etats-Unis, qui ont découvert<br />

quelques années auparavant<br />

des réserves de pétrole en Somalie,<br />

lancent l’opération Restore Hope<br />

en 1992. Pour la première fois, des<br />

Marines US interviennent en Afrique<br />

pour essayer de prendre le contrôle<br />

d’un pays. Pour la première fois aussi,<br />

une invasion militaire est déclenchée<br />

au nom de l’ingérence humanitaire.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Le fameux sac de riz exhibé<br />

sur une plage somalienne par<br />

Bernard Kouchner ?<br />

Mohamed Hassan : Oui, tout<br />

le monde se souvient de ces images<br />

soigneusement mises en scène. Mais<br />

les véritables raisons étaient stratégiques.<br />

En effet, un document du département<br />

d’Etat US préconisait que<br />

les Etats-Unis se maintiennent comme<br />

seule et unique superpuissance<br />

mondiale suite à la chute du bloc soviétique.<br />

Pour accomplir cet objectif,<br />

il recommandait d’occuper une position<br />

hégémonique en Afrique, très<br />

riche en matières premières.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Restore Hope sera pourtant<br />

un échec. Le film hollywoodien<br />

La chute du faucon noir a marqué<br />

les esprits, avec ses pauvres G.I.’s «<br />

assaillis par de méchants rebelles somaliens<br />

»…<br />

Mohamed Hassan : En effet,<br />

les soldats US seront vaincus par une<br />

résistance nationaliste somalienne.<br />

Depuis lors, la politique des Etats-<br />

Unis a été de maintenir la Somalie<br />

sans véritable gouvernement, voire<br />

de la balkaniser. La vieille stratégie<br />

britannique, d’ailleurs appliquée en<br />

de nombreux endroits : mettre en<br />

place des Etats faibles et divisés pour<br />

mieux tirer les ficelles. Voilà pourquoi<br />

il n’y a pas d’Etat somalien depuis<br />

presque vingt ans. Les Etats-Unis<br />

ont une espèce de théorie du chaos<br />

afin d’empêcher toute réconciliation<br />

somalienne et maintenir le pays divisé.<br />

Mohamed Hassan est un spécialiste<br />

de la géopolitique et du monde arabe<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Au Soudan, suite<br />

à la guerre civile, Exxon a dû quitter<br />

le pays après y avoir découvert<br />

du pétrole. Alors, laisser la Somalie<br />

plongée dans le chaos n’est-ce pas<br />

contraire aux intérêts des Etats-Unis<br />

qui ne peuvent y exploiter le pétrole<br />

découvert?<br />

Mohamed Hassan :<br />

L’exploitation du pétrole somalien<br />

n’est pas leur objectif prioritaire. Les<br />

Etats-Unis savent que les réserves<br />

sont là et n’en ont pas besoin dans<br />

l’immédiat. Deux éléments sont<br />

beaucoup plus importants dans leur<br />

stratégie. Tout d’abord, empêcher<br />

les compétiteurs de négocier avantageusement<br />

avec un Etat somalien<br />

riche et puissant. Vous parlez du Soudan,<br />

la comparaison est intéressante.<br />

Le pétrole que des compagnies pétrolières<br />

y ont découvert il y a trente<br />

ans, le Soudan le vend aujourd’hui<br />

aux Chinois. La même chose pourrait<br />

se produire en Somalie. Lorsqu’il<br />

était président du gouvernement de<br />

transition, Abdullah Yusuf s’était<br />

d’ailleurs rendu en Chine, bien qu’il<br />

fût soutenu par les Etats-Unis. Les<br />

médias US avaient vivement critiqué<br />

cette visite. Le fait est que les<br />

Etats-Unis n’ont aucune garantie<br />

sur ce point : si un gouvernement<br />

somalien voit le jour demain, peu<br />

importe sa couleur politique, il pourrait<br />

très bien adopter une stratégie<br />

indépendante des Etats-Unis et commercer<br />

avec la Chine. Les impérialistes<br />

occidentaux ne veulent donc<br />

pas d’un Etat somalien fort et uni. Le<br />

deuxième objectif poursuivi par cette<br />

théorie du chaos est lié à la situation<br />

géographique de la Somalie, qui est<br />

stratégique pour les impérialistes des<br />

Etats-Unis et de l’Europe réunis.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Stratégique pourquoi?<br />

Mohamed Hassan : Le contrôle<br />

de l’Océan Indien, regardez la<br />

carte. Comme je l’ai dit, les puissances<br />

occidentales portent une lourde part<br />

de responsabilité dans le développement<br />

de la piraterie en Somalie. Mais<br />

plutôt que de dire la vérité et payer<br />

des compensations pour ce qu’elles<br />

ont fait, ces puissances criminalisent<br />

le phénomène afin de justifier leurs<br />

positions dans la région. Sous prétexte<br />

de combattre la piraterie, l’Otan<br />

positionne sa marine militaire dans<br />

l’Océan Indien.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Le véritable objectif?<br />

Mohamed Hassan : Contrôler<br />

le développement économique des<br />

puissances émergentes, principalement<br />

l’Inde et la Chine. En effet, la<br />

moitié de la flotte mondiale des porteconteneurs<br />

et 70% du trafic total des<br />

produits pétroliers passent par l’Océan<br />

Indien. De ce point de vue stratégique,<br />

la Somalie occupe une place<br />

importante : le pays a la plus vaste<br />

côte d’Afrique (3.300 kilomètres) et<br />

fait face au Golfe Arabe et au détroit<br />

d’Hormuz, deux centres névralgiques<br />

de l’économie de la région. De plus, si<br />

une réponse pacifique était apportée<br />

au problème somalien, les relations<br />

entre l’Afrique d’une part, l’Inde et<br />

la Chine d’autre part, pourraient se<br />

développer à travers l’Océan Indien.<br />

Ces concurrents des Etats-Unis pourraient<br />

alors avoir de l’influence dans<br />

cette région de l’Afrique. Le Mozambique,<br />

le Kenya, Madagascar, la Tanzanie,<br />

Zanzibar, l’Afrique du Sud…<br />

Tous ces pays connectés à l’Océan<br />

Indien pourraient avoir un accès facile<br />

au marché asiatique et développer<br />

des relations économiques fructueuses.<br />

Nelson Mandela, lorsqu’il était<br />

président de l’Afrique du Sud, avait<br />

d’ailleurs évoqué la nécessité d’une<br />

révolution de l’Océan Indien avec<br />

de nouvelles relations économiques.<br />

Ce projet, les Etats-Unis et l’Europe<br />

n’en veulent pas. C’est pourquoi ils<br />

préfèrent maintenir la Somalie dans<br />

le chaos.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Vous dites que les Etats-<br />

Unis ne veulent pas d’une réconciliation<br />

en Somalie. Mais quelles sont les<br />

origines des divisions somaliennes?<br />

Mohamed Hassan : Pour bien<br />

comprendre cette situation chaotique,<br />

nous devons remonter plus<br />

loin dans l’histoire de la Somalie. Ce<br />

pays a été divisé par les forces coloniales.<br />

En 1959, la Somalie devient<br />

indépendante par la fusion des colonies<br />

italienne au Sud et britannique<br />

au Nord. Mais des Somaliens vivent<br />

10<br />

Haïti Liberté<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010


également dans certaines parties<br />

du Kenya, d’Ethiopie et de Djibouti.<br />

Le nouvel Etat somalien adopte<br />

d’ailleurs comme drapeau une étoile,<br />

dont chaque branche représente une<br />

des parties de la Somalie historique.<br />

Le message derrière ce symbole étant<br />

: « Deux Somalies ont été réunies<br />

mais il en reste trois colonisées ».<br />

Devant la légitimité de ces<br />

revendications, les Britanniques - qui<br />

contrôlaient le Kenya - organisèrent<br />

un référendum dans la région de ce<br />

pays revendiquée par la Somalie.<br />

87 % de la population, provenant<br />

essentiellement d’ethnies somaliennes,<br />

se prononcèrent pour l’unité<br />

de la Somalie. Mais lorsque les résultats<br />

fûrent publiés, Jomo Kenyatta,<br />

leader d’un mouvement nationaliste<br />

kenyan, menaça les Britanniques<br />

d’expulser les colons s’ils cédaient<br />

une partie du territoire à la Somalie.<br />

La Grande-Bretagne décida donc de<br />

ne pas tenir compte du référendum<br />

et aujourd’hui encore, une importante<br />

communauté de Somaliens vit<br />

au Kenya. Il faut bien comprendre<br />

que ces frontières coloniales ont été<br />

une véritable catastrophe pour la Somalie.<br />

Cette question avait d’ailleurs<br />

fait l’objet d’un débat important sur<br />

le continent africain.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Quel était l’enjeu de ce<br />

débat ?<br />

Mohamed Hassan : Dans les<br />

années soixante, alors que de nombreux<br />

pays africains étaient devenus<br />

indépendants, un débat opposa ceux<br />

qu’on appelait les groupes de Monrovia<br />

et de Casablanca. Ce dernier, comportant<br />

entr’ autres le Maroc et la Somalie,<br />

souhaitait qu’on rediscute les<br />

frontières héritées du colonialisme.<br />

Elles n’avaient aucune légitimité à<br />

leurs yeux. Mais la plupart des pays<br />

africains et leurs frontières sont le<br />

produit du colonialisme. Finalement,<br />

l’Organisation de l’Unité Africaine<br />

(OUA), ancêtre de l’actuelle Union<br />

Africaine, mit un terme au débat<br />

en décrétant que les frontières sont<br />

indiscutables : revenir sur ces délimitations<br />

provoquerait des guerres<br />

civiles partout sur le continent. Plus<br />

tard, l’un des architectes de l’OUA,<br />

le Tanzanien Julius Nyerere, confessa<br />

que cette décision était la meilleure<br />

mais qu’il la regrettait pour le cas somalien.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Quel sera l’impact de ces<br />

divisions coloniales sur la Somalie ?<br />

Mohamed Hassan : Elles<br />

vont créer des tensions avec les<br />

pays voisins. Durant ces années où<br />

la Somalie réclamait la révision des<br />

frontières, l’Ethiopie était devenue<br />

un bastion de l’impérialisme des<br />

Etats-Unis, qui tenaient également<br />

des bases militaires au Kenya et en<br />

Erythrée. C’est alors que la Somalie,<br />

jeune démocratie pastorale, émit le<br />

désir de bâtir sa propre armée. Le<br />

but était de ne pas être trop faible<br />

face aux voisins armés, de soutenir<br />

les mouvements somalis en Ethiopie<br />

voire même de récupérer par la force<br />

certains territoires. Mais les puissances<br />

occidentales s’opposèrent à la<br />

création d’une armée somalienne.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Donc, la Somalie entretenait<br />

des relations tendues avec ses<br />

voisins. N’était-il pas raisonnable<br />

de s’opposer à ce projet d’armée somalienne<br />

? Cela aurait provoqué des<br />

guerres, non ?<br />

Mohamed Hassan : Ce qui<br />

préoccupait l’Occident, ce n’était pas<br />

les conflits entre pays africains mais<br />

ses propres intérêts. Les Etats-Unis et<br />

la Grande-Bretagne équipaient et formaient<br />

des militaires en Ethiopie, au<br />

Kenya et en Erythrée. Des pays qui<br />

vivaient encore sous le joug de systèmes<br />

féodaux très oppressifs. Mais<br />

c’était des régimes néocoloniaux dévoués<br />

aux intérêts des Occidentaux.<br />

En Somalie, par contre, le pouvoir en<br />

place était plus démocratique et indépendant.<br />

L’Occident n’avait donc<br />

pas d’intérêt à armer un pays qui<br />

pouvait échapper à son contrôle.<br />

En conséquence, la Somalie<br />

décida de se tourner vers l’Union<br />

Soviétique. Cela inquiéta hautement<br />

les puissances occidentales qui redoutaient<br />

que l’influence de l’URSS<br />

s’étende en Afrique. Ces craintes<br />

vont s’accentuer avec le coup d’Etat<br />

de 1969.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : C’est-à-dire ?<br />

Mohamed Hassan : Des idées<br />

socialistes s’étaient répandues dans le<br />

pays. En effet, une importante communauté<br />

somalienne vivait à Aden<br />

dans le Sud du Yémen. Or, c’est dans<br />

cette ville que la Grande-Bretagne<br />

avait pris pour habitude d’envoyer<br />

en exil toutes les personnes qu’elle<br />

considérait comme dangereuses en<br />

Inde : communistes, nationalistes,<br />

etc. Ils étaient tous arrêtés et envoyés<br />

à Aden où se développèrent<br />

rapidement des idées nationalistes<br />

et révolutionnaires qui affecteront<br />

plus tard les Yéménites mais aussi<br />

les Somaliens. Sous l’impulsion de<br />

civils aux idées marxistes, un coup<br />

d’Etat fût organisé en 1969 par les<br />

militaires et Siad Barré prit le pouvoir<br />

en Somalie.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Quelles étaient les raisons<br />

de ce coup d’Etat ?<br />

Mohamed Hassan : Le gouvernement<br />

somalien était corrompu.<br />

Il avait pourtant tous les ingrédients<br />

en mains pour ériger le pays au rang<br />

de grande puissance de la région :<br />

une position stratégique, une seule<br />

langue, une seule religion et d’autres<br />

éléments culturels communs. Ce qui<br />

est plutôt rare en Afrique. Mais en<br />

ratant le développement économique<br />

du pays, ce gouvernement a créé un<br />

climat favorable à la division entre<br />

clans. Sous prétexte de faire de la<br />

politique, les élites somaliennes se<br />

sont divisées, chacune créant son<br />

parti sans véritable programme et<br />

en recrutant son électorat selon les<br />

clans existants. Cela accentua les<br />

divisions et se révéla totalement<br />

inefficace. Une démocratie de type<br />

libéral n’était en fait pas adaptée à<br />

la Somalie : il y avait à un moment<br />

63 partis politiques pour un pays<br />

de trois millions d’habitants ! Et le<br />

gouvernement n’était même pas capable<br />

d’adopter une écriture officielle<br />

ce qui créait de sérieux problèmes<br />

dans l’administration. Le niveau<br />

d’éducation était faible. On établit<br />

malgré tout une bureaucratie, une<br />

police et une armée. Qui va d’ailleurs<br />

jouer un rôle fondamental dans le<br />

coup d’Etat progressiste.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : « Progressiste » ! Avec<br />

l’armée ?<br />

Mohamed Hassan : L’armée<br />

était la seule institution organisée en<br />

Somalie. En tant qu’appareil de répression,<br />

elle était supposée protéger<br />

le soi-disant gouvernement civil et<br />

l’élite. Mais pour de nombreux Somaliens<br />

provenant de familles et de<br />

régions différentes, l’armée était aussi<br />

un lieu de rencontres et d’échanges<br />

où il n’y avait pas de frontières, pas<br />

de tribalisme, pas de divisions claniques…<br />

C’est comme cela que les<br />

idées marxistes héritées d’Aden<br />

vont circuler au sein de l’armée. Le<br />

coup d’Etat sera donc mené par des<br />

officiers qui étaient avant tout nationalistes<br />

et qui, sans avoir de très<br />

bonnes connaissances du socialisme,<br />

éprouvaient de la sympathie pour ces<br />

idées. De plus, ils étaient au courant<br />

de ce qui se passait au Vietnam et<br />

nourrissaient des sentiments antiimpérialistes.<br />

Les civils qui connaissaient<br />

bien Marx et Lénine mais qui<br />

n’avaient pas de parti politique de<br />

masse, appuyèrent le coup d’Etat et<br />

devinrent les conseillers des officiers<br />

lorsque ceux-ci prirent le pouvoir.<br />

Les Etats-Unis et l’Europe maintiennent la Somalie dans le chaos :<br />

famine, guerres, pillages, pirates et attentats ont sombré le pays<br />

Les puissances impériales présentent toujours comme terroristes les<br />

peuples qui luttent pour leurs droits.<br />

En 1993, les soldats US de l’opération restore Hope seront vaincus par<br />

une résistance nationaliste somalienne. Depuis lors, la politique des<br />

Etats-Unis a été de maintenir la Somalie sans véritable gouvernement<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Quel changement apporta<br />

le coup d’Etat en Somalie ?<br />

Mohamed Hassan : Un aspect<br />

positif important : le nouveau gouvernement<br />

adopta rapidement une<br />

écriture officielle. De plus, l’Union<br />

Soviétique et la Chine aidaient la<br />

Somalie. Les étudiants et la population<br />

se mobilisaient. L’éducation<br />

ainsi que les conditions sociales<br />

s’améliorèrent. Les années qui ont<br />

suivi le coup d’Etat fûrent ainsi les<br />

meilleures que la Somalie ait jamais<br />

connues. Jusqu’en 1977.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Qu’est-ce qui a changé ?<br />

