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UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS

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<strong>UNIVERSITE</strong> <strong>PANTHEON</strong>-<strong>ASSAS</strong> PARIS II<br />

DIPLOME D’ETUDES SUPERIEURES SPECIALISEES DE DROIT DU MULTIMEDIA<br />

ET DE L’INFORMATIQUE<br />

LE KARAOKE A L’EPREUVE DE LA PROPRIETE<br />

INTELLECTUELLE<br />

MEMOIRE PRESENTE ET SOUTENU PAR AGATHE MALPHETTES<br />

SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR LE PROFESSEUR CHRISTOPHE CARON<br />

ANNEE UNIVERSITAIRE 2003-2004<br />

1


L’<strong>UNIVERSITE</strong> N’ENTEND DONNER AUCUNE APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS<br />

EMISES DANS LES MEMOIRES ; CES OPINIONS DEVRONT ETRE CONSIDEREES COMME PROPRES<br />

A LEURS AUTEURS.<br />

2


PLAN<br />

INTRODUCTION...................................................................................................................................................4<br />

CHAPITRE I : LES DROITS PATRIMONIAUX...............................................................................................8<br />

SECTION 1 : LES AUTORISATIONS REQUISES AU TITRE DU DROIT DE REPRODUCTION..............8<br />

I. REPRODUCTION MECANIQUE : REPRODUCTION DE LA COMPOSITION MUSICALE ................8<br />

A. Histoire du droit de reproduction mécanique...........................................................................................................8<br />

B. Autorisations requises.............................................................................................................................................10<br />

II. REPRODUCTION GRAPHIQUE : REPRODUCTION DU TEXTE DES PAROLES DE LA CHANSON .<br />

11<br />

A. Le rôle des éditeurs en matière musicale...............................................................................................................12<br />

B. La controverse relative au droit de reproduction graphique ..................................................................................13<br />

SECTION 2 : LES AUTORISATIONS REQUISES AU TITRE DES DROITS DERIVES............................16<br />

I. LES AUTORISATIONS REQUISES QUANT A UN EVENTUEL DROIT D’ADAPTATION....................16<br />

A. La nature juridique du vidéogramme de karaoké : œuvre composite ou adaptation..............................................16<br />

B. Une autorisation limitée au droit de reproduction de l’oeuvre...............................................................................18<br />

II. LES AUTORISATIONS REQUISES QUANT A UN EVENTUEL DROIT DE SYNCHRONISATION OU<br />

DE FRAGMENTATION................................................................................................................................19<br />

A. Le droit de fragmentation.......................................................................................................................................19<br />

B. Le droit de synchronisation....................................................................................................................................20<br />

CHAPITRE II : LE DROIT MORAL.................................................................................................................22<br />

SECTION 1 : LE DROIT AU RESPECT DE L’INTEGRITE DE L’ŒUVRE ET DE L’INTERPRETATION..<br />

22<br />

I. DESTRUCTION DE L’UNITE ARTISTIQUE DE L’ŒUVRE ET DE L’INTERPRETATION .................23<br />

A.Destruction du lien harmonique naturel..................................................................................................................23<br />

B. Dissociation des paroles et de la musique..............................................................................................................25<br />

II. FRAGMENTATION DU TEXTE..............................................................................................................26<br />

A. Découpage du texte................................................................................................................................................26<br />

B. Coloration des paroles sur l’écran..........................................................................................................................27<br />

SECTION 2 : LE DROIT AU RESPECT DE L’ESPRIT DE L’ŒUVRE ET DE L’INTERPRETATION.....28<br />

I. LE RESPECT DE L’ŒUVRE MUSICALE INSEREE DANS UNE ŒUVRE AUDIOVISUELLE.............28<br />

A. Juxtaposition d’images...........................................................................................................................................28<br />

B. Lecture des paroles à l’écran..................................................................................................................................30<br />

II. LE RESPECT DE LA DESTINATION D’ORIGINE DE L’ŒUVRE MUSICALE ET DE SON<br />

INTERPRETATION.......................................................................................................................................31<br />

CONCLUSION......................................................................................................................................................34<br />

AUTRES.................................................................................................................................................................37<br />

3


INTRODUCTION<br />

1. Grâce en partie au développement de multiples supports et des technologies, la musique est<br />

devenue un phénomène de culture et de mode. Elle nous accompagne dans notre vie<br />

quotidienne : dans les magasins, restaurants, publicité, boîtes de nuit, à la radio, à la<br />

télévision…<br />

Ce qui fait donc de la musique un élément qui s’adresse à la sensibilité des plus jeunes et des<br />

moins jeunes.<br />

Parmi toutes les œuvres musicales, qui constituent au sens de l’article L.112-2 5° du Code de<br />

la Propriété Intellectuelle (CPI) une œuvre de l’esprit et qui sont définies comme « les<br />

compositions musicales avec ou sans paroles », on trouve toutes les musiques de variété, rap,<br />

rock, house, instrumentale, classique... Et dans cette même catégorie peut être rangé le<br />

karaoké, phénomène récent et particulièrement apprécié 1 .<br />

2. Le mot karaoké est d’origine japonaise. Il est composé de deux termes : « kara », qui vient<br />

du mot japonais karappo qui signifie vide, et « oke », qui est un diminutif du mot japonais<br />

okesutora qui signifie orchestre 2 . Le karaoké est un concept qui permet aux participants de<br />

chanter (en solo, en duo, ou en chœur), en étant accompagnés de la musique qu’ils ont choisi<br />

d’interpréter, les paroles défilant à l’écran au rythme de la musique.<br />

L’initiative du karaoké reviendrait à Mitch Miller qui, dans les années 1960, animait<br />

l’émission télévisée américaine « Sing along with Mitch » qui permettait aux télespectateurs<br />

de chanter grâce aux paroles qui apparaissaient à l’écran avec une petite boule sautillant d’une<br />

syllabe à l’autre.<br />

Mais le karaoké en lui-même serait né dans un bar de Kobe, à l’ouest du Japon, au milieu des<br />

années 1970. Le guitariste d’un groupe amateur n’ayant pu venir ce soir-là, le propriétaire du<br />

bar eut l’idée d’enregistrer la musique d’accompagnement. A partir de là, le karaoké<br />

commença à se faire connaître.<br />

Très vite, les japonais créèrent, dans plusieurs endroits, des karaokés box, locaux insonorisés,<br />

où les interprètes pouvaient chanter. Puis, se sont ouverts au Japon, ainsi qu’à l’étranger, des<br />

centres de loisirs de karaoké, composés de plusieurs pièces d’ambiances différentes avec une<br />

grande variété de chansons.<br />

Apparemment, les japonais ont plutôt inventé le support technique, mais l’habitude<br />

traditionnelle de chanter en public ou chanter ensemble est revendiquée par le Pays de Galles.<br />

1<br />

Colombet, Propriété littéraire et artistique et droits voisins, Dalloz, 9° édition, 1999, n°73.<br />

2<br />

www.ulb.ac.be; www.chez.com/rolandg800/4.htm.<br />

4


Le karaoké s’est très vite popularisé au Japon puisqu’il constitue un amusement, un moment<br />

de détente, en bref un loisir commun à toutes les personnes désirant se réunir avec un air de<br />

musique.<br />

Mais la popularité de ce nouveau loisir a également touché d’autres pays comme les Etats-<br />

Unis, notamment dans certaines séries télévisées dont Ally McBeal, la Grande Bretagne et ses<br />

nombreux pubs, l’Italie et bien sûr la France. Cependant, en France, si au début des années<br />

1990 le karaoké a connu un franc succès, sa chute s’est fait ressentir, après quelques années<br />

seulement, au point d’un arrêt total de ce mode de production musicale dans certaines villes.<br />

Toutefois, plus récemment, on a constaté un regain d’intérêt pour le karaoké. Plusieurs<br />

phénomènes ont initié son accroissement. Tout d’abord, les émissions de télé-réalité comme la<br />

Star Academy ou Popstars, et bien sûr l’émission d’Arthur « La fureur » qui a provoqué cette<br />

déferlante du karaoké. Puis, la grande vague des comédies musicales avec Starmania, Les Dix<br />

Commandements, Roméo et Juliette…dont de nombreuses chansons sont fredonnées dans les<br />

karaokés. Enfin, le développement de nouveaux supports tels que les DVD, CDV, et le réseau<br />

Internet qui fait participer le karaoké au phénomène de mondialisation.<br />

3. Néanmoins, il convient de se demander ce qui, au milieu des années 1990, a entraîné la<br />

chute du karaoké, et ce qui aujourd’hui rend bien souvent difficile la constitution d’un support<br />

karaoké pour un producteur. Cela nous conduit à définir le karaoké.<br />

On soulignera pour commencer que le mot karaoké fait partie intégrante de la langue française<br />

puisqu’il figure dans le dictionnaire sous la définition suivante : divertissement collectif<br />

consistant à chanter sur une musique préenregistrée 1 .<br />

La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), définit le<br />

vidéogramme de karaoké comme « tout support de sons, de textes ou d’images, y compris<br />

numériques, reproduisant pour une œuvre donnée l’interprétation musicale et le défilement<br />

concurrent du texte des paroles et/ou de la partition de ladite œuvre et dont l’objet est de<br />

permettre l’interprétation chantée de cette dernière par l’utilisateur grâce au défilement sur<br />

écran du texte des paroles et/ou de la partition simultanément à la diffusion de l’interprétation<br />

musicale » 2 . Cette définition fait référence à diverses œuvres de l’esprit qui, pour être utilisées<br />

et insérées dans un support karaoké, nécessitent des autorisations. En effet, l’existence de la<br />

1<br />

Le Petit Larousse, 2004.<br />

2<br />

www.sacem.fr; P. Sirinelli et Ch. Nguyen Duc Long, Lamy Droit des médias et de la communication, 2001, n°<br />

121-46.<br />

5


musique est le fruit du travail d’auteurs, d’artistes, de compositeurs, d’éditeurs…Elle a donc<br />

un prix 1 .<br />

4. C’est notamment avec le développement croissant des créations multimédias que se pose la<br />

question de la protection des œuvres de l’esprit. En effet, en s’attachant à la définition de<br />

l’œuvre multimédia qui est « la création complexe, réunissant, après mise en forme<br />

informatique, l’ensemble de textes, d’images fixes et/ou animées et/ou de musique, accessible<br />

sur compact disc (CD Rom pour simple lecture, CDI pour dialogue) ou par l’intermédiaire<br />

d’un réseau numérique, qui nécessite l’utilisation d’un appareil (lecteur isolé ou inséré dans<br />

un ordinateur, une télévision, etc…) pour que les usagers puissent en prendre connaissance » 2 ,<br />

on comprend que l’œuvre multimédia incorpore et souvent transforme une multitude de<br />

créations protégées par le droit d’auteur, associant souvent des prestations d’auxiliaires de la<br />

création protégées par les droits voisins du droit d’auteur. L’utilisation de ces créations et<br />

prestations suppose évidemment le respect d’un certain nombre de règles résultant du CPI 3 .<br />

En effet, on aurait pu craindre que l’émergence de nouveaux modes d’exploitation des<br />

enregistrements musicaux telle la diffusion des œuvres sur Internet ou la vente de supports<br />

multimédia entraînerait une refonte des règles du droit d’auteur ; cela ne fut pas le cas car les<br />

droits des auteurs, des interprètes et des producteurs sont conçus de façon suffisamment large<br />

pour s’appliquer à tous les supports et modes d’exploitation existants ou à venir. Les<br />

exploitants de nouveaux supports n’échappent donc pas à l’obligation de demander<br />

préalablement à toute réutilisation l’autorisation des titulaires des droits patrimoniaux et<br />

moraux 4 .<br />

Dans le multimédia, on distingue la diffusion « on line », c’est-à-dire en réseau, et la diffusion<br />

« off line », c’est-à-dire les médias et équipements numériques autonomes. Parmi les<br />

applications du multimédia « off line », on range le karaoké puisqu’il s’agit d’un disc compact<br />

audio, format CD, contenant aussi des images et des textes 5 .<br />

Une fois le karaoké inclus au sein des œuvres multimédias, alors faut-il pour le producteur du<br />

vidéogramme de karaoké obtenir l’autorisation d’utiliser les diverses composantes (textes,<br />

images, sons). Comme l’a très justement souligné le professeur André Lucas, le problème est<br />

1<br />

Les enjeux du multimédia pour la production musicale, colloque organisé et présidé par A. Santini, propos de J.<br />

