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CD DÉCOUVERTE<br />
MADAME<br />
MOZART<br />
Entrevue exclusive avec PIERRETTE ALARIE<br />
Jean-Pierre Sévigny<br />
Pierrette Alarie a sa place au panthéon<br />
de l’art vocal québécois auprès des<br />
légendes qui l’ont précédée: Emma<br />
Albani, Pauline Donalda, Sarah<br />
Fischer. Pourtant, en 1970, la soprano<br />
Pierrette Alarie faisait, avec son mari<br />
Léopold Simoneau, ses adieux au public montréalais<br />
à l’occasion d’une représentation du<br />
Messie de G.F. Haendel avec l’OSM.<br />
Pourquoi avoir quitté la scène à 49 ans?<br />
«J’avais le trac, c’était devenu insupportable,<br />
explique-t-elle. Quelques mois auparavant,<br />
j’avais donné un récital au <strong>La</strong>dies’ Morning<br />
Musical Club (j’y avais déjà chanté trois fois<br />
auparavant) et cela m’avait beaucoup stressée. Je<br />
pensais ne pas avoir été à la hauteur, ne pas avoir<br />
tout donné, mais les critiques furent dithyrambiques.<br />
Avec deux succès d’affilée en quelques<br />
mois, le récital du LMMC et le Messie avec<br />
l’OSM, j’ai senti que c’était le bon moment<br />
pour me retirer… me retirer en pleine gloire.»<br />
Elle n’a jamais regretté sa décision. Par la suite,<br />
elle s’est consacrée avec son mari à l’enseignement.<br />
Âgée aujourd’hui de 89 ans, toujours<br />
enjouée, rieuse, d’un esprit vif, elle a accepté<br />
pour nous de faire un retour sur les faits saillants<br />
de sa fabuleuse carrière qui a duré 32 ans.<br />
UNE FAMILLE MUSICALE<br />
Pierrette Alarie est issue d’une famille de musiciens.<br />
Son père, Sylva Alarie, est chef d’orchestre<br />
adjoint de la Société canadienne d’opérette. Sa<br />
mère, la comédienne bien connue Amanda<br />
Alarie, ainsi que sa sœur Marie-Thérèse ont<br />
toutes deux de belles voix. Elle débute à la radio<br />
de CKAC à l’âge de 14 ans comme comédienne,<br />
puis comme chanteuse populaire. <strong>La</strong> chanson<br />
réaliste J’attendrai a d’ailleurs été l’un de ses<br />
grands succès à cette époque. Plus tard, elle aura<br />
sa propre émission, Rythmes et mélodies. Pierrot<br />
(son surnom) débute les cours de chant à l’âge<br />
de 17 ans avec Albert Roberval, le mari de<br />
Jeanne Maubourg. Adolescente encore, elle<br />
entame une fructueuse carrière à la radio: «En<br />
1938, j’ai chanté aux Variétés lyriques dans<br />
l’opérette L’Auberge du cheval blanc, puis dans<br />
<strong>La</strong> fille du régiment, Mireille et Le Barbier de<br />
Séville. Ce sont mes vrais débuts à l’opéra.»<br />
C’est en 1940, alors qu’elle étudie avec<br />
Salvator Issaurel, qu’elle rencontre Léopold<br />
Simoneau. Peu connu et intimidé par cette<br />
femme enjouée, rieuse et qui est déjà une<br />
vedette, le ténor succombe rapidement aux<br />
charmes de la belle blonde aux yeux bleus. Il<br />
épousera en 1946 sa séduisante bomba, surnom<br />
qu’il lui donnait.<br />
PIERRETTE : Une star de la scène<br />
montréalaise adulée du public<br />
FIGARO AU HIS MAJESTY’S<br />
<strong>La</strong> jeune Pierrette Alarie participe à l’événement<br />
lyrique de l’année 1943. Elle interprète<br />
le rôle de Barbarina dans Le Nozze di Figaro de<br />
Mozart sous la direction de l’aristocratique<br />
Thomas Beecham dont la réputation l’effraie:<br />
«J’avais peur de Beecham, il avait toute une<br />
réputation. Mais tout s’est bien passé. C’était<br />
un homme charmant qui avait un grand sens<br />
de l’humour et j’ai compris que les gens décodaient<br />
mal son humour. On le prenait trop au<br />
sérieux et surtout au premier degré.»<br />
LE MODÈLE EUROPÉEN<br />
Alarie est désormais une star de la scène<br />
montréalaise adulée du public: «Je gagnais<br />