Mohamed Hassan : La Somalie,<br />

qui avait été divisée par<br />

les puissances coloniales, attaqua<br />

l’Ethiopie pour récupérer le territoire<br />

de l’Ogaden, majoritairement peuplé<br />

de Somalis. A cette époque pourtant,<br />

l’Ethiopie était elle-même un Etat socialiste<br />

soutenu par les Soviétiques.<br />

Ce pays avait été longtemps dirigé<br />

par l’empereur Sélassié. Mais durant<br />

les années septante, la mobilisation<br />

était forte pour le renverser. Les mouvements<br />

d’étudiants - auxquels j’ai<br />

personnellement participé - posaient<br />

quatre revendications majeures.<br />

Tout d’abord, résoudre les tensions<br />

avec l’Erythrée de manière pacifique<br />

et démocratique. Deuxièmement,<br />

établir une réforme agraire qui distribuerait<br />

des terres aux paysans.<br />

Troisièmement, établir le principe<br />

d’égalité des nationalités : l’Ethiopie<br />

était alors un pays multinational<br />

dirigé par une élite non représentative<br />

de la diversité. Quatrièmement,<br />

abolir le système féodal et établir un<br />

Etat démocratique. Tout comme en<br />

Somalie, l’armée était la seule institution<br />

organisée en Ethiopie et les<br />

civils s’associèrent aux officiers pour<br />

renverser Sélassié en 1974.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Comment se fait-il que<br />

deux Etats socialistes soutenus par<br />

l’Union Soviétique se sont fait la<br />

guerre ?<br />

Mohamed Hassan : Après<br />

la révolution éthiopienne, une délégation<br />

regroupant l’Union Soviétique,<br />

Cuba et le Yémen du Sud organisa<br />

une table ronde en présence<br />

de l’Ethiopie et de la Somalie en vue<br />

de résoudre leur différend. Castro se<br />

rendit à Adis Abeba et à Mogadiscio.<br />

Selon lui, les revendications somaliennes<br />

étaient tout à fait justifiées. Finalement,<br />

la délégation éthiopienne<br />

accepta d’étudier sérieusement la demande<br />

de son voisin somalien et les<br />

deux pays signèrent un accord stipulant<br />

qu’aucun acte de provocation ne<br />

serait commis le temps de prendre<br />

une décision. Les choses semblaient<br />

donc bien parties, mais la Somalie ne<br />

respecta pas cet accord…<br />

Deux jours après que la délégation<br />

éthiopienne soit retournée au<br />

pays, Henry Kissinger, ancien ministre<br />

du président Nixon, débarqua<br />

à Mogadiscio. Kissinger représentait<br />

une organisation officieuse : le Safari<br />

Club qui regroupait notamment<br />

l’Iran du Chah, le Congo de Mobutu,<br />

l’Arabie Saoudite, le Maroc ainsi que<br />

les services secrets français et pakistanais.<br />

L’objectif de cette organisation<br />

était de combattre la prétendue<br />

infiltration soviétique dans le Golfe<br />

et en Afrique. Sous les pressions et<br />

les promesses d’aides du Safari Club,<br />

Siad Barré va commettre un désastre,<br />

une grave erreur stratégique: attaquer<br />

l’Ethiopie.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Quelles seront les conséquences<br />

de cette guerre ?<br />

Mohamed Hassan : Les Soviétiques<br />

quittèrent la région et la<br />

Somalie, toujours présidée par Siad<br />

Barré qui intégra le réseau néocolonial<br />

des puissances impérialistes. Le<br />

pays avait été sérieusement endommagé<br />

par le conflit et la Banque Mondiale<br />

et le FMI fûrent chargés de le<br />

« reconstruire ». Ceci allait aggraver<br />

les contradictions au sein de la bourgeoisie<br />

somalienne. Chacune des<br />

élites régionales voulant posséder<br />

son propre marché. Elles ont accentué<br />

les divisions entre clans et contribué<br />

à la dislocation progressive du<br />

pays jusqu’à la chute de Siad Barré<br />

en 1990. Depuis, aucun chef d’Etat<br />

ne lui a succédé.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Mais, trente ans après la<br />

guerre de l’Ogaden, le scénario va<br />

s’inverser : l’Ethiopie sera appuyée<br />

par les Etats-Unis pour attaquer la<br />

Somalie...<br />

Mohamed Hassan : Oui,<br />

comme je l’ai dit, depuis l’échec de<br />

l’Opération Restore Hope, les Etats-<br />

Unis préfèrent maintenir la Somalie<br />

dans le chaos. Cependant, en 2006,<br />

un mouvement spontané se<br />

Suite à la page (17)<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 11


Perspectives<br />

Témoignage et réflexions<br />

Régis Debray en Bolivie et en Haïti (1ère partie)<br />

Par Claude Ribbe*<br />

En 2004, la France se réconciliait<br />

avec les Etats-Unis en participant<br />

au renversement du président Jean-<br />

Bertrand Aristide. Côté français,<br />

le coup d’Etat était organisé par<br />

l’intellectuel pseudo-révolutionnaire<br />

Régis Debray. Témoin privilégié de<br />

ce drame, l’écrivain Claude Ribbe,<br />

qui fut membre de la Commission<br />

internationale d’experts sur la dette<br />

d’Haïti, relate ici le complot, la<br />

campagne de diffamation contre le<br />

président Aristide, son enlèvement<br />

et sa séquestration. Paris avait<br />

prévu de réinstaller au pouvoir l’exdictateur<br />

Jean-Claude Duvalier, mais<br />

les Etats-Unis imposèrent au dernier<br />

moment leurs hommes, Boniface Alexandre<br />

et Gérard Latortue.<br />

Régis Debray, bavard « compagnon<br />

» du Che<br />

Je le savais ! Je savais bien que<br />

le fumet des cadavres d’Haïti en décomposition<br />

ferait sortir Régis Debray,<br />

l’homme qui croit que Villepin,<br />

dont il a certainement accroché le<br />

portrait dans sa chambrette, juste audessus<br />

de son lit, sera couronné empereur<br />

des Français en mars 2012.<br />

Régis Debray rêve d’être ministre de<br />

la Culture de Napoléon IV. Il a raison.<br />

Donc toutes les occasions sont<br />

bonnes. Il n’aura pas fallu dix jours.<br />

Quel flair ! Après les conseils donnés<br />

par Villepin à Nicolas Sarkozy,<br />

Régis Debray monte au créneau en<br />

déclarant à France Inter qu’il faut<br />

mettre Haïti sous tutelle.<br />

Alors parlons de Régis Debray<br />

que j’admire beaucoup, je tiens à le<br />

préciser. J’aimerais avoir son style<br />

mesuré, et cette envolée qui me rappelle<br />

d’ailleurs un peu le style de<br />

Villepin. C’est vrai, je n’avais jamais<br />

remarqué : il y a quelque chose de<br />

commun dans leurs écrits. Je me<br />

demande pourquoi. Il faudra que<br />

j’y réfléchisse quand j’aurai un moment.<br />

Donc je ne me serais jamais<br />

intéressé à ce vieux réactionnaire un<br />

peu rogue, mais tellement attendrissant<br />

dans ses certitudes, ce vieux<br />

guérilléro dont les idées sont passées,<br />

certes (les costumes aussi d’ailleurs)<br />

; je ne me serais jamais intéressé<br />

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Régis Debray, pseudo révolutionnaire et authentique barbouze<br />

