La Parole en spectacles : perspectives d'études
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analystes ni des lacani<strong>en</strong>s <strong>en</strong> herbe, leur donner cep<strong>en</strong>dant à compr<strong>en</strong>dre, de façon<br />
simple, ce que veut dire l’idée majeure de la psychanalyse que « l’inconsci<strong>en</strong>t est<br />
structuré comme un langage ». Ce que veut dire une expression psychanalytique<br />
usuelle comme « ça parle ». Comm<strong>en</strong>t, de fait, le corps lui-même peut « parler »,<br />
expérim<strong>en</strong>tations de la médecine psychosomatique à l’appui. Pourquoi ne pas donner<br />
év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t place, sous forme d’extraits, à quelques pages passionnantes du grand<br />
écrivain autrichi<strong>en</strong> Stefan Zweig dans son livre <strong>La</strong> Guérison par l’esprit 17 , où, par le<br />
truchem<strong>en</strong>t de trois p<strong>en</strong>seurs dont il propose une monographie critique (Mesmer,<br />
Mary Baker-Eddy et Freud), il approfondit la question de la relation de la parole au<br />
corps et à la maladie, et par voie de conséqu<strong>en</strong>ce, à la sci<strong>en</strong>ce médicale et à la place<br />
qu’elle lui reconnait ou non. Pourquoi, lors d’une séqu<strong>en</strong>ce, ne pas donner alors place<br />
à quelques témoignages significatifs comme celui de Marie Cardinale cité plus haut<br />
(à lire <strong>en</strong> lecture personnelle ?), ou à quelques romans qui s’attach<strong>en</strong>t à la question,<br />
par exemple, du « secret de famille » : ces paroles trop longtemps tues et qui bless<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> profondeur une exist<strong>en</strong>ce (on p<strong>en</strong>se au roman de Philippe Grimbert, un Secret 18 ).<br />
Pourquoi pas <strong>en</strong>core, dans le cadre d’un simple Cinéclub ou d’une étude plus élaborée<br />
qui fera écho à ces questions majeures propres à aider les élèves à voir un peu plus<br />
clair dans leur propres vies, projeter des films qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène, d’une façon ou<br />
d’une autre, l’importance de la <strong>Parole</strong> et le spectacle qu’ils <strong>en</strong> donn<strong>en</strong>t. Depuis<br />
l’excell<strong>en</strong>t Citiz<strong>en</strong> Cane, d’Orson Welles, pour compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t une vie se cache<br />
dans une parole fondatrice dont elle scénarise le secret au fil des années, jusqu’à<br />
l’Alice de Woody All<strong>en</strong>, <strong>en</strong> passant par le remarquable film d’Hitchcock <strong>La</strong> Maison<br />
du docteur Edwards dont l’intrigue se nourrit substantiellem<strong>en</strong>t de toutes ces<br />
questions.<br />
Il ne s’agira pas, c’est <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, d’étudier la psychanalyse pour elle-même,<br />
mais d’<strong>en</strong> faire un détour utile, précisém<strong>en</strong>t pour mieux rev<strong>en</strong>ir à la littérature, qui se<br />
propose elle aussi d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, derrière les mots, <strong>en</strong>tre les lignes, ce qui s’y dit aussi.<br />
Ouvrir l’oreille à ce que les mots ne dis<strong>en</strong>t pas, ou pas toujours, à ce qu’ils ne<br />
prét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t pas vouloir dire mais qu’on finit par <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre. Emblématique à cet égard,<br />
Pour un oui pour un non, une excell<strong>en</strong>te pièce de Nathalie Sarraute, dont le sujet est<br />
bi<strong>en</strong> de faire v<strong>en</strong>ir sur la scène de l’explicite une parole souterraine cont<strong>en</strong>ue, celle de<br />
la « sous-conversation » chère à Nathalie Sarraute. Deux amis explor<strong>en</strong>t le malaise qui<br />
s’est installé <strong>en</strong>tre eux, et s’attach<strong>en</strong>t à quelques « tropismes » conversationnels (dont<br />
une expression banale de félicitations : « C’est bi<strong>en</strong>, ça !. »), lesquels ont fini par<br />
cristalliser <strong>en</strong>tre eux, l’air de ri<strong>en</strong>, leur secrète lutte à mort. Une version DVD de la<br />
pièce existe, avec les comédi<strong>en</strong>s André Dussolier et Jean Louis Trintignant, qui<br />
facilitera la découverte de ce petit texte simple mais profond, propre à r<strong>en</strong>dre s<strong>en</strong>sible<br />
à des élèves de la voie professionnelle une perception fine des ruses de la parole.<br />
Là non plus, les textes, films, pièces susceptibles de nourrir cette prise de<br />
consci<strong>en</strong>ce du jeu de la <strong>Parole</strong> dans nos vies, question inhér<strong>en</strong>te à l’objet d’étude, ne<br />
manqu<strong>en</strong>t pas. Beaucoup d’œuvres d’art <strong>en</strong> vérité, (et même, pour qui veut faire de<br />
l’Histoire des Arts, le très intéressant tableau du Louvre de <strong>La</strong> Tour, Le tricheur à<br />
l’as de carreau) mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène magistralem<strong>en</strong>t la façon dont la <strong>Parole</strong> circule, joue,<br />
se joue de nous, empêche la vie ou au contraire la féconde. Pour finir cette réflexion,<br />
je voudrais mettre <strong>en</strong>core deux exemples particulièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> exergue.<br />
17 Stéfan Zweig, <strong>La</strong> Guérison par l’esprit, Biblio Essais, 1982<br />
18 Philippe Grimbert, Un secret, Poche, 2006