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enquête - Supply Chain Magazine

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ENQUÊTE<br />

Vente à distance<br />

©ANGELIKA BENTIN-FOTOLIA<br />

Vente à distance<br />

Réconcilier VPC et<br />

e-commerce<br />

©MANUFRANCE<br />

Calalogues<br />

Manufrance<br />

de 1894 à 2003<br />

Longtemps sur une rente de situation, la vente par<br />

correspondance (VPC) s’est d’abord fait bousculer<br />

par les magasins qui ont accéléré le rythme<br />

des collections et plus récemment, par l’e-commerce, qui la pousse à plus<br />

de réactivité et de dynamisme en matière de promotions. Contrainte à<br />

de profondes remises en cause, la VPC intègre progressivement les nouvelles<br />

règles du e-commerce et pourrait bien revenir en force dans ce secteur compte<br />

tenu de son savoir-faire singulier acquis en BtoC.<br />

56<br />

N°51 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2011


« Historiquement, la VAD<br />

[vente à distance] s’adressait<br />

à une population<br />

essentiellement rurale qui<br />

avait difficilement accès<br />

aux grandes surfaces. Le modèle<br />

consistait à leur envoyer un catalogue<br />

pour les faire rêver au coin du feu,<br />

dépeint François Rochet, PDG du<br />

cabinet Agenoria, spécialisé notamment<br />

en distribution BtoB et BtoC. Et<br />

de poursuivre : Ce modèle s’est développé<br />

en parallèle de la Grande distribution<br />

avec la même volonté de<br />

proposer de plus en plus de produits.<br />

Par ailleurs, les campagnes étant difficiles<br />

d’accès, des délais de livraison<br />

de 15 jours/trois semaines étaient<br />

acceptés. » Toute une époque ! Celle<br />

qui a fait les beaux jours de Manufrance<br />

puis Camif, Quelle, La Redoute,<br />

3 Suisses, Yves Rocher… Si certaines<br />

enseignes prospèrent, d’autres ont<br />

subi des liquidations judiciaires avant<br />

de renaître de leurs cendres et la<br />

majorité connaissent de profondes<br />

mutations : 900 salariés à reclasser<br />

pour le vépéciste de Niort après sa<br />

mise en liquidation fin octobre 2008,<br />

suppression annoncée fin 2008 de 672<br />

emplois en quatre ans par La Redoute,<br />

réduction de 674 postes sur 3.000 aux<br />

3 Suisses déclarée en février 2009…<br />

Ces changements majeurs se faisant<br />

souvent dans la douleur face à des<br />

populations sédentaires très attachées<br />

à leur entreprise depuis des décennies.<br />

Un modèle classique<br />

A leurs débuts, les vépécistes généralistes<br />

travaillaient sur la base de deux<br />

catalogues annuels : un été et un<br />

hiver. « Les modèles de VAD classiques<br />

reposent essentiellement sur du textile.<br />

Les 3 Suisses, La Redoute… faisaient<br />

deux catalogues de 1.200 pages par<br />

©LA REDOUTE<br />

an. Ils travaillaient pendant des mois<br />

sur le même catalogue et une fois<br />

édité, ils vivaient dessus pendant des<br />

mois. Le service achat commandait les<br />

produits puis avait une politique de<br />

réassort en Europe, et au Maghreb<br />

jusqu’en 1995, ou en Europe de l’Est.<br />

Le réappro-visionnement s’effectuait<br />

en trois semaines/un mois. Le tissu<br />

était acheté pour l’ensemble de la saison,<br />

la confection étant réalisée à la<br />

demande. C’était un modèle basé sur<br />

les stocks et la pérennité », se souvient<br />

François Rochet. Et de poursuivre par<br />

une anecdote : « Lorsque je suis intervenu<br />

la première fois à la Camif, ils<br />

avaient un énorme transstockeur à<br />

palettes installé depuis 30 ans qui était<br />

le nec plus ultra à l’époque car il manipulait<br />

des palettes de 500 kg à plus de<br />

10 m de haut, en allant lentement pour<br />

ne pas abîmer les produits. Et l’on<br />

n’hésitait pas à attendre d’avoir<br />

200 sèche-cheveux en commande pour<br />

sortir les produits et les mettre en préparation<br />