à lui si je ne l’avais trouvé sur ma<br />

route d’une manière étonnante que<br />

je vais narrer en détails. Inutile de<br />

revenir sur son rôle héroïque dans<br />

l’arrestation de Che Guevara. Il en<br />

a été le compagnon et il a raison de<br />

s’en glorifier. Les ex-soixante-huitards<br />

français le tiennent tous pour<br />

un révolutionnaire exemplaire. Tout<br />

ce que j’aurais voulu être ! Mais les<br />

mauvaises langues —dont la fille de<br />

Che Guevara qui n’est certainement<br />

qu’une folle minée par le chagrin—<br />

disent que c’était un traître vendu<br />

aux Etats-uniens. Viles calomnies,<br />

évidemment, simplement fondées sur<br />

le fait que Che Guevara, qui se trouvait<br />

secrètement en Bolivie en 1967<br />

et dont une taupe de la CIA révéla<br />

la présence, écrivit des choses dans<br />

son journal. Mais j’entends déjà les<br />

lecteurs de ce grand écrivain français<br />

(et certainement futur académicien,<br />

en tout cas futur ministre de la Culture)<br />

; je les entends s’indigner. Ils<br />

réclament des détails. Des détails ?<br />

Très bien, mais cela va allonger mon<br />

propos. Tant pis. Revenons en 1967.<br />

Voici ce que note le Che dans son<br />

journal le 28 mars : « Le Français a<br />

défendu avec trop de véhémence le<br />

fait qu’il serait utile dehors. »<br />

Je ne vois là que des soupçons<br />

infondés. Debray, jeune intellectuel<br />

gaulliste déguisé en guérillero, fils<br />

d’une sénatrice gaulliste et de… je<br />

ne sais plus qui, un autre gaulliste,<br />

je crois, était à l’époque en Bolivie<br />

avec Che Guevara [1]. Mais il était<br />

pressé de s’en aller. Le Che se méfiait<br />

de cette envie précipitée de prendre<br />

l’air. Hasard heureux ou malheureux<br />

(on ne sait trop), Debray a été arrêté<br />

par les Boliviens qui travaillaient<br />

avec la CIA. Une fois aux mains de<br />

ces gens, je ne doute pas qu’un intellectuel<br />

de la trempe de Debray a<br />

été discret. Mais le Che, lui, avait des<br />

doutes. Après l’arrestation de Debray<br />

et de son compagnon Bustos, un autre<br />

intellectuel émérite, aussi fiable<br />

que Debray, les Boliviens et la CIA<br />

furent informés que le Che était en<br />

Bolivie. Après cette arrestation, voici<br />

ce que le Che note, à la date du 30<br />

juin 1967 : « ... Sur le plan politique,<br />

le plus important est la déclaration<br />

officielle d’Ovando selon laquelle je<br />

suis ici. De plus, il a dit que l’armée<br />

fait face à des guérilleros parfaitement<br />

entraînés qui, même, comptaient<br />

des commandants vietcongs<br />

qui avaient mis en déroute les meilleurs<br />

régiments nord-américains. Il<br />

se base sur les déclarations de Debray<br />

qui, semble-t-il, a parlé plus que<br />

nécessaire bien que nous ne puissions<br />

savoir quelle implication cela<br />

a, ni quelles ont été les circonstances<br />

dans lesquelles il a dit ce qu’il a<br />

dit... »<br />

Debray avait été arrêté et interrogé<br />

par les Boliviens et la CIA,<br />

notamment les 8 et 14 mai 1967. Je<br />

ne doute pas qu’il ait été héroïque,<br />

même s’il avait reçu quelques<br />

claques. Pauvre Régis !<br />

Toujours dans son journal, Che<br />

Guevara note encore, à la date du<br />

10 juillet : « Par ailleurs, les déclarations<br />

de Debray… ne sont pas<br />

bonnes ; surtout parce qu’ils [Debray<br />

et Bustos] ont fait des confessions<br />

à propos du but continental de<br />

la guérilla, chose qu’ils ne devaient<br />

pas faire. »<br />

Des « confessions » ? Et<br />

puis quoi encore ? Là, je doute de<br />

l’honnêteté du Che.<br />

Mais puisque vous voulez tout<br />

savoir sur le futur ministre de la Culture<br />

de Napoléon IV, je suis obligé<br />

d’ajouter que, vingt ans après les<br />

faits, un général bolivien, Arnaldo<br />

Saucedo Parada, chef des services<br />

secrets de la 8ème division, celle-là<br />

même qui opérait contre la guérilla<br />

du Che, donna sa version et publia<br />

même des documents concernant les<br />

informations obtenues par l’armée<br />

sur la guérilla [2]. Faut-il croire cet<br />

homme ? Certainement pas. Mais,<br />

par honnêteté, je livre in extenso ce<br />

qu’il précise : « L’existence de la guérilla<br />

a été portée à la connaissance<br />

de l’armée le 11 mars, lorsque les<br />

guérilleros déserteurs Vicente Rocabado<br />

Terras et Pastor Barrera Quintana<br />

se sont retrouvés au pouvoir de<br />

la Direction provinciale d’enquêtes<br />

—DIP— et ont été ensuite remis aux<br />

autorités militaires de Camiri. Ces déserteurs<br />

ont clairement informé du<br />

fait que la guérilla se préparait sur les<br />

rives du Ñancahuazu avec des éléments<br />

cubains, péruviens, argentins<br />

et boliviens et que le chef était Che<br />

Guevara, sous la protection de Fidel<br />

Castro depuis Cuba ; ensuite, cette<br />

information a été complétée par un<br />

autre guérillero arrêté le 18 mars,<br />

Salustio Choque Choque et confirmée<br />

par Régis Debray et Ciro Roberto<br />

Bustos, le 8 mai 1967, au cours de<br />

l’interrogatoire auquel a procédé le<br />

J-2 du Commandement des forces<br />

armées, Federico Arana Cerudo, qui<br />

relate cela, le lieutenant colonel des<br />

carabiniers Roberto Quintanilla et<br />

Mario Gonzalez, de la CIA.<br />

Quand on lira les mémoires<br />

de Bustos dans ce livre, on verra<br />

que l’empressement avec lequel les<br />

théoriciens Debray et Bustos voulaient<br />

quitter la zone de danger a été<br />

la cause principale de l’échec rapide<br />

de la guérilla, parce que cela a obligé<br />

toute la troupe à aller à Muyupampa<br />

et, par le Yuque ; à cause d’un malade,<br />

Che a laissé l’arrière garde avec<br />

Joaquin et, au retour, ils ne se sont<br />

pas retrouvés et la recherche des<br />

uns et des autres a accaparé toute<br />

l’attention de Guevara et Joaquin,<br />

leur a lié les mains, les empêchant<br />

d’effectuer d’autres actions militaires,<br />

qui auraient peut-être donné<br />

de plus grands avantages, avec des<br />

résultats imprévisibles dans ce genre<br />

de lutte, parce que tant que l’ennemi<br />

n’est pas écrasé et ne s’est pas rendu<br />

sans condition, la guerre ne s’arrête<br />

pas [« Même trois personnes peuvent<br />

continuer à lutter dans la guérilla. » ,<br />

Régis Debray, in Révolution dans la<br />

révolution] et les résultats peuvent<br />

varier en fonction des analyses de la<br />

situation qui se font au sein des états<br />

majors, ce qui est certain, c’est que<br />

cette division de la guérilla a été un<br />

accident qui lui a enlevé de la force et<br />

le début de la fin. Cela a été le prélude<br />

du Gué du Yeso et du Churo.<br />

Avec la chute de Debray et<br />

Bustos à Muyupampa, le 20 avril,<br />

nous avons eu un panorama large et<br />

clair des guérillas, ordre de bataille,<br />

organisation et autres questions inconnues<br />

jusqu’alors, confirmation de<br />

la présence de Che Guevarra et du<br />

groupe de cubains, tant grâce aux<br />

déclarations de Debray et Bustos que<br />

par le bulletin de mémoires écrit par<br />

ce dernier et qui, immédiatement, a<br />

été porté à la connaissance du Commandement<br />

Supérieur, de même que<br />

les originaux des portraits de 20<br />

guérilleros effectués au crayon et de<br />

mémoire qu’il a fait ensuite et plus<br />

encore, une description détaillée par<br />

écrit des caractéristiques physiques<br />

de chaque guérillero et ensuite les<br />

croquis détaillés des campements<br />

et caches qui ont permis de découvrir<br />

les "grottes" où ils cachaient leurs<br />

armes et leurs équipements etc...<br />

La Section 2 de la 8ème division<br />

a également obtenu de Régis<br />

Debray une lettre écrite de sa main le<br />

14 mai et dans laquelle il confirme la<br />

présence de Che Guevara en Bolivie<br />

et signale que c’est Fidel Castro lui<br />

même qui l’a envoyé le rencontrer.<br />

Régis Debray, compagnon du Che en Bolivie dans les années 60 (on le<br />

voit ici lors de son interrogatoire par l'armée bolivienne en 1967)<br />

Les militaires boliviens exposent la dépouille mortelle d’Ernesto Che<br />

Guevara.<br />

Cette lettre —l’original— a été envoyée<br />

au Commandant en chef. Indubitablement,<br />

c’est de l’arrestation<br />

de Debray et Bustos que l’armée bolivienne<br />

tire la preuve du fait que le<br />

Che est là. Les deux confirment aux<br />

services secrets que le Che est là.<br />

Une autre chose qui a eu une<br />

grande influence a été la séparation<br />

d’avec le groupe de Vilo, de l’arrièregarde.<br />

Cela a été une séparation involontaire,<br />

mais qui a été due<br />

Suite à la page (15)<br />

12<br />

Haïti Liberté<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010


Perspectives<br />

L’UNASUR défend des priorités pour Haïti<br />

Suivant le principe qui veut que<br />

l’aide humanitaire ne signifie en<br />

aucune sorte l’intervention ou des<br />

limitations de la souveraineté les<br />

pays de l’UNASUR, l’Union Sudaméricaine<br />

des Nations ont défini<br />

à Quito, la capitale de l’Équateur,<br />

les priorités pour la reconstruction<br />

d’Haïti dévastée par un violent séisme<br />

le 12 janvier.<br />

Les participants au sommet<br />

extraordinaire de ce bloc régional,<br />

en présence du Président haïtien<br />

René Préval, ont réaffirmé que c’est<br />

le gouvernement du pays affecté qui<br />

doit diriger et coordonner les actions<br />

proposées par les gouvernements et<br />

les institutions voulant coopérer.<br />

René Préval a brossé un panorama<br />

de la situation dans son pays<br />

et des besoins pressants : les conditions<br />

d’accueil adéquates pour les<br />

milliers de survivants qui ont tout<br />

perdu à cause de la catastrophe et<br />

les tâches de reconstruction et de<br />

relance de l’économie.<br />

Il a défini comme points de<br />

départ la refondation de la capitale<br />

Port-au-Prince, ce qui implique<br />

transférer la ville dans un endroit<br />

Les présidents de l’Union Sud-américaine des Nations (l’UNASUR)<br />

plus sur vis-à-vis des adversités de<br />

la nature, ainsi que sa décentralisation<br />

pour éliminer la surpopulation,<br />

considérée comme un des facteurs<br />

qui ont aggravé les conséquences<br />

du séisme.<br />

Au moment du désastre, dans<br />

la ville et ses alentours vivaient près<br />

de 3 des 8 millions d’habitants que<br />

compte le pays, pour la plupart dans<br />

des maisons construites avec des matériaux<br />

de mauvaise qualité qui n’ont<br />

pas résisté au tremblement de terre.<br />

Cela a fait que plus d’un million<br />

de personnes se sont retrouvées<br />

sans toit et il est urgent de les doter<br />

de conditions minimales de sécurité,<br />

de santé et de nourriture, surtout<br />

face à l’approche de la saison des<br />

pluies.<br />

Conformément aux propos<br />

tenus par René Préval, l’UNASUR<br />

a décidé d’envoyer des tentes, des<br />

médicaments et des aliments pour<br />

palier la grave situation ainsi que<br />

d’élaborer un plan concret pour contribuer<br />

à la reconstruction.<br />

La déclaration adoptée à<br />

l’unanimité indique que le projet<br />

sera centré sur les trois axes proposés<br />

par le gouvernement haïtien<br />

: l’infrastructure, l’énergie et<br />

l’agriculture.<br />

Le but est simple et clair : il<br />

est impossible de continuer à nourrir<br />

indéfiniment des centaines de<br />

milliers de personnes grâce uniquement<br />

à l’aide internationale raison<br />

pour laquelle il faut relancer la vie<br />

économique; promouvoir la création<br />

d’emplois et garantir la production<br />

de l’agriculture et de l’élevage pour<br />

assurer les aliments essentiels à la<br />

population.<br />

Il a été décidé de créer un<br />

fonds de 300 millions de dollars<br />

dont 100 millions sortiront des coffres<br />

de l’UNASUR et les 200 autres<br />

d’un prêt, dans des conditions avantageuses<br />

qui sera demandé à la BID,<br />

la Banque Interaméricaine de Développement.<br />

L’on essaiera également<br />

d’obtenir l’annulation de la dette extérieure<br />

contractée par Haïti envers<br />

les pays membres de l’UNASUR et<br />

l’on a exhorté la communauté internationale<br />

à en faire autant pour soulager<br />

ce pays dévasté par ce lourd<br />

fardeau.<br />

Toutes ces actions viennent<br />

compléter celles exécutées par<br />

l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples<br />

de Notre Amérique, l’ALBA,<br />

pour soulager les souffrances du<br />

peuple frère d’Haïti.<br />

Grâce à la Brigade Médicale<br />

Cubaine, renforcée par des médecins<br />

haïtiens qui ont fait leurs études à<br />

Cuba et grâce aux équipes envoyées<br />

par le Venezuela, la Bolivie et plus<br />

récemment par le Nicaragua, il est<br />

possible de soigner des milliers de<br />

blessés et l’on a freiné le danger<br />

d’épidémies après le séisme.<br />

Le défi fondamental consiste<br />

encore, cependant, pas seulement à<br />

guérir les plaies ouvertes par la catastrophe<br />

mais aussi à commencer<br />

un grand mouvement de la part de<br />

la communauté internationale pour<br />

sortir Haïti de sa situation de pauvreté<br />

et de misère, le placer sur la<br />

voie du développement et empêcher<br />

qu’un autre phénomène naturel<br />

réédite une tragédie comme celle-ci<br />

qui a couvert de honte l’humanité<br />

tout entière.<br />

Cuba si Lorraine<br />

16 février 2010<br />

Pourquoi Washington "s'intéresse" au Honduras et à Haïti<br />

Les pions sont importants<br />

Par Mark Weisbrot<br />

Quand j'écris sur la politique<br />

étrangère US dans des endroits<br />

comme Haïti ou le Honduras, j'ai<br />

toujours des réactions de personnes<br />

qui ont du mal à croire que le gouvernement<br />

US s'intéresserait suffisamment<br />

à ces pays pour chercher<br />

à avoir la mainmise sur leurs gouvernements<br />

ou à les renverser. Ce<br />

sont des petits pays pauvres avec<br />

peu de choses en matière de ressources<br />

ou de marchés. Pourquoi les<br />

décideurs de Washington devraientils<br />

s'intéresser à qui les dirige?<br />

Hélas, ils s'y intéressent vraiment.<br />

Beaucoup. Ils s'intéressent<br />

suffisamment à Haïti pour avoir<br />

renversé le président Jean-Bertrand<br />

Aristide non pas une, mais deux<br />

fois. La première, en 1991, où cela a<br />

été fait subrepticement. On ne l'a su<br />

que quand il s'est avéré que ceux qui<br />

avaient dirigé le coup d'état avaient<br />

été payés par la Central Intelligence<br />

Agency. Et puis, Emmanuel Constant,<br />

le chef de l'escadron de la<br />

mort le plus notoire là-bas – qui a<br />

éliminé des milliers de partisans<br />

d'Aristide après le coup d'état – a raconté<br />

à CBS News que lui aussi avait<br />

été payé par la CIA.<br />

En 2004, l'implication des<br />

Etats-Unis dans le coup d'état avait<br />

été bien plus ostensible. Washington<br />

avait imposé la suppression<br />

de pratiquement toutes les aides<br />

internationales pendant quatre<br />

ans, rendant inévitable la chute du<br />

gouvernement. Selon le New York<br />

Times, d'un côté, le Département<br />

d'état américain demandait à Aristide<br />

de parvenir à un accord avec<br />

l'opposition (ce qui représentait des<br />

millions de dollars payés par les<br />

contribuables US), mais de l'autre,<br />

l'International Republican Institute<br />

(IRI), incitait l'opposition à ne pas<br />

le faire.<br />

Au Honduras, au cours de<br />

Barack Obama commande l’occupation militaire d’<strong>Haiti</strong> sous des bases<br />

humanitaires<br />

l'été et de l'automne derniers, le<br />

gouvernement US a tout fait pour<br />

empêcher le reste du continent<br />

américain de former une opposition<br />

politique efficace contre les putschistes<br />

au Honduras. Par exemple, ils<br />

ont empêché l'Organisation des États<br />

américains de prendre la position<br />

de ne pas reconnaître les élections<br />

qui ont eu lieu pendant la dictature.<br />

En même temps, l'administration<br />

Obama proclamait publiquement<br />

son opposition au coup d'état.<br />

Cela n'a réussi que partiellement,<br />

du point de vue des relations<br />

publiques. La majorité de la<br />

population américaine pense que<br />

l'administration Obama était opposée<br />

au coup d'état au Honduras;<br />

alors même qu'au mois de novembre,<br />

de nombreux articles de presse,<br />

voire d'éditoriaux, indiquaient<br />

qu'Obama avait cédé à la pression<br />

des républicains et n'en avait pas<br />

fait assez. Mais c'était méconnaître<br />

ce qui s'était passé en réalité: si la<br />

pression des républicains pour soutenir<br />

le coup d'état au Honduras<br />

avait fait changer la stratégie de relations<br />

publiques du gouvernement,<br />

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cela n'avait pas été le cas pour sa<br />

stratégie politique. Ceux qui ont<br />

suivi les événements de près depuis<br />

le début ont bien vu que la stratégie<br />

était de retarder et d'émousser toute<br />

tentative de rétablir le président élu<br />

au pouvoir, tout en prétendant que<br />

l'objectif réel était le retour à la démocratie.<br />

Parmi ceux qui avaient compris<br />

cela, il y a les gouvernements<br />

d'Amérique Latine, dont des poids<br />

lourds comme le Brésil. C'est important<br />

parce que cela montre que le<br />

département d'état était prêt à payer<br />

un prix politique élevé pour aider la<br />

droite au Honduras. La grande majorité<br />

des gouvernements des pays<br />

d'Amérique Latine a constaté que<br />

le gouvernement Obama avait les<br />

mêmes objectifs pour le continent<br />

américain que celui de Bush, ce qui<br />

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n'est pas un constat agréable du<br />

point de vue diplomatique.<br />

Pourquoi s'intéressent-ils tant<br />

aux dirigeants de ces pays pauvres?<br />

Comme le sait tout bon joueur<br />

d'échecs, les pions sont importants.<br />

La perte d'un ou deux pions au début<br />

d'une partie peut souvent faire<br />

basculer le résultat. Ils s'intéressent<br />

à ces pays essentiellement en matière<br />

de pouvoir. Les gouvernements<br />

qui sont d'accord pour promouvoir<br />

la puissance des Etats-Unis dans le<br />

monde, ils les aiment. Ceux qui ont<br />

d'autres projets, ils les rejettent, ils<br />

ne les aiment pas.<br />

Il n'est pas étonnant, donc,<br />

que les alliés les plus proches de<br />

l'administration Obama sur le continent<br />

américain soient les gouvernements<br />

de droite comme en Colombie<br />

Suite à la page (17)<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 13


Nancy Roc<br />

Suite de la page (5)<br />

les Gérard Latortue et autres quidams<br />

de la même engeance. Bref,<br />

wòch nan solèy ak wòch nan dlo.<br />

Bien sûr, Dandin, Roc, Liliane<br />

Pierre-Louis et autres GNBistes des<br />

médias ne portent aucune responsabilité<br />

puisque de par leur métier même<br />

de dénoncer l’incurie, la corruption,<br />

l’immoralité des dirigeants et de «la<br />

société», de par leur rôle de phare et<br />

de boussole justement de cette société,<br />

ils sont au-dessus de la mêlée.<br />

Ils peuvent pontifier, critiquer, jeter<br />

le blâme autant que le coeur leur en<br />

dit, mais ils ne sont responsables de<br />

rien. Et Dandin s’abandonne jusqu’à<br />

dire que parmi les responsables de la<br />

faillite constatée, figurent «particulièrement<br />

les secteurs organisés de<br />

la société civile». Parlons-en !<br />

Bien sûr, Dandin et cette<br />

dyòlalèlèz de Nancy oublient qu’ils<br />

font justement partie des secteurs<br />

organisés de cette dite société civile<br />

et sont responsables à un degré ou<br />

un autre du gâchis en cours depuis<br />

le 29 février 2004, sinon bien avant.<br />

De près ou de loin, ils font partie du<br />

groupe des 189 de Baker et Apaid Jr.<br />

qui donnaient de l’argent à un certain<br />

Labanyè pour créer du grabuge<br />

et faire diversion à Cité Soleil, ils furent<br />

les associés moraux des extravagances<br />

du Réseau National de Défense<br />

des Droits Humains (RNDDH)<br />

de Pierre Espérance lors de «l’affaire<br />

de la Scierie», ils furent – de par leur<br />

haineuse propagande – associés à<br />

ceux-là qui en sous-main, offraient<br />

des visas de sortie à de pseudo-journalistes<br />

et payaient des étudiants<br />

dupés pour gagner les rues, protester<br />

contre un gouvernement légitime,<br />

perturber la paix publique et<br />

gâcher la célébration du bicentenaire<br />

de l’Indépendance. C’est plutôt tout<br />

ce beau monde, agent déstabilisateur<br />

au service de l’étranger qui a<br />

failli. Ce ne sont pas «les Haïtiens de<br />

toutes les catégories sociales». Pran<br />

men w, Dandin, pran men w, Nancy<br />

Roc, prends ta main, ma chère.<br />

Non content de culpabiliser<br />

toutes les catégories sociales à la<br />

ronde badè, Dandin verse dans la<br />

démagogie fleurie. En effet, ces catégories<br />

ont elles «aussi failli dans<br />

la dynamique de création d’une<br />

véritable alternative à nos modes<br />

d’agir et de penser». Pourquoi cette<br />

formulation ampoulée, creuse, vague,<br />

désuète, insipide, au goût de<br />

Leslie Manigat ? C’est quoi nos modes<br />

d’agir et de penser ? Est-ce un<br />

amalgame du faire cabotin et égoïste<br />

de la vaste majorité de nos partis politiques<br />

sans audience populaire et de<br />

la détresse des laissés-pour-compte<br />

et des sans-travail laminés par les<br />

pratiques néo-libérales qui tient lieu<br />

de ces modes d’agir et de penser ?<br />

Est-ce le nouvel alliage impur coulé<br />

au creuset du «vagabondage» politique<br />

par des transfuges ou traîtres<br />

lavalassiens et d’indécrottables GN-<br />

Bistes au service de la conspiration<br />

nationale-internationale contre les<br />

intérêts du peuple haïtien ? Pour ce<br />

qu’il s’agit des modes d’agir et de<br />

Arlette Charles Cayard<br />

(1931-2010)<br />

Arlette Charles Cayard passed away on February 10, 2010 at<br />

Aventura Hospital in Miami, Florida.<br />

She was born December 23, 1931 in Port-de-Paix, <strong>Haiti</strong> to the late Elie Tiphen<br />

and Alexina Charles. At the tender age of 18, she was married to Fernand<br />

Cayard and was a loving mother to three sons: Rulx (Ringo), Errol and Lionel<br />

Cayard, as well as a devoted grandmother.<br />

In 1961, she and her family emigrated from <strong>Haiti</strong> to Africa where they lived for<br />

seven years. Then they moved to Canada, where she ran a very successful<br />

boarding house for young schoolchildren. In 1976, she and her husband, in<br />

search of a warmer climate, moved to Florida.<br />

The Cayard family were pioneers who opened Cayard’s Market, the first<br />

<strong>Haiti</strong>an grocery store in Miami, located at the corner of North Miami Avenue<br />

and 62nd Street in the heart of Little <strong>Haiti</strong>. Cayard’s Market became a cultural<br />

mecca in the <strong>Haiti</strong>an community, as a place where people could shop for<br />

goods from back home and speak in their own language. Within the market,<br />

Arlette created a niche for herself by establishing a thriving bakery. Her<br />

passions included going to the beach and tending to her rose garden.<br />

After the passing of her oldest siblings, she became the rock of the extended<br />

family. She was fiercely loyal to her family and her many friends.<br />

She will be sadly missed by all who knew and loved her.<br />

There will be a viewing on Saturday, February 20 from 12 - 1:30 p.m. at the<br />

St. Ford Funeral Home, 16480 NE 19th Avenue in North Miami Beach. The<br />

funeral will be held the same day at 2 p.m. at the St. James Catholic Church,<br />

13155 NW 7th Avenue in North Miami.<br />

For more information,<br />

please call 305-893-1800.<br />

penser, il faut surtout et avant tout<br />

prendre en compte les agissements<br />

de cette minorité irresponsable, égoïste<br />

et cupide qui depuis le parricide<br />

du Pont-Rouge a accaparé tous les<br />

pouvoirs et a vendu son âme à la<br />

France d’abord, aux Américains<br />

plus récemment. De grâce, Roc et<br />

Dandin, ne culpabilisez pas toutes<br />

les catégories sociales !<br />

Nancy Roc habituée à certains<br />

modes d’agir et de penser poursuit<br />

en disant : "Dandin souligne<br />

judicieusement" que «2010 ne sera<br />

pas différent pour Haïti si tout un<br />

chacun ne s’attaque à ces tares en<br />

lui et chez les autres. Rompre avec<br />

les tares décrites implique aussi<br />

qu’on sorte résolument des méandres<br />

du discours et qu’on investisse<br />

le champ radieux de l’action». Ces<br />

tares avaient déjà été énumérées<br />

dans une intervention de Dandin<br />

en date du 4 janvier 2010 sur les<br />

antennes de Kiskeya. S’accrochant<br />

au vieux dicton « les peuples ont les<br />

gouvernements qu’ils méritent » et<br />

à la métaphore du «vieil homme qui<br />

dort en nous», Dandin se livre à une<br />

auto-flagellation collective en règle,<br />

mécanisme de défense familier à ma<br />

grand-mère paternelle qui se plaignait<br />

tout le temps des avatars du<br />

pays depuis… Tonton Nò.<br />

Lisez bien quelles sont «nos»<br />

tares, celles de toutes les catégories<br />

sociales: «refus carabiné de l’Organisation<br />

et de l’Institution ; désinvolture,<br />

amateurisme, irresponsabilité<br />

en tout ; ignorance et mépris<br />

des Constitutions et des lois ; méconnaissance<br />

des profondes réalités<br />

du pays et refus intime d’être<br />

Haïtien par le rejet de la culture et<br />

de l’identité nationales ; subordination<br />

de l’intérêt général aux intérêts<br />

particuliers généralement mesquins<br />

; subordination des intérêts<br />

du pays à ceux de l’étranger ; esprit<br />

de lucre ; corruption ; intolérance ;<br />

sectarisme, esprit de clan, clientélisme<br />

et népotisme».<br />

Je suis bien certain que ces tares<br />

ne sont pas caractéristiques encore<br />

moins spécifiques des Haïtiens.<br />

On les rencontre sans aucun doute<br />

sous tous les cieux. Les oligarchies et<br />

les militaires latino-américains, africains<br />

et même asiatiques en savent<br />

long sur le chapitre de l’ignorance<br />

et mépris des Constitutions et des<br />

lois. C’est à cause de la subordination<br />

de l’intérêt général aux intérêts<br />

particuliers généralement mesquins<br />

que plusieurs gwo zouzounn de divers<br />

milieux politiques européens se<br />

sont trouvés en contravention avec<br />

la Justice pour désinvolture, esprit<br />

de lucre, corruption, esprit de clan,<br />

clientélisme . En vrac on citera l’imprévisible<br />

et extravagant Premier<br />

ministre italien Silvio Berlusconi,<br />

poursuivi dans une vingtaine d'affaires<br />

judiciaires pour corruption,<br />

fraude fiscale, faux en bilan; Roland<br />

Dumas ancien Président du Conseil<br />

constitutionnel sous François Mitterrand,<br />

mis en cause par la justice<br />

dans «l'affaire Elf», et condamné à 6<br />

mois de prison ferme en 2003 ; l’exprésident<br />

Jacques Chirac dont le<br />

nom est régulièrement évoqué dans<br />

huit affaires judiciaires impliquant<br />

notamment la Mairie de Paris, parmi<br />

lesquelles l'affaire des emplois fictifs,<br />

l'affaire des faux chargés de mission,<br />

ou encore l'affaire des HLM (habitation<br />

à loyer modéré) de Paris;<br />

Que dire des proches collaborateurs<br />

de Chirac comme Michel Roussin,<br />

Louise-Yvonne Casetta ou Alain<br />

Juppé condamnés par la Justice.<br />

Juppé, maire de Bordeaux, Premier<br />

ministre de mai 1995 à juin 1997,<br />

donnait ordre à ses services, en juin<br />

1995, de diminuer le loyer de son fils<br />

Laurent, logé dans un appartement<br />

relevant des discrètes propriétés de<br />

la Ville de Paris, rue Jacob. En 1998,<br />

il était mis en examen pour « abus<br />

de confiance, recel d’abus de biens<br />

sociaux, et prise illégale d’intérêt ».<br />

Le 30 janvier 2004, il fut condamné<br />

par le tribunal correctionnel de Nanterre<br />

à dix-huit mois de prison avec<br />

sursis.<br />

Dans l’affaire du casino d'Annemasse<br />

(parmi plusieurs affaires<br />

politico-financières depuis les années<br />

2000), Charles Pasqua, exministre<br />

de l’Intérieur français a été<br />

condamné le 26 novembre 2006 par<br />

le tribunal correctionnel de Paris à<br />

dix-huit mois de prison avec sursis,<br />

peine confirmée en appel en mars<br />

2008. Une procédure pour corruption<br />

est également en cours devant<br />

la Cour de justice de la République.<br />

On n’oubliera pas Spiro Agnew, vice-président<br />

de Nixon. Accusé de<br />

fraude fiscale et d'avoir accepté des<br />

pots-de-vin pendant son mandat de<br />

gouverneur du Maryland, il a dû démissionner<br />

en 1973. Dans le beau<br />

monde de la «société civile» américaine,<br />

on ne saurait passer sous<br />

silence deux fleurons malheureusement<br />

«tarés» de l’escroquerie tous<br />

azimuts: Martha Stewart reconnue<br />

coupable de complot, faux témoignage<br />

et d’entrave à la justice et<br />

condamnée à cinq mois de prison<br />

et 30 000 dollars d'amende; et le<br />

glorieux escroc du siècle, Bernard<br />

Madoff, condamné à 150 ans de<br />

prison pour 50 milliards de dollars<br />

volés à ses clients. Tout se vòlè, des<br />

corrompus, maîtres en subordination<br />

de l’intérêt général aux intérêts<br />

particuliers généralement mesquins.<br />

E yo pa ayisyen.<br />

Toutefois, Monsieur Marvel va<br />

un peu loin, trop loin même, en prêtant<br />

à toutes les catégories sociales<br />

un «refus intime d’être Haïtien par<br />

le rejet de la culture et de l’identité<br />

nationales». Voyons, Dandin ! Que<br />

je sache, un certain «bovarysme<br />

culturel» dénoncé par le Dr. Jean<br />

Price Mars ne visait pas toutes les<br />

catégories sociales haïtiennes, mais<br />

bien ces élites aliénées, européocentriques<br />

et francolâtres. Ces mêmes<br />

élites qui de concert avec un clergé<br />

breton réactionnaire avaient pensé<br />

détruire l’âme du petit peuple analphabète<br />

(mais pas bête) lors de l’infâme<br />

campagne dite des rejete. Le<br />

petit peuple, majoritaire, n’a jamais<br />

eu à manifester de refus intime d’être<br />

Haïtien par le rejet de la culture et<br />

de l’identité nationales. Au contraire,<br />

depuis toujours d’ailleurs, se ba l<br />

tanbou l, ba l rara l. Depuis Price-<br />

Mars, Estimé, la Troupe folklorique<br />

nationale, le Jazz des Jeunes, Lumane<br />

Casimir et le Théâtre de verdure,<br />

depuis l’émergence des mains miraculeuses<br />

des Philomé Obin, Préfète<br />

Duffault, Hector Hyppolite, Castera<br />

Bazile, Rigaud Benoît, depuis notre<br />

captivant konpa dirèk, la grande<br />

majorité n’a jamais été aussi fière de<br />

sa culture.<br />

Pour en finir avec ces tares,<br />

le docteur Dandin secondé par la<br />

consoeur Nancy prescrit «qu’on sorte<br />

résolument des méandres du discours<br />

et qu’on investisse le champ<br />

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radieux de l’action». Que de phrases<br />