Y. Mirski, juin 1998.<br />

2<br />

P. Y. Gautier, « Les œuvres multimédias en droit français », RIDA, avril 1994, p. 93 ; P. Y. Gautier, Juris.<br />

Class. PLA, 2001, fasc. 1165, p.3 ; B. Edelman, « L’œuvre multimédia, un essai de qualification », D., 1995,<br />

chron. p.109.<br />

3<br />

N. Mallet-Poujol, La création multimédia et le droit, Litec, 2000.<br />

4<br />

G. Haumont et E. Haumont, Les droits des musiciens, Le guide pratique, Seconde, 2000.<br />

5<br />

P. Y. Gautier, Juris. Class. PLA, op. cit.; A. E. Kahn, Le droit des musiciens dans l’environnement numérique,<br />

Thèse, Dijon, 1998.<br />

6


d’identifier les titulaires des droits de chacune des œuvres et prestations pour pouvoir négocier<br />

l’autorisation de les réutiliser 1 .<br />

5. Ainsi, se dessine la ligne directrice de cette étude qui nous conduira à nous interroger sur<br />

les droits patrimoniaux mis en cause lors de la confection d’un vidéogramme de karaoké<br />

(Chapitre 1), et sur la question de savoir dans quelle mesure le droit moral des auteurs et<br />

artistes-interprètes peut être atteint (Chapitre 2).<br />

1<br />

A. Lucas, « Droit d’auteur et multimédia », in Mélanges Françon, Dalloz, 1995, p.331.<br />

7


CHAPITRE I : LES DROITS PATRIMONIAUX<br />

6. Le karaoké met en cause les droits patrimoniaux des acteurs du domaine musical. Les deux<br />

grandes prérogatives d’ordre patrimonial de l’auteur sont le droit de représentation et le droit<br />

de reproduction 1 . Cependant, dans ce chapitre, il ne sera question que du droit de reproduction<br />

qui, seul, est sujet à discussions dans le karaoké. En effet, le droit de représentation, prévu à<br />

l’article L.122-2 du CPI, qui consiste à représenter l’œuvre au public, à « la porter à sa<br />

connaissance par son exécution », est bien évidemment en cause dans le karaoké mais ne<br />

suscite aucune difficulté 2 .<br />

Seuls feront l’objet de ce chapitre le droit de reproduction (Section 1), et les droits dérivés<br />

bien souvent revendiqués en matière musicale (Section 2).<br />

SECTION 1 : LES AUTORISATIONS REQUISES AU TITRE DU DROIT DE<br />

REPRODUCTION<br />

7. Le droit de reproduction a fait l’objet de multiples développements. En matière musicale,<br />

on considère qu’il se décompose en deux droits selon l’objet sur lequel porte la reproduction :<br />

il s’agit du droit de reproduction mécanique qui porte sur la composition (I), et du droit de<br />

reproduction graphique qui porte sur le texte de la chanson (II).<br />

I. REPRODUCTION MECANIQUE : REPRODUCTION DE LA COMPOSITION<br />

MUSICALE<br />

8. Afin de délimiter les autorisations à obtenir au titre du droit de reproduction mécanique en<br />

matière de karaoké (B), il convient de comprendre l’histoire de la naissance du droit de<br />

reproduction mécanique (A).<br />

A. Histoire du droit de reproduction mécanique<br />

9. Les premières lois en matière de droit d’auteur furent celles des 13 janvier et 6 août 1791<br />

qui accordaient aux auteurs le droit d’autoriser la représentation publique, mais elles ne<br />

concernaient que la protection des auteurs dramatiques. C’est la loi des 19 et 24 juillet 1793,<br />

complétée par celle du 1 er septembre 1793, qui organisa la première le droit exclusif des<br />

auteurs d’œuvres de tous genres, de vendre, faire vendre, distribuer leurs œuvres et en céder la<br />

propriété. Les lois des 16 mai 1866 et 19 novembre 1917 vinrent compléter et modifier la loi<br />

1<br />

Article L.122-1 CPI.<br />

2<br />

P. Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, Puf, 4 ème édition, 2001, n°158 et 176 ; C. Caron, note sous Paris<br />

13 ème ch., 28 avril 2000 et Paris 4 ème ch., 28 avril 2000, CCE, avril 2001, Comm. n°36, p.15.<br />

8


de 1793 en matière de reproduction mécanique. Le principe posé, lequel fut le fondement des<br />

premières affaires relatives au droit de reproduction mécanique, était que « sera licite la<br />

reproduction, par des instruments de musique mécanique, des airs de musique qui auront été<br />

adaptés à des instruments de cette nature » 1 . Mais rapidement on comprit qu’il était injuste de<br />

s’emparer sans autorisation et sans contrepartie d’œuvres musicales protégées.<br />

10. Au XIXe siècle, l’auteur n’était traité que comme un auteur d’œuvres littéraires : ses<br />

« œuvres » étaient commercialisées sous forme de partitions éditées et vendues comme des<br />

livres. Son rôle prend plus d’ampleur avec l’invention du phonogramme puisque c’est à ce<br />

moment qu’est reconnu le droit de reproduction mécanique 2 . En effet, le concept de droit de<br />

reproduction mécanique apparaît dans un arrêt de la Cour de Paris du 1 er février 1905 3 . Dans<br />

ce premier procès intenté contre l’Industrie phonographique, l’avocat des éditeurs soutenait<br />

que le disque était une édition reproduisant mécaniquement la parole, et non un instrument<br />

mécanique visé par la loi de 1866. Il perdit en première instance mais la Cour de Paris lui<br />

donna raison en consacrant le droit de reproduction des auteurs ou de leurs cessionnaires sur<br />

les disques et cylindres phonographiques. Mais, la contrepartie pour cette reproduction ne fut<br />

réellement payée par les fabricants qu’à partir de 1930.<br />

Le deuxième procès posa la question de la portée des cessions de droits faites par les auteurs.<br />

Ces derniers invoquaient le fait qu’ils n’avaient pu céder leur droit de reproduction<br />

phonographique, le phonographe n’existant pas, et qu’ils ne le pouvaient toujours pas après<br />

son invention si la cession ne prévoyait pas expressément la cession du droit de reproduction<br />

mécanique. Le tribunal ne suivit pas cette thèse puisque, pour lui, le droit de reproduction<br />

cédé aux éditeurs constituait un tout, englobant les modes de reproduction présents et futurs.<br />

Les arrêts de la Cour d’Appel de Paris du 1 er mai 1925 et de la Cour de Cassation du 10<br />

novembre 1930 posaient la même question. Ces deux arrêts ont considéré que la reproduction<br />

phonographique était une édition, et que donc « éditer une œuvre, c’est la reproduire et la<br />

répandre dans le public par une fixation matérielle et durable » 4 . De plus, la Cour jugea que<br />

les cessionnaires de l’édition muette étaient aussi titulaires de l’édition sonore. Solution qui ne<br />

1<br />

Ph. Parès, Histoire du droit de reproduction mécanique, La Compagnie du Livre, Paris 1953, p.25.<br />

2<br />

A. Bertrand, Le droit d’auteur et les droits voisins, Dalloz, 2 ème édition, 1999, n°17.42.<br />

3<br />

Paris 1 ère ch., 1 er février 1905, DP, 1905, 2, p.121, note Claro ; A. Bertrand, Ibid, n°17.2 ; Ph. Parès, op. cit.,<br />

p.187.<br />

4<br />

Paris, 1 er mai 1925, DP, 1925, 2, p.98, note Roger ; Civ., 10 novembre 1930, DP, 1931, 1, p.29, note M. Nast ;<br />

S, 1931, 1, p.169, note Lagarde ; Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, 3 ème édition, 1978, n°233 ; F.<br />

Pollaud-Dulian, Juris. Class. PLA, 2003, fasc. 1246, p.8 ; M. Gautreau, La musique et les musiciens en droit<br />

privé français, Puf, 1970, p.92.<br />

9


fût pas retranscrite dans la loi du 11 mars 1957 qui considérait à l’évidence comme<br />

inadmissible le fait que l’auteur ait pu céder un droit sur un mode de reproduction inexistant<br />

et imprévisible.<br />

L’intérêt de ces arrêts est donc d’appliquer le droit de reproduction à l’enregistrement<br />

mécanique de la même manière qu’au texte d’une composition musicale 1 .<br />

B. Autorisations requises<br />

11. L’article L.122-3 CPI définit le droit de reproduction comme « la fixation matérielle de<br />

l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière<br />

indirecte ».<br />

Le droit de reproduction s’appliquant à chaque fois que l’œuvre est fixée sur un support 2 ,<br />

lorsque qu’une musique est utilisée sous forme de karaoké l’auteur doit donner son<br />

autorisation à cette fin et recevoir une rémunération en contrepartie. En effet, en tant qu’œuvre<br />

multimédia « off line » le karaoké entre dans le champ d’application du droit de reproduction<br />

puisqu’il nécessite un appareil de lecture pour être communiqué 3 .<br />

De plus, il est constant dans la pratique et dans la jurisprudence que lorsque l’on parle de<br />

vidéogramme, le droit de reproduction est en cause, comme en atteste un arrêt de la Cour<br />

d’Appel de Paris du 20 février 1981 : « il n’est pas contesté que les vidéocassettes constituent<br />

une reproduction » 4 . De même, la définition du vidéogramme de karaoké, donnée par la<br />

SACEM, utilise le terme de reproduction puisqu’elle le définit comme « tout support…<br />

reproduisant » 5 . Et, le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 26 novembre<br />

1997, confirmé par l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 29 mai 2002, ainsi qu’un jugement<br />

du 28 mai 2003, relatifs au karaoké, considère que le vidéogramme de karaoké constitue un<br />

des moyens de reproduction à côté de ceux énumérés de manière indicative par l’article<br />

L.122-3 du CPI 6 .<br />

12. Dans la plupart des cas, les auteurs font apport de leurs droits patrimoniaux à des sociétés<br />

de gestion collective. En matière musicale, les auteurs apportent leurs droits de représentation<br />

1<br />

Desbois, op. cit., n°234.<br />

2<br />

E. Barbry et F. Atellian, « Droits d’auteur et droits voisins en matière musicale : panorama général », Légicom,<br />

n°13, 1997/1, p.12 ; P. Cristiani, « Production phonographique et édition musicale pour la publicité », Légicom,<br />

n°13, 1997/1, p.54 ; A. et H. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 2 ème édition, 2001, n°241.<br />

3<br />

P. Y. Gautier, Juris. Class. PLA, op. cit., p.13 ; P. Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, op. cit., n°152.<br />

4<br />

Paris 1 ère ch., 20 février 1981, RIDA, juillet 1981, n°109, p.212.<br />

5<br />

www.sacem.fr; P. Sirinelli et Ch. Nguyen Duc Long, op. cit., n°121-46.<br />

6<br />

TGI Paris 3 ème ch., 26 novembre 1997, RIDA, avril 1998, p.455 et 319, obs. A. Kéréver ; Paris 4 ème ch., 29 mai<br />

2002, CCE, octobre 2002, Comm. n°125, C. Caron ; RIDA, 2002, n°194, p.325 ; TGI Paris 3 ème ch., 28 mai 2003,<br />

inédit.<br />

10


publique et de reproduction mécanique à la SACEM, mais ce dernier est confié par la<br />

SACEM à la Société pour l’administration du droit de reproduction mécanique des auteurs,<br />

compositeurs et éditeurs de musique (SDRM). Les autorisations relatives au droit de<br />

reproduction mécanique doivent donc être demandées à la SDRM.<br />

13. On peut noter aussi que le phonogramme est prévu initialement pour un usage privé, donc<br />

sa réutilisation dans un karaoké fait appel à la doctrine du droit de destination issue de<br />

l’interprétation de l’article L.131-3 CPI et de la rédaction synthétique de l’article L.122-3<br />

CPI 1 . Selon cette doctrine, l’auteur peut contrôler les utilisations secondaires de son œuvre.<br />

14. Par ailleurs, les artistes-interprètes disposent de droits patrimoniaux. Ils sont protégés, en<br />

vertu de l’article L.212-3 CPI, contre « la fixation, la reproduction et la communication au<br />

public de leur prestation ». La confection d’un vidéogramme de karaoké incorporant<br />

l’interprétation d’un artiste-interprète nécessite donc son autorisation, puisque au même titre<br />

que les auteurs, l’autorisation donnée s’interprète restrictivement et donc l’autorisation<br />

donnée pour l’enregistrement d’un phonogramme ne permet pas son utilisation dans un<br />

vidéogramme 2 . Les autorisations de communiquer et reproduire les interprétations des artistesinterprètes<br />

sont délivrées par la Société civile pour l’administration des droits des artistes et<br />

musiciens (ADAMI), et par la Société de perception et de distribution des droits des artistesinterprètes<br />

de la musique et de la danse (SPEDIDAM).<br />

15. Faut-il encore préciser que l’autorisation du producteur de phonogramme doit être requise<br />

en vertu de l’article L.213-1, alinéa 2 CPI 3 .<br />

16. S’il est clair que le droit de reproduction joue en ce qui concerne l’incorporation de la<br />

chanson dans un support karaoké, la particularité du karaoké qui est de faire défiler le texte<br />

des chansons à l’écran conduit à se demander si une autorisation complémentaire ne doit pas<br />

