Formation Cinéma " Le Cirque" - Atmosphères 53
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The Circus<br />
de<br />
Charles Chaplin<br />
1928<br />
Document de travail pour<br />
une approche de l'oeuvre<br />
Rédigé par Yannick QUILLET<br />
<strong>Formation</strong> cinéma<br />
Enseignement Catholique<br />
Avril 2008
Introduction<br />
Depuis sa première apparition sur les écrans de<br />
cinéma, le personnage de Charlot est resté très<br />
populaire dans le monde entier. On ne compte plus<br />
le nombre de cartes postales, affiches, objets... à son<br />
effigie. Chaque réédition en DVD remporte un grand<br />
succès. « C’était une promesse solennelle<br />
faite aux héritiers de Chaplin lors<br />
de l’acquisition, en 2001, des droits<br />
d’exploitation mondiaux de dix-sept<br />
des plus grands films du cinéaste :<br />
le producteur et distributeur Marin<br />
Karmitz s’était engagé à permettre<br />
une diffusion en salles la plus<br />
respectueuse possible de l’oeuvre<br />
du réalisateur. Un devoir de mémoire<br />
et de sauvegarde. Restaurés<br />
en haute définition, The Kid<br />
(1921), La Ruée vers l’or (1925)<br />
et <strong>Le</strong> Cirque (1928) sont ainsi ressortis<br />
mercredi 21 novembre dans<br />
trois salles à Paris et une dizaine<br />
en province. » (Nicole Vulser, <strong>Le</strong><br />
Monde du 25.11.07)<br />
Mais peut-on redécouvrir et<br />
mieux, faire découvrir l’oeuvre<br />
de Chaplin à l’heure du numérique ? Guillemette<br />
Odicino-Olivier affirme, à propos des enfants<br />
d’aujourd’hui : « Chaplin peut-il encore les faire rire<br />
et pleurer ? Oui, à condition d’y mettre les dormes.<br />
D’abord, ne pas les laisser seuls devant les chefsd’oeuvre<br />
du vagabond moustachu. Relancer l’attention,<br />
annoncer le prochain gag, y aller de sa propre<br />
larme (faire confiance à la contagion), et rester serein.<br />
Certaines scènes ont un effet garanti... ce Charlot victime<br />
de la machine ressemble à s’y méprendre à un<br />
gamin gesticulant dans un monde d’adulte qui va trop<br />
vite pour lui. » (Téléram n° 3020)<br />
Sommaire<br />
Introduction 2<br />
1- <strong>Le</strong> Film<br />
Fiche technique et artistique 3<br />
Synopsis 3<br />
Un artiste complet 4<br />
Sur le tournage du film 5<br />
Revue de presse 6<br />
2- Analyse filmique : Découpage 7<br />
3- Un genre : le burlesque<br />
Histoire d’un genre 10<br />
Caractéristiques du genre 11<br />
4 - Analyse thématique<br />
Un univers en dehors du monde : le cirque 13<br />
<strong>Le</strong> personnage du vagabond 13<br />
L’espace et le temps 14<br />
Des aspects techniques qui éclairent l'oeuvre 15<br />
5- Trame d’Exploitation pédagogique<br />
Avant la séance 21<br />
La séance 21<br />
Après la séance 22<br />
6- Propositions pédagogiques<br />
Fiche n° 1 : réorganiser les scènes clés du film 23<br />
Fiche n° 2 : <strong>Le</strong> cinéma burlesque... 24<br />
Fiche n° 3 : Film et accompagnement musical 25<br />
Fiche n° 4 : Un genre littéraire : l'autobiagraphie 25<br />
Fiche n° 5 : Doublage 28<br />
7- Filmographie de Chaplin 29<br />
Annexe : les intertitres (cartons) du film 30<br />
Ce dossier, loin de viser l’exhaustivité, souhaite apporter<br />
simplement quelques repères afin d’entrer dans<br />
l’univers de Chaplin et, plus particulièrement, dans<br />
un film souvent méconnu, <strong>Le</strong> Cirque.<br />
2
1- <strong>Le</strong> Film<br />
Fiche technique<br />
et artistique<br />
<strong>Le</strong> Cirque<br />
(The Circus)<br />
Scénario - réalisation : Charles Chaplin<br />
Production : Charles Chaplin - United Artists<br />
Montage :<br />
Charles Chaplin<br />
Assistant-réalisateur : Harry Crocker<br />
Cadre :<br />
Jack Wilson, Mark Marlatt.<br />
Directeur photo : Roland (Rollie) Totheroh.<br />
Musique : Charles Chaplin (1969).<br />
Distribution : Charles Chaplin (Charlot, le Vagabond)<br />
Merna Kennedy (Merna, l’ecuyère)<br />
Allan Garcia (le directeur du cirque)<br />
Harry Crocker (Rex, le funambule)<br />
Henry Bergman (le vieux clown)<br />
George Davis (le magicien)<br />
Steve Murphy (le pickpocket)<br />
Stanley Isanford (le régisseur)<br />
Durée :<br />
70 min<br />
Tournage : 1926-1927.<br />
Première mondiale : 6 janvier 1928.<br />
Synopsis<br />
Charlot se promène dans une fête foraine et se retrouve<br />
impliqué malgré lui dans un imbroglio avec<br />
un pickpocket et la police, qui donne lieu à une<br />
course-poursuite dans une baraque de foire puis un<br />
palais des glaces. Échappant à ses poursuivants, il<br />
déboule sur la piste d’un cirque et sabote le numéro<br />
du prestidigitateur… pour la plus grande hilarité des<br />
spectateurs.<br />
<strong>Le</strong> cirque connaît des difficultés financières, et son<br />
directeur voit dans ce nouveau clown un espoir de<br />
salut. <strong>Le</strong> seul problème, c’est qu’il n’est drôle que<br />
lorsqu’il ne le fait pas exprès. C’est donc sans s’en<br />
rendre compte qu’il devient le clou du spectacle.<br />
Il ne tarde pas à tomber amoureux de la jeune et<br />
belle écuyère, qui n’est autre que la fille du directeur,<br />
martyrisée par son père. <strong>Le</strong>ur amourette se développe,<br />
malgré la rencontre de Charlot nez à nez<br />
avec un lion et les autres aléas du cirque, jusqu’à<br />
l’apparition d’un rival en la personne du nouveau<br />
funambule, le beau Rex. <strong>Le</strong>s tentatives de Charlot<br />
pour se mesurer à lui, tant en amour que sur le fil, se<br />
concluent par des catastrophes.<br />
<strong>Le</strong> cirque continue sa route, abandonnant Charlot<br />
tout seul au milieu du cercle de pelouse rasée qui est<br />
désormais tout ce qui reste du spectacle.<br />
Site officiel - Charles Chaplin (http://www.charliechaplin.com)<br />
3
Un Artiste complet<br />
Charles Spencer Chaplin est né à Londres le 16<br />
avril 1889. Ses parents, Charles et Hannah, tous<br />
deux artistes de music- hall, se séparent avant<br />
ses trois ans. Mme Chaplin se bat pour élever Charles<br />
et son demifrère<br />
aîné<br />
Sydney, enfant<br />
illégitime,<br />
malgré sa santé<br />
défaillante<br />
(elle a fini par<br />
être internée<br />
en hôpital psychiatrique).<br />
Vivant<br />
la plupart<br />
du temps dans<br />
des conditions<br />
d’extrême pauvreté,<br />
les deux<br />
garçons passent<br />
le plus clair de leur petite enfance dans des institutions<br />
pour jeunes indigents.<br />
À dix ans, cependant, Charles débute sa carrière professionnelle<br />
dans une troupe d’enfants danseurs de<br />
claquettes : les “huit gars du Lancashire”. Pendant<br />
plusieurs années, il joue le petit groom Billy dans la<br />
pièce Sherlock Holmes, apparaissant même dans ce<br />
rôle dans un théâtre du West End, à Londres. C’est<br />
lors de cette tournée que Chaplin commence à se faire<br />
un nom et qu’il côtoie de grands acteurs qui lui enseigne<br />
l’art de la comédie. Plus tard, Charlie intègre une<br />
autre troupe: le Casey’s Court Circus, où il brille par<br />
ses imitations de comiques célèbres. D’autres emplois<br />
dans le music- hall finissent par aboutir à son recrutement<br />
dans la troupe de Fred Karno, le plus grand<br />
imprésario britannique de spectacles de cabaret. <strong>Le</strong>s<br />
talents comiques exceptionnels de Chaplin en font<br />
très vite la star de la compagnie Karno.<br />
Fin 1913, lors d’une tournée dans<br />
les music- halls américains, il est<br />
remarqué par Mack Sennett et<br />
engagé par la Keystone Comedy<br />
Company à Hollywood. C’est le<br />
début d’une longue série de courts<br />
et de moyens métrages.<br />
Il crée alors le costume<br />
et le maquillage qui<br />
vont le rendre célèbre ; en l’espace d’une<br />
4<br />
Charlie à 7 ans, au milieu de ses<br />
camarades de classe<br />
année, il a pris le chemin d’une gloire et<br />
d’une affection internationales, telles<br />
qu’aucun autre comédien n’en a jamais<br />
connu.<br />
Rapidement, il passe d’une compagnie<br />
à une autre, avec un salaire qui n’en finit pas de<br />
grimper, toujours en quête d’une plus grande autonomie<br />
créative. Après la Keystone Company, il intègre la<br />
Essanay Film Manufacturing Co., puis la Mutual Film<br />
Company, les films de Charlot sont ensuite produits<br />
par la First National Company. en 1916 et 1917.<br />
En 1918, il monte son propre studio et en 1919 il est<br />
cofondateur, avec Douglas Fairbanks,<br />
Mary Pickford et D. W. Griffith, de<br />
United Artists (les Artistes Associés)<br />
une maison de distribution indépendante.<br />
Avec des chefs-d’oeuvre<br />
comme L’émigrant, Charlot soldat,<br />
The Kid ou La ruée vers l’or,<br />
Chaplin apporte une nouvelle<br />
dimension à la comédie,<br />
pas seulement par<br />
les talents extraordinaires<br />
de son jeu d’acteur ou de<br />
sa créativité burlesque,<br />
mais aussi dans le domaine de l’étude de caractère,<br />
de l’émotion et de la satire sociale présentes dans ses<br />
films.<br />
L’avènement du parlant a constitué un problème plus<br />
difficile pour Chaplin que pour les autres stars du<br />
muet. Il avait conquis le public du monde entier grâce<br />
au langage universel de la pantomime. Dans ses premiers<br />
films sonorisés, <strong>Le</strong>s lumières de la ville et <strong>Le</strong>s<br />
temps modernes, il continue en fait à réaliser des films<br />
muets, utilisant le nouveau support du son uniquement<br />
pour ajouter aux images un accompagnement musical<br />
synchronisé et pré-enregistré.<br />
Quand il se lance enfin dans les dialogues avec <strong>Le</strong> dictateur<br />
en 1940, il prouve qu’il peut manier le son et<br />
la parole à la perfection. Chaplin a connu une dévotion<br />
universelle quasi unique; mais dans la paranoïa<br />
ambiante des États-Unis d’après-guerre, il est la cible<br />
de attaques répétées d’une droite américaine qui le<br />
soupçonne pour ses positions radicales. <strong>Le</strong> FBI, sous<br />
la direction de son célèbre patron J. Edgar Hoover, orchestre<br />
contre lui à grand renfort de publicité un procès<br />
en reconnaissance de paternité qui érode encore<br />
davantage sa popularité.
En 1952, alors que Chaplin embarque pour Londres<br />
afin d’y présenter son film <strong>Le</strong>s feux de la rampe, les<br />
autorités américaines en profitent pour annuler son<br />
visa de retour. S’il revient, il sera arrêté, le temps pour<br />
les autorités de vérifier qu’il est “admissible selon les<br />
lois des Etats-Unis”.<br />
Chaplin décide alors d’établir sa résidence permanente<br />
en Suisse plutôt que de continuer à se battre contre<br />
les États- Unis. Il réalise deux autres films en Europe :<br />
Un roi à New York et La Comtesse de Hong-Kong, publie<br />
deux livres autobiographiques: “My trip aboard”<br />
et “My life in pictures”, continue à écrire des scénarios<br />
et à composer de nouvelles partitions musicales<br />
pour ses anciens films muets pratiquement jusqu’à sa<br />
mort, dans la nuit de Noël 1977.<br />
Site officiel - Charles Chaplin (http://www.charliechaplin.com)<br />
Sur le tournage du film<br />
Dans son autobiographie publiée en 1964, Chaplin<br />
parle de la plupart de ses films, de tous sauf d’un<br />
long métrage, <strong>Le</strong> Cirque, qui semble être pour Chaplin<br />
comme un film maudit. Il faudra d’ailleurs attendre<br />
1969 pour que le réalisateur en autorise la ressortie,<br />
en lui écrivant au passage une partition musicale et<br />
une chanson pour un nouveau générique, Swing Little<br />
Girl.<br />
Pour comprendre l’attitude de Chaplin pendant toutes<br />
ces années, il faut avoir à l’esprit le contexte du tournage.<br />
« La raison n’était pas liée au film en lui-même<br />
mais aux circonstances extrêmement pénibles qui<br />
avaient entouré sa création. Chaplin était alors plongé<br />
dans les affres de sa rupture avec Lita Grey ; et le<br />
tournage du Cirque a coïncidé avec l’un des divorces<br />
les plus scandaleux et médiatisés du Hollywood des<br />
années vingt, alors que les avocats de Lita cherchaient<br />
par tous les moyens à briser la carrière de Chaplin en<br />
entachant sa réputation. Au plus fort de la bataille juridique,<br />
le tournage dut être complètement interrompu<br />
pendant une période de huit mois, car les avocats<br />
essayaient de saisir les biens du studio de production.<br />
Chaplin fut contraint de cacher en lieu sûr les bouts<br />
du film déjà tournés. » (David Robinson)<br />
Au lieu de créer une façade de Cirque, il ordonne de<br />
monter un véritable chapiteau avec roulottes, cages à<br />
fauves et autres annexes. Mais quelques jours avant<br />
le début du tournage, le sort commence à s’acharner<br />
sur ce projet : une tempête traverse la Californie détruit<br />
le chapiteau et retarde le tournage de plusieurs<br />
semaines…<br />
Lorsque le décor est reconstruit, Chaplin tourne ses<br />
premiers plans et enchaîne les journées de travail sans<br />
le moindre incident. Un mois plus tard, le laboratoire<br />
de développement l’informe qu’à la suite d’erreurs de<br />
manipulation, la pellicule utilisée est inexploitable !<br />
Nullement découragée, l’équipe reprend le tournage<br />
dont la durée ne cesse de s’allonger : Chaplin est un<br />
perfectionniste, il multiplie les prises, épuise ses techniciens<br />
et explose son budget initial. A titre d’exemple<br />
la séquence de la cage au fauve contient 200 prises,<br />
celle de la corde 700 ! Cette même scène voit Chaplin<br />
attaqué par des singes. <strong>Le</strong>s petits sapajous firent<br />
beaucoup rire le public mais moins Chaplin : après<br />
plusieurs morsures il doit être opéré et hospitalisé<br />
pendant six semaines.<br />
<strong>Le</strong> 5 décembre 1926, le tournage est arrêté pendant<br />
près de six mois suite au scandale provoqué par Lita<br />
Grey. Lorsque le travail reprend en Octobre 1927, le<br />
décor brûle dans un incendie et disparaît sous les cendres.<br />
Par chance Chaplin a tourné suffisamment de<br />
plans mais le chapiteau du Cirque ne reverra jamais<br />
le jour…<br />
Il ne reste plus que le final à mettre en bobine et<br />
cette scène, qui a pour décor les caravanes des artistes,<br />
subit, elle aussi, un coup du sort : des étudiants,<br />
sans doute éméchés, volent les roulottes pendant la<br />
nuit et décident de les brûler. Heureusement Chaplin<br />
constate le larcin suffisamment tôt et empêche le drame<br />
!<br />
Fin 1927, le tournage est terminé, Chaplin peut enfin<br />
respirer… Certains diront que les artistes ont besoin<br />
de ces obstacles pour donner force et caractère à leur<br />