creuses ! Qui c’est ce « ON » impersonnel<br />

? Jean-Claude Bajeux, le défenseur<br />

partial des droits humains ?<br />

L’onctueux Leslie Manigat ? Le<br />

bakoulou Evans Paul ? Le transfuge<br />

Yves Cristallin ? L’opportuniste Paul<br />

Denis ? L’audacieux Pierre Espérance<br />

du RNDDH ? L’insubmersible Jean<br />

Max Bellerive ? Déjà l’utilisation de<br />

l’expression méandres du discours<br />

témoigne d’une propension éculée<br />

à la démagogie, aux phrases<br />

creuses, sonores, à la manière<br />

manigate. Et puis, s’agit-il des<br />

méandres du discours du professeur<br />

Victor Benoît, de Guy Philippe<br />

ancien «candidat à la présidence»,<br />

du «léopard» Himmler Rébu, ou de<br />

ces médiocres lilliputiens qui tous<br />

réunis n’arrivent pas à accrocher<br />

15% de l’électorat ?<br />

Et le comble de la démagogie<br />

et du parler ronflant et creux est atteint<br />

par Dandin qui recommande<br />

«qu’ON investisse le champ radieux<br />

de l’action». Encore cet «ON»<br />

impersonnel, encore une phrase<br />

fleurie à la Manigat. De champ<br />

radieux de l’action, parlons-en,<br />

Dandin, parlons-en, Nancy Roc.<br />

Pendant les deux légales et démocratiques<br />

années du duumvirat<br />

Latortue-Alexandre, qu’avez-vous<br />

produit de bien radieux ? Sous<br />

les auspices de cette démocratie<br />

duumvirate, qu’avez-vous accouché<br />

de lumineux ? A un peu plus<br />

d’un mois du séisme du 12 janvier,<br />

qu’avez-vous mis en branle, en<br />

place, pour aider les sinistrés des<br />

violences de la croûte terrestre ?<br />

De quelle radieuse action pouvezvous<br />

vous enorgueillir ? De quelle<br />

campagne de désobéissance civile<br />

avez-vous pris l’initiative pour en<br />

arriver, en potekole avec les masses,<br />

à la désoccupation du pays ?<br />

Manyè di m non, Dandin ! Dis-moi<br />

donc, Nancy.<br />

En fait, avec ces deux jongleurs<br />

de phrases creuses, on ne peut s’empêcher<br />

de penser au proverbe haïtien:<br />

kite kò pou al kriye nan pye sèkèy.<br />

Roc et Dandin dénoncent les «tares»<br />

de «toutes [nos] catégories sociales»<br />

(pye sèkèy la), mais oublient que de<br />

«l’indemnisation» en 1825 aux trois<br />

occupations, ce sont de puissantes<br />

forces externes (kò a), exploiteuses,<br />

qui manipulent, entretiennent et tolèrent<br />

les modes d’agir et de penser<br />

d’une minorité interne, jouisseuse,<br />

donnant l’impression que toutes<br />

les catégories sociales sont affectées<br />

et handicapées par d’incurable tares.<br />

C’est plutôt à ces forces maldyòk que<br />

doivent d’abord s’en prendre Roc et<br />

Dandin au lieu de jouer aux moralisateurs<br />

en jonglant avec des phrases<br />

creuses, dépassées et insipides. Mais<br />

se colleter aux vrais coupables ce<br />

n’est pas dans leur mode d’agir et de<br />

penser…<br />

14<br />

Haïti Liberté<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010


Votre Santé avant tout !<br />

Ma foi, parlons un peu de votre foie<br />

Par Dòk Fanfan<br />

Rappel anatomique<br />

C’est l’organe le plus volumineux<br />

du corps (deux pour<br />

cent du poids corporel, soit une<br />

moyenne de 1 500 grammes).<br />

Il est situé dans l’abdomen,<br />

sous le diaphragme (espace appelé<br />

loge sous-phrénique droite),<br />

derrière les dernières côtes, en<br />

avant, à droite. C’est l'organe du<br />

corps humain qui effectue le plus<br />

grand nombre de transformations<br />

chimiques. On peut palper<br />

son bord inférieur sous les côtes.<br />

Quand le foie augmente de volume,<br />

on parle d’hépatomégalie.<br />

L'apport sanguin est réalisé<br />

par l'artère hépatique, amenant<br />

du sang oxygéné, et par la<br />

veine porte ramenant le sang du<br />

tube digestif riche en nutriments<br />

en période post prandiale (après<br />

la digestion). Le sang de ces deux<br />

vaisseaux se mélange dans de<br />

minuscules vaisseaux sanguins<br />

intra-hépatiques (sinusoïdes).<br />

Il est repris par les veines sushépatiques,<br />

qui se jettent dans la<br />

veine cave inférieure, elle- même<br />

se jetant dans le cœur droit après<br />

avoir traversé le diaphragme.<br />

foie<br />

Les grandes fonctions du<br />

1. Le foie participe au maintien<br />

du taux de sucre dans le sang<br />

C’est dans le foie et les muscles<br />

que le glucose (sucre) issu de la<br />

digestion des glucides contenus<br />

dans un repas, est transformé en<br />

glycogène, réserve énergétique.<br />

Entre les repas, le foie libère le<br />

glucose au fur et à mesure des besoins<br />

énergétiques de l’organisme.<br />

Cette fonction permet de garder<br />

un taux de glucose constant dans<br />

le sang (c'est-à-dire la glycémie).<br />

Aussi, un patient atteint d’une insuffisance<br />

hépatique sévère pourra<br />

présenter des hypoglycémies.<br />

Le foie et les structures environnantes. On notera les intestins dont le<br />

sang veineux passe à travers le foie pour être récupéré par la veine cave<br />

inférieure et être transporté jusqu’au coeur droit.<br />

2. La fonction de Stockage<br />

Stockage d'une multitude de substances,<br />

dont la vitamine B12, le<br />

fer, le cuivre et le glucose (sous<br />

forme de glycogène). Celles-ci<br />

sont récupérées par le foie lors de<br />

la destruction des vieilles hématies<br />

(globules rouges). Le foie emmagasine<br />

les vitamines A, D, K et<br />

E qui sont liposolubles (solubles<br />

dans la graisse).<br />

3. Le foie synthétise des molécules<br />

indispensables à l'organisme<br />

Le foie synthétise de nombreuses<br />

protéines comme l’albumine, les<br />

triglycérides, les lipoprotéines ou<br />

des facteurs de la coagulation.<br />

L’altération de cette fonction provoque<br />

des troubles de la coagulation,<br />

une diminution du taux des<br />

protéines dans le sang. Les acides<br />

gras provenant de la digestion des<br />

graisses sont transformés en molécules<br />

lipidiques plus complexes qui<br />

seront stockées dans les adipocytes<br />

(cellules graisseuses). Le foie<br />

synthétise le cholestérol, molécule<br />

indispensable qui participe à la<br />

formation d’hormones et qui entre<br />

dans la structure des membranes<br />

cellulaires.<br />

4. Le foie recycle les déchets<br />

Le foie est aussi chargé du recyclage<br />

des déchets issus du fonctionnement<br />

des cellules de l’organisme<br />

ainsi que des produits toxiques, des<br />

microbes, des médicaments, …. Il<br />

fait le tri, transforme et élimine les<br />

déchets. Il métabolise des drogues<br />

y compris l’alcool et transforme<br />

des agents nocifs en produits inactifs<br />

tant que ses fonctions sont<br />

intactes. Quand le foie fonctionne<br />

mal, il est nécessaire de faire attention<br />

aux médicaments qui sont<br />

métabolisés ou éliminés par le foie;<br />

un surdosage est alors possible.<br />

5. La fonction hépato-biliaire (voir<br />

le schéma)<br />

Le métabolisme des cellules du foie<br />

entraîne la production de déchets<br />

: protéiques, glucidiques, lipidiques;<br />

l’urée est par exemple un<br />

produit de dégradation des acides<br />

aminés(unités structurales de base<br />

des protéines). Ces déchets participent<br />

à la formation de la bile. La<br />

bile contient aussi du cholestérol<br />

ainsi que de la bilirubine, pigment<br />

biliaire issu de la dégradation des<br />

globules rouges et qui lui donne<br />

une couleur jaune-orangée.<br />

La bile est évacuée par les canaux<br />

biliaires présents dans le tissu hépatique,<br />

puis elle arrive dans la<br />

voie biliaire principale jusqu’à la<br />

vésicule biliaire où elle est stockée<br />

entre les repas. La vésicule biliaire<br />

est reliée au duodénum (la première<br />

partie de l’intestin grêle) par<br />

le canal cholédoque. Au moment<br />

de la digestion, la vésicule libère la<br />

bile nécessaire à l’absorption des<br />

vitamines A,D et K. Les sels biliaires<br />

contenus dans la bile émulsionnent<br />

les graisses, facilitant leur<br />

digestion. La bilirubine prend une<br />

couleur brune quand elle passe<br />

dans le tube digestif, ce qui explique<br />

la couleur des selles.<br />

Il arrive que les canaux excréteurs<br />

de la bile se bouchent. Alors ce qui<br />

n’est pas excrété dans la bile retournera<br />

dans le sang: la bilirubine<br />

va s’accumuler dans la circulation<br />

sanguine et elle sera responsable<br />

de l’apparition d’un ictère<br />

(jaunisse); par contre, comme elle<br />

ne sera pas passée dans le tube<br />

digestif, les selles seront pâles.<br />

Les cellules du foie elles-mêmes<br />

lorsqu’elles ne sont pas capables<br />

d’éliminer la bilirubine donnent<br />

lieu aussi à un ictère et des selles<br />

décolorées : c’est le cas des insuffisances<br />

hépatiques dues à une cirrhose,<br />

une hépatite.<br />

Survol des principales<br />

maladies du foie<br />

Les hépatites :<br />

Elles sont d’origine virale ou alcoolique,<br />

rarement médicamenteuse.<br />

Elles sont fulminantes et<br />

fatales, aiguës ou chroniques.<br />

L’ictère (jaunisse) est en un signe<br />

principal. Perte de l’appétit, sensibilité<br />

ou légère douleur au niveau<br />

du foie, nausées, vomissements,<br />

fièvre font partie du tableau clinique,<br />

à des degrés divers. Les<br />

formes aiguës guérissent spontanément<br />

(la majorité) ou bien<br />

passent à la chronicité, conduisant<br />

éventuellement à l’insuffisance<br />

hépatique.<br />

Les cirrhoses<br />

Elles sont généralement<br />

d’origine virale ou alcoolique, plus<br />

rarement liées à une surcharge en<br />

fer (hémochromatose) ou en cuivre<br />

(maladie de Wilson). Au mieux,<br />

elles se stabilisent, avec traitement.<br />

Au pire, elles conduisent à<br />

l’insuffisance hépatique ou, rarement,<br />

à un cancer.<br />

Les tumeurs<br />

Bénignes, elles sont rares et ne<br />

menacent pas la vie du patient.<br />

Malignes (cancers), elles sont de<br />

pronostic sombre, sauf exception:<br />

(1) les carcinomes hépatocelllaires,<br />

les plus fréquents; ils prennent<br />

naissance à partir des cellules<br />

hépatiques elles-mêmes, contrairement<br />

aux (2) cholangiocarcinomes<br />

prenant naissance à partir des<br />

canaux biliaires intrahépatiques,<br />

avec une prévalence plus élevée<br />

en Asie, attribuée aux parasitoses<br />

endémiques dans la région; et (3)<br />

les angiosarcomes, beaucoup plus<br />

rares et liés particulièrement au<br />

chlorure de vinyle.<br />

Les tumeurs métastatiques (secondaires)<br />

proviennent principalement<br />

des organes digestifs.<br />

Suite de la page (12) Témoignage et réflexions ............<br />

précisément à l’insistance avec<br />

laquelle Debray a demandé à partir.<br />

Face à cette situation —jour et nuit, il<br />

parlait avec le Che— il soulignait qu’il<br />

serait plus utile à la ville, nouant les<br />

contacts, que physiquement, il n’était<br />

pas guérillero, qu’il voulait partir, qu’il<br />

pouvait être très utile dehors (…)<br />

Dans la guérilla, il [Debray]<br />

n’a rien fait d’extraordinaire. Debray<br />

a passé son temps à parler de quitter<br />

la guérilla. Pour moi, compte tenu<br />

de tout ce qu’il a écrit, il a essayé de<br />

gagner la confiance de la Révolution<br />

cubaine et du Che. Je ne sais pas quel<br />

était son objectif. Avec ce qu’il a fait,<br />

la position qu’il a prise ces derniers<br />

temps, je n’exclue pas qu’il ait pu<br />

jouer sur les deux tableaux.<br />

Le Che a agi de manière conséquente<br />

envers lui, il a même été<br />

compréhensif lorsque Debray lui a<br />

parlé de son désir d’avoir un enfant<br />

(…) Je vous disais précisément que<br />

la séparation en deux groupes (…)<br />

C’est quelque chose que personne n’a<br />

dit et je dirais à Debray qu’il soit plus<br />

honnête, qu’il dise que la guérilla a<br />

eu plus de problèmes par sa faute,<br />

qu’il dise au moins une fois qu’il a<br />

été responsable de la séparation de<br />

la guérilla (…) Lorsque les hommes,<br />

n’ont pas l’envergure voulue, ils peuvent<br />

changer d’avis et Ciro Bustos a<br />

changé d’avis. Il s’est vu prisonnier, il<br />

semble qu’ils l’ont menacé et il a "déteint",<br />

il a perdu sa couleur. C’est ce<br />

que je crois à propos de Ciro Bustos,<br />

et de Debray —je le répète— je pense<br />

qu’il jouait sur les deux tableaux. »<br />

Tout le monde aura compris<br />

que ce général est un affabulateur.<br />

« Il a joué sur les deux tableaux ».<br />

Insensé ! De telles accusations ne<br />

méritent même pas d’être démenties.<br />

Voilà donc pour 1967 [3]. Refermons<br />

le dossier. Rien de bien grave. « Debray<br />

a parlé plus que nécessaire » mais<br />

c’est Che Guevara qui le dit. « Il a<br />

fait des confessions qu’il n’avait pas<br />

à faire. » C’est encore le Che qui le<br />

dit. Je me demande si ce Che n’était<br />

pas au fond un peu jaloux de notre<br />

grand intellectuel et de notre merveilleux<br />

écrivain national, pour douter<br />

ainsi de son ami. Le rôle mineur de<br />

Che Guevara dans la révolution cubaine<br />

peut-il être un seul instant<br />

comparé aux exploits de Régis Debray<br />

? Evidemment non ! Il suffit pour<br />

s’en persuader d’admettre la vérité :<br />

Guevara n’était qu’un perdant. La<br />

preuve ? Il est mort, pris et exécuté<br />

sommairement le 9 octobre 1967,<br />

alors que le courageux Debray, lui, a<br />

survécu et il est même devenu célèbre<br />

en racontant, pendant 43 ans<br />

durant, ses glorieuses aventures<br />

dans la jungle bolivienne. Comme<br />

je l’envie ! Donc tout cela ne<br />

prouve rien. Seulement que le Che<br />

était paranoïaque et, au pire, que<br />

Régis Debray aime la conversation<br />

et parle à tout le monde. Même à<br />

la CIA. Quoi de mal à cela ? C’est<br />

sans doute à cause de cette affabilité<br />

naturelle que Nicolas Demorand<br />

l’a invité le 22 janvier 2010<br />

au micro de France Inter. A-t-il<br />

trop parlé ? Non, il a juste dit qu’il<br />

fallait mettre Haïti sous tutelle.<br />

Dr. Joel<br />

Henriquez Poliard<br />

M.D.<br />

Family and Community<br />

Medicine<br />

Public health and Pedriatics<br />

5000 N.E. Second Ave,<br />

Miami FL, 33137<br />

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Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 15


