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conference metamorphose de narcisse histoire d'un tableau

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CONFERENCE<br />

METAMORPHOSE DE NARCISSE<br />

HISTOIRE D’UN TABLEAU<br />

La raison <strong>de</strong> cette conférence est la présence temporaire <strong>de</strong><br />

l’œuvre intitulée La Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse au Théâtre‐<br />

Musée Dalí <strong>de</strong> Figueres.<br />

Nous nous trouvons en présence d’une œuvre<br />

particulièrement impressionnante, et ce pour plusieurs<br />

raisons que je tenterai <strong>de</strong> développer. Nous voici, d’une<br />

part, face à une œuvre d’une gran<strong>de</strong> beauté technique. Mais<br />

c’est également la première fois que Dalí peint et écrit au<br />

moyen <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> paranoïaque‐critique. Il est fort<br />

curieux <strong>de</strong> lire le poème puis <strong>de</strong> le comparer à la toile peinte<br />

par l’artiste. J’abor<strong>de</strong>rai également la façon dont cette œuvre<br />

est exposée et les constantes <strong>de</strong> l’œuvre dalinienne que l’on<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


peut relever dans ce <strong>tableau</strong> : l’amour <strong>de</strong> l’artiste pour Gala,<br />

son attachement à sa terre, qui lui manque, et son intérêt<br />

pour la science et la mé<strong>de</strong>cine (Freud et la psychanalyse).<br />

L’installation et le montage ont été conçus par Pep Canaleta<br />

et le graphisme est l’œuvre d’Àlex Gifreu, tous <strong>de</strong>ux<br />

originaires <strong>de</strong> Figueres.<br />

D’où nous vient cette œuvre magnifique ? De la Tate<br />

Mo<strong>de</strong>rn <strong>de</strong> Londres, dirigée par le valencien Vicent Todolí.<br />

Notre collaboration avec cette institution fut inaugurée à<br />

l’occasion <strong>de</strong> la coproduction <strong>de</strong> l’exposition Dalí, paintings<br />

& films, qui s’est tenue dans ce prestigieux musée londonien.<br />

Elle a également été présentée au Musée d’Art <strong>de</strong> Los<br />

Angeles (LACMA), puis au Salvador Dalí Museum <strong>de</strong> Sant<br />

Petersburg (Flori<strong>de</strong>) et enfin au Musée d’Art Mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong><br />

2<br />

New York (MOMA). Nous avons le plaisir d’accueillir cette<br />

œuvre emblématique jusqu’à la mi‐janvier.<br />

Cette toile appartient <strong>de</strong>puis 1979, date à laquelle elle fut<br />

acquise auprès <strong>de</strong> l’Edward James Foundation, à la<br />

collection <strong>de</strong> la Tate Gallery. Auparavant, elle n’avait eu<br />

pour seul propriétaire qu’Edward James lui‐même qui, à<br />

l’époque, était l’un <strong>de</strong>s mécènes <strong>de</strong> Dalí. (L’ours <strong>de</strong> l’entrée<br />

la maison <strong>de</strong> Portlligat, que vous connaissez certainement,<br />

est un ca<strong>de</strong>au d’Edward James).<br />

La métamorphose <strong>de</strong> Narcisse <strong>de</strong> Dali a été amplement<br />

commentée par David Lomas, professeur d’Histoire <strong>de</strong> l’Art<br />

<strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Manchester, dans un essai intitulé : “Se<br />

sent morir per uns ulls que són els seus”: Dalí, Narcís i la<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


imatge <strong>de</strong> simulacre, publié dans Dalí, un creador dissi<strong>de</strong>nt, en<br />

2004.<br />

De toutes les versions du mythe <strong>de</strong> Narcisse, la plus connue<br />

est celle <strong>de</strong>s Métamorphoses d’Ovi<strong>de</strong>, selon laquelle Narcisse<br />

est le fils <strong>de</strong> la nymphe Liriopé et du fleuve Céphise. A sa<br />

naissance, le <strong>de</strong>vin Tirésias prédit à la mère <strong>de</strong> l’enfant qu’il<br />

vivra longtemps “s’il ne se connaît pas”.<br />

Fort jeune déjà, en raison <strong>de</strong> sa très gran<strong>de</strong> beauté, il suscite<br />

