Hyperlien - Les Classiques des sciences sociales
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CENTRE TECHNIQUE NATIONAL<br />
D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LES HANDICAPS ET LES INADAPTATIONS<br />
2, rue Auguste Comte - BP 47 - 921 73 Vanves Cedex<br />
La surdité chez l'enfant<br />
en France<br />
Coordination : Jean-Pierre BOUILLON<br />
Direction de I'Actlcm *ciale<br />
Ministç?re de la Solidarité, de la Santé et de la Protsetion Sociale<br />
1, Place Fontenoy - 757 00 PARIS
Vient de paraître :<br />
+ LA CLASSIFtCATlON IWERNATIONALE DES HANDICAPS<br />
Deficiences - Incapacitc5s - Désavantages<br />
Un manuel de classification <strong>des</strong> consBquences <strong>des</strong> maladies<br />
+ LA CLASSIFICATION INTERNATIONALE DES HANDICAPS :<br />
DU CONCEPT A L'APPLICATION<br />
Actes du Colloque CTNERHI 28-29 novembre 1 988<br />
Institution Nationale <strong>des</strong> Invali<strong>des</strong>, PARIS<br />
+ TRAVAlL ET HANDICAP EN DROIT FRANGAIS<br />
2 tomes<br />
LES CAUSES DE LA CECITE ET LES SOINS OCULAtRES<br />
+ EN FRANCE AU DEBUT DU XIXa SJECLE (1800-1815)<br />
Zina WEYGAND<br />
4 LES TECHNtQtfES EDUCATlVES E 3 THERAPEUTIQUES DE<br />
HANDfCAP CHEZ L'ENFANT ET CADOLESCENT<br />
Seminaire de Formation de I'ENSP de RENNES<br />
+ L'ENFANT PLACE, ACTUALITE DE LA RECHERCHE FRANCAISE<br />
ET lNTERNATIONALE<br />
Actes du Cotioque international 31 mai - ler juin f 989<br />
<strong>Les</strong> opuiiom exprh6es n'engagent que Ieurs signataires, L'editeur n'a<br />
pas cherch6 B att6nuer les contradictions qui sont ici le signe; non d'aîfrontements<br />
strlrttes, mais d'une réalite ccamplexe, la surdité de l'enfant, à laquelle<br />
chaque auteur a réa@ en toute liberté.<br />
Toute reproùuction doit être soumise<br />
i'autorisation du Directeur du CTNERHE
PWFACE .................................................................................................. P. 1<br />
IWRUBUmXON ...................................................................................... Pu 5<br />
PEMXEB CIHAPnlRE : h languie <strong>des</strong> simes ..=.~~-..***...e**.e**++,eeeeeeee*ePP 45<br />
. A propos da 1a langue <strong>des</strong> signes.<br />
C. FO-R .....,.........,. ,.,.,. A. 43<br />
. hape dm signes et pédagogie.<br />
P. SBRU-GWW *.**. ...a.........<br />
~...-4.*...**.-..*.*..*.*..*....,...,ase~..-... *.--*.--abps $3<br />
. La sortie du ghetto.<br />
p 63<br />
B. MomiZ ........................................................................................<br />
, Der, pqchliatres et <strong>des</strong> sourds,., et ia pvchanafyse,<br />
Dr MM-F, DOUMENJOU, Dr J. LAB~RX~,,<br />
DErnrEME c mm<br />
.......................o.....,......<br />
*+.+ 71<br />
: XBLI~B~~? p~jk ~mp14trs ,...+..,,,,,,,....,t?..pP 83<br />
. Le fiuigagtr parlé cornplt5t6,<br />
F" N ..........*..................*.....**...1..1...1.......,,.....~......................... P. 85<br />
TROlSIEME CIEAPmm : Acrpe~l ~édiear<br />
et aadiop~t~xe~p .................................................................. . . ma<br />
. Bvduation du frandimp, mitique <strong>des</strong> barèmes actuels et<br />
prihcipe d'aactuaiisation,<br />
3.-C. MUN<br />
................................................................................. , .p. 103<br />
. RCde du rrrftdsSzm aPrbiopfion~lo@ste daas Pdquipe pluridiseipbaire.<br />
Dr L Mo~m .......................... ..................................<br />
......ttt., **II..p 117<br />
La protkè-se auditive ~3% enfants et iidolescents,<br />
Etat actuel c=;t &valulion previslbla<br />
f>. vEIT.e<br />
.............................................................................................. pP 3.27
QVATNEME CPIAPITRE : Actions nouvelles ..............................-.*p. 155<br />
. Educatian prEmce, guidance parentale, ac~ornpa@ewnt<br />
<strong>des</strong> parents,<br />
9". Dm~rs- J. HELWS., .,............ ......, ,.~~..eq--~**-~e-.m~a.*-..*.m.~~ 157<br />
. La prise an connpte <strong>des</strong> d4ficionrs auditifs par h DA.S.S,<br />
J, CWPELLET ........... *,,.....~...~....~.<br />
.~.-T*.+.,. p. 179<br />
. Prdsenhtion d'un semice de soutien B l'éducation famgde<br />
et B l'intkgation scolaire.<br />
...... * ......,...&.h.<br />
ha, VI<br />
*........*...........,....*.....*<br />
*--*=.'.~*.~~**e* *,.& $95<br />
. <strong>Les</strong> enfants déficients sensoriels surhaladicapes.<br />
M. FAIVRE ............,.,.,.......*..,.......*..... . . . . . . p. 209<br />
. Pour un eafant sourd dans torrs ses droits.<br />
E. et A. Vws<br />
................p. 225<br />
............................,*.....<br />
.* .*..<br />
. Etfenrre, ses parents et: le hngage parle mmpl6t6,<br />
N. B~mm .,,,......,...................... . p 235<br />
. Mon petit-f2s est saurd.,, ou, tmnte .es après.<br />
C. LORXOVX..<br />
.............. .,..".<br />
*,. ... . .........,. .....p. 243<br />
. Annexe 1 : Moyens de carnmtlnkatiun et solutions &duczttives<br />
dans la scolarisation <strong>des</strong> enfants et adolescents d6ficients<br />
auditgs.<br />
DELEUM, BOUILLON, Fu<br />
. 3 : Raommandation O2/1 BZAP, classrfication <strong>des</strong><br />
+.-*.*p. 323<br />
d6Eciences auditives .................. ee.eee..eeeee .............-....-...-............<br />
.Annexe 4 : Recommandation BXAS 1SJ1, intégration ou<br />
coeducation pré-scolaire et scolaire <strong>des</strong> enfants &tteints de<br />
déficience auditive dans les classes d'entendants ........,.,.,....,....,p.333
par Patrice LEGRAND<br />
sous-directeur de la rbadaptation,<br />
de la vieillesse et de l'aide sociale<br />
Bien qu'entreprise uniquement par voie réglementaire, la réforme<br />
de Péducation spéciale <strong>des</strong> enfants déficients auditifs a profondément<br />
transformé le cadre juridique et les données de base de<br />
I'activité <strong>des</strong>.établissements et services du secteur.<br />
La création d'un diplôme unique d'enseignement <strong>des</strong> jeunes<br />
sourds, la part faite 3 chacun <strong>des</strong> moyens de communication, la première<br />
directive pédagogique édictée en matiere d'éducation <strong>des</strong><br />
sourds, la diversification <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> d'intervention <strong>des</strong> établissements<br />
et services, constituent un ensemble cohérent qui doit beaucoup aux<br />
conseillers techniques et pédagogiques de la direction de l'action sociale<br />
Jean-Pierre Bouillon et Pierre Kettler.<br />
Ces efforts, entrepris sous plusieurs ministres, n'auraient pas pu<br />
aboutir, pour ce qui est de la réforme <strong>des</strong> dipldmes, sans la détermination<br />
du sous-directeur <strong>des</strong> professions <strong>sociales</strong> et du travail social<br />
Michel Thierry.<br />
L'activite débordante de Marcel Piton au Cabinet du Secrétaire<br />
d'Etat a permis, dans le cadre d'une concertation effervescente, de<br />
faire aboutir les autres textes.<br />
L'ouvrage n'est pas achevé. Il reste à réformer le statut du personnel<br />
<strong>des</strong> instituts nationaux de jeunes sourds. 11 nous manque<br />
l'école de professeurs qui permettra d'approvisionner les établissements<br />
en personnels titulaires du nouveau diplôme. Tout cela est en<br />
route.
Ne nous leurrons pas toutefois ! Le suceès dépend beaucoup<br />
plus de la pratique <strong>des</strong> équipes éducatives et <strong>des</strong> progr& de la technologie<br />
médicale que de la modification <strong>des</strong> textes. C'est la raison<br />
pour laquelle ce livre fait sa place à d'intéressants développements<br />
sur i'audio-prothèse ou le diagnostic.<br />
Il faliait également éclairer le débat avec l'exposé <strong>des</strong> orientations<br />
pédagogiques qui apparaissent <strong>des</strong>ormais possibles en matiére<br />
de formation générale.<br />
Que serions-nous heureux si nos efforts communs pouvaient<br />
guider plus d'enfants sourds vers le baccalauréat 1<br />
Souhaitons aussi que la communauté sourde et la socikté générale<br />
se reconnaissent l'une l'autre, sans exclusive réciproque,<br />
C'est à cela que tend la réforme du 22 avrii 1988,<br />
- en insistant sur le rôle de la famue -<br />
Au r6le effectif de la famille s'ajoutent en effet ici <strong>des</strong> raisons<br />
techniques essentielles. C'est bien la famille qui recueille le
les iètablissements, & permettre aussi le recours aux intervenants<br />
sourds, ce qui fut fait.<br />
- en faisant <strong>des</strong> Cbbüssements le suppoe dfsctiûns umvertes vers fe<br />
monde ext4riem ou les catlrgcrries ml prises en charge -<br />
La réforme prdvoit en effet de codorter f'integrati~n daim en<br />
en faisant une mission explicite <strong>des</strong> services médico-educatlfs, et en<br />
se réferant eqEcitement aux programmes mêmes de l'tsducation nationale.<br />
Elle ètend les comp6tences de ces services à I'tsducation prtscoce,<br />
notamment en raison de la sp&ificitb de la prise en charge <strong>des</strong><br />
jeunes sourds.<br />
Elle permet: fa creatian de sections ou d'tstab$ssements pour enfants<br />
sourds avec handicaps associ&. On pense ainsi aux btablissements<br />
pour sourds aveu&fes : an trouvera dans ce livre un développement<br />
hpomnt consam6 cette question.<br />
En rendant compte de la mdtiplicité <strong>des</strong> aspects du handicap<br />
auditif chez l'enfant et de sa prise en charge, en faisant valoir <strong>des</strong><br />
points de vue non moins multiples, le Centre technique nationaX<br />
d'6tu<strong>des</strong> et de recherches sur le handicap et les inadaptations nous<br />
donne un ouvrage qui vient au bon moment.<br />
Paris, le 6 ami! 1989<br />
Patrice L~GRAND
INTRODUCTION<br />
Jean -Pierre BOUILLON<br />
Conseiller pédagogique et technique<br />
Direction de t'Action sociale<br />
Presque arrivé à la fin d'une carrière, il est agréable de ne pas<br />
regarder en arrikre, de ne pas se plonger dans les souvenirs, mais de<br />
demeurer tourné vers l'avenir, l'action future <strong>des</strong> successeurs.<br />
Cet écrit ne comporte donc ni historique ni bilan systématiques.<br />
Xis n'ont pas iieu d'être à un moment où, pour la première fois, I'administration<br />
donne une forte impulsion B la pédagogie <strong>des</strong> enfants<br />
sourds. Un processus évolutif a été dkclenché. Xi conduira A une<br />
transformation profonde de la r6aiit6 actueiie.<br />
Pierre Kettler aurait dû cosigner cette introduction, car il a participé<br />
à l'élaboration de tous les textes et, plus profondément, ii m'est<br />
impossible aujourd'hui de discerner ce qui est sa pensée et la<br />
mienne, tant elles se sont façonnées simultanément, s'enrichissant<br />
l'une l'autre durant une quinzaine d'années de collaboration permanente.<br />
Mais après tant d'années d'analyses, de rapports et d'instructions<br />
énoncées sur un mode le plus anonyme possible, j'estime qu'il<br />
est plus distrayant pour le lecteur d'apercevoir un «je » derrière les<br />
formules générales. Après tout, même i'administration est conduite<br />
par <strong>des</strong> hommes avec leurs sentiments. Je me suis autorisé à exprimer<br />
les miens.<br />
Depuis plusieurs déca<strong>des</strong>, <strong>des</strong> pionniers sur le terrain exploraient<br />
<strong>des</strong> voies nouvelles, riches de développements potentiels mais<br />
aussi disparates voire contradictoires. Xi était urgent de régiementer
et d'hamoniser. L'essentiel de cette tâche est accompli. Désormais,<br />
chaque acteur connaît le cadre dans lequel il aura la liberté d'innover<br />
afin de s'adapter exactement à la situation individuelle et coflective<br />
<strong>des</strong> enfants qu'ii il en charge. <strong>Les</strong> fondations sont établies, it reste à<br />
construire I%difice.<br />
En 1386, Pierre Kettler et moi d&sespérions de la signature par<br />
le Pra~er<br />
Mhistre du déctet créant le Certificat d'Aptitude au Professorat<br />
de l'Enseignement <strong>des</strong> Jeunes Sourds et nous nous prt5parions<br />
i% une nauvel.te Ionse attente, amées (peut-être dea<strong>des</strong>) de<br />
patience-<br />
-Nous ne saurons sans doute jamais dans quelles circanstances le<br />
Premier Mirllstre a signé, h suite da quelles régexions, queDes remmmandations,<br />
Qui fut le catafyseur ? Le texte était bon, jsen suis<br />
conv&cu, mais le progr& qu% ilstataurait modrfiait tant d"habitu<strong>des</strong>,<br />
reveillait tant de semi-1tSthmgies, heurtait tant de petits pouvoirs,<br />
qu'il suffisait d'un rien pour qu'il soit etouffe avant de naître, Une<br />
dkision, un coup de dé, et l'affaire fut lancée. C'était une locomotive<br />
qui allait tirer derrière elle ce qu'on appelle, au sens propre, un train<br />
de réformes* Un d&ret ressemble à un arbre : devenu adulte, iI porte<br />
de soli<strong>des</strong> branches, les arirêtés. Mais, comme le fraisier, il se rnultiplie<br />
par marcottage: d'autres d-ets, arrêtés et cifcufakes<br />
s'6panouissent & son caté. 3e souhaite aux hommes d'Et& d'avoir<br />
conscience de cette conthuité. Tour avait et6 preparé et r&>S sous<br />
un gouvernement ; c'est le gouvernement suivant qui inscrivit les<br />
textes dans le droit,<br />
L'action <strong>des</strong> bureaux était t?,gaIement indispensable en raison de<br />
leur rôle de suggestion, de proposition à l'6gard du politique. Pour<br />
que la mutation s'accomplisse, il fallait un concours exceptionnd de<br />
bonnes volontés, la mobilisation partielle de la Direction de P.Action<br />
Sociale afin d'envisager l'ensemble <strong>des</strong> difficultés dans leur<br />
cornplexit&,<br />
Sans la lucidite, les efforts, l'acharnement de quelques concepteurs,<br />
le possible n'aurait pas ét4 réalisé. Je ne crois plus au problhmes<br />
hsolubles : la plupart, on ne cherche pas à les rgsoudre, En<br />
dix-huit mais, du 27 octobre 1986 au 23 avrii 1988, ont ét$ produits
une dizaine de textes, travail exceptionnel, jamais effectue depuis<br />
l'Abbé de PEpée et ses prédécesseurs, et qui place la France parmi<br />
les premihres nations du monde, à la pohte de la rd@ernentation de<br />
la pédagogie <strong>des</strong> sourds. Dans une vision unitaire, la rdorganisation a<br />
porte sur la formation au professorat (un décret et trois arrêt&),<br />
l'orientation <strong>des</strong> enfants et la pédagoGe (deux circulaires), l'organisation<br />
détaaée <strong>des</strong> étabfissements et services (un d&rer et une clrculaire),<br />
la résurrwtion *ne inspection pédagogique (un arrête).<br />
Paraissaient en même temps un d&ret et une circulaire conwrnant<br />
les trtabgssements et semices d'enfants aveugles et les nouveaux statuts<br />
<strong>des</strong> corps <strong>des</strong> professeurs <strong>des</strong> Instituts nationam de jeunes<br />
sourds et de ITnstitut national <strong>des</strong> jeunes aveugles étaient presque<br />
achevés,<br />
Ces textes sont parus dans le BuIle&a 9fFciel du Mhistère <strong>des</strong><br />
Affaires Sociales, no 88-17 bis « Enfants sourds, enfants aveugles,<br />
Pour une prise en charge qu&tative du handicap ». En vente : Diretion<br />
<strong>des</strong> Journawr. Officiels, 26 rue Desaix- 75727 Paris Cedex 15 -<br />
Prix : SO F. On en trouvera ici un commentaire personnel. Ainsi que<br />
d'autres écrits qui participent de la meme phifosophie dont .irs sont,<br />
pour certains les fondements, pour d'autres Ies prolongements.<br />
*Comme toutes les gran<strong>des</strong> aventures humainess, 1'histoÿ.e de<br />
X'hprimerie et de l'édition est ceile d'un rapport didectique entre b<br />
progres technologique et l'&volution sociale. Ces deux aspects occupent<br />
tour à tour le devant de la scène, l'un entrajnant l'autre, mais<br />
c'est vraiment lorsqu'il y a convergence <strong>des</strong> deux que la pression devient<br />
irrdsistible et entraîne <strong>des</strong> changements significatrfs. Si le dBveloppement<br />
de l'imprimerie en Europe a &té rendu techniquement<br />
possible par les découvertes de Gutenberg, l'essor de ce qu'on appelait<br />
alors "l'art allemand" skxplique tout autant par les progrés de
f'alphabétisation et le climat social de la premikre Renaissance a.<br />
Howard BRABYN, Le Counier de I'mESCQ, juillet 1988.<br />
Cette loi s9appIique & la situation dans laquelle se trouve la surdité<br />
du jeune enfant en 1989. <strong>Les</strong> progrès qu'on pourrait qualifier de<br />
techniques foisonnent, alors que l'impression domine que la socikté<br />
française n'est pas mare pour en tirer parti. Elle questionne, discute,<br />
hésite, au lieu de saisir les nouveaux outils, d'en user et, ce faisant,<br />
d'en améliorer le mode d'emploi. Comme si Gutenberg avait longuement<br />
ratiocin6 sur les mérites et les inconvénients de l'imprimerie<br />
au lieu d'éditer <strong>des</strong> livres. Mais le besoin de livres était une<br />
priorité dans sa société. Il est clair qu'aucune <strong>des</strong> transformations<br />
aujourd'hui proposées pour améliorer la pkdagogie <strong>des</strong> sourds ne répond<br />
à un désir aussi unanime.<br />
Qui veut s'occuper de surdite doit accepter de penser Urconfortablement,<br />
de cheminer de thèses en antithèses, de changer de pohr<br />
de vue, d'accepter les contradictions inhérentes C1 cette rBaEte<br />
complexe.<br />
fine de ces contradictions stimulantes réside dans le décdage<br />
entre les resultats, encore trop souvent négatifs, et les moyens dont<br />
nous disposons.<br />
Durant « les trente glorieuses » de progrb économique et social<br />
dkrites par Fourasti6, la pédagogie <strong>des</strong> sourds a connu autant de<br />
mutations que l'ensemble de la société.<br />
Quelle etait la situation après la dernikre guerre mondiale ? h<br />
méthode d"enseipement s'kffhmalt « oralo-graphique B et les seuls<br />
outils supplémentaires par rapport li 1900 étaient le gros amplificateur<br />
de table, parfois complété par un oscilloscope, ainsi que la prothèse<br />
monoauridaire sous forme d'une boîte de lampes puis de<br />
transistors. Lg61ectronique tslémentake était la seule ouverture sur<br />
l'avenir. Ses effets étaient déjB évidents : dans les classes inauprées<br />
8 PINJS de Paris, les sourds moyens et sévères, une fois appareillés,<br />
commençaient à se démarquer de leurs condisciples. 'pourtant, la<br />
majorité <strong>des</strong> bons élèves ne dépassait pas le certificat d"s4tu<strong>des</strong> primaires<br />
er le CM.
Enumérons quelques progrès : leur addition est étonnante.<br />
Le nombre <strong>des</strong> acteurs médicaux et éducatifs s'est multiplié. Autrefois,<br />
quelques dizaines d'établissements recelaient les personnes<br />
compétentes en rééducation de la surdité. Il s'y ajoute aujourd'hui de<br />
nombreux orthophonistes, instituteurs spécialisés, audioprothésistes,<br />
médecins audiophonologistes, psychologues, etc. ka rééducation et<br />
l'enseignement ne sont plus cantonnés dans de rares lieux privilégiés<br />
et les parents s'attendent à rencontrer le service à côté de chez eux.<br />
En linguistique, Stokoe a découvert que la langue <strong>des</strong> signes<br />
n'était pas infra-humaine. Piaget a soulevé la chape qui écrasait la<br />
pensée sous le langage oral et Furth en a tiré les conséquences pour<br />
la psychologie et la pédagogie <strong>des</strong> sourds. <strong>Les</strong> mathématiques modernes,<br />
I'algorithmique, utilisées avec les enfants sourds prouvent<br />
qu'ils sont à même d'atteindre la logique, la pensée formelie.<br />
La sociologie, avec Mottez en France, pénètre dans l'existence<br />
d'une communauté ignorée, celie de la minorité sourde.<br />
Gr$ce à l'appareillage stéréophonique, le sourd n'est plus un<br />
borgne de l'audition et les micros H.F. suppriment l'esclavage <strong>des</strong> fils<br />
et les inconvénients de la boucle magnétique.<br />
Le langage parlé complété permet de capter visuellement la<br />
langue orale à plus de 90 %.<br />
Des métho<strong>des</strong> nouvelles, celles de Mm Borel-Maisonny, la<br />
verbo-tonale de Guberina ont été longuement expérimentées, intégrant<br />
les apportés de la linguistique, de la psychologie, <strong>des</strong> métho<strong>des</strong><br />
audio-visuelles.<br />
Quant à l'intégration, elle est susceptible de bouleverser la vie<br />
scolaire de l'enfant. Elie résout le paradoxe qui consistait à vouloir<br />
préparer l'entrée du sourd dans une société dont on commençait par<br />
le bannir et elle conduit, par une sorte d'osmose naturelie, à adopter<br />
les programmes et les exigences applicables aux entendants, alors<br />
que l'attention exagérément portee sur le handicap conduit toujours<br />
à minimiser les aptitu<strong>des</strong> de celui qui en est atteint.
Autrefois quashent nui, le rble essentiel que jouent les familles,<br />
vigoureusement représentées par leurs associations, est reconnu et<br />
I'dcluwtion peut débuter <strong>des</strong> les premiers mois sans plus attendre<br />
i'$ge de la a demutisatiorr B.<br />
La langue <strong>des</strong> signes commence LI fitre utitis6e : Pinterprète fait<br />
tomber 1â barrihre de la communication dans les situations <strong>sociales</strong><br />
et les adultes sourds enseignent l m langues aux parents et aux enfants<br />
dans les cbcoles quand Ils ne deviennent pas professeurs ou éducateurs<br />
spkiiafiscbs à part entière.<br />
<strong>Les</strong> ambitions professionnelles sont, par bonheur, devenues démesurées.<br />
La conception prevaut qu'LL n'existe pratiquement plus de<br />
cani$re hterdite.<br />
Réemment, les passibat& de communication par la lecture se<br />
sont mdtipfii4es : téléphone PUR TA TEL^ puis M ~ didogue, L procédé<br />
m O P E & ta télévision, enseignement assisté par ordinateur,<br />
enseignement par correspondance.<br />
La rbdementation admulistrative suit, ou même, prtrcbde IY6volution<br />
<strong>des</strong> moeurs. L%ncienne annexe XXIV quater permettait d&j&<br />
aux étabfissements de s'ouvrir sur I"extt*rieur par l'intem$diGe <strong>des</strong><br />
services de soins et d'éducation sp6ciaLisée à domicile. <strong>Les</strong> CDES et<br />
COTOEP, chargées de Porientation, supprhent fe hasard de la<br />
bonne ou mauvaise porte il laquelle les parents frappaient. <strong>Les</strong><br />
CAMSP mettent à la dQosition <strong>des</strong> fa<strong>des</strong> une équipe complbte<br />
de personnels eomp4tents.<br />
EXrn, @$ce à. l'avion, et am contacts avec l'étranger, en pruticulier<br />
les Etats-Unis, les modèles extérieurs tendent à être transposés,<br />
La presse non spécialisée et la téé.vision informent le grand public.<br />
Jusqu'au cinéma qui, par quelques beaux films, conduit les spectateurs<br />
à réagir personneHement face au probléme de la surdite,<br />
La panopGe s'est tellement divers3iBe qu'il est raisonnable de<br />
çonsid6rer qu% àl'exeeption de la greffe de cochlée qui -rérirait radicalement<br />
la surdité, nous disposons maintenant de moyens sufEsants<br />
pour faire de tout sourd de naissance un citoyen à part entière.
Mais b difficulté réside dans la mise en oeuvre, lksage UltensZ<br />
de ces moyens, leur appEcation spergque. Aucune thbrie d'ensemble<br />
ne permet dkassigner à chacun sa place. ILS engendrent une situation<br />
mouvante. h ur ut%sation, qui reI&ve autant de l'art que de<br />
la doetrine, exige cornpettenice, souplesse, prudence et imahation et<br />
il est hpossibie de les hserer dans un progamme rigide, rapidement<br />
caduc et nuisible.<br />
LES ANCIIENNES 1NSTRU~IONS MmISTEWELLES<br />
Jusqu'h aujourd'hui, à I'exceptian <strong>des</strong> professorats publlc et<br />
prive, les instructions mkisterielles étaient presque inexistantes=<br />
Le Ministre de ?Intérieur Wddeck-Rousseau, Direction de<br />
i'Admhistration d4partementde et eommunille, 3* Bureau, Sourdismuets,<br />
signe fe 3 septembre 1884 une ckeufa5e qul pr&ède un<br />
arrtltk hstituant <strong>des</strong> eertgiats d'aptitude de deux degés lienseignemenf<br />
<strong>des</strong> sourds-muets,<br />
Cette circulaire d'envhn deux pages, adressee aux Prefets, leur<br />
indique la phrfosophie, offlc3eUe depuis 1879, qui s'applique aux institutions<br />
nation<strong>des</strong> ahsi qu'am Ulstitutians qui reçoivent <strong>des</strong> bour*<br />
sim du. département et <strong>des</strong> communes: la methode orale pure<br />
remplace l'usage du langage mhique, Etle pr6conise la sépration<br />
compl&te entre les anciens 61:feves « qui sont depu& trop longernps<br />
formes au lmgap mùnique et les nouveawr hstrtxits par h parole<br />
qu"rl Saut soustraire absolument Ia tentation sf"exprher tant bien<br />
que mal leurs idees par <strong>des</strong> signes ,r,<br />
Le certificat du premier degr& porte sur les proc&dGs dd'enseipement<br />
de la parde et de la langue maternelle ainsi que sur les<br />
connaissances g6nt5rales (caagraphie, Bducation morale et civique,<br />
6lctments dkrithmétique, de &gapfiie, d'histoke, de fepns de<br />
choses),
Le çertifïat du demibme degres <strong>des</strong>tin4 aux formateurs, approfondit<br />
les Wiphm du premier degr&, et y ajoute l'histoire et la<br />
comparkon dm mmétho<strong>des</strong>, l%hboration du progamme.<br />
A la meme &poque, 1% maîtres rep6titeurs <strong>des</strong> Institutions na-<br />
~onala de sourds-muets sont recrutes par concours organisé, lui<br />
aw& par le *k&e de Phtbrie~r.<br />
U titre de bzrse est te brevet de capacité pour flenseipement<br />
primaire.<br />
Epreuvm écrites :<br />
1) &ritute : copie & la mniah d'un texts, pendant un quart d'heure.<br />
2) Dictee : note mUUmum 15 sur 20.<br />
3) Composition française de deux heures sur une pensde morale ou<br />
l'histoire de la Utterature fran*r?,<br />
4) Probl&mm d'arithm6Gque : fractions, calcul <strong>des</strong> ktérets, mesure<br />
<strong>des</strong> surfaea et <strong>des</strong> volmes, %te<br />
Epreuva orales :<br />
i) mtoire de France : depuis les Rois fainean& jusqul la R&vofution<br />
de 1848, Ii importe de connaltre : Ebroin et Saint-Uger? fe<br />
trait6 de Sltint-Cl& sur Epte, b Siège de Nie&, Ctznrad BI, Jean<br />
de Brienn-~ Thibaut de Champagne et Pierre Mauclerc, AEtevefd,<br />
Gou~ionS&t-.Ir:~ etc,<br />
2) CtSogapirie : la France et les cUlq continents,<br />
3) Lecture ?t haute voix : afin de juger la nettete et fa &art6 de fa<br />
prononciation.<br />
4) Ecriture et croquis d'obje~s au tableau.<br />
D'abord rrJp4titeur de classe avec un traitement de 1 000 F,,<br />
pius les avantages en nature (nourriture, chambre particuliere, chauffage,<br />
blanchhsage, &lairage), le candidat assure un service1 assiste<br />
aux cours normawr et passe <strong>des</strong> examens pour acekder aux gra<strong>des</strong> de<br />
profeseut-asjjoht puis de ptofmeur titulaire, avec titre d'agrégç5,<br />
dont le traitement culmine à 5 000 F. Y sont joints les avantages en<br />
nature sauf la nourriture.<br />
h durlie rnlnlmum <strong>des</strong> ditu<strong>des</strong> et de cinq ans,
La retraite, égale à la moitié du traitement moyen <strong>des</strong> trois dernières<br />
années, est assurée aprés 30 ans de service.<br />
Le document que je possède ne fait pas allusion au contenu de<br />
la formation.<br />
En avril 1945, R. Pringent, Ministre de la Santé publique et de la<br />
population, fait publier une série de textes sous le titre : i< Organisa-<br />
tion de l'enseignement <strong>des</strong> aveugles et de l'enseignement <strong>des</strong> sourdsmuets<br />
dans les hstitutions privées - Arrêtés - Programmes - Instructions<br />
B. La brochure comprend 36 pages : 3 arrêtés et <strong>des</strong> instructions<br />
concernant les sourds.<br />
L'arrêt4 du Secrétaire d5Etat à la Famiiie et à la santé, du 25<br />
avril 1942, s'applique aux etablissements priv6s d'aveugles et de<br />
sourds-muets. Ils doivent être agréés et soumis au contrôle du Secrétaire<br />
d'Etat. La scolarité, d'une durée de dix ans, comprend un enseignement<br />
général et professionnel.<br />
« Ces établissements comporteront nécessairement un internat,<br />
mais ils peuvent recevoir <strong>des</strong> dlhves externes ». Il est institué deux<br />
certificats d'aptitude, l'un pour renseignement <strong>des</strong> sourds-muets et<br />
l'autre pour celui <strong>des</strong> aveugles. Le contenu de l'arrêté est de vingttrois<br />
lignes seulement.<br />
R. Pringent, ii Vu Yordonnmce du 9 aoQt 1944, portant rCtablissement<br />
de la legalité républicaine sur le territoire continental», valide,<br />
le 20 avril 1946, le précédent arrêt6 pris par le gouvernement de<br />
Vichy.<br />
L'arrêt6 du 23 avril 1946, relatif au certificat d'aptitude à l'enseignement<br />
<strong>des</strong> sourds-muets, institue un certzicat du premier degré<br />
permettant d'enseigner am élèves <strong>des</strong> établissements privés de<br />
sourds-muets et un certificat du deuxikme degr6 exige pour la formation<br />
<strong>des</strong> maîtres.<br />
Le diplôme de base est le brevet supérieur ou le baccalauréat.<br />
L'enseimement professionnel est aussi concerné et les chefs<br />
d'atelier subissent un examen complet,
Trois pages <strong>des</strong> instructions du 24 avril 1946 concernent le professorat<br />
<strong>des</strong> enfants sourds.<br />
Il est rappelé que l'arrêté du 3 septembre 1884, alors vieux de<br />
soixante-et-un ans,
cycle prkparatoire : de3 A7ans<br />
premier cycle : de 7 10 ans<br />
de~ème<br />
cycle :<br />
de 10 B 14 ans<br />
- cycle technique : à partir de 14 ans.<br />
Une repartition horaire <strong>des</strong> discipiines est fixée.<br />
Sont joints un progamme de grammaire et de vacabdaire r&-<br />
digé par M. Mandin, professeur <strong>des</strong> TNJS, ainsi qu'un programme de<br />
calcul. La connaissance par les professeurs du contenu de leur enseignement<br />
est apprécike :
jointe la n&essaire techniclte5 de leurs enseignants et aux moeurs<br />
de IP4poque, eut pour conséquence de les rassembler, donc de les accueillir<br />
en intt-nat et de les séparer du reste de fa popdation. <strong>Les</strong><br />
gros établissements actuels sont les h6ritiers de cette lohtaine histoire.<br />
Leur origine explique leur pbhsophie ainsi que les uiquiétu<strong>des</strong><br />
de leur personnel confronté aux évalutions Inéluctables.<br />
En effet, depuis quelques dizaines dknn6es, se sont crdés, souvent<br />
à l'initiative d'orthopho&tes, <strong>des</strong> $tabfissements de faible effmtif<br />
qui drainent la population Iode. En mfrme temps, <strong>des</strong> parents et<br />
<strong>des</strong> hstituteurs novateurs se laxrgaie~t dans <strong>des</strong> tentativm d"istlctgation.<br />
Dans les deux cas, petit dtabifissement sp&ciLtfis& ou ktdgation<br />
chez les entendmts, 1'enfant saurd vit dans sa famille et les eEectifs<br />
<strong>des</strong> ~eBes kstitutions fandent.<br />
Certains soubaitent supprher ces 4tablissements coQtt=ux et segregatifs,<br />
qui aupentent l%olement de l'enfant, déja coup6 de fa<br />
coItectivitt5 langa5;;ere. D'autres pr6ferent les conserver car ils sont le<br />
lieu où se rencontre la compréhension la plus large du handicap, A<br />
preuve, là langue <strong>des</strong> signes qui y a subsisté en dépit de l'anathème<br />
jeté sur elle,<br />
En rddigeant h nouvelle annexe W V quater, le mhist&re s<br />
optd pour un pari : le maintien <strong>des</strong> 6tabEssements mais à la condition<br />
qu7& se rbnovent. <strong>Les</strong> critiques Bnancées i% f'cfgard de ces structures<br />
sont connues de I'ad&istration dont la decision aurait pu consister<br />
à 3.- laisser ss'E:tjoler, dépérir jusqu'a dkparition. Ce ne fut pas son<br />
choix mais, au contraire, de les aider en les Uncitant crker les services<br />
Idgexs d'6ducation pr&oce et d'htégation scolaire qui rBpmdent<br />
à la demande <strong>des</strong> parents en nombre croissant.<br />
Le recentrage sur les étabxissernents anciens n'a pas pour corollaire<br />
l'ulterdiction <strong>des</strong> structures de type récent. Le ddcret et sa<br />
circulaire sont explicites sur le aneept de rattachement, qui est souhaitable<br />
mais non hdispensable. Que les promoteurs se rassurent. Le<br />
seul prlncipe absolu est de faciliter un quadrrüage, un r6seau qui apporte<br />
le service Ià où se mangeste la demande, partir de l'échelon<br />
local, au besoin en s'aadressant au secteur libéral, jusqu'a l'4chelon<br />
régional et marne nationaf. (pour quelques metiers rares). La diffe-
ence réside en ce que, encore plus que par le passe, toute creation<br />
doit être etudiée il partir d'un plan d'ensemble.<br />
La règle de rattachement, qui s'appiique dans les meaeures<br />
conditions lorsqu'elle étabiit <strong>des</strong> relations Btroites entre les antennes<br />
et leur centre lourd, ne saurait jouer non plus contre les gran<strong>des</strong> associations<br />
qui se situent dans la mouvance de I'Education Nationale<br />
et dont la vocation a 4t6 de combler les vi<strong>des</strong> géographiques ou methodofogiques.<br />
Ge sont <strong>des</strong> partenaka qui ont fait leurs preuves et le<br />
ministère étudie avec le plus viE interêt les dossiers qu'llis deposent :<br />
ses critiques ne procèdent pas de l'intention d"4luder mais de parfaire,<br />
dans le cadre <strong>des</strong> texte.<br />
L'administration n'a r6dig4 la nouvelle annexe XXIV quater<br />
quken raison <strong>des</strong> muta~ons qui se produisaient sur le terrain. Blie<br />
était certaine de la « faisabilitb » de ce qu'elle premnisait parce que<br />
de nombrev gtablissements dparniques étaient en train de b rtsaSiser,<br />
Lbrigine de ces idées ne réside pas dans l'utopie, mais dans ce<br />
qui existe d4jb de plus performant.<br />
C4tabEssement complet, avec ses trais sections et ses deux services<br />
f, est une structure capable de prendre en charge le sourd dans<br />
son unitb, depuis ses premiers balbutiements jusqu'Èt son installation<br />
dans la vie économique.<br />
Bien entendu, l'ambition serait d4mesurée si r6tabksement<br />
devait vivre en autarcie, Au lieu de rependre aux besoins, I'6tabfissement<br />
les reduirait aux réponses qu'il peut apporter. Nous avons<br />
connu cette situation dans le passC. C'est pourquoi l'ouverture vers<br />
l'extérieur et la recherche de collaborations sont multifarmes : familles,<br />
cursus scolaires varies, autres 6taillissements q4ciaEs4sy services<br />
hospitaliers, entreprises, etc, L'6tablissement est un centre de<br />
services, qu'il les assure, les organise 'au y participe.<br />
Toutefois, pour <strong>des</strong> raisons Fmancibres et non fonctionnelles,<br />
deux services ont d0 &tre omis. L'un en amont, l'autre en aval,<br />
2. ta distinction entre section et senice n'est pas organique. Sa raisan est la dglementarian<br />
finaacii?re,
L'étabEssement doit assurer une mission d'information dans le<br />
cadre de la prkvention. Une familles, dont la ferme intention est le<br />
refus d'inscription dans un gros établissement, peut avoir envie de<br />
venk discuter de ses probl5mes lorsqu'eile se heurte à <strong>des</strong> graves difficultés,<br />
Le Mhistre reçoit parfois <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> de conseiis alors<br />
que <strong>des</strong> experts se trouvent à quelques Uom6tres.<br />
En aval, le service de suite, le centre de promotion sociale <strong>des</strong><br />
adultes sourds, sont <strong>des</strong> organismes qui font chaque jour preuve de<br />
leur utilité : recherche d'emploi, formation continue, service social,<br />
etc. Une fois tlmancipé de toute tutelle, le sourd doit savoir oir<br />
s'adresser pour etre compris, orienté et aidi5 de fason ponctuelle,<br />
Dans toutes ses composantes, l'établissement apparaît comme<br />
un centre spécialisé dans les divers types de communication qu'il faut<br />
établir avant de prétendre enseigner, former, cultiver. De là I'însistance,<br />
au fil <strong>des</strong> textes, sur le français, le LPC, la LSF et ceux qui en<br />
sont transmetteurs : parents et professionnels. En effet, communiquer<br />
est la condition de transmission <strong>des</strong> informations. Ne jamais<br />
oublier que, quoi qu'on fasse, le fil du téléphone est coupé. La surdit4<br />
demeure. Un enfant sourd plongé dans le bain de langage du milieu<br />
entendant n'a jamais appris spontanément le français. L'adulte<br />
devenu sourd se sépare progressivement de son entourage, et réciproquement,<br />
car cette infirmité handicape autant l'interlocuteur que<br />
celui qui en est atteint.<br />
L'gtablrssement est aussi un centre de promotion dans les carrigres<br />
éduatives et enseignantes pour les sourds adultes susceptlbh<br />
d'y bénéficier d'un emploi, depuis AMP jusqu'h professeur, Durant<br />
un sikle, les sourds de naissance se sont plaints de n%tre jamais<br />
écoutés lorsqu'ils révélaient aux parents et aux enseignants quels<br />
étaient les besoins réeis <strong>des</strong> enfants. De lLt un discours passionné et<br />
inévitablement ressasseur. Dorenavivant, les sourds participent activement<br />
aux missions <strong>des</strong> établissements, ce qui entra%era <strong>des</strong> frictions,<br />
<strong>des</strong> conflits, mais aussi <strong>des</strong> modsications de qonvictions a<br />
priori de part et d'autres. En fonction <strong>des</strong> caractares, certains s'entêteront<br />
dans leurs positions, mais les esprits observateurs tireront ies<br />
lois de f expérience.
