L.ART en Loire #6

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Extrait de la vidéo Le tour de Babel, réalisée par Bertille Bak pour une production Le Grand Café, centre d’art contemporain, Saint Nazaire. Courtesy de l’artiste et galerie Xippas, Paris © Bertille Bak (photographie de Teklal Neguib) Bertille Bak Le tour de Babel Jeune artiste française, née en 1983, Bertille Bak s’est installée au Grand Café Centre d’art contemporain de Saint-Nazaire pour l’été. Cette exposition présente le fruit de ses recherches et recréations autour de la thématique des marins, travail né de sa résidence de fin 2012 à 2014, en cette ville. par teklal néguib 6 L.ART en LOIRE - # 6 - juillet 2014 - l.art
Les Complaisants : série de 35 marqueteries réalisées à partir de cheveux tissés, dimensions variables. Production Le Grand café, centre d'art contemporain, Saint Nazaire. Courtesy de l'artiste et galerie Xippas, Paris (photographie de Teklal Neguib) Le Grand Café, centre d’art contemporain Place des Quatre z’Horloges 44600 Saint-Nazaire - France Tél. : +33 (0)44 73 44 00 grandcafe-saintnazaire.fr 6 juin - 31 août mardi > dimanche • 11h > 19h Entrée Libre Exploratrice en immersion, des communautés, vivant sur un territoire défini, elle met en scène dans ses œuvres leurs traditions, rituels, précarités, difficultés ou combats, avant parfois leur désintégration. Que cela soit au travers de la révolte, de l’absurde ou de l’humour, elle transmet au spectateur une forme à la fois très documentée, mais aussi réinterprétée de manière artistique, de la vie des mondes étudiés. Souhaitant pour sa résidence, travailler sur la com-munauté de marins, elle a alors été confrontée à une difficulté majeure, qui est le très faible temps de présence de ces derniers sur le territoire. Ne restant qu’un à deux jours, il lui était alors difficile de pouvoir procéder comme traditionnellement, à savoir par l’immersion et le lien. Ce n’est donc pas leur présence qui a été son moteur, mais a contrario de ses habitudes, leur absence. C’est ainsi que les Complaisants, drapeaux de marqueteries fabriqués à partir de cheveux de marins tissés, sont la représentation symbolique de ces marins en transit. Même si certains, notamment l’équipage du paquebot, restaient à Saint-Nazaire sur une plus grande durée, le problème a alors été leur refus d’apparaître dans la vidéo, si ce n’est au travers de bouts de corps apparaissant de-ci de-là : mains tenant des cintres et présentant les divers vêtements de travail à mettre tout au long de la journée, bras nettoyant une vitre,... Le film donne à voir et à percevoir les conditions particulièrement dures du travail de ces marins de paquebot, géants des mers, aux mondes étanches entre touristes vivant dans des zones interdites à l’équipage, et ce dernier confiné au sein même de son lieu de travail et de vie. Monde ségrégationniste entre les touristes (souvent blancs) et les marins (souvent non-blancs), le paquebot est un lieu à part, avec ses propres traditions, opposant par exemple les chants des marins, monde caché, et les jeux et autres occupations de touristes s’ennuyant. La confrontation de deux extraits que sont la pose des touristes pour une photo et les uniformes de l’équipage défilant à la blanchisserie, portés, transportés, sans vie et sans âme, montre à quel point les premiers vivent dans l’irréalité, la déconnection complète avec le monde réel, représenté par les fantômes, que sont les marins, ces invisibles. Cette sensation d’inexistence est rendue encore plus palpable, lors de la recréation artistique de la fabrication du paquebot par l’artiste, avec l’emprisonnement des marins dans leur cabine. Le travail de Bertille Bak dans la vidéo Le tour de Babel montre toute la violence inouïe de ce monde, sans respect pour ces travailleurs des mers, dont le seul moment d’humanité reste à la fin les vidéos de leurs épouses. Outre, cette vidéo, et la présentation des complaisants, ce travail autour des mondes de la mer, est complété à l’étage par une machine, fonctionnant en lien avec la capitainerie, et dont les éléments se déplacent lorsqu’un bateau rentre dans le port de Saint-Nazaire, afin de recréer in situ la morphologie du bateau en question. Par ailleurs, le mur présente une autre tradition de marins, qui est la présence d’images pornographiques, cachées-dévoilées, rappelant que vivant en mer l’essentiel de l’année et donc loin de leur famille, ils y trouvent alors une forme de satisfaction par défaut, ce qui à nouveau met l’accent sur les conditions particulièrement difficiles de leur vie. Travail particulièrement intéressant d’une artiste engagée, Le tour de Babel est une traduction artistique de la vie de ces fantômes de la mer, ces humains invisibles que sont les marins. Ce travail peut être mis en perspective avec celui de Marc Picavez, exposé au LiFE à l’été 2013 : Seamen’s Club. L.ART en LOIRE - # 6 - juillet 2014 - l.art 7
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