le désir <strong>de</strong> bien <strong>de</strong>s jeunes gens <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sexes. Mais il les<br />

repousse tous. Parmi ses prétendants, se trouve la nymphe<br />

Echo qui tombe éperdument amoureuse <strong>de</strong> lui. Il ne lui<br />

accor<strong>de</strong> aucune attention et celle‐ci, désespérée, se retire en<br />

un lieu solitaire où rien d’elle ne subsistera que sa voix. Le<br />

mot “écho” vient du grec et veut dire “résonnance”. Vous<br />

étiez‐vous déjà posé la question ?<br />

Prêtant l’oreille aux suppliques <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong>s victimes <strong>de</strong><br />

Narcisse, Némésis, la déesse <strong>de</strong> la vengeance, contraint<br />

Narcisse, alors qu’il se promène un jour <strong>de</strong> forte chaleur, à<br />

s’approcher d’une source pour s’y désaltérer, ceci afin qu’il<br />

tombe amoureux <strong>de</strong> l’image qui s’y reflète, <strong>de</strong> sa propre<br />

image. Comme il ne parvient pas à la saisir, il se penche vers<br />

son reflet jusqu’à se laisser sombrer dans l’eau. Sur les lieux<br />

<strong>de</strong> sa mort viendra éclore une fleur qui portera son nom :<br />

Narcisse.<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Ce mythe est à l’origine d’un vaste ensemble<br />

iconographique, tant en peinture qu’en sculpture, ainsi que<br />

<strong>de</strong> nombreux textes littéraires. Pour ne citer que quelquesunes<br />

<strong>de</strong> ces œuvres : d’Ovi<strong>de</strong>, André Gi<strong>de</strong> – Dalí possédait<br />

dans sa bibliothèque Le Traité du Narcisse – ou encore Paul<br />

Valéry.<br />

En ce qui concerne la peinture, nous avons souhaité évoquer<br />

quelques toiles centrées sur Narcisse lui‐même. C’est le cas<br />

du <strong>tableau</strong> du peintre <strong>de</strong> la Renaissance Giovanni Antonio<br />

Boltraffio qui se trouve à la Galerie <strong>de</strong>s Offices.<br />

4<br />

Antonio Boltraffio, Narcisse<br />

Galerie <strong>de</strong>s Offices, Florence<br />

Ou encore celle du Tintoret, Narcisse à la Fontaine, <strong>de</strong> 1557,<br />

qui se trouve à la Galerie Colonna, à Rome<br />

Le Tintoret, Narcisse à la fontaine, c. 1557<br />

Galerie Colonna <strong>de</strong> Rome<br />

Ou bien le Narcisse baroque du Caravage, daté <strong>de</strong> 1594,<br />

exposé à la Galerie Nationale d’Art Ancien <strong>de</strong> Rome.<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Le Caravage, Narcisse, 1594,<br />

Galerie Nationale d’Art Ancien, Rome<br />

Cette toile représentant au premier plan un Narcisse qui se<br />

reflète dans l’eau et dont le genou vient séparer l’œuvre en<br />

<strong>de</strong>ux parties, a très probablement inspiré Dalí.<br />

Chez les peintres du Classicisme, on peut citer le <strong>tableau</strong> <strong>de</strong><br />

Nicolas Poussin, Echo et Narcisse, datant <strong>de</strong> 1627, exposé au<br />

Musée du Louvre <strong>de</strong> Paris. On peut y voir, au second plan,<br />

la nymphe Echo, étendue sur un rocher.<br />

Nicolas Poussin, Echo et Narcisse, 1627<br />

Musée du Louvre, Paris<br />

Le personnage <strong>de</strong> “l’enfant” tient une torche qui projette sa<br />

lumière sur la mort. C’est une scène dramatique qui<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


souligne les détails <strong>de</strong> l’inévitable et funeste <strong>de</strong>stin <strong>de</strong><br />

Narcisse.<br />

Parmi les <strong>tableau</strong>x plus récents, on peut citer la toile <strong>de</strong> John<br />

Waterhouse, Echo et Narcisse, datant <strong>de</strong> 1903, exposée à la<br />