œuvre. Ceux que surmonta Chaplin pendant les deux<br />
années de tournage du Cirque contribuèrent certainement<br />
à faire mûrir sa grammaire cinématographique<br />
mais ils furent aussi une épreuve dont le cinéaste mit<br />
des dizaines d’années à se remettre. (François-Olivier<br />
<strong>Le</strong>fèvre)<br />
http://www.dvdclassik.com/Critiques/dvd_cirque.htm<br />
5
Revue de presse<br />
« Poursuivi pour un vol à la tire qu’il n’a pas commis, Charlot pénètre sous le chapiteau<br />
d’un cirque en plein numéro. <strong>Le</strong> public, jusque-là engourdi, en redemande. <strong>Le</strong> directeur<br />
l’engage mais le sous-paye. Charlot s’éprend de sa fille, une écuyère qui n’a d’yeux que<br />
pour Rex, l’équilibriste...<br />
Un vagabond dans un cirque. Tout est dit. Ce n’est pas l’histoire d’un clown professionnel,<br />
mais d’un homme qui passe et fait rire parce qu’il pervertit les règles du spectacle. En<br />
les déstabilisant, il les renouvelle. “Je ne suis pas qu’un pitre”, dit Chaplin, tout en rendant<br />
hommage à la piste aux étoiles, berceau noble et ingrat du burlesque. Car on souffre<br />
de voir les “vrais” clowns échouer dans leur mission comique, qui n’est plus que routine<br />
et mécanique. Quand l’empêcheur de rire en rond devient funambule, scène incroyable<br />
où l’humour tient à un fil, il le fait par amour. Mais on ne gagne pas le coeur d’une belle<br />
en roulant dans la sciure. Drôle sans le vouloir, gentleman sans le savoir, Charlot va tout changer dans le cirque<br />
en déroute. <strong>Le</strong> M. Loyal — qui était loin de l’être — cessera d’être un patron esclavagiste et cruel. L’écuyère<br />
épousera le vrai funambule, beau et pas marrant. Charlot, à nouveau seul, regardera s’éloigner la caravane.<br />
<strong>Le</strong> spectacle du rire continuera ailleurs. Sans lui. Trois ans après ce Cirque, comédie géométrique, parfaite<br />
pirouette où il prouvait qu’il n’était pas qu’un gagman, Chaplin nous faisait pleurer sur son amour pour une<br />
jolie aveugle en fleur. »<br />
Guillemette Odicino - Télérama n°3022 - 12 décembre 2007<br />
« <strong>Le</strong> cinéma est avant tout espace. Comment on entre en scène, comment on quitte la scène, comment on exécute<br />
les détails que le public n’a pas besoin de connaître. A mon sens, Chaplin inventait la vie, une autre vie.<br />
C’est de là que vient le côté “plus vrai que nature” de ses films.<br />
Ce que cet homme a apporté de plus innovant au cinéma, c’est l’art d’occuper l’espace. <strong>Le</strong> cinéma d’aujourd’hui,<br />
quand je le compare au passé et à ses films, n’a pas besoin des parlants qu’il a faits plus tard. Sa contribution<br />
la plus importante, c’est l’art d’occuper l’espace. Jongler dans un cirque, c’est ça le travail d’un cinéaste.<br />
On essaye de faire croire à l’incroyable, on essaye de faire entrer le public dans notre univers transcendantal,<br />
où l’on jongle avec les éléments qu’on connaît. Celui-ci en particulier... On n’explique pas, mais on présente<br />
les miracles. Voilà ce que l’on fait. »<br />
Emir Kusturica à propos du CIRQUE<br />
Après la projection du Cirque, Chaplin ne permet jamais au spectateur de sourire. Il lui faut se tordre de rire<br />
ou éprouver une profonde tristesse.Charlot salue avec son melon et c’est comme si le couvercle d’un chaudron<br />
débordant se soulevait. Ses vêtements sont imperméabilisés contre les coups du sort. On dirait quelqu’un qui<br />
n’aurait pas quitté ses vêtements depuis quatre jours. Il ne sait pas ce que c’est qu’un lit et s’il se couche quelque<br />
part c’est dans une brouette ou sur une balançoire [...] C’est la première oeuvre de maturité de Chaplin. Il<br />
a vieilli depuis ses derniers films, mais son personnage aussi. Et le plus saisissant, dans ce nouveau film, est<br />
le sentiment qu’il domine désormais tout le champ de ses moyens, qu’il est décidé à mener son affaire à son<br />
terme avec ses moyens-là et seulement avec eux. Il trouve pour tous les grands thèmes une variante d’une justesse<br />
splendide : la poursuite se déroule dans un labyrinthe, l’apparition surprise doit déconcerter un magicien,<br />
son masque détaché en fait une marionnette dans une baraque foraine. <strong>Le</strong> plus grandiose c’est la composition<br />
de la séquence finale : il jette des confettis sur le couple heureux des mariés et on pense : maintenant c’est fini.<br />
Puis il est encore là, quand la caravane du cirque se met en route, il ferme sur eux la porte de la roulotte-et on<br />
pense : maintenant c’est fini. Puis on le voit rester en arrière dans le sillon que décrivait auparavant le cercle de<br />
la pauvreté et on pense : maintenant c’est fini. Puis vient, en gros plan, son corps tout froissé, alors qu’il prend<br />
place sur une pierre dans l’arène ; on croit alors tenir la fin et puis il se lève et on le voit de dos qui s’éloigne<br />
lentement avec la démarche de Charlie Chaplin, son label ambulant, comme à la fin des autres films apparaît<br />
l’emblème commercial de la société de production. Et voilà qu’à ce moment, au seul endroit où il n’y a pas de<br />
plan de coupe et où on pourrait le suivre éternellement des yeux, à ce moment précis, c’est la fin !<br />
Walter Benjamin (1929)<br />
6
2- Analyse filmique : Découpage séquentiel<br />
La première étape du travail de l’analyse consiste en une segmentation de l’histoire. Une séquence<br />
est « une unité narrative (ou segment) autonome, possédant généralement une unité de temps et<br />
d’action, ou du moins l’un de ces deux éléments. » <strong>Le</strong> découpage séquentiel est en quelque sorte<br />
une recréation du scénario du film a posteriori ; il ne se confond pas avec le découpage technique effectué lors<br />
de la préparation du film. Il relève forcément déjà d’une interprétation du film ; voici donc le séquençage que<br />
je propose, basé sur le déroulant réalisé par Charles Tesson et sur le chapitrage du DVD - MK2.<br />
Chapitre 1 = 00:00:00:00<br />
Séq. 1 : Gé n é r iqu e<br />
Pour la ressortie du film, Charles Chaplin a enregistré<br />
la chanson que l’on entend pendant le générique.<br />
Outre les cartons présentant l’équipe technique<br />
et la distribution, on y voit une jeune fille, Merna,<br />
répétant un numéro d’anneaux.<br />
Chapitre 2 = 00:01:33:28<br />
Séq. 2 : Un c i rqu e qu i n e fa i t plus r ir e<br />
La séquence s’ouvre (en iris) sur une étoile déchirée<br />
par le passage de l’écuyère à travers le cerceau. <strong>Le</strong><br />
directeur du cirque, son père, semble contrarié par<br />
le numéro et lui reproche d’avoir raté le cerceau.<br />
Violemment, il la pousse dans un cerceau identique<br />
et, pour la punir, il la prive de dîner. Il reproche<br />
aussi aux clowns de n’être pas drôles et d’être<br />
responsables des difficultés du cirque.<br />
Chapitre 3 = 00:03:34:64<br />
Séq. 3 : La fête for a i n e<br />
Au milieu de la fête foraine, un pickpocket est à<br />
l’oeuvre. Surpris par une de ses victimes, il glisse<br />
un portefeuille et une montre dans la poche d’un<br />
Charlot affamé qui ne s’aperçoit de rien. <strong>Le</strong> voleur<br />
l’observe de loin espérant récupérer “son bien”,<br />
pendant que Charlot est “nourri” par un bébé. Un<br />
policier surprend le voleur, la main dans la poche,<br />
l’arrête et remet à Charlot des objets qui ne lui<br />
appartiennent pas mais qu’il accepte. Charlot achète<br />
de la nourriture mais lorsque d’abord il regarde<br />
l’heure puis lorsqu’il sort le portefeuille, l’homme<br />
volé, à ses côtés, reconnaît son bien. Il croit tenir son<br />
voleur et le dénonce à la police.<br />
Chapitre 4 = 00:06:31:96<br />
Séq. 4 : La ga l e r i e de s g l ac e s<br />
Charlot s’enfuit tandis que le voleur, qui vient de<br />
s’échapper, est également poursuivi (fameuse<br />
poursuite parallèle). Ils se retrouvent d’abord dans<br />
une galerie de glaces.<br />
Charlot, se transformant en automate, finit par se<br />
débarrasse du voleur en l’assommant, mais il est<br />
repéré et arrêté par un policier qui, dans le labyrinthe<br />
des miroirs, ne trouve plus la sortie. Charlot en<br />
profite pour s’échapper.<br />
Chapitre 5 = 00:09:57:76<br />
Séq. 5 : Pou r su i t e da n s le c i rqu e<br />
On voit des clowns sur une piste de cirque et<br />
un public qui s’ennuie. Charlot entre alors sur<br />
la piste, poursuivi par le policier, et perturbe le<br />
numéro. Son arrivée fait rire le public qui croit à<br />
un numéro concerté. Caché pour échapper encore<br />
une fois au policier, il va de la même façon, saboter<br />
involontairement un numéro de magicien. <strong>Le</strong> public<br />
est aux anges, ce que ne manque pas de remarquer le<br />
directeur des lieux. Charlot échappe encore une fois<br />
au policier qui le poursuit mais finit par remettre au<br />
policier qui a arrêté le pickpocket, le portefeuille.<br />
Fatigué par la poursuite, Charlot s’endort à l’intérieur<br />
d’un char antique abandonné, pendant que le public<br />
réclame le « type marrant ».<br />
Chapitre 6 = 00:13:38:52<br />
Séq. 6 : Re pa s d'a pr ès spectacle<br />
A l'issue de la représentation, les clowns prennent<br />
leur repas tandis que Merna se tient à l’écart. L’un<br />
d’eux lui apporte de la nourriture qu’elle accepte<br />
mais son père les surprend et la lui retire des mains.<br />
Charlot croise le directeur qui, se souvenant de<br />
l’accueil enthousiaste du public à son égard, le<br />
convoque pour des essais. En attendant de l’engager,<br />
Charlot lui soutire un peu d’argent.<br />
Séq. 7 : Petit déj eu ner (00:15:16)<br />
On retrouve Charlot, le lendemain matin, qui se<br />
prépare un petit-déjeuner au milieu des roulottes,<br />
sortant de son gilet cuillère, sel... . Un oeuf<br />
fraîchement pondu et un morceau de pain feront<br />
l'affaire. Merna sort de la roulotte, affamée. Voyant<br />
le morceau de pain, elle se précipite pour le manger.<br />
Charlot le lui reprend puis accepte de le partager,<br />
essayant en vain de la raisonner. <strong>Le</strong> directeur du<br />
cirque vient chercher Charlot pour les essais. Avant<br />
de partir, ce dernier glisse à Merna l’oeuf qu’il n’a<br />
pas eu le temps de manger.<br />
Chapitre 7 = 00:18:59:88<br />
Séq. 8 : Pr emier essa i : Gu i l l au m e Tell<br />
Charlot commence les essais mais ils ne sont pas<br />
convaincants ; sa marche du canard ne fait pas rire.<br />
<strong>Le</strong> directeur le fait s’asseoir (Charlot sera responsable<br />
de sa chute) pour qu’il regarde deux clowns qui<br />
exécutent sous ses yeux le numéro de Guillaume<br />
Tell : l’astuce consiste à manger la pomme de telle<br />
sorte que l’exploit devienne impossible. Charlot rit<br />
énormément en tant que spectateur mais, quand il<br />
s’y met, il est perdu. De plus, il refuse de manger<br />
la pomme car un ver est à l’intérieur et au lieu d’en<br />
accepter une autre, il sort de sa poche une banane !<br />
Chapitre 8 = 00:22:12:24<br />
Séq. 9 : Se c on d essa i : ch ez le ba r bi er<br />
On joue devant Charlot la scène du barbier (de peu,<br />
il évite une nouvelle chute du directeur) ; il est de<br />
nouveau très bon public. Quand vient son tour de<br />
la jouer, il est cette fois-ci parfaitement dans le rôle<br />
mais il refuse d’abord d’être barbouillé de mousse<br />
à raser. Aveuglé ensuite par la mousse, il n’arrive<br />
pas à continuer et finit par asperger le patron.<br />
Quand il essaie de discuter salaire, il est renvoyé<br />
immédiatement. Dignement, il remet son chapeau<br />
après l’avoir frotté et sort du chapiteau, le visage<br />
encore recouvert de mousse.<br />
Chapitre 9 = 00:26:24:60<br />
Séq. 10 : In v i tat i o nau spectacle<br />
Dès qu’il sort, un âne le pourchasse et le conduit<br />
vers une roulotte. Dehors, encore couvert de mousse,<br />
Charlot retrouve Merna. Il se lave le visage et quitte<br />
sa blouse. <strong>Le</strong> spectacle va commencer et Merna<br />
l’invite à venir la voir mais Charlot lui annonce qu’il<br />
doit partir : « Nous ne nous sommes pas entendus<br />
sur les conditions. » ! Elle le remercie pour l’oeuf.<br />
Au dernier moment, il voudrait la suivre mais l’âne<br />
l’en empêche.<br />
Chapitre 10 = 00:28:47:24<br />
Séq. 11 : Un ac c e s s oir iste bi e n m a l a d ro i t<br />
<strong>Le</strong> directeur du cirque doit faire face à une grève<br />
des accessoiristes qui n’ont pas été payés.<br />
A l’extérieur du chapiteau, Charlot<br />
regarde par un trou dans la toile la jeune<br />
écuyère qui se prépare. <strong>Le</strong> directeur<br />
charge le contremaître d’engager<br />
n’importe qui : ce sera Charlot. Il doit<br />
7
porter une pile d’assiettes sur la piste mais l’âne,<br />
toujours présent, le poursuit jusque sur la scène. <strong>Le</strong><br />
public éclate de rire.<br />
peur qu’il ne réveille le lion, se bouche d'abord les<br />
oreilles puis se met à prier le chien d'arrêter. Merna<br />
en voyant l'accessoiriste dans la cage s’évanouit.<br />
Charlot essaie de la réveiller en lui lançant de l'eau<br />
mais le bruit finit par tirer le lion de son sommeil. Il<br />
tourne autour de Charlot sans lui faire de mal. Merna<br />
qui a repris connaissance, lui ouvre la porte. Charlot<br />
prend son temps et se rapproche du lion, pour<br />
impressionner l'écuyère mais, dès que le lion ouvre<br />
la gueule, il panique et s’enfuit à toutes jambes.<br />
Chapitre 13 = 00:38:44:40<br />
voyante qu’elle vient de trouver l’homme de sa vie :<br />
un funambule. De l’autre côté, Charlot, qui a tout<br />
entendu, est cruellement déçu ; tel un zombie, il se<br />
prépare à entrer sur la piste. Il attrape quand même<br />
la pile d'assiettes et court, poursuivi par l'âne. (fondu<br />
Pour le numéro suivant, bien que prévenu par le<br />
magicien lui-même, Charlot va malencontreusement<br />
appuyer sur un bouton, révélant ainsi tous les trucs<br />
du prestidigitateur. Il ne se laisse pourtant pas<br />
décontenancer et salue à plusieurs reprises le public<br />
qui ne cesse de rire. <strong>Le</strong> magicien s’arrache les cheveux<br />
mais le directeur du cirque est conscient du succès de<br />
Charlot. Il demande au contremaître de l’embaucher,<br />
mais seulement comme accessoiriste…<br />
Chapitre 11 = 00:32:37:36<br />
Séq. 12 : Ré pét i t ions et tr avaux au quot i di e n<br />
Quelques temps plus tard, Charlot a permis au cirque<br />
de retrouver une santé financière, mais il ne sait pas<br />
que c'est grâce à sa popularité. On retrouve Merna<br />
répétant le numéro des anneaux (images identiques à<br />
celle du générique). Charlot lui lance de la nourriture,<br />