être sollicitée à ce titre.<br />

II. REPRODUCTION GRAPHIQUE : REPRODUCTION DU TEXTE DES PAROLES<br />

DE LA CHANSON<br />

1<br />

F. Pollaud-Dulian, Le droit de destination, Thèse Paris II, 1988 ; F. Pollaud-Dulian, « Réflexions sur le droit de<br />

destination », Cahiers du droit d’auteur, février 1989, n°13 ; P. Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, op.<br />

cit., n°152; Desbois, op. cit., n°288.<br />

2<br />

Paris 1 ère ch., 11 janvier 2000, RIDA, janvier 2001, n°187, p.286 ; A. Bertrand, La musique et le droit de Bach<br />

à Internet, Litec, 2002, n°508.<br />

3<br />

X. Linant de Bellefonds, Droits d’auteur et droits voisins, Dalloz, 2002, n°1317.<br />

11


17. La reproduction graphique est la reproduction d’une chanson sous forme de partition. Elle<br />

est une prérogative des éditeurs puisqu’elle constitue un droit non apporté à la SACEM-<br />

SDRM 1 . Toutefois, en matière de karaoké des discussions sont nées sur le point de savoir si la<br />

reproduction du texte sur un écran faisait partie du droit de reproduction mécanique au même<br />

titre que la reproduction de la composition musicale. Afin de comprendre les controverses<br />

ayant trait au droit de reproduction graphique (B), il est intéressant tout d’abord de définir le<br />

rôle d’un éditeur en matière musicale (A).<br />

A. Le rôle des éditeurs en matière musicale<br />

18. Il convient en premier lieu de poser la distinction, existant en matière musicale, entre<br />

l’éditeur graphique et l’éditeur phonographique.<br />

L’éditeur graphique est l’éditeur traditionnel à qui le compositeur confie la gestion de ses<br />

compositions sous forme de partitions : le contrat en cause est donc un contrat intitulé contrat<br />

d’édition musicale. Alors que l’éditeur phonographique est celui qui se voit accorder par une<br />

société de gestion collective, généralement la SDRM, « le droit non exclusif de procéder à<br />

l’enregistrement d’œuvres de son répertoire » : le contrat est alors un contrat d’édition<br />

phonographique relatif à « la production et à la commercialisation des supports enregistrés » 2 .<br />

On peut noter qu’aujourd’hui, le développement des nouvelles technologies donne une grande<br />

importance à l’enregistrement, et un faible rôle aux partitions.<br />

Avant la consécration du droit de reproduction mécanique, c’est-à-dire avant 1905, l’éditeur<br />

graphique n’était qu’un simple éditeur de partitions dont les devoirs étaient comparables à<br />

ceux des éditeurs littéraires. A partir de 1905, la jurisprudence considérait qu’il était<br />

cessionnaire de tous les droits d’exploitation sur les partitions, donc de l’édition muette et<br />

sonore 3 . Toutefois, comme nous l’avons vu dans le premier paragraphe, la loi de 1957 ne<br />

suivit pas le raisonnement de la jurisprudence et consacra le principe d’interprétation stricte<br />

des cessions de droits d’auteurs.<br />

19. Aujourd’hui, si l’activité graphique de l’éditeur a fortement diminué, elle devrait tout de<br />

même persister en matière de karaoké puisqu’il est incontestable que c’est bien le texte des<br />

paroles de la chanson qui est reproduit à l’écran et nécessite de ce fait une autorisation de<br />

l’éditeur. La jurisprudence récente reste toutefois assez partagée en ce qui concerne la<br />

1<br />

www.sacem.fr ; Article 2 statuts de la SACEM.<br />

2<br />

G. Lefeuvre, Le producteur de disques, Dixit, Irma, 1998, p.224 ; A. Bertrand, Le droit d’auteur et les droits<br />

voisins, op. cit., n°17-52 ; M. Gautreau, op. cit., p.92 ; A. Bertrand, La musique et le droit de Bach à Internet,<br />

op. cit., n°18 et 210.<br />

3<br />

A. Bertrand, Le droit d’auteur et les droits voisins, op.cit., n°17-8 ; Desbois, op. cit., n°233.<br />

12


consécration du droit de reproduction graphique de l’éditeur en matière de karaoké conduisant<br />

parfois à la mise à mal du rôle des éditeurs de musique.<br />

20. Il faut par ailleurs préciser, comme l’a jugé la Première chambre civile de la Cour de<br />

Cassation le 24 février 1998, « que les éditeurs ayant adhéré à la SACEM n’en conservent pas<br />

moins l’exercice de leurs droits sur l’œuvre » 1 . Ils conservent alors, en matière de karaoké, le<br />

droit de revendiquer leurs droits sur le texte de la chanson.<br />

B. La controverse relative au droit de reproduction graphique<br />

21. La question posée dans le cas du karaoké est donc de savoir si la reproduction du texte des<br />

paroles de la chanson relève du droit de reproduction graphique de l’éditeur.<br />

Dans ce domaine, de nombreux contentieux ont surgi depuis 1997, laissant transparaître des<br />

solutions tout à fait contradictoires. Cette question a fait l’objet de vifs débats, mais pour la<br />

première fois la Cour de Cassation a récemment statué sur ce point.<br />

Ces affaires concernent en grande majorité des vidéogrammes de karaoké réalisés sans<br />

l’autorisation de l’éditeur de musique, et la question est de savoir si ce dernier est en droit de<br />

s’opposer à cette exploitation sur le fondement que le droit de reproduction graphique aurait<br />

été conservé par lui.<br />

La première décision ayant statué sur ce point est le jugement du TGI de Paris du 26<br />

novembre 1997. Il décida que « la reproduction du texte des paroles de l’œuvre n’est rien<br />

d’autre qu’une simple reproduction partielle de l’œuvre par moyen graphique utilisant un<br />

support technique différent du papier, et que ce droit constitue un droit de transcription<br />

graphique des paroles et de la musique quel que soit le procédé technique d’écriture ». Peu<br />

importait donc le procédé de transcription et le type de support ; puisqu’il y avait reproduction<br />

du texte, le droit de reproduction graphique était en cause 2 .<br />

Un jugement du TGI de Créteil du 13 janvier 1998 pencha aussi en ce sens 3 .<br />

Ensuite, plusieurs arrêts s’opposèrent aux solutions retenues en 1997 et 1998. D’abord, dans<br />

un arrêt du 28 avril 2000, la quatrième chambre de la Cour d’appel de Paris, en se fondant sur<br />

1<br />

Civ. 1 ère , 24 février 1998, « Sony music », RIDA, juillet 1998, p.213, obs. A. Kéréver ; Expertises, mai 1998,<br />

p.128 ; D. Aff., 1998, p.539 ; D., 1998.471, note Françon ; D., 1999, Somm. 64, Colombet ; JCP, E, 1998,<br />

p.636 ; C. Chamagne, « L’utilisation de musiques préexistantes dans une œuvre audiovisuelle : les limites au<br />

droit exclusif d’autorisation préalable des producteurs et éditeurs de musique », Légipresse, n°158, jan-fév.1999,<br />

II, 1 à 8.<br />

2<br />

TGI Paris 3 ème ch., 26 novembre 1997, préc. ; A. Bertrand, Le droit d’auteur et les droits voisins, op. cit., n°17-<br />

73.<br />

3<br />

TGI Créteil 1 ère ch., 13 janvier 1998, Les annonces de la Seine, supplément n°32 du 27 avril 1998, p.14 ; Gaz.<br />

Pal., 1998, 2, somm. p.451.<br />

13


la définition du droit de reproduction de l’article L.122-3 CPI, posa la question de savoir « si<br />

la reproduction mécanique consiste en la reproduction de l’interprétation musicale des paroles<br />

et partitions ou si ce droit porte également sur la reproduction du texte des paroles et/ou de la<br />

partition ». Elle répondit que le droit de reproduction mécanique ne se limitait pas à la seule<br />

reproduction de l’interprétation musicale, et que « dès lors que l’œuvre n’est pas<br />

immédiatement perceptible par les sens et qu’il faut utiliser un instrument mécanique pour y<br />

avoir accès, il y a reproduction mécanique » 1 . La seule reproduction de la chanson par un<br />

instrument mécanique, qu’il s’agisse de la composition ou du texte des paroles, ce qui est le<br />

cas d’un karaoké, entraîne l’application du droit de reproduction mécanique. De ce fait, seule<br />

importait l’autorisation de la SACEM-SDRM.<br />

En 2001, deux arrêts suivirent ce raisonnement en utilisant exactement le même critère : dès<br />

lors que pour le karaoké le texte d’une chanson nécessite pour être reproduit à l’écran<br />

« l’intervention d’un procédé intermédiaire de lecture », la diffusion du texte « fait partie<br />

intégrante du droit de reproduction mécanique » 2 .<br />

Tous ces arrêts, en donnant une conception extensive du droit de reproduction mécanique,<br />

viennent limiter le droit de reproduction des éditeurs de musique qui se limite à la<br />

reproduction sur un support sans l’intermédiaire d’un appareil ou d’un procédé technique.<br />

Toutefois, certaines décisions sont venues rétablir le rôle à jouer des éditeurs sur le texte des<br />

chansons. En premier lieu, un arrêt de la treizième chambre de la Cour de Cassation du 28<br />

avril 2000 a jugé que la reproduction mécanique se limite à l’interprétation instrumentale de la<br />

chanson et ne concerne pas la reproduction du texte des paroles et/ou de la partition, et ce,<br />

quelque soit le support de la reproduction 3 . Cette solution fut reprise en 2001, puis en 2002<br />

dans un arrêt confirmant le jugement de 1997 qui énonça que le droit d’autoriser ou<br />

d’interdire la reproduction du texte, des paroles, et/ou de la partition des œuvres, relève des<br />

prérogatives consenties aux éditeurs par les auteurs 4 .<br />

1<br />

Paris 4 ème ch., 28 avril 2000, RIDA, 2001, n°187, p.307 et 235, obs. A. Kéréver ; CCE, avril 2001, comm. n°36,<br />

obs. C. Caron ; Gaz. Pal., 19-20 juillet 2000, p.32, note I. Matthyssens ; P. Sirinelli et Ch. Nguyen Duc Long,<br />

op. cit., n°121-46.<br />

2<br />

Paris 4 ème ch., 14 mars 2001, D., 2001, Somm. p.2256, obs. P. Sirinelli ; Légipresse, 2001, n°186, III, p.187 ;<br />

Petites Affiches, 20 mars 2002, p.9 à 14, X. Daverat ; RIDA, octobre 2001, p.381, chron. A. Kéréver ; P. Sirinelli<br />

et Ch. Nguyen Duc Long, op. cit., n°121-46 ; Paris 1 ère ch., 7 mai 2001, RIDA, octobre 2001, n°190, p.411 et<br />

381, obs. A. Kéréver ; Gaz. Pal, 23-24 janvier 2002, p.39, note B. Amaudric du Chaffaut ; Paris, 9 juin 2000,<br />

Juris-Data n°2000-138922.<br />

3<br />

Paris 13 ème ch., 28 avril 2000, CCE, avril 2001, Comm. n°36, obs. C. Caron ; RIDA, octobre 2001, chron. A.<br />

Kéréver, p.381 ; RIDA, janvier 2001, p.235, obs. A. Kéréver ; P. Sirinelli et Ch. Nguyen et Duc Long, op. cit.<br />

4<br />

Paris, 1 er mars 2001, inédit ; Paris 4 ème ch., 29 mai 2002, CCE, octobre 2002, Comm. n°125, obs. C. Caron ;<br />

RIDA, octobre 2002, n°194, p.203 et 325.<br />

14


En second lieu, un arrêt de la Première chambre civile de la Cour de Cassation du 13<br />

novembre 2003 consacre ce rétablissement des prérogatives des éditeurs de musique en<br />

définissant le droit de reproduction graphique comme étant « la communication du texte d’une<br />

œuvre protégée au public, quels que soient le support sur lequel il s’inscrit et les modes de<br />

transmission utilisés à cette fin » 1 .<br />

La solution paraît clairement posée : peu importe que le texte des paroles de la chanson soit<br />

reproduit par l’intermédiaire d’un appareil de lecture, le droit de reproduction graphique est en<br />

cause en matière de karaoké. Les éditeurs de musique devront donc autoriser la fixation des<br />

paroles des chansons sur les supports destinés au karaoké.<br />

Cette solution est logique si l’on s’en tient à la définition du droit de reproduction de l’article<br />

L.122-3 CPI : le support est indifférent 2 .<br />

22. En l’état actuel de la jurisprudence en matière de karaoké, la musique relève du droit de<br />

1<br />

Civ. 1 ère , 13 novembre 2003, JCP, G, 7 janvier 2004, p.27 à 29, note C. Caron ; D., 4 décembre 2003, p.2967,<br />

obs. J. Daleau ; Gaz. Pal., 22-24 février 2004, n°53 à 55, p.23 à 25, conclusions de l’avocat général J. Sainte-<br />