A travers le monde<br />

Venezuela développera<br />

l’énergie nucléaire<br />

Le président vénézuélien,<br />

Hugo Chavez, a confirmé<br />

la décision de son gouvernement<br />

de développer l’énergie<br />

nucléaire à des fins pacifiques,<br />

ce qu’il a considéré<br />

comme un droit souverain<br />

des pays. Il a annoncé la<br />

mise en place d’une commission<br />

chargée de la question.<br />

Le président Chavez a confirmé<br />

attendre les attaques<br />

du gouvernement étasunien,<br />

tout comme il arrive aux autorités<br />

iraniennes.<br />

« Quand nous commencerons<br />

à développer<br />

notre énergie nucléaire, parce<br />

que nous allons le faire, on<br />

va poser son regard sur nous<br />

Hommage à Daniel Bensaïd<br />

Par Nestor Bidadanure<br />

Cet intellectuel et militant<br />

de la gauche radicale,<br />

professeur de philosophie<br />

à Paris-VIII, nous a quittés.<br />

Mais son exemple demeure.<br />

Importante figure de la<br />

gauche radicale et un<br />

des principaux dirigeants<br />

du mouvement de Mai-68,<br />

Daniel Bensaïd [ndlr : né le<br />

25 mars 1946 à Toulouse<br />

] est décédé à l’âge de 62<br />

ans, le 12 janvier 2010, à la<br />

suite d’une longue maladie.<br />

Cet intellectuel révolutionnaire<br />

et humaniste aura,<br />

à sa façon, marqué son<br />

temps. Il n’a cessé de dénoncer<br />

l’appauvrissement<br />

actuel du politique de plus<br />

en plus réduit au simple jeu<br />

électoraliste. Il attribuait<br />

cette évolution aux dérives<br />

populistes relayées par<br />

les médias qui assimilent<br />

l’action politique collective<br />

à la seule figure du chef.<br />

Il recommandait aux<br />

militants l’humilité et la lucidité,<br />

antidotes à l’illusion<br />

qui consiste à se croire intelligent<br />

tout seul dans son<br />

coin alors que l’on pense<br />

et grandit avec les autres,<br />

dans l’échange. Notre conscience,<br />

disait-il, est en<br />

grande partie le produit des<br />

pratiques collectives et non<br />

uniquement une conquête<br />

individuelle. Il insistait sur<br />

le fait qu’adhérer à un parti<br />

politique devait signifier<br />

militer d’abord avant d’aller<br />

voter. Il y avait, selon lui,<br />

une éthique militante dont<br />

l’exigence première était la<br />

primauté des convictions<br />

politiques sur toute autre<br />

considération.<br />

À ceux qui lui demandaient<br />

si ses activités<br />

d’intellectuel, d’écrivain et<br />

de professeur d’Université<br />

ne souffraient pas de ses<br />

positions militantes, il rappelait<br />

que l’engagement<br />

politique de Jean Jaurès,<br />

d’Antonio Gramsci, Marcel<br />

Mauss… ne les avait pas<br />

empêchés d’être des penseurs<br />

prolifiques incontestés.<br />

Pour échapper aux ris-<br />

et on dira que Chavez est en<br />

train de construire la bombe<br />

atomique » a-t-il relevé.<br />

A ce propos, il a<br />

souligné que le Venezuela<br />

n’a pas besoin d’armes<br />

d’extermination massive. «<br />

Nous détenons déjà « une<br />

bombe atomique », le Parti<br />

Socialiste et le peuple uni »<br />

a signalé Hugo Chavez qui<br />

a défendu le droit de l’Iran<br />

d’utiliser le nucléaire à des<br />

fins pacifiques. « Le Venezuela<br />

comprend clairement<br />

la lutte de l’Iran, parce que<br />

c’est la même lutte pour la<br />

souveraineté. Il faut continuer<br />

à repousser la prétention<br />

de l’impérialisme<br />

ques de l’assujettissement<br />

de la pensée autonome<br />

aux impératifs politiques,<br />

maintes fois observés dans<br />

l’Histoire, Daniel Bensaïd<br />

suggérait de toujours<br />

séparer le temps des activités<br />

militantes de celui<br />

de la réflexion théorique.<br />

Internationaliste, il assumait<br />

le soutien que son<br />

organisation, la Ligue<br />

communiste révolutionnaire<br />

(trotskiste, devenue<br />

le Nouveau parti anticapitaliste<br />

il y a un an), dont<br />

il fût l’un des théoriciens,<br />

a historiquement apporté<br />

aux luttes anticolonialistes<br />

et anti-impérialistes,<br />

malgré les désillusions.<br />

Aux critiques des intellectuels,<br />

soutenant l’État<br />

d’Israël qui lui reprochaient<br />

ses positions en faveur<br />

de l’autodétermination<br />

du peuple palestinien, il<br />

répondait qu’il était injuste<br />

et simpliste d’assimiler<br />

la critique du sionisme à<br />

l’antisémitisme.<br />

Il était de ceux<br />

qui pensent que seule<br />

l’existence d’espaces de dialogue<br />

sincère, de réflexion<br />

et de critique de la société<br />

peut préserver les États des<br />

dérives totalitaires. Concernant<br />

la possibilité du<br />

socialisme du XXI e siècle,<br />

Daniel Bensaïd croyait<br />

toujours, à l’instar de son<br />

collègue Alain Badiou, à<br />

l’hypothèse communiste<br />

comme solution à la crise<br />

du néolibéralisme, tout en<br />

reconnaissant que bien des<br />

concepts révolutionnaires<br />

avaient été marqués négativement<br />

par les dérives<br />

répressives de certains<br />

pouvoirs qui s’en sont<br />

réclamés au XX e siècle.<br />

Il voyait dans l’expérience<br />

du mouvement zapatiste<br />

au Mexique et le slogan<br />

altermondialiste « Un autre<br />

monde est possible » une<br />

tentative de sortir les luttes<br />

sociales de l’emprise bureaucratique.<br />

Mais il faisait<br />

remarquer que le visage de<br />

cet « autre monde » n’était<br />

qu’au stade de balbutiement.<br />

Dans son livre Les<br />

Dépossédés (La Fabrique,<br />

Le président vénézuélien,<br />

Hugo Chavez<br />

yankee d’empêcher le développement<br />

économique et énergétique de l’Iran »<br />

a souligné le président vénézuélien qui<br />

a félicité son homologue iranien, Mahmoud<br />

Ahmadinejad, pour le 31e anniversaire<br />

de la Révolution islamique.<br />

Cuba si lorraine 13 février 2010<br />

Daniel Bensaïd<br />

2007), il montre que les questions<br />

de notre temps sur les limites de ce<br />

qui est privatisable ne datent pas<br />

d’aujourd’hui, que la destruction en<br />

Europe du droit privé des pauvres<br />

dans les villages et des formes de<br />

solidarité coutumières au cours de la<br />

première moitié du XIX e siècle a été<br />

brutale, comme le sont aujourd’hui<br />

la privatisation du vivant et des connaissances,<br />

et la destruction de la<br />

Sécurité sociale conquise de haute<br />

lutte au cours du XX e siècle. Humble,<br />

digne et déterminé: tel fût Daniel<br />

Bensaïd. Il laisse un bel exemple de<br />

l’exercice de la liberté humaine et<br />

cela ne meurt pas.<br />

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La montée dangereuse des<br />