en cachette. Surpris par le directeur, il improvise un<br />
numéro de jonglage. Il lance ensuite une tarte mais,<br />
la jeune fille ne l'attrape pas et la tarte tombe sur<br />
le contremaître. Charlot mime alors un oiseau pour<br />
désigner un responsable. <strong>Le</strong> contremaître l'envoie<br />
alors au travail, réclamant un peu plus de vigueur<br />
au travail. Charlot, dans un excès de zèle, ira même<br />
jusqu'à nettoyer les poissons dans le bocal.<br />
Chapitre 12 = 00:34:58:28<br />
Charlot doit aussi aider à soigner un cheval en lui<br />
insufflant un comprimé avec une sarbacane, mais<br />
le cheval est plus rapide et "souffle en premier".<br />
Charlot avale la pilule et, inquiet, part en courant,<br />
sans doute pour voir un docteur.<br />
Séq. 13 : Da ns la c ag e du l ion (00:35:40)<br />
Mais, sur le passage, il retrouve l’âne, qui va se<br />
mettre aux trousses de Charlot encore une fois.<br />
Sans même s’en rendre compte, il se réfugie dans<br />
la cage aux fauves. Un lion est endormi à l'intérieur<br />
et, en essayant de sortir discrètement, Charlot va<br />
s'enfermer dans la cage. Dans la<br />
cage d'à côté, par laquelle il essaie<br />
de sortir, un tigre lui barre la route<br />
et l'oblige à refermer la trappe très<br />
rapidement. Un chien passe près de la<br />
cage et se met à aboyer. Charlot qui a<br />
8<br />
Il se retrouve au sommet d’un mât et fait le pitre,<br />
tel un funambule, pour amuser Merna. Il finit par<br />
descendre la rejoindre et tous deux s’assoient sur<br />
des bottes de paille. Un petit chat s'est approché et<br />
surprend Charlot qui, un temps, a cru avoir affaire à<br />
plus gros félin.<br />
Séq. 14 : Ch a r l ot p ose ses c on di t ions (00:39:05)<br />
<strong>Le</strong> contremaître vient réclamer à Charlot la pilule du<br />
cheval. Celui-ci tout à coup se souvient et voudrait<br />
aller rapidement voir un docteur mais un coup de<br />
pied reçu dans le derrière lui permet de recracher le<br />
médicament. Charlot reçoit l'ordre de se remettre au<br />
travail mais, sitôt le contremaître parti, il s'assoit de<br />
nouveau à côté de Merna.<br />
Elle dit à Charlot que son père l’exploite, "qu'il est le<br />
clou du spectacle" et qu'il assure toute la recette en<br />
étant sous-payé. <strong>Le</strong> père surprend la conversation et<br />
gifle sa fille, se préparant même à la fouetter. Charlot<br />
s’interpose et menace de partir. Il veut être payé à sa<br />
juste valeur. Il réclame une augmentation et obtient<br />
satisfaction sur-le-champ.<br />
Chapitre 14 = 00:41:47:16<br />
Séq. 15 : Un m a r i ag e a n nonc é<br />
<strong>Le</strong> directeur est aux petits soins avec sa "vedette",<br />
ce qui n'est pas du goût du contremaître. Il est aussi<br />
très gentil avec sa fille qui ne reconnaît plus son<br />
père. Après son numéro, Merna va voir la diseuse de<br />
bonne aventure. De l’autre côté, Charlot surprend la<br />
conversation. La voyante prédit à Merna un mariage<br />
d’amour avec un homme brun qui lui est proche.<br />
Charlot prend cela pour lui. Il danse, fou de joie,<br />
faisant tomber un des clowns, allant même jusqu'à<br />
taquiner l'âne au passage. <strong>Le</strong> sac de sable qu'il reçoit<br />
sur la tête n'entame pas son enthousiasme. Il croise<br />
Merna alors qu'il retourne dans les coulisses...<br />
Séq. 16 : Un e nou v elle r e nc on t r e (00:43:45)<br />
Merna lace ses souliers sur la caisse qui contient<br />
les ustensiles de Rex, le roi des airs, le nouveau<br />
funambule. Lorsqu'il lui demande s'il peut utiliser sa<br />
caisse, elle tourne son visage vers lui et son regard<br />
trahit le "coup de foudre" qu'elle vient de vivre.<br />
Il ne semble pas insensible au charme de la jeune<br />
fille puisqu'il s'assoit à côté d'elle, le temps qu'elle<br />
finisse.<br />
Pendant ce temps, Charlot achète au clown une<br />
bague pour l’offrir à Merna ; il sort les billets de sa<br />
chaussette.<br />
Aussitôt après la rencontre, Merna va dire à la<br />
au noir)<br />
Chapitre 15 = 00:46:22:00<br />
Séq. 17 : A la fin du n u m é ro<br />
Retour dans les coulisses du cirque. Merna est en<br />
grande conversation avec Rex ; Charlot, dépité,<br />
s'assoit sur un tabouret. <strong>Le</strong> directeur lui demande ce<br />
qui ne va pas, car il n'a fait rire personne. Charlot<br />
reste muet mais il aimerait pouvoir se débarrasser<br />
de son rival. Sur l'écran, il se dédouble et, dans<br />
un rêve éveillé, il afflige une sévère correction au<br />
funambule. Mais, les rêves ne sont pas la réalité...<br />
Merna présente Charlot à Rex comme son ami !<br />
Séq. 18 : <strong>Le</strong> n u m é ro de Rex (00:47:30)<br />
Rex entre sur la piste. Merna invite Charlot à<br />
s’asseoir à ses côtés pour le regarder ; il essaie<br />
de partir mais elle insiste. Il fait alors tout pour la<br />
contrarier, disant qu'il n'aime pas les funambules,<br />
baillant dès le début du numéro. Quand Rex manque<br />
de tomber, elle prend peur tandis qu’il applaudit en<br />
éclatant de rire. Charlot imite le funambule, espérant<br />
qu'il tombe, déplorant que ça ne se soit pas produit.<br />
Lorsque Merna met plusieurs fois son poudrier<br />
devant lui, Charlot éternue, l'empêchant de voir une<br />
partie du numéro, qui se termine par la descente en<br />
vélo et le salut sur la piste.<br />
Chapitre 16 = 00:49:56:92<br />
Séq. 19 : Ch a r l ot s'entr aî ne<br />
Du temps a passé ; Rex et Merna sont toujours en<br />
discussion à l'extérieur du cirque. Sur la piste, on<br />
trouve Charlot qui s'entraîne à marcher sur la corde<br />
raide. <strong>Le</strong> directeur le surprend, lui demande d'oublier<br />
ce numéro et le somme d'être drôle, sous peine d'être<br />
renvoyé.<br />
Chapitre 17 = 00:51:13:00<br />
Séq. 20 : Ch a r l ot n e fa i t plus r ir e<br />
Nouvel échec du numéro de Charlot, qui ne fait plus<br />
rire. <strong>Le</strong> patron lui donne une dernière chance. Rex<br />
le funambule est introuvable et le patron du cirque<br />
oblige Charlot à le remplacer. Charlot se persuade
qu'il en est capable et demande les habits du "danseur<br />
de corde".<br />
le public. Quand il s'aperçoit de son erreur, il court<br />
vers le chapiteau.<br />
En cherchant les habits, il libère des singes qui<br />
étaient enfermés dans une malle. <strong>Le</strong> directeur vient<br />
le presser. Charlot continue à s'habiller mais les<br />
singes lui sautent dessus et le ralentissent.<br />
<strong>Le</strong> contremaître fait part de son inquiétude : "il va se<br />
tuer" mais le directeur, cynique, dit que ce n'est pas<br />
grave car il l'a assuré ! Merna s’inquiète pour lui et<br />
fait tout pour l’en dissuader. Charlot la rassure en lui<br />
disant qu'il est né sous une bonne étoile, mais reçoit<br />
un nouveau sac de sable sur la tête.<br />
Charlot, resté seul, persuade un accessoiriste de<br />
lui attacher un harnais de sécurité qui lui permettra<br />
d’exécuter son numéro d’équilibriste sans danger. Il<br />
suffira à Charlot de taper dans ses mains pour que<br />
son complice le fasse monter.<br />
Quand Merna revient, elle tente encore de le<br />
persuader ; un incident va révéler la supercherie. Au<br />
moment d'entrer en scène, un clown vient dire qu'il a<br />
oublié de mettre les collants, mais c'est trop tard.<br />
Chapitre 18 = 00:56:37:56<br />
Séq. 21 : Su r le fil<br />
Séq. 22 : Ch a r l ot est r e n voy é (01:01:33)<br />
Dans les coulisses, le père, en colère, bat sa fille.<br />
Charlot s’interpose, se jette sur lui et le frappe à son<br />
tour. Il est jeté dehors par le contremaître et renvoyé,<br />
définitivement par le patron du cirque qui a l'oeil<br />
bien abîmé.<br />
Chapitre 19 = 01:02:21:48<br />
Séq. 23 : Au t ou r du feu<br />
Charlot a retrouvé son existence de vagabond ; il est<br />
seul, dans la nuit, autour d'un feu. Merna arrive, ce<br />
qui le surprend ; elle lui annonce qu'elle s'est enfuie<br />
du cirque et qu'elle veut partir avec lui. Il lui dit<br />
d'abord que ce n'est pas possible mais, devant ses<br />
larmes, il réfléchit et lui dit qu'il a une idée. Il la<br />
laisse devant le feu et part.<br />
Séq. 24 : Un e seu le s olu t ion (01:03:43)<br />
Dans les coulisses du cirque, le directeur est à la<br />
recherche de sa fille. Rex, lui, range ses affaires. .<br />
Discrètement, Charlot s'approche, lui confie qu'il<br />
sait où est Merna mais qu'il ne peut pas l'aider. Il<br />
ne voit qu'une seule solution : il sort de sa poche la<br />
bague qu'il avait acheté au clown pour elle, la met<br />
dans les mains du funambule. Il lui vante déjà ce que<br />
sera la vie avec elle, les enfants qui grandissent...<br />
Rex demande à Charlot de l'emmener sans tarder<br />
auprès d'elle.<br />
Mais, contre toute attente, Charlot ne montera pas<br />
dans le dernier wagon. Il reste seul, assis sur une<br />
caisse, au milieu de ce qui était encore quelques<br />
heures plus tôt une piste de cirque. Mélancolique,<br />
il chiffonne un morceau de papier, sur lequel on<br />
retrouve l'étoile (voir séq. 2), puis se lève et, d'un<br />
coup de pied en arrière dont il a le secret, envoie la<br />
boule de papier un peu plus loin. Il part de dos, dans<br />
le lointain : image devenue un classique du petit<br />
vagabond. (fermeture en iris)<br />
THE END<br />
Charlot commence son numéro, en équilibre sur le<br />
fil ; mais un singe facétieux jette un fruit dans son<br />
chapeau. I1 le prend et le jette sans faire attention. Il<br />
s’écrase sur le front d’un spectateur.<br />
Charlot, retenu par le harnais, accomplit de<br />
"véritables" exploits. Il utilise ensuite un balancier,<br />
mais; quand le complice tire un peu trop fort, la<br />
ceinture se détache. Il ne s’en rend pas compte au<br />
départ, malgré les avertissements de l'accessoiriste<br />
en coulisses et, se croyant toujours attaché, garde<br />
son équilibre. Quand il découvre le harnais sous ses<br />
yeux, il panique mais retrouve l'équilibre. <strong>Le</strong>s singes<br />
approchent, s'accrochent à lui ; l'un d'eux lui mord<br />
plusieurs fois le nez. Ils lui retirent ses vêtements<br />
et Charlot qui a oublié de mettre son collant, se<br />
retrouve en caleçon. Son pantalon le gêne dans sa<br />
prise d'équilibre et, un trapèze décroché par un singe<br />
vient le heurter. <strong>Le</strong> public commence à s'inquiéter,<br />
surtout quand il lâche son balancier. Il continue à<br />
avancer mais glisse sur une peau de banane et se<br />
rattrape in extremis au fil.<br />
Il finit par atteindre tant bien que mal le vélo pour<br />
préparer sa sortie de scène mais l'accessoiriste<br />
n'arrive pas à l'arrêter. Charlot traverse les coulisses<br />
et il termine sa course dans une épicerie voisine.<br />
Dans la rue, se croyant sur la piste du cirque, il salue<br />
Chapitre 20 = 01:04:58:16<br />
Séq. 25 : <strong>Le</strong>s n o u v e au x m a r i és<br />
A la sortie de la chapelle, Charlot, seul témoin de<br />
l'union de Merna et Rex, leur jette le riz traditionnel.<br />
Merna l'embrasse pour le remercier ; Charlot semble<br />
très heureux pour eux. Merna lui prend le bras. Ils<br />
s'approchent du cirque.<br />
<strong>Le</strong> père aperçoit sa fille, commence par l'insulter<br />
mais Rex s'interpose : on ne parle pas ainsi à son<br />
épouse.<br />
Il montre au père les papiers. <strong>Le</strong> père ne peut que se<br />
résoudre à les accueillir à nouveau dans son cirque.<br />
Merna oblige son père à réembaucher Charlot, qui<br />
retrouve une place dans la dernière roulotte. Charlot<br />
remercie chaleureusement le père, présente ses<br />
excuses et refuse l'offre des tourtereaux de se joindre<br />
à eux dans leur wagon. Il ferme la porte ; le convoi<br />
s'ébranle.<br />
9
3- Un genre : le burlesque<br />
Avant de développer plus précisément des aspects liés directement à l'oeuvre de Chaplin, nous allons<br />
nous intéresser un peu plus au cinéma burlesque dans son ensemble, en repérant ce qui en fait<br />
ses spécificités, en mettant aussi en avant queques-uns de ses plus célèbres artisans.<br />
Histoire d’un genre<br />
<strong>Le</strong>s balbutiements<br />
On peut dire que ses origines remontent d’abord avant<br />
la naissance du cinéma. <strong>Le</strong> burlesque est à l’origine<br />
un genre littéraire parodique ; le genre cinématographique<br />
que l’on souhaite approfondir ici est aussi une<br />
adaptation du vaudeville théâtral. <strong>Le</strong> petit Larousse<br />
en donne cette définition : « genre cinématographique<br />
caractérisé par un comique extravagant, plus ou<br />
moins absurde, et fondé sur une succession rapide de<br />
gags. »<br />
Langdon, il fut acrobate de cirque avant d’être repéré<br />
par Mack Sennett. Harold Lloyd commença par jouer<br />
des petits rôles dans une compagnie de théâtre et W.C.<br />
Fields pratiqua la jonglerie avec des briques, avant<br />
de se mettre à jongler au cinéma avec les mots. <strong>Le</strong>s<br />
Marx Brothers, un groupe musical, fit de nombreux<br />
bides dans les théâtres de vaudeville avant de découvrir<br />
qu’ils avaient intérêt à insulter le public préventivement,<br />
plutôt que de lui laisser prendre l’offensive.<br />
Quand ces artistes firent leur apparition devant l’objectif<br />
d’une caméra, ils possédaient un répertoire de<br />
numéros tout prêts." (Neil Sinyard, <strong>Le</strong>s Clowns au<br />
cinéma)<br />
<strong>Le</strong> cinéma dès sa naissance a cherché à faire rire ;<br />
l’arroseur arrosé - resté célèbre - des Frères Lumière<br />
contient en quelque sorte le premier gag visuel du cinématographe.<br />
" Richard Boston, dans son livre, Anatomie du rire, a<br />
justement écrit qu’à l’époque du muet, les précurseurs<br />
des comédies étaient des artistes de music-hall, des<br />
clowns et des acrobates de cirque. <strong>Le</strong>s grands comiques<br />
de l’âge d’or arrivèrent avec ce bagage dans le<br />
cinéma, en ayant affiné leurs techniques et leur personnage<br />
comique sur les planches des music-halls ou<br />
des théâtres de vaudeville. Max Linder fit ses débuts<br />
au théâtre à Bordeaux ; Fatty Arbuckle commença à<br />
se produire dans des fêtes foraines et des théâtres de<br />
vaudeville. Chaplin fit ses classes dans la troupe anglaise<br />
de pantomime de Fred Karno, et en devint la<br />
vedette avant de découvrir l’Amérique. Stan Laurel,<br />
à cette époque devint la doublure de Charlie<br />
Chaplin ; Buster Keaton, lui, fut propulsé<br />
par ses parents dès l’âge de cinq ans sur<br />
une scène de vaudeville ; quant à Harry<br />
10<br />
La grande époque des courts métrages<br />