Waker Art Gallery <strong>de</strong> Liverpool. On y voit Narcisse<br />

découvrant son visage se reflétant dans l’eau, sous le regard<br />

attentif <strong>de</strong> la nymphe Echo (l’un <strong>de</strong>s personnages les plus<br />

affectés par cette <strong>histoire</strong> d’amour déçue)...<br />

6<br />

John Waterhouse, Echo et Narcisse, 1903<br />

Waker Art Gallery <strong>de</strong> Liverpool<br />

Comme toutes les représentations précé<strong>de</strong>ntes du mythe,<br />

celle <strong>de</strong> Salvador Dalí puise sa source dans les<br />

Métamorphoses d’Ovi<strong>de</strong>.<br />

Dans cette version, l’un <strong>de</strong>s personnages du mythe revêt une<br />

importance particulière. Il s’agit <strong>de</strong> la nymphe Echo,<br />

follement éprise <strong>de</strong> Narcisse. Ovi<strong>de</strong> la décrit ainsi : “Celle<br />

qui l’aperçut, poussant vers ses filets <strong>de</strong>s cerfs affolés, fut la<br />

nymphe loquace qui ne sait ni se taire quand on parle, ni<br />

parler la première : Echo, qui répète les sons. Echo avait un<br />

corps à l’époque – n’était pas qu’une voix – mais n’avait déjà<br />

plus, la bavar<strong>de</strong>, l’usage <strong>de</strong> sa bouche, et ne pouvait que<br />

répéter les tout <strong>de</strong>rniers mots d’une phrase”.<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Plus loin, le poète évoque la fin malheureuse <strong>de</strong> la nymphe :<br />

“Ne restent que la voix et les os : la voix est intacte et les os<br />

ont pris, dit‐on, l’aspect <strong>de</strong> la pierre. Elle est, <strong>de</strong>puis, cachée<br />

dans les forêts, et on ne la voit plus dans la montagne. Mais<br />

tout le mon<strong>de</strong> l’entend : un son est là qui vit en elle.”<br />

Peu après, Ovi<strong>de</strong> décrit ainsi le lieu où Narcisse se rend :<br />

“Il était une source limpi<strong>de</strong>, source d’argent aux eaux<br />

miroitantes, que ni pâtres ni chevrettes paissant dans la<br />

montagne, ni aucun autre bétail n’avaient approchée ; que<br />

nul oiseau, nulle bête sauvage, nulle branche tombée d’un<br />

arbre n’avait troublée. Autour d’elle, <strong>de</strong> l’herbe, nourrie par<br />

l’humidité toute proche, et un bosquet pour empêcher les<br />

rayons du soleil d’attiédir ce point d’eau.” Telle est la<br />

<strong>de</strong>scription que fait Ovi<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce lieu idyllique et solitaire :<br />

un lieu pratiquement vierge, difficilement accessible, qui<br />

nous rappelle immédiatement la nature géologique du Cap<br />

<strong>de</strong> Creus, sur laquelle nous reviendrons plus loin.<br />

Dalí en Narcisse<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Sur la photo présentée ici, actuellement conservée au Centre<br />

d’Etu<strong>de</strong>s Daliniennes et très vraisemblablement prise par<br />

Gala ‐ car nous en possédons le négatif original ‐ on voit le<br />

peintre étendu au‐<strong>de</strong>ssus d’un point d’eau <strong>de</strong> la Punta <strong>de</strong>ls<br />

Tres Frares dans la calanque Galla<strong>de</strong>ra, située entre le Cap<br />

<strong>de</strong> Creus et Port <strong>de</strong> la Selva, l’un <strong>de</strong>s rares sites préservés <strong>de</strong><br />

notre côte, où l’on ne peut se rendre que par la mer.<br />

Pour mieux vous permettre <strong>de</strong> situer ce lieu, voici une carte<br />

sur laquelle figurent Cadaqués, Portlligat et la Punta <strong>de</strong>ls<br />

Tres Frares qui, comme on peut le voir, est difficilement<br />

accessible autrement que par la mer.<br />

8<br />

Si l’on observe attentivement le paysage <strong>de</strong> La métamorphose<br />