! ». Des pratiques difficilement<br />

compatibles aujourd’hui avec des<br />

consommateurs pressés d’obtenir les<br />

produits convoités !<br />

Une accélération<br />

des collections<br />

Puis est arrivé le modèle Zara dans la<br />

distribution textile en magasin. Très<br />

intégré (de la production à la chaîne<br />

de boutiques), ce modèle a remplacé<br />

les deux collections par an au profit<br />

de cycles plus courts. « Le but est de<br />

changer les vitrines toutes les trois<br />

semaines pour faire venir plus souvent<br />

les clientes, avides de nouveautés, et<br />

de déclencher leur acte d’achat immédiatement<br />

par un effet de rareté »,<br />

explique François Rochet. Ainsi, d’un<br />

schéma qui faisait durer un modèle le<br />

plus longtemps possible, on passe<br />

alors à un autre où la rupture est quasi<br />

positive puisqu’elle déclenche un acte<br />

d’achat immédiat de la cliente, de peur<br />

de ne pas retrouver le produit. « Des<br />

groupes comme Beaumanoir ou H&M<br />

ont adopté ce modèle », illustre le PDG<br />

d’Agenoria. Ce changement a eu un<br />

impact notable sur les vépécistes qui<br />

ont multiplié les catalogues. « Le gros<br />

catalogue a réduit de taille et a été<br />

complété par de plus petits, de 40/50<br />

pages pour 2.500 références », observe<br />

F. Rochet. Ceci aurait dû de fait améliorer<br />

la productivité car il est plus<br />

facile de préparer quelques articles<br />

parmi quelques milliers de références<br />

que parmi une centaine de milliers.<br />

« Mais les outils logistiques mis en<br />

place par les grands véadistes ont été<br />

construits sur la base des gros catalogues<br />

et il est d’autant plus difficile<br />

de tout casser que ces derniers subsistent.<br />

Sans oublier que les capacités<br />

d’investissement de ces véadistes sont<br />

limitées. Du coup, d’un point de vue<br />

logistique, les véadistes n’ont pas<br />

opéré la révolution qui a eu lieu<br />

commercialement (multiplication des<br />

catalogues, sites Internet…) », constate<br />

le fondateur d’Agenoria.<br />

Une difficulté face<br />

au e-commerce<br />

Face aux débuts tumultueux du<br />

e-commerce dans les années 2000, les<br />

vépécistes sont dans un premier temps<br />

dubitatifs. D’où un certain « retard à<br />

l’allumage ». « La VPC a mis cinq ans<br />

« de trop » pour comprendre le phénomène<br />

e-commerce car au départ, elle a<br />

François Rochet,<br />

PDG du cabinet Agenoria :<br />

« Historiquement,<br />

la VAD s’adressait à<br />

une population<br />

essentiellement rurale<br />

qui avait difficilement<br />

accès aux grandes<br />

surfaces. Le modèle<br />

consistait à leur envoyer<br />

un catalogue pour<br />

les faire rêver<br />

au coin du feu ».<br />

©SCMAGAZINE<br />

JANVIER-FÉVRIER 2011 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°51 57


ENQUÊTE<br />

Vente à distance<br />

©CIUCH<br />

Une érosion du fichier client<br />

Concurrencée à la fois par la démultiplication<br />

des magasins qui proposent<br />

une offre sans cesse renouvelée accessible<br />

immédiatement et des pureplayers<br />

BtoC, qui poussent par de<br />

fortes promotions des produits ciblés<br />

couvrant une large gamme, la VAD<br />

traditionnelle tendait à voir ses<br />

fichiers clients s’éroder. « Le gros problème<br />

de la VAD est que la moitié de<br />

son chiffre d’affaires est mangé par les<br />

frais de communication : catalogues,<br />

frais d’envoi et cadeaux. Ce modèle est<br />

donc difficilement compatible avec du<br />

-50 % en terme de coûts. De plus, avec<br />

le développement de la Grande distribution<br />

et des voies de communications<br />

qui donnent un accès plus facile aux<br />

Francis Ciuch,<br />

PDG de Ciuch :<br />

« La réflexion Internet<br />

a été entamée il y a<br />

neuf/dix ans. Redoute.fr<br />