tensions entre la Chine et les<br />

Etats-Unis<br />

Par John Chan<br />

L<br />

'annonce par les Etats-<br />

Unis d'une vente d'armes<br />

atteignant 6,4 milliards de<br />

dollars à Taïwan a provoqué<br />

une forte réaction adverse<br />

de la part de la Chine ainsi<br />

qu'une forte montée des tensions<br />

entre ces deux grandes<br />

puissances. La détermination,<br />

de part et d'autre, de prendre<br />

une position dure sans se<br />

soucier des conséquences fait<br />

naître le spectre d'une fracture<br />

ouverte dans les relations<br />

diplomatiques et politiques<br />

des deux pays.<br />

La décision d'annoncer<br />

cette vente, alors qu'on savait<br />

parfaitement que la Chine allait<br />

réagir avec force était, de<br />

la part des Etats-Unis, une<br />

démarche calculée, destinée<br />

à contrecarrer l'influence<br />

économique et politique<br />

grandissante de Pékin dans<br />

le monde. Un article du New<br />

York Times de lundi déclare<br />

que l'administration Obama<br />

avait commencé un « refoulement<br />

». En annonçant cette<br />

vente d'armes, les Etats-Unis<br />

avaient « porté un coup direct<br />

au coeur de la question<br />

diplomatique la plus sensible<br />

existant entre les deux pays<br />

depuis que l'Amérique a adhéré<br />

à la politique d'une seule<br />

Chine en 1972. »<br />

Le New York Times<br />

explique que la vente était «<br />

doublement exaspérante pour<br />

Pékin, étant donné qu'elle arrivait<br />

si peu de temps après<br />

l'annonce par le président<br />

Bush en 2008 d'une vente<br />

similaire à Taïwan et juste<br />

au moment ou Pékin et Taïwan<br />

se trouvaient au milieu<br />

d'une sorte de détente<br />

dans leurs propres relations<br />

». L'annonce fût faite le jour<br />

même où la secrétaire d'Etat<br />

américaine aux Affaires<br />

étrangères, Hillary Clinton,<br />

avait critiqué Pékin publiquement<br />

pour ne pas avoir accepté<br />

de nouvelles mesures<br />

punitives à l'égard de l'Iran<br />

et de son programme nucléaire.<br />

Washington a enfoncé<br />

le couteau dans la plaie en insistant<br />

pour que la rencontre<br />

Costa Rica Laura Chinchilla<br />

élue à la Présidence<br />

Laura Chinchilla est la première<br />

femme à accéder à<br />

la présidence du Costa Rica.<br />

Politologue de 50 ans, ancienne<br />

vice-présidente du<br />

président sortant Oscar Arias,<br />

elle a emporté l'élection présidentielle<br />

au premier tour.<br />

Candidate du Parti de libération<br />

nationale (PLN, centredroit),<br />

elle a recueilli 47%<br />

des suffrages, contre 25%<br />

entre Obama et le Dalaï-Lama<br />

ait lieu malgré les objections<br />

chinoises.<br />

Le refus de la Chine de<br />

se laisser intimider et forcer<br />

à durcir sa position vis-à-vis<br />

de l'Iran est seulement l'une<br />

de nombreuses causes de<br />

frustration pour Washington.<br />

Durant sa visite à Pékin l'an<br />

dernier, Obama avait poussé<br />

ses homologues Chinois à<br />

réévaluer le yuan vis-à-vis<br />

du dollar et à accepter des<br />

limitations définitives pour les<br />

émissions de CO2. Le président<br />

américain a non seulement<br />

échoué dans la question<br />

de la réévaluation monétaire,<br />

mais on lui a aussi fait la<br />

leçon sur les besoins d'une<br />

gestion économique saine. Le<br />

premier ministre chinois lui a<br />

également infligé un camouflet<br />

au sommet sur le climat<br />

de Copenhague, n'envoyant à<br />

des négociations cruciales de<br />

dernière minute que des responsables<br />

de second plan.<br />

Washington a décidé un<br />

« refoulement » sur des questions<br />

particulièrement sensibles.<br />

Steve Clemons, directeur<br />

de la politique extérieure à la<br />

New America Foundation, a<br />

dit au New York Times « la<br />

Chine se sent très en confiance<br />

ces jours-ci, mais là où<br />

les Chinois pètent les plombs<br />

régulièrement c'est la question<br />

de la souveraineté. Tout<br />

ce qui a donc trait à Taïwan<br />

ou au Tibet les fera réagir. »<br />

Pékin considère Taïwan<br />

comme une province renégate<br />

et a menacé de l'envahir si Taïpeh<br />

venait à déclarer une indépendance<br />

dans les formes.<br />

Washington a soutenu la<br />

dictature du Kouo-min-tang,<br />

établie sur l'île après la révolution<br />

chinoise, mais il y eût en<br />

1972 un rapprochement avec<br />

la Chine. L'accord entre les<br />

deux pays fût toujours gros<br />

de contradictions, les États-<br />

Unis reconnaissant le contrôle<br />

de Pékin sur l'ensemble<br />

de la Chine y compris Taïwan,<br />

mais continuant de s'opposer<br />

à toute réunification par la<br />

force et à vendre des armes à<br />

Taïwan malgré les objections<br />

de la Chine. La Chine est<br />

particulièrement sensible à la<br />

à son principal rival, Otton<br />

Solis du Parti d'action citoyenne<br />

(PAC, centre-gauche).<br />

Otto Guevara, candidat du<br />

Mouvement libertaire (ML,<br />

droite), qui est arrivé en<br />

troisième position avec 21%.<br />

Députée de 2002 à<br />

2006, elle fut également<br />

Ministre de la Justice. Elle<br />

a le soutien des milieux<br />

économiques, proches du<br />

question de Taïwan parce que<br />

tout pas vers une indépendance<br />

de la part de celle-ci encouragerait<br />

des mouvements<br />

séparatistes dans d'autres<br />

régions, entr’ autres, au Tibet<br />

et au sein de la population<br />

Ouïgour, dans la province de<br />

Xinjiang. Lorsque les Etats-<br />

Unis avaient fait allusion à<br />

la vente d'armes en question<br />

le mois dernier, Pékin avait<br />

manifesté son déplaisir en<br />

procédant à des essais de<br />

son système de missiles antibalistiques<br />

et en détruisant un<br />

missile qu'elle avait envoyé<br />

dans l'espace.<br />

A la suite de l'annonce<br />

de la semaine dernière, le régime<br />

chinois a pris la mesure,<br />

sans précédent, de menacer<br />

de sanctions les entreprises<br />

américaines impliquées dans<br />

la vente d'armes - une démarche<br />

qui aurait des conséquences<br />

importantes pour<br />

des sociétés comme Boeing,<br />

United Technologies, Lockheed<br />

Martin et Raytheon.<br />

Boeing s'inquiète de ce qu'il<br />

pourrait perdre du terrain visà-vis<br />

de son rival, Airbus, sur<br />

un marché estimé à 3770<br />

avions et qui atteindra une<br />

valeur de 400 milliards de<br />

dollars en 2028. La Chine a<br />

aussi annoncé un gel immédiat<br />

des échanges militaires<br />

avec les Etats-Unis et a convoqué<br />

l'ambassadeur américain<br />

à Pékin afin de protester<br />

dans les formes.<br />

Il existait déjà une augmentation<br />

des tensions commerciales<br />

entre les Etats-Unis<br />

et la Chine. Pékin avait réagi<br />

avec colère à l'imposition<br />

de tarifs douaniers sur les<br />

produits sidérurgiques et les<br />

pneumatiques chinois, menaçant<br />

les Etats-Unis de représailles.<br />

Le président Obama<br />

poursuit cependant sur sa lancée,<br />

il a dit aux démocrates du<br />

Sénat la semaine dernière que<br />

son administration allait se<br />

montrer « beaucoup plus dure<br />

dans l'imposition des règles<br />

commerciales existantes, exerçant<br />

une pression constante<br />

sur la Chine et d'autres pays<br />

afin qu'ils ouvrent leurs marchés<br />

de façon réciproque.»<br />

Suite à la page (17)<br />

président sortant, et a déclaré<br />

poursuivre la politique de<br />

libéralisation économique<br />

menée par le président Arias,<br />

défenseur du libéralisme<br />

économique. Laura Chinchilla<br />

prêtera serment en mai<br />

prochain.<br />

El Correo Paris, 8 février<br />

2010.<br />

16<br />

Haïti Liberté<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010


Suite de la page (16) La montèe ............<br />

Pourquoi<br />

Dans cette ambiance surchauffée,<br />

des sanctions chinoises à l'égard<br />

de Boeing pourraient déclencher une<br />

guerre commerciale ouverte.<br />

Cette escalade des tensions est<br />

l'expression de profonds changements<br />

géopolitiques. Les Etats-Unis<br />

font face, en tant que puissance en<br />

déclin mais encore dominante, à un<br />

défi économique et stratégique croissant<br />

de la part de la Chine et ce, dans<br />

chaque coin du globe, alors que Pékin<br />

cherche à se garantir un accès aux<br />

ressources et aux marchés. Les Etats-<br />

Unis tentent, de façon agressive, de<br />

consolider leurs occupations néocoloniales<br />

en Afghanistan et en Iraq pour<br />

s'assurer une position hégémonique<br />

dans les régions riches en ressources<br />

énergétiques du Moyen-Orient et<br />

d'Asie centrale. La Chine essaie de<br />

consolider ses propres alliances afin<br />

de faire partir les Etats-Unis de ce<br />

qu'elle considère comme sa propre<br />

zone d'influence, l'Asie centrale, et<br />

de garantir des livraisons de pétrole<br />

et de gaz vitales pour elle.<br />

Après avoir pris ses fonctions<br />

l'an dernier au beau milieu de la<br />

crise financière mondiale, Obama a<br />

recherché l'assistance de la Chine.<br />

Faisant face à des déficits énormes,<br />

les responsables de l'administration<br />

Obama en ont appelé à Pékin pour<br />

qu'elle continue d'acheter les obligations<br />

américaines et ils ont inclus<br />

le gouvernement chinois dans les<br />

discussions sur la crise, à travers<br />

le groupe du G 20. Certains optimistes<br />

ont alors même spéculé sur<br />

la formation d'un G2 - Etats-Unis et<br />

Chine - qui résoudrait les problèmes<br />

économiques du monde dans un esprit<br />

de coopération.<br />

L'approche de confrontation<br />

adoptée à présent par les Etats-<br />

Unis et la réponse déterminée de la<br />

Chine soulignent les contradictions<br />

économiques, politiques et sociales<br />

insolubles auxquelles fait face la<br />

classe capitaliste dans les deux pays.<br />

Face à un chômage à deux décimales<br />

et à la nécessité de faire des coupes<br />

immenses dans le budget, Obama<br />

joue la carte chinoise avec agressivité<br />

afin de donner un avantage à<br />

l'économie américaine aux dépens<br />

de l'économie chinoise et, sur le plan<br />

politique, pour détourner l'attention<br />

de sa propre responsabilité dans<br />

l'approfondissement de la crise<br />

économique en Amérique même.<br />

Quant à la Chine, elle affronte,<br />

malgré un taux de croissance « de<br />

temps de prospérité », un chômage<br />

en augmentation et une agitation<br />

sociale croissante qui s'aggraveront<br />

encore si ses industries-clés<br />

d'exportation sont frappées par des<br />

mesures protectionnistes. Les immenses<br />

mesures de relance prises<br />

par le régime chinois ont conduit<br />

à une orgie de spéculation sur les<br />

actions et sur l'immobilier, faisant<br />

naître la peur d'un effondrement<br />

financier. Tout comme Obama, les<br />

dirigeants chinois jouent la carte du<br />

chauvinisme, déclarant qu'ils vont<br />

défendre les intérêts de la Chine, afin<br />

de cacher leur propre rôle dans la<br />

création d'une des sociétés les plus<br />

inégalitaires dans le monde.<br />

Il existe un danger très réel que<br />

Taïwan, le Tibet ou tout autre problème<br />

ne devienne le point de cristallisation<br />

d'un effondrement rapide des relations<br />

entre les deux puissances et de<br />

l'éruption d'une guerre économique<br />

et pour finir d'un conflit militaire -<br />

comme ce fût le cas lors de la dernière<br />

grande crise du capitalisme mondial<br />

dans les années trente.<br />

Wsws 10 février 2010<br />

Suite de la page (13)<br />

ou au Panama, même si le président<br />

Obama n'est pas lui-même<br />

un homme politique de droite. Ceci<br />

montre bien la continuité de la politique<br />

de mainmise des Etats-Unis.<br />

La victoire de la droite au Chili la<br />

semaine dernière, première fois où<br />

elle gagnait des élections depuis un<br />

demi-siècle, était une victoire importante<br />

pour le gouvernement US. Si<br />

le Parti des travailleurs (Partido dos<br />

Trabalhadores, PT) de Lula da Silva<br />

devait perdre les élections présidentielles<br />

au Brésil à l'automne prochain,<br />

ce serait une victoire extraordinaire<br />

pour le département d'état.<br />

Si les hauts responsables US<br />

à la fois sous Bush et sous Obama<br />

sont restés courtois vis-à-vis du<br />

Brésil, il est évident qu'ils sont profondément<br />

irrités par les changements<br />

dans la politique étrangère<br />

du Brésil, qui s'est allié à des gouvernements<br />

socio-démocrates du<br />

continent américain et a adopté des<br />

positions indépendantes en matière<br />

de politique étrangère vis-à-vis du<br />

Moyen-Orient, de l'Iran ou autres.<br />

Les Etats-Unis se sont en fait<br />

immiscés dans la politique du Brésil<br />

pas plus tard qu'en 2005, où ils<br />

avaient organisé une conférence<br />

pour pousser à l'adoption d'une loi<br />

qui empêcherait les parlementaires<br />

de soutenir un parti ou un autre,<br />

selon le cas. Cette loi aurait renforcé<br />

l'opposition au parti du gouvernement<br />

de Lula dans la mesure<br />

où les membres du PT respectent<br />

la discipline de parti, ce que beaucoup<br />

de responsables politiques de<br />

l'opposition ne font pas. Cette intervention<br />

du gouvernement US n'a<br />

été révélée que l'an dernier grâce à<br />

une demande d'information déposée<br />

Emmanuel Constant, le chef de l'escadron de la mort le plus notoire<br />

à Washington dans le cadre de la loi<br />

Freedom of Information Act.<br />

Il y a bien d'autres interventions<br />

encore qui ont lieu sur tout le<br />

continent américain et dont nous<br />

n'avons pas connaissance. Les<br />

Etats-Unis sont largement impliqués<br />

dans la politique au Chili depuis les<br />

années 60, bien avant qu'ils aient<br />

organisé le renversement du gouvernement<br />

démocratique en 1973.<br />

En octobre 1970, le président Richard<br />

Nixon fulminait dans le Bureau<br />

Ovale contre le président socio-démocrate<br />

du Chili, Salvador Allende.<br />

"Ce fils de pute", avait dit Richard<br />

Nixon, le 15 octobre 1970, "ce fil<br />

de pute d'Allende, nous allons le<br />

fracasser". Quelques semaines plus<br />

tard, il expliquait pourquoi: “Le<br />

problème principal avec le Chili,<br />

c'est qu'Allende peut asseoir son<br />

pouvoir, et l'image qui sera projetée<br />

dans le monde entier, ce sera sa<br />

réussite … si nous permettons aux<br />

dirigeants éventuels en Amérique<br />

du sud de penser qu'ils peuvent faire<br />

comme le Chili et avoir le beurre et<br />

l'argent du beurre, nous allons avoir<br />

des problèmes… ".<br />

Cela montre encore combien<br />

les pions sont importants, et le<br />

cauchemar de Nixon est en fait devenu<br />

réalité un quart de siècle plus<br />

tard quand pays après pays élisait<br />

des gouvernements de gauche indépendants<br />

dont Washington ne<br />

voulait pas. Les Etats-Unis ont fini<br />

par "perdre" la plus grande partie de<br />

la région. Mais ils cherchent actuellement<br />

à la regagner l’un après<br />

l'autre. Ce sont les petits pays pauvres<br />

situés géographiquement le<br />

plus près des Etats-Unis qui sont<br />

le plus en danger. Le Honduras et<br />

Haïti n'auront sans doute droit à des<br />

élections démocratiques que quand<br />

l'influence que Washington exerce<br />

sur leur politique sera vraiment affaiblie.<br />

Mark Weisbrot est économiste<br />

et codirige le "Center for Economic<br />

and Policy Research".<br />

The Guardian 29 January 2010<br />

Par emcee Des bassines et du<br />

zèle 9 février 2010<br />

Comment<br />

Suite de la page (11)<br />

développa sous la bannière des<br />

tribunaux islamiques pour combattre<br />

les seigneurs de guerre locaux et<br />

ramener l’unité dans le pays. C’était<br />

une sorte d’intifada. Pour empêcher<br />

ce mouvement de reconstruire la<br />

Somalie, les Etats-Unis décidèrent<br />

brusquement de soutenir le gouvernement<br />

de transition somalien<br />

qu’ils n’avaient jamais voulu reconnaître.<br />

En fait, ils se rendirent compte<br />

que leur projet d’une Somalie sans<br />

Etat effectif n’était plus possible et<br />

qu’un mouvement était sur le point<br />

d’aboutir à une réconciliation du<br />

pays, islamique qui plus est ! Dans<br />

le but de saboter l’unité somalienne,<br />

ils décidèrent donc d’appuyer ce gouvernement<br />

de transition. Mais comme<br />

celui-ci ne disposait ni d’une base<br />

sociale, ni d’une armée, ce fûrent<br />

les troupes éthiopiennes commandées<br />

par Washington qui attaquèrent<br />

Mogadiscio pour faire tomber les tribunaux<br />

islamiques.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Ça a marché ?<br />

Mohamed Hassan : Non,<br />

l’armée éthiopienne a été défaite et<br />

a dû quitter la Somalie. De leurs côtés,<br />

les tribunaux islamiques se sont<br />

dispersés en divers mouvements qui<br />

aujourd’hui encore, contrôlent une<br />

bonne partie du pays. Quant au gouvernement<br />

de transition d’Abdullah<br />

Yussuf, il s’est effondré et les Etats-<br />

Unis l’ont remplacé par Sheik Sharrif,<br />

l’ancien porte-parole des tribunaux<br />

islamiques.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Sheik Sharrif est donc<br />

passé dans « l’autre camp » ?<br />

Mohamed Hassan : Il occupait<br />

la fonction de porte-parole des tribunaux<br />

islamiques, car c’est un bon<br />

orateur. Mais il n’a pas de connaissances<br />

politiques. Il n’a aucune idée<br />

de ce qu’est l’impérialisme ou le nationalisme.<br />

C’est pour ça que les puissances<br />

occidentales l’ont récupéré.<br />

C’était le maillon faible des tribunaux<br />

islamiques. Il préside aujourd’hui un<br />

faux gouvernement, créé à Djibouti.<br />

Qui n’a aucune base sociale ni autorité<br />

en Somalie. Il existe seulement<br />

sur la scène internationale parce que<br />

les puissances impérialistes le soutiennent.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : En Afghanistan, les Etats-<br />

Unis se disent prêts à négocier avec<br />

des talibans. Pourquoi ne cherchentils<br />

pas à dialoguer avec les groupes<br />

islamiques en Somalie ?<br />

Mohamed Hassan : Parce<br />

que ces groupes veulent renverser<br />

l’occupant étranger et permettre une<br />

réconciliation nationale du peuple somalien.<br />

Du coup, les Etats-Unis veulent<br />

briser ces groupes, car une réconciliation<br />

– que ce soit à travers les<br />

mouvements islamiques ou à travers<br />

le gouvernement de transition - n’est<br />

pas dans l’intérêt des forces impérialistes.<br />

Elles veulent juste le chaos. Le<br />

problème, c’est qu’aujourd’hui, ce<br />

chaos s’étend aussi à l’Ethiopie, très<br />

faible depuis l’agression de 2007.<br />

Un mouvement de résistance nationale<br />

y a vu le jour en lutte contre<br />

le gouvernement pro-impérialiste<br />

d’Addis Abeba. Avec leur théorie du<br />

chaos, les Etats-Unis ont en fait créé<br />

des problèmes dans toute la région.<br />

Et maintenant, ils s’en prennent à<br />

l’Erythrée.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Pourquoi?<br />

Mohamed Hassan : Ce petit<br />

pays mène une politique nationale<br />

indépendante. L’Erythrée a aussi<br />

une vision pour toute la région : la<br />

corne de l’Afrique (Somalie, Djibouti,<br />

Ethiopie, Erythrée) n’a pas<br />

besoin de l’ingérence des puissances<br />

étrangères, ses richesses doivent lui<br />

permettre d’établir de nouvelles relations<br />

économiques basées sur un<br />

respect mutuel. Pour l’Erythrée, cette<br />

région doit se prendre en mains et ses<br />

membres doivent pouvoir discuter de<br />

leurs problèmes. Bien évidemment,<br />

cette politique effraie les Etats-Unis<br />

qui craignent que d’autres pays suivent<br />

cet exemple. Alors, ils accusent<br />

l’Erythrée d’envoyer des armes en<br />

Somalie et de fomenter des troubles<br />

en Ethiopie.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Selon vous, l’Erythrée<br />

n’envoie pas d’armes en Somalie ?<br />

Mohamed Hassan : Pas<br />

même une cartouche ! C’est de la<br />

pure propagande, comme celle qu’on<br />

mena contre la Syrie à propos de la<br />

résistance irakienne. La vision de<br />

l’Erythrée rejoint le projet de révolution<br />

de l’Océan Indien que nous<br />

évoquions plus haut. Les puissances<br />

occidentales n’en veulent pas et<br />

souhaitent ramener l’Erythrée dans<br />

le cercle des Etats néocoloniaux sous<br />

contrôle, tels que le Kenya, l’Ethiopie<br />

ou l‘Ouganda.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : N’y a-t-il pas de terroristes<br />

en Somalie ?<br />

Mohamed Hassan : Les puissances<br />

impériales présentent toujours<br />

comme terroristes les peuples<br />

qui luttent pour leurs droits. Les Irlandais<br />

étaient des terroristes jusqu’à<br />

ce qu’ils signent un accord. Abbas<br />

était un terroriste. Maintenant, c’est<br />

un ami.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : On parle pourtant d’une<br />