En%, bs étabtissements ont toujours &te <strong>des</strong> centres de furmation<br />
pratique ; où apprwdre 18 profession d'enseismr, si ce n'est<br />
par un contact assidu avw les mfants ? Quhe ans de respon~bat4s<br />
dans Xa dawance <strong>des</strong> dipiiôme m'ont kcdqu4 e~nEaaw dans tes<br />
Bquipes de famateuas.. Eues ont emiehi mes corn&smncm p4dag~-<br />
@quasa Dsrenavant, cet dtat de fait est r&@ement6, de sorte que $es<br />
4mles contribuent à. la pdparatiort au S, B Xa fois par las<br />
~fBves-prrof~sseu~s qu'en- rautent comme par b passts, mais aussi<br />
pour <strong>des</strong> candidats e~4rieurs qui ont besah de parfake Zews formatiorrs<br />
&@& sp&iaEset?s,<br />
En prhcipe, tout enseie;tremertxt suppose f edsteni:~ d'uns hxtspwtiun.<br />
CEducatian nationale cansidbx'e amme indisp.ensable cette<br />
fanc~on qu%ge divemifxe en pdm, da plus humhie arr plas 6Xe~6~<br />
Or cette r&gfe, appleee aux &COXS de soUfds, fa connu de bizawes<br />
vichsîtu<strong>des</strong>.<br />
<strong>Les</strong> vleux btabüissaments conscmeat dans ZC?U~S archives fa. m4-<br />
moire dl: visites d'hspectsturs, &si ie Centre Sacques Cartifor, &<br />
Sahl-Bxieu~ détient <strong>des</strong> comptc;s rendus manuscfits, datés de 1863,<br />
186% 1885, 1891, 3906, L'ulsp-ctew g&n&ral <strong>des</strong> dtabBs5mc;ixrs de<br />
sourds-maet% def&p$ par Xe mùlist&re da PIntesieurr, v&r%i&t b niveau<br />
<strong>des</strong> 4l5~es OU presidiïlt Ea wmm&sion &ar@e de dÇrXimer Is<br />
profwox'at.<br />
Dans Prur et Xra~we cas, les ambit3ans: &$aient r4duites Au d&bug<br />
h m6thode &tait gm~~-~aphique.' <strong>Les</strong> 6l&vs frdduhaieht @une<br />
langue dans fautre, mais le wntenu <strong>des</strong> cannaisances &tait limite :<br />
quelqam ordrs, pasrtics du WQS, noms d'animauc et ddgarbs~ une<br />
wnvemation rMuite à <strong>des</strong> bnaEt6s et, en cafcuf, <strong>des</strong> pmblbmes 41&<br />
mentakes, Pourtant, en 1866, M. \'fade Gabd .« nom dit qu5.l am&<br />
bt6 fromp4 d'une naniere Jndipe ciam une commuaaulb reEgielmse :<br />
an avait faufil6 parmi $es sourds-muets <strong>des</strong> enfants pasfsmtas qui
utaient ce que l'on disait et qui transmettaient les réponses aux<br />
sour<strong>des</strong>-muettes. Cette supercherie est trks blâmable ! M. l'Inspecteur<br />
eut l'air de conserver un mauvais souvenir de cette communautb.<br />
Il nous défendit bien de souffler les réponses à nos élbves B.<br />
]sa tentation de truquage devait etre induite par le niveau quasi-nul<br />
<strong>des</strong> enfants.<br />
La méthode orale ayant été inauprée le 1" octobre 1883, la parole<br />
et la labio-lecture furent dorenavant considérées comme objet<br />
@inspection et rnatibre du professorat. L'atmosphère était paternelle,<br />
u Par <strong>des</strong> paroles marquées au coin de beaucoup d'intérêt, M.<br />
PInspwteur nous dit : "Ne craignez pas, mes Chères Soeurs, nous<br />
n'allons pas nous poser devant vous en juges sévkres, vous soumettant<br />
une s&ie hterminribfe de questions. Nous jugerons du savoirfaire<br />
<strong>des</strong> mattresses par les élèves. Nous n'avons mauvaise opinion ni<br />
<strong>des</strong> unes ni <strong>des</strong> autres". Fuis, se servant d'une gracieuse métaphore,<br />
M. l'Inspecteur ajouta: "Nous allons procéder comme <strong>des</strong> arracheurs<br />
de dents, en vous donnant votre brevet sans que vous vous en<br />
aperceviez'\», L'attitude est éclairée par l'étymologie puisque les<br />
mots * inspwteur » et « évtlque P ont pour racine, le premier, un<br />
verbe latin. et, le second, un verbe grec de meme sens : surveiller.<br />
Par la suite, il a existé un « inspecteur <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> » titulaire &<br />
l'IN35 de Paris, Puis un décret de 1953 créa le statut, le grade et<br />
Pemplol « d"lttspeeteur technique <strong>des</strong> établissements pubEcs ou privés<br />
agrf:& d'enseignement de sourds-muets et &aveu<strong>des</strong> s. Mais en<br />
peu &années, le support budgétaire disparut, utilisé sans doute à<br />
d'autres fins, ce qui a Iongemps laissé planer une suspicion sur le<br />
bien fond6 de cet emploi de titulaire. C'est ainsi qu'un professeur<br />
contractuel de PENSP exerça la fonction (4 d'inspecteur de l'ensei*<br />
sement <strong>des</strong> déficients sensoriels » puis furent créés deux emplois<br />
« d'hspecteur technique et pédagogique contractuel dans le cadre du<br />
contrele technique <strong>des</strong> établissements et services pour enfants et<br />
adultes &adaptés et handicapés P.<br />
U. semble, aujourd'hui, que cette anomalie soit en voie de règlement<br />
dans le cadre de la r6organisation gencSrale de l'enseignement
de sourds puisqu'un arrêté du 9 octobre 1987 fait reference au décret<br />
de 1953,<br />
Que le contribuable qui sommeille dans tout lecteur se rassure,<br />
<strong>Les</strong> Uidices de cet inspecteur correspondent au « bas de gamme » de<br />
1'Education nationale. Pourtant, 3 s'agit d'un progrhs hportant<br />
puisque, enfin, l'enseignement <strong>des</strong> enfants sourds est reconnu devoir<br />
comporter une structure identique à ceUe de l'enseignement normal.<br />
L%dministration départementale, tutelfe <strong>des</strong> établissements et services,<br />
est compétente dans les domaines administratifs, financiers et<br />
médicaux, mais il lui manque un éclairage proprement pédagogque<br />
qu'elfe doit trouver dans une saine organisation.<br />
LES PARENTS<br />
Depuis 1965, date de naissance de I'MEDA, un nombre croissant<br />
de parents recjame la reconnaissance de leur rôle spécifique sur<br />
un pied d'kgaLitt5 avec les professionnels. II est inutife de reprendre<br />
ici ce qui est énoncé clairement dans l'ensemble <strong>des</strong> textes. L'enfant<br />
sourd n'y est plus considéré comme un malade, ni uniquement<br />
comme un élève. <strong>Les</strong> racines de son developpement plongent dans sa<br />
famille. Cette vérité psychologique, &guistique et socide est<br />
d'ailfeurs applicable aux entendants, Sans doute mériterait-eue d%tre<br />
affirmée avec autant de précision pour ces derniers afin de relativiser<br />
la responsabilité <strong>des</strong> enseipants dans les succès et les èchea.<br />
La rmendication <strong>des</strong> parents contre le pouvolt exclusif <strong>des</strong> professionnels<br />
est d'une légitimité ulcontestable. Au départ, ils sont les<br />
principaux acteurs de 1'6ducation précace puis, à mesure que l'aspect<br />
scolaire prédomine, certains deviennent d'excellents « rkpétiteurs >,<br />
et, dans tous les cas, ils demeurent les représentants, les avocats, de<br />
l'intérêt <strong>des</strong> enfants. Leurs deman<strong>des</strong> sont constamment à étudier,<br />
soit en tant que projet hmediatement réalisable, soit comme expression<br />
d'un souhait qui met I'accent sur une dimension de l'sducation<br />
dont les professionnels tiennent encore insuffisamment compte,
Des exemples de l'efficacité de l'action familiale se rencontrent dans<br />
tous les domaines : LSF, LPC, qualité de la parole, élévation du niveau<br />
scolaire, créations de services de soutien à l'éducation familiale<br />
et à l'intégration scolaire, etc.<br />
Cependant, une attitude démagogique à leur égard aurait <strong>des</strong> effets<br />
pervers. Le rôle de la puissance publique est de reconnaître<br />
l'existence de pouvoirs (médical, orthophonique, pédagogique, parental,<br />
formation <strong>des</strong> orthophonistes avec ceux <strong>des</strong> professeurs <strong>des</strong> secteurs<br />
public et privé du ministère de la Santé.<br />
En 1972 est envisage l'uniformisation <strong>des</strong> diplômes <strong>des</strong> enseignants<br />
de 1Wducation nationale et de ceux de la Santé pubfique.<br />
La loi #orientation en faveur <strong>des</strong> personnes handicapees, du 30<br />
juin 1975, en prescrivant la prise en charge par 1'Etat <strong>des</strong> dépenses<br />
d'enseignement, accélkre la poursuite de l'unification <strong>des</strong> diplômes.<br />
Des années de tractations, conduites dans un esprit constructif<br />
avec la Direction <strong>des</strong> écoles du ministère de 1'Education nationale,<br />
amènent, en 1979, à la rtldaction d'un diplôme d7Etat de professeur<br />
chargt: de l'éducation et de la réeducation <strong>des</strong> déficients auditifs qui<br />
ne peuvent acquérir le langage sans la mise en oeuvre de techniques<br />
spéciafistses (DEPEmA},<br />
Le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement <strong>des</strong><br />
jeunes sourds (CAPEJS}, nouvelle appellation du DEPERDA, voit le<br />
jour en 1983. Il est prévu que les instituteurs titulaires du certificat<br />
d'aptitude à l'enseignement <strong>des</strong> inadaptés, option handicapés auditifs<br />
fCAEf-m}, ainsi que les orthophonistes, y aient accès par complément<br />
de formation. Ce diplâme d7Etat, bien que commun aux deux<br />
ministères, sera décerne par le seul Ministre de l'Education<br />
nationale,<br />
Si le problème du diplôme unique était résolu, celui du statut<br />
<strong>des</strong> professeurs relevant du ministhre <strong>des</strong> Affaires <strong>sociales</strong> et de la<br />
sofidarité nationale ne l'était pas. En application de l'art. 5 de la foi<br />
du 30 juin 1975, ifs auraient da passer à 1'Education nationale. Le<br />
transfert s'avéra impossible,<br />
Or, depuis plus de dix ans, une sorte d'épée de Damaclès était<br />
suspendue au-<strong>des</strong>sus <strong>des</strong> écoles de sourds. <strong>Les</strong> adaptations pédagogiques<br />
indispensables &taient stoppées puisque les pédagogues allaient<br />
changer de tutelle, L'attente du futur diplôme bloquait l'évolution.<br />
Sous peine de laisser sombrer l'enseignement, une décision<br />
s'imposait. De là le décret du CAPEJS signé, enfin, le 27 octobre<br />
1986, évidemment par le Premier Ministre, mais aussi seulement par<br />
le Ministre <strong>des</strong> Affaires <strong>sociales</strong> et de l'Emploi et par fe Secrétaire
1" lorsqu'un établissement ne trouve pas de professeur de sourds<br />
sur le marché du travail, il peut dorénavant envisager de leur substituer<br />
<strong>des</strong> instituteurs spécialisés en s'adressant à l'Education<br />
nationale ;<br />
2" la formation complémentaire <strong>des</strong> instituteurs CAAPSAIS-A<br />
sera à organiser par le ministère qui délivre le CGPEJS, mais en liaison<br />
étroite avec celui de PEducation nationale.<br />
LES ORTHOPHONTSTES<br />
J'aborde ce problème 2 partir de mes origines professionnelles.<br />
Professeur <strong>des</strong> instituts nationam de jeunes sourds, j'ai aussi exercé<br />
l'orthophonie, en dispensaire et à titre libéral, car je bénéficie depuis<br />
1966 d'une ' autorisation d'exercer, Je m'honore d'être un ancien<br />
6lève demeuré constamment attentif à la pensée d'un de ses maîtres,<br />
Mme Borel-Maisonny. Le lecteur est donc en droit d'attendre de ma<br />
part un effort vers l'impartialité.<br />
Quelques remarques préliminaires.<br />
Pour s'occuper <strong>des</strong> enfants sourds, un orthophoniste se doit<br />
d'être competent dans <strong>des</strong> disciplines non médicales : phonétique,<br />
Linguistique, acoustique, etc. Il applique souvent la méthode verbotonale,<br />
découverte du Professeur Cuberina, linguiste yougoslave. Il<br />
se sert du Langage Parlé Complété, création du Docteur Cornett,<br />
physicien américain. Un nombre croissant s'initie à la langue <strong>des</strong><br />
Signes Française, moyen de communication inventé par la communauté<br />
<strong>des</strong> sourds.<br />
L'approche du sourd dépasse donc largement les concepts de pathologie,<br />
troubles de l'articulation, de la parole et du langage. La<br />
réalité est contradictoire. D'un côté, la cochlée est atteinte. De<br />
l'autre, <strong>des</strong> parents sourds considèrent que leurs relations seront parfaitement<br />
normales avec leur bébé, dans la mesure où il sera luimême<br />
sourd.
Une espèce humaine sourde est-elle inimaginable ? Elle aurait<br />
survécu plus difficilement au paléolithique mais, à condition de compenser<br />
ses pertes occasionnées par les grands prédateurs devenus<br />
'silencieux, rien n'interdit de penser qu'elle aurait su communiquer et<br />
der <strong>des</strong> civilisations avancées.<br />
Le sourd de naissance est anomal par rapport à Pentendant autant<br />
que l'entendant l'est par rapport au sourd.<br />
11 ne persoit pas certaines vibrations, ce qui est le cas de tout<br />
homme sain, atteint en rédité de surditdé et de c6citt5 par rapport à<br />
certains animaux. <strong>Les</strong> possibllltés de captation de I'espkce humaine<br />
occupent une partie extrêmement étroite de l'immense champ <strong>des</strong><br />
vibrations, Pourtant, nous ne nous en offusquons pas, ayant décide<br />
que l'home est la mesure de toutes choses, égocentrisme rl la fois<br />
logique et vaniteux.<br />
« Comment peut-on être Persan ? » demandait ironiquement<br />
Montesquieu. Ne soyons pas plus que lui dupe de la question<br />
6 Comment peut-on &tre sourd ? » en nous livrant à un acharnement<br />
pseudo-thérapeutique naïf et vain.<br />
Annie Dumont exprime sa perplexité dans aL'OrtI'z~phonistet<br />
l'enfant sourd », Masson, 1988, préface de A. Morgan :<br />
« ... l'action orthophonique auprès d'un déficient auditif ne s'envisage<br />
pas comme une rt5éducation mais comme une éducation ... »<br />
(introduction).<br />
a .,. dans f'interlocution entre le sujet sourd et l'entendant, on<br />
peut se demander qui est handicape. Est-ce le sujet sourd en raison<br />
<strong>des</strong> problèmes qui tiennent à sa mal-audition, ou I'entendant qui ne<br />
sait comment transmettre son message ? La non-circulation <strong>des</strong> messages<br />
incombe aux deux partenaires.,, >, (p. 6).<br />
« Avec le ddéficient auditif, la place de f'orthophonie est différente<br />
de celle qu'elle occupe vis-&vis d'autres difficultés langagières,<br />
et une discussion autour de l'orthophonie inévitable pour tous les<br />
sourds me semble nécessaire. >> (Conclusion).<br />
Le Professeur Jean-Claude Lafon, dans a <strong>Les</strong> enfants d6ficienfs<br />
audth'fi », SIMEP, admet qu'on ne peut exiger une formation com-
plete a la fin <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> et que lkrthophoniste doit la parfaire luimQme<br />
:<br />
leur concours est souhaitable au m&me titre que celui <strong>des</strong> autres professionnels.<br />
Leur place est reconnue dans k pédagogie entendue au<br />
sens large du terme.<br />
- Art. 7 : En ce qui concerne liedueaiion précoce et l'ht4pation<br />
scolaire, les semices peuvent passer <strong>des</strong> conventions avec <strong>des</strong> centres<br />
d'au&ophonolo@e et <strong>des</strong> CAMSI? (oh pratiquent de nombreux orthophoniste~),<br />
et mê-me <strong>des</strong> htewenants spkialisés proches du domicile<br />
<strong>des</strong> parents. Cette formule a 6th introduite à h demande de<br />
mt5decins et de parents. Elle permet aux familles de ne plus devoir<br />
choisir entre leur ofihoNniste, en qui e b ont toute confiance, et<br />
le soutien &une structure plus etaffhe à laquelle elles font aussi appd.<br />
D'une par& fa densité <strong>des</strong> enfants sourds est si faible que beaucoup<br />
d'entre eux passeront & travers le filet <strong>des</strong> établissements et<br />
services si ses mailles sont trop larges. D'autre part, les parents cherchent<br />
ant (insemer fa responsabiiite de f'ésducatian, mission hautement<br />
souhaitable. Pour tout le mande, IkpcÇrat2 du meLUeur semice<br />
pqcho-puagogique doit primer sur la recherche de clientèle.<br />
Le rnCtier d'enseipant. sera-t-if ouvert aux orthophonistes qui le<br />
sorrhaiteraimt ? Officiellement, rien n'est encore décide. Mais <strong>des</strong><br />
prk6dents justzent une telle mesure. Le défunt DEPEmA prevoy&<br />
de recruter <strong>des</strong> orthophonistes, qui furent d'ailleurs nombre=<br />
à passer le CAEUDA en b4néficiant de certains auégements (leur<br />
travail et leur savoir sont reconnus par une &quivalence totale avec le<br />
CAPWS), J'mthe qu'il faudra poursuivre dans la même direction<br />
en pemettant aux orthophonistes qui exercent dans une structure<br />
d'enseipement <strong>des</strong> enfants sourds l'amGs au professorat. L%mbitiorx<br />
d'un double titre mérite d'être encouragke,
LES IWERVENANTS soums<br />
LYAssernUée constituante votait, le 26 août 1789, la Declaration<br />
<strong>des</strong> droits de Yhomme, rédigde * par Mg Champion de Cice (1735-<br />
1810), archevêque de Bordeaux, pr6lat &lairé digne d'appartenir & la<br />
patrie de Montaigne et de MontesqGeu.<br />
L'article W est &sait sur le mur du musée du Desert, au Mas<br />
Soubeyan, prtls dtAnduze dans les Cevernes : .« La loi est l'expression<br />
de h volonté gt5RIrrafe ; taus les citoyens ont le droit de concourir<br />
personnellement, ou par leurs représentants, 2t sa fornation ; eue<br />
doit .tee la meme pour tous, soit qu'de protBge, soit qu'elle punis&<br />
Tous les citoyens, étant egam à ses yeux, sont également admissibles<br />
toutes dimit&, places et emplois pubscs, selon leur capacité et sans<br />
autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents, »<br />
Ces fartes paroles imprhIres dans un lieu sacre du protestantisme<br />
nous grneuvent encore. <strong>Les</strong> adultes sourds n'ont jamais 6té<br />
brhés par les dra-nna<strong>des</strong> ni condamnBs aux galtlres. Pourtant,<br />
nkuubons pas la façon iporninieuse dont furent chasstss les professeurs<br />
sourds de Pfnstitut nationd de Paris apr&s le Congks de<br />
Mgan, soi-dismt pour le bonheur et Pdlevation <strong>des</strong> enfants ; ni cette<br />
enseignante submergke par IVmotion parce que, pour la première<br />
fois, dans un congrès d'orthophonistes presidct, par MmBBorel-<br />
Maisomy, eue avait le droit de parler de ses parents sourds de naissance<br />
et de la iangue de son enfance : la swidt6 remn~aisslut enfin<br />
sans restriction rhummité de son père et de sa m&re, Le bons sentiments<br />
ont conduit, pendant cent ans,
spirituel. Pour cela, la tolkrance, l'6coute de l'autre, le refus <strong>des</strong> vérités<br />
défdtivm, doivent être sans cesse rappelés » (Conf6rence <strong>des</strong><br />
prix Nobel, réunie au Palais de I'Elyske à Paris du 18 au 21 janvier<br />
1988 - 3e conclusion).<br />
Cependant, d'une part, notre soci&té reste majorita2ement de<br />
langue française, d'autre part, supprimer un privilt3ge abusif et nocif<br />
ne wnsiste pas à le remplacer par un autre présentant les mêmes inconv6nients.<br />
L'enfant sourd doit donc pouvoir s'intégrer à la société<br />
française. Dans cette affaire, f'intevrète n'est qu'une b6quiI.k ou une<br />
prothèse dont il faut pouvoir se passer chaque fois qu'elle n'est pas<br />
hdispensabfe, D'où le principe du bhguisrne.<br />
Il reste que, pour un sourd de naissance, parler et ke<br />
le français<br />
est devenu un droit imprescriptible, mais non plus un devoir ou la<br />
normaLisation d'un état pathologique. Par contre, le maître ou l'orthophoniste<br />
conservent le devoir de faciliter & leur élève l'exercice de<br />
ce droit. Ils ne sauraient etre autorisés à s'en dispenser,<br />
L9Et)UCATION PRECUCE<br />
LIX déficience sensurieftr: de l'enfant sourd concerne lbrgane<br />
pri*6$6 pour l'installation de la cornmunicatian spécXquement<br />
humaine ; c'est fa seule conséquence nefaste. A preuve, les enfants<br />
déficients auditifs nés dans une famüte sourde : leur développement<br />
affect3 et inteumtuel est normal.<br />
Deux axiomes régissent I%éducation prclcoce :<br />
-pour que la communication s'etabLisse, le syst2me de signes doit<br />
être ht6gdement perceptible car ce n'est que lorsque le système<br />
est intégr4 que les signaux sont reconnaissables à partir d'indices<br />
partiels qui, au début, sont redondants. <strong>Les</strong> sens apprennent en<br />
haute fidélité ;<br />
- la langue maternelle est celle de la m&re. Il semble, de même, que<br />
1"ducation auditive de l'entendant commence avant h naissance.
De la perceptibilité découle l'exigence que la langue présentée ii<br />
l'enfant sourd soit totalement visible, ce qui caractérise la lecture fabiale<br />
complétée par le LPC, ainsi que la LSF.<br />
Du rdle predorninant de la mère, it s'ensuit que le français avec<br />
LPC et/ou la LSF ~"pprennent en les vivant, au seul de la familie,<br />
mais ni au centre de r44ducation ni à l'école. La mère et le père<br />
transmettent leur langue à leur enfant. Si ce don prbordid n'a pu<br />
&tre offert, if est vain dPesp4rer trouver un moyen de remplacement.<br />
Ou, à tout le moins, il entraîrzera retards, gaspaage d'efforts et défectuosités.<br />
Ce sont d'ailleurs les parents qui ont introduit et qui répandent<br />
le LPC en France et 2s sont d'actifs demandeurs de LSF. Par le<br />
moyen de l'un ou de l'autre? 3s retrouvent leur r61e naturel alors que,<br />
dans le passé, une infime minorit6 d'entre eux aboutissait une rkussite<br />
andope grilce au préceptorat maternel en collaboration avec<br />
une ~rtho~h'oniste.<br />
En anséquence, dans f'education précoce, b dépistage$ le diagnostic,<br />
l%appareillap, l'appkation de la phonétique articulatoke et<br />
acoustique demeurent du ressort <strong>des</strong> spécialistes.<br />
Pour le reste (éducation de l'enfant, guidance parentale, etc.) le<br />
professionnel est le mméatew entre les parents et l'enfant. El travaille<br />
h leur service afin de leur permettre le plein exercice de leurs<br />
droits et devoirs sans oublier jamais que la vkritable langue (avec ses<br />
aspects sémantiques, gammahnux, affectxs) passe par eux et non<br />
par lui..<br />
Une partie de fa prise en charge psychologique peut liicomber<br />
utaement aux adultes sourds qui incarnent une image positive de<br />
.t'évolution potentielle de l'enfant, ainsi qu'aux parents qui ont dépassé<br />
les bjocages initiaux et *< le processus de deuil ».<br />
La richesse d'apports caractérise le service hautement sp4cialistS<br />
en &ducation précoce,<br />
L'entrée <strong>des</strong> « enfants-LPC » et <strong>des</strong> « enfants-LSF u va modzier<br />
aussi profondément b pédagogie et les ambitions <strong>des</strong> 6tabEsements<br />
qui devront cagaborer etroiternent avec les parents en apipfication Ife
la loi psycho-sociologique selon laquelle la réussite scolaire et universitaire<br />
dépend statistiquement du niveau socio-culturel de la famille.<br />
Ce qui entraînera, en outre, que les professeurs ne soient pas limités<br />
par <strong>des</strong> incompétences techniques dans le choix de la méthode adaptée<br />
il l'état de leurs éléves.<br />
D'ailleurs, <strong>des</strong> parents, afin de réaliser cette synergie école-famille,<br />
créent leurs propres écoles. Ils instaurent une collaboration<br />
entre les professionnels et les usagers qui contrôlent eux-mêmes la<br />
conservation du projet initial et la qualité <strong>des</strong> résultats.<br />
Bien entendu, la surdité demeure événement gravement négatif.<br />
Dans la mesure où la famrffe ne peut le contrebalancer, le risque<br />
d'échec est accru. Cependant, grâce à la précocité d'installation et à<br />
la fiabilité <strong>des</strong> canaux de communication, la perspective doit être<br />
d'atteindre, pour tous les enfants qui ont tiré profit de l'éducation<br />
précoce, un niveau scolaire identique à celui <strong>des</strong> entendants. C'est la<br />
nouvelle frontikre du me sikcle, le défi à relever par l'administration,<br />
les établissements et services.<br />
LE BILINGUISME<br />
La langue <strong>des</strong> signes, langue visuo-gestuelle, donc physiologiquement<br />
naturelle aux sourds de naissance, fut bannie, il y a un<br />
siécle, <strong>des</strong> écoles qui espéraient réussir l'oralisme sans éducation<br />
précoce, ni intégration scolaire, ni éducation auditive, ni labio-lecture<br />
fiable, au sein de gros internats. <strong>Les</strong> résultats furent, inévitablement,<br />
décevants. Mais il ne suffit pas de le constater et d'inverser le processus<br />
pour découvrir la bonne méthode.<br />
Certains précoqisent le bilinguisme, On constate que la recette<br />
est celle du piité d'alouette : un cheval de LSF pour une alouette de<br />
français. L'acquisition <strong>des</strong> deux langues est déséquilibrée. En dépit<br />
de l'étiquette, il s'agit de mono-linguisme.
ft n'existe d'ailteurs en France aucune pédagogie bilingue. <strong>Les</strong><br />
jeunes étrangers sont placés dans <strong>des</strong> classes sp4ciales dans lesqueües<br />
on se contente de leur enseigner le franpis, En l'espace de<br />
trois mois à deux ans, ifs sont mis il niveau et suivent fe cursus scolaire<br />
de leurs condis&ples autochtones. Lknseigrrernent nkst jamais<br />
dispense sur un mode b&gue, qui reste B inventer, meme pour les<br />
entendants,<br />
L'hsothèse d'un passage ais6 de la langue <strong>des</strong> signes (conwe<br />
comme la forme orale de la langue <strong>des</strong> sourds) à sa transcription en<br />
fran~ais reçoit la caution de certains linguistes. A mon avis, ils<br />
s'abusent. Quelles que soient les diffhrences entre le français par14 et<br />
le français écrit, <strong>des</strong> ressemblances existent, ce qui n'est pas le cas de<br />
la langae <strong>des</strong> signes dont les signa= (optiqties et non acoustiques), le<br />
vocabulaire, la mo'phologie et la syntaxe sont totalment differents<br />
de ceux du français.<br />
De meme que par le pseudo-aralisme, les difficultés sont escarnotees<br />
par le pseudo-bilinguisme, Le perdant reste, dans un cas<br />
comme dans l'autre, l'enfant sourd, 21 est dupé par <strong>des</strong> promesses<br />
que l'avenir ne tiendra pas.<br />
Si j'érnigrais aux Etats-Unis, je rnkfforcerais #apprendre l'an-<br />
@ais. Je ne me satisferais pas de disposer d'un interprète-traducteur<br />
pemanent dans mes communications orales et &rites. A fortiori si<br />
ma familie était américaine, L'enfant sourd, de rnbe, a le droit de<br />
ne pas vivre puis travailler en étranger dans son propre pays, mais de<br />
participer directement à l'existence <strong>des</strong> deux eommunaut6s auxqueiles<br />
iX appartient, 11 a donc droit à un veritable bilinguisme.<br />
Prernibre et seconde langue a ici un sens temporel, non de valeur ni<br />
dVimpartance.<br />
L'&lave a, de plus, le droit que renseignement soit placé saus la<br />
responsabilité de professeurs (entendants ou sourds) titulaires <strong>des</strong><br />
titres de capacité requis. En constSquence, il n'est plus admis que la<br />
surdit&, jointe à fa hnne volunté, constitue un diplbme d%abîtitation<br />
il l'enseignement gén6ral. Etre de langue maternelle germanique ne<br />
justifie pas, à soi seul, une nomination de professeur d'aflernand.
Que le lecteur me pardonne ces banalités. Mais les évidences ne<br />
règnent pas toujours chez ceux qui s'occupent de surdité: on l'a<br />
constaté au Congrès de Milan. Ne recommençons pas la même erreur,<br />
inversée.<br />
Une hypothèse est défendable : les professeurs nouvellement<br />
formés, les anciens recyclés, ainsi que les instituteurs et orthophoniste~,<br />
les interprètes et personnes sour<strong>des</strong> recrutçis, inventeront<br />
ensemble la future pédagogie. C'est un espoir raisonnable. Ils découvriront<br />
peu à peu dans quel ordre doivent être enseignées les deux<br />
langues pour que l'enfant les assimile, quelle est la part de vécu, de<br />
méthode directe, comparative, systçimatique.<br />
Certains commencent à le savoir. J'aurais aimé être l'un de ces<br />
pionniers. Lorsque je fus appelé, en 1974, au ministère, j%tais sur le<br />
point d'&rire à M. Lenoir, Secrétaire d'Etat à l'Action sociale et<br />
dont le livre lucide et génerewr <strong>Les</strong> Exclus. était paru, pour lui demander<br />
l'autorisation de travailler en classe, sur un pied d'égalité,<br />
avec un de mes anciens élèves arrivé à la fin de ses étu<strong>des</strong> (il les avait<br />
abandonnées après un premier échec au baccalauréat dont il avait<br />
presque atteint le niveau). Envisager une telle démarche témoigne<br />
de la naïveté d'un professeur et de sa confiance dans le pouvoir d'un<br />
Secrétaire d'Etat puisqu'il aura fallu attendre le décret du 22 avril<br />
1988 pour que ce problème commence à trouver sa solution reglementaire.<br />
Quatorze années sont longues dans une vie humaine, non à<br />
l'&échelle de l'administration qui, ne I'oublions pas, remonte à<br />
Summer.<br />
L91NTEGRATION SCOLAIRE<br />
L'intégration scolaire <strong>des</strong> enfants handicapés est la meilleure et<br />
la pire <strong>des</strong> choses, Elle ne merite ni fanatisme aveugle ni dénigrement<br />
<strong>des</strong>tructeur. Réalité mondiale, elie s'impose comme un fait social<br />
et pédagogique qui invite à <strong>des</strong> jugements de valeur variés et<br />
nuancés.
Deux circulaires, celles du 29 janvier 1982 et 1983, ont pos6 les<br />
bases de cette nouvelle poGtique. Elles suggèrent <strong>des</strong> orientations rBglementakes<br />
utiles mais présentent le défaut de s'appliquer il tous les<br />
handicaps confondus. Eues proc&dent d'une attitude phrlosophique<br />
qui va du général en particulier alors que la science s'est construite<br />
par la demarche inverse.<br />
Quelques constatations introduiront le débat.<br />
D'un côté, une 6Gve d'un institut, intégrée par son 6tabEssement<br />
de la seconde à la terminale du lycée, a réussi le baccalaureat et, en<br />
conséquence, put passer le CAEJRA. Elle est professeur alors qu'il y<br />
a tente ans, elle se serait retrouvée couturière sans CAP.<br />
A l'inverse, les écoles spécialisées se plaignent de recevoir de<br />
plus en plus de (< grands mmmen-nts » âgés de IO à 14 ans qu'on<br />
s'efforce de démutiser et qui ne poss2dent presque aucun bagage<br />
scolaire.<br />
Des parents et <strong>des</strong> enseignants non spkialisés sont abusés par<br />
les résultats fallacieux <strong>des</strong> élkves : mémorisation <strong>des</strong> conjugaisons,<br />
application <strong>des</strong> règles du genre et du nombre (alors que l'enfant<br />
n'attribue aucun sens aux temps verbaux et aux lois grammaticales ; il<br />
s'agit d'un jeu intellectuel mécanique) ; connaissance <strong>des</strong> quatre opérations<br />
et incapacite ii résoudre les problèmes (non seulement par<br />
incompréhension de l'énonce, mais aussi par ignorance du sens <strong>des</strong><br />
opérations) ; leçons bien récitées, bien que non comprises, La réussite<br />
scolaire peut être artificielle et cacher de profon<strong>des</strong> ignorances,<br />
ce qui entraîne illusions immédiates et mécomptes ultérieurs irrgparables.<br />
Le ddsir <strong>des</strong> parents de voir Ieur enfant intégré pres de chez eux<br />
et la bonne volonté de l'institutrice qui accepte de l'accueillir méritent<br />
d'être encourages, Mais les uns et les autres doivent être informés<br />
<strong>des</strong> conditions nécessaires pour éviter un échec. C'est pourquoi<br />
on trouvera, en appendice, un texte qu'il est indispensable d'etudier<br />
scrupuleusement avant et tout au long d'une integration scolaire. Son<br />
apphi~tion conjurerait les catastrophes. Il a été rédige5 par un groupe<br />
de spécia1istes r6unis dans le Bureau international d'audiophonoaogie<br />
(BVU").
AGn de cerner les princip<strong>des</strong> difficultés auxquelles se heurte<br />
I%t&gation, je me suis Gvrd en 1987 à un sondage auprès de douze<br />
étabhsements qui fa pratiquent et f'esthent utile. <strong>Les</strong> ciasses annexées,<br />
les antennes, semblent donner de gran<strong>des</strong> satisfactions. Far<br />
contre, <strong>des</strong> problèmes sont & resaudre 10rsqu'G s'agit d'ùltéption<br />
individuelle puisque l'enfant est totdement hmerg6 dans le mgeu<br />
de Péeole majoritaire. Je rhume, ci-après, les observations les plus<br />
frequentes,<br />
- h dSiedt6 majeure est b retard de lwgrrge et Pécolt: ne te<br />
comble pas aisement car la &asse n%st que silence et les manuels se<br />
mact6risent par un vûcabufake riche et meme savant et <strong>des</strong> tournures<br />
gammaticales cornpiexes. Au moment de lkrientation, on<br />
veillera donc au niveau de langue, & i'aptitude à lire sur les limes, h<br />
l'adaptation prothbtique, ainsi qu'h la qualité de la parole qui favorise<br />
les echanges.<br />
- %&ence de volonté, de puissance de travail (non fatigabifité).<br />
Sinon, surmenage.<br />
-Isolement sacid qui peul aller jusqu" la prise de conscience<br />
accentu6e du handicap avec image nc4gative de soi.<br />
- L'hultgation individuelle suppose son hpfication, un investissement<br />
important de sa part*<br />
a) <strong>Les</strong> enseipants : risques de lassitude, $&couragement, sentiments<br />
d'bpulssance, de culpabilité. Remk<strong>des</strong> : le volontariat, la réduction<br />
d'effectif, l'information, et m&me la formation.
) Rythme d'acquisition trop rapide et vaste contenu <strong>des</strong><br />
progammes,<br />
c) Dsficulftks partic~èreselon le cycle. La matemel-le est souveat<br />
considér6e comme un sum&s, & condition que la parole et le<br />
langage soient travaillés htensément (c'est pourquoi, afin de remédier<br />
23 ce risque, certains ne preconisent I"ht6gration qu'au cours<br />
prdparato2e ou au cours élémentaire). Centrée en sixième est un<br />
cap dangerem (changement de niveau de langue), ainsi que le second<br />
cycle du secondaire (li'hterprète y est r6clame pour certains<br />
cours), L'intépatian dans l'enseignement technique est souvent recommandtl:e<br />
car elle permet la divers3ication <strong>des</strong> métiers et supprime<br />
le coat rédhibitoire <strong>des</strong> hestissements en rnatkriel.<br />
Elle tend à se Grniter un travail de a répetiteur B avec perte<br />
dkutonomie et de responsafittité. ]t'isolement s'y joint : plus de rdnexion<br />
commune avec les coUbgues, manque qui doit être compenstl:<br />
par le chef de service pédagoe;ique,<br />
A partir du secondaire, surtout au deuriéme cycle, hpossibtlit6<br />
de maîtriser le contenu de toutes les discipGnes,<br />
La famiUe n'accepte pas toujoum les surcoçlts du changement de<br />
r&ghe : elle doit payer la cantine et les frais de transport ne sont<br />
plus hputés sur le budget de rktâbrissement. Or, si X'intendance; et le<br />
train <strong>des</strong> Bquipages sont <strong>des</strong> service§ determinants, 2s ne sauraient<br />
imposer la stratégie.<br />
Dans 1'6cole d'accueil, les temps de concertation, synthèse, formation<br />
sont haceoutumés. De meme, le local <strong>des</strong>tine B fa parole et<br />
au soutien peut manquer.<br />
Le service spécialisk fait face 23 une organisation complexe :
- dispersion et, parfois, tloignement <strong>des</strong> &l&ves ;<br />
- horaire devant cadrer avec remploi du temps <strong>des</strong> élèves et du personnel<br />
sp&ialis6 ;<br />
- irivrestissement temporel considérable par él&ve.<br />
La maîtrise de chacun de ces facteurs est hdispensable pour kviter<br />
que Plrittçgration ne soit plus dangereuse que profitable. Il y faut<br />
une ferne volonté et un travail ophigtre qui depassent fenthousiasme<br />
(mais aussi les r6ticences) a priori, source d'improvisation.<br />
Etre obnubiié par la différence b renforce, mais la nier ne la supprime<br />
pas,<br />
SIGLES<br />
- ANFEDA : Association nationale <strong>des</strong> parents d'enfants déficients<br />
auditifs.<br />
- CAMSAIS-A : Certificat d'aptitude aux actions pedâgogiques spécialisli-es<br />
d'adaptation et d'inttogation scolaire, option A.<br />
- C M-W : Certificat d'aptitude il Z'enseignement <strong>des</strong> inadaptb,<br />
option handicapes auditifs.<br />
- C m A : Certificat d'aptitude à l'enseipement <strong>des</strong> jeunes defi-<br />
cients auditifs dans les étabGssements prives,<br />
- CAMSP : Centre d'action mkdleo-socide pr6coce.<br />
- CAP : Certificat d'aptitude professionneHe.<br />
- CAPEJS : Certificat d'aptitude au professorat de Penseignemmt<br />
<strong>des</strong> jeune sourds.<br />
- C W : Commission departementde de IVducation spéciale.<br />
- COTOREP : Commission technique d'orientation et de reclassement<br />
professionnel.
- DEPERDA : Diplôme d'Etat de professeur chargel- de l'éducation<br />
et de la rééducation <strong>des</strong> deficients auditifs.<br />
- DIS : Diplôme d'instituteur spkialisb (Université de Lyon).<br />
- 1N3A : Institut national <strong>des</strong> jeunes aveugles.<br />
- INJS : Institut national <strong>des</strong> jeunes sourds.<br />
- LPC : Langage parlé compl6té.<br />
- SF<br />
: Langue <strong>des</strong> signes française.
PREMIER CHAPITRE<br />
La langue <strong>des</strong> signes
A PROPOS DE LA LANGUE DES SIGNES<br />
Pourquoi peut-on aujourd'hui parler de LSF ou de français signé<br />
sans soulever <strong>des</strong> tempêtes de protestations ?<br />
Depuis vingt ans que ce mouvement existe, ks esprits ont eu le<br />
temps de se calmer, de r&fl&chir, de recentrer le problhme B son juste<br />
niveau, sans remettre en question l'evression orale favurisée par<br />
une éducation de plus en plus prkoce, par les progrès de l'appareilla-<br />
et par une poli:tique d'httgration si elle est judicieusement<br />
menee.<br />
Ddjjà dans ce d6but de prgsentation, vous pourriez émettre bien<br />
<strong>des</strong> rkserves. Quand il s'agit d'tducation d'enfants, rien n'est simple,<br />
a fortiori pour les enfants déficients auditifs, oii tant de paramètres<br />
entrent en jeu.<br />
Pourquoi ce renouveau de la langue <strong>des</strong> signes qui se nichait<br />
sous le bisseau depuis presque un siècle ?<br />
Plusieurs raisons convergent. Nous Ies signaIerons ans les dtsveiopper,<br />
puisque ce n'est pas le thème de cette intemention :<br />
1. Un mowvement sociofogique venu <strong>des</strong> Etats-Unis : les mlnorités<br />
finguistiques ont revendique auQrhs <strong>des</strong> pouvoirs publics la reconnaissance<br />
de leur langue et de leur culture. La communauté <strong>des</strong><br />
sourds à prétendu aux memes droits,<br />
* Professeur au Centre Nationai d3Etu<strong>des</strong> et de Formation Fur I'Ertfsttee Xnrtdapt4e<br />
(CNEFEI). Interpdte en langue <strong>des</strong> signes, Traducteur expert k la cour d'appel de<br />
Versailles.