<strong>de</strong> Narcisse <strong>de</strong> Salvador Dalí, on y reconnait la texture si<br />

caractéristique <strong>de</strong>s rochers du Cap <strong>de</strong> Creus, si souvent<br />

présente dans l’œuvre dalinienne.<br />

Retournons au poème d’Ovi<strong>de</strong>, au moment où le jeune<br />

homme se penche pour se désaltérer : “Pendant qu’il boit,<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


fasciné par le reflet <strong>de</strong> sa propre beauté, il s’éprend <strong>de</strong> cet<br />

être sans corps, confond le corps avec son ombre.” (417)<br />

Le poète décrit ce que ressent Narcisse : “Il me plait et je le<br />

vois. Mais ce que je vois, qui me plait, je ne peux le rejoindre.<br />

Dans quel égarement est maintenu un amoureux ! Et,<br />

comble <strong>de</strong> douleur, il n’y a pour nous séparer ni mer<br />

immense, ni routes, ni montagnes, ni murailles aux portes<br />

fermées. L’obstacle n’est qu’un peu d’eau”. (446‐448)<br />

Ce n’est que plus tard qu’il se reconnaît : “C’est moi qui suis<br />

toi, je le <strong>de</strong>vine ; et mon image ne me leurre point. Je brûle<br />

<strong>de</strong> l’amour <strong>de</strong> moi...Que faire ? ”<br />

A la fin du texte d’Ovi<strong>de</strong>, Narcisse meurt et “Le corps n’était<br />

plus là. A la place du corps on trouva une fleur au cœur<br />

jaune safran entouré <strong>de</strong> pétales blancs”. (509‐510)<br />

S’il est dangereux <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r les dieux dans les yeux, il l’est<br />

encore plus <strong>de</strong> fixer le regard sur le reflet incertain <strong>de</strong> l’eau.<br />

L’<strong>histoire</strong> <strong>de</strong> Narcisse nous parle <strong>de</strong> la difficulté et du désir<br />

<strong>de</strong> l’être humain à la recherche d’une forme <strong>de</strong> stabilité,<br />

d’une marque d’i<strong>de</strong>ntité, quand bien même elle rési<strong>de</strong>rait<br />

dans ce qui est mouvant et trompeur. Dans la solitu<strong>de</strong> du<br />

miroir, nous voici face à notre impénétrable et néanmoins<br />

attirante et irrésistible réalité.<br />

Si nous poursuivons la lecture d’Ovi<strong>de</strong>, plus nous avançons<br />

et plus le mélange créé par la synthèse <strong>de</strong>s phrases, du jeu<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


<strong>de</strong>s voix et <strong>de</strong>s répétitions d’Echo intensifie <strong>de</strong> façon<br />

dramatique l’idée d’inaccessibilité <strong>de</strong> l’objet du désir.<br />

La mère <strong>de</strong> Narcisse, la nymphe Liriopé <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Tirésias<br />

si son fils vivra vieux. Et le vieil homme lui répond que<br />

Narcisse vivra <strong>de</strong> longues années “s’il ne se connaît pas”. La<br />

vision <strong>de</strong> l’aveugle Tirésias s’oppose à la fixité hypnotique<br />

<strong>de</strong> l’image, dont le pouvoir est si puissant qu’elle est<br />

susceptible <strong>de</strong> nous détruire.<br />

La volonté <strong>de</strong>s Dieux, c’est que Narcisse aime, sans que son<br />

désir ne puisse être satisfait. L’objet <strong>de</strong> cet amour<br />

impossible, c’est sa propre image qui se reflète dans l’eau<br />

paisible et cristalline. Tout comme il est trompé par la voix<br />

d’Echo qui n’est jamais que sa propre voix.<br />

L’élément aquatique est <strong>de</strong> loin le plus confondant, car il lui<br />

10<br />

soumet une image qu’il n’i<strong>de</strong>ntifie pas comme étant la<br />

sienne.<br />

L’eau permet <strong>de</strong> rendre notre image plus “naturelle”, car les<br />

miroirs sont bien plus froids. Le miroir d’eau <strong>de</strong> Narcisse,<br />

c’est la porte ouverte à l’imagination. Le reflet suggère une<br />

idéalisation, il ne s’agit pas d’une image statique comme<br />

celle que nous renvoie le miroir, l’eau offre mille possibilités.<br />

Le paradoxe : les images trompent, tout comme le mon<strong>de</strong><br />

physique, mais si nous réussissons à les traverser, nous<br />

parvenons à la connaissance. Narcisse, lui aussi, parvient à<br />

la connaissance <strong>de</strong> lui‐même, en traversant la mince surface<br />

