Découvrez le 76 Faubourg, la revue de Sotheby's France.

R e NCo N t R e
ViViane de WItt
s
jeAN-MIChel bASqUIAt
croWn hotel (mona liSa Black
Background), 1982
Estimation 5 000 000–7 000 000 €
l a VIe mU l TIPle D ’ U ne Femme D e l’aRT
PROPOS RecUeIllIS PaR DR PHIlIPP HeRzOG VOn WÜRTTembeRG
s
AlexANdeR CAldeR
loW three featherS, 1967
Estimation 350 000-450 000 €
Commissaire-priseur et collectionneur, Viviane De Witt a su très tôt s’imposer dans le
monde encore masculin des ventes aux enchères. Sa sensibilité féminine ne s’exerce pas
qu’au marteau, collectionner est pour elle un bonheur sans cesse renouvelé qui la mène
toujours plus loin dans ses choix esthétiques. Elle a confié à Sotheby’s un exceptionnel
ensemble d’œuvres de sa collection qui seront mises en vente les 5 et 6 juin prochains (voir
agenda p10-11). Entretien avec cette passionaria du bel objet.
s
AlbeRto gIACoMettI
figurine, 1950-1951
eStIMAtIoN
1 000 000-1 500 000 €
VOUS aVez DébUTé en TanT
qUe cOmmISSaIRe-PRISeUR à
Une éPOqUe Où PeU De FemmeS
embRaSSaIenT ceTTe caRRIèRe .
Au début des années 1980, nous n’étions
que trois femmes dans ce milieu qui leur
était resté interdit à Paris jusqu’en 1978.
C’est en accompagnant mon père aux
ventes publiques dirigées par étienne
Ader au Palais Galliera que ma vocation
est née. Face à mon envie d’embrasser
cette profession, il m’avait expliqué que les
femmes ne pouvaient être commissairepriseur
mais, mais vous savez... à tout rêve,
il n’est rien d’impossible…
VOUS FaITeS PaRTIe
D’Une ImPORTanTe FamIlle De
cOllecTIOnneURS,
qUe cOllecTIOnnez-VOUS ?
J’ai eu plusieurs passions, les tabatières
chinoises à une période où personne ne
s’y intéressait, sur lesquelles j’ai d’ailleurs
publié un livre en 1980 ; le mobilier XVIII e
siècle aussi et puis, un jour, j’ai compris que
ce n’était pas ce que j’aimais. Je me suis
alors prise de passion pour l’art africain,
l’art moderne et l’art déco qui me fascinent
toujours autant. J’ai d’ailleurs écrit un livre
sur Jules et André Leleu. J’ai aussi une
grande attirance pour les bijoux que je
collectionne avant tout comme des objets
et deux de mes livres ont été consacrés aux
joailliers Sterlé et Marina Bulgari.
eT aUJOURD’HUI ?
Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes artistes
que j’ai envie d’acheter. Revendre, dans cette
optique, des pièces consacrées me permettra de
les collectionner. C’est ce qui m’amuse le plus.
VOTRe nOUVelle aVenTURe en
TanT qUe DIRecTRIce-GénéRale
DeS mOnTReS De WITT eST DOnc
TOUT à FaIT cOHéRenTe aVec VOS
PaSSIOnS SUcceSSIVeS, n’eST-ce PaS ?
Cela n’a rien d’extravagant, en effet, car
ce sont des montres à mouvement de
haute horlogerie qui n’ont rien à voir
avec l’horlogerie industrielle. C’est une
© OLIVIER VOGELSANG
aventure mêlant création esthétique et
haute technicité, et tout cela est vraiment
passionnant car une montre peut être
une création tout comme un bijou, une
sculpture ou un tableau peuvent l’être.
aUJOURD’HUI, DanS qUel bUT
VenDez-VOUS ?
Je vends pour plusieurs raisons. J’ai
effectivement très envie de refaire une
collection de jeunes artistes et de ne pas
m’en tenir à ce qui est consacré uniquement,
car c’est toujours amusant de revenir à la
source. Je veux aussi ré-exercer mon œil et
mon goût pour voir si, au fil des années, j’ai
eu raison dans mes choix. C’est un exercice
de connaissance de soi et de confrontation
avec le goût de l’époque, une façon de
rester dans son temps. En ce moment, par
exemple, j’achète de l’art sud-américain
et de l’art chinois, notamment des dessins
préparatoires de l’épopée de Mao.
aImez-VOUS RencOnTReR leS
aRTISTeS cOnTemPORaInS DOnT
VOUS cOllecTIOnnez leS OeUVReS ?
Oui ! Pour moi l’artiste est quelqu’un qui
met ses tripes à l’air et qui vous permet
d’accéder à son art et à sa sensibilité, il vous
transporte. J’aime les rencontrer plusieurs
fois, discuter avec eux et les écouter. Selon
moi, il y a deux sortes d’artistes, celui qui est
fermé et revêche et celui qui communique.
J’étais très amie avec César, c’était un
grand communiquant !
VOUS aVez aUSSI Un PROJeT
De mUSée en FRance…
C’est venu d’une conversation avec mon
petit-fils à propos de ma vie dans les années
1950 et qui devant mes explications, m’a dit :
« Pour moi, tu viens de la planète Mars ».
J’ai été frappée, car toute cette vie, qui est
encore très proche, est inconnue des jeunes
d’aujourd’hui. Les objets usuels de cette
époque ne peuvent intéresser que les gens
qui ont vu le geste derrière l’outil… Ce geste
étant perdu, j’ai réfléchi à la façon dont j’allais
continuer à collectionner l’art populaire et à
retracer, avec ces objets, la vie des Français.
Pour cela, je suis secondée par un historien.
J’ai racheté quelques musées de province qui
allaient disparaître et j’ai acquis toutes sortes
d’objets. Après quatre ans de préparation, nous
commençons la construction de ce musée en
Seine-et-Marne. J’espère que les anciens y
retrouveront la saveur de leur jeunesse, mais
surtout que les jeunes découvriront comment
ont vécu leurs grands-parents et arrièregrands-parents.
C’est très amusant. Vous avez
compris que je ne m’ennuyais jamais !
DR PHIlIPP HeRzOG VOn
WÜRTTembeRG eSt chAIrMAN
SotheBY’S euroPe et dIrecteur
GÉNÉrAL SotheBY’S ALLeMAGNe
76 FAUBOURG • 23