Le réel connecté au modèle - Cndp
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méca<br />
AMMI<br />
<strong>Le</strong> <strong>réel</strong><br />
<strong>connecté</strong> <strong>au</strong> <strong>modèle</strong><br />
GÉRARD COLOMBARI 1<br />
Un grand nombre d’articles de Technologie ont abordé<br />
le thème des aides multimédias interactives (AMMI) dans<br />
la formation prébac, avec cette arrière-pensée qu’il est,<br />
à ce nive<strong>au</strong> d’études, nécessaire de déployer un « génie<br />
pédagogique » tout particulier.<br />
Gérard Colombari, avec son expérience des classes<br />
préparatoires <strong>au</strong>x grandes écoles (CPGE), a la sagesse de<br />
nous rappeler que l’étude de la technologie, et en<br />
particulier de la mécanique, n’est pas chose aisée quel<br />
que soit le nive<strong>au</strong> de formation. Il nous présente donc<br />
une manière de mener des activités sur système <strong>réel</strong> avec<br />
une assistance informatique – qu’il appelle<br />
environnement multimédia pédagogique (EMP) pour ne<br />
pas la nommer AMMI.<br />
<br />
<br />
La généralisation des sciences industrielles<br />
pour l’ingénieur en CPGE (PCSI, MPSI, MP,<br />
PSI) est un succès en termes d’intérêt des<br />
étudiants de ces classes pour cette discipline.<br />
Cependant, alors même qu’ils sont brillants et le<br />
plus souvent motivés, l’expérience montre qu’ils<br />
rencontrent des difficultés importantes de compréhension<br />
des systèmes technologiques <strong>réel</strong>s, surtout<br />
dans le domaine de la mécanique. Nos disciplines<br />
technologiques sont en effet, par essence, difficiles<br />
d’accès, et les échecs ou rejets de certains<br />
élèves ne peuvent être imputés <strong>au</strong> seul fait qu’ils<br />
seraient moins forts ou moins intéressés. Et, quels<br />
que soient les nive<strong>au</strong>x et les filières envisagés, le<br />
temps d’apprentissage – le nombre d’heures de<br />
cours – n’ira sûrement pas en <strong>au</strong>gmentant. Il nous<br />
f<strong>au</strong>t donc nous orienter vers de nouve<strong>au</strong>x outils d’aide pédagogique<br />
pour être plus efficaces.<br />
La plupart des logiciels industriels du domaine de la mécanique<br />
répondent à un besoin de conception des systèmes pour les bure<strong>au</strong>x<br />
d’études. Ces produits de conception assistée par ordinateur<br />
(CAO), de plus en plus complexes, s’adressent à des utilisateurs<br />
experts et visent à les aider tout <strong>au</strong> long de la démarche de projet,<br />
de l’expression du besoin à l’industrialisation.<br />
<strong>Le</strong>s récentes évolutions pédagogiques vont dans le sens d’une<br />
intégration généralisée de ces produits dans les formations – et<br />
donc d’une difficulté croissante d’appréhension de ces outils pour<br />
les novices que sont nos élèves. Certes, la formation doit avoir<br />
comme objectif la préparation des élèves <strong>au</strong>x outils contemporains,<br />
et même futurs, de la mécanique. Pour <strong>au</strong>tant, ces outils<br />
utilisés comme seuls outils informatiques sont-ils les meilleurs<br />
pour découvrir et apprendre la conception mécanique ? Je ne le<br />
pense pas. D’<strong>au</strong>tres, présentés dans ces pages, proposent une<br />
solution complémentaire en début de formation.<br />
<strong>Le</strong>s objectifs recherchés sont de présenter :<br />
– de manière inductive et intuitive, en début de formation, les<br />
princip<strong>au</strong>x concepts implicites qui sont utilisés en conception de<br />
systèmes mécaniques ;<br />
– des architectures et des solutions constructives contemporaines<br />
éprouvées présentes dans un produit leader sur son marché.<br />
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1 <strong>Le</strong> système <strong>réel</strong> <strong>connecté</strong><br />