<strong>de</strong> l’eau : “C’est moi qui suis toi. Je le <strong>de</strong>vine et mon image<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


ne me leurre point”, une image insaisissable, tout comme<br />

l’élément qui la génère.<br />

Mais la connaissance ne va pas sans entraîner la mort. Si<br />

nous parvenons à traverser ces images, elles ne sont plus<br />

trompeuses, mais cette traversée équivaut à un pas entre la<br />

vie et la mort.<br />

Lorsque Narcisse comprend que c’est la mort qui l’attend, il<br />

pleure et ses larmes effacent l’objet <strong>de</strong> son amour, viennent<br />

briser l’image qui suscite son désir : “Il troubla l’eau <strong>de</strong> ses<br />

larmes et l’agitation du bassin en rendit les traits incertains”<br />

(Ovi<strong>de</strong>).<br />

La métamorphose s’était produite et “Son sang imbiba la<br />

terre et <strong>de</strong> lui naquit une fleur blanche à la corolle rouge”,<br />

une fleur qui pousse au bord <strong>de</strong>s étangs et que l’on appelle<br />

Narcisse.<br />

Nous voudrions rappeler l’importance <strong>de</strong>s métamorphoses<br />

dans l’œuvre <strong>de</strong> Dalí. Il est d’ailleurs particulièrement<br />

significatif que le mot lui‐même figure dans le titre <strong>de</strong><br />

l’œuvre.<br />

Freud<br />

En juillet 1938, Dalí se rend à Londres afin <strong>de</strong> rencontrer<br />

Freud et, au cours <strong>de</strong> cette visite, lui montre ce <strong>tableau</strong>. Il<br />

<strong>de</strong>vait s’agir, pour Dalí d’une œuvre particulièrement<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


significative puisqu’il l’utilisa en guise <strong>de</strong> « lettre <strong>de</strong><br />

recommandation » auprès d’une personne jouissant d’une<br />

gran<strong>de</strong> réputation et qu’il admirait énormément. Freud<br />

commente : “Jusqu’à présent, j’étais enclin à penser que les<br />

surréalistes – qui semblent m’avoir choisi pour Saint Patron<br />

– étaient complètement fous. Mais ce jeune Espagnol, avec<br />

ses yeux fanatiques et son indiscutable maîtrise technique,<br />

me conduit à penser autrement. Il serait en fait très<br />

intéressant d’explorer, du point <strong>de</strong> vue analytique,<br />

l’évolution d’une œuvre comme celle‐ci …”<br />

Dans ce <strong>tableau</strong>, l’artiste met l’accent sur le drame humain<br />

<strong>de</strong> l’amour, <strong>de</strong> la mort et <strong>de</strong> la transformation, connue en<br />

psychanalyse sous le nom <strong>de</strong> « narcissisme ». Dans son<br />

Introduction à la psychanalyse, Sigmund Freud définit ce<br />

terme comme “le déplacement <strong>de</strong> la libido <strong>de</strong> l’individu vers<br />

12<br />

son propre corps, vers le “moi” du sujet.” Le « moi » est le<br />

sujet et l’objet du désir.<br />

La représentation d’objets oniriques et d’images du<br />

quotidien revêtant <strong>de</strong>s formes composites surprenantes et<br />

insoupçonnées s’inspire en gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong><br />

Freud.<br />

Nous abordons ici l’un <strong>de</strong>s points évoqués au début <strong>de</strong> cet<br />

exposé. Dalí développe la “métho<strong>de</strong> paranoïaque‐critique”<br />

qu’il décrit <strong>de</strong> la façon suivante : “métho<strong>de</strong> spontanée <strong>de</strong><br />

connaissance irrationnelle basée sur l’objectivation critique<br />

et systématique <strong>de</strong>s associations et interprétations<br />

délirantes”.<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Dans l’article intitulé “Total camouflage for total war”,<br />

publié dans la revue Esquire en août 1942, Dali lui‐même<br />

explique en quoi consiste cette métho<strong>de</strong> : “La découverte<br />

<strong>de</strong>s “images invisibles” s’inscrivait certainement dans ma<br />

<strong>de</strong>stinée. A l’âge <strong>de</strong> six ans, j’ai étonné mes parents et leurs<br />

