6<strong>LA</strong> <strong>LETTRE</strong> <strong>DE</strong> L’IPRAUS 17 baray oriental baray occidental RN 6 Angkor Thom Phnom Bakheng Angkor Vat qui drainent les terrains, se remplissent en saison des pluies, constituant alors des réserves d’eau, qui se vident progressivement au cours de la saison sèche. Ainsi, la plaine d’Angkor, soumise au régime inégal de cet élément, milieu naturel fragile, constitue-t-elle aussi un paysage historique du fait de l’intervention ancienne et répétée des hommes. Cette occupation millénaire a laissé des traces monumentales, ces temples, palais, cultures, notamment rizicole, elles-mêmes témoignage historique. Ce territoire d’Angkor est donc caractérisé par la qualité de son écosystème et de son fragile milieu naturel, dont l’anthropisation au cours des siècles a suscité une interdépendance étroite des éléments historiques comme naturels qui le constituent. chaussées, douves, vastes pièces d’eau et baray 3 qui entraînent chaque année l’affluence croissante Riviere Siem Reap Siem Reap Roluos de visiteurs, mais aussi plus modestes, les bassins de drainage, les canaux qui traversent et irriguent la plaine d’Angkor, le parcellaire de rizière mis en place peu à peu par les Khmers. Tous témoignent du modelage du territoire au cours des siècles écoulés 4 , vaste paysage façonné progressivement par l’homme, où se mêlent vestiges archéologiques d’une importance variable et 1 On désigne sous le nom de Tonlé Sap le système hydrologique comprenant le lac et son exutoire naturel qui le relie au Mékong. 2 Les trapeang sont des bassins artificiels de forme rectangulaire, bordés de berges épaisses. 3 Les baray sont de vastes réservoirs d’eau, délimités par des digues et des fossés. 4 Cf. Christophe Pottier, Carte archéologique de la région d’Angkor – Zone sud, thèse sous la direction de Bruno Dagens, Université de Paris III – Sorbonne nouvelle, 1999, 3 volumes. Tonle Sap La région d’Angkor – Siem Reap, © Spot image, échelle d’origine 1/50 000e, 1991. Introduction géographique Inès Gaulis Les monuments et vestiges, qui constituent le site rivière Tonlé Sap – exutoire naturel du Grand Lac – et du d’Angkor (IXe – XVe siècles), se trouvent dispersés Mékong, les eaux de ce dernier, sous l’effet de la crue dans une région, celle de Siem Reap, située au nordouest de l’actuel Cambodge. Ce territoire est délimité provoquant l’inversion de son courant, et viennent en période de mousson, se précipitent dans la rivière, au nord-est par une chaîne de montagnes, les Phnom remplir le lac dont la surface va jusqu’à quadrupler. Kulen (498m). Les principales rivières qui traversent et Son niveau peut alors s’élever de sept à huit mètres et irriguent la plaine d’Angkor (les rivières Roluos, Siem la zone inondée s’étendre sur 20 à 50km, engendrant Reap et Puok), prennent leur source dans ce massif, qui des milieux naturels exceptionnels comme les forêts constitue ainsi le « château d’eau » de ce territoire, lieu inondées, déposant aussi de riches alluvions dont les également de rechargement des nappes phréatiques hommes ont très tôt su tirer parti, développant au cours profondes de la région. des siècles la riziculture qui marque encore le paysage actuel. Ainsi, la plaine d’Angkor vit-elle au rythme de Au pied des Kulen, s’étend la plaine d’Angkor, où l’on l’inondation et son principal centre urbain actuel, Siem rencontre la plus forte densité de vestiges angkoriens; Reap s’est-il implanté légèrement au nord de la limite elle s’achève au sud sur les berges du Tonlé Sap ou de battement des eaux du lac. Grand Lac 1 , qui constitue la principale réserve d’eau douce et halieutique du Cambodge. Entre ces deux La particularité de ce territoire, l’omniprésence de éléments naturels forts, la montagne et le lac, les seuls l’eau, dont témoignent les légendes de fondation du reliefs, modestes, sont le Phnom Krom (137m), le Phnom Cambodge, ont impliqué une attention vite portée Bakheng (60m) et le Phnom Bok (235m), éléments par les hommes à la maîtrise de l’eau, développant majeurs de la symbolique et de l’histoire du territoire. systèmes d’irrigation et ouvrages de rétention, dans un contexte climatique, celui du régime de mousson, Le Tonlé Sap offre une particularité unique au monde, où, soit l’eau est en surplus, soit elle vient à manquer. qui fait de la plaine d’Angkor un milieu naturel singulier: Le système hydraulique mis au point par les Khmers à l’emplacement des « quatre bras », à Phnom Penh, permet alors de résorber le trop plein en saison des plus de 300km au sud d’Angkor, site de confluence de la pluies, grâce aux bassins artificiels, beng et trapeang 2 , En haut : Les terres inondées sur les rives du lac Tonlé Sap, vues du Phnom Krom (A. Hetreau Pottier, 2007). En bas : Configuration typique d’un temple (Prasat Kravan) : son tertre et sa douve (A. Hetreau-Pottier, 2007). 7 <strong>LA</strong> <strong>LETTRE</strong> <strong>DE</strong> L’IPRAUS 17