Rose.<br />

2<br />

A. et H. J. Lucas, op. cit., n°239.<br />

15


eproduction mécanique, et le texte relève du droit de reproduction graphique. L’abondance de<br />

litiges dans ce domaine laisse toutefois planer le doute…<br />

23. Si le karaoké est un mélange de droit de reproduction mécanique et de droit de<br />

reproduction graphique, il faut voir si d’autres droits, qu’on appelle droits dérivés n’entrent<br />

pas en ligne de compte.<br />

SECTION 2 : LES AUTORISATIONS REQUISES AU TITRE DES DROITS<br />

DERIVES<br />

24. Dans un vidéogramme de karaoké, la question se pose de la reconnaissance d’un éventuel<br />

droit d’adaptation pour savoir si une autorisation est nécessaire à ce titre (I) ; la même<br />

question se pose quant à un éventuel droit de fragmentation ou de synchronisation (II).<br />

I. LES AUTORISATIONS REQUISES QUANT A UN EVENTUEL DROIT<br />

D’ADAPTATION<br />

25. Il faut tout d’abord se demander si le vidéogramme de karaoké doit être qualifié<br />

d’adaptation au sens du Code de la Propriété Intellectuelle ou uniquement d’œuvre composite<br />

(A), pour savoir quelle autorisation obtenir pour une exploitation licite des chansons (B).<br />

A. La nature juridique du vidéogramme de karaoké : œuvre composite ou adaptation<br />

26. Adapter c’est faire usage d’une œuvre première, afin d’en tirer une seconde 1 . Le Code de<br />

la Propriété Intellectuelle ne fait qu’envisager le droit d’adaptation aux articles L.112-3 et<br />

L.122-4, mais ne le réglemente pas en tant que tel.<br />

L’œuvre composite est définie à l’article L.113-2 CPI comme « l’œuvre nouvelle à laquelle<br />

est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière ».<br />

Si les deux notions se ressemblent, il faut tout de même les distinguer. En effet, si une<br />

première œuvre est intégrée dans une seconde sans modification ni altération, ce qui est le cas<br />

du transfert d’une musique sur un support audiovisuel, il s’agira d’une œuvre composite mais<br />

pas d’une adaptation 2 .<br />

1<br />

P. Y. Gautier, op. cit., n°319 ; A. et H. J. Lucas, op. cit., n°115; N. Mallet-Poujol, op. cit., n°108 ; M. Gautreau,<br />

op. cit., p.33.<br />

2<br />

C. Besse-Guenneteau, « La musique dans les œuvres audiovisuelles », Légicom, n°13, 1997/1, p.17 ; P. Sirinelli<br />

et Ch. Nguyen Duc Long, op. cit., n°121-47 ; Civ. 1 ère , 10 mars 1993, D., 1994, p.90, note B. Edelman.<br />

16


27. S’il n’est pas contesté que le vidéogramme de karaoké constitue une œuvre composite (la<br />

plupart des œuvres multimédias « off line » ou « on line » le sont 1 ), est-il pour autant une<br />

adaptation ?<br />

Les éditeurs de musique invoquent le fait que les vidéogrammes de karaoké constituent une<br />

adaptation de l’œuvre musicale, alors que la SACEM-SDRM considère qu’est en cause une<br />

simple œuvre composite 2 . A la lumière des arrêts en cette matière, une solution relativement<br />

claire peut être dégagée.<br />

28. Le jugement de 1997, l’arrêt d’Appel de 2002, ainsi que le jugement de 2003, décident<br />

que l’enregistrement karaoké, regroupant la musique d’accompagnement, les paroles et des<br />

images, constitue une œuvre composite regroupant plusieurs créations partielles ou<br />

intégrales 3 . Et, « la première œuvre n’a subi aucune transformation ou fusion, donc il ne peut<br />

s’agir d’une adaptation » 4 . De même, un jugement du Tribunal de Créteil en 1998 refusa de<br />

qualifier le karaoké d’adaptation en raison de « l’absence de lien entre les images<br />

synchronisées et l’œuvre musicale » 5 . Au contraire, l’autre jugement de 1998 avait pris parti<br />

pour l’adaptation puisque le procédé de karaoké, en permettant au chanteur amateur de lire les<br />

paroles sur l’écran en même temps que défilent des images, « nécessite une adaptation<br />

incontestable de l’œuvre première » 6 ; il s’agit en fait de « la création d’un contexte<br />

cinématographique ». La solution était reprise en 2001 du fait de la transformation de l’œuvre<br />

d’origine : la partie musicale est partiellement supprimée, les textes défilent sur l’écran et se<br />

colorient, des images illustrent le thème de la chanson…Autant d’éléments qui, en s’ajoutant<br />

à la chanson, la modifient et lui donnent le caractère d’adaptation 7 .<br />

29. Le critère de la transformation doit être appliqué restrictivement : même avec une<br />

superposition d’images, on ne peut dire que la chanson reçoit une expression nouvelle, mais<br />

est tout simplement reproduite sur un autre support. Il faudrait une réelle transformation de<br />

l’œuvre musicale sur le fondement de l’article L.122-4 CPI, ou sur le fondement du droit<br />

moral (cf. Chapitre 2) pour être face à une adaptation.<br />

1<br />

P. Y. Gautier, op. cit., n°319 ; P. Y. Gautier, Juris. Class. PLA, op. cit., n°20.<br />

2<br />

C. Chamagne, op. cit.<br />

3<br />

TGI Paris 3 ème ch., 26 novembre 1997, préc. ; Paris 4 ème ch., 29 mai 2002, préc. ; TGI Paris 3 ème ch., 28 mai<br />

2003, préc.<br />

4<br />

TGI Paris 3 ème ch., 26 novembre 1997, préc.<br />

5<br />

TGI Créteil 1 ère ch., 8 septembre 1998, inédit ; C. Chamagne, op. cit.<br />

6<br />

TGI Créteil 1 ère ch., 13 janvier 1998, préc.<br />

7<br />

Paris 1 ère ch., 7 mai 2001, préc. ; Paris, 4 ème ch., 14 mars 2001, préc. ; Paris 13 ème ch., 1 er mars 2001, préc.<br />

17


Il nous paraît alors difficile en synthétisant ces décisions de considérer que le vidéogramme de<br />

karaoké constituerait une adaptation au sens strict de sa définition qui implique « une<br />

expression nouvelle de la substance de l’œuvre » par le biais de modification 1 . Le<br />

vidéogramme de karaoké ne constitue qu’une œuvre composite, les conséquences de cette<br />

qualification doivent alors s’en suivre.<br />

B. Une autorisation limitée au droit de reproduction de l’oeuvre<br />

30. La qualification juridique du vidéogramme de karaoké est très importante puisque c’est de<br />

celle-ci que l’on déduit les autorisations à obtenir. En effet, s’il s’agit uniquement d’une<br />

œuvre composite, le producteur du karaoké devra solliciter l’autorisation de la SACEM-<br />

SDRM car n’est en cause que le droit de reproduction. Mais s’il peut être qualifié<br />

d’adaptation, on se situera sur le terrain des droits dérivés, donc des droits cédés par l’auteur à<br />

l’éditeur 2 .<br />

31. En vertu de l’article L.122-4, 2 ème phrase, du CPI, l’adaptation doit faire l’objet d’une<br />

autorisation préalable de l’auteur ou de ses ayants droit c’est-à-dire l’éditeur en matière<br />

musicale ; ce que requiert également le bulletin de déclaration « vidéo-variétés » de la<br />

SACEM 3 . Solution appliquée par la jurisprudence, notamment par le TGI de Créteil qui jugea<br />

que le karaoké, par toutes les transformations effectuées, était une œuvre distincte, et comme<br />

elle avait été réalisée sans l’autorisation préalable de l’éditeur, il y avait atteinte aux droits<br />

d’adaptation audiovisuelle 4 .<br />

Faut-il encore préciser que le contrat d’adaptation audiovisuelle doit faire l’objet d’un contrat<br />

distinct du contrat d’édition.<br />

32. En matière musicale, on l’a vu au-dessus, le simple transfert d’une musique sur un support<br />

audiovisuel sans transformation de celle-ci, ne paraît mettre en cause que le droit de<br />

reproduction. Solution qui devrait logiquement être appliquée au karaoké qui correspond tout<br />

à fait à ce cas d’espèce. C’est ce qu’a décidé la dernière jurisprudence en la matière en<br />

refusant d’appliquer la notion d’adaptation 5 : l’œuvre musicale d’origine a été purement et<br />

simplement reproduite. Une œuvre composite existe tout de même, et donc en vertu de<br />

l’article L.113-4 CPI doit faire l’objet de l’autorisation des titulaires des droits au titre du droit<br />

1<br />

Paris, 13 mai 1964, JCP, G, 1964, II, 3932, note G. Lyon-Caen ; Desbois, op. cit., n°122-123.<br />

2<br />

P. Y. Gautier, op. cit., n°319 ; P. Y. Gautier, Juris. Class. PLA, op. cit., n°20 ; P. Y. Gautier, « Les œuvres<br />

multimédias en droit français », op. cit. ; C. Chamagne, op. cit.<br />

3<br />

P. M. Bouvery, Les contrats de la musique, Irma, 2003, p.48.<br />

4<br />

TGI Créteil 1 ère ch., 13 janvier 1998, préc.<br />

5<br />

Paris 4 ème ch., 29 mai 2002, préc.<br />

18


de reproduction. Comme on l’a vu précédemment, selon le dernier état de la jurisprudence, il<br />

faudra pour le producteur du vidéogramme de karaoké obtenir l’autorisation de la SDRM pour<br />

la musique et celle de l’éditeur pour le texte de la chanson 1 .<br />

Cette dernière solution conduit donc à l’application des concepts du droit d’auteur de façon<br />

stricte et dans le sens même de leur définition.<br />

33. Après avoir a priori écarté le droit d’adaptation en matière de karaoké, on s’intéressera au<br />

point de savoir si les éditeurs de musique peuvent revendiquer les droits qu’ils appellent droit<br />

de synchronisation et droit de fragmentation.<br />

II. LES AUTORISATIONS REQUISES QUANT A UN EVENTUEL DROIT DE<br />

SYNCHRONISATION OU DE FRAGMENTATION<br />

34. La pratique actuelle revendique deux droits qui sont à la limite du droit moral et des droits<br />

patrimoniaux, et qui sont donc sujets à discussions ; il s’agit du droit de fragmentation (A), et<br />

du droit de synchronisation (B).<br />

A. Le droit de fragmentation<br />

35. La question s’est posée en matière de karaoké de savoir si la reproduction de la musique<br />

pouvait faire l’objet d’un droit de fragmentation. En effet, seule l’orchestration musicale de la<br />

chanson est reproduite sur le vidéogramme, de ce fait la musique est fragmentée.<br />

36. Cette notion de fragmentation ne figure pas dans la loi, donc n’est pas réglementée en tant<br />

que telle ni même évoquée dans le Code de la Propriété Intellectuelle. C’est la pratique qui en<br />

fait usage et qui l’a défini comme le droit de ne reproduire que de courts extraits d’une<br />

composition musicale sur un support sonore ou audiovisuel 2 .<br />

La jurisprudence a essayé de comprendre cette notion, mais s’est montrée plutôt réticente en<br />

ce qui concerne sa reconnaissance puisqu’elle ne la considère que comme une dénomination<br />

d’usage 3 . Ainsi, le TGI de Paris le 26 novembre 1997 a décidé que « l’on ne saurait recourir<br />

aux clauses du contrat-type rédigé par le BIEM et l’IFPI et notamment l’article VI dans ses<br />

alinéas 6, 8 et 10, qui fait état de « fragments protégés » et de « reproduction fragmentaire<br />

d’une œuvre du répertoire », pour invoquer l’émergence spontanée d’un droit nouveau de<br />

fragmentation, alors que cette notion, inconnue de la loi, est décrite par l’alinéa 9 de la même<br />

1<br />

Civ. 1 ère , 13 novembre 2003, préc.<br />

2<br />

A. Bertrand, La musique et le droit de Bach à Internet, op. cit., n°151 ; P. M. Bouvery, op. cit., p.53.<br />

3<br />

P. M. Bouvery, Ibid.<br />

19


clause comme : « toute reproduction de cette œuvre n’excédant pas une minute 45 secondes »,<br />

qu’ainsi, la fragmentation ne doit s’entendre que comme une reproduction partielle soumise<br />

au droit de reproduction habituel » 1 . En effet, il s’agit là d’une reproduction partielle de<br />

l’œuvre musicale car si l’on s’en tient à la description du contrat-type, on peut constater que le<br />

karaoké n’est pas une courte citation de l’œuvre mais un découpage de celle-ci. Et toute<br />

reproduction « des traits caractéristiques généraux » d’une œuvre constitue une reproduction<br />

partielle de celle-ci 2 .<br />

Ce jugement a été confirmé par la Cour d’Appel de Paris le 29 mai 2002 qui a estimé de la<br />

même manière que « le prétendu droit de fragmentation n’est rien d’autre que la reproduction<br />

partielle de l’œuvre originale, soumise au régime du droit de reproduction » 3 . Par conséquent,<br />

conformément à l’article L.122-4, 1 ère phrase, du CPI qui « prévoit que la reproduction…<br />

partielle de l’œuvre faite sans le consentement de l’auteur est illicite », la reproduction de la<br />

seule orchestration musicale est soumise à l’assentiment de l’auteur, c’est-à-dire comme on l’a<br />

vu de la SDRM.<br />

37. De la même façon, la doctrine est réticente à dégager un nouveau droit de fragmentation<br />

pour une utilisation fragmentée d’une chanson, qui n’aurait de répercussion que sur le<br />

fondement du droit moral de l’auteur et de l’artiste-interprète 4 .<br />

On peut ajouter que pour certains auteurs le pseudo droit de fragmentation se confond avec le<br />

pseudo droit de synchronisation, tous deux se voyant conférer le même sort 5 .<br />