est ainsi le 1 er site en<br />

nombres de visites : ils ont<br />

su prendre ce virage ».<br />

©DJMA-FOTOLIA<br />

Olivier Dubouis,<br />

Associé du cabinet<br />

de conseil en SCM Diagma :<br />

« Globalement<br />

dans le Retail, on trouve<br />

encore beaucoup<br />

de systèmes<br />

d’information<br />

propriétaires, ce qui<br />

est aussi le cas<br />

dans la VPC ».<br />

©DIAGMA<br />

cru qu’il était une simple traduction<br />

de son modèle », estime Olivier<br />

Moreau, PDG d’Orium, prestataire<br />

spécialisé dans les solutions logistiques<br />

cross-canal et la relation client<br />

pour les entreprises du e-commerce.<br />

Selon lui, ce retard s’explique « par la<br />

crise du e-commerce dans les années<br />

2000 couplée à celle du modèle économique<br />

de la VAD masquée par d’excellents<br />

résultats financiers dans les<br />

années 90 ». De plus, certaines différences<br />

fondamentales entre les deux<br />

modes de ventes ont été mal appréhendées<br />

au départ. Ainsi, si l’e-commerce<br />

cible l’individu, le catalogue<br />

s’adresse à la famille, au foyer, d’où<br />

une « difficulté pour les vépécistes à<br />

appréhender l’individu et le marketing<br />

one to one », remarque Olivier Moreau.<br />

De même, le rythme est plus soutenu<br />

en e-commerce : « Alors que la VPC<br />

changeait ses prix, ses produits, son<br />

mix marketing chaque trimestre, certains<br />

sites Internet font évoluer leur<br />

site, et notamment les prix, toutes les<br />

heures en fonction de la concurrence<br />

ou des événements de la veille »,<br />

indique le fondateur d’Orium. Sans<br />

oublier selon lui « la difficulté classique<br />

des grands groupes à trouver<br />

leur efficacité sur le marché des PME<br />

qui fait qu’ils se sont fait dépasser par<br />

de petits acteurs. »<br />

magasins, la population de la VPC<br />

classique tend à se restreindre », confirme<br />

François Rochet. Mais bien plus,<br />

les ressources qui disposent du savoirfaire<br />

propre à la VPC tendent à se<br />

raréfier, ce qui a aussi un impact sur le<br />

renouvellement du fichier clients :<br />

« Le problème de la VAD est qu’ils<br />

sont comme une Formule 1. Ils leur<br />

faut des experts qui ont une grosse<br />

expérience et règlent les paramètres de<br />

manière très fine. Or, très bousculés<br />

par Internet, certains ont vu disparaître<br />

leurs compétences VAD pures »,<br />

déplore-t-il. Ainsi, pour lui, deux<br />

paramètres sont essentiels en VAD : le<br />

taux de transformation et le taux de<br />

présence. Le premier mesure l’efficacité<br />

de la communication en comptant<br />

le nombre de commandes reçues par<br />

messages envoyés (ex : cinq commandes<br />

reçues pour 100 catalogues<br />

envoyés). Le second mesure l’impact<br />

du catalogue par produit en compta-<br />

Suite page 60<br />

58<br />

N°51 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2011


ENQUÊTE<br />

Vente à distance<br />

Suite de la page 58<br />

bilisant le nombre de fois où un article<br />

est présent par commande. Ces<br />

paramètres indiquent donc si le catalogue<br />

est dans la cible par rapport aux<br />

groupes de clients répertoriés, y compris<br />

en terme de prospection, et si les<br />

mises en avant dans le catalogue<br />

fonctionnent ou non. « La tentation<br />

est forte de ne plus recruter de nouveaux<br />

clients parce que c’est coûteux.<br />

Mais c’est une vision à court terme.<br />

Chez de nombreux véadistes, beaucoup<br />

de gens ont été remerciés ou sont partis<br />

à la retraite avec leur savoir-faire.<br />

Du coup, les messages de leurs remplaçants<br />

moins expérimentés sont<br />

moins efficaces. Tous cela concourt à<br />

appauvrir le fichier client, le cœur du<br />

dispositif », prévient François Rochet.<br />

Olivier Moreau,<br />

PDG d’Orium :<br />

« Ce n’est pas un hasard<br />