Ce sont d’abord les productions Pathé qui vont avoir<br />
beaucoup de succès, notamment avec les films de<br />
Max Linder, que Chaplin admirait et qui lui donna<br />
envie de faire du cinéma.<br />
Mais, ce sont les productions américaines qui vont<br />
rester les plus célèbres aujourd’hui, et plus particulièrement<br />
dans les années 1910 à Hollywood, les films<br />
Keystone. Dans des comédies courtes, Mack Sennett<br />
et son équipe vont mettre en scène des histoires dont<br />
il résume la prétention ainsi : « Nous n’avons pas de<br />
scénario ; nous partons d’une idée et nous suivons le<br />
déroulement logique des éléments jusqu’au moment<br />
où on en arrive à une poursuite, qui constitue l’essentiel<br />
de notre comédie. »<br />
En 1914, Sennett embauche un certain Charlie Chaplin<br />
qui trouvera son personnage de petit vagabond<br />
(The Tramp) dès son deuxième film Kid Auto Races at<br />
Venice. Après une trentaine de films, il quittera Keystone,<br />
tout comme le feront la plupart des artistes que<br />
Sennett avait découvert.<br />
The Champion (Charlot Boxeur) - 1915
L’âge d’or<br />
Immédiatement après la première guerre mondiale,<br />
le succès du burlesque croît encore et prend de nouvelles<br />
dimension. « L’âge d’or du comique ne faisait<br />
que commencer. <strong>Le</strong> monde entier avait besoin de rire,<br />
et Hollywood possédait pour cela un vaste réservoir<br />
de clowns en tout genre. <strong>Le</strong>s temps étaient proches<br />
où les comédies de Chaplin, Lloyd ou moi-même dépasseraient<br />
en succès les films des stars romantiques.<br />
(...) Pendant ces années folles, nous nous amusions<br />
follement à tourner des films fous... » Buster Keaton,<br />
Slapstick, 1960, p.106-107.<br />
<strong>Le</strong>s films vont voir leur durée augmenter ; après les<br />
films dramatiques, le burlesque passe du court au<br />
long-métrage. Keaton, pendant ces dix ans, va réaliser<br />
ses films les plus fameux : <strong>Le</strong> Mecano de la General,<br />
The Navigator, Steamboat Bill Jr... Lloyd, lui,<br />
réalise les plus grands succès de sa carrière pendant<br />
cette période.<br />
Chaplin s’essaie à plusieurs expériences dont La Ruée<br />
vers l’Or, film aux conditions de tournage très difficiles.<br />
La fin d’une période<br />
Mais, deux événements vont sonner le glas du burlesque,<br />
tel qu’il était. Tout d’abord, le krach boursier<br />
et la crise économique de 1929 vont contraindre les<br />
dirigeants des studios à s’immiscer de plus en plus<br />
dans les processus de conception des oeuvres, refusant<br />
l’improvisation qui en était l’un des moteurs<br />
principaux. Parlant d’un des dirigeants de la MGM,<br />
Keaton dit : « comme tous les gens responsables<br />
d’une production de masse, il cherchait une grille, un<br />
patron, une norme de fabrication. <strong>Le</strong> burlesque a bien<br />
une formule, mais elle est difficilement compréhensible<br />
par tout autre que ses créateurs, du moins dans ses<br />
premiers stades. La surprise en est l’élément principal,<br />
l’insolite notre but et l’originalité notre idéal. (...)<br />
Notre façon de travailler lui aurait semblé incohérente.<br />
Pourtant, croyez-moi, c’était la meilleure. Un peu<br />
de notre joyeuse frénésie, de notre hystérie inventive,<br />
de nos improvisations saugrenues, se retrouvait dans<br />
nos films ; c’est ce qui les rendait passionnants. » op.<br />
cit., p 200.<br />
L’arrivée du parlant sera l’autre élément majeur qui<br />
précipitera la fin du burlesque dans sa forme classique.<br />
Martin Kronström, en définissant le genre, en donne<br />
les raisons : « <strong>Le</strong> mutisme étant l’une des contraintes<br />
du pré-parlant, l’accent du gag est alors porté sur la<br />
gestuelle, le physique et le visuel. De plus, la récurrence<br />
d’un protagoniste à la personnalité distincte et<br />
aux gestes fétiches particuliers, revenant épisodiquement<br />
d’un film à l’autre, favorise l’implantation d’une<br />
sorte de régime spectatoriel permettant à l’auditoire<br />
de s’y retrouver de film en film. » <strong>Le</strong> burlesque, devenant<br />
parlant, cédera en quelques années la place à un<br />
cinéma de comédies plus portées sur les dialogues, les<br />
bons mots... (Cukor, Hawks, Wilder en seront les plus<br />
grands représentants américains).<br />
<strong>Le</strong>s derniers représentants du burlesque, après 1930,<br />
seront Laurel et Hardy qui auront su résister au razde-marée<br />
du parlant et les Marx Brothers excellant<br />
dans le nonsense. Jacques Tati, enfin, fera de son personnage,<br />
François le facteur, un être quasiment muet,<br />
rendant au passage hommage aux grands noms du<br />
burlesque et à des films comme le Mecano de la General<br />
dans Jour de Fête.<br />
Caractéristiques du genre<br />
<strong>Le</strong> slapstick<br />
« Inventée par Mack Sennett (1880-1960), la slapstick<br />
comedy (le slapstick ou « coup de bâton » empruntant<br />
au comique truculent de la commedia dell’arte)<br />
a pour principaux représentants Laurel et Hardy, les<br />
Marx Brothers, Charles Chaplin et Buster Keaton.<br />
Fondé sur l’absurde, ce comique burlesque très physique<br />
joue sur les effets de rupture et l’aspect désopilant<br />
des situations (dû au montage), privilégie les ressorts<br />
de la pantomime et de la chute, multiplie les quiproquos<br />
et les poursuites filmées en accéléré et accumule<br />
les gags en cascade, souvent brutaux, où les bagarres<br />
de tartes à la crème font figure d’aimables plaisanteries.<br />
N’oublions pas également les films-poursuites<br />
où l’on voit des hordes de policiers, maladroits et débiles,<br />
courir en tous sens. » Philippe <strong>Le</strong>clercq, Scéren<br />
CNDP, 2006.<br />
<strong>Le</strong> Slapstick, c’est donc l’art de distribuer tartes à la<br />
crème ou coups divers et variés aux différents adversaires<br />
rencontrés. Il n’y a pas de limite dans<br />
les coups, les chutes... Tout est question de<br />
rythme, le slapstick reposant sur des farces<br />
visuelles rapides. A ses origines, il mettait en<br />
11
avant les transgressions, s'adressant en priorité au public<br />
modeste et aux classes laborieuses. <strong>Le</strong>s tabous<br />
étaient allègrement bafoués, les valeurs sociales et<br />
leurs représentants ridiculisés.<br />
Dans Behind the screen (Charlot fait du cinéma), on<br />
voit un réalisateur expliquer à Charlot comment doit<br />
se dérouler la scène et comment il doit recevoir la<br />
tarte. Bien entendu, le petit vagabond ne se laisse pas<br />
faire et, au lieu de recevoir, il distribue, se vengeant<br />
au passage d’un chef tyrannique. La plus célèbre bataille<br />
de l’histoire du cinéma est à mettre au crédit de<br />
Laurel et Hardy qui dans La Bataille du Siècle ont,<br />
dit-on, utilisé plus de 3000 tartes.<br />
D'autres formes burlesques<br />
Cependant, d'autres façons d'envisager le genre apparurent<br />
au fil de l'histoire.<br />
• la tradition mélodramatique que Chaplin va s'employer<br />
à développer dès son départ de la Keystone<br />
mais surtout de manière sensible à partir de 1918 ;<br />
• la tradition mécanicienne illustrée par Buster Keaton<br />
et Harold Lloyd qui attachaient tous leurs soins à<br />
la pure beauté du gag ;<br />
• la tradition parodique qui atteindra son paroxisme<br />
avec Jerry <strong>Le</strong>wis ou les Monty Python ;<br />
• enfin, on trouve une tradition poétique cultivée par<br />
Harry Langdon et Jacques Tati.<br />
Tati évoquera ses différences entre son personnage de<br />
Monsieur Hulot et le personnage de Charlot dans un<br />
entretien pour les Cahiers du Cinéma.<br />
cette couronne, l’ordonnateur des pompes funèbres<br />
croit que M.Hulot est venu l’apporter. […] Dans le<br />
cas de Chaplin […], il aurait fait la même entrée que<br />
Hulot, mais, voyant que la situation est catastrophique,<br />
[…] il aurait, pour le spectateur, collé lui-même<br />
les feuilles sur la chambre à air, transformé la chambre<br />
en couronne et elle aurait été acceptée de la même<br />
façon par le garçon qui s’occupait du service. Et là, les<br />
spectateurs auraient trouvé le personnage merveilleux<br />
parce que, au moment même où personne n’aurait rien<br />
pu imaginer pour le sortir de cette situation, il aurait<br />
inventé, sur l’écran un gag. […] C’est là où l’on sent<br />
vraiment qu’il y a deux écoles tout à fait différentes,<br />
tout à fait opposées, car Hulot n’invente jamais rien.<br />
[…] Dans la construction comique de Chaplin, vous<br />
avez une part de resquille, ce qui amuse énormément<br />
les spectateurs, parce que dans la resquille, il y a une<br />
invention.<br />
Jacques Tati, « Entretien avec A. Bazin et F.Truffaut,<br />
Cahiers du cinéma, mai 1958<br />
"Il est certain lorsqu’on fait quelque chose d’amusant,<br />
ou à prétentions comiques, que l’on en revient à Chaplin.<br />
[…] Mais on parle souvent à tord et à travers, on<br />
mélange les styles et çà, c’est très grave. Je prends le<br />
cas d’un gag que vous avez vu dans <strong>Le</strong>s vacances de<br />
M.Hulot. M.Hulot arrive au cimetière. Il a<br />
besoin de faire repartir sa voiture, cherche<br />
une manivelle dans le coffre arrière, sort un<br />
pneu, le pneu est transformé en couronne, et,<br />
12
4 - Analyse thématique<br />
On peut entrer dans l’analyse approfondie d’un film de différentes manières. Dans un premier<br />
temps, nous essaierons d’approcher les thèmes principaux de ce long métrage. Ensuite, nous verrons<br />
comment des éléments plus dramaturgiques et cinématographiques (personnages, lieux, techniques...)<br />
viennent appuyer et se mettre au service de ces thèmes.<br />
Un univers en dehors du<br />
monde : le cirque<br />
Un cirque qui ne tient pas ses promesses<br />
<strong>Le</strong>s toutes premières images d'un film établissent une<br />
sorte de pacte avec le spectateur ; elles définissent<br />
souvent le genre du film et laissent déjà l'imagination<br />
du spectateur travailler.<br />
Si l'on exclut le générique et la chanson ajoutée par<br />
Chaplin pour la ressortie de son film en 1969, ces<br />
premières images nous font entrer dans le cirque directement<br />
sur la piste, en passant par les coulisses.<br />
<strong>Le</strong> film s'ouvre, en iris, sur une représentation et plus<br />
particulièrement sur le numéro de l'écuyère. Chacun<br />
a un rôle et tout semble aller. La figure circulaire est<br />
omniprésente dans cette séquence (voir plus loin). On<br />
peut penser que, tout se passe bien : la musique est entraînante,<br />
les artistes sortent de piste avec le sourire,<br />
tout va bien.<br />
Mais, c'est oublier que le spectacle n'est pas la vie, il<br />
n'est qu'une illusion. Très vite, nous sommes confrontés<br />
à ce directeur de cirque, violent avec sa fille, car<br />
elle n'a pas exécuté le numéro comme il le souhaitait.<br />
Il la bouscule, la projette violemment dans un cerceau,<br />
brisant ainsi symboliquement une sorte de tabou. Il<br />
s'en prend ensuite aux clowns qui ne sont pas assez<br />
drôles, les rendant responsables du peu de succès du<br />
cirque et donc, du manque de recettes et des problèmes<br />
financiers qui s'en suivent.<br />
Nous sommes dans un cirque, mais, pour l'instant, le<br />
spectacle que nous avons devant les yeux nous rend<br />
mélancolique, voire mal à l'aise. La magie du cirque,<br />
que l'on a pu entr'apercevoir l'espace d'un instant<br />
n'existe plus. Chaplin, le réalisateur, nous prévient<br />
immédiatement : son film <strong>Le</strong> Cirque, n'est pas une<br />
simple comédie ; il l'inscrit dès l'ouverture dans la tradition<br />
mélodramatique du burlesque qu'il a contribué<br />
à développer.<br />
Une vie en autarcie<br />
Dans le montage final du film, on ne voit que très peu<br />
d'images de la vie extérieure : la chapelle du mariage<br />
de la fin et l'épicerie dans laquelle Charlot termine<br />
sa course à vélo (séq. 21). Tout le reste de l'action se<br />
passe au milieu des roulottes ou dans les baraques de<br />
foire qui entourent le chapiteau.<br />
C'est que le monde du cirque que Chaplin nous dépeint,<br />
est un monde en vase clos, dirigé par une sorte<br />
de patriarche dont personne, à part Charlot, n'ose<br />
contredire l'autorité.<br />
<strong>Le</strong> personnage du vagabond<br />
L'arrivée du vagabond dans la foule<br />
Charlot entre dans l'histoire, par le côté de l'écran, de<br />
dos. Au milieu de la foule, Charlot n'est pas d'abord le<br />
vagabond que l'on connaît depuis ses premiers films.<br />
Il vise à une insertion sociale. Pierre <strong>Le</strong>prohon affirme<br />
: "sa position diffère dans <strong>Le</strong> Cirque. S'il a toujours<br />
conscience d'être à part, il s'efforce de réduire<br />
la marge qui le sépare des hommes, à se rapprocher<br />
d'eux, sans doute pour goûter leurs joies. (...) Charlot<br />
s'avance vers la foule des badauds et s'y mêle, ce qui<br />
va déclencher l'étonnante cascade de gags du portefeuille<br />
volé".<br />
Si Charlot n'est pas en marge, on comprend vite qu'il<br />
est toujours désargenté et affamé. Il n'hésite pas à voler<br />
la nourriture d'un bébé... et quand il découvrira<br />
le portefeuille dans ses poches, il va utiliser l'argent<br />
pour s'acheter à manger.<br />
Mais très vite, le naturel revient. Charlot est un être<br />
non raisonnable, de pulsions et il devient<br />
même gourmand ! C'est d'ailleurs sa gourmandise<br />
qui va le trahir et déclencher la<br />
poursuite.<br />
13
L'intrusion dans le cirque<br />
Après le passage dans l'arche et dans la galerie des<br />
glaces, Charlot est poursuivi jusque dans le chapiteau.<br />
Ses deux tentatives de se débarrasser du policier qui<br />
le poursuit, d'abord sur le manège puis dans l'armoire<br />
du magicien, vont provoquer les rires des spectateurs<br />
amorphes du cirque.<br />
« Charlot, lorsqu’il débarque sur scène, amène avec<br />
lui le monde de la rue, la faim et le flic à ses trousses.<br />
Dès lors, où se finit la vie et où commence le travail<br />
de l’art ? Où se situe la frontière entre la scène et la<br />
rue, le monde du travail et la vie ? <strong>Le</strong>s spectateurs<br />
apathiques devant les énièmes numéros de clowns qui<br />
ne les font même pas rire exigent le retour immédiat<br />
du petit homme “the funny man”. Or celui-ci incorpore<br />
le monde clos du cirque et du spectacle à celui de<br />
la vie. » (Nadia MEFLAH, Objectif Cinéma)<br />
Charlot n'est pas invité mais il va faire une entrée fracassante<br />
dans le cirque et finir par s'y faire une place.<br />
