Découvrez le 76 Faubourg, la revue de Sotheby's France.

L’INVITé INATTENDU PEgUy LUyINDULA
PROPOS RecUeIllIS PaR maRGUeRITe De SabRan
Peguy Luyindula, né à Kinshasa, est un footballeur professionnel. Après avoir évolué notamment dans les équipes de Lyon,
de Marseille et du Paris-Saint Germain, avoir été plusieurs fois sélectionné en équipe de France, il est aujourd’hui l’avantcentre
des Red Bulls de New York. Il évoque ici sa passion pour les objets d’art africains et la constitution de sa collection.
mdS : Il s’agit donc d’une passion familiale ?
PL : Oui, mon grand-père en a été l’initiateur
et c’est assez extraordinaire. Il vivait à
Kinshasa à une époque où collectionner
ces objets « chargés » était très rare pour
un Africain. À vrai dire, sa passion était mal
perçue et il a été courageux de s’y engager.
On lui reprochait de conserver chez lui ces
objets, d’une part parce qu’ils suscitaient la
crainte de ses proches, mais aussi parce qu’en
les sortant de leur contexte traditionnel, il les
désacralisait d’une certaine façon.
mdS : les choses ont-elles été plus faciles
pour votre père qui vivait en France?
dilettante à l’art africain. Il y a six ans, enfin,
j’ai acquis mon premier objet et collectionner
est devenu une passion. J’ai d’abord procédé
par échanges entre collectionneurs, puis je
me suis accordé le temps de visites chez des
marchands, dans des salles de vente… où
nous nous sommes rencontrés il y a deux ans.
s
MASqUe, lWAlWA,
RéPUblIqUe déMoCRAtIqUe
dU CoNgo, hAUt. 30 CM,
ColleCtIoN FRANçoISe
et jeAN CoRlAy
eStIMAtIoN 60 000 - 90 000 €
ARtS d’AFRIqUe et d’oCéANIe
VeNte à PARIS le 18 jUIN
mdS : Restez-vous fidèle, dans votre
collection, aux arts du congo ?
PL : Je suis particulièrement sensible aux arts
provenant de mon pays d’origine, mais pas
exclusivement. Je collectionne aussi des œuvres
issues d’autres pays d’Afrique centrale – les arts du
Gabon et d’Angola surtout –, mais aussi d’Afrique
de l’Ouest, en particulier le Burkina Faso.
mdS : comment choisissez-vous
vos œuvres ? quels sont les critères qui
guident votre collection ?
PL : Mes critères sont avant tout esthétiques.
Pour une question de culture générale, j’aime à
connaître la signification de telle ou telle œuvre
dans son contexte d’origine – surtout pour
pouvoir répondre aux questions de mes enfants !
Mais chez nous, cette signification est toujours
porteuse d’un certain poids, lié à l’histoire, aux
ancêtres, aux croyances. Et je n’aime pas entrer
dans ces discussions. La question du beau a
été lourde à défendre pour mon grand-père.
J’ai la chance de vivre à une époque et dans un
contexte où je peux en être affranchi. J’aime l’art
africain pour ses formes, c’est pour moi l’essentiel.
mdS : Vous avez découvert en « avantpremière
» la collection Françoise et Jean
corlay d’art africain, dont le cœur est le
congo. quelle œuvre vous a le plus séduit ?
MARgUERITE DE SAbRAN :
Peguy luyindula, votre talentueuse carrière
de footballeur international a révélé votre
personnalité. en revanche, votre vie de
collectionneur et votre passion pour l’art
africain sont inconnues du grand public.
Depuis quand avez-vous commencé à vous
intéresser à l’art africain ?
PEgUy LUyINDULA :
En réalité depuis toujours, mais mon rapport
avec ces objets a évolué au fil des années.
Quand j’ai rejoint mon père en France à l’âge
de 2 ans, la maison était remplie d’objets –
certains donnés par mon grand-père luimême
collectionneur, d’autres par mon oncle,
qui était sculpteur sur ivoire. J’en ai d’abord
eu peur, puis à l’adolescence, j’ai été gêné
par leur présence. Je n’aimais pas afficher
auprès de mes copains cette connotation
très africaine. Le jour où elles ont cessé de
me faire peur, j’ai commencé à les aimer.
PL : En réalité, pendant longtemps, pour
respecter le désir de ma mère, n’étaient
exposés aux regards à la maison que les
objets décoratifs. Les objets « sacrés » – les
masques anciens en particulier – étaient
conservés dans une autre pièce. Cependant,
il était beaucoup plus facile pour mon père
vivant en France, même s’il comptait à
l’époque parmi les rares collectionneurs
africains d’art de son continent, d’affirmer son
attrait pour leurs seules qualités esthétiques.
mdS : quand avez-vous commencé
vous-même à collectionner ?
PL : Dès que je suis passé, adolescent, de
la peur à l’admiration. Je suis alors devenu
collectionneur d’abord en me considérant
comme un « héritier ». J’aimais ces objets et
ils m’étaient offerts. Contrairement à mon
père qui adore chiner et est très familier des
salles de vente, j’ai eu longtemps le sentiment
que ma carrière sportive ne me laisserait pas
le temps de me consacrer autrement qu’en
PL : Difficile de faire mon choix entre le masque
kifwebe (Songye) et le masque Lwalwa... Les
deux ont une qualité plastique qui me fascine.
J’aime aussi la finesse de leur trait. Cette beauté
à la fois moderne et harmonieuse.
mdS : comment se passent vos débuts
avec l’équipe des new york Red bulls
après des années au Paris Saint-Germain
et en équipe de France ?
PL : Très bien ! J’ai la chance de faire une
belle carrière et de jouer dans des grands
clubs. J’avais envie d’une nouvelle vie, de
faire découvrir une culture différente à mes
enfants. J’ai été très vite intégré et pour
mon deuxième match avec l’équipe samedi
dernier, nous avons remporté notre première
victoire du championnat ! Et quel plaisir de
vivre à New York et de passer du temps au
Met, qui est de loin mon musée préféré !
maRGUeRITe De SabRan eSt dIrectrIce
du dÉPArteMeNt ArtS d’AfrIQue et
d’ocÉANIe de SotheBY’S frANce.
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