B. Le droit de synchronisation<br />

38. Le droit de synchronisation, parfois rencontré sous le terme de fragmentation, est un droit<br />

revendiqué par les auteurs et éditeurs lorsqu’une musique, dont ils sont titulaires, est associée<br />

à des images. En effet, cette notion qui a pris naissance avec le cinéma peut être défini en<br />

matière musicale comme « la reproduction d’une œuvre musicale liée à son utilisation sur<br />

support audiovisuel » 6 .<br />

39. Tout comme le prétendu droit de fragmentation, aucune trace du droit de synchronisation<br />

ne se retrouve dans le Code de la Propriété Intellectuelle. C’est donc la jurisprudence qui a<br />

évoqué cette notion tout d’abord en matière de programmes publicitaires ou d’auto-promotion<br />

1<br />

TGI Paris 3 ème ch., 26 novembre 1997, préc.<br />

2<br />

Civ. 1 ère , 16 juillet 1987, RIDA, janvier 1988, n°135, p.94.<br />

3<br />

Paris 4 ème ch., 29 mai 2002, préc.<br />

4<br />

P. Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, op. cit., n°156.<br />

5<br />

P. Sirinelli et Ch. Nguyen Duc Long, op. cit., n°121-47 ; C. Besse-Guenneteau, op. cit.<br />

6<br />

N. B. et J. C. Robert, L’anglais des producteurs, Economica, 1995, V° Synchronisation rights ; P. M. Bouvery,<br />

op. cit., n°130 ; A. Bertrand, La musique et le droit de Bach à Internet, op. cit., n°151.<br />

20


des télédiffuseurs pour lesquels la question s’est posée du champ d’application des contrats<br />

généraux conclu par la SACEM-SDRM avec les télédiffuseurs 1 . Dans plusieurs affaires, les<br />

juges ont considéré que la publicité, la promotion et/ou l’auto-promotion ne relevaient pas de<br />

ces contrats, et que donc l’autorisation de l’éditeur devait être sollicitée au titre des droits<br />

dérivés 2 .<br />

Si dans certaines décisions la Cour ne fait qu’évoquer le droit de synchronisation 3 , dans<br />

d’autres elle relève expressément une atteinte aux droits de l’éditeur dits de synchronisation.<br />

Ainsi notamment, dans une affaire où une chanson de Mylène Farmer avait été reproduite sur<br />

un CD parmi d’autres chansons, et avait été le support de la campagne publicitaire de ce CD,<br />

la Cour d’appel en a déduit que cette utilisation sans l’autorisation de l’éditeur à des fins<br />

publicitaires avait portée atteinte à son droit de synchronisation. La Cour reconnaît donc un<br />

droit patrimonial dérivé des autres en ce qu’il échappe à l’apport des auteurs et des éditeurs à<br />

la SACEM 4 . La solution ne permet toutefois pas de déterminer l’existence même du droit de<br />

synchronisation.<br />

40. En matière de karaoké, seul le Tribunal de Grande Instance de Créteil a évoqué la notion<br />

de synchronisation dont la société productrice de karaoké estimait avoir eu l’autorisation 5 .<br />

Toutefois, dans son jugement le tribunal semble l’associer à l’adaptation sans explication<br />

aucune, la qualification d’adaptation qui ne fait d’ailleurs pas l’unanimité auprès des<br />

tribunaux.<br />

41. En l’absence de réelles décisions mettant en cause la notion de synchronisation dans le<br />

karaoké, il nous paraît raisonnable d’appliquer les mêmes conséquences que pour le droit de<br />

fragmentation. Position d’ailleurs majoritairement défendue par la doctrine 6 .<br />

1<br />

P. Sirinelli et Ch. Nguyen Duc Long, op. cit., n°121-46 ; M. Ferret, Le droit de synchronisation, Mémoire Paris<br />

II, 1998 ; P. M. Bouvery, op. cit., n°532 ; N. Mallet-Poujol, op. cit., n°121 ; C. Chamagne, op. cit.<br />

2<br />

C. Chamagne, Ibid ; A. Savariau, La portée des contrats généraux de représentation entre les télédiffuseurs et<br />

les sociétés d’auteur, Mémoire Paris II, 1999, p.24 ; Civ. 1 ère , 24 avril 1998, préc. ; Paris 14 ème ch., 24 septembre<br />

1997, Légipresse, mars 1998, n°149, III, p.33, Comm. A. M. Pecoraro et V. Hassid ; D., 1999, Somm. 67, obs.<br />

Colombet ; Civ. 1 ère , 19 novembre 2002, Légipresse, janvier/février 2003, n°398, I, p.12 ; Légipresse, avril 2003,<br />

n°200, III, p.45, note C. Chamagne.<br />

3<br />

Paris 4 ème ch., 7 avril 1994, « Mambo », RIDA, avril 1995, p.354, 255, 263, et 285, obs. A. Kéréver ; D., 1995,<br />

Somm. p.56, obs. Colombet ; TGI Pais 3 ème ch., 10 mai 1996, RIDA, octobre 1996, p.326 ; Revue A. Bensoussan,<br />

1/1997, p.19, note G. Haas.<br />

4<br />

Paris 4 ème ch., 27 septembre 1996, RIDA, janvier 1997, p.257 et 249, obs. A. Kéréver ; RDPI, novembre 1996,<br />

p.34 ; M. Ferret, op. cit., n°42.<br />

5<br />

TGI Paris 1 ère ch., 13 janvier 1998, préc.<br />

6<br />

P. Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, op. cit., n°156 ; C. Caron, sous Civ. 1 ère , 13 novembre 2003,<br />

préc. ; Ch. Nguyen Duc Long, La numérisation des œuvres, aspects de droits d’auteur et de droits voisins,<br />

Litec/IRPI 2001, n°453.<br />

21


Le droit de synchronisation n’est que la reproduction d’une œuvre musicale, incorporée à une<br />

œuvre nouvelle. Dans le cas du karaoké, la chanson est reproduite en étant associée à des<br />

images illustrant le thème de la chanson ; cette incorporation de la chanson dans l’œuvre<br />

multimédia qu’est le karaoké, donne prise au droit d’auteur en vertu de l’article L.122-4, 1 ère<br />

phrase, du CPI.<br />

Les deux droits de fragmentation et de synchronisation relèvent donc d’une seule et même<br />

notion : la reproduction, et ne peuvent en aucun cas être revendiqués comme tels par les<br />

éditeurs de musiques. Leur invocation est donc très douteuse et revêt plutôt une connotation<br />

morale (conf. Chapitre 2).<br />

42. La qualification des droits patrimoniaux est un exercice difficile. L’émergence de droits<br />

nouveaux paraît dangereuse pour le droit d’auteur car elle conduit à une multiplication des<br />

autorisations à obtenir en matière de réutilisation d’œuvres musicales. C’est pourquoi il paraît<br />

judicieux de clarifier la situation et de se cantonner à la division droit de représentation/ droit<br />

de reproduction, tout en se tournant vers le droit moral qui est fréquemment invoqué en<br />

matière de karaoké.<br />

CHAPITRE II : LE DROIT MORAL<br />

43. En vertu des articles L.121-1 et L.212-2 CPI, les auteurs et artistes-interprètes jouissent<br />

respectivement de droits moraux qui leur permettent de conserver dans toutes hypothèses un<br />

droit de regard sur la réutilisation de leurs œuvres et prestations. Ce droit moral est<br />

inaliénable, et donc quand bien même ils auraient cédé leurs droits patrimoniaux, ils peuvent<br />

toujours s’opposer à une exploitation. Le droit moral se décompose en plusieurs attributs,<br />

mais nous nous attacherons ici uniquement au droit au respect, qui fait l’objet de divers<br />

contentieux en matière de karaoké. Ce droit au respect revêt lui-même deux aspects très<br />

souvent étroitement liés 1 : le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre ou de l’interprétation<br />

(Section 1), et le droit au respect de l’esprit de l’œuvre ou de l’interprétation (Section 2). En<br />

effet, dès avant la loi de 1957, la jurisprudence affirmait que « l’œuvre ne devait être<br />

déformée ni dans sa forme ni dans son esprit » 2 .<br />

SECTION 1 : LE DROIT AU RESPECT DE L’INTEGRITE DE L’ŒUVRE<br />

ET DE L’INTERPRETATION<br />

1<br />

A. Bertrand, Le droit d’auteur et les droits voisins, op. cit., n°6.131.<br />

2<br />

Paris, 28 juillet 1932, D. P., 1934. 2. 139, note Lepointe ; Colombet, op. cit., n°147 ; A. et H. J. Lucas, op. cit.,<br />

n°413 ; M. Gautreau, op. cit., p.47.<br />

22


44. Le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre est fréquemment invoqué par les auteurs et<br />

artistes-interprètes dans le karaoké quant à la destruction de l’unité artistique de l’œuvre (I), et<br />

quant à la fragmentation du texte de la chanson (II).<br />

I. DESTRUCTION DE L’UNITE ARTISTIQUE DE L’ŒUVRE ET DE<br />

L’INTERPRETATION<br />

45. La destruction de l’unité artistique de l’œuvre doit s’entendre tout d’abord de la<br />

destruction du lien harmonique naturel (A), puis de la dissociation des paroles de la chanson<br />

et de la musique (B).<br />

A. Destruction du lien harmonique naturel<br />

46. Le droit au respect implique que la musique ne doit subir aucune altération, adjonction ou<br />

suppression de la part des tiers, et ce « qu’elle qu’en soit l’importance » 1 .<br />

Cela s’applique pour les auteurs et pour les artistes-interprètes de la même façon 2 .<br />

47. On peut préciser dans un premier temps qu’avec le multimédia, les œuvres sont beaucoup<br />

plus susceptibles d’être atteintes dans leur intégrité 3 . La numérisation permet à l’utilisateur<br />

d’avoir un rapport de qualité avec les œuvres, ce qui est le cas dans le karaoké ; en effet, le<br />

rythme de la musique peut être ralenti pour permettre au chanteur amateur de suivre au mieux<br />

la chanson qu’il interprète.<br />

48. Dans le karaoké, le lien harmonique naturel est détruit car le procédé dissocie la voix du<br />

chanteur habituel, de la musique d’accompagnement puisque l’interprétation vocale d’origine<br />

n’est pas reproduite. On permet donc aux chanteurs occasionnels de poser leur voix sur la<br />

composition musicale d’un auteur, ou en cas d’émission télévisuelle de karaoké d’interpréter<br />

les chansons pendant qu’un orchestre joue 4 . On ne peut alors que constater une atteinte au<br />

droit moral de l’auteur ou de l’artiste.<br />

1<br />

Civ. 1 ère , 24 février 1998, préc. ; P. Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, op. cit., n°134 ; A. et H. J.<br />

Lucas, op. cit., n°412 et 417 ; M. Fabiani, « Le droit de l’auteur à l’intégrité de son œuvre », RIDA, janvier 1964,<br />

p.179 ; L. Veyssière et F. Corone, « Publicité et musique, de l’œuvre préexistante à l’œuvre de commande : une<br />

note sur des accords majeurs », Légicom, n°13, 1997/1, p.39, et D. Aff., 1998, p.131 ; A. Bertrand, Le droit<br />

d’auteur et les droits voisins, op. cit., n°6.13 ; M. Ferret, op. cit.<br />

2<br />

TGI Paris 1 ère ch., 10 janvier 1990, « Rostropovitch », RIDA, juillet 1990, p.368 et 318, obs. A. Kéréver ; D.,<br />

1991, p.206, note B. Edelman ; D., 1991, Somm. 99, obs. Colombet.<br />

3<br />

Ch. Nguyen Duc Long, op. cit., n°453 ; Lucas, Droit d’auteur et numérique, Litec, 1998, n°479 et 506.<br />