<strong>Le</strong> directeur du cirque ira jusqu'à lui proposer trois<br />
fois du travail (une seule fois de manière volontaire).<br />
<strong>Le</strong>s premiers essais<br />
<strong>Le</strong> directeur du cirque a tout de suite repéré le succès<br />
de Charlot lors de son intrusion. Il va lui proposer de<br />
faire des essais pour voir ce qu'il vaut. Mais Charlot<br />
n'est pas drôle, sa démarche de canard ne fait pas rire<br />
le directeur du cirque.<br />
Il ne se positionne pas en artiste, il garde d'abord son<br />
statut de spectateur : il rit des gags des clowns (alors<br />
que le spectacle n'est plus drôle pour le public). Charlot<br />
est d'abord émerveillé, comme un enfant... Il n'arrive<br />
pas à être drôle sur commande, en tout cas pour<br />
l'instant. Par contre, il n'accepte pas non plus d'être<br />
un simple faire valoir : il cherche à garder sa dignité à<br />
tout prix. Il n'est pas prêt à tout pour avoir un travail.<br />
Il refuse le fruit pourri (créant un nouveau gag avec<br />
la banane), n'accepte pas non plus la mousse à raser.<br />
Il sera renvoyé une première fois, après cet épisode,<br />
avant d'être réembauché comme accessoiriste, rôle<br />
dans lequel il sera maladroit... et drôle.<br />
14<br />
La question du bonheur<br />
“Qu'est-ce que le bonheur ?” Cette question pourrait<br />
traverser toute l'oeuvre de Chaplin. Ici, on sent<br />
bien que Charlot pourrait être tiraillé entre un certain<br />
confort et sa liberté.<br />
Attiré par l'argent, “miraculeusement” tombé dans<br />
sa poche, il préfère le céder au policier plutôt que de<br />
continuer à courir. Il est prêt à quitter le cocon<br />
du cirque quand il s'aperçoit qu'on l'exploite<br />
et exige une augmentation, même s'il se<br />
trompe un peu dans le calcul de sa juste valeur<br />
(voir cartons 71 à 74). <strong>Le</strong> bonheur simple, c'est<br />
pouvoir dormir (même dans un char), manger (un petit<br />
déjeuner au milieu des baraques de foire).<br />
Et puis, on ne peut éluder la question de l'amour :<br />
un simple regard et Charlot est charmé. C'est pour<br />
apercevoir Merna qu'il va se rapprocher de la toile<br />
du chapiteau, regarder tel un voyeur à travers le trou<br />
puis, pour mieux voir, ne pas hésiter à monter sur<br />
quelqu'un. Hésitant à s'éloigner, il sera rattrapé par le<br />
spectacle et trouvera une place au sein de la famille.<br />
Tout pourrait être pour le mieux dans le meilleur des<br />
mondes, si ce n'était la présence d'un rival qui s'annonce,<br />
Rex, le funambule.<br />
Charlot, d'abord, s'abandonne à la jalousie. Il se rêve<br />
fort, mettant K.O. l'adversaire ; c'est l'image du dédoublement<br />
(séq. 17). Il empêche ensuite Merna de<br />
voir le numéro en utilisant différents moyens (séq.<br />
18). Charlot va même se mettre à apprendre à monter<br />
sur la corde, dans l'espoir de se mettre au niveau du<br />
rival ; il aura l'occasion de prendre sa place lors du<br />
numéro final.<br />
Dans les scènes coupées, on le voit s'entraîner le plus<br />
possible, utilisant même un râteau (entraînant un gag).<br />
Il essaie aussi de faire preuve de galanterie lors de la<br />
promenade en ville.<br />
Mais, quand l'être aimé sera en danger, menacé, il<br />
n'hésitera pas à prendre sa défense, et finalement, à<br />
se sacrifier en cédant la place et en allant chercher<br />
Rex pour permettre le mariage. Aimer, c'est avant tout<br />
pour Charlot, favoriser le bonheur de l'autre.<br />
<strong>Le</strong>s différents regards<br />
La question de<br />
la position des<br />
regards traverse<br />
le film. On peut<br />
distinguer au<br />
moins trois publics<br />
différents<br />
dans ce film : il<br />
y a tout d'abord<br />
le regard des<br />
professionnels, celui du directeur et du personnel du<br />
cirque. On pourrait même encore à l'intérieur catégoriser<br />
ces regards, entre celui parfois violent, parfois<br />
cupide du directeur, celui affolé du magicien ou celui<br />
très enjoué des clowns devant les maladresses de<br />
Charlot.<br />
Il y a un deuxième public, celui des spectateurs sous<br />
le chapiteau, blasé des numéros trop souvent vu, à<br />
la recherche de nouveauté et applaudissant l'arrivée<br />
inattendue de Charlot et ce qu'ils prennent pour un
numéro original.<br />
Enfin, il y a nous, spectateurs dans la salle, qui occupons<br />
une place différente : nous pouvons rire des<br />
gags involontaires de Charlot (le ver dans la pomme<br />
remplacée par la banane) qui n'amusent pas le directeur<br />
lors des essais. Nous ne sommes pas non plus au<br />
même niveau que les spectateurs du chapiteau, lorsque<br />
nous craignons d'en haut, la chute que les autres<br />
redoutent en bas. Nous avons aussi une autre appréhension<br />
des choses car l'on sait qu'il était assuré par<br />
un filin qui lorsqu'il disparaît amplifie nos craintes<br />
pour lui.<br />
L’espace et le temps<br />
L'importance du motif du cercle<br />
(composition de l'image)<br />
La séquence d’introduction après le générique débute<br />
avec l’image d’une étoile dans un cerceau et nous<br />
voyons ensuite Merna encadrée à l’intérieur d’un cercle<br />
(ouverture en forme d’iris). Sur les premières affiches<br />
du film (1927/28), Charlot regarde par un trou<br />
dans le chapiteau. Dans les plans (répétés deux fois)<br />
du générique avec Merna sur son trapèze, chacune de<br />
ses jambes est dans un anneau, puis dans son numéro<br />
elle doit passer à travers un cerceau.<br />
« L'ouverture du Cirque multiplie les formes circulaires<br />
: l'iris, le cerceau, le chapiteau, les clowns rebondis<br />
qui font la ronde, le cheval qui tourne, le tutu...<br />
Quand pour la nommer, Charlot mime l'écuyère, il<br />
dessine dans l'air un cercle. » (Francis Bordat, Chaplin<br />
cinéaste.) C’est par un geste brutal de son père,<br />
qu’en fin de séquence, elle tombera, malgré elle, dans<br />
le cerceau.<br />
Chaplin est en permanence à l’image et en son centre,<br />
sauf dans la séquence d’ouverture. <strong>Le</strong>s personnages<br />
sont au centre de l’image car au centre du cirque :<br />
tout confère à une construction circulaire du film. <strong>Le</strong><br />
dispositif de filmage a donc été cohérent avec le propos<br />
et l’espace représenté. <strong>Le</strong>s images déterminent en<br />
permanence des espaces très géométriques : figure du<br />
cercle, cadre dans le cadre. A la fin du film, on retrouvera<br />
Charlot au centre du cercle laissé par la piste.<br />
Un des gags, celui de la poursuite, repose aussi sur ce<br />
motif circulaire : les deux poursuivis arrivent chacun<br />
d'un côté de l'écran, leurs courses en arc de cercle arrivant<br />
à un point de tangente. « Quand dans <strong>Le</strong> Cirque,<br />
Charlot et son voleur sont poursuivis par deux flics<br />
(...), qu'ils débouchent loin à l'arrière plan et courent<br />
côte à côte vers la caméra, l'action prend un instant le<br />
pas sur la comédie. Lorsque Chaplin veut à nouveau<br />
faire rire, il fait courir aussi la caméra en travelling arrière,<br />
face aux acteurs cadrés en plan moyen - et donc<br />
immobiles par rapport à l'appareil. » (Francis Bordat)<br />
Ce rapprochement dans l'axe permet le gag, la salutation,<br />
avant l'éloignement des deux courbes.<br />
Une construction circulaire de l'histoire<br />
Cette figure du cercle se retrouve dans le mouvement<br />
centripète de l’intrigue (Charlot semble “aspiré” malgré<br />
lui par le cirque : au début c’est la course poursuite<br />
avec le policier qui l’amène jusqu’au chapiteau, puis<br />
il est engagé suite au départ non prévisible des accessoiristes,<br />
c’est le succès imprévisible de ses gags qui<br />
le font engager, etc.<br />
On l'a dit plus haut, presque toute la totalité du film<br />
se déroule dans l’enceinte du cirque, Charles Chaplin<br />
n’ayant pas retenu des séquences qui devaient avoir<br />
lieu à l’extérieur de cette enceinte (notamment la séquence<br />
avec des jumeaux dans un restaurant).<br />
Certains gags sont enfin construits de manière circulaire<br />
avec un retour à la situation de départ (le voleur,<br />
le policier, l’âne).<br />
<strong>Le</strong> temps : une durée incertaine<br />
La construction du film repose sur un récit parfaitement<br />
linéaire, sans flash back. <strong>Le</strong> film est organisé en<br />
chapitres qui suivent l’ordre chronologique du récit.<br />
Chacun s’ouvre par une ouverture à l’iris et un fondu<br />
au noir. La première partie se déroule sur deux jours<br />
puis le cirque prospère et le temps est alors indéterminé.<br />
La dernière partie s’étale aussi sur deux jours.<br />
Des aspects techniques qui<br />
éclairent l'oeuvre<br />
En noir et blanc<br />
Comme l’essentiel des films de l’époque, <strong>Le</strong> Cirque<br />
est en noir et blanc. Pourtant, dès les débuts du cinéma,<br />
il y avait une volonté de mettre de la couleur<br />
pour permettre au cinéma d’être au plus proche de<br />
la réalité. A ce sujet, on cite souvent une phrase de<br />
l’écrivain Maxime Gorky qui regrettait que le monde<br />
présenté sur la toile lui apparaisse en noir et blanc :<br />
« ce n’est pas la vie mais l’ombre de la vie ».<br />
D’abord on utilisera la colorisation au pinceau puis<br />
des procédés mécaniques succéderont à cette technique<br />
mais les coûts de réalisation sont importants. Fin<br />
1913, on projette les premiers films en trichromie, selon<br />
le procédé Chronocrome de Gaumont mais il faudra<br />
attendre 1932 pour que la couleur fasse vraiment<br />
son apparition grâce au Technicolor.<br />
L’absence de couleur à l’image ne signifie pas<br />
un monde sans couleurs. Au chapitre des cou-<br />
15
leurs suggérées, on citera le drapeau "rouge" brandit<br />
par Charlot dans <strong>Le</strong>s Temps Modernes ! On peut aussi<br />
percevoir les nuances du noir au blanc, les contrastes<br />
Pour le film qui nous occupe,<br />
on notera par exemple<br />
le contraste entre tous<br />
les habits des spectateurs<br />
dans la foule, aux vêtements<br />
sombres de la plupart<br />
des acteurs du cirque<br />
(même les clowns ont des<br />
couleurs ternes) et on les<br />
opposera à la robe blanche<br />
de l'écuyère, qui n'est<br />
pas sans évoquer une certaine<br />
innocence.<br />
<strong>Le</strong>s cartons<br />
1923, c’est encore l’époque du muet. Bien qu’il y ait<br />
déjà des essais de synchronisation entre le son d’un<br />
phonographe et les images d’un film, il faudra attendre<br />
1926 pour aboutir à des essais concluants sur des<br />
courts métrages. Ce ne sera donc qu’en 1927 qu’on<br />
utilisera ce procédé pour un long métrage, The Jazz<br />
Singer (<strong>Le</strong> Chanteur de Jazz) resté célèbre pour ses<br />
quelques séances sonores.<br />
<strong>Le</strong> Cirque utilise donc un système d’intertitres, appelés<br />
aussi "cartons". Ces textes, parfois habilement<br />
illustrés, ont deux fonctions :<br />
• ils fournissent des indications sur les lieux, le temps,<br />
les personnages. Ils précisent les situations de chacun,<br />
les relations entre eux, leurs buts ou motivations...<br />
• ils contiennent des éléments de dialogues plus ou<br />
moins nécessaires à la compréhension de l’histoire.<br />
On peut dire que <strong>Le</strong> Cirque n’abuse pas des cartons ;<br />
la plupart sont brefs et il y a des séquences du film où<br />
ils sont complètement absents. Vingt-deux sont explicatifs<br />
; les autres sont des parties dialoguées.<br />
La Musique<br />
Si le cinéma est né en absence de sons synchronisés,<br />
il n’était pas entièrement muet. Au tout début, un bonimenteur<br />
était présent dans la salle pour commenter<br />
les images. Afin de couvrir les bruits des projecteurs,<br />
on conviait un pianiste, parfois un orchestre pour accompagner<br />
le film. La musique occupait donc une large<br />
place dans une salle de cinéma de l’époque, mais<br />
souvent soumise à la personnalité... et aux capacités<br />
du musicien. Un circuit de distribution de catalogues<br />
et de partitions se mit progressivement en place pour<br />
accompagner les sorties des films, suggérant notamment<br />
tel morceau classique pour accompagner<br />
un orage, tel autre pour une scène<br />
d’amour.<br />
16<br />
Chaplin a écrit lui-même la musique de tous ses films<br />
à partir des Lumières de la ville, utilisant conjointement<br />
images et accompagnements pour raconter ses<br />
histoires. Il a aussi composé de nouvelles musiques<br />
pour les rééditions de ses films muets. Ainsi, pour <strong>Le</strong><br />
Cirque, la partition est devenu indissociable de l’image.<br />
Chaplin a même composé une chanson, Swing<br />
Little Girl, qu'il chante au début du générique.<br />
Pour Francis Bordat, dans Chaplin cinéaste, « la musique<br />
est consubstantielle à l'image. Si le cinéma de<br />
Chaplin possède cette musicalité fondamentale (...),<br />
c'est qu'il est dès le premier tour de manivelle associé<br />
à une musique réelle, un air bien concret que le cinéaste<br />
fredonne sur le plateau.<br />
Chaplin utilise dans ses films souvent des thèmes musicaux<br />
qui reviennent. Dans <strong>Le</strong> Cirque, on pourra noter<br />
les musiques qui évoquent la jeune fille et l'amour,<br />
on pourra aussi repérer celles qui évoquent tout de<br />
suite l'entrée des artistes...»<br />
Chaplin, précurseur du parlant ?<br />
Comme on l’a vu, les débuts du vingtième siècle sont<br />
aujourd’hui considérés comme une période muette,<br />
par opposition au cinéma parlant qui se généralisa à<br />
partir de 1928. Chaplin disait que Charlot "disparaîtrait<br />
le jour où il ouvrirait la bouche." L'histoire semble<br />
lui donner raison puisque Charlot disparaît en tant<br />
que tel à la fin des Temps Modernes, dans la fameuse<br />
chanson Titine. Pourtant, on retrouve encore un peu<br />
de lui dans le barbier du Dictateur.<br />
A l'apparition du parlant, Chaplin était très méfiant vis<br />
à vis de ce qu'il nomme les talkies. « Je dois convenir<br />
en toute franchise qu'ils me fascinent, m'agacent<br />
et m'effraient à la fois. (...) J'espère que je n'ai pas<br />
de préjugés, mais après avoir vu beaucoup de films<br />
parlants, je maintiens que la plus grande bêtise de ma<br />
vie serait de quitter pour eux la pantomime. (...) Je repassai<br />
dans mon esprit, quelques-uns des épisodes les<br />
plus marquants de mes anciens films, en essayant de<br />
discerner si les paroles ajoutées auraient amélioré de<br />
quelque façon ces différentes scènes. Je me remémorais<br />
ainsi les scènes de la lettre dans Shoulder Arms<br />