présence d’Al Qaeda ?<br />

Mohamed Hassan : Al Qaeda<br />

est partout, de la Belgique à l’Australie<br />

! Cet Al Qaeda invisible est un logo<br />

destiné à justifier auprès de l’opinion<br />

publique des opérations militaires.<br />

Si les Etats-Unis disaient à leurs citoyens<br />

et soldats : « Nous allons<br />

envoyer nos troupes dans l’Océan<br />

Indien pour éventuellement combattre<br />

la Chine », les gens auraient peur<br />

bien entendu. Mais s’ils disent qu’il<br />

s’agit de combattre des pirates et Al<br />

Qaeda, cela ne pose pas de problèmes.<br />

En réalité, le véritable objectif<br />

est tout autre. Il consiste à installer<br />

des forces dans la région de l'Océan<br />

Indien qui sera le théâtre de conflits<br />

majeurs des années à venir.<br />

Mohamed Hassan est un spécialiste<br />

de la géopolitique et du monde<br />

arabe. Né à Addis Abeba (Ethiopie),<br />

il a participé aux mouvements d’étudiants<br />

dans la cadre de la révolution<br />

socialiste de 1974 dans son pays.<br />

Il a étudié les sciences politiques en<br />

Egypte avant de se spécialiser dans<br />

l’administration publique à Bruxelles.<br />

Diplomate pour son pays d’origine<br />

dans les années 90, il a travaillé<br />

à Washington, Pékin et Bruxelles.<br />

Co-auteur de L’Irak sous l’occupation<br />

(EPO, 2003), il a aussi participé à des<br />

ouvrages sur le nationalisme arabe et<br />

les mouvements islamiques, et sur le<br />

nationalisme flamand. C’est un des<br />

meilleurs connaisseurs contemporains<br />

du monde arabe et musulman.<br />

Les auteurs Grégoire Lalieu et<br />

Michel Collon sont journalistes au<br />

site Investig'Action, un partenaire de<br />

Tlaxcala, le réseau international de<br />

traducteurs pour la diversité linguistique.<br />

Source : Investig'Action article<br />

original publié le 8 Décembre 2009<br />

Tlaxcala 3 Février 2010<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 17


Le séisme<br />

Suite de la page (7)<br />

de canne à sucre étasuniennes<br />

à Cuba et en République dominicaine.<br />

Car, a décrété l’occupant: «La<br />

main-d'œuvre nègre est plus rentable<br />

et moins coûteuse.» Les terres<br />

volées aux paysans ont été remises<br />

à des compagnies nord-américaines<br />

qui n’ont pas tardé à les transformer<br />

en désert, à l’image de Savann Dezole<br />

(Gonaïves), là où ont péri la<br />

majorité des victimes de la tempête<br />

tropicale Jeanne, en 2004.<br />

Si la France et les Etats-Unis<br />

sont en tête sur la liste des pilleurs de<br />

ressources haïtiennes, il y a lieu de<br />

remarquer qu’ils sont assez bien accompagnés<br />

dans le haut du tableau.<br />

Des pays comme l’Angleterre ou<br />

l’Allemagne ne se sont jamais gênés,<br />

durant tout le XIXe siècle, d’assaillir<br />

les caisses de la République d’Haïti<br />

avec leurs bateaux de guerre, exactement<br />

comme un voleur de rue<br />

colle son revolver sur la tempe de<br />

sa victime. L’affaire Luders – ce ressortissant<br />

allemand, ayant enfreint<br />

nos lois en 1897, avait été arrêté<br />

et condamné; prétexte pour le gouvernement<br />

allemand d’envoyer deux<br />

navires de guerre dans la rade de<br />

Port-au-Prince et d’exiger une rançon<br />

de 20'000 dollars – est connue<br />

de tout écolier haïtien.<br />

Mais le coup de grâce devait<br />

venir du grand voisin du nord. Vers<br />

la fin de la décennie 1970, ayant<br />

éprouvé un besoin d’agrandir leur<br />

marché, les Etats-Unis avaient identifié<br />

dans le marché haïtien une de<br />

leurs arrière-cours idéales. Jouissant<br />

de la complicité sans faille de la<br />

grandonarcho-bourgeoisie haïtienne<br />

et de ses dirigeants étatiques, ils<br />

avaient systématiquement procédé à<br />

l’abattage de tous les porcs haïtiens.<br />

Le prétexte avait été que les porcs<br />

haïtiens avaient été malades de peste<br />

africaine. Pour comprendre la haute<br />

portée criminelle de cet acte, il suffit<br />

de rappeler que le porc en Haïti était<br />

surnommé à l’époque «kanè bank<br />

peyizan / compte d’épargne du paysan».<br />

Car, à côté de l’agriculture de<br />

subsistance, l’élevage de porc s’était<br />

révélé la principale source de survie<br />

en milieu rural haïtien. De nombreux<br />

petits paysans vont se retrouver<br />

drastiquement appauvris. C’est alors<br />

que, une fois le cheptel porcin abattu,<br />

l’Etat haïtien a signé avec l’Etat<br />

dominicain un accord en vertu duquel<br />

celui-là s’engage à fournir à celui-ci<br />

«l’excédent de bras» ainsi créé pour<br />

être employés comme coupeurs de<br />

canne à sucre dans les bateys, les<br />

plantations de canne de la région<br />

frontalière haïtiano-dominicaine.<br />

Faire payer la lutte pour<br />

l’abolition de l’esclavage<br />

Des écrivains très sympathiques<br />

envers Haïti, à l’image du<br />

théologien de la libération Frei Betto,<br />

constatent que «pour l’Occident<br />

‘civilisé et chrétien’, Haïti a toujours<br />

été un nègre inerte dans une vitrine,<br />

abandonné à sa propre misère»<br />

Aussi compatissante que soit<br />

cette affirmation, elle ne signale qu’un<br />

aspect du problème. Haïti n’a jamais<br />

été abandonnée. Elle a été pillée systématiquement<br />

par l’Occident «civilisé<br />

et chrétien» moderne / colonial.<br />

Son pillage ne relève pas du hasard:<br />

depuis Hegel et la publication de La<br />

raison dans l’histoire, l’Occident<br />

se retrouve dans l’obligation de se<br />

prouver à lui-même que les nègres<br />

ne sont pas humains; ne font pas<br />

partie de la civilisation; qu’ils sont au<br />

seuil de l’histoire, mais ne peuvent<br />

pas y accéder sans l’intervention du<br />

colonisateur esclavagiste européen;<br />

que de ce fait, l’abolition brutale de<br />

l’esclavage est une erreur grave. Il est<br />

vrai que «l’esclavage est une injustice<br />

en soi et pour soi, car l’essence<br />

humaine c’est la liberté. Mais, pour<br />

arriver à la liberté, l’homme doit<br />

d’abord acquérir la maturité nécessaire.<br />

De ce fait, l’élimination graduelle<br />

de l’esclavage est plus opportune<br />

et plus juste que son abolition<br />

brutale.» (Hegel, 2006, p. 260)<br />

En clair, pour Hegel comme<br />

pour l’Occident moderne, le peuple<br />

haïtien a commis une erreur gravissime<br />

en abolissant brutalement<br />

l’esclavage au lieu d’attendre son<br />

élimination graduelle. C’est cette<br />

erreur que paie le peuple haïtien,<br />

l’erreur de se mettre debout seul et<br />

d’abolir brutalement l’esclavage. Car,<br />

affirme le penseur de la modernité,<br />

«l’esclavage contribue à susciter un<br />

plus grand sentiment d’humanité<br />

chez les nègres. [...] c’est un moment<br />

de progrès [...], un moment<br />

d’éducation, une espèce de participation<br />

à une vie éthique et culturelle<br />

supérieure» (Ibid., pp. 259-260).<br />

Mais les nègres haïtiens emmenés<br />

par Boukman, Jean-Jacques<br />

Dessalines et consorts ont carrément<br />

refusé ce moment de passage à un<br />

degré supérieur. Leurs descendants<br />

doivent en payer les conséquences.<br />

Depuis qu’Hegel a écrit: «Le nègre<br />

représente l’homme naturel dans<br />

toute sa barbarie et manque de<br />

discipline. [...] On ne peut rien<br />

trouver dans son caractère qui correspond<br />

à l’humain» (Ibid,. p. 250-<br />

251), l’Occident s’est retrouvé dans<br />

l’obligation de fabriquer de toutes<br />

pièces la thèse que le nègre est incapable<br />

de s’auto-gouverner. D’où<br />

le discours médiatique qui a sorti de<br />

l’imaginaire occidental une guerre<br />

introuvable pour, en 2004, justifier<br />

la troisième occupation militaire<br />

d’Haïti, cette fois-ci par les troupes<br />

latino-américaines.<br />

La lectrice ou le lecteur aura<br />

remarqué que j’avais, un instant,<br />

délaissé la description des actes de<br />

pillage impérialistes sur l’économie<br />

haïtienne. J’avais estimé qu’il ne<br />

devait pas être difficile de déduire en<br />

quoi ces pillages ont activement participé<br />

à la construction du séisme du<br />

12 janvier et de ses effets tragiques.<br />

Une autre remarque s’impose, malgré<br />

tout. Port-au-Prince, la capitale<br />

d’Haïti, est une ville construite initialement<br />

pour abriter 250 000 habitants.<br />

Selon le Recensement général<br />

de la population et de l’habitat réalisé<br />

en 2003, la population de la région<br />

métropolitaine de Port-au-Prince<br />

avoisinait les 3 millions. Point n’est<br />

besoin d’être urbaniste, architecte<br />

ou ingénieur pour imaginer dans<br />

quelles conditions vivotent ces êtres<br />

humains chassés du milieu rural et<br />

poussés expressément vers les villes.<br />

On comprend aisément pourquoi<br />

tout phénomène «naturel» qui frappe<br />

Haïti engendre ipso facto une hécatombe.<br />

Les ONG: nouvelles administratrices<br />

coloniales en Haïti<br />

L’industrie de la déshumanisation<br />

de la vie du peuple noir haïtien<br />

ne compte pas qu’avec les pillages<br />

économiques et les occupations militaires.<br />

Comme l’avait fait remarquer<br />

Talleyrand, on ne construit pas une<br />

domination qu’avec des baïonnettes.<br />

Il faut générer l’idée que certains peuples<br />

ne font pas partie de l’histoire,<br />

qu’ils ne sont pas des êtres humains.<br />

C’est-à-dire que la logique de la colonialité<br />

ne se contente pas (ne saurait<br />

se contenter) de s’approprier de<br />

la terre, d’exploiter la main-d'œuvre<br />

et d’établir son contrôle politique...<br />

Il lui est nécessaire de contrôler tout<br />

l’être social jusqu’à la sexualité des<br />

gens. Plus important encore, elle doit<br />

contrôler la propre subjectivité des<br />

gens à travers leurs connaissances<br />

et croyances. Ce qu’on a constaté en<br />

Haïti, c’est que tout le poids de l’église<br />

catholique n’a pas réussi à empêcher<br />

le déclenchement de la révolution<br />

de 1791 (initiée avec Boukman)<br />

qui a triomphé le 1er janvier 1804<br />

(avec Jean-Jacques Dessalines). Les<br />

pillages et autres assauts des puissances<br />

impérialistes occidentales durant<br />

tout le XIXe siècle ont, à peu de<br />

chose près, laissé intacte la capacité<br />

de résistance des classes populaires<br />

haïtiennes, particulièrement de la<br />

paysannerie qui s’est souvent dressée<br />

pour réclamer le droit à la terre.<br />

L’occupation par la plus grande<br />

puissance impérialiste au début du<br />

XXe siècle a dû faire face à la résistance<br />

populaire dont les noms<br />

de Charlemagne Péralte et Benoit<br />

Batraville en sont le symbole. C’est<br />

ainsi qu’à côté des Eglises dites<br />

évangéliques qui pullulent au gré de<br />

l’accélération de la misère des masses,<br />

à partir de la seconde moitié du<br />

XXe siècle, la mission d’administrer<br />

la néocolonialité en Haïti a été confiée<br />

aux fameuses organisations mal<br />

appelées non gouvernementales, qui<br />

ne sont rien d’autre que les nouveaux<br />

gouvernements coloniaux<br />

du nouveau millénaire. Leur travail<br />

consiste à empêcher la matrice coloniale<br />

qui structure les relations<br />

capitalistes d’apparaître à la surface.<br />

Ou quand elle apparaît, de faire croire<br />

qu’on peut la corriger à l’aide du<br />

développement, de la démocratie ou<br />

d’une économie plus forte.<br />

Depuis quelques décennies,<br />

1948 pour être précis, Haïti expérimente<br />

des programmes de développement.<br />

Dans la région de Cochon-Gras<br />

(Marbial, sud-est), une<br />

région paysanne, évidemment. Car<br />

Haïti étant un pays majoritairement<br />

rural et essentiellement agricole, les<br />

paysans ont été identifiés comme le<br />

premier secteur à contrôler. Le rôle<br />

du développement communautaire<br />

introduit en milieu rural a consisté<br />

à se confondre avec la diffusion de<br />

nouvelles techniques agricoles appelées<br />

à persuader les paysans que<br />

le faible rendement des terres relevait<br />

de leur ignorance des techniques culturales<br />

et non pas de la confiscation<br />

des terres fertiles par les grandonsbourgeois.<br />

Haïti allait connaître la vraie invasion<br />

des ONG à partir de la décennie<br />

1970 pour deux raisons. D’abord, avec<br />

la restructuration productive du capital<br />

et l’imposition de l’économie dite de<br />

marché, au niveau international; puis,<br />

au niveau local, avec l’extermination<br />

des militants communistes haïtiens<br />

dont un agent de la CIA, Frank Eyssalem,<br />

avait réussi à infiltrer le mouvement.<br />

Depuis lors, ladite APD (aide<br />

publique au développement) a été privatisée<br />

pour être confiée aux fameuses<br />

ONG. D’où toute la justesse des reproches<br />

adressés par le premier ministre<br />

Bellerive aux bailleurs de fonds:<br />

«Ce sont eux qui permettent aux organisations<br />

non gouvernementales de<br />

faire ce qu'elles veulent. Et ce sont eux<br />

qui n'exigent pas de ces ONG qu'elles<br />

rendent des comptes au gouvernement.»<br />

La première loi réglementant le<br />

fonctionnement et l’implantation des<br />

ONG remonte à 1982. Ces «Organisations<br />

non gouvernementales d’aide<br />

au développement», pour reprendre<br />

le nom qui leur a été donné, avaient<br />

pour obligation, de concert avec les<br />

Conseils d’action communautaire<br />

jean-claudistes (Conajec – Jean-<br />

Claude Duvalier), de «proposer des<br />

programmes et projets susceptibles<br />

d’améliorer les conditions de vie des<br />

communautés rurales ou urbaines».<br />

En 1987, une année après la fin officielle<br />

du gouvernement dictatorial,<br />

l’Unité de coordination des activités<br />

d’ONG (UCAONG) avait déjà recensé<br />

plus de 950 ONG exerçant légalement<br />

sur le territoire haïtien. Avant<br />

le séisme, elles étaient déjà plus de<br />

4000, notamment dans les régions<br />

réputées les plus démunies.<br />

Du 13 janvier à aujourd’hui,<br />

leur nombre aurait déjà doublé, selon<br />

des observateurs sur place. C’est avec<br />

beaucoup de fanfare que les grands<br />

médias annoncent à chaque fois les<br />

promesses d’aide à Haïti. Les points<br />

de presse de l’ambassade étatsunienne<br />

en Haïti – trois par semaine –<br />

sont des messes auxquelles assistent<br />

religieusement les journalistes haïtiens<br />

qui les rapportent plus fidèlement<br />

que des attachés de presse.<br />

Mais la vérité est que pas un centime<br />

de ces sommes ne va au gouvernement<br />

haïtien. Chaque pays distribue<br />

son aide à ses ONG actives sur le<br />

territoire haïtien. Mais, jamais on<br />

n’entend une phrase sur les efforts titanesques<br />

des 400 médecins cubains<br />

qui prodiguent leurs soins aux blessés<br />

en ce moment difficile. En 2004,<br />

ils avaient été pendant longtemps<br />

les seuls à s’occuper des blessés de<br />

la tempête, aux Gonaïves. Jamais<br />

on n’entend un mot sur l'Afrique du<br />

Sud qui a envoyé tout un contingent<br />

sanitaire, sur la République démocratique<br />

du Congo, qui a fait un don de<br />

2,5 millions de dollars, sur le Congo<br />

Brazzaville: 1 million de dollars, sur<br />

le Gabon: 1 million de dollars; sur le<br />

Sénégal: 1 million de dollars; sur le<br />

Maroc qui a envoyé deux avions de<br />

médicaments, et d’autres pays africains<br />

dont l’aide arrive directement au<br />

gouvernement haïtien.<br />

Les grands médias font un<br />

concert de l’aide d’urgence aux Haïtiens.<br />

Et montrent des affamés qui<br />

se battent pour un sachet d’eau.<br />

Mais pas un seul mot sur la (re)<br />

construction d’hôpitaux, d’écoles ou<br />

d’universités publiques. Beaucoup<br />

de discours sur les tentes pour abris<br />

provisoires, mais pas un mot sur la<br />

construction de logements sociaux<br />

durables. Beaucoup de promesses<br />

de grosses sommes dont l’essentiel<br />

sera à charge de la population du<br />

pays, car elles sont comptabilisées<br />

comme des prêts (à rembourser) afin<br />

de nous maintenir encore et encore<br />

dans la dépendance. Pas un mot en<br />

faveur de l’annulation de toute dette.<br />

Beaucoup de soldats pour renforcer<br />

la violence et l’occupation, mais<br />

combien de médecins, d’infirmières,<br />

d’ingénieurs… qui restent ?<br />

En 2009, la classe ouvrière haïtienne<br />

a expérimenté d’une manière<br />

toute particulière la signification de<br />

la présence des troupes militaires<br />

latino-américaines. Après six ans de<br />

négation de ses obligations légales,<br />

le Parlement avait finalement réajusté<br />

le salaire minimum, le faisant<br />

passer de 70 à 200 gourdes (1 euro<br />

= + /- 60 gourdes). Les étudiants de<br />

l’Université d’Etat d’Haïti ont bataillé<br />

durant quatre mois (de juin à septembre)<br />

pour forcer la promulgation<br />

de la loi par le chef de l’Etat. Pas une<br />

seule manifestation que la Minustah<br />

(Mission des Nations unies pour la<br />

stabilisation en Haïti, commandée<br />

par l’armée brésilienne) n’a réprimée<br />

dans le sang. Même l’Hôpital de<br />

l’Université d’Etat d’Haïti – l’hôpital<br />

des plus appauvris – a été aspergé<br />

de gaz lacrymogène. En diverses<br />

occasions, la Minustah avait tenté<br />

d’envahir l’Université, à la recherche<br />

de militants, spécialement du professeur<br />

Jn Anil Louis-Juste dont le nom<br />

a été cité comme le principal responsable<br />

des revendications. Finalement,<br />

au moment où l’on s’y attendait le<br />

moins, le professeur a été assassiné,<br />

soit le 12 janvier, environ deux heures<br />

avant le séisme.<br />

Les plus de 200 000 morts du<br />

séisme du 12 janvier sont avant tout<br />

des victimes de l’injustice agraire<br />

commise et non réparée depuis 200<br />

ans. En 1987, l’élan populaire avait<br />

porté les constituants à créer dans<br />

la Constitution un Institut national<br />

de la réforme agraire (Inara). Mais<br />

c’est justement pour mieux laisser<br />

intacte cette brûlante question. Car<br />

toute réforme agraire passera par la<br />

saisie des terres injustement volées<br />

et considérées aujourd’hui «propriété<br />

privée» et par leur redistribution à<br />

leurs vrais propriétaires – les paysans.<br />

Sans nécessairement confondre<br />

distribution de terre et reforme<br />

agraire. Cela inclura les terres fertiles<br />

de Ouanaminthe transformées<br />

en zones franches, les terres fertiles<br />

volées par les entreprises brésiliennes<br />

et plantées actuellement en<br />

jatropha**, etc. On comprend tout<br />

de suite que, aussi longtemps que<br />

l’ordre socio-métabolique du capital<br />

continue de régner en Haïti, il<br />

n’y aura pas moyen d’éviter des<br />

calamités du type du 12 janvier ou<br />

de septembre 2004. Voilà pourquoi<br />

il faut tout de suite commencer par<br />

se battre pour nos vieilles revendications<br />

bien reprises par la Fédération<br />

syndicale unitaire (FSU): • Annulation<br />

immédiate et totale de la dette<br />

(multilatérale et bilatérale) d’Haïti,<br />

et ce, sans aucune condition. • Paiement<br />

des réparations ! Restitution<br />

immédiate par le gouvernement<br />

français des 900 millions d’euros de<br />

la fortune Duvalier; argent extorqué<br />

par le dictateur au peuple haïtien<br />

[de même que l’argent de Duvalier<br />

détenu par les banques suisses]. •<br />

Remboursement des 150 millions<br />

de francs-or (21 milliards d’euros)<br />

payés après leur indépendance par<br />

les Haïtiens pour «dédommager»<br />

les esclavagistes.<br />

• Que l’argent versé et autres<br />

ressources soient sous contrôle des<br />

travailleurs haïtiens et de leurs organisations.<br />

• Arrêt immédiat de<br />

l’occupation militaire: départ de<br />

toutes les troupes (américaines et<br />

de la Minustah).<br />

Bibliographie<br />

CHAUI, Marilena. A história no<br />

pensamento de Marx, in Atilio A. Boron<br />

et. alii (orgs), A teoria marxista<br />

hoje. Problemas e perspectivas, São<br />

Paulo, CLACSO / Expressão Popular,<br />

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HEGEL, Georg W. F., La raison<br />

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JOACHIM, Benoit, Les racines<br />