4<br />

Paris 4 ème ch., 28 avril 2000, préc.<br />

23


Mais, si les tribunaux sont parfois très brutaux pour caractériser cette atteinte au droit moral<br />

comme l’ont démontré les jugements du 26 novembre 1997 et du 28 mai 2003 qui ont décidé<br />

que « l’enregistrement sous forme de karaoké engendre nécessairement une altération de<br />

l’œuvre originale à apprécier comme un tout indissociable» 1 , l’appréciation de cette atteinte<br />

n’est pas toujours si stricte.<br />

49. Le critère d’appréciation de l’atteinte au droit au respect de l’intégrité de l’œuvre est celui<br />

de la destruction du lien harmonique naturel qui existait avec la ligne mélodique de l’œuvre<br />

initiale, critère d’ailleurs fréquemment utilisé en matière musicale. En effet, dans un jugement<br />

du 26 novembre 1997, le TGI de Paris ne retint pas l’atteinte au droit moral de l’auteur/artisteinterprète<br />

pour l’utilisation d’une chanson de Jean Ferrat, dans son intégralité mais en deux<br />

extraits successifs, dans le générique d’un film documentaire télévisé au motif « que cette<br />

présentation n’a rompu ni le rythme ni la ligne mélodique de la chanson qui n’a subi aucune<br />

altération » 2 .<br />

On peut relever, dans toutes ces affaires, que si les arrêts ne mentionnent pas le droit moral<br />

des artistes-interprètes ou l’évoquent de façon succincte, il est évident que les atteintes<br />

constatées pour l’auteur s’appliquent à l’artiste 3 .<br />

Faut-il encore ajouter que dans un arrêt récent, concernant une vidéocassette intitulée<br />

« KARA OK ! » montrant un groupe d’interprètes chantant des chansons dont les paroles<br />

étaient reproduites à l’écran avec des images, la solution fut tout à fait imprévisible et très peu<br />

claire. En effet, la Cour d’Appel de Paris le 23 janvier 2004, sur une plainte d’un des<br />

auteurs/artistes-interprètes qui n’avait pas donné son autorisation pour cette vidéo, décida<br />

« que l’œuvre est en l’espèce chantée, paroles et musiques, par un groupe d’artistes qui livre<br />

l’œuvre au public intégralement, sans déformation, mutilation ou autre modification » 4 .<br />

On attend impatiemment la décision de la Cour de Cassation sur ce point très délicat, qui,<br />

nous l’espérons renversera la solution de la Cour d’Appel.<br />

50. Enfin, dans l’arrêt du 14 mars 2001, l’artiste-interprète invoque une atteinte à son droit<br />

moral du fait que figurait sur la pochette des vidéogrammes de karaoké la mention « Similaire<br />

à la version de J. Ferrat ». La Cour, à l’inverse du TGI de Paris dans une affaire similaire<br />

1<br />

TGI Paris 3 ème ch., 26 novembre 1997, préc. ; Paris 4 ème ch., 29 mai 2002, préc. ; TGI Paris 3 ème ch., 28 mai<br />

2003, préc.<br />

2<br />

TGI Paris 3 ème ch., 26 novembre 1997, « Jean Ferrat », RIDA, juillet 1998, p.285 et 249, obs. A. Kéréver ;<br />

Comp., Versailles 13 ème ch., 28 septembre 1995, RIDA, octobre 1996, p.254 ; C. Besse-Guenneteau, op. cit.<br />

3<br />

Paris 4 ème ch., 29 juin 2001, inédit.<br />

4<br />

Paris 4 ème ch., 23 janvier 2004, Légipresse, mars 2004, n°209-26 ; Juris-Data n°2004-235860.<br />

24


elative à la chanson « les feuilles mortes » de J. Prévert 1 , jugea que cette mention n’entraînait<br />

aucune confusion dans l’esprit du public qui était à même de faire la distinction entre une<br />

version similaire et une version originale.<br />

B. Dissociation des paroles et de la musique<br />

51. Le principe même du karaoké est de dissocier les paroles de la musique pour permettre à<br />

l’interprète de chanter sur le rythme de la musique. Cette dissociation, qui résulte de la<br />

numérisation de l’œuvre musicale, va modifier la forme de cette dernière, et provoquer une<br />

atteinte à son intégrité 2 .<br />

Pour autant, les tribunaux ne retiennent pas forcément une atteinte au droit moral. Dans<br />

l’arrêt du 28 avril 2000, la quatrième chambre de la Cour d’Appel de Paris rejette l’atteinte au<br />

droit moral alors que les auteurs invoquaient « une utilisation discontinue de la musique et des<br />

paroles ». Pour la Cour, la seule reproduction des paroles sur l’écran ne modifie pas l’œuvre et<br />

ne procède pas d’un usage discontinu de la musique et du texte 3 .<br />

52. Néanmoins, il paraît raisonnable de considérer que cette séparation en deux éléments de la<br />

chanson, si toutefois celle-ci est retenue 4 , conduit à son altération. En effet, dans un<br />

vidéogramme de karaoké, si seule une partie de la musique (sans l’interprétation vocale de<br />

l’auteur/artiste-interprète) est reproduite et les paroles des chansons incrustées à l’écran, il n’y<br />

a plus de lien cohérent entre la musique et les paroles ; ce qui dénature la chanson. « La<br />

chanson n’existe dans son intégralité que grâce à la participation de l’utilisateur qui chante en<br />

suivant les paroles sur l’écran » 5 .<br />

La Cour d’Appel en 2002 est catégorique sur les conséquences de la dissociation des paroles<br />

et de la musique. Elle conduit à la « destructuration » de l’œuvre originale, et cette<br />

destructuration entraîne nécessairement atteinte à l’intégrité de l’œuvre qui doit s’apprécier<br />

comme un tout indivisible 6 .<br />

53. Par ailleurs, si l’on peut retenir des atteintes au droit au respect de l’œuvre ou de<br />

l’interprétation, envisagée comme un tout, le texte de la chanson en lui-même subit des<br />

altérations.<br />

1<br />

TGI Paris 3 ème ch., 7 octobre 1992, RIDA, janvier 1993, n°155, p.222 ; Comp. Paris 4 ème ch., 27 septembre<br />

1996, préc.<br />

2<br />

H. Bitan, « Les rapports de force entre la technologie du multimédia et le droit », Gaz. Pal., 26-27 janvier 1996,<br />

p.10 ; Ch. Nguyen Duc Long, op. cit., n°441.<br />

3<br />

Paris 4 ème ch., 28 avril 2000, préc. ; P. Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, op. cit., n°134 ; Contra,<br />

Paris 4 ème ch., 14 mars 2001, préc. ; Paris, 9 juin 2000, préc. ; X. Linant de Bellefonds, op. cit., n°794.<br />

4<br />

Paris 4 ème ch., 23 janvier 2004, préc.<br />

5<br />

TGI Créteil 1 ère ch., 13 janvier 1998, préc.<br />

6<br />

Paris 4 ème ch., 29 mai 2002, préc.<br />

25


II. FRAGMENTATION DU TEXTE<br />

54. Dans le cas du karaoké, la fragmentation du texte provient tout d’abord de son découpage<br />

(A), et ensuite de sa coloration (B).<br />

A. Découpage du texte<br />

55. Dans les arrêts du 14 mars et du 7 mai 2001, la Cour d’Appel précise bien qu’il y a<br />

atteinte au droit moral du fait de la « synchronisation de la musique d’accompagnement avec<br />

un texte fragmenté » 1 . En effet, dans le karaoké, la musique n’est pas seule fragmentée, le<br />

texte aussi. Les paroles sont découpées car elles défilent progressivement à l’écran par<br />

groupes. Ce regroupement du texte des paroles de la chanson prive en quelque sorte la<br />

continuité qu’a recherché l’auteur en créant sa chanson.<br />

56. Il est possible de comparer le karaoké, dans lequel le texte de la chanson est fragmenté,<br />

avec une affaire opposant Jacques Brel au RPR. Dans cette affaire, une affiche de propagande<br />

du RPR avait comme titre deux vers non successifs d’une chanson de J. Brel non séparés de<br />

points de suspension. La Cour d’Appel, ainsi que la Cour de Cassation, décidèrent qu’était<br />

une atteinte à l’intégrité de l’œuvre du fait « d’une mutilation et d’une dénaturation de l’œuvre<br />

de J. Brel » le fait d’avoir juxtaposé deux extraits non successifs d’une chanson en un extrait<br />

unique sur une affiche de propagande du RPR 2 . En effet, le rapprochement des deux vers<br />

disjoints sans points de suspension donnait à l’affiche un message différent de la chanson et<br />

pouvait entraîner un risque de confusion. La façon de reproduire le texte d’une chanson peut<br />

donc conduire à sa mutilation et être alors caractérisée d’atteinte au droit au respect de<br />

l’intégrité de l’œuvre.<br />

57. De plus, avec ce découpage, les paroles peuvent être lues et/ou chantées, alors que l’auteur<br />

les a uniquement prévues pour être chantées sur le rythme de sa musique.<br />

1<br />

Paris 4 ème ch., 14 mars 2001, préc. ; Paris 1 ère ch., 7 mai 2001, préc.<br />

2<br />

Paris 4 ème ch., 21 juin 1988, RIDA, octobre 1988, p.304 ; Cahiers du droit d’auteur, 1988, n°8, p.17 ; Petites<br />

Affiches, 21 février 1989, p.7 ; D., 1990, Somm. 53, obs. Colombet ; A. Kéréver, « Les emprunts à une œuvre<br />

préexistante et aux personnages d’autrui », in Publicité et droit d’auteur, Colloque IRPI, 1990, p.69, 72-73, et<br />

Colombet, « Droit au respect de l’œuvre et pratiques publicitaires », Ibid, p.89 ; Civ. 1 ère , 27 mars 1990, Bull.<br />

Civ., 1990, I, n°75 ; JCP, G, IV, p.203 ; RIDA, juillet 1990, p.320, obs. A. Kéréver ; Légipresse, 1991, n°82, III,<br />

p.63, note Dérieux.<br />

26


58. On comprend donc en étudiant ces atteintes au droit moral, du fait de la fragmentation du<br />

texte des paroles d’une chanson, que le droit moral s’applique pleinement au multimédia, et ce<br />

de la même manière que pour tout genre d’œuvre 1 .<br />

59. Toutefois, certains arrêts refusent de considérer une atteinte au droit moral quant au texte<br />

de la chanson. En effet, la 4 ème chambre de la Cour d’Appel de Paris, le 28 avril 2000, a jugé<br />

que les paroles n’avaient été ni modifiées ni dénaturées, et que la reproduction des paroles sur<br />

l’écran n’altère pas l’œuvre 2 . Pour elle, le fait de faire apparaître les paroles d’une chanson à<br />

l’écran n’est pas une modification de l’œuvre, c’est juste permettre au public d’interpréter la<br />

chanson aisément.<br />

B. Coloration des paroles sur l’écran<br />

60. Dans le karaoké, les paroles de la chanson se colorient progressivement pour permettre à<br />

l’interprète de suivre exactement la chanson et pour l’interpréter au mieux en synchronisation<br />

avec la musique d’accompagnement. La coloration du texte des paroles de la chanson facilite<br />

donc l’interprétation par des chanteurs occasionnels. En effet, s’il est possible de réduire le<br />

rythme de la musique d’accompagnement, il en est de même pour la coloration du texte. Tout<br />

est fait pour permettre à l’amateur de se conformer à l’interprétation vocale d’origine qui n’est<br />

pas reproduite.<br />

On constate donc la réelle interactivité de ce produit multimédia que constitue le karaoké. Il<br />

permet une « manipulation » de l’œuvre musicale de part toutes les techniques numériques. Et<br />

le droit moral est, par hypothèse, menacé par ces manipulations 3 .<br />

C’est pourquoi la jurisprudence décide que la coloration du texte pour être en synchronisation<br />

avec la musique d’accompagnement constitue une atteinte au droit au respect de l’intégrité de<br />

l’œuvre 4 . En effet, il semble tout à fait illicite de laisser un producteur de vidéogramme de<br />

karaoké fabriquer un karaoké en lui permettant, pour ce faire, d’apporter autant de<br />

modifications sans autorisation de l’auteur. La reproduction du texte d’une chanson nécessite<br />

donc, à côté de l’autorisation de l’éditeur sur le plan des droits patrimoniaux, une autorisation<br />

de l’auteur pour le droit moral.<br />

1<br />

C. Caron, « Droit moral et multimédia », Légicom, n°13, avril, mai, juin 1995, p.44.<br />

2<br />

Paris 4 ème ch., 28 avril 2000, préc.<br />

3<br />

Lucas, Droit d’auteur et numérique, op. cit., n°479 ; C. Caron, « Droit moral et multimédia », op. cit.<br />