(Charlot soldat), le réveillon manqué de la Ruée vers<br />
l'or, la scène du camion où je retrouve Jackie dans The<br />
Kid, etc., cela me<br />
confirma dans ma<br />
résolution première<br />
: la parole<br />
n'aurait rien ajouté<br />
à cela, au contraire.<br />
» <strong>Le</strong> Cirque<br />
sera son dernier<br />
film muet, le suivant,<br />
les Lumières
de la ville, sera un film sonore, mais non parlant.<br />
Mais Chaplin n'était pas si éloigné du parlant ; "l'écriture<br />
de Chaplin ne relève pas d'une esthétique du mime<br />
proprement dit : ses gestes n'imitent pas des choses,<br />
ils expriment des sentiments." On notera les quelques<br />
exceptions dans son oeuvre : l'évocation de la famille<br />
dans The Pawnshop (L'usurier) ou le ver dans la pomme<br />
qu'il imite en tortillant son doigt, le mouvement de<br />
battement de ses mains représentant un oiseau dans le<br />
Cirque. <strong>Le</strong>s cartons, évoqués plus haut, traduisent les<br />
dialogues sans jouer les commentaires, comme dans<br />
de nombreux films muets classiques.<br />
Pour Bordat, « la scénographie chaplinienne est plus<br />
facilement adaptable au parlant que celle des autres<br />
burlesques. Chez Sennett, Lloyd ou Keaton, le plan<br />
de référence reste le plan de grand ensemble. Sans<br />
s'en priver quand il en a besoin, Chaplin resserre le<br />
cadrage sur Charlot et ses acolytes : entre le plan de<br />
demi-ensemble et plan rapproché, les acteurs restent,<br />
pour ainsi dire, à portée de voix, et déjà cadrés pour<br />
être entendus. » Lors du tournage, les acteurs disaient<br />
les dialogues du texte : on peut souvent lire sur les<br />
lèvres des mots que l'on retrouve ensuite sur les cartons.<br />
entre le numéro d’équilibre sur le fil effectué par Rex<br />
et le même numéro effectué par Charlot)<br />
• La maladresse (avec l'illusionniste, quand il tombe<br />
dans le sceau, etc.),<br />
• La reprise de gags éculés en se les réappropriant<br />
(Guillaume Tell? Tarte à la crème? etc.),<br />
• L'imprévu, l'effet de surprise et de contraste (la peur<br />
du chat après avoir affronté un tigre et un lion),<br />
• La transposition (une banane à la place d'une pomme<br />
dans le sketch de Guillaume Tell),<br />
• La confrontation comique avec des objets prétendus<br />
inanimés. (le tube pour faire avaler la pilule au<br />
cheval).<br />
• <strong>Le</strong>s excès (quand il nettoie les poissons rouges qui<br />
sont dans le bocal avec son chiffon).<br />
<strong>Le</strong>s différents types de gags<br />
On l'a vu précédemment dans le dossier, on peut trouver<br />
différentes formes de cinéma burlesque. On pourrait<br />
aussi classer les gags en fonction de leurs styles et<br />
des effets qu'ils entrainent. Ainsi, quelques exemples<br />
tirés du film :<br />
• La répétition (valable avec l'âne),<br />
• La rupture par rapport à la règle (avec le gendarme<br />
sur le manège du cirque, quand Charlot le rattrape et<br />
s'accroche à lui avec sa canne),<br />
• <strong>Le</strong> décalage par rapport à nos attentes (comparaison<br />
17
5- Trame d’Exploitation pédagogique d’un film<br />
« <strong>Le</strong> cinéma est avant tout un art et il revient à l’école de le traiter comme tel. Quand les élèves<br />
sont confrontés à des oeuvres du patrimoine cinématographique, ils interrogent le monde et se<br />
confrontent à d’autres. Ainsi, le cinéma peut occuper une part entière dans l’enseignement, non pas à côté,<br />
mais en interrelation avec les divers champs d’apprentissage. »<br />
JDI n°3 - Novembre 2003<br />
Cette exploitation pédagogique d’un film, partie intégrante du programme d’arts visuels (2002) passe par trois<br />
phases : une phase de préparation au visionnage, la séance au cinéma, le temps d’exploitation de l’oeuvre en<br />
classe ensuite. Beaucoup d’activités sont possibles et il conviendra à l’enseignant d’en choisir parmi le champ<br />
des possibles, en fonction de ce qu’il souhaite développer chez ses élèves, en fonction aussi de la manière dont<br />
lui d’abord aura reçu le film.<br />
La règle du jeu<br />
- Avant la séance<br />
Il est préférable que l’enseignant aie vu au moins une<br />
fois le film avant d’emmener ses élèves à la séance, ceci<br />
afin d’envisager la meilleure préparation au film qui soit.<br />
<strong>Le</strong>s enfants doivent avoir une idée de ce qu’ils vont aller<br />
voir. <strong>Le</strong>s préparer, c’est déjà les mettre en projet pour la<br />
suite, leur montrer que la séance n’est pas là que dans le<br />
but de les distraire (même s’il faut le souhaiter, ils trouveront<br />
du plaisir dans l’activité). On peut mener ce travail<br />
de préparation quelques jours avant la projection.<br />
Ainsi, on peut utiliser l’affiche, des photos du film...<br />
Dans le cas de films muets ou en version originale soustitrée,<br />
il importe aussi d’expliquer aux élèves qu’ils devront<br />
lire sur l’écran (cartons ou sous-titres).<br />
Enfin, il est important d’expliciter les “règles du jeu” du<br />
visionnage en salle. <strong>Le</strong> dossier intitulé Tous au cinéma<br />
du mensuel La Classe n°1<strong>53</strong> - nov. 2004, en donne une<br />
bonne définition reproduite ci-contre, à adapter en fonction<br />
de l’âge du public d’enfants concerné.<br />
- La séance<br />
<strong>Le</strong>s élèves doivent avoir le temps de s’installer dans la<br />
salle. A la fin de la séance, on peut aussi ralentir le mouvement<br />
qui consiste souvent à quitter la salle le plus vite<br />
possible. Prendre son temps participe à la ritualisation du<br />
visionnage en salle.<br />
Ce temps va permettre de quitter tranquillement le film,<br />
avant de retourner en classe, car c’est là le plus souvent<br />
que va se dérouler le moment suivant des premières réactions<br />
à chaud.<br />
Dans une salle de cinéma, il fait noir, l’image<br />
est grande, on entend bien, les fauteuils sont<br />
confortables et « je fais le vide » juste avant<br />
d’entrer ; je ne suis ni à l’école, ni au stade, ni<br />
à la maison.<br />
Dans un cinéma, on ne peut pas changer de film<br />
ou le prendre en cours de route et attendre la<br />
publicité pour aller faire pipi, on ne peut pas se<br />
déplacer, ni manger, ni boire, ni faire du bruit<br />
pendant le film...<br />
Je peux rire, pleurer, avoir peur, être ému et ne<br />
pas tout comprendre du premier coup.<br />
Après la projection, j’évite les jugements brutaux<br />
et trop rapides. J’essaie d’abord de retrouver<br />
tout ce que j’ai vu, entendu, compris. J’ai<br />
absolument le droit de garder pour moi les émotions<br />
très personnelles que j’ai ressenties, mon<br />
interprétation du film, même si ce n’est pas celle<br />
des autres.<br />
Pistes pédagogiques<br />
Avant d’aller en salles, souvent, on voit à la télé,<br />
au cinéma, sur internet, une bande-annonce du<br />
film. Ici, on pourra faire découvrir aux enfants<br />
des extraits d’un autre film de Chaplin, voir un<br />
court métrage en entier. On peut plus simplement<br />
leur faire découvrir une affiche, des photos.<br />
On peut aussi faire écouter aux enfants<br />
quelques extraits de la musique du<br />
film, afin de lesplonger aussi dans<br />
l’ambiance.<br />
18
- Après La séance<br />
<strong>Le</strong> temps d’échange avec les élèves, qui doit avoir<br />
lieu assez rapidement après la séance au cinéma, vise<br />
trois objectifs principaux :<br />
l’expression, par les élèves, de leurs impressions<br />
sur le film ; phase d’autant plus importante que des<br />
enfants peuvent avoir eu peur de certaines scènes.<br />
Pour cette phase, lorsque l’âge des enfants le permet,<br />
il est intéressant qu’ils puissent écrire quelques mots,<br />
avant de débuter l’échange, afin d’en garder une trace.<br />
Ceci pourra aussi éviter peut-être une redite d’un<br />
élève à l’autre. Il faut minimiser “l’uniformisation”<br />
des discours, notamment en insistant, au moment des<br />
échanges, sur le fait que tous les avis sont acceptables<br />
s’ils sont argumentés, qu’il n’y a pas de bonnes ou<br />
mauvaises réponses à donner (voir le texte ci-dessous,<br />
« ma cinémathèque personnelle »).<br />
Ma cinémathèque personnelle<br />
Il est important de savoir choisir un film. Peu à<br />
peu, notre goût personnel se forme, même s’il est<br />
“dirigé” par la publicité qui incite en permanence<br />
à “consommer” de l’image. Donnons-nous le droit<br />
de tout voir, de tout aimer. (...)<br />
Ainsi se constitue peu à peu notre “culture de cinéma”...<br />
Chacun se construit sa “cinémathèque<br />
personnelle”. Un endroit secret où l’on entasse<br />
une part de rêve, une part de plaisir et une part<br />
de “savoir”. Plus on voit de films, plus notre goût<br />
pour le cinéma se développe : on devient un cinéphile,<br />
un amoureux du cinéma.<br />
Un film constitue un inépuisable sujet de discussion.<br />
On peut être parfaitement d’accord ou en opposition<br />
totale sur le sujet ! En dehors des simples<br />
formules « j’ai aimé » ou « je n’ai pas aimé », ce<br />
qui est vraiment amusant est de trouver des arguments<br />
!<br />
« Quel cinéma ! » Catherine Schapira et<br />
Claude Reyt, Autrements Junior, 2003<br />
Ces trois objectifs ne sont pas à séparer en soi ; ils<br />
sont mêlés dans ces premières séances d’après visionnage.<br />
Toutefois, certains exercices viseront plus<br />
l’un ou l’autre. Un questionnaire sur le film permettra<br />
de s’assurer de la bonne compréhension, l’utilisation<br />
d’images séquentielles ou de fiches de personnages<br />
consolideront la mémorisation.<br />
Mener tout ce dispositif - en sélectionnant quelques<br />
activités pertinentes - participe déjà à l’éducation à<br />
l’image. Amener des élèves à réfléchir sur un film, à<br />
donner un avis, à mémoriser des informations... est<br />
déjà une gageure. Pendant quelques heures, les élèves<br />
auront été acteurs devant un film... Ils auront appréhendé<br />
un temps qu’un film est une œuvre, pas un simple<br />
produit de consommation.<br />
Mais on peut aussi ne pas s’arrêter là. Si le film peutêtre<br />
étudié sous l’angle interdisciplinaire (lecture,<br />
écriture...), il est aussi un objet d’analyse en soi. Il ne<br />
doit pas être rencontré, au cours de la scolarité d’un<br />
élève, que comme un “prétexte” à d’autres apprentissages.<br />
Aussi, la suite de ce dossier présente quelques idées<br />
de séquences pédagogiques pouvant être menées en<br />
classe avec des élèves. Ces séquences visent des apprentissages<br />
précis sur certains aspects du film <strong>Le</strong><br />
Cirque, de l’oeuvre de Chaplin ou du cinéma burlesque<br />
en général. Enfin, des suggestions autour de prolongements<br />
au film sont aussi faites en conclusion de<br />
ce dossier.<br />
l’élucidation, par l’enseignant ou par d’autres<br />
élèves, d’éléments qui n’auraient pas été compris<br />
par certains enfants au cours de la projection ; ainsi,<br />
il convient de s’assurer d’une bonne compréhension<br />
des éléments importants du film (personnages, relations<br />
entre eux...)<br />
la mise en mémoire du film pour permettre ensuite<br />
le travail plus particulier que vont constituer<br />
les analyses thématiques et filmiques.<br />
19
6- Propositions pédagogiques autour du film<br />
<strong>Le</strong> principe général que l’on peut d’embler poser au sujet de ces propositions est le suivant : l’utilisation<br />
de ces fiches, ainsi que du matériel vidéo se feront selon les besoins et centres d’intérêts dégagés<br />
dans la phase de confrontation. Ces activités viseront à enrichir la mémorisation et à découvrir des procédés<br />
d’expression cinématographiques (montage, musique...). Ainsi, on doit parvenir à une perception plus large et<br />
plus fine du film et du genre abordé, par les élèves.<br />
Fiche n° 1 : réorganiser les scènes clés du film<br />
Objectifs :<br />
• se remémorer et reconstruire l’histoire du film ;<br />
• susciter une discussion autour du film (début d’interprétation) ;<br />
• aborder, de manière plus ou moins implicite, les notions de montage au cinéma ;<br />
• comprendre qu’un film est une succession de séquences qui forment un objet final.<br />
Démarche générale :<br />
Il s’agit de réorganiser des dessins d’élèves (à partir des scènes qui les ont marqués) ou des photogrammes<br />
tirés du film dans l’ordre chronologique. On privilégiera plutôt les photos si l’on souhaite que la plupart des<br />
scènes marquantes soient représentées.<br />
Cet exercice réalisé collectivement, consistera donc à afficher les images dans l’ordre, sur une ligne horizontale<br />
au tableau (ou épinglées sur une corde à linge qui devient le fil de l’histoire). Une scène oubliée un temps<br />
peut venir s’intercaler entre deux autres, on peut tout décaler pour en intégrer une nouvelle... mettant ainsi en<br />
scène le travail du monteur qui doit reconstruire le film sur le banc de montage. Pour <strong>Le</strong> Cirque, Chaplin a<br />
commencé le tournage par le numéro de funambule.<br />
L’affichage sera donc un moment de discussion ; si l’ensemble de la classe n’est pas d’accord avec la proposition,<br />
il faudra expliquer pourquoi, retrouver ce qui dans l’histoire est compatible ou incompatible avec<br />
cette idée... Si la mémoire des enfants fait défaut, l’enseignant pourra "combler les trous" en s’appuyant sur le<br />
découpage séquentiel fourni dans ce dossier.<br />
Trame de variance :<br />
En fonction de l’âge des enfants, on fera varier le nombre de photogrammes. On choisira alors les images des<br />
scènes clés sur lesquelles on souhaite s’étendre par la suite. On pourra aussi intégrer des images intruses :<br />
• des photos de plateaux, c’est-à-dire prises lors du tournage. <strong>Le</strong>s enfants peuvent alors repérer des éclairages,<br />
une caméra, une disposition des acteurs ou un angle de prise de vues qui ne sont pas ceux du<br />
film...<br />
• des photogrammes tirées des scènes coupées du film (bonus DVD double édition - MK2) ;<br />
• des scènes d’un autre film avec le personnage de Charlot, d'autres films ayant pour cadre le cirque (Sous<br />
le plus grand chapiteau du Monde de Cecil B. de Mille par exemple)<br />
20
Fiche n° 2 : <strong>Le</strong> cinéma burlesque et ses grandes figures<br />
Objectifs :<br />
• percevoir les notions de personnages, de "masques" au sens de la Commedia del Arte, en comparant différents<br />
acteurs.<br />
• donner une description physique voire psychologique du personnage ;<br />
• essayer de les représenter plus ou moins symboliquement (arts plastiques) ; découvrir comment différents<br />
artistes s’en sont inspirés dans leurs oeuvres.<br />