amis par mon don très médiumnique <strong>de</strong> “voir les choses<br />

différemment”. J’ai toujours vu ce que les autres ne voyaient<br />

pas ; et ce que eux voyaient, je ne le voyais pas.”<br />

Il ajoute plus loin : “J’avais l’esprit paranoïaque. La paranoïa<br />

est définie comme une illusion systématique<br />

d’interprétation. C’est cette illusion systématique qui, dans<br />

un état plus ou moins morbi<strong>de</strong>, constitue la base du<br />

phénomène artistique en général, et <strong>de</strong> mon génie magique<br />

pour transformer la réalité, en particulier.”<br />

C’est la première fois qu’il écrit et qu’il peint en appliquant<br />

la métho<strong>de</strong> qu’il a conçue.<br />

Interprétation dalinienne. Poème explicatif <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong><br />

paranoïaque‐critique.<br />

En 1937, à Paris, Dalí publie aux Editions Surréalistes un<br />

poème portant le même titre que le <strong>tableau</strong>, dans lequel il<br />

déclare qu’il doit être lu tout en observant la toile. Le peintre<br />

se livre là à ce que l’on pourrait en quelque sorte nommer<br />

une démarche pédagogique.<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Selon Dalí, il s’agit là du premier poème et du premier<br />

<strong>tableau</strong> obtenus entièrement d’après l’application intégrale<br />

<strong>de</strong> sa métho<strong>de</strong> paranoïaque‐critique.<br />

Dans le texte, Dalí recomman<strong>de</strong> d’observer le <strong>tableau</strong> dans<br />

un état <strong>de</strong> “fixation distraite”, à la faveur duquel le<br />

personnage <strong>de</strong> Narcisse disparaitra progressivement.<br />

Au début du poème, le peintre nous fait entendre <strong>de</strong>ux<br />

pêcheurs :<br />

Premier pêcheur <strong>de</strong> Portlligat : «Qu’est‐ce qu’il a ce garçon, à se<br />

regar<strong>de</strong>r toute la journée dans la glace ?<br />

Second pêcheur <strong>de</strong> Portlligat : « Si tu veux que je te le dise<br />

(baissant la voix) : Il a un oignon dans la tête ».<br />

L’expression «avoir un oignon dans la tête» correspond<br />

exactement à la notion psychanalytique <strong>de</strong> «complexe». S’il a un<br />

oignon dans la tête, celle‐ci peut fleurir d’un moment à l’autre,<br />

14<br />

Narcisse !<br />

Le poème propose une <strong>de</strong>scription du paysage qui apparait<br />

à l’arrière plan <strong>de</strong> la toile.<br />

“Sur la plus haute montagne<br />

le dieu <strong>de</strong> la neige,<br />

sa tête éblouissante penchée sur l’espace vertigineux<br />

<strong>de</strong>s reflets,<br />

se met à fondre <strong>de</strong> désir<br />

dans les cataractes verticales du dégel.<br />

Description <strong>de</strong> l’œuvre<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Dans cette œuvre exceptionnelle <strong>de</strong> Salvador Dalí, nous<br />

pouvons observer l’image double <strong>de</strong> Narcisse et<br />

l’aboutissement <strong>de</strong> sa transformation. A gauche, nous<br />

voyons le personnage <strong>de</strong> Narcisse, dont les contours<br />

imprécis se reflètent dans l’eau, la tête posée sur le genou, se<br />

courbant très probablement pour mourir. A côté, l’image<br />

double donnant à voir la transformation <strong>de</strong> Narcisse, dans<br />

une main tenant un œuf d’où surgira la fleur du même nom,<br />

une main <strong>de</strong> couleur grise évoquant la mort, avec son ongle<br />

fissuré et son armée <strong>de</strong> fourmis, symboles <strong>de</strong> putréfaction et<br />

<strong>de</strong> mort.<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Dans son poème, Dalí écrit :<br />

Le corps <strong>de</strong> Narcisse se vi<strong>de</strong> et se perd<br />

Dans l’abîme <strong>de</strong> son reflet<br />

Comme le sablier que l’on ne retournera pas.<br />

Narcisse, tu perds ton corps<br />

Emporté et confondu par le reflet millénaire <strong>de</strong> ta disparition,<br />