2. De nouvelles données psycho-linguistiques : une meilleure<br />
connaissance de la maturation cérébrale a permis une approche plus<br />
fine <strong>des</strong> processus d'acquisition du langage.<br />
3, Des statistiques scolaires alarmantes : quelques réussites<br />
spectaculaires ne pouvaient masquer de graves constats d'échec.<br />
Un enseignement mal adapte (méconnaissance de l'enfant<br />
sourd, métho<strong>des</strong> trop rigi<strong>des</strong>..,) ne permet pas d'élever renfant sourd<br />
au même niveau que l'enfant entendant. Au vu <strong>des</strong> résultats, Pinférioritis<br />
<strong>des</strong> performances de l'enfant sourd n'étonne personne ; ceci<br />
sera mis au compte de ses capacités intellectuelles moindres, sans<br />
provoquer une remise en compte complète du système éducatif.<br />
Cette prise de conscience d'une situation déplorable mobiiise<br />
parents, sourds adultes, médecins et éducateurs, et alimente les arguments<br />
critiques à l'égard d'un système actuel. Mais, malheureusement,<br />
leurs arguments respectifs ne reposent pas sur les mGrnes<br />
predables.<br />
Je crois qu'il faut être réaliste : if existe de gros échecs comme<br />
de brillants succés ; mais la disproportion entre ces cas extrêmes peut<br />
nous laisser perplexes.<br />
L'enseignement est assuré si l'enseignant et l'enseigné ont une<br />
langue commune. Si ce n'est la condition suffisante, elle est tout au<br />
moins nkcessaire. Or cette condition n'existe pas toujours, D'oh te<br />
paradoxe !<br />
Four certains enfants sourds, notamment sourds profonds, la<br />
connaissance de fa langue <strong>des</strong> signes serait-elle un facteur positif?<br />
C'est fa question que beaucoup se posent, sans pouvoir obtenir de<br />
réponses très satisfaisantes, car les preuves ne sont pas éclatantes ;<br />
« tes signes » supportent te poids d'un long discrf?dit, ils font encore<br />
peur, car ils entraînent dans leur siliage l'idée de non accession à<br />
i'abstraction, de système agrammatical, etc.<br />
Ces idises prisconçues sont dues au fait d'une méconnaissance de<br />
la langue <strong>des</strong> signes. Sans vouloir refaire la philosophie du langage,<br />
ni l'histoire <strong>des</strong> langues, il est tout de même intéressant de connaître
la place du signe dans l'évolution <strong>des</strong> lmgues, et de l'importance qu'il<br />
pouvait jouer dans certaines civilisations.<br />
Aux temps les plus reculés de Ithurnanite7 le geste a waisembhblement<br />
servi de moyen prutcipf dkqrression : en approchant insthetivement<br />
et par un mouvement alternatif les doigts voup4s dans<br />
h bouche entrouverte, il fut compris UnmtSdiatement. Le son a sans<br />
doute jouê primitivement le rôle d'un signe d'appel, avant de prendre<br />
la place du geste e signifiant » auquel il était assrni&, Mais avant que<br />
la parole eût détrûné le geste, un langage universel etait employé et il<br />
n'est pas un homme, aujourd'hui encore, qui ne le comprenne : par<br />
exemple, « prendre de la nourriture B.<br />
L'organe vocaf, se joipant SIla mhique, fit que la rn&me articulation,<br />
toujours attttachbe au m&me geste, devint compr&hensibIe.<br />
D'abord adaire du geste, la voix devait ensuite prendre la première<br />
place. Le langage parlé succédait au langage d'action.<br />
Avec I'évolution de l'humanit6, <strong>des</strong> langues, peut-etre parties<br />
d'uun langue commune, prirent corps et se divisèrent en nombre infini<br />
; une chose est demeurée constante : les signes de la main, U. est<br />
probable qu'ils ont représenté d'abord les phonèmes du langage B<br />
une époque où l'écriture n'existait pas. <strong>Les</strong> monuments en effet les<br />
reproduisirent semblables à eux-mêmes, depuis les Assyriens<br />
jusqu'au siècle, c'est-&-dire pendant plus de 3000 ans. La da*<br />
lologie universelle s'étendrait mbme à rantique Mexico, oil ek<br />
transmettrait les idées conformément cc à la sêrneiolo&Ie et à la Enguistique<br />
prohefiénique >,. D'après S. Barrois dans son livre :<br />
Dac&lolo@e et lafzgagep~mit~a,<br />
La dacq10logie fut aWe au langap d'action, elle a inspké letes<br />
'Beam-arts qui nous ont légué <strong>des</strong> scufptures, <strong>des</strong> pehtures, <strong>des</strong> mosaïques,<br />
vraiment parlantes, escort~esespar la langue proheUénique.<br />
Nous pourrions multiplier les exemples qui donnent au e signe z2<br />
une place privilégiée dans la communication. Certains, appartenant:<br />
au code &rit comme les hibrog4ypheq corrmpondent aux memes caractt&ristiques<br />
spatiales de certains signifiants de la UIF pour un<br />
meme simifi6 :
fiempk : L'eau, se moquer de quelqu%n, le courage, l'adoration,<br />
l'offrande, la suppfication, etc.<br />
XI est rapporté qu'au temps d'Auguste, on psticdait et les<br />
Romains &prouvaient du plaisir B s'exprimer par les bras, les mains,<br />
ites attitu<strong>des</strong>. On raconte aussi au sangjtant épisode <strong>des</strong> Vlipres Sicilionnes<br />
en 1282, qu'une révolte avait été mhtieusement préparee<br />
dans toute 1% sans qu'un seul mat Iut prononcé ou &rit. Tous les<br />
détails de la conspùation avaient &tB ordonnés par gestes.<br />
Il est rmomu hgdement que dans certahs monastkrw, où fa lai<br />
du silence était obseméf:, fa communica6on se transmettait par<br />
signes, dont le recueil pouvait aller de 500 à 1300. C'est peut-être<br />
une <strong>des</strong> raisons qd permit à Pedro Ponce, un <strong>des</strong> premiers precepteurs<br />
apagnols, chargé dqduquer deux jeunes enfants sourds, de<br />
pouvoir mmmuniquer avec eux.<br />
Au fur et ii mesure que l'on se rapproche de notre siècle, les<br />
signes ou expressions mho-gestueues, pour une soci&t6 d'entendant~,<br />
seront réservés au théatre, corncSdiesp quelques cco~orations,..<br />
ou certains types de sociétés, comme les tribus indiennes dont la<br />
mdtipEcit4 <strong>des</strong> dialectes aurait nkessité Yutrlisation <strong>des</strong> signes<br />
generam.<br />
Parmi les moyens de communication entre uidividus, les sourds<br />
auront choisi celui qui &tait le plus à leur portée, c'est-à-dire& plus<br />
facile à appréhender, le plus imagé, le plus «parlant >> à leur<br />
imat;)uxation,<br />
Le signe appartient à l'homme ; 2 est son premier moyen d'expression,<br />
mais rel4p4 à un second plan de par Phportance de la par&,<br />
acte phonique, il est devenu l'outil de comrnmieatiori propre au<br />
sourd.<br />
C'est sur ce principe de base que I"kbb6 de rEp& et tous ses<br />
condixiples, avec quelques variantes, vont construire leur s-the<br />
Gdueatif :<br />
Signes naturels + signes méthodiques + dae~l01ol;ie pour l'enseipement<br />
du frangais écrit.
Il semblerait que l'Abbé de l'Epée ait meconnu la langue <strong>des</strong><br />
signes teHe qu'elle se parlait dans les quartiers populairesy ce qui expliquerait<br />
pourquoi ses signes méthodiques, miroir de la langue<br />
&rite, furent si vite abandonnes.<br />
La hnpe pupdake, enrichie par <strong>des</strong> mntractions <strong>des</strong> signes<br />
methodiques et par fa. créaticm de nouveawr sipes grâce B I'tsmdition<br />
de certains &l&ves, deviendra ie véritable hkrita- culturel de la<br />
communauté.<br />
Vérita'bfe, certes, mais maheureux car sa mhoh ne repose sur<br />
aucune trace écrite. Seules les traductions en langue frança-ise de discours,<br />
pokmes, lettres témoigneraient de cette richesse iinguistique<br />
et quelques ouvrages, comme cefui de l'Abbé Lambert entre autres,<br />
Cette langue s'est transmise seulement de cc main i oeil a. Seule la<br />
fidégt6 de cette transmission pourrait $tre le garant de ce patrimoine.<br />
Mais cet héritage Ltnguistique a connu un fantastique parcours<br />
du &battant : l'interdiction, avec son cortège de mutilations<br />
(appauvrissement, confusion, déformation...).<br />
Une telle
<strong>Les</strong> marphkmes sont articulés en unités 414mentaires non significatives<br />
ou chkrèmes, au nombre de 55, correspondant à fa configuration<br />
de Isr main, à la locafisation et au mouvement exécutf, par<br />
celle-ci.<br />
<strong>Les</strong> chc*rbmes ob6issent à leur tour à <strong>des</strong> règles :<br />
dkterf6rences ;<br />
de ~;ym6trie ;<br />
d'alternance ;<br />
- de domulance.<br />
Cette andyse componentiefle de Stokfte sera reprise et mud3it"e<br />
par une nouvege tstude de cherchettrs.<br />
<strong>Les</strong> cumps-nts du sipe ou chu.èmes, r6âJis6s simuttanrlment et<br />
non sumessivemen$ se compoteraient comme <strong>des</strong> traits phonologiques<br />
et non comme <strong>des</strong> phonèmes.<br />
Quels seraient ces paramètres physiofogiques ? ObEgatoirement<br />
:<br />
- une confipration de la main ou Chirie ;<br />
- une orientation de la main ou Topie ;<br />
associ6es 4veatueUement :<br />
- à un emplawment de la main ou Sornatie ;<br />
- b un mouvement de la main rectrice ou Kynksie ;<br />
- b un mouvement de la main non rectrice ou Synie.<br />
La d&omposition <strong>des</strong> signes en unités plus foxldâmenfafes<br />
constitue une liste fermCe. Mais Ia modrfiation d'un su phsieurs<br />
chirèmes l peut entraher srjit un changement de signe, soit une variation<br />
flexionnelle, soit une création nouvelle par dérivation<br />
(comme en français).<br />
]te le~teur comprendra qae les exemples décrits ne peuvent<br />
6tayer ces arwments. Se& les documents vidéo les Zustreraient., ou<br />
la transaiptioa &rite Iorsqu'eRe sera mieux connue.<br />
Cette latitude de commutation paradigrxratique <strong>des</strong> éhér&mes assure<br />
à Xa LSF une m6ativit4 lexicale fantastique.<br />
2. Chirkmes ou ChErèmes : :tilisa$ion de l'un ou I'autn: de ces deux termes.
Ces signes ne constituent pas une masse amorphe et indiffkrenciée,<br />
mais peuvent se classer dans une typologie gammaticde cornparable,<br />
certes? mais dsferente de nos parties du diours : noms,<br />
verbes, adjectifs. Ce qui explique la tutate independance de- la BI?<br />
par rqport il h lângue franpise, Il n"y pas conespondance signemot<br />
ma& s%e-conceptc,<br />
&emplg : l'adverbe modzie? dans notre langue, le sens du verb<br />
ou, tout au moins, la façon dont est ex6cutee l'action.<br />
En UF, i'adverbe est incorpore dans la mrtjoritéi <strong>des</strong> cas au<br />
verbe. Donc, selon le rythme, l'lntensit6 de f9a4cution au f'amplitude<br />
du mouvement, nous pouvons camprendre de quelle façon a kt6 ex&-<br />
cutéie l'action.<br />
Ryhme, htensit6, ampgtude sont trois paramètres fondamentaux<br />
qui entrent en jeu dans les wriations BekonneZes.<br />
La LSF possède un système prosodique propre assurd non par la<br />
vakq mais par le jeu complexe <strong>des</strong> mouvements de la tete et <strong>des</strong> expressions<br />
du visage : mimiques, souffle, direction du regard.<br />
Uqression dit visage est b la langue <strong>des</strong> signes ce que t'intonation<br />
est h fexpression orale.<br />
Fonctionneflement, la LXF prksente la plupart <strong>des</strong> caractéristiques<br />
que l'on rencontre dans une hngue comme le fran~ais. Mais sa<br />
structure tr&s particuG*re, qui heurte nut~esprit cart6sien, ne peut<br />
en aucune façon cohabiter avec h structure de la langue française.<br />
Dboù Je choix de certains enseipants pour Je français signi5,<br />
La Langue <strong>des</strong> Signes est une langue qui utilise les trois dirnensioas<br />
et qui s'utilise en situation.<br />
Sa syntaxe a pour objet d36mettqe- et de disposer les signes dans<br />
l'ordre le plus approprie à peindre exactement aux yeux la w&ne<br />
rkelle ou intellectuelle que la mémoire ou Phagination nous retrace,<br />
Dans fa nature, la cause grtseti!de les effets ; ceux-ci devenant<br />
cause i3 leur tour, engendreront a leur tour <strong>des</strong> conséquences, et ainsi<br />
se constitue une chaule qui suit l'ordre logique <strong>des</strong> faits. C'est ce fil
qui guide la pensée de nombreux sourds, enfants ou adultes, selon<br />
l'impact de la langue française sur leur mode de pensée.<br />
Exemples : . Pierre ne pouvait se consoler du départ de Michel.<br />
Traduction littérale : « Michel est parti, Pierre se consolait, irnpossible<br />
B.<br />
II guérit rapidement après avoir été vacciné.<br />
Traduction littérale : « Il a été vacciné et après il guérit rapidement B.<br />
J'attire votre attention sur l'adverbe « après » qui précède<br />
« avoir été vacciné », comme si cette action s'était déroulée dans un<br />
second temps, malgré l'utilisation du participe passé.<br />
En LST;, l'utilisation de a après » accompagne réellement la proposition<br />
relatant la seconde action. Cette présentation ne peut faire<br />
état de tout le système complexe d'une grammaire notionnelle, ni<br />
l'étudier en détail.<br />
Pour comparer ce qui est comparable, nous pouvons affirmer<br />
que la LSF situe les énoncés dans un temps précis, dans un espace<br />
déterminé et les réfère aux trois actants fondamentaux de la communication<br />
(nos pronoms personnels).<br />
Eile permet de verbaliser la quantité, l'intensité, la comparaison,<br />
la désignation, de modaliser son discours, c'est-&-dire exprimer : les<br />
souhaits, les volantes, l'ordre, l'interrogation, le doute, la certitude,<br />
etc.<br />
Grâce à tous ces procédés fonctionnels et en utilisant <strong>des</strong> unités<br />
à signifiés abstraits, la LSF peut prétendre à une verbalisation authentique<br />
<strong>des</strong> opérations intellectuelles fondamentales qu'une langue<br />
permet : juger, argumenter, démontrer, raisonner ...<br />
Le français signé né par imitation de l'américain signé est une<br />
arme double tranchant. Voulant faciliter la compréhension du<br />
français, il risque de le rendre plus obscur.<br />
Si la LSF est une langue, le français signé est une méthode qui<br />
peut être judicieuse si la personne sourde connaît bien le français et<br />
la personne entendante très bien la LSF, pour ne pas tomber dans le<br />
piège d'une traduction litterale, difficultés bien connues de tous ceux<br />
qui ont connu les versions et les thèmes,
En quoi consiste le français signé ? Définition simple en apparente.<br />
11 a pour but de visualiser la langue française en empruntant le<br />
lexique de la LSF et en le combinant selon les règies de ln syntaxe du<br />
français, afin qu'il y ait concordance exacte entre l'énoncé parlé et<br />
l'énoncé signe. (On peut utitiser le FS en parlant, durs qu'on ne peut<br />
signer en LSF et verbaliser en français en même temps, puisqu'if ne<br />
peut y avoir superposition de structures).<br />
Mais le FS reste tres difficile à déterminer précis6rnent, car son<br />
utilisation masque fe plus souvent une non connaissance de la LSF et<br />
se hite à quelques unités lexicales sans structures syntaxiques<br />
réelles.<br />
Mais il peut être intéressant dans <strong>des</strong> cas spécifiques comme<br />
l'interprétariat en simultané, Si nous voulions situer ie FS par rapport<br />
à la langue fran~aise et par rapport à la LSF, nous pourrions<br />
imaginer qu'il navigue entre deux pales, selon f'importance qu'if accorde<br />
à l'un& ou l'autre knye.<br />
L. FR. L.S.F.<br />
F. Signé<br />
Sans vouloir faire de fausses notes sur l'historique de la pédagogie<br />
<strong>des</strong> sourds, nous pourrions rapprocher les signes méthodiques de<br />
l'Abbé de 1'Epée du français signé. Toutes les unités lexicales ainsi<br />
que toutes les variations flexionnelles devaient être visualisées. Nous<br />
savons quel credit ont accord6 les successeurs de I'Abbt': de f'Epée<br />
aux signes methodiques.<br />
Le français signé peut etre utilisé pour <strong>des</strong> phrases simples, référant<br />
ii <strong>des</strong> objets ou à <strong>des</strong> procès concrets ; mais son utilisation est<br />
limitée car on se trouve vite confronté à <strong>des</strong> difficultés incontournables<br />
et on est contraint une traduction littérale, un transcodage<br />
qui n'apporte aucun sens à l'6noncé. C'est un exercice de haute voltige<br />
qui, s'il est utilisé, doit reposer sur une parfaite connaissance de<br />
la LSF, car les choix opérés sont pertinents.<br />
Pour itlustrer ces propos, les exemples abondent ; tous les enseignants,<br />
parents qui se sont confrontés à ce probl&me, ne manqueront<br />
pas de se référer à leur propre expérience,
Comment rendre par le même signe les termes de notre langue<br />
extrêmement polysémiques ?<br />
- II va A la gare, il va bien, il va écrire, le rouge lui va bien ;<br />
-je tiens un dou,<br />
j'ai perdu la montre à laquelle je tenais, je tiens<br />
il partir, je me tiens droite, je me tiens B ta disposition ...<br />
-je n'ai plus d'argent, j'ai plus d'argent, j'ai de plus en plus d'argent,<br />
de plus, j'ai de l'argent.<br />
Sans parler <strong>des</strong> tournures idiomatiques figbes, composées de<br />
termes courants mais dont la traduction littérale tombe dans le ridide<br />
et n'klaire en rien le sens <strong>des</strong> énonces.<br />
- rire jaune, avoir une peur bleue, passer <strong>des</strong> nuits blanches ;<br />
- j'ai ddQ prendre sur moi, pour ne pas me laisser aller.<br />
J3 peut meme arriver que l'on exprime par le français signé l'idée<br />
contraire de la phrase française :<br />
- c'est la moins petite.<br />
La traduction en français signé donnerait l'iiiusion qu'elle est la<br />
plus petite.<br />
Cet ensemble de critiques ne doit pas être perçu par le lecteur<br />
comme stigmatisant une méthode nocive. Ckst plutôt une mise en<br />
garde contre tous les pii?ges que renferme le français signé.<br />
Comme je l'ai dit préctsdemment, utilisé par une personne parfaitement<br />
biffngue, il peut être kttSressant comme méthode, en sachant<br />
toutefois qu'il ne visualise pas eomp-ièternent le français ; sont<br />
absents les flexions <strong>des</strong> verbes, les auxiliaires être et avoir ...<br />
Mais son emploi a permis à <strong>des</strong> pédagogues de débloquer <strong>des</strong> situations<br />
#incompréhension par l'apport de quelques signes et St <strong>des</strong><br />
parents de concilier leur langue a w un mode d'expression appréhensible<br />
par leur tout jeune enfant sourd.<br />
Si donc le Français Signé a donné à <strong>des</strong> parents la rtselle possibilité<br />
d'=mer leur r61e de parents et à leur enfant d'entrer dans h<br />
mmmunication, c'est-à-dire permettre & cet enfant de comprendre et<br />
d'etre compris, le Français Signé a rempli sa fonction langage et il a<br />
sa place parmi les autres moyens de communication.
LANGUE DES SIGNES ET PEDAGOGIE<br />
P?~iZippe SERQ-GUIUUME *<br />
La Uf; est depuis peu largement soEcit6e par une fraction non<br />
né@geable de professionnels de la surdité et <strong>des</strong> parents #enfants<br />
sourds. Introduite dans la pédagoge qtscialisée, la LSF se voit en<br />
quelque sorte i sommee sans préavis % de prendre en charge le discours<br />
p6dagogque.<br />
1l me semble utile, de presenter ce nouvel out3 UT; et d'exposer<br />
les réflexions inspi<strong>des</strong> par une evérience d'introduction de la UF<br />
en classe (LEP) r6alisde par une équipe composde <strong>des</strong> professeurs,<br />
Madame Leroux de Bretape, Monsieur Chapektin, d k htenrenant<br />
scolaire, Monsieur Clerget, d'un interprete, moi-même. De larges extraits<br />
du rapport d'activitss de ce groupe rédigé, par les enseignants<br />
précit& seront utgses dans cet article.<br />
La LSF n'est pas une langue aussi hstitutionnalts6e que le français.<br />
La diversité <strong>des</strong> degciences auditives (légère, s&v&re, profonde,<br />
pr6 ou postverbale) fait que fa LSF utilise <strong>des</strong> métissages : signifiants<br />
proprement gestuels, emprunts signés ou articules au français.<br />
* fnrerpdte à I'Institut National <strong>des</strong> Jeunes Sourds de Paris.
On observe <strong>des</strong> ruptures constantes dans la transmission de la<br />
LSF. La surdité nkst héréditaire que dans 10 % <strong>des</strong> cas. Le jeune<br />
sourd a donc <strong>des</strong> parents entendants qui, aprBs un parcours long et<br />
dmicae, ne cfio%ssent pas toujours une option &ducative gestue7fa<br />
Dans les écoles spécia2iséa ctù ta jeunes sourds arrivent souvent<br />
sans Ianprue coastituée, la rXE: n'est pas ut%s&e dans toutes les<br />
dases. <strong>Les</strong> professionnels qui maltrisent la LSF sont encore peu<br />
nombrem malgr4 I'6volution constatee : cours de UF au personnel<br />
et embauche #intervenants sourds. La ISE' n'est donc pas, à proprement<br />
parler, fa langue materneBe <strong>des</strong> jeunes sourds, sauf pour Xa<br />
mhoritb dont fes parents sont ew-mgmes sourds, mais pfutdt leur<br />
langue natweae, <strong>Les</strong> jeunes, sans mod&le hpistique solide et<br />
stable, rehventent pour partie fa LSF h. chaque gt5ndxâtiun. A Finverse,<br />
la mmmunauté <strong>des</strong> sourds adultes transmet, malgr6 tout,<br />
l'hérita- finwtique, En outre, Pémergence de la notion d'identitd<br />
edturelle sourde, dont la LSF est la manifestation la plus bvidente,<br />
les nouveaux supports vidéo, permettent un mouvement inverse de<br />
fixation de la langue.<br />
La LSF est donc soumise b, deux processus antagonistes connus<br />
et largement dkrits propos d'autres communautés humaines.<br />
La pidmation, très gossi&rement shpuication, qui appwaît<br />
lorsqu'uue communauté n'est pas homug&ne ou lorsqu'if y a <strong>des</strong> ruptures<br />
dans la transmission de la langue et qui consiste h. p~va&@er Ia<br />
functlan sGf6rentieIfe du fangage au defriment <strong>des</strong> autres fonctiûns<br />
qui fui sont Imparties.<br />
La cr&lisat,tion qui intervient lursqu%ne communaut6 fr6t6rog6ne<br />
se saude, se pérennise. On observe alors très sehématiquement<br />
une eomplefiication et une plus grande rbglarité de la langue.<br />
Un dernier point doit attre sou@& Comme toutes les languest<br />
ta LXF ne conn& pas de Lunites imputables & son &nie propre,<br />
quant b ses pussibilit6s d'expression ; ce sont les hites qui ont éti:<br />
hpos&es h. ses locuteurs qu'elle refikte : en effet, les sourds ont kt&$<br />
jusqu'h. une p4riode très rbcente, exclus de nombreux champs de<br />
commlmicication. Néanmoins, la LSF fait preuve d'une grande créativité.<br />
Au fur et a mesure que les personnes sour<strong>des</strong> ont accès (i de
nouveaux métiers, de nouveaux champs de connaissance, on peut<br />
noter la création de nouveaux signes, ceci dans les domaines les plus<br />
divers, par exemple en informatique, <strong>sciences</strong> humaines, etc. En ce<br />
qui concerne les registres de discours, on observe aussi une évolution<br />
témoignant <strong>des</strong> possibilités de la LSF. S'agissant <strong>des</strong> conversations<br />
de la vie quotidienne, le connu partagé, les relations de connivence,<br />
comme dans toutes les petites communautés, induisent <strong>des</strong> stratégies<br />
de prise de parole spécifiques : élision, implication personnelle.,. La<br />
prise en charge de domaines nouveaux (pédagogie, identité culturelle,<br />
éducation entre autres) entraîne au niveau du discours <strong>des</strong> stratégies<br />
nouvelles de prise de parole, notamment une plus grande mise<br />
distance.<br />
La LSF est donc à meme de prendre en charge le discours pédagogique.<br />
L'intégration d%tudiants sourds dans les formations (< ordinaires<br />
» (formation d'éducateurs, formation continue) par le truchement<br />
d'interprètes prouve cette capacité, <strong>Les</strong> domaines nouveaw<br />
sont ensuite intégrés en LSF par les sourds eux-mêmes.<br />
LE CONTEXTE PEDAGOGIQUE<br />
L'éducation spécialisée a toujours participé de conceptions pédagogiques<br />
plus générales s'appliquant à l'enseignement non spécialisé.<br />
Aussi, il ne me paraît pas abusif de rapprocher avec précaution<br />
l'enseignement du français aux jeunes sourds de l'enseignement <strong>des</strong><br />
langues étrangères aux jeunes entendants. En effet, si la LSF n'est<br />
pas la langue maternelle mais naturelle du jeune sourd, le français,<br />
eu égard à la déficience auditive, ne peut t?tre considéré comme sa<br />
langue maternelle ou première.<br />
Citons ici Elisabeth Lavault. « <strong>Les</strong> métho<strong>des</strong> audio-orales et<br />
audio-visuelles introduites dans les années 1960 se réclament de<br />
théories linguistiques et d'hypothèses sur l'apprentissage fondées sur<br />
le conditionnement, lkpprentissage d'une langue étrangere étant<br />
considéré comme "un processus mécanique de formation d'habi-
tu<strong>des</strong>". Dans les métho<strong>des</strong> audio-orales, qui fonctionnent avec <strong>des</strong><br />
enchahements d'exercices structuraux répétitifs généralement horscontexte,<br />
<strong>des</strong>tinés ii créer <strong>des</strong> réflexes verbaux, la traduction<br />
n'intervient pas, sauf pour expiiquer les phrases qui servent de modèles<br />
aux exercices structuraux. Dans ces conditions, elle ne peut être<br />
encore qu'un transcodage. Quant aux métho<strong>des</strong> audio-visuelles, elles<br />
prétendent éliminer radicalement la langue maternelle en y substituant<br />
un support visuel adapté (image fixe ou film) qui accompagne<br />
sans ambiguïté la présentation <strong>des</strong> signifiants étrangers. »'<br />
On ne s'étonnera pas, au vu de ce contexte pédagogique, que<br />
dans un premier temps, la LSF ait été considérée surtout comme une<br />
béquiile.<br />
Traduire pour comprendre<br />
Très schématiquement, c'est toujours le français qui est proposé<br />
en premier lieu aux élèves - qu'il s'agisse d'un texte ou d'exercices<br />
structuraux. Aprbs une première lecture, un premier essai, les points<br />
obscures sont explicités en LSF.<br />
L'exercice est difficile : le sens figuré, la polysémie <strong>des</strong> mots, la<br />
complexité <strong>des</strong> structures de langue bitent l'efficacité de cette approche.<br />
En outre, ni le professeur, ni l'intervenant scolaire sourd ne<br />
sont parfaitement bilingues, ils n'ont pas les ressources linguistiques<br />
suffisantes, sauf exception, pour mettre les deux langues à distance.<br />
Quant aux élèves, le recours i?t la LSF ne leur permet pas d'assurer<br />
une véritable traduction. Ils ne peuvent effectuer souvent qu'un<br />
transcodage, c'est-à-dire un signe pour un mot, la mise à distance <strong>des</strong><br />
deux syst&mes iinguistiques est encore plus difficile que pour leurs<br />
pédagogues. Leurs difficultés, voire leur impossibilité à « faire du<br />
sens » avec le texte français sont, semble-t-il, dues au faible niveau de<br />
langue auquel se trouvent les élkves, Rappelons que, pour qu'un<br />
texte soit compréhensible, il est nécessaire de connaître plus de 70 %<br />
1. E. LAVAULT, La Fonction de la traduction en didactique <strong>des</strong> langues, Collection Traductologie,<br />
na 2, Didier Erudition, p. 14.
<strong>des</strong> termes qu'il contient. Le texte français présenté d'emblée aux<br />
élèves se présente comme un labyrinthe semé d'embtlches et de<br />
pièges. En outre, si un dictionnaire de LSF existe, aucune grammaire<br />
n'est pubfiée à ce jour, donc éleve, enseignant, sourd ou entendant,<br />
se voient plongés dans un climat « d'insécurité » îinguistique qui ne<br />
facilite pas la tache.<br />
Malgré les difficultés évoquées, l'utilisation de la LSF représente<br />
un progrès évident. Même si les élhves ne maîtrisent pas complètement<br />
fa LSF, une explication ou une information est tout de même<br />
beaucoup plus facile à faire passer en utilisant ce mode de communication.<br />
L'utilisation de la LSF permet une meilleure transmission <strong>des</strong><br />
connaissances générales et assure un contact plus facile avec les<br />
élèves en reconnaissant et en utiiisant un mode de communication<br />
qui leur est propre. Mais elle n'a pas permis jusqu'à pr6sent un enseignement<br />
du français aux jeunes sourds.<br />
L'enseignement du français aux sourds, comme l'enseignement<br />
<strong>des</strong> langues étrangères aux entendants, est souvent conçu comme une<br />
transmission du lexique et <strong>des</strong> structures. S'il est vrai que les exercices<br />
structuraux et un apprentissage systématique du vocabulaire<br />
sont <strong>des</strong> points hportants, on ne peut réduire l'enseignement d'une<br />
langue à cette transmission. En effet, les mécanismes observés quant<br />
à l'acquisition d'une langue chez les entendants ne relèvent pas d'un<br />
apprentissage systématique. Confronté au langage, c'est l'enfant qui<br />
repère les structures et les assimile, se les approprie.<br />
Tant que la langue est objet d'exercices ponctuels et prkis, les<br />
jeunes sourds ne rencontrent pas ou peu de difficultés, mais dès qu'il<br />
y a actuatisation dans le discours écrit (ou oral) on se heurte aux difficultés<br />
connues de tous : imprécision, inexactitude dans le déroulement,<br />
mauvais usage <strong>des</strong> notions, maladresses, dues à une mauvaise<br />
maîtrise de la langue et à un manque de connaissances générales.<br />
A partir de cette constatation faite par bon nombre de professeurs,<br />
l'équipe évoquée dans l'introduction a envisagé une démarche<br />
differente.
Une tentative d'introduction contrôlée de la LSF en classe :<br />
le Primat donné au SENS<br />
LSF<br />
LSF<br />
SENS<br />
Français : non<br />
Français : oui<br />
Nous avons donc cherché i?i prhenter aux élc?ves <strong>des</strong> modèles<br />
d'expression LSF et franqais écrit en partant du principe qu'en travaillant<br />
sur le sens, les élèves se trouveraient en position de comprendre<br />
et de s'exprimer. Autrement dit, ne plus présenter d'emblée<br />
celui-ci qu'une fois le sens intégré, fut notre préomupation.<br />
Pour ce faire, il leur fut proposé <strong>des</strong> traductions en LSF enregistrées<br />
sur cassette vidéo. Ces traductions furent réalisées par l'intervenant<br />
sourd et l'interprète en présence et avec la collaboration <strong>des</strong><br />
enseignants. A aucun moment il ne fut question de réaliser un transcodage,<br />
le @nie propre de la LSF fut toujours respecté dans la<br />
mesure de nos moyens. Notre seul souci fut de proposer <strong>des</strong> équivalences<br />
au plan du sens et les solutions adoptées furent les plus idiomatiques<br />
possibles. <strong>Les</strong> textes i partir <strong>des</strong>quels nous effectuâmes ces<br />
traductions sont <strong>des</strong> «textes authentiques», poemes, articles de<br />
journaux, extraits de manuels scolaires et non pas <strong>des</strong> textes fabriqués<br />
pour l'occasion.<br />
La cassette LSF, bien que le support final ne soit pas écrit, présente<br />
quant au résultat certaines propriétés de l'écrit : forme définitive,<br />
permanence, elte offre les mêmes possibilités de reproduction et<br />
de stockage.<br />
En outre, elle permet, et ce point est capital, d'opérer une mise ii<br />
distance du « texte » (gestuel ici) comparable à celle qui s'effectue<br />
vis-à-vis de l'écrit.<br />
Cette cassette visionnée en classe permet au pédagogue de faire<br />
une « explication de texte » relativement plus aisée qu'avec de l'écrit,<br />
même si tous les élèves ne maîtrisent pas parfaitement la LSF.
Le sens étant acquis, les él&ves se trouvent à m&me d'aborder<br />
l'écrit dans de meilleures conditions.<br />
La passerelle ne se fait pas au niveau <strong>des</strong> deux lanpw par la<br />
traduction shultanee ou dgfgrée, mais par «le sens >s, par la<br />
Un enseignement systbrnatique<br />
Tout au long de cette expkrience, une approche notionnelle fut<br />
proposee aux élbves à partir <strong>des</strong> points suivants :<br />
, h s pronoms - les signes orientables - les verbes hcorporant <strong>des</strong><br />
pronoms personnels.<br />
. <strong>Les</strong> axes du temps -localisation temporelle - reguhrité.<br />
, <strong>Les</strong> notions de durée et de ponctuafitC.<br />
. <strong>Les</strong> focaflsations spatiales.<br />
Toutes ces notions étaient présentées en premier Lieu en LSF<br />
par moi-mbe, tant6t directement, tantât par Pinternédiaire de documents<br />
vidéo. Elles étaient, en second lieu, traitées en français par<br />
lm enseignants avec <strong>des</strong> batteries d'exercices, d'expressions,..<br />
Ainsi conçu, ce programme a permis conjointement une réactualisation<br />
<strong>des</strong> notions en français et leur approfondissement, et la<br />
mise en kvidence <strong>des</strong> différences entre les deux systèmes linguistiques<br />
LSF-Français.<br />
CONCLUSION<br />
Voici quelles etaient les conciusions auxquelles nous 6tions parvenus<br />
a ia fiin de cette expérience.<br />
<strong>Les</strong> elèves devraient avoir la possibilite d'enrichir leur communication<br />
gestuelle et leurs connaissances génbrales. Cela pourrait se<br />
faire, par exemple, par la cr6ation d'un journal vide0 en LSF, par <strong>des</strong><br />
cours de LSF dispenses aux 616ves par <strong>des</strong> intewenants scolaires<br />
sourds très qualifi&s, en présence <strong>des</strong> professeurs. Ces cours auraient<br />
pour centres d'intérêts <strong>des</strong> themes pédagogiques choisis par le professeur,<br />
&laborcSs en étroite collaboration par l'intervenant sourd et<br />
l"intewr&te et repris en français &rit ou oral par le professeur.
Cette manière d'htroduire la LSF dans renseignement, outre le<br />
bénefice que peuvent en retirer les elhves, offre I'htértlt de lever « le<br />
climat d'insécurité finpistique *.<br />
Cette eqérience conduite avec mes coE&gues m'amène à penser<br />
que l'accès au texte français, une fois le sens acquis grfice B la UF,<br />
permettrait à l'élève sourd, si un travail de ce type lui était propos4<br />
rêguEltlrement, de repérer et d'aequ6rir peut-&tre d'une rnanikre plus<br />
naturelle les structures et le lexique français en 6vitant la stér&oSpie.<br />
En effet, ce n'est pas la définition d'un mot, f'eqfication d'une<br />
règle de grammaire qui nous permettent fondamentalement d%assimiler<br />
ce mot ou cette rkgie, mais les multiples usages que nous repérons<br />
au fil <strong>des</strong> dialopes, <strong>des</strong> « discours >> oraux ou <strong>des</strong> textes qui<br />
nous sont prclposks.<br />
Un mot n'est intégré que s'il a été entendu ou vu 50 fois.<br />
L'approche évoquée ici me semble respecter une progression<br />
plus naturelle. En effet, il a 6t& constaté qu'il est dans un premier<br />
temps plus aisé de comprendre une langue que de s'y exprimer,
LA SORTIE DU GHETTO<br />
Toute socitSt4, pour les raisons apparemment les plus variées,<br />
tend à rejeter certains <strong>des</strong> siens, Ces exclusions peuvent être partielles<br />
: restrictions d"acct?s à certains lieux, à certaines fonctions,<br />
amputation de certains droits, EBes peuvent der jusqu" <strong>des</strong> formes<br />
extrêmes telles que le ghetto, la ddportation, le camp d'internement,<br />
fa prison ou l'hôpital psychiatrique. Ces mises l%cart peuvent etre<br />
explicit<strong>des</strong> de façon formelle, etre $dictées légalement : «nui n'est<br />
admis dans la fonction pubfique s'il n'est sain de corps et d'esprit a,<br />
Elles prennent dans de nombreux cas la forme plus incidieuse et banale<br />
du
dans un espace sacré où <strong>des</strong> investissements généreux s'imposent. Ils<br />
ne se justifient ni ne s'évaluent en termes de rentabilité économique.<br />
On est en effet enclin à mesurer i'insertion de chacun à i'aune de<br />
ce que la société lui offrirait. Il y aurait <strong>des</strong> privilégiés que la société<br />
a gâtb, et les exclus, ayant moins rqu, ou incapables de tirer un véritable<br />
profit de qui leur a été donné. Il me paraît plus judicieux de<br />
mesurer au contraire l'intégration de chacun à partir de ce qu'il apporte.<br />
Et il en est <strong>des</strong> groupes sociaux comme <strong>des</strong> individus, ils<br />
n'existent au monde, ils n'y participent, ils n"y apportent et n'en reçoivent<br />
que pour autant qu'ils s'y présentent et s'y affirment dans<br />
leur spécificité.<br />
<strong>Les</strong> exclus, les périphériques, les marginaux seraient alors ceux<br />
qui, en raison de ce qu'ils sont, n'apporteraient rien. Ou plus exactement<br />
ceux dont on n'attend rien et/ou dont on ne veut surtout rien<br />
recevoir. Ceci parce qu'on estime, à tort ou à raison, qu'ils sont incapables<br />
d'un apport véritable ou que cet apport ne peut pas être bon.<br />
Inutiles, mauvais, dangereux, ils sont en quelque sorte condamnés<br />
par avance, c'est là leur définition, à ne pouvoir jamais offrir ce<br />
qu'ils ont de sp6cifique et à ne devoir dans le meilleur <strong>des</strong> cas que<br />
toujours recevoir.<br />
Mais venons-en aux sourds et à la langue <strong>des</strong> signes.<br />
Cette dernic?re fut pendant <strong>des</strong> décennies l'objet d'un grand mépris<br />
de la part de toutes les personnes engagées à un titre ou à un<br />
autre dans teducation <strong>des</strong> jeunes sourds. Elles la considéraient<br />
comme un moyen de communication primitif. Elles la trouvaient<br />
laide, voire animalesque, pauvre, inapte à exprimer l'abstraction, les<br />
nuances, les sentiments élevés, les sentiments profonds. Que sais-je<br />
encore ? Ces éducateurs, qui voulaient à coup stlr le bien de leurs<br />
élkves, n'auraient cependant pas déployé tant d'énergie à la com-
attre s'ils ne lui avaient pas fait ce reproche majeur d'enfermer les<br />
gour& dans un ghetto, et s'ils n'avaient remarqué avec justesse dans le<br />
même temps que la langue <strong>des</strong> signes était en quelque sorte contagietnse.<br />
En contact avec d'autres sourds, un jeune sourd a en effet t8t<br />
fait de h prendre, de t'apprendre, de s'en emparer.<br />
Qn est toujours surpris du nombre de sourds que leurs éducateurs<br />
et leurs parents ont rkussi h maintenk jusqu'à un iige &van& a<br />
I'écart <strong>des</strong> leurs et de la s&duction du langage gestuel. Eduatiotz chez<br />
les entendants, éducâtian protkgee et difficae, on en convient toujours,<br />
austkre, et résewke plut& aux sourds de milieux favoris4s dont<br />
les parents peuvent assurer la doublure <strong>des</strong> maîtres.<br />
Dans les internats sp&ia2isés, par contre, il est difficile de venir<br />
a bout de ce qu'on a longtemps appel4 1's Pivraie w, Mais on a réussi<br />
gknéralement à établir une separation tranchee entre les situations<br />
dites « sérieuses B, scofaires, où les gestes sont interdits, et les situations<br />
commè la récréation, le réfectoire et le dortoir oh Ils ont libre<br />
cours.<br />
Cette sèparation tranchke entre la langue de la vie, la langue de<br />
tous les jours et la langue savante qui est en meme temps un peu la<br />
langut: <strong>des</strong> autres, n'est pas la plus favorable aux apprentissages en<br />
géneral, ni h celui du français en particulier. Eile p6nalise par ailleurs<br />
le sourd de naissance et 1e sourd inapparezable au profit du malentendant<br />
ou du devenu sourd ayant pari& Mais cette skpaation peut<br />
être v6cue comme cc dant de soi », et la tolérance aux gestes dans les<br />
matextes ordinaires fait qu'elle n'est pas nécess&ement ressentie<br />
comme oppressante.<br />
Cette pustique a sa traduction en mkok dans h culture sourde.<br />
M&me B I'âge adulte, i1 en restera quelque chose. On évitera de faire<br />
les gestes en publie. Il peut s'agir d'une honte verttable de la langue<br />
<strong>des</strong> signes en soi. Il s'agit le plus souvent de tout autre chose. U en est<br />
alors du langage gestuel comme de nombreux actes intimes ou privés,<br />
nullement honteux en soi, mais qui le deviennent h être montrés,<br />
être faits en public. On le cache. Par respect pour lui, h la bite, et<br />
pour la cczmmunaut9 de ceux qui y ont recours.