Démarche générale :<br />
Cette séquence va être l’occasion, à la fois de découvrir quelques grands noms du cinéma burlesque et aussi<br />
d’aprocher leurs différences (vestimentaires, émotionnelles...). On pourra utiliser différents extraits de films,<br />
des portraits des acteurs, des photogrammes. Nous nous arrêterons sur 5 acteurs, Charlie Chaplin, Harold<br />
Lloyd, Buster Keaton, Stan Laurel et Oliver Hardy.<br />
<strong>Le</strong> travail de description pourra se mener par petits groupes ; il peut être intéressant que chaque groupe travaille<br />
sur au moins deux personnages, ce qui favorisera la comparaison. Dans un second temps, après présentation<br />
des travaux, on pourra revoir quelques extraits pour affiner les productions.<br />
Documents et références artistiques :<br />
• livres et revues :<br />
- Images Doc n°180 - déc. 2003 «Charlie Chaplin, un génie du cinéma»<br />
- Je lis des histoires vraies n°27 - fév. 1995 «Charlot»<br />
- Astrapi n°674 - 15 déc. 2007 «Chapeau Charlot»<br />
• oeuvres (dessins, affiches...) :<br />
- affiche du festival de La Rochelle 2006, peinte par Stanislas Bouvier, mettant<br />
en scène Harold Lloyd ;<br />
- les dessins du new-yorkais Al Hirschfeld (www.alhirschfeld.com) de tous les<br />
grands acteurs ;<br />
- les travaux de Fernand Léger, Chaplinade ;<br />
- les dessins de Pierre Etaix illustrant l’édition française des mémoires de Keaton<br />
; ses mises en scène de marionnette représentant les plus grands artistes du burlesque.<br />
(www.inlibris.org/pages/clowns_au_cinema/clown_cinema_syniard.html)<br />
- des affiches de films...<br />
The Little Tramp - Al Hirschfeld<br />
21
Fiche n° 3 : Film et accompagnement musical<br />
Objectifs :<br />
• percevoir les liens entre l’accompagnement musical d’un film muet et les images (rythme surtout) ;<br />
• comprendre en même temps que images et bande-son sont indépendantes dans l’histoire du muet ;<br />
• partager des émotions, ressentis, à l’écoute de tel ou tel accompagnement musical.<br />
Démarche générale :<br />
Dans un premier temps, on pourra visionner n’importe quel extrait sans accompagnement sonore ; on fera<br />
réagir les enfants sur leurs impressions. On pourra mentionner alors que, dès les premières projections du<br />
cinématographe, il y avait de la musique dans la salle.<br />
Ensuite, plusieurs activités ludiques peuvent être menées avec les enfants :<br />
• on propose plusieurs extraits musicaux et on demande aux enfants lequel était un accompagnement du film.<br />
• on fait écouter une séquence musicale du film et les élèves doivent retrouver la scène ainsi accompagnée.<br />
• on peut faire visionner un même extrait plusieurs fois avec des accompagnements différents. Il faudra d’abord<br />
essayer de reconnaître celui qui était dans le film. Ensuite, on pourra comparer les morceaux, partager les<br />
impressions... Certains accompagnements pourraient parfaitement remplacer ceux de Chaplin, créé pour la<br />
ressortie du film en 1969.<br />
Prolongement :<br />
On pourra aussi, en situation de production musicale, faire créer un accompagnement<br />
musical original pour une séquence d’un film muet. Sur le site américain, Internet Archive<br />
(www.archive.org), on trouve une section «Movie Archive» qui renferme quelques<br />
trésors du cinéma muet, souvent sans accompagnement musical (seuls les films<br />
sont tombés dans le domaine public). Ainsi, on trouve la quasi intégralité des courts métrages de Chaplin,<br />
une dizaine de courts métrages de Buster Keaton, dont The Playhouse qui met en scène un orchestre un peu<br />
cacophonique.<br />
Fiche n° 4 : un genre littéraire - l’autobiographie<br />
Objectifs :<br />
• découvrir un nouveau genre littéraire (lire, dire, écrire)<br />
• comprendre les liens qui peuvent unir les films de Chaplin et sa vie.<br />
Démarche générale :<br />
Sous différentes formes (bande-dessinée, textes), on pourra suivant les âges des enfants leur faire découvrir<br />
quelques grands moments de la vie personnelle de Chaplin, notamment :<br />
- sa première apparition sur scène, à l'âge de cinq ans ;<br />
- la création du personnage de Charlot, selon Chaplin dans son autobiographie.<br />
références :<br />
"Ma vie" de Charles Chaplin - Editions Robert Laffont, 1964. pp 19 à 21; pp. 176 à 178 (Editions Presses-<br />
Pocket, 1989)<br />
22
Mes débuts sur scène<br />
Dans « Ma vie », Charlie Chaplin raconte ses souvenirs et notamment son enfance difficile à Londres…<br />
[Ma mère] avait eu des ennuis avec sa voix. Sa voix n’était<br />
jamais forte, et le moindre rhume provoquait des laryngites<br />
qui duraient des semaines ; mais elle était obligée de<br />
continuer à travailler, si bien que sa voix peu à peu se<br />
détériora. Elle ne pouvait pas s’y fier. Sa voix se brisait<br />
au milieu d’une chanson ou bien soudain ce n’était plus<br />
qu’un murmure et le public éclatait de rire et se mettait<br />
à siffler. <strong>Le</strong> souci que cela lui causait affectait sa santé et<br />
finit par lui délabrer les nerfs. Si bien que ses contrats se<br />
firent de plus en plus rares jusqu’au moment où elle n’en<br />
eut pratiquement plus.<br />
C’est pour cette raison que je fis à l’âge de cinq ans ma<br />
première apparition sur la scène. Ma mère préférait<br />
généralement m’emmener au théâtre le soir plutôt que de<br />
me laisser seul dans un meublé. Elle jouait à la Cantine,<br />
à Aldershot, à l’époque un théâtre miteux et sordide dont<br />
la clientèle se composait essentiellement de soldats. Ils<br />
formaient un public tapageur et le moindre prétexte leur<br />
était bon pour se moquer des acteurs et les ridiculiser. Pour<br />
les artistes, une semaine à Aldershot était une redoutable<br />
épreuve.<br />
Je me souviens, j’étais dans les coulisses quand la voix de<br />
ma mère se brisa pour n’être plus qu’un souffle. <strong>Le</strong> public<br />
se mit à rire, à chanter d’une voix de fausset, à siffler. Tout<br />
cela était assez confus et je ne comprenais pas très bien ce<br />
qui se passait. Mais le tapage ne fit que s’accroître jusqu’au<br />
moment où ma mère fut obligée de quitter la scène.<br />
Lorsqu’elle regagna les coulisses, elle était bouleversée<br />
et elle discuta avec le directeur de scène qui, m’ayant vu<br />
chanter devant des amis de ma mère, dit qu’on pourrait me<br />
laisser occuper les planches : à sa place.<br />
Au milieu du tohu-bohu, je le revois me conduisant par<br />
la main et, après quelques mots d’explication au public,<br />
me laissant seul en scène. Et, devant l’éblouissement des<br />
lumières de la rampe et des visages perdus dans la fumée,<br />
je commençai à chanter, accompagné par l’orchestre qui<br />
tâtonna un peu avant de trouver quel ton j’avais adopté.<br />
C’était une chanson bien connue appelée Jack Jones dont<br />
les paroles étaient :<br />
Jack Jones well and known to everybody (…)<br />
(Jack Jones est bien connu de tous.)<br />
Au beau milieu de la chanson, une pluie de pièces de<br />
monnaie se mit à tomber sur la scène. Je m’arrêtai aussitôt<br />
pour annoncer que j’allais ramasser l’argent d’abord<br />
et chanter ensuite. Cela fit beaucoup rire. <strong>Le</strong> directeur<br />
de scène arriva avec un mouchoir pour m’aider. Je crus<br />
qu’il allait garder l’argent. <strong>Le</strong>s spectateurs comprirent<br />
mon appréhension et n’en rirent que davan tage, surtout<br />
quand il disparut avec le mouchoir et que je lui emboîtai<br />
le pas d’un air inquiet. Je ne revins pour reprendre mon<br />
numéro que lorsqu’il eut remis l’argent à ma mère. J’étais<br />
tout à fait à l’aise. J’interpellai le public, je dansai, je fis<br />
plusieurs imitations, y compris une de ma mère chantant<br />
une chanson de marche irlandaise (…)<br />
En toute innocence, alors que je reprenais le refrain,<br />
j’imitai la voix de ma mère qui se brisait et je fus surpris<br />
de voir quel effet cela avait sur l’auditoire. Il y eut des rires<br />
et des acclamations, et une nouvelle pluie de monnaie ;<br />
et quand ma mère vint sur la scène pour m’emmener,<br />
elle recueillit un tonnerre d’applaudisse ments. Ce soir-là<br />
marqua ma première apparition sur la scène et la dernière<br />
de ma mère.<br />
Quand le destin se mêle du sort des hommes, il ne connaît<br />
ni pitié ni justice. Ma mère ne retrouva jamais sa voix. Tout<br />
comme l’hiver succède à l’automne, notre situation ne fit<br />
qu’empirer. Bien que ma mère fût prévoyante et qu’elle<br />
eût mis de côté un peu d’argent, cette somme eut tôt fait<br />
de disparaître, tout comme ses bijoux et autres menues<br />
possessions, que, pour vivre, elle engagea chez un prêteur,<br />
en espérant toujours que sa voix reviendrait.<br />
En attendant, nous quittâmes trois pièces confortables<br />
pour nous installer dans deux, puis dans une, notre bagage<br />
diminuant à chaque fois et le quartier où nous nous<br />
installions se faisant de plus en plus sinistre.<br />
Charlie Chaplin, Ma Vie, Robert Laffont, 1964
La création du personnage de Charlot<br />
Dans « Ma vie », Charlie Chaplin se souvient de la « naissance » de Charlot…<br />
<strong>Le</strong> lendemain […] Sennett rentra. Ford Sterling était sur<br />
un plateau, Arbuckle sur un autre ; le studio était occupé<br />
par les trois troupes au travail. J’étais en tenue de ville et,<br />
comme je n avais rien à faire, je me plantai à un endroit<br />
où Sennett pourrait me voir. Il était avec Mabel à regarder<br />
un décor représentant le hall d’un hôtel et mordillait un<br />
cigare.<br />
— Il nous faut quelques gags ici, dit-il, puis il se tourna<br />
vers moi. Va te faire un maquillage comique. N’importe<br />
quoi.<br />
Je ne savais absolument pas comment je devais me<br />
maquiller. Ma tenue de reporter ne me plaisait pas. Mais,<br />
sur le chemin du vestiaire, je me dis que j’allais mettre un<br />
pantalon trop large, de grandes chaussures et agrémenter<br />
le tout d’une canne et d’un melon. Je voulais que tout fût<br />
en contradiction : le pantalon exagérément large, l’habit<br />
étroit, le chapeau trop petit et les chaussures énormes.<br />
Je me demandais si je devais avoir l’air jeune ou vieux,<br />
mais, me souvenant que Sennett m’avait cru plus âgé, je<br />
m’ajoutai une petite moustache qui, me semblait-il, me<br />
donnerait quelques années de plus sans dissimuler mon<br />
expression.<br />
Je n’avais aucune idée du personnage que j’allais jouer.<br />
Mais dès l’instant où je fus habillé, les vêtements et le<br />
maquillage me firent sentir ce qu’il était. Je commençai à<br />
le découvrir et lorsque j’arrivai sur le plateau, il était créé<br />
de toutes pièces. Quand je me présentai devant Sennett,<br />
j’étais dans la peau du personnage, j’avançais d’un pas<br />
avantageux en faisant des moulinets avec ma canne. Des<br />
gags, des idées comiques se pressaient dans ma tête.<br />
<strong>Le</strong> secret de la réussite de Mack Sennett, c’était son<br />
enthousiasme. Il était un merveilleux public, et il riait<br />
de bon cœur devant ce qu’il trouvait drôle. Il se tordit<br />
littéralement de rire. Cela m’encouragea et j’entrepris<br />
d’expliquer le personnage.<br />
— Vous comprenez, ce personnage a plusieurs facettes ;<br />
c’est en même temps un vagabond, un gentleman, un poète,<br />
un rêveur, un type esseulé, toujours épris de romanesque et<br />
d’aventure. Il voudrait vous faire croire qu’il est un savant,<br />
un musicien, un duc, un joueur de polo. Mais il ne dédaigne<br />
pas ramasser des mégots ni chiper son sucre d’orge à un<br />
bébé. Et, bien sûr, si l’occasion s’en présente, il flanquera<br />
volontiers un coup de pied dans le derrière d’une dame...<br />
mais uniquement s’il est furieux !<br />
Je continuai ainsi pendant une dizaine de minutes, et<br />
Sennett n’arrêtait pas de rire.<br />
— Bon, fit-il, viens sur le plateau et voyons un peu de quoi<br />
tu es capable.<br />
Comme pour le film de <strong>Le</strong>hrman, je ne savais pas grandchose<br />
de l’histoire, sinon que Mabel Normand avait des<br />
difficultés entre son mari et un amant.<br />
Dans toute comédie, l’attitude à<br />
prendre est extrêmement importante<br />
mais il n’est pas toujours facile d’en<br />
trouver une. Cependant, dans ce hall<br />
d’hôtel, j’avais l’impression d’être un imposteur qui se<br />
faisait passer pour un client, alors qu’en réalité j’étais un<br />
vagabond qui cherchait seulement à se mettre à l’abri.<br />
J’entrai et je trébuchai sur le pied d’une dame. Je me<br />
retournai et soulevai mon chapeau pour m’excuser, puis<br />
je repartis, trébuchai sur un crachoir ; je me retournai une<br />
fois de plus en soulevant mon chapeau devant le crachoir.<br />
Derrière la caméra, ils commençaient à rire.<br />
Un petit attroupement s’était formé, comprenant non<br />
seulement les comédiens des autres troupes qui avaient<br />
quitté leur plateau pour nous regarder, mais aussi les<br />
machinistes, les menuisiers et les accessoiristes. C’était<br />
très flatteur. Et quand nous eûmes fini de répéter, nous<br />
avions un vaste public qui riait de tout son cœur. Je ne<br />
tardai pas à voir Ford Sterling qui regardait par-dessus les<br />
épaules des autres. Lorsque ce fut terminé, je savais que je<br />
m’en étais bien tiré.<br />
(…) C’était une longue, scène, qui faisait soixante-quinze<br />
pieds. Mr Sennett et Mr <strong>Le</strong>hrman discutèrent par la suite<br />
la question de savoir s’il fallait la conserver aussi longue,<br />
car la scène de comédie moyenne dépassait rarement dix<br />
pieds.<br />
— Si c’est drôle, dis-je, est-ce que la longueur compte<br />
vraiment ?<br />
Ils décidèrent de garder les soixante-quinze pieds. Comme<br />
la tenue que j’avais choisie m’avait inspiré un personnage,<br />
je décidai sur-le-champ que je la conserverais quoi qu’il<br />
arrivât.<br />
Ce soir-là, je rentrai en tramway avec un des acteurs de<br />
complément.<br />
— Mon vieux, me dit-il, tu as vraiment trouvé quelque<br />
chose ; personne n’a jamais fait rire comme ça sur le<br />
plateau, pas même Ford Sterling, et si tu avais vu la tête<br />
qu’il faisait en te regardant, ça valait le coup d’œil.<br />
— Espérons que les spectateurs riront autant dans la salle,<br />
répondis-je, pour maîtriser mon exaltation.<br />
Charlie Chaplin, Ma Vie, Robert Laffont, 1964<br />
Note : le film qu'évoque Chaplin dans ce texte est le trosième<br />
film sorti mais en fait le deuxième dans l'ordre chronologique<br />
des tournages, L'étrange aventure de Mabel (Mabel's Strange<br />
Predicament), pour lequel il a créé le personnage de Charlot.