Ton corps frappé <strong>de</strong> mort<br />

Descend vers le précipice <strong>de</strong>s topazes aux épaves jaunes <strong>de</strong><br />

l’amour,<br />

Ton corps blanc englouti<br />

Entre ces <strong>de</strong>ux images, on remarque la présence d’un<br />

groupe d’individus que le peintre, dans son texte, appelle les<br />

“hétérosexuels”, parmi lesquels, toujours selon l’artiste, se<br />

trouvent un Hindou, un Catalan, un Allemand, un Russe, un<br />

Américain, une Suédoise et une Anglaise. Il s’agirait <strong>de</strong>s<br />

16<br />

prétendants <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sexes séduits et systématiquement<br />

éconduits par Narcisse.<br />

En arrière plan, <strong>de</strong>rrière la montagne, on aperçoit un<br />

personnage. Il pourrait s’agit d’Echo, ou encore, si l’on en<br />

croit d’autres versions, <strong>de</strong> l’écho <strong>de</strong> la main tenant l’œuf.<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Le personnage juché sur un pié<strong>de</strong>stal pourrait être Narcisse<br />

lui‐même, après l’expérience <strong>de</strong> sa transformation. Pourquoi<br />

un pié<strong>de</strong>stal ? Parce qu’il permet l’adoration <strong>de</strong> soi,<br />

l’exhibition <strong>de</strong> l’objet.<br />

Lorsque le poème touche à sa fin, à ce qui correspond dans<br />

la version d’Ovi<strong>de</strong> à la mort <strong>de</strong> Narcisse et à sa<br />

transformation en fleur, c’est, dans la version <strong>de</strong> Dalí,<br />

l’amour qui apparaît, en la personne <strong>de</strong> Gala, venue le<br />

sauver <strong>de</strong> son <strong>de</strong>stin funeste. Et c’est dans la strophe finale<br />

du poème que s’opère la métamorphose à laquelle le titre <strong>de</strong><br />

l’œuvre fait référence :<br />

“Quand cette tête se fendra<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Quand cette tête se craquellera<br />

Quand cette tête éclatera<br />

Ce sera la fleur,<br />

Le nouveau Narcisse,<br />

Gala,<br />

Mon Narcisse.”<br />

L’autre aspect que nous avons évoqué au début <strong>de</strong> cette<br />

intervention est la dimension technique <strong>de</strong> l’œuvre. On<br />

pourrait dire qu’il s’agit d’une huile sur toile à la facture<br />

particulièrement fine. Dalí utilise là une technique très<br />

élaborée et soignée, où <strong>de</strong> petits traits <strong>de</strong> pinceaux<br />

minutieusement travaillés viennent peu à peu créer les<br />

formes et les volumes. Il ajoute à la peinture à l’huile <strong>de</strong>s<br />

effets <strong>de</strong> glacis ou <strong>de</strong> petites touches plus transparentes, peu<br />

18<br />

colorés, afin <strong>de</strong> composer différentes parties et divers<br />

détails. C’est pourquoi le résultat final laisse voir une<br />

différence <strong>de</strong> luminosité entre les parties mates et d’autres<br />

plus brillantes. Remarquez les pierres émergeant <strong>de</strong> l’eau<br />

dans la partie gauche <strong>de</strong> la toile : <strong>de</strong> petits traits <strong>de</strong> pinceaux<br />

brillants venant déposer une certaine texture sur le fond plat<br />

et paisible du lac.<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Nous soulignerons aussi la richesse <strong>de</strong>s couleurs saturées et<br />

l’équilibre <strong>de</strong> la composition.<br />

Si l’on considère que cette œuvre date <strong>de</strong> 1937, on<br />

remarquera son très bon état <strong>de</strong> conservation, ce qui atteste<br />

une fois encore <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> la technique picturale.<br />