II y a <strong>des</strong> langues orgueilleuses et wnquérantes qui semblent<br />
marquées du sceau de l'universakme. Telle est du moins la façon<br />
dont les vivent les communaut6s de ceux qui les parlent. Ceux-ci donnent<br />
volontiers leur langue. Ils l'exportent. Mieux, 2s pensent que ce<br />
peut être un bienfait pour les autres qu'on la leur impose. Le français<br />
fut longtemps le prototype d'une telle langue. Qu'on pense aujourdlhui<br />
B l'anglais.<br />
Il y a, à l'opposé, les lanpes <strong>des</strong> mhoritBs ayant l'evérienee<br />
historique du mépris et de l'oppression. te yiddish ou les parlers tziganes<br />
par exemple. Des langues qu'on garde jalousement pour soi.<br />
Qui ne s'enseignent pas. Elles ne sont connues que de quelques rares<br />
personnes n'appartenant pas h ces communaut6s. Et l'on se méfie<br />
toujours de qui, n'annonçant pas la couleur et y ayant recours, se r4-<br />
vkle ne pas partager par naissance le <strong>des</strong>tin de la communaut4 de<br />
ceux qui fa parlent.<br />
La langue <strong>des</strong> signes, dans la situation que je dbcris, appartient à<br />
cette catégorie de langue. Eile a toutes les caractQistiques d'une<br />
langue de ghetto. <strong>Les</strong> sourds, à vrai dire, voient en elle alors quelque<br />
chose d'un peu différent d'une langue à proprement parler. C'est un<br />
mode de communiquer particulièrement original et qui (tout en<br />
ayant virtuellement une vocation universaliste) leur serait en réalité<br />
inhérente : les entendants seraient, par nature, incapables à jamais<br />
d'en acquérir vraiment la maîtrise.<br />
Quant aux murs de ce ghetto, ifs s'6févent à l'ininrieur même du<br />
monde <strong>des</strong> sourds, séparant ceux qui font les gestes et ceux qui mettent<br />
leur point d'honneur à surtout nkn rien savoir.<br />
Des murs faits d'ignorance rtsciproque, de mépris, de reproches<br />
et, je crois savoir, de bien <strong>des</strong> peurs aussi.
. AU DROIT DE CITE<br />
Ce qui se passe un peu partout dans le monde depuis une quinzaine<br />
d'années oblige à reconsidérer les anciennes fapns de voir et<br />
de faire. Cest au nom de l'intégration et de la lutte contre Xe ghetto<br />
qu'on a condamné et combattu les signes. Il est clair à pcbsent qu'il<br />
fdait procéder de mani&re inverse, La reconnaissance de la langue<br />
de signes est la condition sine qw nos de l'int4gration et de la mrtie<br />
du ghetto.<br />
Il y a quelques années, c'est aux Etats-Unis ou dans bs pays<br />
scandinaves qu'on aurait été chercher les éléments de la d6manstration.<br />
Dieu soit loué, on en trouve aujourd'hui en France, bien que les<br />
changements me semblent s'y passer de façon quelque peu conEctuelle<br />
et grinçante.<br />
Ce à quoi nous assistons eût été inconcevable il y a quelques années.<br />
Je pènse en premier lieu aux u sourds parlants » qui ne<br />
connaissaient pas les gestes. Ce sont eux, les premiers btsnéficiaires<br />
<strong>des</strong> interprètes. L'accès à n'importe quel exposé ou débat public leur<br />
était interdit. Cela semblait aller de soi. Ne sachant pas communiquer<br />
par signes, ils n'imaginaient pas non plus que puisse exister pour eux<br />
de conversation il plusieurs oh 2s ne soient pas mis en situation<br />
d'infériorité.<br />
Ces dkcouvertes, qui prennent parfois la forme d'une révtSfation,<br />
font de certains de ces sourds les militants les plus actifs en faveur de<br />
leur langue retrouvée.<br />
<strong>Les</strong> barrières entre sourds tombent, et tous, grilce à la multiplication<br />
<strong>des</strong> interprètes dans tous les contextes (administratifs, médicaux,<br />
culturels, religieux, professionnels, politiques ...) auront enfin<br />
accès à ce qui se passe dans le monde <strong>des</strong> entendants qui est quand<br />
même aussi le leur.<br />
Il ne suffit pas de mentionner tout ce à quoi les sourds peuvent<br />
enfin avoir accès aujourd'hui, bien que gour&. Il faudrait parler de<br />
tout ce a quoi ils ont enfin accès parce que justement ils sont sourds.<br />
Le cas exemplaire est celui de nombreux types d'interventions de ca-
actère pédagogique auprès de jeunes sourds dont ils avaient été<br />
6vincés jadis en raison paradoxalement de leur surdite.<br />
Mais c'est sur autre chose que j'airnerais m'&-tendre un peu. Je<br />
veux parler <strong>des</strong> cours de signes.<br />
Il en a existé autrefois, surtout dans ce lointain passé où ils<br />
étaient à l%onneur. fl s'agissait de bréves initiations, souvent informelles<br />
et réservées à ceux qui se <strong>des</strong>tinaient à l'enseignement spbcialisé<br />
ou à quelque forme d'apostolat auprès <strong>des</strong> sourds.<br />
Ce qui est foncièrement nouveau dans un tel enseignement, c'est<br />
d'abord son caractère systématique. Meme si les cours se développent<br />
souvent sous forme sauvage. C'est &autre part son ampleur.<br />
C'est enfin et surtout la nature du public auquel 2 s'adresse. Celui-ci<br />
dépasse largement le cadre <strong>des</strong> Gducateurs de jeunes sourds. Il<br />
concerne les parents d'enfants sourds, la famille élargie, les amis, les<br />
professionnels de toutes sortes susceptibles de rencontrer un jour ou<br />
i'autre <strong>des</strong> sourds, <strong>des</strong> personnes voulant se lancer dans l'interpr4-<br />
tariat, et tous ceux de plus en plus nombreux qui, ayant vu cette<br />
langue, en sont tout simplement devenus curieux. En France, déjh au<br />
moins dans une université, la langue <strong>des</strong> signes française est une matière<br />
à option.<br />
hs sourds américains se plaisent à dire que la langue <strong>des</strong> signes<br />
américaine serait la troisième ou la quatrième langue <strong>des</strong> Etats-Unis.<br />
Cela ne veut pas dire qu'il y a tant de sourds au Etats-Unis et qu'elle<br />
serait pour un nombre aussi grand de citoyens la langue ordinaire.<br />
Cela signifie que cette langue est utilisée par la majorité <strong>des</strong> sourds,<br />
certes, mais par un plus grand nombre encore d'entendants. <strong>Les</strong><br />
signes sont devenus une sorte de bien comrnun,<br />
Sauf erreur de rna part, la Belgique fait le même choix que nous.<br />
C'est aussi celui de nos amis de Suisse romande. <strong>Les</strong> sourds ont<br />
quasi le monopole de l'enseignement <strong>des</strong> signes. C'est loin d'être le<br />
cas dans tous les autres pays du monde. Un tel choix se justifie pleinement<br />
pour le moment présent. fl me paraît important. '<br />
Que ce soit les sourds qui enseignent ne signifie cependant pas<br />
pour autant qu'ils enseignent leur iangue. <strong>Les</strong> cours sont parfois de
longues listes de vocabulaire. Pour enseigner ce que l'on fait
DES PSYCHIATRES ET DES SOUmS...<br />
ET LA PSYCEWVALYSE<br />
Nous commencerons ce texte en livrant les résultats d'une enquirte<br />
que nous avons menée sur h situation <strong>des</strong> sourds adultes hospitalisés<br />
en psychiatrie.<br />
L'enfant sourd deviendra un adulte sourd et ce que nous apprennent<br />
les adultes sourds concerne aussi bien Yenfant qu'ils ont<br />
4té. Des enfants qui, dbs que le diagnostic de surdit6 est pas$ se retrouvent<br />
en « éducation surveillée » par les spécialistes du ddficit.<br />
Quand, en plus, cette éducation se fait au nom d'une conception<br />
audiomorphique du langage et de l'intelligence, il n'est pas êtonnant<br />
que la consdtation pour sourds de l'Hôpital Henri Rousselle en reçoive<br />
les hisses pour compte.<br />
Tant que persistera fa confusion actuelle sur le tangage entre<br />
s&uçture symbogque hkérente à I'existence humaine et son utilisation<br />
verbale, -ta parole9 nous verrons l'arsenal <strong>des</strong> tests ~ontinuer à se<br />
d6ployer pour évaluer I'intelligence <strong>des</strong> sourds.<br />
Si les psychologues ont toujours eu la curiosité =citée par le<br />
(i rnattçriet » que représentent ies sourds, pour les psychanalystes,<br />
quelle que soit la voie de la pratique de la langue, taut être humain<br />
est dans le langage, chaque sourd y est plongé comme tout sujet.<br />
* Mddecin @da-psychiatre, RespombIe du service médic*p~holo&ue de 1'fnslitut<br />
Xationai <strong>des</strong> Jeunes Sourds de Paris.<br />
** Mddeàn psychiatre, Attackd de consultation à tSH&pital Henri Rour;seiIe,
La parole ne vaut qu'adressée ii l'autre, ce n'est pas un produit<br />
pur.<br />
Des résultats de l'enquête se déduiront quelques conséquences :<br />
- les mécanismes qui contribuent à faire de la clinique avec les sourds<br />
une clinique imprecise. L'obstacle principal provenant pour le psychiatre<br />
de ce que parole et écoute promues au rang d'indispensable<br />
support ne trouvent plus à s'expérimenter dans la pratique de l'entretien<br />
selon les modalités habituelles, provoquant le désarroi puis<br />
le rejet de l'interlocuteur sourd, La surdité est un handicap qui se<br />
partage ;<br />
- les questions spcdcifiques que sont l'appel à l'interprète et le recours<br />
à l'&rit ;<br />
- enfin les perspectives immédiates qui peuvent etre proposées pour<br />
répondre la carence constatée dans l'accueil psychiatrique <strong>des</strong><br />
sourds.<br />
Dans un deuxième temps, nous ferons quelques remarques cliniques<br />
partant de notre expérience. L'enseignement que nous en tirons,<br />
à contre-pied de ce qui a pu s'écrire, nous amène i souligner<br />
l'absence de psychopathologie propre aux sourds. Nous tgcherons de<br />
nous en expliquer.<br />
Notre place nkessite, pour faire exister la condition même d'un<br />
questionnement et d'un abord clinique, rien moins que la reconnaissance<br />
<strong>des</strong> sourds comme êtres de langage. Une fois ce geste accompli,<br />
il devient evident que les sourds peuvent avoir <strong>des</strong> symptômes et<br />
qu'ils peuvent également bénéficier de lieux pour dire leurs angoisses.<br />
Pas plus fous que les autres, mais pas moins non plus.<br />
Si, comme l'écrit le Docteur Jacques Lacan (Ee&, p. 166) : i< Le<br />
phénomène de la folie n'est pas séparable du problème de la signification<br />
pour l'être en général, c'est-à-dire du langage pour l'homme »,<br />
il nous apparaît plus clairement qu'à dénier toute parole propre aux<br />
sourds on leur dénie ce qui est proprement humain, car e loin donc<br />
que la folie (...) loin qu'elle soit pour la liberté une insulte (...) l'être<br />
de l'homme, non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il<br />
ne serait pas l'être de l'homme s'il ne portait en lui la folie comme la<br />
limite de sa liberté, »
LA SITUATION DES SOURDS HOSPITALISES<br />
EN PSYCHUTNE<br />
Des étu<strong>des</strong> épid$hologiques r6alisées à I'btranger (USA,<br />
Grande Bretagne, Danemark) depuis plus de vingt ans, il ressort les<br />
constatations suivantes :<br />
1) que la durée du séjour hospitafier <strong>des</strong> sourds est trois i%<br />
quatre fois plus longue que pour les entendants ;<br />
2) que la proportion de sourds hospitalisés en psyckiatrie est<br />
beaucoup plus grande que la proportion de sourds dans la population<br />
générale ;<br />
3) que les raisons qui eqfiqueraient cette prevalence<br />
concernent :<br />
- <strong>Les</strong> faux diagnostics, notamment la haute incidence de patients diagnostiqués<br />
& tort débiles mentaux,<br />
- les difficultés de communication qui entraînent le dhouragernent<br />
de l'équipe saignante, la n6gligence du traitement et ia prolongation<br />
inutile du séjour hospitalier ;<br />
4) enfin que la creation d'unités permettant de centraliser les<br />
soins pour les sourds (avec son corollaire : la connaissance de la<br />
lanpe <strong>des</strong> signes par l'ensemble du personnel soignant) a crzmplètement<br />
transformé cette situation.<br />
Aucune étude n'ayant h ce jour été realisée en France, nous<br />
avons décidé de l'entreprendre en envoyant une lettre à tous les<br />
chefs de services <strong>des</strong> centres hospitaliers spécialisés de la région parisienne<br />
et de la région Rkône-Alpes.<br />
Dans cette lettre, nous demandions :<br />
- de nous indiquer la présence dans le service de patients sourds hospitalisés<br />
;<br />
- quand cela $tait possible, le diapostic posé.<br />
Dans un deuxième temps, nous avons adressé le questionnaire<br />
ci-joint aux services qui nous avaient informés de la présence d'un ou<br />
de plusieurs patients sourds,
Compte tenu <strong>des</strong> Scuftb spécifiques q ~e posent les patients sourds au niveau<br />
de la communication :<br />
3" - Etes-vous satisfait du diagnostic que vous avez posé ?<br />
Oui Non Autre<br />
2" - Etes-vous satisfait de la prise en charge th4rapeutique dans le service ?<br />
Oui Non Autre<br />
3" - Efes-vous satisfait du projet de sortie et de rEinsertio~ ?<br />
O6 Non Autre<br />
4" -A%z-vow cher& un Centre psycfuatrique spMalisé pour ce type de<br />
patients ?<br />
Oui Non Autre<br />
5" - Avez-vous demandé I'aide d'un interpr&tl;t.e en langue <strong>des</strong> signes ?<br />
Oui Non Autre<br />
-Sioui:<br />
êtes-vous satisfait du résuItat obtenu ?<br />
Oui Non Autre<br />
6" -A votre avis, serait-l souhaitable de crBer <strong>des</strong> structures adaptees pour<br />
soigner ce; type de patients ?<br />
Oui Non Autre<br />
7" - Vodez-vous faùe d'autres comment&es T
anb~ufl3 aun,p « m~sso.13 » a;r?i3e~e3 aj sau5f~nos anb qej au uofs<br />
-f392dxmj 7uop '« luarua~~oduro3 np salqnoq, »: anbgsouiSerp af~o&i<br />
-e3 ej ap uopewgszxns e-[ ans anbrewal aun,nb suulaj au snoN<br />
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SJ.MXLV~ ira NON<br />
3!isouSe!p ap svd<br />
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ayu?lydoqq3~<br />
~fssa~dap aurolpulis<br />
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aFiUEj3Juf asoy3hsd<br />
(sp~qds uou) sanbf.joq~hsd sl~la<br />
luatuasodwo:, np sayqnolyt-<br />
3LISONS)WCI<br />
: lumps nealqei a1 ?uuo!l3ajua3<br />
suom snou 'sanua~ed. iuos snou Inb sasuod?~ sap lgl~d<br />
'ajeluaw atflrqap el 13 luaura3<br />
-~odu~o:, np sajqnol) sa1 'tueq?p lex?,'f ~uaurquro~ as qo sxisoU'awp<br />
s~na!snld syop.tid iuailod spJnos meluam sapeleur sa? .qsori;?ep<br />
-Ljod np aruqqo~d na s?iuorjuo;, mururos snou snou 'pl .z.jso&<br />
-ep np ana3 ireJi) aasod suo~a snou anb uopsanb awqxnap q<br />
v<br />
: suoAnoaJ snou 's~uapad JnS<br />
.a!~iyy:,ASd ua syps splnos s3uapzd OL iur)sl@~oii 'saq~s<br />
-od iuap~a 1s iuop 'sasuoda~ 801 n5a.1 suo~e snou 'sa?Lo~ua saJila-[<br />
602 Jns : sieqnsal sou ap ari~zd aun,nb 731 suozalAg au snoN
les sourds. Clinique qui se borne à l'observation <strong>des</strong> troubles non<br />
verbaux les plus bruyants.<br />
A ce propos, nous voudrions signaler une obsewation clinique<br />
qui peut nous permettre d'ouvrir quelques pistes menant au dernembrement<br />
de la catégorie « troubles du comportement » : un hôpital<br />
de jour recevant aussi <strong>des</strong> sourds s'est ouvert rbcemment, auquel<br />
nous avons adressé quelques patients suivis en consuitation, L'offre<br />
d'un lieu d'écoute psy~hoth6rapeutique~ la présence d'autres patients<br />
sourds, la possibjlité de se faire entendre en langue <strong>des</strong> signes, a<br />
transformé les bruyantes symptomatologies dites troubles du comportement<br />
», A titre d'exemple, citons ce patient dont fa violence, les<br />
passages & l'acte et l'entrée dans fa délinquance se sont révéi6s être<br />
le masque d'un moment fecond délirant (tentative de gut5rison disait<br />
Freud) et dont l'tl-laboration apaisante n'a pu se rtlaüser qukprès fa<br />
rencontre avec ce cadre hospitalier où était utïltstse la langue <strong>des</strong><br />
signes,<br />
Dans les institutions spéciatisées pour sourds où fa tolt5rance aux<br />
dtrviances a un seuil particulierement élevé, qu'il s'agisse <strong>des</strong> performances<br />
scolaires ou <strong>des</strong> troubles de la personnaLite, la survenue de<br />
troubles du comportement sous forme de passages à l'acte n'entraîne<br />
le plus souvent, dans un grand désarroi, que sanctions et renvois,<br />
premiers pas sur le chemin de la mise à l'écart. Or, un trouble du<br />
comportement est un symptôme, mettant en scène non sedement<br />
l'enfant mais isgalement sa famue et I'hstitution Zi lôquelte il semble<br />
s'adresser. Le rôle du psychiatre dans I'hstitution, par son diagnostic<br />
et la possibifité qu" donnera i cet enfant de trouver un lieu pour<br />
dire ce qui raffecte, peut être considér6 comme préventif <strong>des</strong> solutions<br />
psychiatriques de dernier recours.<br />
D'ailleurs, du deuxième questionnaire, il ressort une forte proportion<br />
d"uisatisfactions, tant au niveau du diamostic que de la prise<br />
en chttrge thbrapeutique et de la sortie :<br />
-le recours h l'interprète, quand 2 a &te possible, se r&v&le insuf-<br />
fisant ;<br />
- à tous, il sembIe souhaitable de crker une structure adaptee pour<br />
accueillir et soigner les patients sourds.
<strong>Les</strong> questions que soulèvent l'appel à l'interprète et le recours à<br />
l'&rit ayant une incidence certaine dans la rencontre avec les sourds,<br />
nous en dirons deux mots.<br />
C'est toujours h l'interprète que s'adresse le patient. Il s'ensuit<br />
une exclusian relative du psychiatre. L'interprète peut constituer une<br />
aide pour établir un diagnostic puisqu'il traduit la parole du sourd,<br />
Nais bien souvent il donnera ou on lui demandera <strong>des</strong> commentaires,<br />
induits par sa connaissance <strong>des</strong> sourds, qui s'appuient sur <strong>des</strong><br />
critères culturels le plus souvent. D2un grand interet dans certaines<br />
situations, ils peuvent venir parasiter la relation ou « objeetaliser » la<br />
personne du sourd en occultant sa prtSsence &elle. Abolition de dimension<br />
de Ikutre d'autant plus aisément a~ompIie que 17interpr$te,<br />
lui, repond quand on fui parle. La traduction vise le sens, Elle<br />
s'appuie donc sur la croyance que le locuteur sait ce qu'il dit et ce<br />
qu'il veut. Par sa traduction, l'interprète va donc avoir tendance à refuser<br />
les manifestations insensées <strong>des</strong> symptBmes qui ne font vraiment<br />
pas sbriew;. Banalisation culturelle ou rejet de l'insensts, de la<br />
folie, les balancements de l'interprète sont autant d'obstacles à l'instauration<br />
de la relation psychothbrapeutique.<br />
Quant au recours à l'écrit, il vient signer l'échec de la rencontre,<br />
le refus de s'exposer. S'exposer ii l'erreur, à la reprise de travers oit<br />
tout le corps est engage ; exposition du corps à laquelle la domination<br />
du code linguistique par la langue <strong>des</strong> signes &te tout caractère<br />
régressif ou infantile.<br />
Par ailleurs, de nombrewr sourds ne possèdent qu'imparfaitement<br />
le français écrit et Pufisent souvent avec une syntaxe plus<br />
proche de la langue <strong>des</strong> signes que du fran~ais. Ce qui rend la lecture<br />
du message aussi peu utilisable que la parole pour un interlocuteur<br />
non averti.<br />
Nous avons cependant pu remarquer combien la réintroductiun<br />
de l'écrit, dans un second temps et souvent à l'initiative du patient,<br />
peut-&tre Pindice d'un changement de position quant au savoir et au<br />
travail,<br />
Du cdte <strong>des</strong> sourds qui ont eqérimenté l'hospitalisation en c< intégatian<br />
» sauvage, c'est un isolement redouble oii l'impossibilit& de
communiquer induit soit <strong>des</strong> phénomènes persécutifs muftiples, soit<br />
une soumission dont le bénéfice attendu serait une sortie, mais qui<br />
laisse en souffrance la possibilité d'un abord psychothérapeutique.<br />
Ces premiers résultats laissent entrevok la nécessité d'une réflexion<br />
plus large incluant les pouvoirs publics pour initier un dé,veloppement<br />
<strong>des</strong> out& de soins au niveau de l'ensemble du syst2:me de<br />
santé mentale en France.<br />
Un certain nombre de besoins peuvent d'ores et d&jà être circonscrits<br />
:<br />
- L'ouverture d'un service (comme 2 en existe un en Andeterre)<br />
recevant enfants, adolescents et adultes, ayant un fonctionnement<br />
trans-sectoriel, travaillant en liaison avec la communauté <strong>des</strong> sourds,<br />
offrant <strong>des</strong> services sociaux pour la reinsertion sociale et professionnelle<br />
<strong>des</strong> patients, la possibrlité d'une alphabétisation, comprenant<br />
<strong>des</strong> consultations externes, une équipe
QUELQUES REMARQUES CLINIQUES<br />
De notre expérience clinique, nous pouvons affirmer que nous<br />
n'avons pas dépisté de catégorie psychopathologique spkiale propre<br />
au Sourd.<br />
Il n'y a pas de e personnalité du Sourd P. Il y a autant de personnalités<br />
de sourd qu'il y a de personnes sour<strong>des</strong>. Chacune se forgeant,<br />
comme pour tout être humain, dans une histoire familiale et une parenté<br />
diffkrente pour chacun.<br />
<strong>Les</strong> questions que se posent les sourds sont celles de tout être<br />
parlant, celle de la naissance, de la procréation, de la paternité, du<br />
sexe, de l'amour, de la mort.<br />
<strong>Les</strong> symptames dont se plaignent nos patients ne sont pas directement<br />
corrélés par une relation de cause à effet à la surdité ; ils sont<br />
produits par une structure psychique qui est sous la dépendance de<br />
déterminations symboliques s'inscrivant dans la structure familiale.<br />
La surdité y prend place comme une marque particulière. Elle'n'est<br />
plus à considérer uniquement dans ses effets de privation sensorielle,<br />
mais comme signifiant prenant <strong>des</strong> sens différents pour chaque sujet.<br />
Le diagnostic de surdité est porté pour un enfant déja inscrit<br />
comme tout humain dans l'ordre symbolique, dans l'ordre du langage<br />
: ses parents, ses grands-parents, sa famille, son pays, lui préexistent,<br />
ce qui semble une lapalissade venant là pour nous rappeler<br />
que c'est la parole qui s'acquière, pas le langage.<br />
Et les sourds aussi sont dans l'histoire, malgré toutes les tentatives<br />
pour les refouler avec leurs langues gestuelles. Depuis une dizaine<br />
d'années, en France, ils témoignent de leur désir de devenir à<br />
nouveau sujets de leur histoire.<br />
1989 commémore le bicentenaire d'un moment fondamental de<br />
cette histoire, ainsi que la Déclaration <strong>des</strong> Droits de l'Homme et du<br />
Citoyen. Nous espérons contribuer pour une part à cette renaissance.<br />
En refusant d'adopter une position de maîtres d'un Savoir sur ce<br />
que serait une psychopathologie <strong>des</strong> sourds, en refusant de les mettre<br />
comme objets d'observations de ce qui constituerait ce sayoir, il est
clair que ce que aaus voulons faire entendre, c'est leur position de<br />
sujets.<br />
Sujets pouvant trouver une adresse à leurs plaintes, à leurs<br />
symptlîrna :<br />
-adresse psychiatrique pour ce qui concerne les soins et les Lieux<br />
d'accueil hospitafiers ;<br />
- adresse psychanalytique pour que de leurs plaintes ils puissent<br />
chercher à en savoir plus long sur ce qui les cause.<br />
Leurs reves, leurs actes rnanqubs, leurs erreurs, lems méprisviennent<br />
temoiper d'un hconscient suxeptible de se d6chZfrer dans<br />
une pwchanalyse. Nous citerons la dtSfulition qu'en donne le Docteur<br />
3. Lacan dans les Ecnts, p. 259 : « L%conscient est ce chapitre de<br />
mon histoire qui est marque par un blanc au oecup4 par un mensonge<br />
: c'est le cehapitre censurb mais la v6ritt5 peut $tre retrouvee ; le<br />
plus souvent déjà elle est bcrite ailleurs »,<br />
Bien sûr, on peut choisir d'y rester sourd et cela, que Ibn soit<br />
entendant (avec une audition correcte) ou bien sourd (avec une audition<br />
dbficiente).<br />
EN CONCLUSION<br />
«Vous qui connaissez les sourds ! >><br />
Eh bien non, nous ne<br />
connaissons pas
-que <strong>des</strong> enfants sourds sont oubfi6s quand Ifs sont Int8grés<br />
« sauvagement » dans <strong>des</strong> classes, Avoir et& inttJgr& jusquyen terminale<br />
sans qu'ait ét6 possible la rencontre avec &autres sourds, outre<br />
les efforts que cela repr-ésente, laisse dans une soutude douIaureuse<br />
renforcee par un ddgoût <strong>des</strong> sourds. C'est la question de I'hposs%le<br />
demandé aux sourds dans l%t%sation exclusive de la Xanpe orde et<br />
de la lecture labiale où la metaphore de la cornpetition sportive de<br />
haut niveau semble pouvoir s'appliquer. Pour les sourds, on peut se<br />
demander où est le choix et sur quel podium 3s ddskent monter et<br />
remarquer que Peffondrement pycGque au bout du pareours est<br />
leur lot commun ;<br />
- que l'on rencontre encore br;aucoup d'enfants sourds h qui l'on<br />
a barre l"a& A la langue <strong>des</strong> signes. Combien de parents refusent<br />
les signes, combien sans les refuser à leur enfant ne veulent pas les<br />
utiliser, mais aussi combien les ut2isent en se faisant plus sourd que<br />
leur enfant ? Ces refus, nous en voyons les consisquences la constltation<br />
ch-z <strong>des</strong> adultes sourds mutrliss dans leur eqression tant orda<br />
que gestuelle,<br />
L'utriisation de la langue <strong>des</strong> signes n'aurait plus h etre demontrke<br />
aux parents si les spcscialistes médicawr et para-mediaux qu'Ifs<br />
rencontrent pour leur enfant sourd pouvaient l'associer spontanément<br />
& la parole,<br />
Son apprentissage est maktenant afficie~ement exigble <strong>des</strong> enseignants<br />
; nous pouvons donc esp6rer voir se lever les inhibitions gui<br />
continuent encore à en freiner rusage.<br />
De notre h langue <strong>des</strong> sijpes fait toujours partie de la rencontre<br />
avec ün sujet sourd, quelle que soit la place qu'elle prend,
DEUXIEME CHAPITRE<br />
Le langage parlé complété
QUfESIErCE QUE LE MGAGE PAmE COWLETE<br />
QU CUED SPEECH ?<br />
La technique du Langage Parlé Complét4, ou Cued Speech,<br />
constitue une réponse au problème majeur rencontré par les déficients<br />
auditgs : celui de la perception de la parole.<br />
On sait en effet que, à partir d'un certain degr4 de surditts, les<br />
informations auditives dont dispose une personne sourde sont d'une<br />
qualité insuffisante pour lui permettre une réception satisfaisante de<br />
la langue orale, et donc la compr4hençion de ce qui lui est dit, Le recours<br />
à la lecture sur les lèvres est dès lors indispensable.<br />
Or la lecture labiale - qu'il vaudrait mieux, d'aueuxiî, appeler<br />
« lecture bucco-faciale >>, car les autres mouvements faciam, eux du<br />
mmü1aire inférieur et de la lan~e, h visibilité <strong>des</strong> dents, participent<br />
au processus de reconnaissance de la parole - ne fournit que <strong>des</strong> inforn~atiuns<br />
hcamplktes ou ambigues du fait de l'existence <strong>des</strong> sosies<br />
labiaw. Ainsi, certains sons tels que cc p-b-nt w,
C'est pourquoi la lecture labiale est un exercice extraordinairement<br />
fatigant et imprécis ; c'est pourquoi aussi on ne peut compter<br />
sur eue pour permettre à l'enfant sourd d'acqukrir et de maîtriser la<br />
langue en raison de la faible quantith d'informations qu'elle apporte.<br />
Un certain nombre de techniques d'ai<strong>des</strong> à la lecture labiale ont<br />
donc été mises au point. Le principe de toutes ces techniques est de<br />
donner, par un signe code de la main, une infamation complémentaire<br />
permettant de différencier les sosies labiaux.<br />
Le Langage Parlé CompléttS ou Cued Speech est une de ces<br />
techniques, particulièrement htéressante parce qu'elle cherche uniquement<br />
à aider la lecture labiale sans la supplanter.<br />
HISTORIQUE ET DEFIWION DU CUED SPEECH<br />
Le docteur Orin Comett, physicien de formation et vice-président<br />
du Gallaudet College h Washington, eut l'idée du Cued Speech<br />
en 1965, après s'être rendu compte que l'accès <strong>des</strong> sourds à la lecture,<br />
qui devrait Ctre pour eux un moyen d'information privüégié,<br />
était rendu ardu par leur insuEisante maîtrise de la langue, au plan<br />
lexical et syntaxique.<br />
Pour permettre aux sourds de s'approprier la langue d'une ma-<br />
&re aussi proche que possible de ce& <strong>des</strong> entendants, if. lui est apparu<br />
qu'il fallait leur prop.oser un moyen efficace pour percevoir<br />
toute la chaîne parEe par la voie visuelle, de fa m2me façon que les<br />
entendants la perçoivent par la voie auditive. La lecture labiale ne<br />
donnant qu'une representation incomplète de la chaîne parlée, il a<br />
cherche h mettre au point un systbme complémentaire de la lecture<br />
labiale qui apporte les informations manquantes et dissipe par làmême<br />
les ambiguïtés de cette lecture labiale.<br />
Dans le Cued Speech, ces informations complémentaires sont<br />
apportees par la main, qui réalise en synchronisation avec la parole,
<strong>des</strong> signes codés ou dés (eues, en anglais), constitui5s par la position<br />
de la main, ou place, et la confipration <strong>des</strong> doigts, ou forme :<br />
- la place de la main par rapport au visage reprksente la voyeile :<br />
les voyelles qui apparaissent sunjlaves sur les Ibwes sont accompap6es<br />
par <strong>des</strong> positions dZf6mntw de la main. En frawais, cinq positions<br />
sont utilisées pour les voyelles : pommette, commissure <strong>des</strong><br />
lkwes, menton, gorge, c6tt5.<br />
%r ies voyeiles.<br />
E'ma)<br />
afrnaux)<br />
a?l~euf-ieufi<br />
et toute consonne<br />
sutvie d'un e muet<br />
came1 au isotk (?C<br />
Position menton.<br />
Position gorge<br />
Qi runt<br />
y 'tu'<br />
s (tW
-la confisration <strong>des</strong> doigts représente la consonne: les<br />
consonnes qui apparaissent similaires sur les lkvres sont accompagnées<br />
par <strong>des</strong> confiprations différentes <strong>des</strong> doigts. Huit configurations<br />
<strong>des</strong> doigts sont utilisées pour le français,<br />
voyelle non<br />
precédee d'une<br />
conconne<br />
(âge)<br />
- la combinaison fome-place (ou confipration-position) d'une<br />
cl4 correspond donc à une syllabe - bien que le terme de syllabe ne<br />
soit pas absolument satisfaisant, car, dans un certain nombre de cas,<br />
le codage ne se fait pas exactement selon une décomposition syllabique<br />
: dans un mot comme « foc » (monosyllabique), on codera fo-c,<br />
avec deux co<strong>des</strong> pour une syllabe. Pour simplifier, on parlera néanmoins<br />
d'un système syllabique.
La r&gle de base du Langage Par14 Complet6 est donc que tous<br />
les phonhmes simifaires sur les lhvres; sont ammpapbs d'une cl&<br />
=4rente, tandis que les phunilmes dsdrents sur les lèvres peuvent<br />
fltre eod4s avec <strong>des</strong> <strong>des</strong> identiques. Chacune <strong>des</strong> cinq poations eorrespond<br />
ahsi h dewr ou trois voyefles faciles à dgfbrencier sur les<br />
lilwes @as aemple la position
- L9Momation visuelle donnée par les lèvres doit faire partie<br />
btdmnte du système, et cela pour deux raisons :<br />
* La main est trop massive pour permettre de communiquer un<br />
message complet la vitesse normale de la parole. <strong>Les</strong> connaissances<br />
en physique du docteur Comett lui ont permis de calculer que la<br />
main pouvait produire la moitié de l'information du langage parlé et<br />
les 1Wes l'autre moitié.<br />
* Le systéme doit obliger l'enfant à Lire sur les l&vres et l'entraber<br />
2 devenir un bon lecteur labial afin de ne pas créer une dépendmm<br />
totale par rapport au code.<br />
- Le système doit être smamment simple : les parents doivent<br />
pouvoir l'apprendre en quelques semaines pour s'exprimer avec leur<br />
enfant et il doit pouvoir être appréhendé en réception par un trbs<br />
jeune enfant sourd (moins de deux ans, selon Cornett).<br />
- Par <strong>des</strong>sus tout, le système doit avoir pour rksultat une perception<br />
estdmement précise <strong>des</strong> phonèmes, la précision de la perception<br />
devant être équivalente B celle qu'obtiennent les entendants par<br />
l'audition seule.<br />
C'est en se fondant sur ces considérations que le docteur<br />
Cornett a conçu le Cued Speech.<br />
Il a été ainsi conduit à éliminer une approche qui lui avait Semblé<br />
logique a p M, & savoir une approche phonétique qui aurait<br />
consisté A « arranger » les phonèmes de manière à indiquer les propritrtés<br />
phonétiques <strong>des</strong> sons produits (occlusives voisés, o~lusives<br />
non voisés, fricatives non voisées, etc.). En effet, les tests effectués<br />
ont fait apparaître qu'il nxtait pas possible de rendre le systéme à la<br />
fois extrr?mement précis en réception et également phon6tique. C'est<br />
pourquoi l'agencement <strong>des</strong> co<strong>des</strong> en groupes de phonèmes ne correspond<br />
pas & <strong>des</strong> propriétés phonétiques ou acoustiques de la<br />
parole.<br />
En second lieu, le docteur Cornett a cherché à maximiser le<br />
contraste visuel entre les différents phonèmes.
U s'est 6gdement attach4 au probl&me de I'iiCcoaomie d94nergie<br />
en i< arrangeant B les conGprations <strong>des</strong> doigts d'apr&s la frequence<br />
<strong>des</strong> phonèmes qui leur sont associ6es. Par exemple, la wnfiguration<br />
5 (les cinq doigts de la maul prkenttss ettendus) est utilisée avec le<br />
groupe de phon&mes le plus fréquent, car c'est la fame 1% plus fade<br />
h faire puisqu'ege demande de ne plier aucun doigt. ERS autres<br />
forma sant choisies de maniare à ce que te poupe de plus faible<br />
frQquence corresponde à la forme la plus difPfic1e à fa%e. Ceci afin de<br />
pas trop fatiguer le locuteur utilisant le Cued Speech.,<br />
Deux autres él4ments ont été pris en compte par le docteur<br />
Comett pour concevoir le Ched Speech : d'une part, il a fait en sorte<br />
de permettre de représenter toutes les distinctions fines faites par les<br />
locuteurs d'une même langue (dIff6rences de pronondation de<br />
voyelles, par exemple), sans dkider lui-m&me quelles étaient les disthctions<br />
ut* ou inutiïes ; d'autre part, if a voulu que le syst&me mit<br />
compatible'entre plusieurs knmes, m&me si cette compatibüit6 2'8<br />
amen4 à sacrifier d'autres critères de earrception. De fait, actuegement,<br />
le Cued Speech a été adapt4 B une quarantaine de langues -<br />
ce qui permet d'envisager l'apprentissage <strong>des</strong> langues étrangères par<br />
les enfants sourds.<br />
A QUI LE LANGAGE PARLE CbMPmTE EST-IL, DES'ltTNlk: ?<br />
On aura compris que le Lanpge Par16 Ccrmpl4t4 est <strong>des</strong>the en<br />
premier rîeu B être exécutts par le locuteur entendant afin de rendre<br />
sa parole hteES;ble pour son interlocuteur sourd.<br />
Le degr& de surdité ne constitue pas un critère dtstermhant.<br />
Certes, le LPC sera moins indispensable B un sourd sévkre qu'à un<br />
sourd profond. Mais dans tous les cas où le recours h la lecture labiale,<br />
partielle ou totale, est n4cessafre, l'aide apportee au sourd par<br />
le se rtsvèle prkieuse du fait que, toutes les amb!gultCs &tant<br />
supprhcstis, Partention peut etre plus diffuse et la fatise moindre.
WC et enfants sourds<br />
Tout ce qui prkède montre clairement que le docteur Cornett,<br />
en concevmt le Cued Speeeh, voulait avant tout minimiser le problkme<br />
de la cornunication initiale entre les enfants sourds profonds<br />
et leurs parents (sachant que 96 % <strong>des</strong> enfants sourds profonds ont<br />
<strong>des</strong> parents entendants).<br />
Aussi, quand on lui demande qui, parmi les interlocuteurs de<br />
l'enfant sourd, doit utiliser le Langage Parlté Complétlê, sa réponse<br />
est trks nette :<br />
- s'il faut choisir entre une utitisation par les parents ou une utitisation<br />
par les professionnels, c'est I'utllisation par les parents qui est<br />
la plus hportante ;<br />
- mais, si les parents ne codent pas, l9ut&ation du Langage Parlé<br />
Comp16t6 par les professionnels (orthophonistes et enseipants)<br />
apportera toujours quelque chose à l'enfant, même si les résultats<br />
risquent d'être moins rapidement visibles.<br />
En d'autres termes, il vaut mieux <strong>des</strong> parents qui codent et <strong>des</strong><br />
professionnek qui ne codent pas que l'inverse ; mais il vaut mieux, si<br />
les parents ne codent pas, <strong>des</strong> professionnels utilisant le Langage<br />
Parle Compi6tB plutôt que pas de Langage Parlé Complété du tout.<br />
La situation idéale est évidemment cefie oir tous les interlocuteurs<br />
de l'enfant sourd codent ; ceci a &té clairement mis en. évidence<br />
dans les recherches menées par lqquipe du Centre Comprendre et<br />
Parler de Bruxelles (Catherine Hage et Brigitte Charlier), en collaboration<br />
avec le Laboratoire de Psychologie Evérkentale de l'Université<br />
Libre de Bruxelles : un <strong>des</strong> aspects de ces recherches a<br />
consisté à objectiver l'amélioration <strong>des</strong> performance,^ perceptives de<br />
l'enfant sourd placé dans la condition de lecture labiale complétée<br />
par rapport à la condition lecture labiale seule,<br />
Cinquante-cinq enfants ont étté soumis une épreuve dite<br />
« épreuve de réception » consistant il leur présenter une phrase, soit<br />
en parole uniquement (lecture labiale), soit en parole complétée par<br />
le Langage Parlé Complété (lecture labiale + LPC), Devant l'enfant<br />
se trouve une carte contenant quatre images. L'enfant doit recon-
naître l'image correspondant i% la phrase « entendue ». <strong>Les</strong> items ont<br />
été groupés par groupes de quatre images qui reprêsentent <strong>des</strong><br />
phrases :<br />
faciles à distheer entre eftes ;<br />
- de dZficult6 moyenne à dGtinguer entre elles ;<br />
- dBic3es à distkwer entre elles '.<br />
LRS &quante
Si on cansidbre la condition dif£iclle, on voit que les pourcentages<br />
sont encore beaucoup plus hteressants parce que, dans cette<br />
situation mEc$e, les pourcentages de départ sont faibles, tandis que<br />
dans les conditions faciles, les résultats sont déjà hportaats au<br />
départ.<br />
Considhant h condition difficile, on observe :<br />
- pour le groupe E, une am6lioration de 16,08 % ;<br />
- gour le groupe N, une amélioration de 22 % (on passe de 44 96 à<br />
66 96 de raonnaissance) ;<br />
-pour le goupe M + E, une amé1Xoriftion de 42 % (on passe de<br />
27 % It 69 9%).<br />
Ces r&sdt&ts confment que fktifisafiun du LPC B fa niahon et<br />
en sitrratiun scolaire semble bien constituer me situation optimale.<br />
Si le hngage Parle Complété a été conçu principalement pour<br />
être utüXsd par <strong>des</strong> parents avec leur enfant sourd, rien n'empêche,<br />
bien entendu, l'hterlwuteur d'un adulte déficient auditif de recourir<br />
à cette twhdque ; et le docteur Cornett a coutume de dire qu'il ne<br />
lui faut, que: quelques minutes pour expliquer aux sourds adultes<br />
wment le LPC peut résoudre le probl&me de la lecture labiale auquel<br />
3s sont codrontés en permanence. Mais, contrairement à ce qui<br />
se passe avec de jeunes enfants, qui se l'approprient par imprtr,<br />
gaation progriessive et globale, le L;PC doit faire dans ce cas l'objet<br />
d'une présentation raisonnée et d'un apprentissage systématique du<br />
dkodage, it partir de l'expérience qu'a le sourd adulte de sosies<br />
labiaux.<br />
LPC entre semds<br />
Enfin, et le daeteur Cornett I'avait pressenti, I'exp&ience a montre<br />
que <strong>des</strong> déficients audit& ayant bénéficib précocemnent du LPC<br />
pouvaient i"ut%ser cornme moyen de communication entre eux* <strong>Les</strong>
premiers enfants sourds élevés avec le LPC en France, actuellement<br />
âges de 10 à 15 ans, en tbmoignent, Il s'agit là bien entendu d'enfants<br />
ayant aceéde ii l'oralisme et dont l'articulation est suffisamment précise<br />
pour produire <strong>des</strong> images labiales fiables.<br />
QUE PEXJT-ON AmENDE DE L'WILISATION DU LANGAGE<br />
PARLE COMPLETE ?<br />
LPC et lecture iabialte<br />
La plupart <strong>des</strong> auteurs, se fondant sur le fait que la perception<br />
de la parole complétée par le LPC est inséparable de la lecture labiale,<br />
affirment que l'utilisation du Langage Parlé Complété produit<br />
de bons labi'o-lecteurs.<br />
Il semble, en particulier à la lumière <strong>des</strong> résultats <strong>des</strong> travaux,<br />
évoques plus haut, de Charlier et Hage sur les performances perceptives<br />
de l'enfant sourd avec et sans LPC, que l'on ne puisse se<br />
contenter de cette affirmation, et que la question de l'amélioration<br />
de la lecture labiale grâce au LPC mériterait une étude spkifique<br />
qui n'a, jusqu"ici, pas encore été entreprise.<br />
<strong>Les</strong> rksultats de cette recherche doivent, semble-t-if, conduire à<br />
s'interroger sur les capacités en labio-lecture acquise par les enfants<br />
béneficiant du Langage Parlé Complété. En effet, ils tendraient h<br />
montrer que les enfants du groupe « LPC-maison » (44 9% de reconnaissance<br />
en lecture labiale seule) seraient de meilleurs lecteurs<br />
labiaux que les enfants du groupe « LPC-maison + école fe» (27 % de<br />
reconnaissance en lecture labiale seule).<br />
Ceci doit-2 amener formuler l'hypothèse que les enfants qui rie<br />
reçoivent le LPC qu'à la maison, et qui se trouvent donc plus souvent<br />
en situation de recours à la lecture labiale seule par rapport aux enfants<br />
du groupe « maison + école », entraînent davantage leurs capacités<br />
de labio-lecture ?