Fiche n° 5 : Doublage<br />
Objectifs :<br />
• lire avec interprétation des phrases lues sur des<br />
cartons pour rejouer une scène dialoguée d’un<br />
film muet ;<br />
• imaginer les paroles que peuvent échanger des<br />
protagonistes d’une scène et doubler la séquence.<br />
Démarche générale :<br />
On choisira pour le premier type d’activité une<br />
séquence riche en cartons ; après l’avoir visionné<br />
plusieurs fois, on répartira les rôles entre différents<br />
enfants pour sonoriser la scène, à la manière<br />
d’une société de doublage.<br />
On pourra aussi sélectionner une scène dans laquelle<br />
on voit des personnages échanger des paroles,<br />
sans qu’elles soient portées dans leur ensemble<br />
sur des cartons. On demandera aux élèves<br />
d’imaginer ce que les acteurs se sont dit pour<br />
jouer leur rôle dans ce passage du film. Après<br />
écriture du dialogue imaginé, on pourra essayer<br />
de le post-synchroniser avec le jeu des acteurs et<br />
l’enregistrer.<br />
<strong>Le</strong>xique<br />
Angle de prise de vue : détermine le champ, c’est- à-<br />
dire la partie de l’espace visuel enregistré par la caméra.<br />
Doublage : opération consistant à remplacer la bande<br />
"paroles" originale par une bande dans la langue souhaitée.<br />
Echelle des plans : traduit un rapport de proportion<br />
entre le sujet et le cadre ; il existe une infinité de plans<br />
intermédiaires entre le très gros plan (TGP) et le plan<br />
de grand ensemble (PGE).<br />
Fondu : action d’obscurcir ("fermeture") ou faire<br />
apparaître ("ouverture") l’image progressivement,<br />
souvent en passant par le noir. S’il y a surimpression<br />
d’une fermeture et d’une ouverture, on parle de fondu-enchaîné.<br />
Insert : très gros plan, souvent bref, appliqué plutôt à<br />
un objet.<br />
Intertitres ou cartons : texte de dialogues ou d’explication<br />
inséré entre les images.<br />
Iris : trucage consistant à obscurcir ("fermeture") ou<br />
faire apparaître ("ouverture") l’image progressivement<br />
à l’intérieur d’un cercle qui se resserre ou s’agrandit.<br />
Photogramme : image isolée d’un film<br />
Plan : portion de film impressionnée par la caméra<br />
entre le début et la fin d’une prise ; sur un film fini, le<br />
plan est limité par les collures qui le lient aux plans<br />
précédent et suivant.<br />
Plongée : prise de vues dans laquelle la caméra est<br />
inclinée sur son axe vers le bas. Lorsque la caméra<br />
se situe en dessous du sujet filmé, on parle de contreplongée.<br />
Plan fixe : la caméra reste fixée sur le pied, il n’y a<br />
aucune modification du cadre.<br />
Panoramique : mouvement giratoire de la caméra<br />
dont le pied reste fixe.<br />
Travelling : mouvement de tout l’appareil de prise de<br />
vues. On distingue les travellings avant, arrière ou latéraux.<br />
25
7- Filmographie de Chaplin<br />
Keystone Studios<br />
1914<br />
1. Making a Living - Pour gagner sa vie (Feb<br />
2) ♦<br />
2. Kid Auto Races at Venice - Charlot est<br />
content de lui (Feb 7) ♦<br />
3. Mabel's Strange Predicament - L'étrange<br />
aventure de Mabel (Feb 9) ♦<br />
4. Between Showers - Charlot et le parapluie<br />
(Feb 28) ♦<br />
5. A Film Johnnie - Charlot fait du cinéma<br />
(Mar 2) ♦<br />
6. Tango Tangles - Charlot danseur (Mar 9) ♦<br />
7. His Favourite Pastime - Charlot entre le bar<br />
et l'amour (Mar 16) ♦<br />
8. Cruel, Cruel Love - Charlot marquis (Mar<br />
26) ♦<br />
9. The Star Boarder - Charlot aime la patronne<br />
(Apr 4) ♦<br />
10. Mabel at the Wheel - Mabel au volant (Apr<br />
18) ♦<br />
11. Twenty Minutes of Love - Charlot et le<br />
chronomètre (Apr 20)<br />
12. Caught in a Cabaret - Charlot garçon de<br />
café (Apr 27) ♦<br />
13. Caught in the Rain - Un béguin de Charlot<br />
(May 4)<br />
14. A Busy Day - Madame Charlot (May 7)<br />
15. The Fatal Mallet - <strong>Le</strong> maillet de Charlot<br />
(Jun 1) ♦<br />
16. Her Friend the Bandit - <strong>Le</strong> flirt de Mabel<br />
(Jun 4) (Seul film perdu de Chaplin)<br />
17. The Knockout - Charlot et Fatty sur le ring<br />
(Jun 11) ♦<br />
18. Mabel's Busy Day - Charlot et les saucisses<br />
(Jun 13) ♦<br />
19. Mabel's Married Life - Charlot et le<br />
mannequin (Jun 20)<br />
20. Laughing Gas - Charlot dentiste (Jul 9)<br />
21. The Property Man - Charlot garçon de<br />
théâtre (Aug 1)<br />
22. The Face on the Bar Room Floor - Charlot<br />
peintre (Aug 10)<br />
23. Recreation - Charlot s'amuse (Aug 13)<br />
24. The Masquerader - Charlot grande coquette<br />
(Aug 27)<br />
25. His New Profession - Charlot garde malade<br />
(Aug 31)<br />
26. The Rounders - Charlot et Fatty en bombe<br />
(Sep 7)<br />
27. The New Janitor - Charlot concierge (Sep<br />
14)<br />
28. Those Love Pangs - Charlot rival d'amour<br />
(Oct 10)<br />
29. Dough and Dynamite - Charlot mitron<br />
(Oct 26)<br />
30. Gentlemen of Nerve - Charlot et Mabel<br />
aux courses (Oct 29)<br />
31. His Musical Career - Charlot déménageur<br />
(Nov 7)<br />
32. His Trysting Place - Charlot papa (Nov 9)<br />
33. Tillie's Punctured Romance - <strong>Le</strong> roman<br />
comique de Charlot et Lolotte (Nov 14) ♦<br />
34. Getting Acquainted - Charlot et Mabel en<br />
promenade (Dec 5)<br />
35. His Prehistoric Past - Charlot roi (Dec 7)<br />
Essanay Studios<br />
1915<br />
36. His New Job - Charlot débute (Feb 1)<br />
37. A Night Out - Charlot fait la noce (Feb<br />
15)<br />
38. The Champion - Charlot boxeur (Mar 11)<br />
39. In the Park - Charlot au parc (Mar 18)<br />
40. A Jitney Elopement - Charlot veut se<br />
marier (Apr 1)<br />
41. The Tramp - Charlot vagabond (Apr 11)<br />
42. By the Sea - Charlot à la plage (Apr 29)<br />
43. Work - Charlot apprenti (Jun 21)<br />
44. A Woman - Mam'zelle Charlot (Jul 12)<br />
45. The Bank - Charlot à la banque (Aug 9)<br />
46. Shanghaied - Charlot marin (Oct 4)<br />
47. A Night in the Show - Charlot au musichall<br />
(Nov 20)<br />
48. Burlesque on Carmen - Charlot joue<br />
Carmen (Dec 18)<br />
1916<br />
49. Police - Charlot cambrioleur (May 27)<br />
1918<br />
50. Triple Trouble (film de montage à partir du<br />
matériel de films non terminés, sans l'accord<br />
de Chaplin)<br />
Mutual Film Corporation<br />
1916<br />
51. The Floorwalker - Charlot chef de rayon<br />
(May 15)<br />
52. The Fireman - Charlot pompier (Jun 12)<br />
<strong>53</strong>. The Vagabond - Charlot musicien (Jul 10)<br />
54. One A.M. - Charlot rentre tard (Aug 7)<br />
55. The Count - Charlot et le Comte (Sep 4)<br />
56. The Pawnshop - L'usurier (Oct 2)<br />
57. Behind the Screen - Charlot fait du ciné<br />
(Nov 13)<br />
58. The Rink - Charlot patine (Dec 4)<br />
1917<br />
59. Easy Street - Charlot policeman (Jan 22)<br />
60. The Cure - Charlot fait une cure (Apr 16)<br />
61. The Immigrant - L'émigrant (Jun 17)<br />
62. The Adventurer - Charlot s'évade (Oct 22)<br />
First National<br />
1918<br />
63. A Dog's Life - Une vie de chien (Apr 14)<br />
64. The Bond (Sep 29)<br />
65. Shoulder Arms - Charlot soldat (Oct 20)<br />
1919<br />
66. Sunnyside - Idylle aux champs (Jun 15)<br />
67. A Day's Pleasure - Une journée de plaisir<br />
(Dec 15)<br />
68. The Professor (non terminé)<br />
1920<br />
69. The Kid (Feb 6)<br />
70. The Idle Class - Charlot et le masque de<br />
fer (Sep 25)<br />
1922<br />
71. Pay Day - Jour de paie (Apr 2)<br />
1923<br />
72. The Pilgrim - <strong>Le</strong> pélerin (Feb 26)<br />
United Artists<br />
1923<br />
73. A Woman of Paris - L'Opinion Publique<br />
(Sep 26) (cameo)<br />
1925<br />
74. The Gold Rush - La Ruée vers l'or (Jun<br />
26)<br />
1928<br />
75. The Circus - <strong>Le</strong> Cirque (Jan 6)<br />
1931<br />
76. City Lights - <strong>Le</strong>s Lumières de la Ville (Feb<br />
6)<br />
1936<br />
77. Modern Times - <strong>Le</strong>s Temps Modernes<br />
(Feb 5)<br />
1940<br />
78. The Great Dictator - <strong>Le</strong> Dictateur (Oct 15)<br />
1947<br />
79. Monsieur Verdoux (Apr 11)<br />
1952<br />
80. Limelight - <strong>Le</strong>s Feux de la Rampe (Oct<br />
16)<br />
Productions indépendantes<br />
1957<br />
81. A King in New York - Un Roi à New York<br />
(Sep 12)<br />
1959<br />
82. The Chaplin Revue - La revue de Charlot<br />
(Sep 1) (Courts de la First National A Dog’s<br />
Life, Shoulder Arms et The Pilgrim monté<br />
ensemble par Chaplin pour former un long<br />
métrage).<br />
1967<br />
83. A Countess from Hong Kong - La Comtesse<br />
de Hong Kong (Jan 5) (cameo)<br />
<strong>Le</strong>s films marqués d'un ♦ n'ont pas été réalisés<br />
par Chaplin<br />
Ce dossier a été rédigé par Yannick<br />
Quillet. Il a été réalisé dans le cadre<br />
d’une formation à destination des enseignants<br />
des écoles catholiques de la<br />
Mayenne, en lien avec la programmation<br />
du dispositif Ciné-enfants mené<br />
par l’association “Atmosphères <strong>53</strong>”<br />
sur le département.<br />
Aucune exploitation commerciale<br />
de ce dossier ne peut être faite sans<br />
l’autorisation de l’auteur. <strong>Le</strong> contenu<br />
est disponible sous GNU Free Documentation<br />
License. Toutes les photographies<br />
et visuels de Charles Chaplin<br />
sont la propriété de The Roy Escort<br />
Company.
Annexe : les intertitres (cartons) du film<br />
1. « Tu as encore raté le cerceau. »<br />
2. « Père, ce n’est pas ma faute. »<br />
3. « Tu seras privée de dîner. »<br />
4. « Et vous êtes censés être drôles ! »<br />
5. « Regardez la salle: Vide ! »<br />
6. Près des baraques foraines, affamé et sans le sou.<br />
7. « Tenez, monsieur. »<br />
8. « Comptez. »<br />
9. « Tout y est ? »<br />
10. « Rends-moi cet argent ! »<br />
11. « Comment on sort d’ici ? »<br />
12. « C’est nul ! »<br />
13. « Tirez-vous ! »<br />
14. « Où est le type marrant ? »<br />
15. « On veut le type marrant ! »<br />
16. <strong>Le</strong> type marrant.<br />
17. <strong>Le</strong> repas après la représentation.<br />
18. « Père me l’a interdit. »<br />
19. « Tu cherches un boulot ? »<br />
20. « Sois ici demain matin, et on fera un essai. »<br />
21. <strong>Le</strong> lendemain, de bon matin.<br />
22. Elle a faim.<br />
23. « Rentrez chez vous ! »<br />
24. « J’habite ici. »<br />
25. « Pardon, ma canne. »<br />
26. L’essai.<br />
27. « Vas-y, sois drôle. »<br />
28. « C’est atroce ! »<br />
29. « Faites la scène de Guillaume Tell. »<br />
30. « Regarde bien et essaie de le faire. »<br />
31. « Vas-y, essaie. »<br />
32. « Faites la scène chez le barbier. »<br />
33. « C’est à moi de te frapper. »<br />
34. « Vas-y, frappe-moi ! »<br />
35. « Je n’y vois rien. »<br />
36. « Un instant ! »<br />
37. « Nous n’avons pas discuté des conditions. »<br />
38. « Fiche le camp ! »<br />
39. « <strong>Le</strong> spectacle commence ! »<br />
40. « Vous n’entrez pas ? »<br />
41. « Vous n’allez pas partir ? »<br />
42. « Nous ne nous sommes pas entendus sur les conditions. »<br />
43. « Merci pour l’œuf. »<br />
44. <strong>Le</strong> spectacle.<br />
45. Des problèmes avec les accessoiristes.<br />
46. « Et notre paie en retard ? »<br />
47. « Au travail ! »<br />
48. « On s’en va ! »<br />
49. « Ils sont partis. »<br />
50. « Engage n’importe qui ! »<br />
51. « Tu cherches un boulot ? »<br />
52. « Ne touchez pas à ce bouton ! »<br />
<strong>53</strong>. « II fait un triomphe, mais il n’en sait rien.<br />
54. Garde-le comme accessoiriste.»<br />
55. <strong>Le</strong> cirque prospérait, mais pas l’accessoiriste, et la jeune fille avait toujours<br />
la vie dure.<br />
56. « Tiens-le occupé et empêche-le de savoir qu’il est le clou du spectacle. »<br />
57. Un cheval malade.<br />
58. « Souffle cette pilule dans la gorge du cheval ! »<br />
59. « <strong>Le</strong> cheval a soufflé le premier. »<br />
60. « Ouvrez la porte, vite ! »<br />
61. « Je vous avais prévenu, les lions sont dangereux ! »<br />
62. « Où est cette pilule ? »<br />
63. « Approche ! »<br />
64. « Je dois voir un médecin ! »<br />
65. « C’est honteux qu’ils vous traitent comme ça, vous qui êtes le clou du<br />
spectacle. »<br />
66. « Mais bien sûr!<br />
67. <strong>Le</strong> public, les applaudissements, ce n’est que pour vous. »<br />
68. « Je le savais ! »<br />
69. « Si vous la frappez, je m’en vais ! »<br />
70. « Et puis, je veux être payé à ma juste valeur. »<br />
71. « Je te donne 50 dollars par semaine. »<br />
72. « Soixante ! »<br />
73. « Je double ! »<br />
74. « Pas moins de cent. »<br />
75. La représentation suivante.<br />
76. <strong>Le</strong> succès du Vagabond facilite sa vie et celle de la jeune fille.<br />
77. « Merna, fais-toi dire la bonne aventure ! »<br />
78. « Je vois l’amour et le mariage avec un bel homme brun qui est tout près. »<br />
79. Un nouveau numéro.<br />
80. Rex, un funambule.<br />
81. « Permettez. »<br />
82. « Allez-y. »<br />
83. « Je t’en donne cinq dollars. »<br />
84. « Ça y est !<br />
85. Je suis amoureuse ! »<br />
86. « C’est un funambule, je viens de faire sa connaissance. »<br />
87. « Dépêche-toi, c’est à toi ! »<br />
88. A la fin du numéro.<br />
89. « Que se passe-t-il ?<br />
90. Tu n’as fait rire personne ! »<br />
91. « Voici mon ami. »<br />
92. « Je n’aime pas les funambules. »<br />
93. Avec le temps, le cirque changeait.<br />
94. Nouveaux espoirs, nouvelles ambitions.<br />
95. Sa nouvelle ambition.<br />
96. « Oublie la corde raide.<br />
97. « Essaie d’être de nouveau drôle, ou tu es viré ! »<br />
98. La représentation suivante...<br />
99. et pas un sourire.<br />
100. « Ça suffit comme ça.<br />
101. Je te donne une dernière chance. »<br />
102. « Où est Rex ? »<br />
103. « Rex, le funambule, n’est pas arrivé. »<br />
104. « Rex est là ? »<br />
105. « Tu peux faire le numéro, pas vrai ? »<br />
106. « Tu le fais ou tu es viré ! »<br />
107. « Je vais le faire.<br />
108. Trouve son costume ! »<br />
109. « Voilà le costume ! »<br />
110. « Vous enchaînez après elle ! »<br />
111. « II va se tuer. »<br />
112. « C’est pas grave.<br />
113. Je l’ai assuré. »<br />
114. « Prends ton temps, il y a encore un numéro. »<br />
115. « Qu’est-ce que ça veut dire ? »<br />
116. « Je le remplace sur la corde. »<br />
117. « Vous allez vous tuer. »<br />
118. « Mais non, je suis né sous une bonne étoile. »<br />
119. « Cinq dollars si tu le fais. »<br />
120. « Pas un mot à personne. »<br />
121. « Je vous en prie, n’y allez pas. »<br />
122. « Tu as oublié le collant. »<br />
123. « En piste ! »<br />
124. « Tu es viré ! »<br />
125. Cette nuit-là.<br />
126. « Je me suis enfuie du cirque. »<br />
127. « Je n’y retournerai jamais. »<br />
128. « Si vous m’emmeniez avec vous ? »<br />
129. « J’ai une idée. »<br />
130. « Attendez ici. »<br />
131. « Vous avez vu Merna ? »<br />
132. « Elle s’est enfuie. »<br />
133. « Je ne peux rien pour elle. »<br />
134. « II y a une solution. »<br />
135. « Elle est là-bas ? »<br />
136. « Emmène-moi. »<br />
137. <strong>Le</strong> lendemain matin.<br />
138. <strong>Le</strong> cirque est prêt au départ.<br />
139. « Alors, tu es revenue, espèce de... »<br />
140. « Vous parlez à ma femme ! »<br />
141. « Vous continuez votre numéro ? »<br />
142. « Si vous le prenez aussi. »<br />
143. « Toi, dans la dernière roulotte. »<br />
144. « Venez avec nous. »