Le dispositif<br />

Le dispositif d’exposition est l’un <strong>de</strong>s autres aspects<br />

importants que nous évoquions au début <strong>de</strong> cet exposé. Il y<br />

a ici <strong>de</strong>ux points intéressants.<br />

C’est tout d’abord, c’est la première fois que ce dispositif<br />

d’exposition est utilisé. D’ailleurs, lorsque Vicent Todolí, le<br />

directeur <strong>de</strong> la Tate, est venu ici, à Figueres, pour la<br />

présentation <strong>de</strong> cette toile, il avait formulé le souhait qu’elle<br />

soit exposée ainsi. A l’occasion <strong>de</strong> la présentation <strong>de</strong> l’œuvre<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


dans ce Théâtre‐Musée, nous avons donc souhaité souligner<br />

le plus possible la force <strong>de</strong> ce <strong>tableau</strong>, en concevant un<br />

dispositif neutre et transparent, où la lumière se focalise sur<br />

la toile. Il est l’œuvre <strong>de</strong> Pep Canaleta et d’Àlex Gifreu,<br />

originaires <strong>de</strong> Figueres, qui l’ont conçu d’après une idée<br />

originale et à la fois fort simple et austère, mettant en valeur<br />

l’œuvre et non le dispositif d’exposition.<br />

Par ailleurs, c’est également la première fois que l’on peut<br />

voir, à travers le méthacrylate, l’envers du <strong>tableau</strong>, qui<br />

comporte généralement <strong>de</strong>s informations intéressantes,<br />

comme par exemple les étiquettes <strong>de</strong>s expositions dans le<br />

cadre <strong>de</strong>squelles la Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse a été présentée.<br />

Enfin, c’est aussi la première fois que la toile et le manuscrit<br />

du poème sont exposés conjointement. La première édition<br />

20<br />

du poème fut publiée le 25 juin 1937 aux Éditions<br />

Surréalistes, à Paris. La version anglaise <strong>de</strong> ce texte parut au<br />

même moment, publiée par la Galerie Julien Levy.<br />

Le manuscrit original est conservé aux Archives du Centre<br />

d’Etu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la Fondation. Il est relié et est composé d’une<br />

partie manuscrite <strong>de</strong> 22 pages <strong>de</strong> papier à lettres, dont 14<br />

pages autographes, en français.<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


Il contient également <strong>de</strong>ux croquis au crayon, <strong>de</strong>ssins<br />

préparatoires au <strong>tableau</strong> <strong>de</strong> la Métamorphose ;<br />

un exemplaire <strong>de</strong> l’édition française, et un exemplaire <strong>de</strong><br />

l’édition anglaise incluant trois photographies du<br />

photographe Cecil Beaton.<br />

Salvador Dalí a réuni dans ce <strong>tableau</strong> la tradition classique<br />

<strong>de</strong> la mythologie grecque et les <strong>de</strong>rnières recherches <strong>de</strong> la<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians


science, la psychanalyse en l’occurrence. Il recourt pour cela<br />

au mythe <strong>de</strong> Narcisse, un mythe chargé <strong>de</strong> sens pour un<br />

artiste qui parvient à synthétiser avec maestria les<br />

différentes sources auxquelles il s’abreuve, comme c’est<br />

alors le cas du classicisme, et qu’il conjugue à la mo<strong>de</strong>rnité<br />

par le truchement <strong>de</strong> la psychanalyse et à ses obsessions que<br />

sont l’amour qu’il porte à Gala et aux paysages qu’il chérit<br />

tant.<br />

Dans Comment on <strong>de</strong>vient Dalí, l’artiste fait l’apologie <strong>de</strong> ce<br />

paysage:<br />

«C’est en ce lieu privilégié qu’il y a le moins d’espace entre<br />

le réel et le sublime. Mon paradis mystique commence aux<br />

plaines <strong>de</strong> l’Empordà, il est cerné par les collines <strong>de</strong>s monts<br />

Albères et trouve son sens dans la baie <strong>de</strong> Cadaqués. Ce<br />

pays est mon inspiration permanente. Le seul endroit du<br />

22<br />

mon<strong>de</strong> aussi où je me sente aimé”. 1<br />

Rosa Mª Maurell<br />

Centre d’Etu<strong>de</strong>s Daliniennes<br />

19 décembre 2008<br />

1 Dalí, Salvador, Comment on <strong>de</strong>vient Dali,<br />

Histoire d’un <strong>tableau</strong> – Métamorphose <strong>de</strong> Narcisse<br />

Rosa Mª Maurell – Centre d’Estudis Dalinians

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