Il ne s'agit pour l'instant que d'une intenogation, mais il<br />
convient sans aucun doute de rtlfiéchir, lorsqu'on utilise le Langage<br />
Parle CampltSté, 3 la mise en oeuvre, en parallale et selon les enfants,<br />
d'une stratégie d'amélioration de la lecture labiale lorsque cela para'lt<br />
n&ess&e.<br />
Réct?ptiorr de fa paroie et pmductian de ia parole<br />
Il faut bien comprendre que le Langage Parlé Complété est uniquement<br />
une technique d'aide B la réception de ta langue paride.<br />
Il ne s'agit pas d'une aide h la production de la parole, à la différence<br />
de la méthode verbo-tonale ou de la méthode Borel-Maisonny,<br />
Ceci est &portant à préciser, d'une part pour &ter les confusions et<br />
ne pas demander au Langage Parlé Complt5té de faire ce pour quoi il<br />
n'est pas fait - le LPC est un outil bien spéczique -, d'autre part<br />
pour pouvoir mesurer quelles peuvent être les complémentarités du<br />
Langage Parlé Complété avec d'autres outils.<br />
Cela étant, on constate que le TJC peut être utiliscÇ secondairement<br />
avec profit par l'entendant pour rectifier une erreur articulatoire<br />
de l'enfant sourd qui lui parle, ou par l'enfant sourd lui-même<br />
comme moyen d'&vacation et d'accompagnement du mouvement articdatoire.<br />
Il peut donc avoir certains effets sur le terrain de ia production<br />
de la parole* ce qui nuance ce qui a été dit plus haut,<br />
On a souligné que le Langage Parlé Complété n'étai qu'un outil<br />
au service de la réception du langage parlé. Or « réception u ne veut<br />
pas dire
Lknfant sourd, comme l'enfant entendant, découvrira la sipification<br />
d'un mot nouveau grâce au contexte et à 18 r&p&titi.on. Mais<br />
sans doute est-il nécess~e, pour que la compréhension du langage<br />
donne à un enfant sourd avec I'aidde du LPC s7hstalle, de mettre en<br />
oeuvre une strategie spkcifique et trhs certainement renforeh par<br />
rapport h ceIfe que mettent en oeuvre spontan4ment et quasi-hconseiemment<br />
les parents d'enfants entendants,<br />
Cela sigrSe qu'on ne peut se passer, forsquY.on empXoie le bngage<br />
Par16 Complété avec un petit enfant sourd, de I'utifisation <strong>des</strong><br />
gestes eqress&, <strong>des</strong> mhiques, du recours h I'hae ou h la d&i&nation<br />
afin que, dans sa tête, et comme cela se passe chez Penfant entendmt<br />
avec les formes sonores, le lien se fasse entre la forme<br />
visuelle qui lui est donnée par les 1Ècvres et le code, et l'objet, le<br />
concept, la notion évoqués,<br />
C'est là un précepte de base, dont la m4connaissance peut etre à<br />
l'origine de bien <strong>des</strong> échecs.<br />
WC et acquisition <strong>des</strong> stmctures de fa tangue par l'enfant sourd<br />
Le LPC se revhle pârPicuEGrement performant en ce qui<br />
concerne Pacquisition par l'enfant sourd <strong>des</strong> structures de Xa langue<br />
seion un processus quasi semblable à celui qui est mis en oeuwe par<br />
l'enfant entendant.<br />
En effet, le codage de toute la cfiahe parlée donne & lknfant<br />
sourd une representatiun visuelle <strong>des</strong> aract4ristiques phonologiques,<br />
gammatic<strong>des</strong> et qntaxiques de la fangixe : grâce au WC, 2 voit les<br />
marques du pluriel, les d4sinences <strong>des</strong> formes verb<strong>des</strong>.,, Ceci lui<br />
permet de faire <strong>des</strong> hypothèses sur le fonctionnement de fa langue,<br />
comme le ddénotent les
POUR CONCLW<br />
Le Langage Parlé Compléte, il faut y insister, est un outil specifique,<br />
U. ne constitue pas une solution miracle, non plus que l'outil<br />
unique pour Z'éducration de l'enfant sourd.<br />
Sur les terrains qui ne sant pas les siens, essentieuement celui de<br />
la production de la parole et de l'utilisation <strong>des</strong> restes auditzs,<br />
d'autres techniques ou métho<strong>des</strong>, comme la méthode verh-tonale,<br />
peuvent et doivent être utilisées,<br />
Le LPC est aussi un outil dont lktüisation doit s'inscrire dans<br />
une stratégie de communication avec l'enfant sourd.<br />
Ahsi, if faut non seulement veiller à ce que la réception de la<br />
langue soit accompagnée de la comiprékiensiiox, mais aussi h ce que le<br />
lmgap défin-6 à l'enfant sourd soit suffisamment riche en quantith<br />
et en qmJit4 ; il est evident que l'outil de transmission ne peut remplacer<br />
la matière transmettre : si le message est pauvre, il restera<br />
pauvre même avec le LPC.<br />
Mais si le mode d'emploi a 6th bien donne et bien compris, si<br />
l'outil est mis au service d'une rc5elle volonté de communication avec<br />
t'enfant sourd, alors t'utilisation du LPC produit <strong>des</strong> effets qui vont<br />
bien au-del& de son caractbe shplement hstrumental. Disposant<br />
d'un out3 efficace, les parents se sentent restaures dans leur rôle de<br />
parents, reprennent confiance dans leurs comp6tences et celles de<br />
leur enfant. Lf6If:vation du niveau d'ambition et d'exigences qui s'ensuit<br />
entrabe un enrichissement progressif <strong>des</strong> &hanges verbaux, Des<br />
lors, plus qu'un outil, le LPC devient un moteur de progrès dans le<br />
chmbement de l'enfant sourd vers l'acquisition de la langue.
- AsHe J.L. (19801, Quelques aspects de l'apport du Cued Speech<br />
dans fa rehabilitation de l'enfant handicapé auditif. Bc622.Adophonul,<br />
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3, 1-37,<br />
- LUISON L.P. C., Numéros 1 h 3 1, Paris* ALPC, 21-23, me <strong>des</strong><br />
Quatre Frhres Peignot, 75015 Paris.
TROISIEME CWITRE<br />
Aspect médical<br />
et audioprothétique
EVALUATXON DU MDICAP,<br />
CNTIQUE DES BAREMES A_CTUELS<br />
ET PmCIPES D'ACTUALISATION<br />
Dléja, au début du xxe siècle, Jean*Marc Étard cherchait h &aluer<br />
l'effet du handicap surdité en vue d'evlaiter pedapgiquement<br />
les aptitu<strong>des</strong> de l'enfant sourd. Dans les decennies qui ont suivi, les<br />
medechs ont eu le souci dPapprf3cter le niveau de la surdit6 et sa locdisation<br />
distinwant la surdititi: de transmission et la surdit6 de perception,<br />
à l'aide de diapasons, cor<strong>des</strong> vibrantes et autres hstruments<br />
acoustiques, ainsi que par l'écoute de la voix haute et de h .vaUr chuchotée.<br />
Depuis quarante ans, on évalue la capacit6 de perception en<br />
audiornBtrie tonde et vocale en chambre sourde. Ptrraflèlement, les<br />
mseipants d'enfants sourds ont cherché à esther f"acquis de langage<br />
et de parole pour ajuster les mtStho<strong>des</strong> p6dagogi~es afin d%-<br />
tekdire <strong>des</strong> niveaux daires et de cornmunicatian orale acceptables,<br />
De mbme, Xes orthophonistes, singuE&rement Suzanne Borel<br />
Maisonny* et les phoniatres se sont attachés B evaluer de fason aussi<br />
objective que possible les aptitu<strong>des</strong> il l'apprentissage verbai et les acquis<br />
de parole et de langage. Pour t'enfant sourd, une commission du<br />
Bureau International d'Atrdiophonulpgie a travaiE4 pendant dix ans<br />
sur la possibilitk de rendre objective cette anaiyse de capacitbs fonctiorineEes,<br />
de l'acquis de langage et de parole, du nitreau scolaire.<br />
Aussi disposons-nous d'un ensemble de techniques et de tests<br />
pour arriver au but de découvrk quelles sont les passibaith de I'en-<br />
* Professeur (I'ORL et de Phoniatrie, Faculté de Mddecine et de Pharntacie de Wsanpn.
fant et de mesurer ses capacités actueiles. U. se trouve que l'administration<br />
a également besoin d'avoir une evaluation chiffr6e de ces<br />
deux aspects. Cette évatuation aboutissant un pourcentage est naturekment<br />
relative, comme tout classement,<br />
ri y a toujours un grand laps de temps entre ce qui est possible et<br />
ce qui est admis. Ainsi, les audiomGtsies vocales (test d'hteEgib3ité<br />
et test phontstique), edstant respectivement depuis 1948 et 1958, ne<br />
sont pas eneore prises en compte faute d'titre consid6rees wmme<br />
« normafisees B. Cefa tient ii ce que tuus les prafessionnels et l'administration<br />
doivent adhgrer à ces propositions.<br />
fl existe actueflemerit pour la surdit6 plusieurs barhmes en fonction<br />
<strong>des</strong> types de surdité et <strong>des</strong> administrations, Ces barèmes à<br />
double entrde ont encore me 4cheIie en voix haute et en voix chuchotée,<br />
abandonnée depuis trente ans dans le diapostic audiologique,<br />
Le plus avantageux, celui <strong>des</strong> pensions militaires, est, utilisé<br />
rédementairement par les CDES et les COTOWP pour la surdité<br />
venant du premier âge, du fait de l'incidence de la surdit6 sur le d6-<br />
veloppement du langage. <strong>Les</strong> essais d'actualisation ont plac6 en plus<br />
une &chelle de moyenne en dB par rapport à 190re"te normale, Pour<br />
fa surdité professionnene, une moyenne arbitrake, non justa6e par<br />
la valeur hformatiomelte <strong>des</strong> octaves, sert de décision, mais <strong>des</strong><br />
barbmes avec d'autres valeurs servent a prkiser le pourcentage d'incapacité<br />
qui, &alement, est fixé arbitrairement par les services<br />
administratifs de la Sécurit6 Sociale, Parfois d'aaeurs, ce qui est recoxnrnmdb<br />
sous forme de barkmes laisse à d4sirer dms son a~zplicatien,<br />
les membres <strong>des</strong> commissions responsables, trop souvent<br />
incomp6tents, sbnogent cependaa l'autorité de ne pas les appXiquer<br />
et dkttribuer les incapacitbs au gré de leur humeur,<br />
Effectivenent, ce moyen de chiffrer une perte sociafe ou professionnefle<br />
est arbitraire et sujet & critiques pour ses uriperfections,<br />
efle ne tient pas compte de la rkdaptation ni <strong>des</strong> pussibaités rtkflies<br />
de cornmunicatiun verbale.<br />
II faudrait au moins prendre en compte, tant pour Pentant que<br />
lkdulte, les capacités de compréhension de la parole. Cette démarche<br />
avait étE: faite aux USA après la guerre 39-45 pour indemni-
ser les victimes de guerre en mesurant la capacité vocale avec <strong>des</strong><br />
mots monosyllabiques, cette capacité défhissant l'inv&dité. En<br />
France, cette proposition est faite régulièrement aux pouvoirs publics<br />
qui craignent que cette modification du principe même de l'estimation<br />
de la gêne ne vienne aumenter le fhmcement nécessaire, <strong>Les</strong><br />
professionnels ayant par ailleurs plusieurs mo<strong>des</strong> différents dyestima-<br />
$ion, le projet est repoussé à <strong>des</strong> dates ultt4rieures. On aurait pu faire<br />
<strong>des</strong> ajustements en fonction de la vocale mais le problème en fait<br />
reste identique. Persuadés cependant de la nécessit6 de connaftre la<br />
perception verbale, les conseillers en vue de la réglementation sur la<br />
surdité professionnelie ont fait rendre obligatoire l'audiométrie vocale,,,<br />
dont le mode d'utilisation n'est pas précisé !<br />
Un groupe de travail du rnirtistère <strong>des</strong> affaires <strong>sociales</strong> s'était<br />
peneh6 il y a quelques années sur ce probfème. fl est hcontestable<br />
que, si pour l'adulte une grille tonde est applicable malgr& les réserves<br />
que l'on peut y mettre, pour i'enfant, il n'est pas possible de ne<br />
pas tenir compte du langage verbal et de la parole lorsqu'on envisage<br />
d'estimer une incapacité venant d'une surdité. Nous utitîserons ces<br />
travaux et les critiques judicieuses apportees par l'administration. Le<br />
projet est resté sans suite du fait de l'incertitude de son incidence financière<br />
qui aurait cependant pu &tre assez facilement estimée par<br />
<strong>des</strong> sondages,<br />
Il serait important d'arriver à un système qui puisse être généralisé<br />
à l'enfant comme à l'adulte, plus juste sans pour autant modifier<br />
l'enveloppe financière tout au mohs pour les affaires <strong>sociales</strong>. Il est<br />
certain que son appfication peut modifier celle de la surdit6 professionnelle<br />
sous-estimee par quelques services concernes de Ia S&urité<br />
sociale. Avec la réserve également que le refus d'invalidité pour la<br />
surdite profonde de certaines COTOEP peut changer localement<br />
l'enveloppe financière si on leur demande d'appiiquer les barèmes<br />
actuel ou futur.
LES PQEVFS EN DfSCUSSION<br />
<strong>Les</strong> barkmes ne tiement campte que de la perte aaudi~ven dB,<br />
or, s'il y a une ço~ISlation entre ces pertes et h @ne sociale et prafwsiomeBe*<br />
si Sa reparation d'un dommage doit en tenir compte,<br />
cepndant le domaule le plus hportant, celui de la capacité de<br />
communication n'est pas pris en. considération, pas plus que chez<br />
Pedant les difEcuft6s hduites par Pkteagibilite de la parole eq&<br />
mec, par ie $veau du dévelupppesmenrt du lang&ge et par la cornprkhensian<br />
de la parole peque,<br />
Pour l'enfant, ces donnees dvoIuent avec II"$@, une esthation<br />
doit donc etre r&@&rement ajustee sans pour autant entraber us<br />
<strong>des</strong>Sr de fa part <strong>des</strong> parents de rnahte~k f'edant dans son hv&dit6.<br />
fl. semble que les dbials de cinq anxlrSes soient raisonnablm. Us correspondent<br />
au premier 2ge et & fa periade prdscolake, & Sa pdriode<br />
scolaira, b 1"âp du colI&ge enfin b la p6riode de l'orientation professionnelle,<br />
&p auquel on peut considérer que le sourd ne progressera<br />
plus, L'acquisition de la lecture labiale se fait entre un an et dix ans,<br />
la mpacitc?! de communication est arriviv6e à un palier h l'adolescence*<br />
elle ne s%m@ore pkre ensuite,<br />
On a beaucoup dscutts de la prothèse auditive* certahs ewerts<br />
demandent la courbe audiometrique du sujet apparege et cùnsidb<br />
rent que cette vaieur de perte en dB correspond h h capacit6 de<br />
communication d'une oreille qui pr&enterGt ce seuil, soit, pur une<br />
surdit6 sevére, celle d'une surdit6 1egÈ:re ou moyenne, Ils comparent<br />
volontiefs cette reparâtion à cek que donnent Ses lunettes, Il n'y a<br />
gpl&re de rapport. <strong>Les</strong> lunettes corrigent le trajet <strong>des</strong> rayons lulnkeux<br />
pour les adapter au milieu opgque de f"oeü. La prothese auditive<br />
ampme les sons mais leur recrrnnaissance est Eke aiix distorsions de<br />
J-"oreae iriterne et à ses capadtes -s&idueUes que k prothèse ne madifie<br />
gzl&re. ff serait donc pius logque de comparer avec les amblyopies<br />
et les ekit6s. NatatureflGment* b prothèse auditive rend plus âis&<br />
une eommunica~on or& de Eaczte P&ducation, f'aqvisition de fa<br />
leture latride, de fa paroie et du langage : c'est sur ces effets que<br />
doit 6tre jugk fe abonus » apporté par fa proth6se. Le braille peut<br />
être cornplird h la langue <strong>des</strong> signes? mais la communication tenant
sous sa dépendance le langage fonction essentielle de la personn&té<br />
et <strong>des</strong> capacittss d'abstraction la surdit6 a <strong>des</strong> incidences hucaup<br />
plus profon<strong>des</strong>, bien qu'h~sibles, que la cécité, celle-ci permet une<br />
communication socide verbale peu modifiee.<br />
<strong>Les</strong> seuils du contrôle audioprothétique dependent de la puissance<br />
régI6e par le potentiomètre, ce qui permet en l'augmentant de<br />
ramener presque tontes les courbes à moins de 50 dB de perte, b<br />
plus souvent à 30 dB, niveau admis corne optimal pour les surdite<br />
moyennes et certaines surdit& siÈv&res,<br />
On peut obtenir n'hporte quelle courbe suivant les r4giages. Ce<br />
niveau n'indique pas la rkhabilitation du sourd. On pourrait bien sûr<br />
utiliser une mesure vocale de l'oreille appareillée plus proche de h<br />
qualit4 de la correction auditive qu'un seuil d'audition, avec <strong>des</strong> réserves<br />
important= du fait <strong>des</strong> capacites en lecture labiale et de la<br />
compensation linguistique. 2 faut un test oh la marge d'erreur puisse<br />
Otre estim6e et où la relation avec la capacité de cornmunicatian<br />
puisse être calculee comme I'a fait en 1929 Fletcher pour la qualit6<br />
<strong>des</strong> t6léphones. Cette option suppose une étude expérimentale bien<br />
construite et bien critiquée sur le plan scientifique, car il est certain<br />
que d'avoir un certain coefficient d7hteEgib8ité appareîllb ne correspond<br />
pas à cette même htelligibrtité à oreille normale.<br />
Le plus simple est de proposer un barème pour <strong>des</strong> oreilles appareillabres<br />
comme l'a fait le I4gisiateur pour le barème <strong>des</strong> pensions<br />
rniütaires, La. grille comprend pour les pertes au-delà de 50 dB deux<br />
valeurs : l'une pour les surdites non appareaables, Ikutre pour celles<br />
qui peuvent être réadaptées par <strong>des</strong> prothl?ses auditives.<br />
IEI est plus simple de considérer que les surdittss sont n&cessa$ement<br />
appareillablesf donc que le bar&me ne amporte que <strong>des</strong> valeurs<br />
carrespondantes : Le barème doit concerner Ies sourds appareillables<br />
dont la perte audioIogique est mesurGe en dB sans<br />
prothèse, au casque.<br />
Certaines surdités ne sont pas appareillables pour <strong>des</strong> raisons<br />
diverses, On peut estimer que ces surdités doivent voir leur perte tonale<br />
augmentée arbitrairement de 10 dB, ou encore comme le fait le<br />
bareme <strong>des</strong> pensions militaires, on augmente de 5 9% l'iincapacit$
Cette dernibre façon de faire est moins avantageuse, or cette disposition<br />
s'appiique essentiellement à de rares surdités sév8res avec atteintes<br />
centrales (agnosies), le 10 dB de plus paraît le mieux adapte,<br />
il mmepondrait B 10 % d'incapacith de plus sans dépasser 80 5%.<br />
Pour les surdit& profun<strong>des</strong>, cette proposition n'en modifie pas le<br />
taux b'in~pacité.<br />
De merne, les troubles appoH4s par une d ttl unitatemte sont<br />
dkutés. Chez l'enfant, ce diagnostic n'est fait que lors de contrbles<br />
ystématiques scolaires ou lors d'une dkouverte fortuite <strong>des</strong> parents.<br />
Elle ne modifie pas la parole et le Iangage, mais entrabe une &ne<br />
dans fa 10cafEsatiun <strong>des</strong> sons et surtout dans l'hteG$bilité dans le<br />
bruit. Son invalidité est plus &portante chez l'adulte devenu sourd<br />
qui doit se rbhabituer A un nouveau mode de perception De même<br />
d'ailleurs la surdité acquise bilatérale sévhre ou profonde entraîne<br />
une déstabilisation sociale et professionnelle trop peu souvent prise<br />
en compte. Elle est socialement plus invalidante qu'une surdité<br />
cangdnitale avec laquelle le langage s'est développt-: et les habitu<strong>des</strong><br />
<strong>sociales</strong> se sont construites. Un barème acoustique pour l'enfant est<br />
applicable A l'adulte pourvu que l'on estime indépendamment les capacités<br />
de parole et de langage,<br />
Le niveau de paroie et de Iangage, contrairement à fa mesure du<br />
seuil tonal, n'est pas normalisé, il dépend donc d'appréciations subjectives<br />
et de l'utilisation de tests dont la multiplicité indique bien le<br />
caractere partiel et souvent peu precis. On ne peut donc indiquer sur<br />
quels examens ou &preuves doivent se baser les experts qui ont 2 en<br />
juger. Par contre, il est possible de définir <strong>des</strong> symptômes facilement<br />
identziables, chaque praticien disposant <strong>des</strong> moyens pour les mettre<br />
en évidence et les dkrire,<br />
Nous devons consid6rer deux démarches :<br />
- celle qui &ablit par <strong>des</strong> bilans un état et un pronostic éducatif pour<br />
I'orientation et les moyens éducatifs mettre en oeuvre, elle apprB<br />
cie 1"ulfluence; de fa ptldagogie, <strong>des</strong> techniques et <strong>des</strong> qppareaages.<br />
On ne saurait indiquer une orientation sans un dossier complet ;<br />
- celle qui permet à une instance administrative de constater un niveau<br />
de handicap et d'acquis en vue d'apprécier une incapacité es-
thde suivant les aspects observes de la parole et du langage, pour<br />
laquelle un barème est propos6,<br />
En fait* LI est uidispensable d'utiliser les bilans pour la première<br />
dkmarrche, 2s ne sont pas inutiles dans la de&&me,<br />
On peut les résumer dans Ir: tableau suivant :<br />
F u<br />
Unm E m m<br />
-IRES<br />
CLINQUE Etiologie données ciiniques Psychlatrje<br />
date d'apparition Neurologie mographie<br />
Statut otofogique<br />
E.E.G.<br />
Awlo~Wl~ Auüiograrnme tonal Audiojogie Mque Xmp4dencem4tfie<br />
Vocale phonétique Tests acoustiques Rf:Beixe stap6dien<br />
Audioprothèse Lecture labiale P+EA<br />
P ~ C H Q ~ E Bilan psycho adaptl: Psyehornotricitts<br />
(iige, niveau de<br />
~w%@<br />
Etat mental<br />
Comportement<br />
LANGAGE Compréhension & Syntaxe Niveau en langue<br />
expression orales v0tgüulaS.e acquis <strong>des</strong> signes<br />
CO~~PITION Mode de Prosodie Capacite qf‘esske<br />
ETPA~O~E comunicâtion RVthme en wed speech<br />
Articulation fntonation ou en langue <strong>des</strong><br />
signes<br />
Vm Hauteur Timbre Mblodie<br />
EDUCAQF Mode d'éducation Progression scolaire Bila scolaire<br />
Guidance parentale<br />
Tpe de scolarit6
Le barème parole et le langage n'intervient que pour les surdités<br />
sévères et profon<strong>des</strong>. Sinon, il y a certainement un autre handicap ou<br />
une éducation très indigente.<br />
Lsr communication en iangue <strong>des</strong> signes n'est pas mentionnée.<br />
EUe constitue un désavantage dans un milieu oraliste justifiant éventuellement<br />
la présence d'un interprète. Le barème à ajouter correspond<br />
au taux de 20 %. Elle concerne essentiellement les surdités<br />
profon<strong>des</strong> souvent inappareillables, Le taux est de 100 % pour les<br />
pensions miritaites.<br />
<strong>Les</strong> surdités de transmission ne dépassent pas 60 dB. Si on leur<br />
applique une incapacité, elle ne dépasse pas 30 %. A notre avis, elle<br />
ne pourrait être appliquée qu'en cas d'hpossibitité d'appareillage<br />
(suppuration, cavité large d'évidement). Le tableau proposé<br />
concerne en principe les surdités de perception ou mixtes.<br />
Avant 3 ans, la surdit6 unilatérale n'est pas dépistée, mais elie ne<br />
g&ne gu&re l'acquisition du langage. Il arrive trop souvent que <strong>des</strong><br />
surdités profon<strong>des</strong> bilatérales de cet &ge ne soient pas diagnostiquées.<br />
<strong>Les</strong> surdité professionnelles ont peut-être une meilleure inteLli-<br />
GbZté a perte tonale identique, mais le champ auditif à 4 000 Hz est<br />
le plus touché, utiie ii Pinteuigibilité, cette octave intervient peu dans<br />
le calcul du taux d'invalidité, domant à ces surdités une certaines<br />
dépréciation. Il serait juste, pour ces surdités, que l'invalidité soit calcul6e<br />
sur la moyenne 500, 1 000,2 000 et 4 000 HZ, sans pondrltration.
PROPOSITION<br />
TAUX D'INCMACITE APPLICABLES A UNE PERSONNE<br />
DEFICIENTE AUDITIVE<br />
Pour dt4termher le taux d'incapacité d'une personne d6Eciente<br />
auditive, on doit tenir compte non sedement de la perte auditive tonale,<br />
mais aussi <strong>des</strong> répercussions de cette surdité sur le langage et<br />
sur fa quafit6 de 13eqression orale. Il est donc nécessaire d'établir<br />
deux notations cump~émentakes pour ces deux domaines acoustiques<br />
et bguistiques, qui ne peuvent Ctre confondus dans un bar2me<br />
unique.<br />
L9appareillage par prothèse auditive modifie la perception <strong>des</strong><br />
sons. L'effet de lYappareiUage se retrouve dans la qualit6 de l'expression<br />
estim6e dans le barème de niveau de parole et de langage, il<br />
n'est pas & prendre en compte dans le barème acoustique.<br />
Le niveau relatif <strong>des</strong> deux oreilles est important dans la réception<br />
<strong>des</strong> signaux. Son appréciation se trouve dans la double entrlire du<br />
barème acoustique.<br />
2. Barbe du niveau acoustique d'audition<br />
Le calcul de la perte moyenne s'effectue à partir de la perte en<br />
déciBels pour les fréquences de 500 Hz, 1 000 Hz, 2 000 Hz, mesurées<br />
en audiometrie tonde au casque.<br />
Le tabieau d9incapa&t6 suivant indique le pourcentage d'incapacite<br />
en fowtion de la perte moyenne en dB de chaque oreifte<br />
(tableau 3).<br />
Lorsque la surdité n'est pas appareaable, le niveau de perte tonale<br />
est augment6 de 10 dB pour chaque oreille concernée.
TABLEAU 2<br />
PLUS MAWAISE OREILLE<br />
profonde/profonde 80 %<br />
s&vère/profonde 70 à 80 oreille ùrqpareaable + 10 dB<br />
sévère / sévère 60 h 70<br />
moyenne / sévère 40 à 60<br />
moyenne/moyenne 20 a 45<br />
3, Barème du niveau de paroIe et de langage<br />
Si les valeurs chiffrées en dB facilitent considérablement f'appr6-<br />
ciation quantitative de la perte d'audition, dans ce barbme, c'est la<br />
qualite de la parole et du langage.<br />
Le taux &incapacité qui r6sulfe de YappEmtion de ce barème de<br />
parole et de langage doit s'ajouter arithmétiquement celui résultant<br />
de it7app;tication du barème du niveau acoustique d'audition. Il cornporte<br />
quatre paliers : O %, 5 5, 10 %, 20 %.<br />
Premier groupe avec O % dkincapacité :<br />
- élocution normale<br />
- niveau de langage normal,<br />
I)edèni(e pupe avec 5 5% d'hcapacite :<br />
- difficulté d9t510cution relevant de plusieurs aspects suivants :
. perturbation du débit et du rythme de la phrase, difficultés<br />
mélodiques et d'intonation<br />
. troubles d'articulation liés ii la surdité<br />
. troubles de la voix : hauteur anormale, timbre assourdi, voix<br />
nasonnée ... Ie larynx et le pharynx 6tant normaux.<br />
- niveau de langage normal,<br />
TroisiiSme groupe avec 10 % d'incapaciti. :<br />
- difficultés d'elocution<br />
les memes que les deuxi5me groupe associees & un retard de Iangage.<br />
- retard de langage<br />
dans l'expression, on trouve les perturbations :<br />
.chute de la fin <strong>des</strong> mots et difficultés de prononciation <strong>des</strong><br />
groupes consonantiques, mots deformés<br />
. emploi peu fréquent <strong>des</strong> mots grammaticam (articles, adverbes,<br />
conjonctions, etc.), temps <strong>des</strong> verbes incorrects.<br />
Quatrième groupe avec 20 % d'incapacité :<br />
- difficu1ti.s d'élocution majeures<br />
-troubles de langage importants ou meme absence dkxpression<br />
acoustique de la parole<br />
. i'agrammatisme de la phrase est habituel, celle-ci est souvent<br />
réduite à un ou plusieurs mots sans liaisons<br />
. la parole n'est intelligible que pour la famille et pour ceux qui<br />
leur servent d'interprètes.<br />
Avant 3 ans,<br />
Avant I"$ge de trois ans, an appfique automatiquement B toutes<br />
les deficiences auditives Ie taw d'incapacité de 20 5% du quatrième<br />
groupe, lorsqu'il existe m retard de parofe et de imgage dû à ta deficience<br />
auditive.<br />
4. Handicaps associés<br />
<strong>Les</strong> handicaps associés A fa surdité entraînent l'application du<br />
barème d'hcitpacité en usage pour un handicap different du handicap<br />
dominant.
On compare Ies taux d'hv&dit& de la grille proposke B celles<br />
<strong>des</strong> pensions militairesf surdit& appareiüabfes* <strong>des</strong> Caisses de S&urit6<br />
socide (i973), <strong>des</strong> accidents du travail et <strong>des</strong> eqertises médirxrtegales<br />
en ORL (1 972) (taux ideatiques), de k'qtitude rnrlitake,<br />
Tautes sont basées sur fa V Q haute ~ et fa voix chuehot&, adapttçes<br />
en dB3 donc avec <strong>des</strong> &heftes parfois curieuses.<br />
On a choisi les pertes metriques pour shpuier la comparaison.<br />
dB Proposition PM Sec, Six. Accidents Aptitude BLAP<br />
perte universelle apparrillabtes travail militaire<br />
expertise<br />
S 5 0 S f&@res (L)<br />
15 15/35 IO/% S. moyennes<br />
25 50 35 @Q<br />
55
APPLICATIONS<br />
On note la similitude de la griile proposée et de celle <strong>des</strong> pensions<br />
militaires pour les surdités appareillables jusqu'à 70 dB, partir<br />
de 12, la grille proposée devient minorante de 10 %, elle laisse place<br />
au baréme additif parole et langage. La grille Sécurité Sociale a un<br />
taux plus faible au-delà de 50 dB de perte, elle sous-estime l'incidence<br />
<strong>des</strong> surdités sévères et profon<strong>des</strong> qui sont pourtant très invalidantes<br />
: il y a <strong>des</strong> problèmes d'adaptation prothétique, d'autant plus<br />
que le « recrutement », pathologie de l'oreille dans les surdités acquises,<br />
provoque une intolérance à l'amplification. On retrouve cette<br />
même tendance pour la grille Accident du Travail - Expertises<br />
medico-lég<strong>des</strong>, généreuse de 45 dB 65 dB tjusqu'à 20 % de plus)<br />
alors qu'a partir de 80 dB, frontiere importante <strong>des</strong> r&percussions <strong>sociales</strong><br />
de la surdité, elle minore l'invalidité. L'échelle d'aptitude militaire<br />
a une échelle proche, le taux devenant plus élevé au-delà de<br />
45 dB.<br />
La grille proposée a <strong>des</strong> échelons plus réguliers à partir de 70 dB<br />
(3 échelons pour deux aux pensions et à l'aptitude militaire). Cette<br />
modulation est justifihe par les possibilités actuelles <strong>des</strong> prothèses<br />
auditives.<br />
Lorsque I'on compare les taux en pourcentages appliqués dans<br />
les différentes possibilités d'association <strong>des</strong> niveaux suivant la classification<br />
BLAP (profonde P, sévère S, moyenne N, legBre L), on a :<br />
(tableau 4).<br />
On constate le peu de modulation pour les surdités sév&res et<br />
profon<strong>des</strong> dans les barèmes actuels, cette modulation en fonction du<br />
niveau en dB nkpparalt que pour les surdités moyennes. La différence<br />
entre le barème Sec Soc et celui qui est propose est de 10 %, il<br />
est de 20 % pour le barème Sec Soc avec les pensions militaires,
Propose PM PM Sec. Soc. Acc. & Exp.<br />
appareiliables<br />
Pour les CDES et COTOmP, on constate que le taux d'incapacité<br />
de 50 % est atteint pour la surdité moyenne associée à une surdité<br />
profonde. Ii est & la limite pour une surdité sévère lorsque la<br />
surdité moyenne controlat4rale est importante, proche de la surdité<br />
s6vère. L'incapacité 80 % n'est appliquée qu'aux surdités profon<strong>des</strong>,<br />
excepté s'il y a un problème de langage, elle s'applique alors à certaines<br />
surdités sévères.<br />
Lorsque la surdité est bilatérde au-delà de 80 dB de perte auditive,<br />
le taux d'incapacité peut atteindre 80 % s'il y a <strong>des</strong> problhmes<br />
de parole. Pour la grille <strong>des</strong> pensions militaires, ces surdités ont une<br />
hvafidit6 de 90 %, surdités appareillables, sinon de 100 96.
ROLE DU MEDECIN AUDIOPHONOLOGISTE<br />
DANS LyEQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE<br />
(Réflexions il propos du décret no 88-423 du 22 avril 1988,<br />
remplaçant l'annexe XXIV quater)<br />
Dr Lucien MOA~I<br />
*<br />
L'audiophonologie est pluridisciplinaire et le BIAP en donne la<br />
définition suivante :<br />
« L'audiophonologie a pour objet l'étude de l'audition, de la<br />
phonation, de la parole et du langage chez l'homme. Elle comprend<br />
les aspects anatomique, physiologique, psychologique, acoustique,<br />
phonétique, linguistique de la communication. Elle relkve donc de<br />
différentes branches : médecine, lettres et <strong>sciences</strong> physiques et naturelles.<br />
En ce qui concerne les troubles de la communication, leur<br />
réadaptation présente une part médicale, une part pédagogique, une<br />
part orthophonique ou logopédique, et une part prothétique. Leur<br />
thkrapeutique est une spécialité médicale. >><br />
Le médecin « audiophonologiste » ou « audio-phoniatre >> est<br />
donc. médecin, donc titulaire d'un Doctorat en Médecine d'Etat, et<br />
de plus audiophonologiste, c'est-A-dire ayant acquis <strong>des</strong> connaissances<br />
supplémentaires dans les domaines cités dans la définition ci<strong>des</strong>sus.<br />
Généralement, il est titulaire d'un Certificat d'Etu<strong>des</strong> Spkiales<br />
en Oto-Rhino-Laryngologie et Compétent en Phoniatrie (la Compétente<br />
est reconnue par une commission du Conseil de l'Ordre <strong>des</strong><br />
* Oto-IUlino-h~yngologiste Phoniatre, Attacht d'audiophonologie A l'Hôpital Trousseau.