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<strong>Le</strong> processus de conception est basé sur la confrontation<br />
permanente d’un <strong>modèle</strong> plus ou moins affiné selon l’avancement<br />
du projet à un <strong>réel</strong> postulé qui est le but de l’étude. <strong>Le</strong> point de<br />
vue pédagogique retenu consiste à connecter un <strong>réel</strong> existant à<br />
des <strong>modèle</strong>s informatisés représentatifs des différentes phases de<br />
conception et à faire travailler les élèves sur les correspondances,<br />
les identités et les différences entre ce <strong>réel</strong> et ces <strong>modèle</strong>s.<br />
Cette approche est bien évidemment cohérente avec les programmes<br />
de sciences industrielles et de sciences de l’ingénieur<br />
actuellement en vigueur, qui préconisent l’étude de systèmes,<br />
de sous-systèmes et de constituants existants sous forme de<br />
trav<strong>au</strong>x pratiques.<br />
Nous prendrons ici comme exemple la barrière Sympact de la<br />
société Didastel 1 et son environnement multimédia pédagogique<br />
(EMP) pour présenter les différents aspects de la démarche<br />
pédagogique. D’<strong>au</strong>tres produits à caractère mécanique intègrent<br />
les mêmes fonctionnalités – en particulier l’axe de robot Maxpid<br />
et l’attacheur de végétation AP25 du même constructeur.<br />
L’utilisation de l’informatique multimédia est essentielle, car<br />
elle permet de mettre en œuvre des scénarios d’apprentissages<br />
impossibles à réaliser sans cette technologie.<br />
1. Professeur agrégé de génie mécanique en sciences industrielles pour l’ingénieur<br />
(SII) <strong>au</strong> lycée Thiers de Marseille.<br />
MARS 2005 TECHNOLOGIE 136 45
La barrière Sympact et son EMP :<br />
un système <strong>réel</strong> <strong>connecté</strong> à des <strong>modèle</strong>s<br />
L’appréhension de la relation <strong>modèle</strong>-<strong>réel</strong>, évidente pour le<br />
concepteur et l’enseignant, nécessite une opération mentale<br />
délicate pour le débutant en étude des systèmes. Lorsqu’un<br />
spécialiste regarde la barrière, il « voit » la fonction réalisée,<br />
la chaîne d’énergie retenue dans la solution présentée et donc<br />
la chaîne de c<strong>au</strong>salité permettant de piloter les différents<br />
mouvements. <strong>Le</strong> novice ne voit évidemment rien de tout cela.<br />
L’outil informatique va donc permettre :<br />
– de représenter sur l’écran les <strong>modèle</strong>s de pensée à côté du <strong>réel</strong> ;<br />
– d’animer simultanément les <strong>modèle</strong>s et le <strong>réel</strong> de manière<br />
bidirectionnelle (le <strong>modèle</strong> pilote le <strong>réel</strong> et le <strong>réel</strong> anime le<br />
<strong>modèle</strong>) ;<br />
– d’utiliser les <strong>modèle</strong>s pour calculer (prévoir) les performances<br />
;<br />
– d’utiliser le <strong>réel</strong> pour mesurer (contrôler, valider) les performances.<br />
En trav<strong>au</strong>x pratiques, ce sont les allers et retours <strong>réel</strong><strong>modèle</strong><br />
qui vont familiariser le débutant <strong>au</strong>x différentes activités<br />
industrielles d’intervention sur un système. Ils préparent l’élève<br />
<strong>au</strong> travail sur le <strong>modèle</strong> d’un <strong>réel</strong> absent, par exemple dans le<br />
cas de l’étude d’un système trop important ou trop cher pour<br />
être présent dans un laboratoire, ou postulé, dans le cas d’une<br />
« vraie » conception.<br />
<strong>Le</strong> <strong>modèle</strong> numérique 3 D<br />
<strong>Le</strong> premier nive<strong>au</strong> de <strong>modèle</strong> accessible est le <strong>modèle</strong> numérique<br />
3D. Celui proposé ici 2 , issu d’un modeleur 3D, est<br />
« animable » par une connexion en temps <strong>réel</strong> avec la barrière<br />