si Orium réussit :<br />

nous avons eu une vision<br />

très claire du marché<br />

e-Commerce<br />

car nous avons été<br />

formés dans la VPC.<br />

Je prévois donc<br />

un retour en force<br />

des compétences<br />

de la VPC ».<br />

©SCMAGAZINE<br />

©YVES ROCHET<br />

Des évolutions notables<br />

Conscients de la nécessité d’agir, les<br />

véadistes ont lancé de nombreux projets<br />

pour revoir leurs organisations,<br />

leurs process, leurs outils afin d’intégrer<br />

l’e-commerce, sans pour autant<br />

abandonner le catalogue, qui reste un<br />

support prisé pour le passage de commande<br />

sur Internet et dont la magie<br />

opère toujours. « La réflexion Internet<br />

a été entamée il y a neuf/dix ans.<br />

Redoute.fr est ainsi le 1 er site en nombres<br />

de visites : ils ont su prendre ce<br />

virage », observe Francis Ciuch, PDG<br />

de Ciuch, fournisseur de solutions globales<br />

de systèmes de manutention<br />

évoluée, qui a de nombreux clients<br />

dans la VAD. Redcats, société du<br />

Groupe PPR, fédère en effet 17 marques<br />

implantées dans 30 pays dont La<br />

Redoute, Daxon, Vertbaudet… En 2009,<br />

Redcats qui employait 16.000 collaborateurs,<br />

a réalisé un CA de 3,4 Md€<br />

dont 47 % sur Internet. Il distribue ses<br />

collections à travers plus de 60 sites<br />

e-commerce, plus de 600 magasins et<br />

une trentaine de catalogues en France<br />

et à l'international, attestant ainsi sa<br />

capacité à concilier la VPC, la vente<br />

en magasins et l’e-commerce.<br />

Olivier Dubouis, Associé du cabinet de<br />

conseil en SCM Diagma, note également<br />

cette évolution : « Depuis quatre/cinq<br />

ans, la majorité des vépécistes<br />

ont sauté le pas du e-commerce.<br />

D’abord, ils ont élargi leur offre,<br />

essentiellement par un développement<br />

de la politique d’animation promotionnelle.<br />

Ainsi, d’un catalogue papier<br />

cher complété par des flyers, ils sont<br />

passés à une offre beaucoup plus<br />

©MARKO MORELLI-FOTOLIA<br />

large, plus rapidement évolutive avec<br />

des promotions plus réactives, à l’instar<br />

de La Redoute. Ensuite, ils ont<br />

investi dans la connaissance du délai<br />

réel de mise à disposition des produits,<br />

plutôt que de donner des délais<br />

estimés considérés comme acceptables<br />

d’un point de vue psychologique ». Des<br />

sociétés comme La Redoute, 3 Suisses<br />

(voir encadré 1 page 62) ou encore le<br />

quincailler Legallais Bouchard, par<br />

exemple, se sont en effet penchés sur<br />

la nécessité de communiquer des<br />

délais plus réalistes aux clients<br />

lorsque le produit est en rupture ponctuelle<br />

afin de lui permettre de prendre<br />

une décision éclairée (abandon de la<br />

commande, substitution de produit ou<br />

attente). Cela suppose aussi de revoir<br />

ses systèmes d’information : « Globalement<br />

dans le Retail, on trouve encore<br />

beaucoup de systèmes d’information<br />

propriétaires, ce qui est aussi le cas<br />

dans la VPC. Tous ont entamé des<br />

réflexions sur l’évolution de leurs S.I.<br />

et de gros chantiers d’urbanisation de<br />

ces derniers, ne serait-ce que pour<br />

communiquer avec l’existant. Une première<br />

solution est d’avoir un frontal<br />

web qui vit en stand alone et se synchronise<br />

périodiquement avec le Back-<br />

Office. Une seconde est d’instaurer le<br />

temps réel entre le Front et le Back-<br />

Office, mais cette solution est plus<br />

complexe », admet Olivier Dubouis.<br />

Autre évolution observée par Francis<br />

60<br />

N°51 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2011


Ciuch, la tendance à instaurer, comme<br />

dans l’automobile, des stocks de réassort<br />

de proximité : « Des entrepôts<br />

situés à 20 mn de ceux des véadistes<br />

gèrent du stockage de masse. Ce qui<br />

permet à ces derniers de ne garder<br />