Médecins qui statue sur dossier au vu <strong>des</strong> stages, travaux et recherches<br />
effectués par le demandeur).<br />
La pratique quotidienne d'un médecin audiophonologiste en<br />
matière de surditd de l'enfant l'amènera donc à :<br />
-poser les diagnostics de surdité et en apprécier les conséquences<br />
sur le développement général et les possibilités de communication ;<br />
- en rechercher les causes en coopération avec le pédiatre et d'autres<br />
spécialistes ;<br />
- poser le cas échéant les indications thérapeutiques médicales ou<br />
chirurgicales et 6ventueUement les mettre en oeuvre ;<br />
- décider de l'indication prothétique et assurer régulihrement (en<br />
relation très étroite avec l'audioprothésiste qui effectue cet appareillage)<br />
la surveillance médicale <strong>des</strong> opérations en cours ;<br />
- orienter l'enfant et sa familie vers la structure d'éducation et d'enseignement<br />
qui lui paraît la plus adéquate ;<br />
- assurer éventuellement lui-même <strong>des</strong> séances de rééducation phoniatrique<br />
dans les domaines notamment de la voix, l'articulation et<br />
l'éducation auditive ;<br />
- aider à la mise en oeuvre <strong>des</strong> mesures <strong>sociales</strong> en faveur de l'enfance<br />
handicapée, notamment par la rédaction <strong>des</strong> certificats médicaux<br />
permettant l'ouverture <strong>des</strong> droits, et ses interventions directes<br />
auprès <strong>des</strong> médecins-conseils en cas de litige ;<br />
- assurer ensuite régulièrement, à un rythme variant selon les besoins,<br />
le suivi régulier de cet enfant jusqu'à son $ge adulte en<br />
gardant toujours <strong>des</strong> relations etroites avec la famille, l'audioprothésiste,<br />
les équipes éducatives et pédagogiques.<br />
Ces fonctions quotidiennes du rnedecin audiuphonologiste lui<br />
permettent d'etre am6 pour assurer la fonctions qui seront les<br />
siennes dans le cadre d'un « etabfissement ou seivice prenant en<br />
charge <strong>des</strong> enfants atteints de déficience auditive grave » selon le<br />
texte du décret 88-423 du 22 avril 1988 dans son annexe =IV<br />
quater.<br />
Cependant, si fe texte du décret de l'Annexe XXIV quater précise<br />
bien la spécialisation ORL associée à la compétence phoniatrique,<br />
la détermination <strong>des</strong> qualités en question est encore trop
mouvante actueilement pour que le texte soit interprété avec rigidité,<br />
En effet, cette discipiine est très récente et il est probable qu'elle fera<br />
l'objet dans les prochaines années de modifications dans ses structures,<br />
Certains médecins parfaitement au fait <strong>des</strong> connaissances de<br />
l~udiophonolol+ie peuvent ne pas avoir fait reconnaître à ce jour<br />
leurs compt5tences, il ne faut sorernent pas se priver de leurs capacités<br />
pour ces postes très sp6cialisc4s. Par ailleurs, certains projets de<br />
formation <strong>des</strong> phoniatres intégrant largement une fornation 0RL<br />
punaient amener à une révision de l'exigence de la spkialittr ORL.<br />
L'essentiel est que ces postes soient assmf.~ par un personnel<br />
mkdical vraiment eornpetent et non par <strong>des</strong> spéciafistes 0FU ne<br />
connaissant de l"audiophon01ogie que I'aspect tympanique du probfèm<br />
de la surdit6 de l'enfant ou <strong>des</strong> phoniatres plus au fait <strong>des</strong> aspects<br />
pycbo-affectrfs <strong>des</strong> troubles de la parole et du langage que <strong>des</strong><br />
probl&mes du handicap majeur de la cummunication qu'entra'ine la<br />
surdité.<br />
De plus, la pluridisciplinarité qui caractérise I'audiophonoEogie<br />
imposera h ce médecin multispécialiste 0RL et phoniatre l'acceptation<br />
d'un travail en équipe avec <strong>des</strong> non-médechs dans une relation<br />
où la notion de hiérarchie n'est pas toujours &idente ni forchment<br />
n&essaire.<br />
Quelle sera donc la place et la fonction de ce médecin audiophonologiste<br />
au sein d'une équipe pluridisiphaire ayant à traiter<br />
<strong>des</strong> enfants sourds de la naissance vingt ans, dans un Centre, Ecolit.,<br />
Ekternat, Institut, ou toute autre dénomkation d'une structure dont<br />
le rdle va de l"établissement du diagnostic à la pédagog2e prsfessionneile<br />
spkiaEsée ? Il travaaera avec d'autres confrères éventaeuement<br />
(pediatres, psychiatres), et egdement avec <strong>des</strong> membres de<br />
profesions para-médicales (pqchologue% ortfiuphonistes, infirmiÈires,<br />
audio-protbt5shtes), <strong>des</strong> travaifteurs sociaux (assistantes<br />
<strong>sociales</strong>, éduszateurs), <strong>des</strong> pédagogues (profmeurs de sourds ou instituteurs<br />
spéciafist5s), <strong>des</strong> sourds adultes enseignant la langue <strong>des</strong><br />
signes, et enfin le personnel administratif. Son temps de travail dans<br />
l'établissement dépendra <strong>des</strong> effectifs et <strong>des</strong> besoins, 2 sera souvent<br />
plus réduit que celui d%utres disciplines? notamment les pédagogues,
Sa tache est difficile. Quelle sera sa place, quel sera son apport ?<br />
Nous allons analyser ces fonctions, mais, sans avoir besoin de longs<br />
développements, on peut répondre d'emblée qu'elle ddpendra de sa<br />
personnalité.<br />
CE QUE DISENT LES TEXTES<br />
Dans son article 5, le décret prévoit que l'équipe médiale doit<br />
&tre composée d'un médecin puaüflé en oto-rhho-laryngologie,<br />
compétent en phoniatrie, &?un pbdiatre et, en fonction <strong>des</strong> besoins de<br />
l'établissement, d'un psychiatre, et que leur concours doit permettre<br />
19examen complet de tous les enfants une fois au cours de I'annbe,<br />
ainsi qu'un examen par trimestre et la surveillance <strong>des</strong> traitements<br />
ordonnes et <strong>des</strong> rééducations pratiquées.<br />
Dans son article 1, il précise que ces « Etablissements ou Services<br />
prennent en charge <strong>des</strong> enfants dont la déficience auditive entraîne<br />
<strong>des</strong> troubles de la communication nkcessitant le recours & <strong>des</strong><br />
techniques spikialisées pour le suivi médical, ... ». Et dans son article<br />
2, que cette prise en charge comporte entre autres « la sweiiiance<br />
mcldicaie dguliere, générale et du handicap ; la surveiUance =&dicale<br />
et technique de Padaptation prothétique ».<br />
Dans son article 7, il est prévu la création éventuelle d'un (< service<br />
d'kducation familiale et d'éducation précoce pour les enfants de<br />
la naissance à 3 ans » avec entre autres comme objectif « I9appmfondissement<br />
du diagnostic et de Padaptation pmthbtique », soit dans le<br />
cadre meme du Centre, soit dans le cadre d'autres Services avec lesquels<br />
<strong>des</strong> conventions seraient passées.<br />
Enfin, dans son article 10, le texte du d6cret pr6cise certains aspects<br />
<strong>des</strong> locaux dont doit disposer YEtabGssement, et notamment<br />
« lorsque les examens audiornétriques camants sont pratfqués dans<br />
l'4tabiissement, ce dernier doit disposer <strong>des</strong> équipements nécessaires<br />
comportant une cabine audiométrique équipée du matériel
d9audiom4trfe tonale au casque et en champ libre et dysudiam~trk<br />
vocale S.<br />
QUE WULENT DIRE LES TEXTES<br />
lifs demandent clairement que k swezmce médicafe <strong>des</strong> enfants<br />
atteints de déficience auditive grave, suivis dans ces établissements,<br />
soit assurée par <strong>des</strong> médecins compétents en mati&re de surdité<br />
de l'enfant. Cette compétence est garantie par la spkinlisation<br />
QRL et la compktence en phoniatrie. Nous avons vu plus haut que<br />
cette double exigence risque d'être trop contraignante en certaines<br />
circonstances aujourd'hui. Mais elle doit conduire à une politique de<br />
formation adéquate pour que les besoins de l'ensemble du territoire<br />
sait couverts. Comme nous l'avons dit plus haut, il faut pour ces<br />
postes <strong>des</strong> ORL suffisamment au courant de tous les aspects <strong>des</strong><br />
problèmes de communication et notamment de langage <strong>des</strong> enfants<br />
sourds, et <strong>des</strong> phoniatres suffismment au courant <strong>des</strong> probl&mes<br />
concernant l'audition, sa physiologie, ses mo<strong>des</strong> d-loratioar, sa pathologle<br />
et sa correction.<br />
Le texte du dwet prévoit, dès son article 2, ia suweillance m4-<br />
dide de f'enfant et de son handicap dans le cadre de lPtstabEssement<br />
et précise gfobalement les modalités de cette surve~mce. Le rBIe du<br />
mbdecin est donc essentiel dans cette surveillance.<br />
Mais son rate doit dgbrder ce que prévoit fe texte : If doit imposer<br />
B I'eqtlipe et 2t Padrnsstration la nation du libre ehok du m&<br />
d& traitant et savoù-, si fa famille le souhaite, assurer b contact<br />
avec le mkdecin extérieur à l'étabüssement (hospitalier ou privé), si<br />
les conditions requises de qualification sont respectées. Ii doit aussi,<br />
si la surveillance médicale de l'enfant est exclusivement assurçSe dans<br />
l'tstablissement, obtenir que la f d e soit associée aux différentes<br />
étapes de cette surveillance en assistant aux consultations, aux décisions<br />
quant à la thérapeutique et l'appareillage, Cette participation<br />
de la famille au suivi médical, l'impliquant dans la dbmarche thQa-
peutique et cjducative de l'enfant, ne peut qu'avoir <strong>des</strong> effets bénéfiques,<br />
Nous avons vu trop souvent <strong>des</strong> familles dtscouvrant subitement,<br />
après de nombreuses annCes, les problèmes de leur enfant. Il<br />
n'est jamais bon de faciiiter & ce point la tache d'une fade qu'elle<br />
en arrive & se démob&er,<br />
C'est d'aaiew-s suivre l'esprit de ce texte que de fa& participer<br />
au m&m les fada aux differentes demarches puisque, pour la<br />
premihre foisy les sotions s d'accompapement <strong>des</strong> famrUes >F, de<br />
« soutien à Féduatiun familiate », e f'intégation scolaire a, et Taffirmation<br />
que a toutes les fois que cela est possiblet les enfants déficients<br />
auditiEs demeurent hébergh dans leur famitte * sont mentionntses<br />
eqressérnent. fR médecin doit aider & aller dans ci; sens,<br />
La totalité <strong>des</strong> fonctions du mêdf-in audiophonolol;iste sont assur4es<br />
larsqu9e&te « un service d'accompawement familid et<br />
d%ducation précoce pour les enfants de la naissance à trois ans >>.<br />
D?aautres di5velopperont dans un autre chapitre de cet ouvrage les diff4rentes<br />
missions et objectrfs de ce service partic~er* Mais c'est bien<br />
là, auprbs de ce jeune bebé, que I'envkonnement; sera essentiellement<br />
médical et para-médical. C'est à ce stade que le diapostic se<br />
pr&cise et s'affine, h ce stade que le choc parental r4ceent requiert un<br />
abord psychologique de cet ensemble farnlliaZ dont dépend pour<br />
beaucoup le résultat de cette éducation précoce et les résultats à long<br />
terme de Péducation de l'enfant. C'est bgalernent & ce stade de l'&ducation<br />
prtktxe que les prob1Gm.e~ de dkvefoppement global de l'enfant<br />
entrent en Epe de compte et que les apports par tous les mo<strong>des</strong><br />
de perception aident à f'épano&ement pycho-affectif de i'enfank<br />
C'est bien s@r à ce stade que h première adaptation protht4tique est<br />
la pfus déliate et requiert un travail en comfnun très étroit entre le<br />
rn6decin et l'audioprothésiste, C'est encore h ce stade que le problbfexne<br />
de l'étiologie de k surdit6 se pose avec le plus dkcuitb et que<br />
le médecin audiophonolo@ste doit traiter avec prudence pour répondre<br />
autant que* possible aux familles sans les détourner de la<br />
t&che la plus urgente de la mise en route de l'apparetllage auditif et<br />
<strong>des</strong> mesures globales d'bducation pr6coce. Cest enfin & ce stade que<br />
le dépistage <strong>des</strong> troubjes associés est de la responsab2litb du médecin<br />
audiophonologiste, en coliaboration avec son colikgue pédiatre et,
ien entendu, avec l'aide <strong>des</strong> informations prkieuses que lui fourniront<br />
les psychologues et orthophonistes.<br />
Au fur et à. mesure que l'on s'adresse à <strong>des</strong> enfants plus âgés, Ies<br />
fonctions de diagnostic hisseront h place <strong>des</strong> fonctions de surveitlance<br />
qui n'en sont pas moins importantes et ne doivent pas faire<br />
sombrer dans la routine.<br />
La suwe3ance <strong>des</strong> conduits auditifs, pour banale qu'elle soit, est<br />
prhurdiale pour assurer une effiacite opthde <strong>des</strong> prothéses auditives.<br />
La surveiliance <strong>des</strong> courbes audiométriques doit impérativement<br />
être régulière, tous les six mois une fois le diagnostic assuré avec certitude<br />
après la première période d'investigation, une fois par an au<br />
minimum, ensuite, tout au long de la scolarité. Cette surveillance audiombtrique<br />
tonale et si possible vocale, avec et sans prothèses, en<br />
présence <strong>des</strong> parents, faite par le m6decin lui-même est l'occasian<br />
d'un bilan giobal auditif, linguistique et général de l'enfant et <strong>des</strong><br />
problbmes que rencontre la famille.<br />
Le contrale régulier de l'audition de l'enfant est rendu n&essaire<br />
pour dépister l'existénce toujours possible, surtout avant dix<br />
ans, d'une otite séreuse aspptomatique aggravant la surdite, ou<br />
I'évolutivitf: négative de la surdité de perception dont la thérapeutique<br />
est malheureusement d'autant moins efficace qu'elle est appliquée<br />
tardivement, ou l'apparition d'acouphènes (bruits subjectifs<br />
anormam pergus par le déficient auditif) t6rnoignant d'une souffrance<br />
<strong>des</strong> voies auditives périphCriques ou parfois centraies. Ce<br />
contrale de la perception auditive débouche toujours sur le contrhle<br />
de ses capacités de discrhùlation, d"intbgation, et d'expression<br />
abordant ahsi les aspects proprement centraux d'un handicap lié au<br />
départ à. une lésion en principe périphérique (l'oreille interne), mais<br />
dont les incidences sur les voies centrales afferentes et efférentes<br />
sont loin d'&tre négiigeables,<br />
Bref, cette surveillance réguli&re du médecin audiaphonologiste<br />
est « un autre regard », qui doit apporter à l'équipe <strong>des</strong> pédagogues<br />
et <strong>des</strong> rétrducateurs un éclairage different sur cet enfant dont elle a la<br />
charge au jour le jour.
CE QUE LES TEXTES NE DISENT PAS<br />
<strong>Les</strong> rbfiexions que nous inspire le texte de l'annexe XXIV quater<br />
sont ECes à notre expérience personnelle de l'audiophonolo~e~ de la<br />
pratique de mkdeein audiophonolo&te dans un établissement de ce<br />
type et à notre participation aux travaux qui ont conduit B l'6laboration<br />
du texte, C'est dire que nous sommes impliqués à plus d'un titre.<br />
Mais, autant ce qui est dit dans les textes est important et orientera<br />
fe fonctionnement <strong>des</strong> btabgssements, autant ce qui n'y est pas<br />
dit doit être précisé par ceux qui ont vécu les situations.<br />
Xfn texte ne peut déerife la vie quotidienne d'un étabüssement,<br />
lies relations qui se nouent entre les participants à cette entreprise,<br />
les reunions de synthèse qui rfiunissent l'équipe dans son ensemble<br />
ou en rbunions partielles, les apports rkiproques de chacun & la<br />
formation de l'autre, le mode de relation avec les familles et les enfants,<br />
l'organisation <strong>des</strong> réunions avec les parents, ou de réunions<br />
entre parents, l'information donnée aux enfants sur leur surdité ou<br />
leur devenir.<br />
Tout ceci est absent d'un tel texte et il ne pourrait en être autrement.<br />
Cependant, dans chacune <strong>des</strong> situations ahsi pr&cisCes, le<br />
médecin a son rale à jouer. A lui de savoir le faire avec tact et discrimination,<br />
de savoir donner son temps autant qu'ii le peut, de savoir<br />
« apporter ,> sans imposer une prfi6minence qui n'a pas cours<br />
dans une équipe pluridisciphaire de ce type, de savoir toucher à<br />
tous les domaines de sa compfltence sans empiéter sur ceüe <strong>des</strong><br />
autres, de savoir écouter pour savoir trancher.<br />
La surdité de f'enfant est une affection particulièrement grave<br />
de Ia pathologie infantile. Ses conséquences d6coulerit de l'altération<br />
d'une fonction prhordiale de notre vie de relation, l'audition, dont<br />
la principale est f'impossibilit6 à acqufirir le langage oral. Tous les<br />
moyens de pallier ce-handicap, toutes les métho<strong>des</strong> de rééducation et<br />
de pgdagogie spéciale, ne peuvent qu'utiliser ies aptitu<strong>des</strong> qui lui restent<br />
pour surmonter ses difficult6s. Le rôle du médecin est d'apporter<br />
ses capacités et ses connaissances dans ce but.
Il lui faut donc savoir penser en médecin (c'est-à-dire intégrer le<br />
problème à traiter dans la globalité de l'individu à étudier), raisonner<br />
en médecin (c'est-&-dire dans une d6marche rigoureuse d'analyse de<br />
la situation, d'évaluation <strong>des</strong> données, de décision du choix thdrapeutique<br />
en fonction <strong>des</strong> étapes prtkédentes, et de critique et de mise en<br />
cause permanente de sa méthodologie selon les résultats obtenus),<br />
mais aussi connaître ses limites et accepter cette notion de pluridisciplinarité<br />
qui est l'essence même de l%udiophonolo~e,
LA PROmESE AUDfflVE<br />
DES ENFANTS ET ADOLESCENTS<br />
Etat actuel et EvoIutian prévisible<br />
1. M6diateur physique s'insérant dans la cha%ie de communication<br />
audiophonatoire <strong>des</strong> personnes atteintes de déficience auditive,<br />
la prath&se auditive est un ensemble mhnique, electro-acoustique<br />
et Csfectronique s'htégrant au schéma corporel, <strong>des</strong>tin$ à capter, h<br />
traiter, à adapter et à amplifier les signaux acoustiques de maniare h<br />
permettre à CGS personnes de recevoir, dans Ies limites de leur capacité<br />
de perception et de tolérance, l'&formation qu'ils transportent.<br />
2, La proth&se auditive est réalisée à partir d'appareils de correction<br />
auditive ')), de constmctian industriefle ou artisanale, dont le<br />
choix et le redage <strong>des</strong> fonctions permettent I'appropriation hdividuelfe<br />
personnalisée.<br />
Tirant parti <strong>des</strong> technologies de pointe aussi bien pour la<br />
conception que pour la construction <strong>des</strong> appareils, bénéficiant en<br />
outre de recherches méthodologiques récentes tendant à affiner les<br />
prwddures d'appareillage, la prothese auditive peut actuellement intervenir<br />
dans la stratégie de réhabilitation de presque tous les enfants<br />
et adolescents atteints de déficience auditive, son champ<br />
* Directeur du Laborat&= de ~ ~ t i o n auditive, Pbident de la Commission Prothèse auditive<br />
du Bureau international dTAudiophofiologie.<br />
1, Cf. Nome française NP-C-97-610 du 20.8.1986.
d'appiimtion s'étendant <strong>des</strong> déficiences légères jusqu'aux surdités<br />
profon<strong>des</strong>.<br />
3. L'appareillage audiaprothétique comprend le choix et l'adaptation<br />
<strong>des</strong> appareils de correction auditive, le contrôle d'efficacité<br />
immédiate de la prothèse auditive réalisée, sa délivrance, f'éducation<br />
prothétique de Penfant ou adolescent appareaé et ceUe de son entourage,<br />
ahsi que le contrôfe pemanent de Pefficacité et de b tolérance<br />
de h prothèse auditive déEt.'r&e (art. I,510-1 du Code de fa<br />
Santd publique - Recommandation BfAP 0611).<br />
L'appareillage en prothèse auditive est assuré par les audiaprathésistes<br />
dont la profession est régementée par les articles L 520-1 à<br />
8 du Code de h Santé publique.<br />
Ifs disposent d"une vaste gamme d'apparezs de correction auditive<br />
dont la qualité est contrôlée par leur conformité aux normes<br />
d'homologation décr6tées par les pouvoirs pubtics (arrêt6 du<br />
21.4.1981,8O. du 9.5.1981).<br />
II. LES APPAREXLS DE CORRXCTION AUDITIVE<br />
1. Constitutian d'un appareil de correction auditive<br />
Un tel appareil comporte nkessairement quatre sous-ensembles<br />
: captation et transduction, amplification et adaptation, restitution,<br />
ahentation ; les pr0grf.s les plus spectaculaires, à I'heure<br />
actuelle, ont été réalisés au niveau de la captation ainsi que de l'ampfification<br />
et de l'adaptation.<br />
2.1. C ~ A ~ ET OMSDUTTfION N<br />
13%<br />
1.1.1. Le micmphor~e<br />
SIGNAUX SONORES<br />
La captation <strong>des</strong> signaux sonores skffectue habitueDement par<br />
l'intermédiaire d'un microphone qui convertit en tension électrique
alternative (transduction) les variations de pression acoustique produites<br />
par tes vibrations sonores, On utGse actueuement pour les<br />
appareils de correction auditive <strong>des</strong> micmphones B &lectret, variante<br />
du miaophone à mndensateur, dont la courbe de réponse héaire et<br />
ta bande passante &endue de SO A 15 000 Efi sont le gage dkne assez<br />
bonne fid6lité en dèpit de leurs dhensians très r&duites.<br />
1.1.2. Le capteur de champ mapd~qge, ou bobine d"duction captrice<br />
(Nf: C 97-610), appel6e commun6ment bobine t614phonique.<br />
Un capteur de champ magn&tique, constitué par un bobinage de<br />
petite dimension comportant un tres grand nombre de spires de<br />
conducteur, peut se substituer au microphone pour délivrer aux<br />
bornes d'entrée de i9ampMicateur me tension modulée produite par<br />
couplage inductif avec un bobhage &metteur (boucle magnétique ou<br />
écouteur tBféphonique).<br />
<strong>Les</strong> signaux sonores utiles au d6ficient auditif sont souvent parasitds<br />
ou masqués par le bruit provenant de l'environnement hm&-<br />
diat ou lointain. Des capteurs adtiquats, dkrits au chapitre V;<br />
permettent de les acheminer i l'abri <strong>des</strong> perturbations jusqu'h l'amplzicateur<br />
de l'appareil de correction auditive par Pinternédiaire de<br />
son « entrge audio », canstituée par <strong>des</strong> bornes d'entrtre &tetriques<br />
<strong>des</strong>tinees à être connectees directement i% une source de modulation,<br />
Le sipal électrique moduf6 déIiv1-6 par le microphone ou les<br />
autres capteurs est transmis à l'amplificateur qui le met en forme,<br />
17adapt& et l'amplüie avant de le transmettre au sous-ensemble de<br />
restitution.<br />
LYampBicateur b6néficie tout particulièrement <strong>des</strong> progr& de la<br />
miniaturisation : grilce & la technique <strong>des</strong> circuits intées, <strong>des</strong> groupements<br />
dvtages amplificateurs liaison directe sont inclus dans un
soiide (c6ramlque ou résine synthétique) dont les dimensions sont de<br />
l'ordre de quelques millhnbtres. Il en résulte une plus grande fiabilité,<br />
une résistance accrue aux aci<strong>des</strong> (ceux de la transpiration en<br />
particulier) et aux chocs, ainsi qu'une réduction notable du bruit de<br />
fond propre,<br />
Molette comportant un repérage matériase par <strong>des</strong> chzfres ou<br />
<strong>des</strong> points, le potentium&tre permet à 1"usager de doser le nivwu<br />
d"ampEeaticzn de l'appareil pour obtenir le confort auditif subject"<br />
qu'il souhaite en function <strong>des</strong> conditions dans lesqueiles It se trouve<br />
(ambiance &e ou bruyante - interlocuteur parlant avec une voix<br />
&intensité faible, moyenne ou forte).<br />
Accessibles à l'usager, ils sont essentieuement de deux sortes :<br />
. le commutateur marche-arrêt ;<br />
, le commutateur de fonctions d'entrée à deux positions : microphone<br />
(M) - bobine tbléphonique (T), plus, éventuellement, une troisiIbme<br />
position, associant les deux entrées microphone et bobine<br />
téltsphonique (MT).<br />
1.2.2.3. <strong>Les</strong> commads <strong>des</strong> fonctiom d 'amplificah'on<br />
Elles se présentent gtsnéralement sous la forme de minuscules<br />
potentiomètres, soit rotatifs.(vis), soit kt5aires (poussoirs), qui peuvent<br />
être groupés sur une plaquette de rkgiage, véritable tableau de<br />
'bord de l'adaptation individuelle <strong>des</strong> caractbistiques de f ampmcation,<br />
Une &novation réente consiste à remplacer par un sysL&me de:<br />
commande digital les comman<strong>des</strong> <strong>des</strong> fonctions d'ampl"cation rdgl&s<br />
jusqu'à présent manuellement à l'aide de tournevis. t%udioproth&siste<br />
dispose d'un pupitre de commande relié dkéctement par<br />
un c&ble à la prothkse auditive en place. dans l'oreille du patient. <strong>Les</strong><br />
ordres sont transmis sous forme de signaux numtsriques & une centrale<br />
digitale régulatrice <strong>des</strong> fonctions de l'amplificateur.
Ce nouveau mode dkdaptation permet d'évaluer instantanément<br />
chez le patient les effets <strong>des</strong> modziations <strong>des</strong> caractéristiques<br />
de Pampmmtion, La procrSdure d'appareillage gagne en souplesse et<br />
en subtilité grâce h un plus grand nombre de paramlstres ajustables et<br />
un 6cheionnement plus progessz et plus précis <strong>des</strong> paliers disponibles,<br />
mettant ainsi A fa disposition de l"audioproth&siste plus d'un<br />
rnaoa de combhaisons <strong>des</strong> dzfbrentes caractéristiques.<br />
Cbutew rmnvertit Ira tension électrique alternativq amplifiCe<br />
et adapte@, disponible am bornes de sortie de l'mpWicateur, en<br />
variations de pression acoustique, c'est-&-dire en vibrations sonores<br />
ampltfiées et adaptées aux possib%tés de réception et de tol4rance<br />
du déficient .auditif.<br />
Dernier mailion de la chaîne tslectro-acoustique, I'rScouteur est<br />
l'tsltsment qui a le moins évolué, abstraction faite <strong>des</strong> progib;s réalisés<br />
dans sa miniaturisation, Ses câract4ristiques déterminent in fine la<br />
qualité du signal acoustique restitué.<br />
1.3.2, Le coupleur au&taire<br />
Le coupleur auriculaire conduit les vibrations transmises par<br />
l'écouteur i l'htkrieur du conduit auditif externe. Sa forme h plus<br />
courante est 19embuut, confectionné d'aprlss Pemprehte du conduit<br />
auditif et du pavilion et r&alisrS dans la rnatihre la plus appropriée<br />
l%tat du conduit auditif; en gen6ral en rbsine qnthétique souple ou<br />
dure. Son ajustage précis contribue pour une grande part au confort<br />
du ddficient auditif appare86 ; par contre, une adqtation insuffismment<br />
ajusttse risque d'être h I'origine de smements dbsagrtsables<br />
(effet Larsen),<br />
Quand, dans le cas d'une surditb de transmission ou d'une surdit6<br />
mixte, une suppuration chronique de l'oreille moyenne ou un
w4ma r&idivant du conduit auditif interdisent le maintien d'un<br />
embout obturant, l'kouteur peut btre remplacé par un ossivibrateur<br />
qui, appEqu4 sur la mastoïde, transmet directement, par conduetion<br />
osseuse, ks vibrations acoustiques i l'oreille interne.<br />
LT6nergie nécessake au fonctionnement <strong>des</strong> appareiis de correction<br />
auditive est gtl-nerafement fournie par <strong>des</strong> pites de rype * butan<br />
» dont b durée d'utifisation (de 50 à 300 heures) & fonction de<br />
ieur tailla et de la puissance de Pmp11"eateur qukelles *entent.<br />
Certains appare2s de pwhe très puissants utilisent une ou deux piles<br />
a baton » de 1,s V,<br />
Contrairement aux piles, les &cmmdat:eum peuvent être rechargés<br />
au moyen d'un chargeur branché sur une prise de courant.<br />
Aprhs une charge de 12 2 14 heures, la durée d'utilisation varie<br />
de 5 B 8 heures selon fa puissance de l'appareil alimenté, L'espérance<br />
de vie d'un accumdateur peut aller de 12 à 18 mois en fonction du<br />
rythme d'utilimtion.<br />
2, Csraetèrlstiques acoustiques et: électroniques <strong>des</strong> appareils de<br />
cometiion auditive<br />
Fami les caract4ristiques <strong>des</strong> appareils, ü importe de connaître<br />
celies qui pemettent de prévoir et d'analyser Paction de la prothèse<br />
auditive dans les dB6rentes conditions de son utiEsation par f'enfant<br />
ou l'adolescent sourd (cf, arretci du 21,4.19$31, J.O. du 9.5.1981), Ce<br />
sont :<br />
2.1, LE ~m ACUUWQW, c'est-h-dire la dsférence, en ddcibels,<br />
entre le niveau acoustique d'entrée et le niveau acoustique de sortie<br />
& une frdquence donnée.
Le gain acoustique peut $tre réglé par l'utilisateur de l'appareil<br />
grâce au potentiomètre qui, en fin de course, permet d'obtenir le<br />
gain acoustique maximal.<br />
2.2. U CUWE DE REPUNSE ACOU~QUE QUI^, dans <strong>des</strong> mditions<br />
spécifiém, exprime la variation du gain acoustique entre 100 et<br />
8 000 Hz en fonction de la fréquence.<br />
2.3. U C omE DE NIVEAU ACUUmQW! de saturation visualisant fa<br />
variation du niveau acaustique de sortie entre 100 et 8 000 Hz en<br />
fonction de la fréquence pour un niveau acoustique d9entr6e de<br />
90 dB, le gain de l'appareil étant réglé & sa valeur maximale.<br />
Pour éviter que le niveau acoustique de sortie d6passe <strong>des</strong> valeurs<br />
pouvant incommoder l'utiiisateur dans le cas, par exemple, ot"l if<br />
souffre de recrutement, les appareils sont souvent 6quipBs de dispositifs<br />
limitant, en cas de besoin, le niveau acoustique de sortie*<br />
Ce dispositif électronique ampute automatiquement H'gnergie<br />
excédentaire lorsque les signaux acoustiques dépassent l'amplitude<br />
compatible avec la tol4rance du sujet. Son effet est hmBdiat, mais<br />
produit <strong>des</strong> distorsions proportionneues à Pimpartance de I'kretage,<br />
ainsi qu'une détérioration du rapport simal/bmit.<br />
2.4.2, IR contrdle autamatiigue de gain MGC)<br />
Kr gain acoustique est réduit progressivement et automatiquement<br />
en fonction de I'augmentation du niveau de sortie dès que<br />
celui-ci dépasse le niveau tolér6 par fe sujet. L'action de ce dispositif,<br />
appelée communément tompressi~n, demande un certain temps<br />
pour etre efficace, Ce temps de dponse varie d'un appareil b Yautse,<br />
entre 2 et 30 rns. Le temps de retour au gain initial est sait prkd6-<br />
termine par le constructeur, soit réglable par 1'audioprathésiste,
entre 50 et 500 ms. L'efficacité du systkme dépend du choix judicieux<br />
du &veau de limitation et <strong>des</strong> temps de repense et de retour. L'ACC<br />
peut être asservi au signal de sortie (AGC-O) ou au signal d'entrbe<br />
(AGC-1).<br />
L'association <strong>des</strong> deux dispositifs, AGC et PC, proposbe dans<br />
certains appareils, permet d'assurer une bonne tolérance lorsque le<br />
champ auditif de l'enfant déficient auditif est affecté d'un fort pincement<br />
de sa dynamique.<br />
3. Formes achelies <strong>des</strong> apparerts de correction auditive<br />
3.1. LES A PPmU PORTES AU I'WBAU DES OREUES<br />
3.1.1. <strong>Les</strong> contours d'oreIIfa<br />
LogtZs dans le sillon rétro-auriculake, ils continuent à former le<br />
gros bataillan (60 %) <strong>des</strong> appareils actuellement utilisés. Avec leurs<br />
plaquettes de rtaglage ou, mieux encore, avec le pupitre de commande<br />
digital, véritable tableau de bord de l'adaptation individuelle<br />
<strong>des</strong> caractCristiques de l'amplification, 2s permettent de traiter la<br />
presque total34 <strong>des</strong> probllèmes que pose la diversité <strong>des</strong> aspects et<br />
<strong>des</strong> degrés de la déficience auditive :<br />
. <strong>Les</strong> eumectem de la courbe de réponse de l'ampfificateur servent<br />
i% donner 3 celle-ci le profil fe plus apte 3 pracurer la meilleure<br />
intelliWbItltf: du message sonore. La flexibilité <strong>des</strong> courbes de réponse<br />
est devenue telle quYelle permet non seulement de favoriser,<br />
par exemple, l'émergence <strong>des</strong> consonnes aiguës et de leurs transitions<br />
phonétiques, indispensables h l'intelligibilité de la parole, mais<br />
également & optimiser la perception <strong>des</strong> timbres propres à valoriser<br />
le caractGre esthbtique du message sonore.<br />
. Lorsque les examens audiologiques font état d'une intol4ranee<br />
aux niveaux sonores blevés, les dispositifs de compression automatique<br />
du gain acowstigue permettent d'ajuster, cas par'cas, la dynamique<br />
de l'amplification pour sauvegarder le confort auditif indispensable<br />
dans toutes les circonstances d'utiIisation de la prothese
auditive. L'asservissement de la compression au signal d'entrée ou au<br />
signal de sortie, l'adaptation de ses caractéristiques temporelles -<br />
temps d'attaque et temps de retour -, le choix du facteur de compression<br />
interviennent en fonction de la nature de l'environnement<br />
sonore du déficient auditif et de ses capacités de disc~imination perceptive.<br />
3.1.2, <strong>Les</strong> appat?i& in&-aggca&ires<br />
Logés soit dans fa mnque et le conduit auditif, soit, meme, enti2rement<br />
dans le conduit auditif, ifs dduisent par leur petite taille.<br />
<strong>Les</strong> grands progr& realisés rhmment dans la conception de leurs<br />
circuits d'ampfification permettent actueuement de construire <strong>des</strong><br />
prothèses personnalisées adaptées avec une grande précision aux caractéristiques<br />
individuelles <strong>des</strong> deficiences auditives légeres ou<br />
moyennes.<br />
Utilisant, grâce à la position rationnelle du microphone au creux<br />
de la conque, les fonctions naturelles d'ampiification et de focalisation<br />
<strong>des</strong> signaux sonores par le pavillon de l'oreille, les prothèses auditives<br />
intra-auriculaires privilégient les informations véhiculées par<br />
le médium et l'aigu du spectre sonore, où se retrouvent 95 % <strong>des</strong><br />
traits phonétiques nkcessaires à la reconnaissance de la parole.<br />
Aisément dissimulables, eues permettent de surmonter les appréhensions<br />
<strong>des</strong> malentendants pour lesquels la prothèse auditive est<br />
trop souvent encore la signature visible de leur handiap. L'appareillage<br />
intra-auriculaire a permis, lorsque leur champ auditif résiduel<br />
nous y autorisait, de convertir à l'usage rdgulier de leurs protheses<br />
<strong>des</strong> enfants et <strong>des</strong> adolescents jusqu'alors farouchement oppostSs B<br />
l'id6e m&me du port de contours d'oreille3 quitte, bien sur, à procéder,<br />
lorsque la croissance le rend nkessaire, au reajustement de la<br />
coque de leurs appareils intra-auricdakes.<br />
3.1.3. <strong>Les</strong> lutaenes acoustiques<br />
Tous les constituants - microphone, ampldicateur, pile - sont<br />
inclus dans une ou, éventuellement, deux branches de lunettes. Rarement<br />
utilisables chez les enfants, à cause <strong>des</strong> mensurations de la
face et du cr$ne, elles permettent chez l'adolescent d'appareiller 616-<br />
gamment une surdite de transmission provoquée, par exemple, par<br />
une otite chronique, en remplaçant l'tkouteur de la prothase par un<br />
vibrateur en but de branche. On peut aussi suppleer & l'hpossibilité<br />
@appareaer une ureitfe cophotique en pla~ant de son c&té dans la<br />
branche de lunette un microphone relié* dans l'autre branche, B PampMimteur<br />
et & l'écouteur <strong>des</strong>tiné à l'autre oreh (système C.R.O.S.),<br />
3.2, APPAREILS DE POCHE<br />
<strong>Les</strong> appareils de poche, comportmt un baQier hcorporant fe<br />
mirnophone, f'ampfifiateur et la ou les piles, avec un cordon et un<br />
6couteur externes, sunt utiles forsqu'on a besoin d'une ampmication<br />
plus bportante que ceEe fournie actueEement par les contours<br />
d'orese ou lorsque <strong>des</strong> difficultés motrices en rendent la manipulation<br />
daelle ou hpossible. Ils sont égdement utilisés pour I'apparelllage<br />
prtkuce du nouveau-né ou du nourrisson, pendant ta phase<br />
exploratoire précedant l'appareaage stéréophonique avec <strong>des</strong><br />
contours d'oreille.<br />
L'6tiolugie9 la nature et l'hportanee de la ddficience auditive de<br />
I'enfant ou de l'adolescent orientent le choix <strong>des</strong> caracttsristiques de<br />
Pampmation et <strong>des</strong> voies de transmissian du sipal acoustique.<br />
-RUT mode d'itppEcation, les modalrtb <strong>des</strong> procédures d'adaptation<br />
et <strong>des</strong> contrales prothétiques sont suhrdonnés sui contr&tes imposees<br />
par P$ge de Penfant, le niveau de son langage, l'état de sa parole<br />
et, éventuellement, l'association d'autres handiaps. En outre,<br />
les aptitu<strong>des</strong> et le comportement de Prtnfant ou de l'adolescent, Il'attitude<br />
et les compétences de Penvkonnement famzllah la nature <strong>des</strong><br />
structures éducatives interviennent pour inaechlr I'indication, les<br />
mod&t& et les objectifs de l'appareillage.
De la juste appréciation de l'interaction de ces divers facteurs<br />
dépendront les options que le médecin prescripteur, l'audioprothésiste<br />
et l'équipe psycho-pédagogique chargée de l'bducation ou de la<br />
rééducation seront amenés à prendre. La diversité et la complexité<br />
<strong>des</strong> situations individuelles sont telles que chaque enfant ou adolescent<br />
déficient auditif peut et doit être considéré comme un cas particulier<br />
(cf. Bulletin d'information annexé Li. la Recommandation BLAP<br />
061 1).<br />
1. Le choh de Pappareü de corredion auditive appeue une suite<br />
d'opérations tendant à la sélection rationnelle de celui-ci.<br />
Elles comportent notamment :<br />
- la mesure ou l'évaluation <strong>des</strong> caract6ristiques psychoacoustiques de<br />
la fonction auditive, utiles à la correction prothetique du déficit ;<br />
- la détermination <strong>des</strong> spécifications optimales de correction (gain<br />
acoustique, courbe de réponse, niveau de saturation, hitations,<br />
etc.) ;<br />
-la détermination <strong>des</strong> modalités d'appareillage (type et forme de<br />
l'appareil, voie de transmission, mode stéréophonique ou monophonique,<br />
etc.), en se conformant au<br />
indications et contre-indications<br />
médicales portées à la connaissance de l'audiaprothésiste.<br />
NB : L'appareillage normal est Pappareiiiage slt5r4ophonique pratique<br />
au niveau <strong>des</strong> oreiües avec deux amplificateurs et leurs transducteurs<br />
qui constituent ensemble l'appareil de correction auditive<br />
stéréophonique.<br />
2. L'adaptation de I'appareil de correction auditive comprend<br />
les opérations ayant pour but son appropriation individuelle, telles<br />
que la prise d'empreinte <strong>des</strong> pavillons et <strong>des</strong> conduits auditifs externes,<br />
la confection et l'ajustage mécanique et acoustique <strong>des</strong> embouts<br />
auriculaires, la mise en place de l'appareil, la rbgulation de ses<br />
fonctions et le réglage de son fonctionnement.<br />
L'appareil ainsi adapté et personnalise constitue <strong>des</strong>urmais une<br />
prothèse auditive. La prothése auditive stédophoniqae peut être<br />
rbalisée avec deux contours d'oreille, avec dem appareils intra-auri-
culaires ou avec deux branches de lunettes acoustiques. Elle donne h<br />
l'enfant ou adolescent déficient auditif la possibilité de localiser la<br />
source sonore et, donc, d'acquérir la notion de la direction <strong>des</strong> sons<br />
et de leur déplacement dans l'espace. En prêtant l'oreille, en choisissant,<br />
comme l'entendant, une perception préférentielle, c'est-&-dire<br />
en écoutant d'une ore& plus que de l'autre, 2 privil(hgie, au milieu<br />
du bruit, la parole provenant d'une direction d6terminée et en assure<br />
la discrhhatlon gr3ce à une v6ritable emergence pqchologique.<br />
3, Le contrôk de ifem?c8cft4 Immédiate a pour but de s'assurer<br />
de la pertinence du choix et de l'adaptation de la prothèse auditive et<br />
d't5vduer la correction obtenue. 11 s'effectue à l'aide <strong>des</strong> moyens et<br />
<strong>des</strong> procédés permettant d'apprkier comparativement le comportement<br />
auditif du déficient auditif avant et aprks l'adaptation de la<br />
prothese,<br />
4, L9éducation prothbtique du d6ficient auditif a pour but l'adaptation<br />
de celui-ci à sa prothèse. Elle consiste a donner h. lknfant ou<br />
adolescent, ainsi qu'h son environnement familial et scolaire, l'assistance<br />
nécessaire à la mise en oeuvre optimale de la prothèse. Elle<br />
comporte notamment le contrôle de i'entraînement ou de la réadaptation<br />
du déficient auditif la perception <strong>des</strong> signaux acoustiques<br />
d6I1w6s par la prothèse auditive.<br />
5.h contdle de h permanence de l'eEweit4 de h prothèse<br />
artditive exige <strong>des</strong> ~(hrifications periodiques de l'état et du fonctionnement<br />
de I'appareil, <strong>des</strong> sources d'knergie 61ectrique et <strong>des</strong> &pipements<br />
compl6mentaires, ainsi que les réparations éventuellement<br />
nécessaires. Des bilans audioprothétiques réguliers permettent de<br />
contrôler et, éventuellement, de rectifier l'adaptation de la prothèse<br />
auditive par une modification addquate de ses caract$ristiques<br />
acoustiques.
IV. LES INDICATIONS DE LA PROTHESE AUDITIVE<br />
Il est parfois assez difficile de préjuger du sort d'un appareillage<br />
avant que celui-ci n'ait été mené à son terne. Pour la plupart <strong>des</strong><br />
surdités de l'enfant ou de l'adolescent, Ia prothèse auditive n'est<br />
qu'un <strong>des</strong> éléments de la rehabiiitation, qui ne trouvera sa pleine efficacité<br />
que si elle est intimement intégrée à l'action éducative -<br />
psychologique, orthophonique et pédagogique - et si le milieu familial<br />
est préparé à l'accepter et à lui accorder la place qui lui revient.<br />
1. Surdités de transmission<br />
La prothèse auditive est indiquée dans les rares cas où les traitements<br />
médicaux et/ou chirurgicaux n'ont pas réussi i% lever l'obstacle<br />
oppose à la transmission <strong>des</strong> signaux acoustiques au niveau de<br />
l'oreille externe et de l'oreille moyenne.<br />
L'appareillage sera effectué autant que possible par voie aérienne<br />
avec, de préférence, <strong>des</strong> contours d'oreille dont la courbe de<br />
réponse flexible doit pouvoir t?tre ajustée pour amplifier les signaux<br />
acoustiques préférentiellement dans les plages fréquentielles où leur<br />
transmission est affaibiie. Par contre, si l'obturation du conduit auditif<br />
par un embout est contre-indiquée, dans le cas d'une otite chronique<br />
par exemple, il convient d'employer <strong>des</strong> appareils à conduction<br />
osseuse. <strong>Les</strong> surdités de transmission bilatérales par aplasie doivent<br />
être appareillées au plus tdt, par conduction osseuse, d b que l'intégrité<br />
de l'oreille interne aura été constatée.<br />
2. Surdités de perception<br />
Dans leur très grande majorité, les déficiences auditives de l'enfant<br />
relèvent de la surdité de perception.