4<br />

Paris 4 ème ch., 14 mars 2001, préc. ; Paris 1 ère ch., 7 mai 2001, préc.<br />

27


Cependant, les tribunaux ne retiennent pas automatiquement une atteinte au droit moral. Par<br />

exemple, comme on l’a vu, la cour d’Appel dans un des deux arrêts du 28 avril 2000 avait<br />

jugé que les paroles n’avaient été ni modifiées ni dénaturées 1 .<br />

61. Après avoir analysé les atteintes au respect de l’intégrité de l’œuvre et de l’interprétation,<br />

il convient de s’intéresser à celles relatives au respect de l’esprit de l’œuvre qui sont moins<br />

souvent retenues par les tribunaux car moins faciles à déterminer.<br />

SECTION 2 : LE DROIT AU RESPECT DE L’ESPRIT DE L’ŒUVRE ET DE<br />

L’INTERPRETATION<br />

62. L’atteinte au respect de l’esprit de l’œuvre ou de l’interprétation est caractérisée lorsque<br />

l’œuvre se retrouve placée dans un contexte autre que le sien qui la déprécie et en affecte le<br />

sens, sans même qu’il y ait une quelconque modification matérielle. La jurisprudence relative<br />

au karaoké estime que l’insertion d’une œuvre de l’esprit dans une œuvre audiovisuelle est<br />

susceptible de porter atteinte au droit moral de l’auteur 2 . Nous verrons si c’est effectivement<br />

le cas d’une œuvre musicale (I). Puis, nous verrons si cette dernière est détournée de sa<br />

destination d’origine par le procédé de karaoké (II).<br />

I. LE RESPECT DE L’ŒUVRE MUSICALE INSEREE DANS UNE ŒUVRE<br />

AUDIOVISUELLE<br />

63. Il faut s’intéresser ici aux éléments qui sont ajoutés à l’œuvre musicale originaire. En<br />

effet, comme on l’a vu les paroles des chansons apparaissent sur l’écran (B), et des images,<br />

adjointes à l’œuvre musicale, défilent en même temps que les paroles (A).<br />

A. Juxtaposition d’images<br />

64. Dans le karaoké, des images sont juxtaposées à la chanson ; ces images pouvant être fixes,<br />

animées, ou même constituer une sorte de film illustrant l’œuvre. Il y a donc un problème<br />

relatif à la diffusion de l’œuvre musicale avec des images, étrangères à la création musicale<br />

initiale 3 .<br />

1<br />

Paris 4 ème ch., 28 avril 2000, préc.<br />

2<br />

TGI Paris 3 ème ch., 28 mai 2003, préc.<br />

3<br />

C. Chamagne, op. cit.<br />

28


65. Comme on l’a vu auparavant, le karaoké peut difficilement être qualifié d’adaptation<br />

audiovisuelle. De ce fait aucune autorisation n’est nécessaire sur le terrain des droits<br />

patrimoniaux de la part de l’éditeur de musique. Néanmoins, si cette juxtaposition d’images<br />

ne doit plus être invoquée au niveau des droits patrimoniaux, le droit moral, prérogative<br />

incessible de l’auteur et de l’artiste-interprète, suppose, lui, une autorisation.<br />

De plus, les impératifs techniques doivent être pris en compte, et la question est alors de<br />

savoir quelles sont les limites à ne pas franchir sur le plan du droit moral en ce qui concerne<br />

l’adjonction d’images 1 .<br />

66. En pratique, l’ajout de ces images, en soi, n’est pas considéré comme une atteinte au droit<br />

au respect de l’œuvre. La Cour d’Appel de Paris, le 29 mai 2002, a considéré que les auteurs<br />

n’avaient pas démontré « que la simple juxtaposition d’images, en soi, parfaitement banales,<br />

qui apparaissent au moment où n’apparaissent plus les paroles, aurait été de nature à<br />

dévaloriser l’œuvre » 2 . C’est sans doute parce que les images sont en adéquation avec le<br />

thème de la chanson que les tribunaux refusent de retenir une atteinte au respect de l’esprit de<br />

l’œuvre. Mais, si les images n’avaient aucun lien avec l’œuvre et en dénaturaient le sens, alors<br />

il serait légitime de retenir une atteinte au droit moral. C’est la solution qu’ont retenue les<br />

jugements du 26 novembre 1997 et 28 mai 2003 en énonçant « que l’ajout d’images<br />

étrangères à la création originale aboutit à une œuvre globalement différente » 3 . De même, la<br />

Cour d’Appel de Paris, le 14 mars 2001, a relevé expressément une atteinte au droit moral du<br />

fait de « la synchronisation de la musique d’accompagnement avec des images » 4 .<br />

Cette solution n’étonnera pas car, avec le développement du multimédia, les œuvres de genre<br />

différent, associées ensemble, cohabitent bien souvent mal 5 . Le karaoké en est un bon<br />

exemple car l’auteur ou l’artiste voit leur prestation associée à des images ou même un<br />

scénario qu’ils n’avaient jamais envisagé.<br />

67. On peut faire un parallèle avec un arrêt du 19 septembre 2001 mettant en cause des<br />

œuvres et interprétations de J. Brel. Dans cette affaire, un film ainsi qu’une vidéocassette,<br />

avaient été réalisés, incorporant des chansons de J. Brel, sans autorisation de celui-ci. La Cour<br />

d’Appel a jugé que l’insertion dans l’œuvre audiovisuelle, exploitée vidéographiquement, de<br />

1<br />

N. Mallet-Poujol, op. cit., n°149.<br />

2<br />

Paris 4 ème ch., 29 mai 2002, préc.<br />

3<br />

TGI Paris 3 ème ch., 26 novembre 1997, préc. ; TGI Paris 3 ème ch., 28 mai 2003, préc.<br />

4<br />

Paris 4 ème ch., 14 mars 2001, préc.<br />

5<br />

C. Caron, « Droit moral et multimédia », op. cit.<br />

29


compositions et d’interprétations musicales est une manipulation qui porte atteinte au droit<br />

moral de l’auteur et de l’interprète en modifiant la destination des prestations en cause 1 .<br />

Le vidéogramme de karaoké, associant images et chanson sans autorisation de son auteur,<br />

porterait donc atteinte au droit moral de ce dernier.<br />

B. Lecture des paroles à l’écran<br />

68. Les paroles défilent à l’écran petit à petit et le chanteur amateur peut les suivre. Le<br />

problème est que souvent il les connaît mal et les lira plus qu’il ne les chantera.<br />

Le but premier d’une œuvre musicale n’est certainement pas que les paroles soient reproduites<br />

sur un écran. En effet, lorsqu’un auteur crée une chanson, les paroles sont fixées sur des<br />

partitions, et le phonogramme est destiné à être mis dans le commerce pour un usage privé de<br />

l’utilisateur. Si la commercialisation des partitions est de faible importance aujourd’hui, c’est<br />

pourtant le seul mode de reproduction du texte qui est prévu par l’auteur et qui est confié à<br />

l’éditeur de musique. Encore une fois, la reproduction des paroles sur un écran nécessite<br />

l’autorisation de l’auteur pour ne pas porter atteinte à son droit moral. En effet, l’incrustation<br />

des paroles d’une chanson sur un écran, au surplus recouvertes par des images, peut porter<br />

atteinte à l’esprit de l’œuvre. Il y a détournement de l’œuvre de l’auteur. Ce dernier est en<br />

droit d’empêcher toute réutilisation de son œuvre qu’il juge non conforme à la destination<br />

intellectuelle qu’il a souhaité lui donner, et cela même en l’absence de toute modification<br />

matérielle (quoique dans le cas du karaoké il y ait en plus une altération matérielle du texte<br />

puisque celui-ci se colorie progressivement).<br />

69. Par application de l’arrêt de 2001, que l’on peut transposer par analogie au karaoké , on<br />

pourrait conclure que l’insertion d’une œuvre musicale dans un vidéogramme sans<br />

autorisation de l’auteur ou de l’artiste-interprète porte atteinte à son droit moral en détournant<br />

la destination voulue par lui 2 .<br />

De plus, dans un jugement du 21 février 1989, pour une publicité utilisant les paroles d’une<br />

chanson sans l’autorisation du parolier, le tribunal décida que « l’utilisation de l’œuvre,<br />

conçue pour être entendue et diffusée pour elle-même pour une destination totalement<br />

différente comme un support d’une œuvre nouvelle à caractère commercial, peut conduire à<br />

1<br />

Paris 4 ème ch., 19 septembre 2001, RIDA, janvier 2002, p.303.<br />

2<br />

Paris 4 ème ch., 19 septembre 2001, préc.<br />

30


une dépréciation de l’œuvre en tant que telle connue sous son aspect artistique dans le<br />

domaine de la variété » 1 .<br />

L’atteinte au respect de l’esprit de l’œuvre devrait donc être retenue par les tribunaux du fait<br />

de l’incrustation des paroles de chansons sur un écran à des fins de karaoké.<br />

Toutefois, la Cour d’Appel de Paris, le 23 janvier 2004, jugea que « la superposition du texte<br />

aux images de cette interprétation ou le cadre général de l’œuvre audiovisuelle dans lequel<br />

cette interprétation s’inscrit, ne modifie pas l’esprit de l’œuvre, qui est une chanson populaire,<br />

ni n’est de nature à la dévaloriser ou à nuire à l’honneur ou à la réputation de son auteur » 2 . Il<br />

n’est donc pas sûr, pour le moment, que l’insertion d’une œuvre musicale dans une œuvre<br />

audiovisuelle porte atteinte à l’esprit de la première. Il serait donc intéressant que la Cour de<br />

Cassation clarifie la situation pour ne pas laisser le karaoké à la seule discrétion des<br />

producteurs et laisser le droit moral des auteurs/artistes-interprètes s’atténuer. L’affirmation<br />

de la Cour d’Appel étant de portée trop générale pour règlementer l’application du droit<br />

d’auteur au karaoké, la Cour de Cassation devrait définir un critère de dévalorisation de<br />

l’œuvre, surtout en ce qui concerne l’ajout d’images.<br />

70. Il faut aussi s’interroger sur une éventuelle atteinte à l’esprit de l’œuvre et de<br />

l’interprétation par le principe même du karaoké.<br />

II. LE RESPECT DE LA DESTINATION D’ORIGINE DE L’ŒUVRE MUSICALE<br />

ET DE SON INTERPRETATION<br />

71. La question est posée par les auteurs et artistes-interprètes de savoir si le karaoké est<br />

conforme à la destination normale d’une chanson.<br />

Lorsque l’auteur cède ses droits patrimoniaux, il met son œuvre à disposition du public en lui<br />

conférant une certaine destination. Lorsque l’œuvre est réutilisée, elle doit l’être aux mêmes<br />

fins que celles prévues à l’origine. Ce qui interdit tout détournement de l’œuvre 3 . Le droit de<br />

destination n’a donc pas juste une composante patrimoniale mais aussi extrapatrimoniale 4 .<br />

D’où la relation étroite entre les droits patrimoniaux et le droit moral.<br />

1<br />

TGI Paris 3 ème ch., 21 février 1989, RIDA, janvier 1990, p.293, obs. A. Kéréver ; A. Kéréver, RIDA, octobre<br />

1996, p.181 ; A. Kéréver, « Les emprunts à une œuvre préexistante et aux personnages d’autrui », op. cit., p.73 et<br />

Colombet, « Droit au respect de l’œuvre et pratiques publicitaires », op. cit., p.87.<br />

2<br />

Paris 4 ème ch., 23 janvier 2004, préc.<br />

3<br />

P. Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, op. cit., n°95, 132 et 134.<br />

4<br />

A. Kéréver, « Les emprunts à l’œuvre préexistante et aux personnages d’autrui », op. cit., p.74 ; P. Y. Gautier,<br />

« La fête juridique de la musique », Légicom, n°13, 1997/1, p.1.<br />

31


De même, depuis un arrêt Furtwängler, « l’artiste exécutant est fondé à interdire une<br />

utilisation autre que celle qu’il avait autorisée », il est donc protégé contre tout détournement<br />

de son interprétation, et ce de la même manière que l’auteur 1 .<br />

72. Ainsi, en matière musicale, a été jugée comme un détournement de la destination prévue<br />

par l’auteur l’utilisation d’une œuvre musicale à des fins publicitaires sans autorisation de<br />

l’auteur 2 . A titre d’exemple, on peut citer un arrêt du 25 juin 1996 dans lequel la Cour<br />

d’Appel de Paris a jugé que « l’utilisation à des fins publicitaires d’une œuvre dont ce n’était<br />

pas la vocation première, constitue un détournement de sa finalité lui faisant quitter le<br />

domaine purement artistique et littéraire pour celui du commerce » 3 , ainsi que l’arrêt du 7<br />

avril 1994 qui décida qu’« en utilisant la chanson comme support sonore d’un film<br />

publicitaire, M6, La Cinq et Dièse ont détourné cette œuvre musicale de sa destination, l’ont<br />

dénaturée et ont porté atteinte au droit moral de l’auteur » 4 .<br />

73. Dans le cas du karaoké, est-il possible de retenir un détournement de l’œuvre musicale ?<br />

On pourrait le penser puisque avec le multimédia et le développement de toutes les techniques<br />

numériques l’image que l’auteur entend donner à son œuvre est susceptible d’être affectée.<br />