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2007.<br />

MINGOLO, Walter D., La Idea<br />

de América Latina, La herida colonial<br />

y la opcíon decolonial. Barcelona:<br />

gedisa, 2007.<br />

SEGUY, Franck, Globalização<br />

Neoliberal E Lutas Populares No <strong>Haiti</strong>:<br />

Crítica À Modernidade, Sociedade<br />

Civil E Movimentos Sociais No Estado<br />

De Crise Social <strong>Haiti</strong>ano, 2009.<br />

219 p. Dissertation (master en service<br />

social), Université Fédérale de<br />

Pernambuco, 2009.<br />

A l’encontre 12 Février 2010<br />

Ndlr. * Franck Seguy. Sociologue<br />

et membre de Asosyasyon<br />

Inivèsitè ak Inivèsitèz Desalinyèn-<br />

(ASID). ** Le jatropha (Jatropha<br />

curcas) est une espèce d'arbuste de<br />

la famille des Euphorbiaceae originaire<br />

du Brésil. En Afrique, il est appelé<br />

pourghère, ou tabanani en sénégalais,<br />

ou bagani (« poison ») en<br />

bambara à cause de sa toxicité. En<br />

Haïti, il est appelé Gwo Medsiyen. Sa<br />

graine contient 27 à 40 % d’une huile<br />

appelée huile de jatropha. Récemment,<br />

son usage pour produire des<br />

agrocarburants s'est développé,<br />

notamment en Inde.<br />

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18<br />

Haïti Liberté<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010


Le Palais National de Georges<br />

Baussan<br />

Suite de la page (20)<br />

de la campagne avoisinante<br />

s’installent, faute de structure<br />

d’accueil, sur les terrains impraticables<br />

en bordure Nord et Sud de la<br />

ville, entremêlant pour l’édification<br />

de leurs abris, matériaux récupérés<br />

et matériaux traditionnels.<br />

Pour la première fois depuis<br />

sa création, Port-au-Prince sort de<br />

ses limites initiales de 1750. Les<br />

classes aisées se séparent de leur<br />

commerce et construisent leurs<br />

résidences le long des chemins<br />

menant à la campagne (le chemin<br />

de Lalue qui deviendra plus tard<br />

l’avenue John Brown, le chemin<br />

du Bois-Verna qui deviendra<br />

l’avenue Lamartinière, le chemin<br />

des Dalles, l’avenue Christophe,<br />

etc.). Le quartier du Morne-à-Tuf<br />

se développe timidement au Sud.<br />

Le[s] premier[s] [travaux] de construction<br />

de chaussées et trottoirs,<br />

d’aménagement de réseaux<br />

d’évacuation des eaux pluviales, de<br />

captage et de canalisation moderne<br />

d’eau potable sont exécutés. Les anciens<br />

ponts en bois sont remplacés<br />

par de nouveaux en maçonnerie ou<br />

en fer. A la fin du XIXe siècle, la ville<br />

compte près de 70,000 habitants, 8<br />

000 maisons..., soit le triple de la<br />

ville coloniale.<br />

Au tournant du siècle, de<br />

grands édifices voient le jour, oeuvres<br />

d’architectes haïtiens ayant<br />

étudié en Europe,<br />

particulièrement en France, et<br />

qui sont revenus au pays avec une<br />

forte influence de l’Ecole des Beaux-<br />

Arts de Paris. Georges Baussan, le<br />

plus célèbre d’entre eux, dessinera<br />

des immeubles marquants du paysage<br />

urbain de Port-au-Prince tels le<br />

Palais National, les Casernes Jean-<br />

Jacques Dessalines, le Lycée Alexandre<br />

Pétion et, plus tard, l’Hôtel<br />

de Ville. Le majestueux Palais de<br />

Justice quant à lui est l’oeuvre de<br />

l’architecte Léonce Maignan. De<br />

cette même époque date la construction<br />

de la Cathédrale de Port-au-<br />

Prince et du Palais des Finances.<br />

Si pour l’architecture domestique,<br />

et religieuse l’influence<br />

du néogothique prédomine, pour<br />

l’architecture officielle, le style néoclassique<br />

est retenu, pour la monumentalité<br />

quelle assure.<br />

En fait, le choix du style néoclassique<br />

transplanté en Amérique<br />

répond à des motifs d’ordre politique.<br />

Choix esthétique réalisé depuis<br />

le début du XIXe siècle par les pays<br />

d’Amérique nouvellement indépendants,<br />

les formes classiques prennent<br />

une signification idéologique<br />

et deviennent symbole des vertus<br />

républicaines. Elles acquièrent, en<br />

outre, une valeur représentative<br />

d’autant plus importante que l’Etat<br />

doit manifester sa présence sur la<br />

scène internationale, en dépit des<br />

difficultés de toutes sortes.<br />

Baussan est imprégné de<br />

“l’Esprit de l’Occident” et connaît<br />

bien l’Europe pour y avoir séjourné<br />

de longues années et surtout pour<br />

avoir étudié à Paris. Considérant<br />

son oeuvre relative aux constructions<br />

officielles (le Palais National,<br />

l’Hôtel de Ville de Port-au-Prince,<br />

...), on peut constater que son adhésion<br />

aux modèles esthétiques néoclassiques<br />

est sans réserve. Cette<br />

observation n’a pas échappé à ses<br />

contemporains. Un journaliste du<br />

Matin, quotidien de la capitale commentant<br />

les plans du Palais National<br />

écrit qu’il y a même lieu de croire<br />

qu’il a été dressé par un étranger,<br />

maître de son métier mais ignorant<br />

de nos besoins. C’est un palais sans<br />

doute, mais un palais dans une ville<br />

étrangère froide... Ce qui a sans<br />

L’architecte haïtien Georges<br />

Baussan (1874-1958)<br />

doute échappé au rédacteur de ce<br />

commentaire, c’est que Baussan,<br />

sans remettre en question cette codification<br />

architecturale, a cependant<br />

émis d’importantes considérations<br />

sur le traitement d’adaptation de<br />

certains éléments architecturaux au<br />

climat des tropiques. Les patios, vérandas<br />

ouvertes, baies utilisés font<br />

du Palais National un immeuble<br />

parfaitement intégré à son environnement.<br />

Cette démarche de l’architecte<br />

a bien été comprise par Paul-Emile<br />

Simon, qui, dans une description<br />

non teintée de lyrisme, rétablit les<br />

dimensions de l’oeuvre :<br />

«Cependant, comme toute<br />

oeuvre architecturale, elle est chose<br />

publique et elle est donnée à voir.<br />

Il est vrai que le néo-classicisme de<br />

l’ouvrage se lit d’abord sur la façade,<br />

la principale, et Baussan l’a<br />

voulu ainsi. Mais il est vrai aussi<br />

que la part créole que ce talentueux<br />

architecte haïtien a su ajouter se lit<br />

mieux en appréhendant le totalité<br />

des volumes, en découvrant des<br />

transitions harmonieuses, des justifications<br />

d’échelles différentes, qui<br />

sont même parfois sujets à des caractères<br />

humoristiques, comme des<br />

pieds-de-nez au sacro-saint classicisme<br />

européen. Il faut sûrement<br />

tourner autour de ce bel ouvrage<br />

car il “invite à la promenade” pour<br />

sentir le rythme, mesuré et modéré,<br />

majestueux comme l’hymne national,<br />

de la façade principale nord,<br />

poursuivre la promenade à l’est<br />

comme à l’ouest et découvrir les<br />

apports d’une créolité certaine, que<br />

l’on partage en fredonnant Choucoune...”<br />

En fait, la réussite du Palais<br />

National tient à une combinaison<br />

de facteurs maintenant un équilibre<br />

entre la spontanéité de son assentiment<br />

à l’architecture néoclassique,<br />

une générosité dans la distribution<br />

et le positionnement des espaces, un<br />

constant souci de la commodité, une<br />

quête permanente de la lumière, une<br />

rare précision dans le dessin, d’une<br />

part, et une réelle adaptation aux<br />

conditions climatiques, d’autre part.<br />

Les palais précédents, érigés<br />

plus ou moins sur le même site,<br />

étaient articulés au tracé de la ville<br />

par l’axe de la rue du Champ-de-<br />

Mars et la place de l’Indépendance<br />

et présentaient leur façade principale<br />

plein ouest bordant l’ancienne<br />

“Ville du Roi” du Port-au-Prince<br />

colonial. L’extension de la ville<br />

vers l’Est, amorcée aux environs<br />

de 1890, rendait obsolète cette orientation<br />

primitive. Obéissant à la<br />

lettre aux exigences des commanditaires<br />

du projet, Baussan fixe son<br />

palais dans une complète autonomie<br />

par rapport à la trame urbaine<br />

existante. Aucun axe de composition<br />

ne relie l’édifice à la ville et le<br />

nouveau palais sera orienté plein<br />

nord, comme convenu.<br />

Pour le Palais National, Baussan<br />

a choisi un plan d’ensemble “aéré”<br />

situé en plein milieu du terrain de 40<br />

000 mètres carrés. L’édifice présente<br />

un avant-corps central symétrique<br />

précédé en son axe d’un péristyle<br />

d’ordre monumental soulignant le<br />

jeu théâtral des colonnes ioniques à<br />

fût lisse qui le composent. Ces colonnes<br />

supportent un fronton dont<br />

le tympan est richement orné d’un<br />

bas-relief représentant les Armes<br />

de la République. Succèdent à ces<br />

quatre colonnes monumentales,<br />

quatre autres colonnes, également<br />

d’ordre ionique, s’élevant seulement<br />

sur la hauteur du niveau inférieur.<br />

L’élégance de cette transition entre<br />

péristyle et le vestibule, même<br />

austère, est sans conteste une réussite<br />

d’articulation entre deux échelles<br />

distinctes.<br />

Un vaste escalier à degrés<br />

rectangulaires précède ce péristyle,<br />

l’ensemble du Palais étant posé sur<br />

un important soubassement formant<br />

un sous-sol aménageable.<br />

Cet escalier reliant la cour avant au<br />

bâtiment achève de contribuer à la<br />

mise en scène de la monumentalité<br />

de l’édifice.<br />

Au péristyle d’accès succède<br />

une arcade de trois baies libres à<br />

couvrement en arc à plein cintre,<br />

contrôlées par de légères grilles en<br />

fer forgé, et donne accès au grand<br />

hall d’entrée où se trouvent de part<br />

et d’autre les majestueux escaliers<br />

tournants à doubles volées supérieures<br />

conduisant au vestibule de<br />

l’étage.<br />

Pour le couvrement de ce<br />

corps principal, Baussan utilisa pour<br />

la partie centrale une coupole à plan<br />

carré, percée d’un oculus ovale et<br />

surmontée d’un campanile, et pour<br />

les extrémités est et ouest, deux<br />

coupoles secondaires également à<br />

plan carré. Ce corps principal se termine<br />

en ses extrémités par des vérandas<br />

en demi-cercles surmontées<br />

de terrasses.<br />

À ce corps principal, viennent<br />

se greffer perpendiculairement<br />

en direction sud, trois corps secondaires.<br />

Le plus important, placé<br />

dans l’axe de symétrie du bâtiment,<br />

abrite les salles de réceptions officielles,<br />

généreusement ventilées et<br />

éclairées par de grandes baies sur<br />

les façades est et ouest. Au plan<br />

inférieur, la Salle des Bustes, salle<br />

de réceptions officielles ornée de<br />

bustes de différents présidents de la<br />

République et, à l’étage, les salons<br />

d’apparat : le Salon Rouge et le Salon<br />

Jaune. L’aile orientale héberge<br />

les appartements et bureaux privés<br />

du Président de la République donnant<br />

sur les magnifiques jardins est,<br />

ornés de pergolas et réservés aux<br />

réceptions en plein air. L’aile ouest,<br />

à fonction administrative, abrite le<br />

Conseil des Ministres et les services<br />

d’intendance et d’administration du<br />

Palais National. Ce plan en E lui permit,<br />

en outre, de structurer l’édifice<br />

autour de la forte hiérarchisation<br />

des fonctions internes et également<br />

d’équilibrer un programme fort complexe<br />

et peu précis.<br />

L’adaptation au climat a été<br />

une préoccupation dominante dans<br />

la conception aidant l’aération des<br />

corps secondaires de l’édifice, tous<br />

placés en enfilade et présentant de<br />

front de larges surfaces à la ventilation<br />

naturelle de la baie de Port-au-<br />

Prince. Les trois corps de bâtiments<br />

secondaires sont en outre protégés<br />

par de spacieuses coursives ouvertes<br />

et donnant sur les cours intérieures,<br />

protégeant ainsi les salles des ardeurs<br />

du soleil tout en assurant une<br />

circulation simple et directe.<br />

Enfin, l’importante développée<br />

de façade facilite, au travers<br />

d’abondantes ouvertures et des<br />

vides créés par les cours intérieures,<br />

une lecture facile des composantes<br />

de l’édifice, pourtant rigoureusement<br />

symétrique.<br />

Appliquant scrupuleusement la<br />

“grammaire” de l’architecture classique,<br />

le vocabulaire utilisé pour les<br />

baies est d’une étonnante sobriété,<br />

particulièrement des portes-fenêtres<br />

à linteau plat et munies de vantaux<br />

à carreaux ouvrant à l’étage sur un<br />

balcon ou directement sur un gardecorps.<br />

Au premier niveau, ces ouvertures<br />

subissent une modification<br />

d’importance : des portes-fenêtres à<br />

arc surbaissé surmonté d'un châssis<br />

de tympan vitré. Ces baies courantes<br />

sont uniformément réparties sur<br />

toute la longueur des façades extérieures.<br />

Afin de mieux augmenter<br />

leur luminosité, les salles pourvues<br />

de vérandas donnant sur les<br />

cours-jardins sont ornées de portesfenêtres<br />

à deux volets, carrelées de<br />

vitres et surmontées d'un châssis de<br />

tympan en éventail également vitré<br />

et logé dans un arc à plein cintre.<br />

Le Palais National est, sans<br />

conteste, l'expression la plus<br />

achevée d'une grande période de<br />

l'Architecture en Haïti et est probablement<br />

un des plus bel exemple<br />

d'architecture néo-classique transplantée<br />

en Amérique. Réalisé en<br />

béton armé, cet édifice constitue,<br />

de plus, une avancée remarquable<br />

dans la technologie de la construction<br />

en Haïti.<br />

Au delà de ses fonctions de<br />

siège de la présidence de la République<br />

et de lieu où se sont déroulés<br />

d'importants événements historiques<br />

durant ces quatre-vingt huit<br />

dernières années, le Palais National<br />

à cause de ses qualités architecturales<br />

et techniques exceptionnelles<br />

remplit toutes les conditions<br />

qui en font un monument historique<br />

portant un important témoignage<br />

sur l'évolution artistique et scientifique<br />

de la société haïtienne.<br />

A ces titres, il devrait être inscrit<br />

sur la liste du Patrimoine National.<br />

BULLETIN <strong>DE</strong> L’ISPAN • No 6 • 1er<br />

novembre 2009<br />

En appendice du texte se lit<br />

ce qui suit : L’article “Le Palais<br />

National de Georges Baussan”<br />

publié dans ce présent numéro a<br />

été repris du livre “Le Palais National<br />

d’Haïti” publié par les Editions<br />

Henry Deschamps en 2003. Il<br />

a été revu, actualisé, augmenté et<br />

adapté aux objectifs du BULLETIN<br />

<strong>DE</strong> L’ISPAN.<br />

Soirée Culturelle en mémoire<br />

des victimes du 12 janvier 2010<br />

Samedi 6 mars 2010 * A partir de 5h PM<br />

En première partie: poésies et chants de circonstance avec une<br />

panoplie d’artistes et de poètes tels que Jocelyne Dorismé, Jeanie<br />

Bogart, Jean Elie Barjon, Denizé Lauture, Papados et tant d’autres.<br />

En deuxième partie, l’urbaniste Etienne Télémaque présentera une<br />

grande conférence sous le thème: Port-au-Prince, quelle reconstruction<br />

pour la Capitale nationale?<br />

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Informations 718-421-0162<br />

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Concert at<br />

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LIU Campus<br />

T<br />

o assist in <strong>Haiti</strong> relief efforts,<br />

Long Island University<br />

(LIU) will host “Brooklyn<br />

for <strong>Haiti</strong>,” a benefit concert<br />

on Tuesday, Feb. 23 at 7:00<br />

pm at Kumble Theater for<br />

the Performing Arts on the<br />

Brooklyn Campus.<br />

Among the many musicians,<br />

singers, poets and writers<br />

who will be performing<br />

are many <strong>Haiti</strong>an artists such<br />

as the jazz collective “Blues<br />

in Red Band” led by <strong>Haiti</strong>an<br />

saxophonist Buyu Ambroise,<br />

jazz musician Eddy Bourjolly<br />

with vocalist Miriam Augustin,<br />

vocalist Moumouse, master<br />

drummer Serge Decius,<br />

guitarist Marc Mathelier,<br />

writers Hugues St. Fort,<br />

Robert Josephat Large and<br />

Yolaine St. Fort, and <strong>Haiti</strong>an<br />

musical groups Tabou Combo<br />

(konpa), Kongo Band (rasin),<br />

and Voix et Tambours<br />

d’Haïti (chorale).<br />

There will also be international<br />

artists such as noted<br />

poet Jayne Cortez and her<br />

band the Firsespitters, Nuyorican<br />

poets Sandra Maria<br />

Estevez and Willie Perdomo,<br />

Trinidadian poet Cheryl Boyce<br />

Taylor, and world renowned<br />

pianist Randy Weston.<br />

Tickets to the show are<br />

$20 & $15; $12 for students<br />

with valid ID. Benefit passes<br />

are $50 and include concert<br />

admission and a pre-show reception<br />

in the Cyber Café. The<br />

funds raised will be donated to<br />

four highly-regarded organizations<br />

leading in the relief effort:<br />

the American Red Cross;<br />

Doctors Without Borders; Yéle<br />

<strong>Haiti</strong> Foundation; and <strong>Haiti</strong>an<br />

Women for <strong>Haiti</strong>an Refugees.<br />

The Kumble Theater is<br />

located at the corner of DeKalb<br />

and Flatbush Avenues in<br />

downtown Brooklyn. For more<br />

information, call (718) 488-<br />

1624 or visit www.kumbletheater.org.<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 19


Devoir de Mémoire<br />

Le Palais National de Georges Baussan<br />

Le 8 août 1912, à 3 heures<br />

et demie du matin,<br />

la ville de Port-au-Prince<br />

est réveillée par une formidable<br />

détonation : la poudrière<br />

du Palais National<br />

vient d’exploser, détruisant<br />

avec elle l’édifice en bois<br />

et maçonnerie où logeait le<br />

Président de la République<br />

et emportant les toitures des<br />

bâtiments voisins. Les dégâts<br />

sont considérables : près<br />

de deux cents morts dont le<br />

président en exercice, M. Cincinnatus<br />

Leconte. Quelque<br />

temps plus tard, sous le<br />

gouvernement de Tancrède<br />

Auguste, son successeur,<br />

est lancé un concours ouvert<br />

aux architectes et ingénieurs<br />

haïtiens et étrangers<br />

dont les règlements, publiés<br />

au Moniteur du 30 octobre<br />

1912, précisent que “la façade<br />

principale doit s’ouvrir<br />

sur le côté nord” du même<br />

terrain que le précédent palais.<br />

Puis suit un vaste, mais<br />

imprécis, programme prévoyant<br />

: “Grands vestibules,<br />

grandes salles de réceptions,<br />

cabinet du chef de l’Etat et<br />

ses services, archives, télégraphe,<br />

galeries, chambres<br />

de service, bibliothèques,<br />

... salle du conseil, cabinets<br />

de travail, appartements du<br />

chef de l’Etat, salle d’armes,<br />

cuisine, remise pour quatre<br />

voitures au moins et écuries<br />

de 20 stalles, ..., etc.”<br />

Une bonne vingtaine<br />

de projets furent déposés<br />

puis exposés au public durant<br />

quinze jours à la Chambre<br />

des Députés. Le 2 août<br />

1913, le jury fixe finalement<br />

son choix sur le projet «Petit<br />

Nid» de l’architecte haïtien<br />

Georges Baussan, 38 ans,<br />

diplômé de l’Ecole Spéciale<br />

et Générale d’Architecture de<br />

Paris. Le chantier débute en<br />

mai 1914 sous la direction de<br />

la firme Simmonds Frères et<br />

la supervision de l’architecte<br />

Léonce Maignan. Entre la<br />

Révolution Française de<br />

1789 et la seconde moitié<br />

du XIXe siècle, l'architecture<br />

et la construction connaissent<br />

des mutations importantes<br />

en Europe. Pendant<br />

cette période transitoire vers<br />

l'Architecture moderne, le<br />

procès de la construction<br />

s'adapte et se transforme.<br />

Les artisans, tailleurs de<br />

pierre, maçons, charpentiers<br />

et autres tendent à<br />

perdre leur autonomie au<br />

profit de l'industrialisation.<br />

Le langage architectural<br />

emprunte des éléments des<br />

différents styles de l'histoire<br />

Le Palais National d’Haïti<br />

de l'architecture Européenne<br />

et également des "pays<br />

lointains" (particulièrement<br />

au Moyen-Orient et en Extrême-Orient).<br />

De cet éclectisme<br />

naîtront des styles architecturaux<br />

néo-gothiques,<br />

néo-classiques, revivals,<br />

etc., qui caractériseront cette<br />

fin de siècle.<br />

A cette époque, la bourgeoisie<br />

haïtienne confirme<br />

son pouvoir économique et<br />

politique et adopte les codes<br />

esthétiques européens,<br />

notamment en littérature,<br />

en musique et surtout en<br />

architecture. Les constructeurs<br />

haïtiens vont reprendre,<br />

en l'adaptant, cette architecture<br />

éclectique venue<br />

d’Europe. De ce contexte<br />

naîtront les résidences que<br />

nous appelons vulgairement<br />

en Haïti: gingerbread. C’est<br />

également à cette époque<br />

que nombre d’éléments<br />

d’architecture ou d’édifices<br />

en fer provenant de France<br />

et de Belgique particulièrement<br />

furent introduits dans<br />

le paysage urbain haïtien.<br />

Les villes vont “se<br />

mettre à la mode” et cette<br />

époque lèguera une impressionnante<br />

collection<br />

d’édifices d’architecture<br />

brillante qui deviendra plus<br />

tard l’image stéréotypée de<br />

l'architecture traditionnelle<br />

haïtienne. En général ces<br />

constructions bourgeoises<br />

sont réalisées en pans de<br />

bois, en briques ou, plus tard,<br />

en béton armé. Elles ont un,<br />

deux ou, plus rarement, trois<br />

niveaux sous combles, sont<br />

pourvues de spacieuses galeries<br />

sur lesquelles ouvrent<br />

de larges portes garnies de<br />

persiennes. Ornées extérieurement<br />

de balustrades,<br />

de colonnettes, de croisillons,<br />

de frises en bois découpés,<br />

elles s'agrémentent<br />

souvent à l'intérieur de boiseries.<br />

Leurs plans présentent<br />

des pièces en enfilades,<br />

accolées les unes aux autres<br />

renforçant une certaine<br />

monumentalité recherchée.<br />

Les toitures sont recouvertes<br />

de tôles ondulées pour la<br />

plupart ou de tuiles de fibrociments<br />

ou d'ardoises,<br />

plus rarement. Elles sont<br />

compliquées à souhait de<br />

tourelles et de clochetons.<br />

Leur façade est rehaussée<br />

d'oeils-de-boeuf et de girouettes.<br />

"Cet abus d'ornement,<br />

très dans la note du modern<br />

style, ajoute au luxe et<br />

à l'originalité de ces constructions<br />

dont l’architecture<br />

s’accommode avec bonheur<br />

aux convenances de la vie<br />

tropicale”.<br />

A la faveur de la révolution<br />

industrielle européenne<br />

du XIXe siècle, les<br />

usines anglaises, françaises<br />

et belges produisent des éléments<br />

d’architecture modulaires,<br />

tels que balcons, frises,<br />

vérandas, escaliers, etc.,<br />

ou même des édifices entiers<br />

tels que résidences, gares<br />

de chemins de fer, marchés,<br />

halles, églises, théâtres, ou<br />

encore kiosques à musique,<br />

tribunes, phares, miradors,<br />

réservoirs, etc., tous préfabriqués,<br />

démontables, transportables<br />

et proposés à la<br />

clientèle du monde entier sur<br />

catalogue.<br />

Au cours de la seconde<br />

moitié du XIXe siècle, Portau-Prince<br />

tente timidement<br />

un début d’industrialisation.<br />

Des manufactures commencent<br />

à s’installer en périphérie<br />

de la ville ou sur le littoral,<br />

autour du port. Un essor<br />

économique s’amorce et la<br />

construction reprend. De<br />

grands projets d’architecture<br />

et d’urbanisme se dessinent.<br />

Le marché Vallière, principal<br />

centre d’approvisionnement<br />

de la capitale, reçoit une<br />

magnifique structure en fer et<br />

fonte; les halles de la douane<br />

sont construites. Cette tentative<br />

industrielle aura pour<br />

revers d’attirer la première<br />

vague de migration massive<br />

vers la ville, provoquant une<br />

sévère crise de logement, les<br />

nouveaux migrants venus<br />

Suite à la page (19)<br />

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20<br />

Haïti Liberté<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010

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