Avril 2012 - MGEN

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PREVENTION La rougeole en Haute-Savoie et les limites de la campagne de vaccination en place pour accompagner psychologiquement les élèves et les familles très choquées. 75 % des élèves de l’établissement sont correctement vaccinés contre la rougeole (2 doses) alors qu’il faudrait atteindre un taux de 95 % pour éviter que le virus circule. Une vaccination par les services compétents est proposée sur site : 43 % seulement des enfants non vaccinés ou incomplètement vaccinés obtiendront l’autorisation parentale à la vaccination - encore plus étonnant, à peine 28 % des enfants absolument non protégés car n’ayant reçu aucune dose vaccinale débuteront la vaccination. Cet événement frappe les médecins en charge de la prévention car jusqu’alors nous imaginions que la population évaluait mal le risque réel et la gravité de la maladie, mais comment expliquer que les mêmes familles endeuillées persistent à refuser un geste simple de prévention pour mettre à l’abri leurs propres enfants ? En 2010 on enregistrera 80 cas déclarés qui signent une circulation toujours présente du virus, mais en 2011 c’est l’explosion avec plus 1600 cas enregistrés et une épidémie qui culmine fin février avec plus de120 cas pour 100 000 habitants. Au plan national les personnes de plus de 20 ans représentent 38 % des cas déclarés mais, parallèlement, le pourcentage des nourrissons de moins d’un an augmente, avec 8 % des cas déclarés. C’est dans ces tranches d’âge que la rougeole est la plus grave puisque près d’un adulte sur deux et 40 % des nourrissons doivent être hospitalisés. La quasi-totalité (96%) des cas rapportés n’est pas vaccinée ou n’a reçu qu’une dose de vaccin (12%). L’épidémie en Haute-Savoie survient en plusieurs épisodes En 2009 alors qu’en Allemagne et en Suisse surviennent plusieurs milliers de cas, 50 cas sont déclarés dans le Genevois français en 3 mois. Ces cas démontrent si besoin était, la grande contagiosité de la maladie : 7 enfants avaient le même mode de garde, d’autres avaient assisté au même anniversaire ; pour mémoire une personne contaminée par le virus de la rougeole contamine environ 15 à 20 autres personnes, tandis qu’une personne grippée en contamine 1,5 à 3. La rougeole est la maladie qui a le plus fort pouvoir contaminant par l’intermédiaire des micro gouttes de salive et de mucus nasal qui abritent le virus et le propagent même en empruntant les VMC. Malheureusement cette épidémie démontre aussi l’absence de prise en compte du risque par la population exposée : alors que les autorités sanitaires au vu des cas dans les écoles avaient informé tous les parents concernés en examinant la couverture vaccinale de chaque élève, puis alerté dès la rentrée de janvier les établissements proches, fin janvier 2009 une fillette de 12 ans non vaccinée décède d’une encéphalite rougeoleuse. Une enquête vaccinale est immédiatement diligentée dans l’établissement tandis qu’une cellule d’écoute est mise La couverture vaccinale en Haute-Savoie Une étude menée en 2011 auprès de nombreux établissements du département révèle que 75 à 85 % des jeunes sont vaccinés par les 2 doses nécessaires à la protection individuelle suivant les niveaux de scolarité, cependant c’est 95 % de la population qui doit être vaccinée pour que le virus ne puisse plus circuler. Dans le cas de la rougeole c’est d’autant plus important que le virus est strictement humain et n’est hébergé par aucun autre hôte, on peut donc éradiquer la rougeole du globe, comme on l’a fait pour la variole. Certaines régions atteignent des taux de vaccination très supérieurs, il est encourageant de voir que les secteurs ayant la meilleure couverture vaccinale ont eu beaucoup moins de cas que ceux qui étaient faiblement couverts, cette constatation est également vraie à l’intérieur de notre département. Les résistances à la vaccination Elles résultent directement de la perception du risque qu’ont les familles, mais aussi les médecins et professions de santé. Le risque observé, produit de l’épidémiologie, est factuel, rétrospectif et détermine le risque de survenue d’une maladie, ainsi que la gravité de ses conséquences. En regard le risque perçu peut surévaluer ou sous-évaluer les dangers de la maladie ; nous l’avons constaté lors des années d’irruption du SIDA où les personnes rencontrées continuaient souvent à avoir des conduites à risques au plan individuel mais s’alarmaient du risque résiduel contrôlé et infinitésimal lié à la transfusion. Que dire de l’acceptation collective du lourd tribu en vies humaines payé sur les routes ? <strong>MGEN</strong> 10 Haute-Savoie