Le jugement du 13 janvier 1998 a pris ce parti mais sur un autre fondement. Il a d’abord<br />

réaffirmé « que le changement de destination de l’œuvre requiert l’autorisation des auteurs »,<br />

puis a déclaré que par le karaoké la chanson devenait un exercice ludique étranger à la<br />

destination première de l’œuvre et donc qu’il fallait l’autorisation de l’auteur au titre de son<br />

droit de divulgation 5 . Ce qui constitue un détour bien ambigu pour caractériser un changement<br />

de destination de la chanson, surtout que l’aspect ludique n’est pas réellement en contradiction<br />

avec la création d’une œuvre musicale. Mais, le tribunal considérait aussi que l’adaptation et<br />

la synchronisation d’œuvre musicale confèrent à la chanson « une carrière différente du sort<br />

classique d’une œuvre musicale chantée ».<br />

Toutefois, la jurisprudence récente est plus réticente à retenir une atteinte à l’esprit de l’œuvre<br />

musicale par le karaoké. En effet, la Cour d’Appel, le 28 avril 2000, ne retint pas d’atteinte au<br />

1<br />

Civ. 4 janvier 1964, D., 1964.321, note Ph. Pluyette ; JCP, 1964, II, 13712 et I, 1844, chron. R. Badinter; RTD<br />

com., 1964.320, obs. Desbois.<br />

2<br />

L. Veyssière et F. Corone, op. cit. ; A. Bertrand, Le droit d’auteur et les droits voisins, op. cit., n°6.131 ; P. M.<br />

Bouvery, op. cit., n°532.<br />

3<br />

Paris 1 ère ch., 25 juin 1996, RIDA, janvier 1997, p.337 et 249, obs. A. Kéréver.<br />

4<br />

Paris 4 ème ch., 7 avril 1994, RIDA, avril 1995, p.354 ; D., 1995, Somm. p.56, Colombet ; RIDA, octobre 1996,<br />

n°170, obs. A. Kéréver ; TGI Paris 1 ère ch., 15 mai 1991, RIDA, 2/1992, p.209 ; JCP, G, 1992, II, 21919, note X.<br />

Daverat ; TGI Paris 3 ème ch., 10 mai 1996, RIDA, octobre 1996, p.326 ; Revue A. Bensoussan, 1/1997, p.19, note<br />

G. Haas.<br />

5<br />

TGI Créteil 1 ère ch., 13 janvier 1998, préc.<br />

32


droit moral au motif notamment que les paroles et la musique « ont été employées suivant leur<br />

destination d’origine pour l’interprétation de chansons » 1 .<br />

Le karaoké permet d’interpréter des chansons en rythme sur la mélodie originale, ce qui ne<br />

doit pas être qualifié d’atteinte à l’esprit de l’œuvre. En effet, cette dernière ne peut être<br />

caractérisée que dans des cas bien précis. Dans les affaires sur les publicités télévisuelles,<br />

l’atteinte au droit moral était très claire car la publicité n’était pas la vocation première de la<br />

chanson : elle lui donnait une fin commerciale, étrangère à son but d’origine.<br />

Or, dans le karaoké, il est impossible de noter une fin autre que celle conférée par l’auteur à<br />

l’origine. L’interprétation de chansons par des amateurs ne peut en aucun cas constituer, en<br />

soi, une atteinte au droit au respect de l’esprit de l’œuvre et de l’interprétation.<br />

Il serait de bon conseil d’empêcher les auteurs et artistes-interprètes d’invoquer le droit moral<br />

à tout bout de champs dans des hypothèses qui n’ont aucune chance d’aboutir.<br />

1<br />

Paris 4 ème ch., 28 avril 2000, préc.<br />

33


CONCLUSION<br />

74. Au sein du karaoké sont en cause les droits patrimoniaux d’auteurs et les droits voisins des<br />

artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes. Comme on a pu le constater à<br />

travers cette étude, ces droits posent problème en eux-mêmes et opposent les divers<br />

intervenants de la musique : en matière musicale, le conflit est vif entre les éditeurs et la<br />

SACEM. Toutefois, la jurisprudence relative au karaoké paraît s’être stabilisée, au moins à<br />

propos du droit de reproduction graphique en reconnaissant ce droit aux éditeurs de musique 1 .<br />

75. Par ailleurs, la pratique essaie de revendiquer en matière musicale de nouveaux droits qui<br />

mettent en péril, à long terme, l’avenir de la dualité actuelle des droits patrimoniaux de<br />

l’auteur : droit de représentation et droit de reproduction. En l’absence de loi sur le droit de<br />

fragmentation, autrement appelé droit de synchronisation (les deux étant parfois dissociés), il<br />

serait vivement souhaitable que la jurisprudence prenne les devants et précise clairement ce<br />

que seraient ces notions si elles devaient s’appliquer. En effet, il n’apparaît pas qu’une<br />

intervention législative s’impose en ce domaine puisque le but, comme on l’a dit, est de ne pas<br />

complexifier d’avantage le droit d’auteur.<br />

76. De plus, le karaoké met en cause le droit moral des auteurs. Si la jurisprudence est rare en<br />

ce qui concerne le droit moral des artistes-interprètes, il est évident que les solutions dégagées<br />

pour les auteurs s’appliquent à eux puisqu’ils disposent des mêmes prérogatives pour<br />

invoquer le droit au respect de leur interprétation. Sur ce terrain, si certaines atteintes au droit<br />

au respect de l’œuvre et de l’interprétation paraissaient évidentes, l’arrêt de la Cour d’Appel<br />

de Paris du 23 janvier 2004 semble jeter le doute en ne retenant aucune modification ni<br />

altération de l’œuvre musicale par l’enregistrement karaoké 2 . En effet, on l’a vu, le karaoké,<br />

en détruisant le lien harmonique naturel et en dissociant les paroles de la musique, détruit<br />

l’unité artistique recherchée par l’œuvre musicale. Il semble alors impossible que les<br />

modifications et transformations dont se plaignent les auteurs et artistes-interprètes soient<br />

rejetées par les tribunaux. Il est impératif que la Cour de Cassation prenne position sur cette<br />

question qui génère de nombreux contentieux en la matière. Le droit moral doit aussi pouvoir<br />

être invoqué par l’auteur en ce qui concerne le texte de sa chanson qui subit manifestement en<br />

ce domaine de réelles transformations.<br />

1<br />

Civ. 1 ère , 13 novembre 2003, préc.<br />

2<br />

Paris 4 ème ch., 23 janvier 2004, préc.<br />

34


Toutefois, l’auteur pourrait accepter, par une stipulation contractuelle, des modifications sur<br />

son œuvre. En effet, selon un arrêt du 28 janvier 2003, à condition de ne pas être une<br />

renonciation globale et une condition potestative, l’auteur peut donner une autorisation<br />

spéciale, en connaissance de cause, aux modifications qui seront apportées par un fabricant de<br />

karaoké 1 . L’important serait donc que l’atteinte au droit moral ne soit pas laissée à la seule<br />

appréciation du producteur de karaoké.<br />

77. Le droit moral est aussi mis en avant par les auteurs/artistes-interprètes relativement aux<br />

atteintes portées à l’esprit de leur prestation. Les tribunaux n’ont pas statué fréquemment sur<br />

ces questions de droit au respect de l’esprit de l’œuvre en matière de karaoké. Les questions<br />

qui posent le plus de problèmes sont l’adjonction d’images et l’incrustation des paroles de la<br />

chanson sur l’écran. Pour la première, il semble évident que si les images n’ont aucun lien<br />

avec l’œuvre et sont bien souvent ridicules par rapport à elle, il faudrait permettre à l’auteur<br />

de revendiquer l’atteinte à l’esprit de son œuvre car il en va d’une dévalorisation de son<br />

oeuvre. Pour la deuxième, quelque peu plus complexe, la même solution devrait s’appliquer.<br />

Un dernier point soulève de nombreuses interrogations et laisse un peu perplexe. Les auteurs<br />

et artistes-interprètes dénoncent le principe même du karaoké comme détournant la<br />

destination d’origine de leur prestation. Les tribunaux sont assez stricts et ne retiennent pas<br />

d’atteinte au droit moral. La justification que l’on peut avancer est que le droit moral doit<br />

trouver des limites, il ne peut être revendiqué sans raisons sous peine que la jurisprudence<br />

relève un abus de droit. En effet, la théorie de l’abus de droit permet d’engager la<br />

responsabilité du titulaire des droits s’il dépasse les limites de son droit et cause par là même<br />

un préjudice à un tiers 2 . Il s’agit d’un principe général du droit qui doit s’appliquer au droit<br />

d’auteur même en l’absence de dispositions expresses en prévoyant l’application 3 . La théorie<br />

de l’abus de droit veille au respect de la finalité du droit moral qui est la défense de la création<br />

de l’auteur. Elle intervient lorsque l’action de l’auteur sur le fondement de son droit moral est<br />

animée d’une toute autre intention (comme un intérêt financier). Les auteurs et artistesinterprètes<br />

sont donc tenus à un devoir de loyauté conformément à l’article 1134, alinéa 3 du<br />

1<br />

Civ. 1 ère , 28 janvier 2003, RIDA, avril 2003, n°96, p.415 et 281, obs. A. Kéréver ; D., 2003, AJ, p.559, obs. J.<br />

Daleau ; CCE, mars 2003, Comm. n°21, C. Caron ; Propriétés Intellectuelles, 2003, n°7, p.165, note P. Sirinelli ;<br />

Légipresse, mai 2003, n°201, III, p.61, note A. Maffre-Bauger; Cahier droit des aff., n°8, p.559 ; P. Y. Gautier,<br />

Propriété littéraire et artistique, op. cit., n°122 ; A. et H. J. Lucas, op. cit., n°427 ; Colombet, op. cit., n°149 ; M.<br />

Gautreau, op. cit., p.47 ; Lucas, Droit d’auteur et numérique, op. cit., n°497 ; N. Mallet-Poujol, op. cit., n°147.<br />

2<br />

F. Terré, Introduction générale au droit, Dalloz, 6 ème édition, 2003, n°395 ; G. Cornu, Introduction, Les<br />

personnes, Les biens, Montchrestien, 11 ème édition, 2003, n°147 et s., et 1082 et s.<br />

3<br />

C. Caron, Abus de droit et droit d’auteur, Litec, IRPI, 1998, n°20 et s.<br />

35


Code Civil, et ne peuvent agir en justice lorsque la protection de leurs droits n’est pas<br />

réellement en cause.<br />

Il est en effet important de veiller à une application raisonnée et raisonnable du droit d’auteur<br />

car il en va de la légitimité des fondements et de l’application de ce droit.<br />

36


BIBLIOGRAPHIE<br />

Ouvrages généraux<br />

Propriété Littéraire et Artistique<br />

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Autres matières<br />

- G. Cornu, Introduction, Les personnes, Les biens, Montchrestien, 11 ème édition, 2003.<br />

- F. Terré, Introduction générale au droit, Dalloz, 6 ème édition, 2003.<br />

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38


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p.381, chron. A. Kéréver.<br />

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Gaz. Pal, 23-24 janvier 2002, p.39, note B. Amaudric du Chaffaut.<br />

- Paris 4 ème ch., 29 juin 2001, inédit.<br />

- Paris 4 ème ch., 19 septembre 2001, RIDA, janvier 2002, p.303.<br />

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2002, n°194, p.325 et 203, chron. A. Kéréver.<br />

- Civ. 1 ère , 19 novembre 2002, Légipresse, janvier/février 2003, n°398, I, p.12 ; Légipresse,<br />

avril 2003, n°200, III, p.45, note C. Chamagne.<br />

39


- Civ. 1 ère , 28 janvier 2003, RIDA, avril 2003, n°96, p.415 et 281, obs. A. Kéréver, D.,<br />

2003, AJ, p.559, obs. J. Daleau ; CCE, mars 2003, Comm. n°21, C. Caron ; Propriétés<br />

Intellectuelles, 2003, n°7, p.165, note P. Sirinelli ; Légipresse, mai 2003, n°201, III, p.61,<br />

note A. Maffre-Bauger; Cahier droit des aff., n°8, p.559.<br />

- TGI Paris 3 ème ch., 28 mai 2003, inédit.<br />

- Civ. 1 ère , 13 novembre 2003, JCP, G, 7 janvier 2004, p.27 à 29, note C. Caron ; D., 4<br />

décembre 2003, p.2967, obs. J. Daleau ; Gaz. Pal., 22-24 février 2004, n°53 à 55, p.23 à<br />

25, conclusions de l’avocat général J. Sainte-Rose.<br />

- Paris 4 ème ch., 23 janvier 2004, Légipresse, mars 2004, n°209-26 ; Juris-Data n°2004-<br />

235860.<br />

Sites Internet<br />

- www.ulb.ac.be<br />

- www.chez.com/rolandg800/4.htm.<br />

- www.sacem.fr<br />

40

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