<strong>réel</strong>le. <strong>Le</strong>s solides cinématiquement équivalents sont repérés par<br />
une même couleur. Autour du <strong>modèle</strong>, un pupitre de commande<br />
et des informations issues du comportement du système.<br />
C’est la première modélisation qui doit être assimilée par<br />
l’élève. <strong>Le</strong>s mobilités de ce mécanisme vont être mémorisées<br />
grâce <strong>au</strong>x mouvements coordonnés du <strong>réel</strong> et du <strong>modèle</strong> numérique<br />
3D, mais <strong>au</strong>ssi grâce <strong>au</strong> code couleur, qui reste le même<br />
tout <strong>au</strong> long de la démarche.<br />
La figure 3 propose un <strong>modèle</strong> numérique type, dont la<br />
complexité, due <strong>au</strong> nombre d’éléments différents, apparaît<br />
nettement. <strong>Le</strong>s modélisations seront affinées progressivement.<br />
2 <strong>Le</strong> <strong>modèle</strong> numérique par solides<br />
La décomposition structurelle<br />
Cette décomposition se fait à partir de représentations réalistes<br />
4 de l’ensemble du système, c’est-à-dire de chacun des<br />
éléments présents quelle que soit sa technologie, et non de la<br />
seule partie mécanique. En effet, en début de formation, seuls<br />
les produits grand public de son environnement ont une fonction<br />
que l’élève peut facilement appréhender ; or, ces systèmes sont<br />
le plus souvent pluritechnologiques. De plus, il est très délicat<br />
d’isoler un mécanisme dans une chaîne d’énergie ; ce passage<br />
doit être très progressif.<br />
L’analyse du système<br />
L’analyse descendante du système se sépare ici en deux voies :<br />
La décomposition structurelle en constituants et en solides<br />
(ensembles de pièces) ;<br />
La modélisation du mécanisme en vue d’une étude mécanique<br />
théorique.<br />
3 Un <strong>modèle</strong> numérique type<br />
46 TECHNOLOGIE 136 MARS 2005
La modélisation du mécanisme<br />
L’activité de modélisation est très difficile, car elle demande de<br />
la part de l’élève une réflexion qu’il ne juge pas toujours utile<br />
vis-à-vis du seul objectif de compréhension du mécanisme qu’il<br />
observe. Ce qu’il ignore encore, c’est que seule la modélisation<br />
lui permettra d’acquérir de <strong>réel</strong>les connaissances génériques<br />
transférables à d’<strong>au</strong>tres situations. C’est précisément sur ce<br />
point délicat que l’EMP va l’aider.<br />
<strong>Le</strong> principe retenu ici est de montrer le passage du <strong>modèle</strong><br />
numérique 3D <strong>au</strong> schéma cinématique, par le maintien des<br />
couleurs des solides et par un morphing dont cet article ne peut<br />
évidemment pas rendre compte – et c’est bien là l’intérêt des<br />
technologies multimédias disponibles <strong>au</strong>jourd’hui.<br />
La connexion du <strong>modèle</strong> obtenu <strong>au</strong> <strong>réel</strong> permet d’animer un<br />
schéma, ce qui, pédagogiquement, représente un apport important<br />
par rapport à la représentation schématique sur papier, par<br />
définition « arrêtée », utilisée abondamment par l’enseignement<br />
de la mécanique.<br />
<strong>Le</strong> <strong>modèle</strong> 5 est donc mobile, à partir des boutons 21<br />
ou 31<br />
.<br />
La valeur numérique des paramètres suit le mouvement, ainsi<br />
que, si la connexion est active, la barrière <strong>réel</strong>le. <strong>Le</strong> débutant<br />
découvre, sans l’avoir construite lui-même, l’intérêt de cette<br />
représentation pour l’étude du mouvement, dont les paramètres<br />
princip<strong>au</strong>x apparaissent.<br />
<strong>Le</strong>s activités de modélisation et de paramétrage sont <strong>au</strong> centre<br />
des compétences à acquérir. On commence donc par montrer,<br />
sans vocabulaire spécialisé, à quoi cela sert et ce que c’est.<br />
On peut bien sûr aller jusqu’<strong>au</strong>x tracés des lois – théoriques –<br />