d’ailleurs très bien ma vie, mais il manquait<br />
cependant quelque chose. » Désireuse d’étudier<br />
le chant avec la légendaire Elisabeth<br />
Schumann, elle fait une demande d’audition<br />
par écrit au Curtis Institute of Music de<br />
Philadelphie, où Schumann enseigne. « J’ai<br />
décidé toute seule d’aller auditionner au<br />
Curtis. J’ai emprunté 150 $ à la banque et je<br />
suis partie pour Philadelphie. J’ai passé l’audition<br />
et j’ai obtenu une bourse d’études en<br />
avril 1943. Je vivais dans une petite chambre<br />
modeste. J’ai étudié trois ans (1943-46) avec<br />
madame Schumann. » Qu’a-t-elle retenu de<br />
ses trois ans d’études avec son modèle ? «Le<br />
grand art de la simplicité dans l’art vocal… la<br />
simplicité dans l’interprétation. »<br />
IL Y A 65 ANS AU MET<br />
Alarie réalise en 1945 le rêve de tout artiste:<br />
chanter au Metropolitan Opera de New York.<br />
Adolescente, elle écoutait les retransmissions<br />
du Met le samedi après-midi. Elle avait même<br />
contribué à une campagne de financement<br />
du Met. Encouragée et soutenue par son professeur<br />
Elisabeth Schumann, elle remporte le<br />
concours «Auditions of the Air» et débute au<br />
Met en 1945 dans Un Ballo in Maschera de<br />
Verdi sous la direction de Bruno Walter. En<br />
1946, elle interprète Olympia dans les Contes<br />
d’Hoffmann, sous la direction de Wilfrid<br />
Pelletier, aux côtés de son compatriote Raoul<br />
Jobin. «Pelletier était un homme charmant,<br />
qui vous mettait à l’aise, mais il n’était pas<br />
assez sévère avec les chanteurs», juge-t-elle<br />
aujourd’hui. Elle restera trois ans au Met. Les<br />
critiques de l’époque remarquent cette soprano<br />
à la voix pure et cristalline, agile et souple<br />
dans l’aigu. D’ailleurs, le célèbre critique<br />
newyorkais et historien du Metropolitan<br />
Irving Kolodin appellera le couple Simoneau-<br />
Alarie «monsieur et madame Mozart.»<br />
NOUS IRONS À PARIS<br />
Au Met, les Simoneau rencontrent plusieurs<br />
chefs français qui les invitent à auditionner à<br />
l’Opéra-Comique de Paris. « Nous avons<br />
besoin de voix comme les vôtres à Paris», affirment-ils.<br />
«<strong>La</strong> première fois, nous sommes restés<br />
quelques semaines et nous avons pris des<br />
vacances, se souvient-elle. Nous étions à Paris<br />
après tout et je me rappelle que nous chantions<br />
un de nos airs favoris, le duo «Nous<br />
irons à Paris» de Manon. Finalement nous<br />
avons obtenu des contrats et nous sommes<br />
restés six ans en France, à Paris puis à Aix-en-<br />
Provence.» À l’Opéra-Comique de Paris elle<br />
s’illustre notamment dans les rôles-titres de<br />
<strong>La</strong>kmé et de Lucia di <strong>La</strong>mmermoor. L’«Air des<br />
clochettes» de <strong>La</strong>kmé devient sa pièce fétiche<br />
qu’elle chantera tout au long de sa carrière.<br />
«Ces prestations et festivals, radiodiffusés<br />
dans plusieurs pays, ont réellement lancé notre<br />
carrière en Europe, évoque-t-elle. Après cela,<br />
nous avons chanté à Vienne, Munich, Berlin,<br />
Salzbourg, Édimbourg, Glyndebourne,<br />
Baden-Baden, Milan.» Spécialisé dans Mozart<br />
et l’opéra français, le duo Simoneau-Alarie fera<br />
les beaux jours des plus grands opéras du<br />
monde. Il demeure un cas unique dans l’histoire<br />
de l’art vocal au Canada. ■<br />
CD Découverte Pierrette Alarie – Airs d’opéra<br />
Ce disque spécial est offert exclusivement avec les exemplaires<br />
de <strong>La</strong> <strong>Scena</strong> <strong>Musicale</strong>, numéro de juillet-août 2010,<br />
vendus en kiosque ou sur abonnement.<br />
16 Juillet-Août 2010 July-August