prevention Comment sont perçues la rougeole et la vaccination ? La rougeole est perçue comme une maladie bénigne ; une enquête menée en 2006 auprès de plus de 4000 personnes de 18 à 79 ans montre que parmi « les principales maladies redoutées » un peu plus d’un français sur deux cite une maladie infectieuse. Parmi les 12 affections les plus souvent citées la rougeole n’apparaît pas. La vaccination n ‘apparaît pas clairement comme une alternative : à la question « quelles sont les principales pratiques pour se protéger des maladies infectieuses », à peine plus d’1 personne sur 10 cite la vaccination. Pourtant la rougeole entraîne de fréquentes complications, otites et pneumonie étant les plus banales, mais malheureusement parfois aussi encéphalite et décès … Les réponses à l’enquête illustrent parfaitement la perception du risque et son évolution : quand la maladie est très présente et que la vaccination survient, la couverture vaccinale augmente car la population y adhère et le nombre de cas diminue, c’est la « lune de miel » avec le vaccin. Quand la couverture vaccinale poursuit son ascension, le nombre de cas continue à décroître mais les effets secondaires (réels pour certains) apparaissent et occupent le devant de la scène par rapport à la maladie quasi-disparue, c’est en général à ce moment que survient un cri d’alarme « attention à ce vaccin dangereux !» alors que la maladie, dont on a oublié les dangers se pare de toutes les vertus, « naturelle», « renforce l’immunité », etc. C’est à cette croisée des chemins que nous nous trouvons pour la rougeole et c’est aussi là que survient le retour des épidémies. Tandis que dès 1983 des campagnes de vaccination ont commencé dans de nombreux pays où la rougeole tuait des milliers d’enfants et où elle est désormais rarissime, nous exportons nos virus occidentaux en Amérique du Sud par exemple alors que les pays concernés au moindre niveau économique ont consacré une part importante de leurs ressources pour contrôler cette maladie. C’est pour le moins éthiquement contestable. Des polémiques sont alimentées exploitant le désir humain de trouver une explication rationnelle à un événement, d’autant plus qu’il est grave ! Si un bébé glisse dans la baignoire deux jours après la vaccination anti-rougeoleuse personne ne fera de lien entre les deux évènements, en revanche s’il fait une crise d’épilepsie ou débute une maladie d’origine génétique, il est humain de culpabiliser et d’être tenté d’associer l’apparition de la maladie avec la vaccination, « jusque là tout allait bien, mais depuis que je l’ai fait vacciner... ». Il n’y a qu’un moyen scientifique de mettre en évidence un éventuel lien de cause à effet c’est de comparer la survenue de tels maladies ou évènements chez les personnes vaccinées et non vaccinées. Les scandales économico-sanitaires qui ont marqué la fin du siècle précédent et l’entrée dans le nouveau ne renforcent pas le pouvoir de conviction des professionnels... et dans les familles beaucoup doutent des arguments scientifiques : « et vous y croyez vous Docteur ? » Comment convaincre ? Tout d’abord être convaincu soi-même ! Mais cela ne suffit pas et l’expérience professionnelle incite à beaucoup d’humilité... rien n’est simple en la matière. Tout d’abord affirmons le droit absolu pour chacun de se déterminer en conscience ; dans le cas de la rougeole il n’ y a pas d’obligation légale à la vaccination. Il faut éclairer la prise de décision , souvent entamer une politique de petits pas. Expliquer les contre-indications, les éventuelles réactions secondaires, rassurer, proposer quand c ‘est possible de dissocier les valences dans un vaccin « multi-maladies » : « Vous voulez bien la rougeole, mais c’est X qui vous inquiète »; Réfléchir ensemble à la notion de protection collective et de solidarité, « les autres me protègent, je protège les autres », s’adapter à la réalité de terrain « j’élève seul(e) mon enfant, je viens de trouver un CDD, comment je ferai s’il est malade ? Ou comment je ferai s’il est malade après le vaccin ? »; In fine la vaccination et le rapport à la maladie rentrent souvent dans un système de valeurs très fort et propre à l’individu qu’il est vain de penser changer en une rencontre ; les aspects rationnels n’y sont souvent que secondaires. Deux anecdotes pour illustrer ce propos : Lors d’un bilan de santé à l’école le médecin scolaire a face à lui deux parents avec leur enfant. Il fait remarquer que la couverture vaccinale n’est ni protectrice, ni conforme, même pour les vaccinations légalement exigibles. Le ton monte rapidement entre les 2 parents et avant qu’il ait pu calmer le jeu l’un dit à l’autre « De toute façon si tu le vaccines, moi je le baptise ! ». Un pédiatre récemment rencontré raconte la scène suivante : il suit une famille avec plusieurs enfants dont aucun n’est vacciné malgré ses conseils réitérés à maintes reprises. Un jour au moment de quitter le cabinet la mère se retourne et dit « bon, on a réfléchi, la prochaine fois on fera la variole ! » (pour mémoire la variole a été éradiquée et la vaccination interrompue il y a 35 ans !). Oui - La rougeole est une maladie qui peut être grave. Non - On ne soigne pas les maladies virales quand elles sont déclarées, mais uniquement les symptômes quand ils apparaissent et la médecine ne peut pas tout... Oui - La vaccination est le seul moyen protecteur. Se vacciner est un acte de protection individuelle et de solidarité. Dr Christophe Guigné Médecin de Santé Publique Médecin de l’Éducation Nationale Haute-Savoie 11 <strong>MGEN</strong>
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