En l'absence dkn dépistage systematique, la découverte d'une<br />
déficience auditive IégtLre est souvent tardive et provoquée, par<br />
exemple, par Ibbsewation d'un trouble persistant de I'articulation ou<br />
d'me dysorEh;opaphre à base de confusions phonétiques, D'une maniere<br />
gbnerde, l'appareillage est indiqué dès que la perte auditive<br />
moyenne atteint ou depasse JO décibels ; il est néanmoins parfois nécessaire<br />
d'appareaer un enfant ayant une perte auditive moindre,<br />
mais dont la courbe tonde, normale dans les graves, s'inffkhit fortement<br />
aux frequences élevées, signant une mauvaise perception <strong>des</strong><br />
phon&- aigus.<br />
ta procédure. d%ppareiilage dem toujours etre conduite avec<br />
prudence et doigté ; une surcorrection risquerait en effet dkntraker*<br />
soit le refus de 1% prothèse (r6action sabutaire), soit <strong>des</strong> troubles physiol~@ques<br />
au psycholo&ques dont la gravit6 ne doit pas être sousestimée.<br />
Aussi, les contrBles de tolerance prothétique seront-ils d'autant<br />
plus fréquents et plus attentifs que la perte auditive initiale aura<br />
été plus faible. Le port de la prothèse pourra souvent n'être qu'intermittent<br />
et hit&, par exemple, h la rééducation orthophonique et/ou<br />
am activités mlaires.<br />
Ce sont celles gui relevent par excellence de la prothkse auditive.<br />
Leur apparesage est néanmoins bien souvent difficile et la recherche<br />
de fa solution prothétique la plus efficace et la mieux toléree<br />
peut être longue et ardue. La concertation périodique avec l'équipe<br />
rnédico-psycho-pédago&que ayant en charge i'edant complétera<br />
utgement I'hformarion de l'audioprotfi6siste et le mettra en mesure<br />
de. prwéder aux ajustements <strong>des</strong> caractéristiques de la prothése exi-<br />
2. te Bureau intemagonat d'AudiophonaEo@e, dit BIAP, a cfassiS les diSEcierrces auditives en<br />
quatte etegories, en fonction de la moyenne <strong>des</strong> pertes audiamdtSques toriales refevhes aux<br />
frequences 500,l Oa0 et 2 Oa0 Nz.<br />
DA. 16gères : moyenne <strong>des</strong> pertes comprise entre 20 et 40 dB,<br />
DA. moFnnes : moyenne <strong>des</strong> pertes comprise entre 40 et 70 dB.<br />
DA. s4&m : moyenne <strong>des</strong> pertes compiise entre 70 et 90 dB.<br />
RA profon<strong>des</strong> : moyenne <strong>des</strong> pertes dépassant 90 dB.
gés par le développement de l'enfant et l'évolution de ses aptitu<strong>des</strong><br />
perceptives.<br />
L'é14vation <strong>des</strong> seuils d'audition nécessite une mpfIfiation h-<br />
portante <strong>des</strong> signaux acoustiques. La plupart <strong>des</strong> deficients auditifs<br />
profonds pourront etre appareiltés en contours d'oreille2 car les progrBs<br />
récents de la miniaturisation <strong>des</strong> compos~ts électroniques ont<br />
permis un accroissement notable de la puissance utile de leurs amplificateurs<br />
qui bénéficient en outre d'une flexibilité étendue de leurs<br />
caractéristiques. On peut donc envisager pour ces déficients auditifs<br />
profonds, au même titre que pour les autres catégories de sourds, la<br />
possibilité d'un appareillage stér6ophonique qui les mettra en mesure<br />
de prendre conscience du caractère spatial <strong>des</strong> signaux<br />
acoustiques.<br />
3. Surdités acquises<br />
L'indication de l'appareillage est, dans ce cas,, toujours d'une extrêmes<br />
urgence, sauf, éventuellement, s'il s'agit d'une déficience auditive<br />
légère.<br />
Si la surdité survient apres l'acquisition du langage, c'est-à-dire<br />
apres l'gge de 5-6 ans, il importe de conserver à l'enfant la possibllitç!<br />
de percevoir, au moins partieuement, <strong>des</strong> messages acoustiques en<br />
provenance de son envkonnement, même si l'image qu'il en reçoit lui<br />
para% le plus souvent caricaturale, du moins au début. L'essentiel,<br />
c'est de sauvegarder Ia communication par l'utilisation <strong>des</strong> reliquats<br />
auditifs dont la rééducation concomifante tentera de tirer le meilleur<br />
parti possible. Il faut éviter à tout prix de laisser l'enfant se couper du<br />
mande sonore dont il a eu connaissance, quitte à lui en faire accepter<br />
une représentation qui, même tronquée, lui fournira les points de<br />
repère indispensables A la sauvegarde de son insertion sociale.<br />
Dans le cas d'une surdité acquise sévsvère ou profonde, l'appareillage<br />
hrnkdiat permet également de faire retrouver à l'enfant un cer-
tain contrôle audiophonatoire qui aidera l'orthophoniste ou le pho-<br />
~atre à lutter contre la dégradation de l'articulation et l'altération du<br />
timbre de b voix.<br />
Si l'enfant devient sourd avant qu'il sache ke, le fangage risque<br />
de se détériorer rapidement. On concevra donc sans peine l'importance<br />
de l'intervention immédiate du ré6ducateur et de l'audiuprothéskte.<br />
4. Handicaps multiples avec atteinte de lyaudition<br />
La Recommandation B W 21-01 prgcise dans ce cas que « l'ap-<br />
pareillage auditif, idMement stéréophonique, doit être envisagé<br />
d'autant plus précocement que la déficience auditive est plus importante<br />
... Un contrBle effectif et régulier de la permanence de Yefficacité<br />
et de l'acceptation de la prothèse auditive doit être effectu6 dans<br />
le cadre d'une observation de longue durée ... L'expression multiple<br />
du handicap et le dépistage tardif de la déficience auditive ne constituent<br />
jamais une contre-indication à l'appareillage. Certes, l'expression<br />
multiple du handicap sera parfois telle qu'une communication<br />
orale restera aléatoire, mais l'apport de la prothèse auditive restera<br />
primordial, tant sur le plan psychomoteur que sur le plan relationnel<br />
et affectif, favorisant ainsi la prise en charge globale du problème<br />
posé par l'enfant W.<br />
V; DISPOSITWS TECHNIQUES COIMPLEMEWmS<br />
Pour l'btudiant sourd confrontf: aux pikges acoustiques d'amphithégtres<br />
rarement préparés à l'accueillir, pour l'enfant déficient auditif<br />
intégré en milieu scolaire normal, en dépit d'un bon appareillage<br />
réalisé avec <strong>des</strong> protheses parfaitement adaptées à leur handicap, les<br />
obstacles il la bonne réception d'un message sonore restent<br />
nombreux :
. La distance de la source sonore provoque non seulement l'affaiblissement<br />
de l'intensité de la voix de l'enseignant ou du conférencier,<br />
mais aussi et surtout un amortissement rapide <strong>des</strong> frdquences<br />
aigues indispensables à la discrimination de sa parole.<br />
. Une mauvaise qualité acoustique du I d t une Ft!ver6réntiun<br />
inopparhine sont trop souvent source d'interférences acoustiques alterant<br />
f*hieIii9;bilité du message.<br />
, Le bnùt d9ambianrre de l'environnement immédiat ou lointain,<br />
enfin, peut masquer partieEement ou totalement le message sonore.<br />
1. Le bruit, handicap majeur du déficient auditif appareille<br />
En dépit <strong>des</strong> nombreux perfectionnements apportBs depuis vingt<br />
ans par leurs concepteurs aux appareils de correction auditive, le<br />
problkme dé la compr6hension de la parole dans un environnement<br />
bruyant reste pour le déficient auditif appareiiiB la préoccupation<br />
majeure.<br />
En effet, que ce soit dans une rue bruyante, en classe, ou dans<br />
une réunion famitiafe, le microphone de la proth$se auditive captera<br />
tout autant, et souvent mieux, le bruit <strong>des</strong> voitures et celui <strong>des</strong><br />
conversations que le signal utile à l'enfant déficient auditif, c'est-àdire<br />
la parole de son interlocuteur. La correction auditive binaurale,<br />
stereophonique, en restaurant la localisation sonore, amtsriore bien<br />
sûr dans une notable mesure la discrimination de la parole dans k<br />
bruit, mais fa composante grave du bruit, qui domine generalement<br />
dans le bruit de fond de l'environnement, masque le plus souvent les<br />
traits pertinents aigus indispensables à 1'inteEgibEté de la parole.<br />
Des innovations r4centes tentent dktténuer cet effet de masque.<br />
Il s'aigit essentiellement d'amplificateurs de prothèse auditive deux<br />
canaux, dont l'un est équipé d'un système de réduction automatique<br />
du bruit. Ce système diminue automatiquement, dès l'apparition<br />
d'une perturbation acoustique, l'amplzication de la zone grave, selon<br />
un mode programmé préalablement par i'audioprothbsiste en fonction<br />
<strong>des</strong> caractéristiques de la déficience auditive de son patient. Dès
que b bruit perturbateur dkparaît, l'amplificateur retrouve automatiquement<br />
sa caractéristique initiale.<br />
L'idée de relayer le mode aerien d'achemhement de l'information<br />
acoustique, parfois trop perallem pour le handieap6 auditif, par<br />
<strong>des</strong> supporls physiques - les rayannernents'dlettmmagn4tiques -,<br />
plus sOrs et plus fidèles, n'est pas nouveüe. PrinGipes et applications<br />
ont déjà fait l'objet de nombreuses publications. Leur mise en pratique<br />
s'est rkemment beaucoup améliorée. Avec une mise en oeuvre<br />
et une maniabilité plus ah&ce, les dispositifs proposés assurent, mieux<br />
encore que par le pass6, <strong>des</strong> Piaisons privfi6gi6es entre un locuteur et<br />
les auditeurs deficients auditias. Une autre source sonore peut ega-<br />
Peinent se trouver au depart d'une telle liaison privifégiée qui peut<br />
actuellement etre établie selon trois mo<strong>des</strong>.<br />
2.1. LA LWSON m m-WQmNCE (HF)<br />
La liaison haute-fréquence s'effectue par le moyen de sipaux<br />
radio-électriques émis en modulation de frCqbence.<br />
L'&metteur comporte le plus souvent un microphone cùutérieur<br />
clips6 au vgtement du Iucuteur de maniere A se trouver il environ 20<br />
centimètres de sa bouche. Une entrée adaire de l'émetteur permet<br />
de le coupler ti une autre source de modulation (magnétophone,<br />
rkepteur de TVy etc.) et d'en transmettre le messa- sonore isolément<br />
ou en parailèle avec b voix de l'enseigriant ou du conférencier.<br />
Le récepteur, ob6gatokement accord6 il la fréquence de l'dmetteur,<br />
est connecté aux prothèses auditives individuelles par l'intermédiaire<br />
de leur entrée audio. <strong>Les</strong> prothèses qui n'en sont pas pourvues
peuvent être reliées au récepteur par l'intermédiaire d'une liaison<br />
inductive (mini-boucle ou plaquettes inductives).<br />
Au récepteur peut iitre intégré un microphone d'ambiance avec<br />
son amplificateur qui, dans un <strong>des</strong> systèmes proposés, peut faire office<br />
de prothèse auditive. Plus généralement, le microphone d'ambiance<br />
permet l'interactivité du déficient auditif avec son entourage.<br />
Lorsque le récepteur est dépourvu de microphone d'ambiance, l'interactivité<br />
est assurée griice au microphone <strong>des</strong> prothèses individuelles.<br />
La transmission radio-électrique privilégie le signal utile qui se<br />
trouve disponible à l'entrée de l'amplificateur de la prothèse dans<br />
l'intégralité de sa qualité acoustique, sans aucune altération du fait<br />
de la distance d'émission qui, dans <strong>des</strong> circonstances favorables, peut<br />
dépasser 30 mètres, et sans perturbation par le bruit de l'environnement.<br />
La sélectivité de la transmission HF est telle que <strong>des</strong> fr6quences<br />
porteuses voisines peuvent être utilisées dans <strong>des</strong> locaux juxtaposés<br />
sans qu'il y ait interférence entre les émissions.<br />
Efficace même en plein air (cour de rkréation, promenade,..) le<br />
systbme HF permet de rester en liaison constante avec le déficient<br />
auditif qui reçoit le message oral intégral comme si son interlocuteur<br />
se trouvait à 20 centimètres (distance de la bouche du locuteur au<br />
microphone de l'émetteur).<br />
Transmise sur l'une <strong>des</strong> fréquences autorisées en France - de<br />
32 à 72 fréquences, selon le système proposé - l'émission ne peut<br />
être reçue que par un récepteur accordé à la frkquence de l'émetteur.<br />
Pour pallier cette rigidité et permettre les échanges ou les regroupements<br />
d'élèves de classes différentes, diverses modalités sont<br />
actuellement proposées :
.le récepteur peut comporter deux ou trois anaux fréquentiels<br />
cornmutables dont l'un est rtlsemé aux activités communes ;<br />
<strong>des</strong> modutes de réception, rep6rés par un code de couleurs, peuvent<br />
&tre htemfrangés instantanément pour accorder le recepteur à la<br />
fréquence de l'&metteur choisi.<br />
2.2. LA LWSON INFRAROUGE,<br />
L'information acoustique est transmise par rayonnement infrarouge<br />
en modulation d'imp&ions.<br />
L'émetteur port4 sur h poitrine comporte 9 dio<strong>des</strong> hettrices<br />
cowant l'espace dans toutes les directions. Son microphone, plac6 à<br />
envkon 20 centùnètres de fa buuche, peut, à la demande, être dtrectionnel,<br />
ce qui améliore encore fe bon rapport signal-bruit.<br />
Le tkepteur comporte un &mplificateur intkgré. Le microphone<br />
d'ambiance incorporé assure i'interactivitt5 du déficient auditif avec<br />
son environnement. L+e récepteur peut être connecté aux prothèses<br />
auditives individuelles soit dkectement par leur entr6e audio, soit<br />
par liaison inductive (6i-bucle ou plaquettes). Le niveau de sortie<br />
de PampWiateur autorise également X'utilisatiun directe de transducteurs<br />
de sortie : casque à 9çouteurs supra-auricuIaUes ou &outeurs<br />
auricdakes adaptables avec embouts individuels.<br />
Dans ce mode de transmission, les fréquences d'émission et de<br />
modulation sont uniques. <strong>Les</strong> récepteurs peuvent donc être utiiis6s<br />
indifféremment avec tous les émetteurs d'un même établissement ou<br />
d'tltablissements diff6rents, ce qui facilite beaucoup les possibilites<br />
d%terchangeab%té individuelle ou de groupes.<br />
Soumise aux lois de l'optique, Xa propagation du rayonnement<br />
infrarouge se trouve arrêt6e par <strong>des</strong> cloisons opaques. L'émission
este donc limitée au local auquel elle est <strong>des</strong>tinée, sans brouillage<br />
mutuel entre locaux contigus.<br />
L'émetteur infrarouge couvre environ 30 mètres canés. Pour<br />
une surface supérieure, un amplificateur d'impdsions infrarouges, le<br />
transpmdeur, relaie les signaux émis et permet de cowrir environ<br />
80 mètres carrés. Pour <strong>des</strong>servir <strong>des</strong> salles plus importantes, 3 suffit<br />
d'utiliser simultanément plusieurs transpondeurs.<br />
2.2.4. Servitu<strong>des</strong><br />
La transmission du message sonore par rayonnement infrarouge<br />
modulé n'est pas possible en plein air* cas elle s'y trouve masqube<br />
par le spectre infrarouge aléatoire de la lumi&re salaire. Par contre,<br />
la liaison infrarouge peut être utilisée dans <strong>des</strong> salles aux baies vitrées<br />
largement ouvertes sur l'extérieur.<br />
2.2.5. Extensions<br />
Outre son utilisation dans un environnement éducatif, la liaison<br />
infrarouge est de plus en plus employée dans un cadre familial ou<br />
convivial pour faciliter l'écoute de la TV, de la radio ou d'une chaîne<br />
électroacoustique.<br />
L'émetteur plat, monophonique, se branche 3 la sortie casque ou<br />
haut-parleur extérieur. Son rayonnement couvre environ 30 metres<br />
carrés, Pour les salles de plus gran<strong>des</strong> dimensions, <strong>des</strong> radiageurs infrarouges<br />
de plus grande puissance peuvent fui être raccordés.<br />
Une large palette de récepteurs est actuellement disponible sous<br />
forme de stethoscope ou de boîtier pectoral, pour usagers non appareillés<br />
ou pour déficients auditifs porteurs de prothèses.<br />
Cette très grande souplesse d'application rend la liaison infrarouge<br />
particulièrement intéressante pour l'écoute en groupe d'émissions<br />
de TV, dans <strong>des</strong> foyers de jeunes par exemple.<br />
2.3. LA LIAISON INDUCTIVE<br />
La liaison inductive est assurée par un champ magnétique alternatif<br />
modulé.
L'émetteur le plus courant a la forme d'une boucle magnétique<br />
constituée par une ou plusieurs spires d'un conducteur électrique<br />
parcouru par un courant alternatif basse fréquence provenant d'une<br />
source de modulation (microphone, magnétophone, tuner, etc.).<br />
Pour que le champ magnétique engendré par la boucle ait une<br />
intensité suffisante, un amplifiateur doit nécessairement être interposé<br />
entre la source de modufation et la boucle. Si la boucle ceinture<br />
un local, la puissance de l'amplificateur doit etre proportionneue i1 ja<br />
surface à couvrir. A titre d'exemple, un ampuimteur de 15 watts<br />
permet de couwir une surface de 60 mètres carrés environ.<br />
Ii existe, pour l'usage individuel, soit <strong>des</strong> « mini-boucles >, portées<br />
en collier autour du cou et connectées par un cable léger à la<br />
sortie de l'amplificateur d'un récepteur de TV, par exemple, soit <strong>des</strong><br />
plaquettes inductives <strong>des</strong>tinées être insérées entre un contour<br />
d'oreille et le crane. Ces deux dispositifs peuvent également servir de<br />
relais entre les récepteurs HF ou infrarouges et les prothèses dépourvues<br />
d'entrée audio.<br />
2.3.2. Réception<br />
Le champ magnétique modulé crée dans la bobine d'induction,<br />
dont sont généralement pourvus les appareiis de correction auditive,<br />
une force Qectro-motrice d'induction. Celle-ci est appliquée aux<br />
bornes de I'amplificateur qui, après adaptation et amplification, la<br />
restitue aux bornes de f'écouteur de la prothèse auditive.<br />
Premier en date <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de transmission privZk@&e de l'information<br />
acoustique A I'intention <strong>des</strong> déficients auditifs, la liaison<br />
inductive avait trouv& un vaste champ d'application dans les classes<br />
d'enfants handicapés auditifs.<br />
Un inconvénient majeur, la diaphonie, c'est-à-dire la captation<br />
réciproque <strong>des</strong> signaux émis par les boucles équipant deux locaux
voisins, en a fait abandonner progessivement l'ut&ation dans la<br />
plupart <strong>des</strong> 6tabEssernents d'enfants sourds.<br />
La liaison inductive par boucle magnétique reste n4anmoins la<br />
solution economique lorsqu'il s'agit d'acheminer B l'abri <strong>des</strong> perturbations,<br />
susceptibles d'en entacher la quafitk, un message sonore<br />
dans <strong>des</strong> locaux relativement vastes <strong>des</strong>tinés à recevoir <strong>des</strong> cofiectivités<br />
powant comprendre en leur sein <strong>des</strong> déficients auditgs apparerlles,<br />
tels que les salles de conférences, les maisons de la culture, les<br />
théâtres, les cinémas, les lieux de dte, sans oublier les amphithéâtres<br />
universitaires.<br />
Il paraît surprenant que de tels équipements relativement faciles<br />
h installer et d'un coQt modéré, se rencontrent encore si rarement en<br />
France, quand on sait quel confort auditif ils pourraient apporter aux<br />
malentendants, trop souvent frustrés de communication dans notre<br />
monde voué A l'audiovisuel.<br />
L'induction magnétique est aussi mise à contribution pour l'activation<br />
de différents systémes d'alerte transformant les sonneries<br />
d'appel téléphonique ou de porte d'entrée en signaw lumineux (tiash<br />
électroniques, etc.). Des combhaisons ingénieuses permettent également,<br />
par I'ktermédiaire de vibrateurs, d'alerter pendant leur<br />
sommeif les personnes atteintes de deficience auditive sevbre ou profonde,<br />
dont la sensibilité vibro-tactile est presque toujours trés<br />
développée,<br />
VI. PROSPECTIVE<br />
<strong>Les</strong> tendances actuelles de I'hlution de la prothhse auditive<br />
concernent essentiellement la conception <strong>des</strong> appareils correcteurs<br />
de la surdité, la méthodologie de 't'appareillage et l'int6gation de la<br />
prothèse grsce à la chirurgie.
1. Evo~ution de la conception <strong>des</strong> appareils correcteurs de la surdité<br />
1.1. LE SYSRWE DE REDUmON AUTOMmQm DU BRUIT$ sipaf6<br />
prkedernment, améliore I'hteEgibilité là où le bruit de fond<br />
est A dominante grave (rue, voiture, atelier). E est moins efficace<br />
dans un lieu 09 les conversations multiples s'entrmroisent et se remument:<br />
il en rèsulte un bruit de fond particulier, le bruit de<br />
cc &ail party » <strong>des</strong> amsticiens, o& dominent les fléquences et les<br />
rythmes propres à la parole. En fonction de son niveau, ce bruit de<br />
fond peut constituer pour le deficient auditif appareak un masque<br />
presque absolu pour fa comprehension de la parole.<br />
Plusieurs axes de recherche tendent à proposer une solution à<br />
cet aspect particarement délicat <strong>des</strong> performances <strong>des</strong> prothtsses<br />
auditives. L'une <strong>des</strong> solutions consiste équiper X'ampUicateur de<br />
trois canaux d'aamplification se partageant le spectre sonore et pouvant<br />
être programmés separément par l'audioprothésiste de manière<br />
B reguler les correctifs d'amplification en fonction <strong>des</strong> pârticularités<br />
du champ auditif et <strong>des</strong> aléas de l'environnement.<br />
Une autre solution consiste à proposer dans un meme contour<br />
d'oreille quatre programmations dürérentes pour quatre ambiances<br />
diE4rentes, les paramétrages respectifs 6tant m6moris~s dans la<br />
mkmoire d'une commande B distance semant A activer X'un ou l'autre<br />
programme en fonction de l'environnement du moment,<br />
l<strong>Les</strong> plus grands espoirs résident dans b remplacement, ii moyen<br />
terme, de hmpfificateur anafogique <strong>des</strong> prothèses actueffes par un<br />
ampldcateur n-6rique. Sans doute verra-t-an alors proposer une<br />
prothase auditive digitale à plusieurs canaux d'ampfification, régut&s<br />
par <strong>des</strong> micraprotesseurs adaptant automatiquement les caracteristiques<br />
sonores, supprimant les bruits genants par un filtrage adaptatif<br />
et procurant au malentendant le confort auditif auquel ii aspire.<br />
1.2. L'AVENIR DE LA PRU~ESE AI.JDIT~VE est étroitement lié aux<br />
progrès réalisés dans le traitement du signaX, tel que le .permettra la<br />
technique numérique. Tenant compte <strong>des</strong> distorsions de fréquence et<br />
de temps qui affectent souvent le champ auditif r4siduel <strong>des</strong> surdités<br />
de perception, il sera alors sans doute possible dkxentuer, par
exemple, les transitions phonétiques utiles à i>ùlteili&;b%té de la parole,<br />
imitant ainsi les effets d'une articuiation correcte, IEln se rapprochant<br />
<strong>des</strong> traitements employés dans les proc&d& de rwonn~ssance<br />
de la parole, on pourrait aussi, par une r6duction de sa redondance,<br />
extraire de la parole les paramètres les plus pertinents susceptibles<br />
d'iitre identifiés par le déficient auditif.<br />
IT convient de mentionner taut paticuli&rement les rmherches<br />
dirigées par Xe Professeur 3.-C, Lafon, reposant sur le principe de la<br />
translation <strong>des</strong> parties simntes du s@re aigu dans une zone<br />
grave? où se trouve reconstituée une structure acoustique, support6e<br />
par <strong>des</strong> sons audibles du sujet, qui apporte les él6ments dtintensité,<br />
de rythme, de durée et de mélodie néeessaires A Pidentgication du<br />
message.<br />
A l'intention d'une catbgorie de sourds auxquels la gravité de<br />
leur handicap interdit l'accès à la prothèse auditive, plusieurs solutions<br />
techniques proposent la substitution de l'information auditive<br />
par une information vibro-tactile.<br />
2, Evolufion de Ia méthodologie de l'appareillage<br />
L'empirisme de fait, qui longtemps prévalait dans It; choix <strong>des</strong><br />
appareifs de correction auditive, a heureusement c6dé le pas aux métho<strong>des</strong><br />
rationnelles de sélection, parmi lesquefies if faut citer les métho<strong>des</strong><br />
françaises de pre-regage de Renard et C.T.M. de Le Her. En<br />
outre, la possibilité de pratiquer <strong>des</strong> mesures « in situ », c'est-&-dire<br />
de mesurer directement, dans le conduit auditif, la pression acoustique<br />
exercée sur le tympan par un signal acoustique donné (son pur<br />
ou bande de bruit aléatoire), oreille nue, puis oreille appareüféq<br />
permet d'obtenir comparativement fa valeur réelie <strong>des</strong> araetgristiques<br />
de f'arnpfifimtion, compte tenu <strong>des</strong> variations hdividuefles<br />
dues il l'obturation et a u dimensions résiduelles du conduit auditif<br />
ainsi qu'aux modifications acoustiques imputables A i'ernbout.<br />
La précision <strong>des</strong> procédures d'adaptation bbneficie aussi considérablement<br />
de l'évolution <strong>des</strong> possibilités de gestion <strong>des</strong> données
acoustiques et audiologiques par <strong>des</strong> logiciels informatiques spécifiques<br />
de l'appareillage audioprothétique.<br />
3. La prothèse auditive integrée au geste chirurgical<br />
. A la condition que l'inefficacité absolue <strong>des</strong> prothèses auditives<br />
traditionnelles ait été démontrée (Recommandation BIAP 07-1 bis),<br />
l'application de la technique de l'implant cochléaire, introduite en<br />
France en 1976 par le Professeur Cl. H. Chouard, est susceptible<br />
d'être envisagée pour les enfants et adolescents atteints de surdité<br />
profonde ou totale quand le nerf auditif a conservé au moins partiellement<br />
sa fonction. Elle consiste à court-circuiter la cochlée en<br />
stimulant directement les fibres nerveuses auditives par <strong>des</strong> signaux<br />
électriques élaborés à partir d'un traitement <strong>des</strong> signaux sonores.<br />
L'électrode extracochléaire et l'implant monocanal ne délivrent<br />
qu'une information limitée, mais « l'apport d'informations sonores<br />
d'intensité, de rythme, de durée, d'environnement par la prothèse<br />
cochléaire est essentiel lorsque l'isolement sensoriel est total » (Pr.<br />
A. Robier). L'enfant devra être
CONCLUSION<br />
Chaque enfant sourd est un cas particulier ; aussi, son appareillage<br />
est-LI ni rapide, ni facile.<br />
De l'indication à l'accomplissement et jusquti l'ultime contrôle,<br />
le chemin est long à parcourir, pas toujours tracé d'avance et souvent<br />
malaisé ; mais surtout - ne BYoubLions jamais - son appareilla- est<br />
un acte qui engage, plus qu'on ne le suppose parfois, l'avenir de cet<br />
enfant qui nous a été confié.<br />
11 faudra savoir remettre en question, à un moment donné, les<br />
choix, les options qui, pourtant, paraissaient devoir être défhitives ;<br />
mais si, en plus de son savoir srt de son savoir-faire, l'audioprothbsiste<br />
y met un peu de son coeur, al: connaîtra peut-être une joie houbliable<br />
: celle que procure, & qui en est le témoin, l'éveil à %a vie<br />
bruissante d'un tout petit quand, pour lui, e Pa porte s'ouvre et laisse<br />
entrer l'avenir » (Graham Greene).
ANNEXE<br />
Arrêté du 21 septembre 1987 modifiant le tarif interministériel<br />
.<strong>des</strong> prestations sanitaires (IO. du 3.10.1987).<br />
. . . Article premier -<br />
... <strong>Les</strong> appareils correcteurs de la surdité, sous réserve qu'ils<br />
soient réguiierement homologués et sans préjudice <strong>des</strong> dispositions<br />
en vigueur au regard de la réglementation <strong>des</strong> prix, sont pris en<br />
charge dans les conditions ci-après :<br />
A, - Dispositions générales :<br />
Apparerls, y compris l'adaptation<br />
Quel que soit l'appareil appliqué, le remboursement est effectué<br />
sur la base d'un tarif de responsabiüté égal à 1 472,30 F 3.<br />
B. - Dispositions particulières concernant les jeunes dgés de moins de<br />
16 ans révolus :<br />
1. - Lorsque l'appareil appliqué figure sur la Liste annexée ciaprhs,<br />
le remboursement est effectué sur la base du tarif de responsabilite<br />
correspondant.<br />
II. - L'attribution d'un apparertlage stéréophonique est accordée<br />
sur prescription médicale circonstanciée et sous réserve de l'avis favorable<br />
du contrale médical.<br />
Sans changement 4.<br />
Entretien et réparations<br />
Art. 2 - La riste et le tarif mentionnés au B (1) de l'article le' sont<br />
ceux annexés à I'arreté du 18 février 1986 ...<br />
3. Rameni5 à 1 310 P du fait de la baisse de la TVA ramenée a 5,5 %.<br />
4. L'allocation annuelle d'entretien de 240 francs est maintenue.
QUATRIEME CHAPITRE<br />
Actions nouvelles
EDUCATION PREZOCE<br />
GUIDANCE PARENTALE<br />
ACCOMPAGNEMENT DES PARJ3NTS<br />
Education précoce et guidmce parentale sont indissociables.<br />
Elles s'interpénètrent à chaque instant. Plus l'enfant est jeune ou la<br />
découverte de la surdité récente, plus la guidance parentale tient une<br />
place prépondérante. Et, bien qu'il soit difficile de séparer les éléments<br />
de la prise en charge qui relèvent de l'éducation précoce de<br />
ceux qui relèvent de la guidance parentale, on pourrait dire que la<br />
prernit?re recouvre davantage les aspects pragmatiques et la seconde<br />
les aspects relationnels. Au terme de guidance parentale, largement<br />
utilisé et compris de tous, on peut préférer celui « d'accompagnement<br />
<strong>des</strong> parents » ou « relation d'aide aux parents ».<br />
Cette séparation virtuelle en deux parties a pour mérite de<br />
mettre en évidence les particularités de la guidance parentale. Apporter<br />
une aide individualisée aux parents tout au long d'une prise en<br />
charge est une entreprise si délicate qu'il paraît difficile d'en concevoir<br />
un modèle idéal, adaptable à chaque famille. D'autre part, autre<br />
difference par rapport à l'éducation précoce, elle ne se limite pas à la<br />
periode de la petite enfance, mais se poursuit dans le temps, avec <strong>des</strong><br />
moments charnières,<br />
* Médecin phoniatre attache 5 t'hôpital Trousseau, Paris. CAlMSP Espoir 93. ClSR Des<br />
Guiblets. Créteîl94ûûû.<br />
** ORL phoniatre. Service ORGAudiophonologie, CHR Besançon, 2,000.
L'éducation précoce, comme son nom l'indique, consiste en une<br />
-action éducative instaurée très tôt, c'est-&-dire en règle générale,<br />
avant trois ans (cap de l'entrée en école maternelle). Il s'agit d'une<br />
prise en charge pluridisciplinaire, à caractère médico-éducatif, visant<br />
à préparer l'enfant sourd à l'acquisition du langage et & entrer dans<br />
un système éducatif scolaire comme tout enfant de son âge.<br />
Mais l'éducation est avant tout affaire de parents, Il se trouve<br />
que cette période d'éducation précoce, proche de la naissance et <strong>des</strong><br />
premiers mois, coïncide avec l'émergence normale et l'apprentissage<br />
de la fonction parentale l.<br />
Entre les méandres de cet apprentissage et les aspects spécifiques<br />
liés à la surdité et ses conséquences, le risque est grand de<br />
confusion. Essayer d'éviter la confusion (<strong>des</strong> rôles en particulier) et,<br />
chacun gardant sa juste place, aider les parents à découvrir la leur,<br />
légitime, à l'investir, et à y éprouver du plaisir 2, voilà un premier<br />
objectif, certes ambitieux.<br />
Mais quel est ce « travail » d'éducation précoce qu'un accompagnement<br />
<strong>des</strong> parents rendra possible et fructueux ? Cette période est<br />
marquée par l'intervention d'un grand nombre de spécialistes aux<br />
technicités particulières (médicales, para-médicales, pédagogiques,<br />
<strong>sociales</strong> ...) regroupés autour d'un certain nombre d'objectifs, et observant<br />
une certaine chronologie.<br />
<strong>Les</strong> objectifs sont à peu près les mêmes que ceux mis en place il<br />
y a maintenant une vingtaine d'années où tous les efforts furent faits<br />
pour généraliser le dépistage et la réhabilitation précoce de l'enfant<br />
déficient auditif. Probablement le contenu s'est-il précisé, affiné, circonstancié<br />
au fil <strong>des</strong> années mais, dans l'ensemble, les objectifs sont<br />
bien connus de tous et suscitent un consensus.<br />
1. Texte du Colloque ANPEDA, nov. 79 : n L'Enfant sourd avant trois ans (enjeu et embDches<br />
de l'éducation précoce) m.<br />
2. M.-P. GRAU, Rééducation onhophonique. Septembre 1986, volume 24, no 147.
« <strong>Les</strong> conséquences de la surdité profonde peuvent être totalement<br />
transformées par une action cohérente menée & partir du dépistage<br />
précoce et englobant toutes les techniques favorisant la<br />
communication » @.-C. Lafon).<br />
Faisant suite à un dépistage et à un diagnostic (que l'on souhaite<br />
précoce), l'éducation précoce a pour objectif actuel :<br />
- de veiller au développement harmonieux de l'enfant au sein de sa<br />
famille, grfice à un accompagnement attentif et adéquat <strong>des</strong> parents<br />
(plus particulièrement de la mère) ;<br />
- de développer la communication dans tous ses aspects en stimulant<br />
tous les canaux utilisables, y compris le canal visuel, en s'aidant de<br />
tous les moyens possibles pour pallier les manques, en restant attentif<br />
à ne pas mettre l'enfant en échec ;<br />
- de permettre et faciliter l'éveil et la maturation de la fonction auditive,<br />
indispensable à l'acquisition de la parole et du langage oral<br />
(entre autres par l'appareillage et l'orthophonie) ;<br />
- d'affiner le diagnostic et le pronostic par <strong>des</strong> bilans et un suivi<br />
constant : <strong>des</strong> possibilités de communication, du développement de<br />
l'enfant et <strong>des</strong> possibilités de réaction de l'entourage ;<br />
- d'assurer une aide sociale et technique chaque fois que nécessaire ;<br />
- d'assurer information et formation <strong>des</strong> parents pour le choix et<br />
l'élaboration d'un projet pédagogique propre & leur enfant et dans<br />
lequel tous se sentiront à l'aise.<br />
Ainsi, et pour schématiser, l'éducation précoce s'appuie sur trois<br />
principaux types d'interventions : l'appareillage, l'orthophonie, les<br />
bilans et suivis (audiologiques, psychologiques, pédiatriques ...) et ...<br />
surtout sur une équipe. Le plus souvent, le travail d'éducation précoce,'<br />
de par son caractère, pluridisciphaiLe, requiert une équipe,<br />
type CAMSP (Centre d'Action Médico-sociale Précoce), ou Centre<br />
&Audiophonologie.<br />
<strong>Les</strong> intervenants et leurs rôles<br />
Il est indispensable que les intervenants connaissent et se réfèrent<br />
constamment aux processus de développement précoce de I'en-
fant normal, notamment pour la communication, même si l'aide<br />
apportée n'apporte que <strong>des</strong> réponses indirectes aux problbmes posés<br />
par la surdité. Tous les intemenants doivent incorporer, dans leur<br />
pratique, les exigences liées au caractère précoce de la prise en<br />
charge, dans le cadre de la guidance parentale. Chronolo~quement,<br />
panni les différentes interventions, on distingue :<br />
1) <strong>Les</strong> bilans et suivis medieaux et para-médicaux : le médecin<br />
ORL compétent en phoniatrie suit l'audiométrie, les fonctions de<br />
communication, la qualité <strong>des</strong> éhssions vocales, l'évolution de l'audition,<br />
de la parole et du langage, est attentif à insérer ces paramètres<br />
dans le développement global de l'enfant.<br />
Au carrefour de plusieurs disciplines, le médecin phoniatre facilitera<br />
la perception par les parents de la cohérence <strong>des</strong> interventions<br />
mdtiples, apparemment dispersées, fragmentées, mais indissociables.<br />
D'autant plus qu'il aura été présent au début, au moment du<br />
dépistage et du diagnostic, moments clés de la relation aux parents.<br />
Le médecin pédiatre pourra examiner l'enfant, suivre son développement<br />
et prescrire <strong>des</strong> examens complémentaires A visée étiolo-<br />
@que ou à la recherche d'éventuels troubles associés (visuels<br />
notamment).<br />
Le médecin psychiatre pourra assurer <strong>des</strong> consultations auprès<br />
<strong>des</strong> familles, apportera la prise en compte de la dimension psychanalytique<br />
et assurera la régulation du fonctionnement de l'équipe. U<br />
aura à integrer dans son système de réference les exigences <strong>des</strong> techniques<br />
et <strong>des</strong> apprentissages audiophonatoires indispensables à<br />
l'enfant sourd.<br />
te pychologue participera rkmlibrement à f'évaluation du développement<br />
de l'enfant, de ses possibilités et de ses acquis, appréciera<br />
la capacité de réactions de l'entourage en assurant un accompagnement<br />
régulier de la famille.<br />
2) L'appareillage : l'appareillage précoce est fondamental pour<br />
permettre A l'enfant d'utiliser au maximum ses restes auditifs et entraîner<br />
la maturation de la fonction auditive. Il s'agit de capter, am-
plifier, déiivrer à un niveau nécessaire et suffisant <strong>des</strong> sons qui pourront<br />
être perçus par le déficient auditif. <strong>Les</strong> sons et la dynamique de<br />
la parole étant privilégiés, perception/inttsgration/émission r6dkeront<br />
le circuit audiophonatoire et les résultats seront directement liés<br />
au travail orthophonique et à ce qui se vit à la maison,<br />
L'appareillage du petit enfant est particulièrement dt5licat. Il<br />
convient qu'il soit confié à un audioprothésiste expérimenté, à h<br />
technique sûre, qui veillera à l'efficacité et à la tolérance de la prothèse,<br />
et dont la pratique s'inscrira dans les objectifs géneraux de<br />
l'éducation précoce et plus partidhrement de l'accompagnement<br />
<strong>des</strong> parents. Compte tenu <strong>des</strong> relations délicates que les fa<strong>des</strong> entretiennent<br />
avec la prothèse, donc avec l'audioprothésiste, une formation<br />
à la relation paraît souhaitable. Des contacts réguliers avec le<br />
Centre, ou l'équipe dont il fait partie, faciliteront l'intégration <strong>des</strong><br />
aspects techniques dans le processus d'accompagnement <strong>des</strong> parents.<br />
3) L'orthophonie : L'adaptation définitive <strong>des</strong> prothbses doit<br />
trouver un écho indispensable en orthophonie et c'est pour cela<br />
qu'elle doit être mise en place parallèlement à l'appareillage. Sinon,<br />
on court le risque d'une mauvaise acceptation de ses protheses par<br />
l'enfant et d'un découragement <strong>des</strong> parents. L'orthophoniste aidera<br />
l'enfant à différencier ce qu'il entend avec ses appareils de ce qu'il<br />
n'entend pas sans eux. L'élargissement de sa discrimination auditive<br />
et de la signifiante de son environnement sonore comblera de plaisir<br />
i'activité exploratoire de l'enfant. Ainsi, il sera amené, par entraînement<br />
et parce que cela lui procure <strong>des</strong> satisfactions, & accepter ses<br />
appareils et à les réclamer. A noter que l'acceptation est plus délicate,<br />
voire problématique, lorsqu'il existe <strong>des</strong> difficultés relationneiies,<br />
<strong>des</strong> troubles associés (en particulier <strong>des</strong> troubles de la personnalisé)<br />
; les démarches seront prudentes et i'audioprothésiste très<br />
expérimenté.<br />
<strong>Les</strong> séances seront instaurées le plus t6t possible, parauhlement<br />
A la prescription de l'appareillage. En effet, circuit audiophonatoire<br />
et genèse du langage sont étroitement liés.