chez eux que la moitié des centaines<br />

de milliers de références nécessaires<br />

au réapprovisionnement dans la<br />

semaine et de faire réapprovisionner<br />

le reste sous des délais courts depuis<br />

ces entrepôts de proximité. »<br />

©AUREMAR-FOTOLIA<br />

Un réel savoir-faire<br />

Pour Francis Ciuch, l’organisation<br />

logistique des vépécistes est bien<br />

rodée et performante car améliorée en<br />

permanence : « Dès que les produits<br />

arrivent, y compris des retours, ils<br />

sont capables de les intégrer aux commandes<br />

à préparer via un atelier<br />

cross-dock. Ils ont toujours fait progresser<br />

leurs outils. Plus les volumes<br />

sont importants, plus ils ouvrent des<br />

ateliers en fonction du type de produit.<br />

Ils ont une énorme expérience en préparation<br />

de commande ». De même,<br />

pour Olivier Moreau, compte tenu de<br />

son expertise très spécifique en BtoC,<br />

la VPC a une véritable carte à jouer :<br />

« Ce sont les seuls à avoir un vrai<br />

savoir-faire complet en BtoC et l’ecommerce<br />

en est avant tout, que ce<br />

soit en marketing, analyse comportementale,<br />

logistique, mécanisation de<br />

la <strong>Supply</strong> <strong>Chain</strong>, transport et système<br />

d’information. Ce n’est pas un hasard<br />

si Orium réussit : nous avons eu une<br />

vision très claire du marché e-commerce<br />

car nous avons été formés dans<br />

la VPC, déclare cet ancien de La<br />

Redoute. Je prévois donc un retour en<br />

force des compétences de la VPC. En<br />

effet, l’e-commerce n’est pas encore<br />

trop concurrentiel mais il va bientôt<br />

falloir trouver des facteurs différenciateurs<br />

et l’environnement de la VPC<br />

en a notamment dans le domaine de<br />

l’analyse comportementale (Business<br />

Intelligence) ». En espérant que ce<br />

savoir-faire ne s’est pas trop dilué<br />

depuis… ■ Cathy Polge<br />

JANVIER-FÉVRIER 2011 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°51 61


ENQUÊTE<br />

Vente à distance<br />

©3 SUISSES<br />

Quatre chantiers majeurs pour<br />

un investissement de 70 M€ :<br />

c’est ce qu’entreprend le<br />

Groupe 3 Suisses International pour<br />

moderniser ses activités en privilégiant<br />

le web. Ce projet présenté aux salariés<br />

et aux partenaires sociaux le 17 décembre<br />

2010 concernera le commercial, les<br />

processus métiers, le système d’information,<br />

la logistique ainsi que la relation<br />

clients. Mais les enseignes grand<br />

public du domaine BtoC telles que<br />

3 Suisses, Blanche Porte, Becquet,<br />

Quelle… ont déjà engagé des projets<br />

d’amélioration. Ainsi, plutôt que de<br />

donner un délai d’attente estimatif d’un<br />

produit momentanément indisponible,<br />

3 Suisses et ses autres enseignes ont<br />

mis en place, avec l’aide de l’éditeur de<br />

logiciel Manhattan Associates, un système<br />

de calcul des délais de mise à disposition<br />

des produits en fonction de<br />

leur état d’avancement dans la chaîne<br />

amont, depuis les fournisseurs jusqu’aux<br />

entrepôts. En plus du logiciel de gestion<br />

d’entreposage (WMS) de l’éditeur<br />

américain, le vépéciste a acquis le<br />

module DOM (Distributed Order Management)<br />

qui rapproche en temps réel<br />

chaque commande du stock pouvant la<br />

servir dans les meilleurs délais, où qu’il<br />

soit. DOM, qui communique avec le<br />

site Internet et le Call Center, est alimenté<br />

en temps réel par tous les mouvements<br />

de stocks des entrepôts, de<br />

sorte qu’il connaît les références en<br />

rupture, en réception, en attente de<br />

réassort… « Les vépécistes ont longtemps<br />

cru que seul un système maison<br />

saurait traiter la complexité (variété de<br />

l’offre et mode de préparation). Il<br />

3 SUISSES<br />

suit ses délais<br />

de près<br />