5 La modélisation du système avec l’assistance de l’EMP<br />
d’entrée/sortie, qui pourront être comparés <strong>au</strong>x résultats de<br />
mesures sur le <strong>réel</strong>.<br />
La validation de solutions constructives<br />
Pour analyser, une fois leur principe connu et validé par l’élève,<br />
les solutions constructives retenues par le fabricant, tous les<br />
documents sont disponibles, notamment le cahier des charges<br />
d’origine. Par exemple, les écrans 6 proposent la solution de<br />
réalisation de la liaison pivot de l’axe principal de la barrière,<br />
dont le dimensionnement « généreux » est lié <strong>au</strong>x chocs prévisibles<br />
entre un véhicule et la lisse, qui ne doivent pas détériorer<br />
le mécanisme.<br />
Par ces activités d’analyse, les élèves se créent une culture<br />
des solutions constructives importantes qui leur permettra plus<br />
tard de concevoir eux-mêmes des éléments de système.<br />
Il est dommage de rencontrer dès les premiers apprentissages<br />
des TP qui conduisent à faire « critiquer » puis « améliorer »<br />
la solution industrielle éprouvée par des élèves débutants ! <strong>Le</strong>s<br />
critiques ne sont souvent que des méconnaissances du cahier<br />
des charges ou des conditions <strong>réel</strong>les de production. Il est sans<br />
doute plus profitable et réaliste de proposer une variante du<br />
cahier des charges (ici un angle de déplacement de la barrière<br />
de 120°) et de demander à l’étudiant de modifier la solution à<br />
partir d’un point de départ validé.<br />
4 La décomposition structurelle du système complet<br />
<strong>Le</strong> <strong>modèle</strong> <strong>connecté</strong> <strong>au</strong> <strong>réel</strong><br />
<strong>Le</strong>s logiciels professionnels du domaine sont bien sûr principalement<br />
dédiés <strong>au</strong>x besoins industriels de CAO, qui exigent d’eux<br />
MARS 2005 TECHNOLOGIE 136 47
6 L’étude des solutions constructives<br />
toujours plus de fonctionnalités, reposant sur des concepts de plus<br />
en plus complexes – le calcul par éléments finis, par exemple –<br />
impossibles à aborder en début de formation. C’est surtout dans<br />
cette période que les outils complémentaires que sont les EMP<br />
seront utiles.<br />
D’<strong>au</strong>tre part, les sciences industrielles pour l’ingénieur ne se<br />
limitent pas à la conception des systèmes ; des outils couvrant<br />
un champ d’activité plus large – notamment la mesure des performances,<br />
sans laquelle les aspects scientifiques de la discipline<br />
disparaissent – sont nécessaires.<br />
<strong>Le</strong> schéma 7 montre le type d’activités qu’un EMP permet<br />
de développer et la place des études mécaniques assistées dans<br />
ce processus d’apprentissage.<br />
La découverte de la discipline <strong>au</strong> moyen des versions actualisées<br />
des logiciels de CAO industriels n’est donc pas la seule<br />
voie possible. Nous venons de le montrer avec les EMP, qui proposent<br />
– en utilisant les technologies multimédias récentes – une<br />
approche nouvelle de l’initiation à la discipline.<br />
Dans un monde où la réalité virtuelle et la télé-réalité sont si<br />
présentes, la compréhension scientifique et technique des images<br />
passe par un apprentissage fort de la correspondance entre le<br />
<strong>réel</strong> et sa représentation. <strong>Le</strong>s sciences industrielles pour l’ingénieur<br />
sont bien entendu une discipline du concret et du <strong>réel</strong>, et<br />
nous devons prendre garde – surtout en début de formation –<br />
à ne pas la présenter exclusivement sous les atours trompeurs<br />
de la virtualité. <br />
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7 <strong>Le</strong>s activités sur système <strong>réel</strong> avec assistance informatique<br />
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