Au lieu de proposer des délais<br />

estimés à ses clients lorsque<br />

le produit est indisponible<br />

mais en attente, 3 Suisses<br />

a mis en place un système<br />

de suivi en temps réel des<br />

commandes d’achats renseigné<br />

par 2.500 fournisseurs pour<br />

calculer au plus juste les dates<br />

de mise à disposition<br />

de ces produits.<br />

s’avère aujourd’hui qu’une solution<br />

standard comme Manhattan le réalise<br />

sans difficulté et peut répondre aux<br />

évolutions très fortes du métier en<br />

termes de communication avec les<br />

autres systèmes, de variété des modes<br />

de préparation, des sites, d’agilité, etc.)<br />

», se félicite Henri Seroux, Directeur de<br />

Manhattan Associates France.<br />

Une réduction<br />

des stocks de sécurité<br />

De plus, DOM suit en temps réel les<br />

informations de mise à disposition des<br />

produits communiquées par 2.500<br />

fournisseurs gérant des dizaines de<br />

milliers d’ordres d’achats en cours. Ces<br />

fournisseurs sont connectés à un logiciel<br />

de Manhattan Associates baptisé<br />

EEM (pour Extended Enterprise<br />

Management). Ils y reçoivent électroniquement<br />

les commandes qui les<br />

concernent et mettent à jour leurs<br />

dates d’expédition prévisionnelles,<br />

remontées ensuite dans DOM. Une fois<br />

les commandes prêtes, les fournisseurs<br />

renseignent leurs dates d’expédition<br />

réelles et le système calcule les dates<br />

de mise à disposition prévisionnelles,<br />

compte tenu des délais théoriques de<br />

chaque étape de la chaîne de transport.<br />

« En pratique, ce système conduit<br />

les distributeurs à réduire leurs stocks<br />

de sécurité. Le fait de disposer d’une<br />

visibilité en temps réel leur permet en<br />

effet de piloter leurs approvisionnements<br />

avec plus de précision et de<br />

retarder la date de la commande<br />

d’achat ou de réassort, augmentant<br />

ainsi sa précision avec celle de la<br />

demande, mieux connue », indique<br />

Henri Seroux.<br />

Le stock de transit verrouillé<br />

Enfin, si la proposition de délai<br />

convient au client et qu’il confirme sa<br />

commande, DOM affecte cette dernière<br />

au stock de transit le plus proche et le<br />

verrouille. « Le stock qui apparaît disponible<br />

est bien celui affectable à des<br />

commandes futures, une fois déduites<br />

toutes les commandes déjà réservées »,<br />

précise le Directeur de Manhattan<br />

Associates France. Et l’ensemble du<br />

stock en approche est consommable<br />

par les commandes à servir. « Dans le<br />

cas particulier de 3 Suisses, DOM<br />

devient un système fédérateur pour<br />

plus de 10 enseignes différentes, tous<br />

les pays européens, qui géraient<br />

jusqu’ici leur <strong>Supply</strong> <strong>Chain</strong> sur un<br />

grand nombre de systèmes différents, et<br />

pour certains marchés, très loin du<br />

stock disponible en temps réel », se<br />

réjouit Henri Seroux. ■ CP<br />

Henri Seroux,<br />

Directeur de<br />

Manhattan Associates France :<br />

« Les vépécistes<br />

ont longtemps cru que<br />

seul un système maison<br />

saurait traiter<br />

la complexité ».<br />

©SCMAGAZINE<br />

62<br />

N°51 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2011


ENQUÊTE<br />

Vente à distance<br />

MK Direct<br />

tient ses<br />

promesses<br />

« Le papier reste une valeur forte.<br />

C’est une conviction que nous<br />

avons chevillée au corps et qui<br />

nous permet d’assurer une croissance<br />

à deux chiffres depuis plusieurs années »,<br />

commence Stéphane Poumailloux,<br />

Directeur général de MK Direct, la<br />

société qui chapeaute les marques Fançoise<br />

Saget et Linvosges. De fait, les<br />

commandes issues d’Internet, en progression,<br />

ne représentent encore que<br />

20 % contre 80 % pour celles venant<br />

des catalogues. Ce qui n’empêche nullement<br />

le vépéciste d’enregistrer un CA<br />

de 150 M€ en 2010 contre 88 M€ environ<br />

en 2006, au moment du rachat des<br />

deux marques au Groupe Yves Rocher<br />

par le fonds Activa Capital. « Ces entreprises<br />

ne faisaient plus de croissance.<br />

A présent, elles sont de nouveau dans<br />

une dynamique de développement.<br />

Nous avons mené beaucoup de projets<br />

et ce n’est pas fini !, s’exclame le DG<br />

de MK Direct avant de poursuivre :<br />

Notre avantage est d’être une entreprise<br />

à taille humaine, de sorte que gérer le<br />

changement est plus facile que dans de<br />

grands groupes. » S’il a en effet fallu au<br />

début lever les craintes des quelque<br />

400 salariés employés par le vépéciste,<br />

très attachés à leurs entreprises et installés<br />

pour la plupart en province (en<br />

Bretagne ou à Gérardmer), les bons<br />

résultats assortis du versement de participation<br />

et d’intéressement les ont<br />

convaincus que les changements<br />

allaient dans la bonne direction.<br />

L’importance de l’amont<br />

Pour Stéphane Poumailloux, qui a<br />

travaillé durant 18 ans dans le Groupe<br />

Yves Rocher, une des évolutions<br />

©MK DIRECT<br />

Issue du rachat en 2006<br />

des spécialistes de la VPC de<br />

linge de maison, Françoise<br />

Saget et Linvosges, la société<br />

MK Direct a quasi doublé son<br />

CA en quatre ans. Les clefs<br />

de ce succès dans un secteur<br />

a priori plutôt stable ?<br />

Un réel savoir-faire en<br />

marketing direct couplé à<br />

une maîtrise des flux<br />

physiques et d’information<br />

amont et aval pour coller<br />

à la demande et assurer<br />

aux clientes une grande<br />

fiabilité de service.<br />

majeures vécue par la VPC est le<br />

raccourcissement des délais. « Yves<br />

Rocher a été le premier à faire du<br />

Colissimo à grande échelle. La Redoute<br />

a lancé le 48 h Chrono il y a 20 ans…,<br />

se souvient-il, en soulignant que cette<br />

évolution n’est pas récente. Vous commandiez<br />

à distance mais le produit<br />

était mis à votre disposition presque<br />

©MK DIRECT<br />

Stéphane<br />

Poumailloux,<br />

Directeur général de MK Direct :<br />

« Le papier reste<br />

une valeur forte ».<br />

comme en boutique », résume-t-il.<br />

Deux façons pour le vépéciste de<br />

répondre à cette accélération selon<br />

lui : la première est de fabriquer les<br />

produits selon les besoins, comme le<br />

fournisseur de cosmétiques de la<br />

Gacilly ou Linvosges, qui dispose de<br />

ses ateliers de confection (mais à<br />

condition d’avoir anticipé les approvisionnements<br />

en matière première ou<br />

d’être très réactif). La seconde est de<br />

s’appuyer sur des prévisions fines pour<br />

avoir les bons stocks au bon moment.<br />

« La Clef de la VAD est de faire de<br />

bonnes prévisions, insiste le DG. Nous<br />

ne démarrons jamais une campagne<br />

sans avoir les stocks suffisants. Nous<br />

calculons des stocks de départ en fonction<br />

des résultats obtenus lors des tests<br />

des nouvelles collections ou de l’historique,<br />

puis nous ajustons nos besoins<br />

selon le succès réel des modèles », précise-t-il.<br />

Après avoir cherché un logiciel de prévisions<br />

du marché capable de répondre<br />

à la fois aux besoins de Françoise<br />

Saget et de Linvosges, MK Direct a<br />

d’ailleurs développé un système de prévisions<br />

intégrant les particularités de la<br />

VAD avec Cegid. « La plupart des éditeurs<br />

postulant maîtrisaient l’approvisionnement<br />

mais pas les prévisions ;<br />

pour les autres, c’était l’inverse. Seul<br />

Cegid a pris l’engagement d’apporter<br />

son expertise en approvisionnement et<br />

prévisions, et surtout, de collaborer<br />

avec nous pour acquérir le savoir-faire<br />

en prévisions de ventes dans le<br />

domaine de la vente à distance », justifie<br />

Sébastien Hertz, Directeur des<br />

achats et des approvisionnements de<br />

Linvosges. Cegid s’est lancé dans<br />

l’adaptation de son logiciel dès novembre<br />

2009 pour une mise en œuvre chez<br />

Linvosges à partir de juin 2010 et chez<br />

Françoise Saget, cette année.<br />

Accepter d’avoir du stock<br />

A défaut d’anticiper les quantités disponibles,<br />

encore faut-il savoir gérer<br />

les ruptures. « L’essentiel est d’abord<br />

64<br />

N°51 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2011


d’en informer la cliente et de pouvoir<br />

lui annoncer au plus vite (dès la prise<br />

de commande au téléphone ou sur<br />

Internet, ou une semaine après, par<br />

courrier) un délai d’attente raisonnable,<br />

– de une à trois semaines d’un<br />

point de vue psychologique en général –.<br />

Ainsi peut-elle décider d’attendre, de<br />

substituer le produit ou d’annuler sa<br />

commande. Prolonger le délai annoncé<br />

initialement ou abandonner le chiffre<br />

d’affaires parce que l’on s’avère incapable<br />

de livrer l’article promis au final<br />

a un effet désastreux sur la relation<br />

client. Il faut donc accepter d’avoir du<br />

stock et limiter les références à commercialiser<br />

plutôt que de céder à la<br />

facilité d’ajouter des produits que l’on<br />

n’a pas », estime Stéphane Poumailloux.<br />

Un système intégré<br />

Autre caractéristique de la « méthode<br />

MK Direct » : l’intégration des fonctions<br />

vitales pour maîtriser la qualité.<br />

Ainsi, la première action menée par la<br />

société a été d’adopter pour les deux<br />

entités la même solution logicielle de<br />

Generix Group, déjà en place chez Linvosges.<br />

« Nous sommes passés à un<br />

système plus moderne et évolutif en<br />

restant à des coûts raisonnables »,<br />

commente S. Poumailloux. En effet<br />

Françoise Saget travaillait auparavant<br />

sur un système propriétaire développé<br />

par le Groupe Yves Rocher. Ceci a facilité<br />

la création d’une Direction informatique<br />

commune aux deux marques,<br />

la gestion de leurs deux clientèles et<br />

l’intégration de nouvelles technologies<br />

comme Internet. D’autre part, MK<br />

Direct, qui compte un Directeur de site<br />

par marque, gère en propre sa logistique<br />

de distribution. « Dès qu’une<br />

commande arrive sur son site, le Directeur<br />

doit tout faire pour la satisfaire,<br />

ponctue le DG de MK Direct. En dehors<br />

de quelques stocks de débord chez des<br />

prestataires en Bretagne ou dans les<br />

Vosges, nous ne sous-traitons rien »,<br />

insiste-t-il. De même, le Call Center a<br />

été rapatrié en interne pour garder la<br />

maîtrise de la qualité de l’information<br />

diffusée et remontée.<br />

De faibles retours<br />

« Notre pourcentage de retours est faible<br />

puisqu’il est de moins de 3 %, y<br />

compris la lingerie », énonce Stéphane<br />

Poumailloux. C’est que le vépéciste ne<br />

ménage pas ses efforts pour ne pas<br />

décevoir ses clientes. « La PAO et la<br />

fabrication sont en relation avec l’imprimeur<br />

pour que les couleurs soient<br />

bien en adéquation avec le réel », illustre-t-il.<br />

De plus, compte tenu des explications<br />

claires sur les tailles de linge de<br />

lit ou le textile dont la lingerie, les<br />

erreurs sont limitées. « En ce qui<br />

concerne la lingerie, les femmes achètent<br />

en général pour elles-mêmes, donc<br />

se trompent peu », explique –t-il. Et de<br />

conclure : « Nos marques font ce métier<br />

depuis de nombreuses années. Nous<br />

nous considérons comme des professionnels<br />

qui donnent de la qualité de<br />

service. C’est une des clefs de notre<br />

succès… » ■ CP<br />

JANVIER-FÉVRIER 2011 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°51 65

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