Circuit audiophonatoire - Communication prtl-lulguistique<br />
Il existe une période sensible entre sept et dix mois où le circuit<br />
audiophonatoire semble jouer un r61e prépondérant, par le plaisir<br />
que l'enfant prend à préparer son entrée dans le langage. Brièvement,<br />
cette période se caracterise par un jasis (jeu exploratoire vocal<br />
de l'enfant) et un début de synabation répétées à visée de communication.<br />
A ce stade, on observe <strong>des</strong> modifications de la voix du bébé et<br />
une certaine stabilisation de la mamique vocale : en effet, l'enfant<br />
comprend vite les strategies de communication efficaces et sélectionne<br />
les courbes mélodiques sipifiantes, explorées pendant le jasis.<br />
Chez le bébé sourd, cette étape de jasis, où la parole est encore<br />
un geste eploratoire, existe mais privée du contrôre auditif, donc du<br />
plaisir de s'entendre, le jasis va s'appauvrir ou s'arrêter. On comprend<br />
mieux alors l'importance d'assurer au plus vite une meilleure<br />
rkeption <strong>des</strong> caractères acoustiques du message verbal, pour l'ajustement<br />
<strong>des</strong> essais vocaux de l'enfant. <strong>Les</strong> parents servant de modèle,<br />
la mélodie et l'intonation, reflets de I'affeetivité, introduisent un<br />
début de fonction hguistique.<br />
Pendant les séances, l'orthophoniste interviendra auprès de l'enfant,<br />
le plus souvent avec les parents (parfois même seulement avec<br />
les parents lorsque le btsbé est très jeune et la relation mère /enfant<br />
fragile), puis en petit groupe dès que l'âge de l'enfant le permet.<br />
A travers toutes les occasions suscitees lors de la s&ance, elle<br />
cherchera à développer la commnication de l'enfant dans tous ses<br />
aspects. Elle encouragera et valorisera tous les systemes d'expression<br />
(regards, mimiques, mouvements du corps, désignations, voix, mélodie...),<br />
tout ce qui peut être porteur de sens. En reconnaissant, puis<br />
commentant les tentatives de l'enfant pour communiquer, elle aidera<br />
les parents à interpréter les signaux et h y rependre, Ce qui permettra<br />
aux parents de relancer leurs échanges, de consolide^ leurs intuitions,<br />
de découvrir et expérimenter toutes les possibilités de communication<br />
qui existent entre eux et leur enfant,
Education perceptivo-motrice et sensorielle<br />
L'éducation précoce est essentiekment éducation perceptivomotrice<br />
et polyserisorielie. L'enfant sourd est handicapé non seulement<br />
dans sa communication verbale, mais aussi dans sa relation à<br />
l'environnement par la perte de la fonction de vigilance et par ses<br />
difficultés dans la perception de l'espace et du volume (J.-C. Lafon 3).<br />
A cet figes, l'éducation est globale et l'accent est mis sur <strong>des</strong> activités<br />
sensori-motrices - on sait en effet l'intrication à cet âge entre<br />
gestes corporels et gestes vocaux. <strong>Les</strong> activités portent surtout sur les<br />
déplacements dans l'espace, le positionnement du corps et <strong>des</strong> segments<br />
de corps dans l'espace, ainsi que sur <strong>des</strong> manipulations d'objets<br />
et de formes dans l'espace.<br />
Par le biais de ces activités, l'orthophoniste peut travailler sur :<br />
La prise de conscience du corps et de ses possibilités motrices, la<br />
maîtrise <strong>des</strong> conduites motrices de base (marche lente-rapide, saut,<br />
sautillement...), la bonne coordination motrice, l'équilibre, l'anticipation<br />
par la posture de l'acte qui va suivre, l'organisation motrice séquentielle,<br />
la distance, la durée (de plusieurs séquences, de la chute<br />
d'un objet), le volume.<br />
<strong>Les</strong> activités de groupe à partir de 18 mois donneront b l'enfant<br />
plus d'aisance dans l'espace et une meilleure prise de possession de<br />
l'espace.<br />
Elles apprennent à l'enfant la notion d'alternance, de tour de<br />
rôle, de réversibilité <strong>des</strong> rôles, préparant ainsi à l'écoute, au dialogue,<br />
aux &les d'auditeur et de locuteur en alternance, séquences temporelles<br />
et spatiales A la base de la communication verbale. Selon<br />
Bruner « <strong>Les</strong> structures de l'action et de l'attention apportent <strong>des</strong> repères<br />
permettant l'interprétation <strong>des</strong> règles de distribution séquentielle<br />
dans la grammaire initiale (un concept agent, action - objet -<br />
<strong>des</strong>tinataire prélinguistique, aide l'enfant à appréhender la signification<br />
hpistique <strong>des</strong> énoncées ...) B.<br />
3. J.-C. LAPON, <strong>Les</strong> enfants déficients auditifs, SIMEP, 1985,207 p.
Pour l'enfant entendant, il n'y a pas de discontinuité entre geste<br />
corporel et geste vocal. Il verbalise en agissant. En éducation précoce<br />
de l'enfant sourd, il doit y avoir cette même continuité. L'adulte Ter-<br />
$alise en proposant une action, dénomme le matériel, commente<br />
l'action, complimente l'enfant pour sa réussite ... C'est ainsi que vont<br />
être compris les premiers verbes d'action, les premieres notions spatiales<br />
et temporelles, un travail individuel orthophonique permettra<br />
leur généralisation et l'apprentissage <strong>des</strong> contraires. Ainsi l'enfant<br />
comprend et verbalise ce qu'il voit.<br />
La séquence verbale est saisie par l'enfant dans son enveloppe<br />
mélodique, rythmique et intonative, paramètres reconnus par le<br />
sourd profond qu'il reproduira ensuite.<br />
Le langage fait donc partie de toutes les activités d'éducation<br />
précoce, fangage adapté & 17$ge de l'enfant et à sa surdité avec <strong>des</strong><br />
phrases courtes, une redondance <strong>des</strong> mots clés, une accentuation de<br />
la mélodie, une minogestualité riche et bien sûr face à l'enfant. De<br />
plus, <strong>des</strong> jeux spécifiques portant sur la reconnaissance <strong>des</strong> différents<br />
paramètres acoustiques sont proposés à l'enfant. Ainsi, ces jeux porteront<br />
sur la reconnaissance de la présence de bruit, l'intensité puis<br />
la hauteur, la durée, le rythme, la successivité temporelle. Cette éducation<br />
est faite avec <strong>des</strong> objets familiers, <strong>des</strong> instruments de musique<br />
et la voix (jeux vocaux, onomatopées associées à <strong>des</strong> bruits familiers<br />
d'objets ou d'animaux familiers par exemple) en accordant toujours<br />
une importance particuliére à la reconnaissance du bruit et à sa signification<br />
de fa~on & ce qu'il n'y ait pas de rupture entre perception<br />
et identification. On travaille également les perceptions kinesthésiques<br />
(reconnaissance d'objets, de matihres), ce qui permet également<br />
de travailler les sensations tactiles (froid, chaud, dur, ça<br />
pique...), les transformations de forme et de volumé avec conservation<br />
de h matière (pâte à modeler).<br />
Pour la perception visuelle, cinq axes de travail retiennent l'orthophoniste<br />
: coordination visuornotrice, discrimination fond-forme,<br />
constance <strong>des</strong> formes, positions dans l'espace et relationi spatiales.<br />
Ces jeux en éducation précoce se font souvent avec un matériel<br />
banal, dont les attributions peuvent varier ; le jeu de faire semblant
tient une place particulière de par sa relation avec le langage. Ainsi<br />
on amène l'enfant à évoquer, à élaborer <strong>des</strong> systèmes de représentation<br />
de lui-même et du monde environnant.<br />
Savoir solliciter et rendre porteur de sens les prémices corporels<br />
du langage semble $tre l'aide que la psychomotricité peut apporter,<br />
plus particuliérement lorsqu'il existe <strong>des</strong> troubles associés à la surdité,<br />
notamment pour les sourds surhandicapés qui nécessitent <strong>des</strong><br />
programmes éducatifs hautement spécialisés et individualisés.<br />
Le corps, et le i< geste n en prolongement du corps, restent fondamentaux,<br />
quand bien m&me ces gestes, captés très facilement par<br />
le canal visuel de l'enfant sourd, en arriveraient à être codés jusqu7à<br />
réaliser une langue.<br />
Projet médico-éducatif<br />
Au cours et nécessairement au terme de l'éducation précoce (à<br />
l'entrée en maternelle), se pose le problème du choix <strong>des</strong> métho<strong>des</strong><br />
éducatives et de l'orientation de l'enfant vers un mode de scolarisation<br />
(intégration - milieu spécialisé).<br />
Il est du rBle de l'équipe responsable de l'éducation précoce<br />
d'informer les familles le plus largement possible sur toutes les métho<strong>des</strong><br />
existantes, de leur faciliter l'accès vers ces informations et les<br />
approches nouvelles, comme le bilinguisme ou le LPC. Nous profitons<br />
de cette ptCriode où rien n'est encore joué, fixé, pour affiner<br />
d'une part diagnostic et pronostic, d'autre part mieux cerner les possibilités<br />
de communication de i'enfant et de relation de la famille. En<br />
raison de tout cela, et avec <strong>des</strong> parents interlocuteurs avertis et<br />
actifs, le choix d'une méthode ou de plusieurs métho<strong>des</strong> combinées<br />
ne doit plus poser de problémes majeurs. Le choix peut &tre fait pour<br />
chaque enfant, pour chaque famille, personnellement, en dehors de<br />
toutes préoccupations idéologiques.
LA GUIDANCE PARENTALE<br />
Le suivi précoce de l'enfant sourd et de sa famille s'est généralisé<br />
grilce à la prhcité accrue du diagnostic de surdité de l'enfant, à<br />
partir <strong>des</strong> années 1970, avec le dépistage systématique de la surdité à<br />
la naissance, le développement de l'audiométrie objective (électrocochléographie<br />
puis potentiels évoqués du tronc cérébral) et l7appareiilage<br />
précoce <strong>des</strong> nourrissons sourds. <strong>Les</strong> travaux portant sur le<br />
développement du langage de l'enfant, la mise en évidence de la<br />
compétence précoce du nourrisson et les interactions mkre-enfant<br />
ont contribué ii en préciser la methodologie.<br />
Si le diagnostic de surdité peut actuellement être posé dès la<br />
naissance, cela implique comme corollaire obligatoire qu'il soit immédiatement<br />
suivi par une action de guidance parentale et d'éducation<br />
précoce. A cet tige, la réussite de l'éducation précoce dépend<br />
fortement de l'intervention <strong>des</strong> professionnels auprès <strong>des</strong> familles<br />
d'enfants sourds, au point que nous devrions plutôt parler comme le<br />
font les Anglo-saxons, de programme pour enfants sourds ET leur<br />
famille.<br />
Nous appellerons donc guidance l'aide apportée aux familles au<br />
niveau psychologique et éducatif.<br />
Historiquement, ce travail auprès <strong>des</strong> familles s'est fait en deux<br />
temps. Dans les années cinquante, apparaissent les premieres initiatives<br />
généralisées d'aide aux parents (L. Tracy, D. Ling, J. Mervant)<br />
sous forme d'enseignement à domicile pour apprendre aux parents<br />
comment communiquer av& leurs enfants sourds pour favoriser l'apparition<br />
du langage. En France, la revue Réadaptation publie à partir<br />
de 1960 <strong>des</strong> articles pour conseiller les parents et en 1963, paraît le<br />
premier manuel pour parents d'enfants sourds. Mais, confrontés aux<br />
limites de ces conseils techniques isolés, les professionnels se tournent<br />
vers la psychologie pour analyser les processus psychologiques<br />
qui limitent l'efficacité de leurs conseils et se donner <strong>des</strong> outils plus<br />
opérants de sorte que, depuis une quinzaine d'années, les publications<br />
sur ce sujet sont innombrables et les outils psychologiques divers<br />
(Rogers, approche comportementale, psychanalyse, analyse<br />
transactionnelle, thérapie systémique). Actuellement, on admet que
ces deux axes de travail auprès <strong>des</strong> familles se complètent et sont<br />
tous deux indispensables pour assurer un développement harmonieux<br />
à l'enfant sourd au sein de sa famille et pour permettre un bon<br />
démanage de la communication, quelles que soient les options pédagogiques<br />
choisies.<br />
Processus de deuü<br />
Aprbs l'annonce du diagnostic de surdité, les professionnels<br />
voient souvent leur action éducative entravée par les réactions émotionnelles<br />
<strong>des</strong> parents face B la dkouverte puis la sanction du diagnostic.<br />
Ces réactions tSmotionnelles sont souvent <strong>des</strong> manifestations<br />
de ce qui a été décrit par le terme de «processus de deuil »<br />
(E. Kubler-Ross, 1969 ; K. Moses, 1977 4), tout événement provoquant<br />
une rupture avec un être cher ou dans l'image que s'en fait la<br />
personne, entraîne habituellement un processus de deuil, processus<br />
par lequel un individu se sépare de ses illusions perdues pour s'adapter<br />
B l'événement en retrouvant une congruence entre ses sentiments,<br />
ses pensées, ses actions et ses croyances. <strong>Les</strong> étapes du deuil<br />
sont d'abord le déni puis l'anxiété, la peur, le culpabilité, la dépression<br />
et la colère, le dernier stade en est l'acceptation psychologique<br />
qui permettra à la personne de mettre en oeuvre de nouvelles stratégies<br />
psychologiques et comportementales adaptées à la situation et<br />
orientées vers l'avenir. Cependant, les parents confrontés au diagnostic<br />
de handicap peuvent mettre longtemps à considérer la perte psyçhologique<br />
de l'enfant normal et être incapacités dans leurs actions.<br />
La traversée du processus et son aboutissement positif semblent<br />
facifit6s par les relations intelpersonnelles et par une aide psychologique<br />
ou psychothQapique. Or, souvent sans connaissance de ce processus,<br />
les professionnels, par leurs attitu<strong>des</strong>, leurs exigences,<br />
peuvent bloquer le processus alors que leur rôle devait être de le faciliter.<br />
Par une attitude d%coute, d'empathie, de non-jugement et de<br />
4. 33. K ~ BRossz L ~ On Bath and dylng, New-York N.Y. : Maemiltsn, 1969.<br />
K. MOSES* infanc de~~fiesss and pnrentui grief: p~hsociaf ear& intenmionft Ed~eunon of tke<br />
henrr'ng *ire& &'W. ChCDfege fiiftprass, San Diego, Cafifornia, 1985.
centrage sur les sentiments, nous pouvons au contraire améliorer<br />
notre cammunication avec les parents et les aider.<br />
A chaque étape de la vie de l'enfant, ces différents sentiments se<br />
trouvent réactivés. C'est souvent le cas pour le passage en cours préparatoire<br />
(moment où l'enfant va &tre comparé à ses pairs entendant~),<br />
i la puberté, au moment de l'entrée en apprentissage, au<br />
passage en secondaire, à l'entrée en étu<strong>des</strong> supérieures, au passage à<br />
l'autonomie compllste (mariage, entrée dans la vie professionnelle...).<br />
C'est la raison pour laquelle la guidance parentale, si elle commence<br />
à l'annonce du diagnostic et se superpose chronologiquement au debut<br />
de l'éducation précoce, continue pendant plusieurs années, suivant<br />
l'enfant dans sa maturation physique, psychologique, scolaire,<br />
jusqu'à l'&ge adulte.<br />
Analyse du processus de hi demande sociale<br />
A partir du moment où les parents rencontrent, découvrent le<br />
handicap de feur enfant, se noue pour eux quelque chose de l'ordre<br />
de la « mise en drame ». L'enfant est posé comme victime secondaire<br />
et les parents comme victimes principales ou encore l'enfant comme<br />
porteur du mai, de la maladie et Ies parents coupables - en tous cas<br />
cdpabillsés - comme cause ou comme source possible du mal : les<br />
parents entrent alors dans ce que nous appellerons le triangle dramatique.<br />
Dans la guidance parentale, les thérapeutes et les 6ducateurs<br />
perçoivent A la fois la démission <strong>des</strong> parents et la revendication <strong>des</strong><br />
parents : ils per~oivent que les parents i la fois décrochent, n'investissent<br />
pas « corne il faut » leur enfant et qu'ils ont les parents « sur<br />
le dos », qu'ils sont l'objet d'un transfert ... enfin ils ne savent pas bien<br />
quoi ...<br />
Ils perçoivent généralement les deux choses et s'efforcent de les<br />
résoudre en rephrant plus vaguement une sorte d'alternance, appréciant<br />
rarement que cette alternance entre les deux positions est sollicitée<br />
par eux-mêmes ; ou encore ils perçoivent (la dimension norma-
tive est parfois trbs explicite) les bons parents et les mauvais parents,<br />
les parents coopérateurs et les parents sans coopération possible,<br />
c'est-&-dire encore qu'ils s'accommodent de cette typologie. Dans la<br />
réalittr, les parents ne sont ni bons ni mauvais, ils sont le plus souvent<br />
comme le dit Winnimtt c( d'assez bons parents » et la question de<br />
leur parentage se pose aüleurs.<br />
Au triangle dmatique ( man S. ') présent4 au départ de la<br />
« prise en charge » (l'expression est claire) est opposable? de la part<br />
du thQapeute, de 174ducateur, de Phstitution de soins, le triangle<br />
thtrrapeutique ou éducationnel :<br />
1) par rapport à l'enfant<br />
2) par rapport aux parents<br />
3) à investir par les parents par rapport à leur enfant<br />
4) eventuellement dans une ré6laboration du systBme famgal.<br />
Persecution<br />
Par la norme excessive<br />
Sauvetage<br />
Substlturion, gavage<br />
- Victime<br />
f soumise)<br />
Puissance<br />
A<br />
de l'enfant libre<br />
Protection<br />
Permission<br />
de la norme adaptée<br />
ouverture d'un espace<br />
(ici, maintenant)<br />
de liberté<br />
Normatif + Nourricier +<br />
Adulte aux comman<strong>des</strong><br />
S. S. Ww, « Fairy tales and scxipt drama analysis », in TA.B., 7,1968, p. 39-43.<br />
169
De h « guidance parentale » au Parentage<br />
L'fféquipe professionnefle doit travailler avec les parents de telle<br />
sorte que les parents puissent, se permettent, r&&sent de fapn pertinente<br />
et pour kur propre compte cette m he fonction de parentage<br />
avec leur enfant; du coup, l'essentiel va reposer, pour les<br />
parents, dans le rapport de parentage du thbrapeute aux parents, sur<br />
une Ilhération, une rupture d'avec leur position de Victime, fondée<br />
sur la « Puissance de leur Enfant libre » (déparasitage <strong>des</strong> sentiments,<br />
traitement <strong>des</strong> méconnaisances du problème, « dhntamination<br />
» <strong>des</strong> eîats du Moi), leur d6marcIie sera prioritairement soutenue<br />
par la Permission accompagnée, par la Protection,<br />
Cette dbmarcbe est fondée sur l'affhation que les parents peuvent<br />
être <strong>des</strong> Parents positifs : ils peuvent « faire face », ils sont capables,<br />
pour peu qu'on écoute leur demande authentique et qu'on ne<br />
les sauve pas de cette demarche autonome,<br />
Le système familhl<br />
La structuration de la famiIle comme système, en I'wurrenee,<br />
s'est fond& sur le handicap, s'est légitim6e par lui ; d'une ccjrtaine<br />
façon, le handicap manifeste (avec un patient explicite et l6&isne),<br />
a saum » le systeme familial de ses troubles, en tout cas <strong>des</strong> troubles<br />
rhctionnds au dtz-voilement du handicap (<strong>des</strong> troubles cans6cutifs B<br />
l'assertion da trouble : f'institutionnalimtion du trouble* du handicap<br />
ou di: la maladie, est la fortifiation avancee - comme mauvais objet<br />
- de fa strategie de défense du systeme famrXia1).<br />
Le handicap, sitôt que rév6f6, prend place et s'incorpore dans le<br />
systame fam%aI. Selon les cas, il peut &lxe même une a protection du<br />
systame familid s, les changements du cc patient explicite et mis en<br />
avant >> risquent de contrecarrer le système, suscitant les freins du<br />
système famLtia1, sa résistance au changement. <strong>Les</strong> changements ou<br />
la guerison du
On a plus fréquemment mis en avant la perturbation provoquée<br />
chez la famiiie par la révélation du handicap. Ii importe de restituer<br />
cette part complémentaire et tout aussi importante de la rt4alité : les<br />
deux aspects dans leur caractère paradoxal, indiquent la dimension<br />
« systématique » du prwessus éducatif ou thérapeutique.<br />
Il y a Lieu de traiter le système comme tel, ce qui ne signifïe pas<br />
de rencontrer nécessairement ou à chaque instant la famille tout entière,<br />
mais d'incorporer cette dhension dans le traitement bducatif<br />
et thérapeutique à tout le moins dans la phase diagnostique, dans<br />
t'organisation du plan de traitement, dans l'évaluation du cours de la<br />
démarche et dans les indications du suivi.<br />
Le travail prend pour objectif la restructuration chez les parents<br />
de leurs rapports aux rôies sociaux, aux modèles de relation avec l'extbriwr<br />
(et notamment les modèles parentaux et éducationnels), aux<br />
N patterns u de leur groupe de référence, leur relation aux valeurs et<br />
aux normes, rendant ainsi possible et soutenant efficacement le<br />
développement spécifique de leur enfant handicapé. Si certaines personnes<br />
organisent toute leur vie comme une lutte contre leurs parents,<br />
il importe ici que les parents ne structurent pas toute leur vie<br />
comme une lutte contre le handimp (c'est-&-dire « contre u l'enfant<br />
handicapé), ne fondent pas leur vie sur le trouble ou la maladie,<br />
C'est un droit <strong>des</strong> parents que de se permettre B em-mêmes de<br />
pouvoir être parents : sur cette double permission (qui, entre autres<br />
choses, va les engager à se donner et à donner leur enfant la permission<br />
dkxister et de se developper de façon adaptée - c'est-&-dire<br />
non n4cessairement conforme aux nomes, aux valeurs et aux seh6-<br />
mas de développement genbraux, donc excessifs) va s'organiser une<br />
réponse 3 la double contrahte de la «mise en drame » par le<br />
handicap b<br />
6. P. GBNIN et M. GUICHARD, Extraits de Méthodologie pour une guidance parentaie : de la<br />
guidance précoce au parentage, BulL Audiopfromlagie, vol. 9, na 6,1979,63-78.<br />
171
Trop souvent, tout se passe comme si les professionnels sous-esh&ent<br />
les parents et comme si les parents sous-estimaient l'enfant.<br />
Si les parents ont un soutien psychologique adapte par un travail personnel<br />
individuel ou en groupe, ils pourront alors mieux entendre les<br />
hfomations spéei£iques concernant la surdité, que nous avons A leur<br />
transmettre.<br />
Ly~ormation ne prend son efficacité que si les éléments d'information<br />
apportés rencontrent chez l'interlocuteur un besoin pour afler<br />
plus loin dans son développement, pour lui permettre une perception<br />
plus juste d'un problème, pour affiner ses observations ou les expliquer.<br />
C'est la raison pour laquelle nous avons à les donner progressivement<br />
et uidividueuement, meme si un groupe de parents fanetionne<br />
pardalement.<br />
Nous diviserons ces informations pour les besoins de l'exposé en<br />
plusieurs chapitres :<br />
- la mmmunication verbale et non verbale, le processus de la cornmunication<br />
verbale, le dialogue, les outils de la communication de<br />
l'enfant sourd (restes auditüs, lecture labiale, cued speech, mùnogestuafite,<br />
langue <strong>des</strong> signes, français signé) ;<br />
- la surdité, son type, son degré, ses conséquences sur la perception<br />
de la parole ;<br />
- la prothese auditive, son intérêt et ses hites, la perception auditive<br />
et ses possibilités d'améfioration par l'entrahement auditif ;<br />
- les i étapes » du prélangage et du d6veloppement du langage de<br />
l'enfant. La relation entre la compréhension et l'expression verbale.<br />
La compréhension verbale et non verbale (situations - mimogestuatité).<br />
Le langage par rapport A la parole et I'articdation.<br />
- les relations entre niveau de langage et niveau de d6veloppement.<br />
<strong>Les</strong> capacités psychologiques de l'enfant.
It faut autre chose pour que les informations soient entendues<br />
par les parents et pour qu'ils se les approprient ; il leur faut être rassurés<br />
sur leurs propres capacités de savoir faire, de savoir dire, de<br />
savoir observer, d'intégrer le savoir transmis. C'est dans cette valorisation<br />
d'eux-mêmes, dans le fait d%tre confortés dans la justesse de<br />
leurs actes et dans leurs résultats, qu'ils puisent l'énergie nécessaire<br />
pour poursuivre leur tâche longue et difficile. Ce sont également les<br />
progrès verbaux de leur enfant qui les motivent, à nous de savoir les<br />
expliciter à chaque étape ou dans les moments de découragement,<br />
tout en leur apprenant la patience.<br />
Cela nous amène l'importance du travail par étapes. Le fait<br />
d'avoir atteint un but est sécurisant et valorisant pour les parents.<br />
Cela borne un chemin apparemment sans fin, les progrès ne sont<br />
ainsi pas noyés dans l'angoisse de l'avenir, on peut mesurer ensemble<br />
pas à pas le chemin parcouru et l'expliciter.<br />
Plus f'intervention peut paraître technique, plus il est important<br />
de la situer dans le contexte global, en tâchant de mettre en évidence<br />
le mieux apporté par la technique, mais aussi de valoriser d'autres<br />
aspects de l'enfant. Cela peut être sa communication extra-verbale,<br />
son autonomie, sa motricité, sa spontanéité, sa finesse à saisir certaines<br />
situations, etc. Savoir montrer aux parents les étapes que l'enfant<br />
a franchies, qu'ils puissent s'en réjouir. De même, on peut<br />
essayer de jalonner les étapes, donner <strong>des</strong> repères pour que les parents<br />
puissent anticiper les progrès, avoir la joie de les découvrir euxmêmes,<br />
y trouver <strong>des</strong> satisfactions et du plaisir.<br />
De la même façon que l'on valorise l'enfant, est-on toujours bien<br />
attentif à valoriser les parents lorsque l'occasion s'en prhsente ? On<br />
peut toujours trouver quelque chose à positiver sur les instants qui<br />
viennent de se dérouler, ou ce qui est rapporté de la vie familiale ou<br />
de l'orthophonie. Par exemple, le fait que les parents puissent remarquer<br />
que dans telle ou telle situation, « l'enfant réagit mieux » ou<br />
« est plus il l'aise », est en soi « remarquable ». -On peut ainsi leur<br />
renvoyer l'image positive de ce qu'ils n'auront peut-être pas repéré<br />
comme étant un signe d'être de
trouvent renfords dans leurs potentialités et acceptent mieux ensuite<br />
les indications du spécialiste.<br />
Eux aussi ont besoin de signes de reconnaissance. Notamment<br />
cette réassuranm dans leur fonction de parents peut les aider à libb<br />
rer chez eux ou acquérir les attitu<strong>des</strong> &ducatives qui font souvent<br />
dkfaut, notamment en matiere de fimites à poser à Yenfant. Assez<br />
fréquemmentF les parents ont du mal & dire e non B, à poser bites<br />
et interdits, mettant souvent en avant les dacdtés de communtatio~<br />
: n on ne peut pas lui expziquer ...»<br />
Ces deux aspects, l'un plus pJychologique, l'autre plas infornatg<br />
dans le travail avec les parents, sont en relation &roite et les termes<br />
ut%s& le montrent bien. Qu'il s'agisse pour lm h@o-smons de<br />
conselling, guidance, parenting », pour les francophones de n guidance,<br />
parentage, &oute active, accompapement, aide aux parents<br />
», l'objectif reste le même : arriver a ce que les parents se sentent<br />
impliqués dans l'éducation de leur enfant sourd, faire la distinction<br />
entre les difficultés spécifiques & la surdit9 et celles inhérentes<br />
au fonctionnement d'un couple, d'une famille fragüishs par le<br />
handicap, différencier ce parcours et les dvdnements lies il la surdité*<br />
intégrer les objectifs de l'éducation pr6eoce dans la dynamique familiale,<br />
donc que les parents se réapproprient dans sa dobalitt. leur enfant<br />
subitement passé sous la pseudo-raponsabilitd éducative <strong>des</strong><br />
professionnels depuis l'annonce du handicap (audioprothkssiste pour<br />
entendre ! orthophoniste pour apprendre à parler ! puis école specialisde..,).<br />
<strong>Les</strong> capacités de développement d'un enfant dépendent dans<br />
une large mesure du projet qu'ont pour fui les parents ET les professionnels,<br />
et c'est iorsqu'il s7&tabfit une harmonisation <strong>des</strong> projets parentaux<br />
et de I'équipe éducative que les rhsultats peuvent istre les<br />
meilleurs.<br />
Entre la relation avec les oahophonistes, les audioproth~sistes<br />
et les parents, au carrefour de plusieurs disciplines, le médecin pboniatre<br />
est en quelque sorte au centre du projet et le garant de sa COhérence.<br />
C'est à peine une boutade de dire que son rôle commence à<br />
Pissue du diagnostic. De sa façon de presenter am parents le pro-
gramme de suite pour leur enfant et pour eux-mêmes, dépendra en<br />
partie la cohérence impliquant d'emblée à part égale les parents dans<br />
la suite éducative par rapport aux professionnels soucieux de respecter<br />
le rythme propre <strong>des</strong> parents, kvitant le morcellement apparent<br />
de l'enfant entre les intervenants.<br />
En expliquant et donnant les reperes dans le temps, on permet<br />
aux parents d'imaginer, d'anticiper, et d'être plus actifs. Toutefois,<br />
cela ne résout pas tous les problèmes d'acceptation, loin de là, et l'on<br />
pourrait se pencher sur la dimension fantasmatique.<br />
Autant de réflexions qui se réfèrent à la pratique de l'écoute, du<br />
parentage (apprentissage de la fonction de parent), du travail de<br />
l'équipe sur elle-même,<br />
La réalisation <strong>des</strong> objectifs de l'4ducation précoce est affaire de<br />
tous, parents, spécialistes, pédagogues. Eue a besoin pour cela de<br />
s'organiser autour d'une cohérence (<strong>des</strong> informations, <strong>des</strong> métho<strong>des</strong>,<br />
<strong>des</strong> interventions, de l'équipe pluridisciplinaire).<br />
Comme l'enfant a besoin de la cohérence de son environnement,<br />
les parents ont besoin de ressentir également cette cohérence.<br />
Devant tel ou tel aspect inquiétant de la prise en charge, l'ensemble<br />
de l'équipe pourra réfléchir sur les éléments rapportés par tel<br />
ou tel intervenant, et se poser les questions suivantes :<br />
- Y a-t-il déception, frustration, fragilisation du plaisir ?<br />
- Où en est l'apprentissage de la fonction de parent ?<br />
- <strong>Les</strong> « modèles » qu'on offre sont-ils adéquats ?<br />
-.<strong>Les</strong> « modèles » proposés à l'enfant sont-ils à revoir, à perfectionner,<br />
à réassurer chez les parents ?<br />
- <strong>Les</strong> stimulations et les signes de reconnaissance adressés à l'enfant<br />
et aux parents sont-ils suffisants et de qualité ?<br />
- Existe-t-il quelque chose (émotion) qui fait obstacle à la relation<br />
d'intimité avec l'enfant ?<br />
- <strong>Les</strong> informations aux parents sont-eues suffisantes ? <strong>Les</strong> ont-ils<br />
entendues ?<br />
La présence du mCdecin psychiatre, du psychologue, en aidant à<br />
l'analyse de ces observations et en introduisant les composantes psy-
chologiques et psychanalytiques permet réflexion et adaptation de la<br />
conduite % tenir. En effet, le handicap peut s'installer dans un systkme<br />
familial. avec son rBle propre, et tout changement que l'on tentera<br />
d7htrod~e à propos du handicap se heurtera aux r6sistances du<br />
ystame tout entier. U y a donc lieu d'incorporer cette dimension à<br />
tout instant dans le projet thérapeutique et éducatif.<br />
CONCLUSION<br />
Guidance parentale et éducation précoce font hmédiatement<br />
suite au diagnostic de surdite. C'est 1% un schéma de fonctionnement<br />
pour l'enfant de O il 3 ans applicable dans sa méthodologie à, tout<br />
handicap après l'annonce du diagnostic. L'&éducation précoce, c'est<br />
aussi cette tranche de temps comprise entre le diagnostic et la période<br />
préscolaire où, certes, l'action de l'orthophoniste est prépond6-<br />
rante en temps, mais c'est aussi la période de la prkision du<br />
diapostic et de l'adaptation prothétique : les prclcisions <strong>des</strong> observations<br />
médicales et orthophoniques débouchent sur une meilleure<br />
adaptation prothétique. L'éducation precoce s'adresse à l'enfant, la<br />
guidance aux parents. Ces deux actions sont toutes deux nécessaires.<br />
Comme dans Péducation précoce les ktewenants sont multiples, l'intervenant<br />
central &tant le psychologue dont l'intervention auprès <strong>des</strong><br />
parents et de l'enfant se poursuivra au-del& de la période d'éducation<br />
prbce. Ce schhrna de suivi de l'enfant sourd est independant du<br />
degr6 de la surdith, la blessure parentale est sans rapport avec notre<br />
diagnostic et notre pronostic. De même, pour les surdftes moyennes,<br />
on ne peut faire abstraction de la précision diamostique et du suivi<br />
prothétique, et les habitu<strong>des</strong> de mmmunication prises entre les parents<br />
et l'enfant vont d'autant plus entraver l'éducation que le diagnostic<br />
est plus tardif.
A propos de l'enfant, petite personne à devenir grande, nous citerons,<br />
pour finir, ces mots de A. Menegawr7 : « Une chose est de<br />
dire "oui, tu peux", une autre est de s'accroupir, inc~er la tete, sourire,<br />
tendre la main en esquissant un mouvement pour accompagner<br />
lknfant, tout en disant "Oui, vas-y, tu peux" ... Ne considérer que les<br />
canaiax et oublier que lkformation qui transite par eux est mue par<br />
une Bnergie, c'est ne considérer que Phformation qui passe et oublier<br />
les signes de reconnaissance qui empkhent "la moeile épinière<br />
de se flétrir"', c'est oublier que la mémoire (et la mémorisation) sont<br />
"teintées cf'affectivité.,.". C'est réduire à un problème fiformatique<br />
ce qui est de l'ordre du plaisir et de la tendresse ».<br />
7. A. MENEGAUX, « Des caresses physiques aux signes de reconnaissances verbaux P, BuIfetin<br />
d%luciiophonologe, Besançon, Prélangage 1979.
LA PRISE EN COMPTE DES DEFiCIENTS AUDITIFS<br />
PAR LA D.A.S.S.<br />
Exposé présenté aux journées d9étu<strong>des</strong><br />
de la Fédération Nationale <strong>des</strong> Instituts de Jeunes Sourds<br />
et de Jeunes Aveugles de France (FISAF)<br />
ie 23 novembre 1988<br />
Jean CHAPPELLET *<br />
Je voudrais vous faire connaître, à travers l'exemple particulier<br />
d'un Département, la Drôme, d'une catégorie de handicaps, la déficience<br />
auditive sévère ou profonde la façon, dont travaiiie la DASS<br />
pour permettre la rtSponse aux besoins de ta population.<br />
Il faut prhiser que la démarche n'est pas sensBement différente,<br />
qu'il s'agisse de deficience sensorielle ou de handicap autre.<br />
Je ne parlerai pas du handicap visuel. Pourquoi ce choix de la<br />
déficience auditive ? Tout simptement parce que mon Département<br />
a été amené à s'intéresser de plus près à ce problème du fait de<br />
l'existence d'un IlvE recevant <strong>des</strong> deficients auditifs.<br />
Je me contenterai d'un exposé où je poserai le cadre théorique<br />
de notre action, puis je relaterai ce qui a été fait dans la Drhme et ce<br />
qui, à mon sens, reste à faire.<br />
* Directeur Départemental <strong>des</strong> Affaires Sanitaires et Sociales de la Ddme.<br />
179
1 - LE CADRE THEORIQUE DE L'ACTION DE LA DASS<br />
A - Lorsque l'on parle de fa DASS, ce n'est pas toute la DASS.<br />
Sont concernés le Méd& hspecteur départementd, le service de<br />
Tutelle et de la CDES, service conjoint avec 17Education nationale.<br />
Le MID intervient comme conseiller technique, la CDES a un<br />
rôle éminent en matiare de planification, le service de Tutelle ayant<br />
le rdle essentiel de réception <strong>des</strong> projets, d'analyse et de contrôle <strong>des</strong><br />
actions conduites et l'arbitrage revient au Directeur entre <strong>des</strong> projets<br />
aussi divers qu'une section de cure médicale ou un SSESAD.<br />
Il faut bien voir que le problème <strong>des</strong> déficients sensoriels n'est<br />
qu'un é1f:ment de la politique sanitaire ou médico-sociale departementale.<br />
Ainsi, dans la Drôme, le nombre d'ktablissements sous tarification<br />
préfectorale, donc sous eomp6tence de la DASS est de 111,<br />
reprbentant 1 366 268 915 F. Là <strong>des</strong>sus l'enfance handicapée représente<br />
21 6tablissements ou services, 19 9% <strong>des</strong> établissements mais<br />
10,76 % de la masse budgétaire, Quant au budget consacré aux déficients<br />
auditifs, c'est 26 M. de francs, soit moins de 2 %. A budget limitts,<br />
arbitrages nécessaires entre tous les secteurs.<br />
B -A noter 6gdernent que la DASS n'est pas le seul partenaire<br />
hstitutionnel à intervenir, et cela a son importance.<br />
Interviennent également :<br />
- l'Assurance maladie financeur, puisque de façon générale, le Ministère<br />
de h Santé ne prend pas en charge financièrement les etabEssements<br />
sanitaires ou médico-sociaux ;<br />
- 1'Education nationale de plus en plus partenaire oblige compte tenu<br />
du développement de I'htégration ;<br />
- la Santé scolaire (Education nationale) et la PMI (Conseil g6néral)<br />
depuis le le' janvier 1984 ;<br />
- enfin, les gestionnaires d76tablissements et les associations d'usagers,<br />
puisque nous sommes depuis longtemps un ministère décentralisé.
C'est dire l'importance du r81e de concertation et de coordination<br />
que nous sommes amenés à jouer dans le domaine <strong>des</strong> déficients<br />
sensoriels comme dans les autres.<br />
C - <strong>Les</strong> contraintes ou règles d'action de la DASS<br />
Je dirai qu'elles sont au nombre de quatre :<br />
- La première est, bien entendu, le cadre réglementaire que nous<br />
sommes chargés de faire appliquer : réglementation générale ou spécifique,<br />
comme dans le cas particulier le décret du 22 avril 1988 modifiant<br />
l'Annexe XXIV quater.<br />
- La deuxième est qu'il convient de veiller en toutes circonstances<br />
à ce que les finances de l'assurance maladie soient utilisées au<br />
mieux <strong>des</strong> besoins ; ceci est d'autant plus une obligation que les dépenses<br />
de l'assurance maladie ne doivent pas évoluer au plan départemental<br />
de façon supérieure au taux directeur annuel. Nous sommes<br />
donc contraints en permanence à une appréciation de la gestion <strong>des</strong><br />
établissements ou services et à <strong>des</strong> ajustements de budgets.<br />
- La troisième, voisine de la deuxième, est qu'il faut adapter en<br />
permanence les mo<strong>des</strong> de prise en charge aux besoins de la population<br />
et aux nouveaux mo<strong>des</strong> de prise en charge.<br />
. Le domaine <strong>des</strong> handicaps sensoriels est à cet 6gard particulièrement<br />
significatif ; 1'Education nationale, suite aux circulaires de<br />
1982 et 1983 (et même avant) a mis en place <strong>des</strong> classes spécialisées,<br />
cause et conséquence d'une certaine désaffection pour les établissements<br />
classiques. Dans le même sens, jouent une nouvelle attitude<br />
<strong>des</strong> parents, <strong>des</strong> associations de parents, <strong>des</strong> établissements euxmêmes,<br />
de nouvelles techniques bien sQr. Tout cela est repris dans<br />
l'annexe XXIV quater « nouvelle version » qui affirme le rôle irremplaçable<br />
de la famille en matière de compensation du handicap<br />
sensoriel.<br />
C'est pourquoi la règle d'action que nous fixe le Ministère depuis<br />
quelques années, et que nous appliquons, est dans ce domaine :
ouverture sur l'extérieur pour l'intégration et diversification <strong>des</strong><br />
mo<strong>des</strong> de prise en charge.<br />
- Enfin, la dernière contrainte à laquelle j'ai déjil fait allusion en<br />
parlant d'arbitrage est la contrainte de la non-progession <strong>des</strong> dBpenses<br />
de l'assurance maladie. Il faut savoir que, pour réaliser les<br />
projets nouveaux, les DASS disposent de deux moyens :<br />
. la marge de manoeuvre, laquelle a tendance il se réduire : 0,36 %<br />
en 1989, soit pour la Drame 5 M. de francs environ, à rapprocher<br />
du coQt d'un SSESAD de 16 places pour enfants sourds, 800 000 F. ;<br />
. les redéploiements, c'est-à-dire la récupération de moyens devenus<br />
inutiles sur les établissements.<br />
Compte tenu <strong>des</strong> besoins dans d'autres secteurs (personnes<br />
agées notamment), de la relative désaffection <strong>des</strong> établissements de<br />
l'enfance inadaptée, nous considérons que la marge de manoeuvre<br />
ne peut abonder ce secteur. C'est pourquoi toute ouverture de services<br />
nouveaux dans le secteur de l'enfance inadaptée ne peut se<br />
faire que par redéploiement à partir de ce secteur.<br />
C'est d'ailleurs le contenu de la circulaire annuelle sur les redéploiements.<br />
II - LA SITUATION DE LA DROME : DEPARTEMENT DE<br />
389 000 HABITANTS, 114 000 JEUNES DE MOINS DE 19 ANS<br />
A - La situation initiale (1981)<br />
1 - UNE3 TERN3 D'ACCUEIL POUR L'ENFANCE INmmE<br />
Qu'il s'agisse <strong>des</strong> IMP, IMPro, IME, les étabissements sont<br />
nombreux dans la Drame et très supdrieurs aux indices régionaux ou<br />
nationaux. Ces établissements jouent donc un r61e d'appel pour les<br />
départements voisins.
2 - EN MA'MERE DE DEFICIENTS AUDITIFS, la situation est identique<br />
puisqu'existait au pied du Vercors un IME agréé depuis 1970 au titre<br />
de l'annexe XXIV quater pour recevoir <strong>des</strong> déficients auditifs débiles<br />
moyens (QI de 0'50 à 0'70) <strong>des</strong> deux sexes âgés de 5 h 20 ans, de 150<br />
places.<br />
Le recrutemefit est largement national puisque en 1981-1982 la<br />
région Rhône-Alpes représente 40 % de l'effectif de l'établissement.<br />
Le taux d'occupation connaissait une tendance à la baisse amorcée<br />
dbs 1978, devenue très nette en 1981 ; l'âge moyen <strong>des</strong> pensionnaires,<br />
de plus, permettait de penser que cette tendance ne pourrait<br />
que s'accroître du fait <strong>des</strong> départs non compensés.<br />
Enfin, on constatait l'importance <strong>des</strong> handicaps associés à la d6-<br />
ficience auditive.<br />
Très tôt se sont mises en place, ainsi qu'il apparaît sur la carte,<br />
<strong>des</strong> structures pour l'enfance inadaptée susceptibles de concourir à<br />
l'accueil et au traitement <strong>des</strong> déficients auditifs ou non, mais significatives<br />
du mouvement de développement de l'intégration.<br />
Ainsi, dans le domaine médico-social, relève-t-on deux CAMSP<br />
(40 places), quatre CMPP, deux SSESAD.<br />
S'y ajoutaient deux classes maternelles et une classe primaire<br />
pour enfants sourds (de I'Education nationale) accueillant <strong>des</strong> enfants<br />
sourds avec le soutien du CMPP et du CAMSP (classes situées<br />
à Valence).<br />
B - <strong>Les</strong> modifications intervenues<br />
l/ De missions d'enquête en enquêtes de I'IGAS l, sur proposition<br />
de l'établissement en 1986, fut réalisée une réduction de l'agrément<br />
à 110 lits, s'accompagnant d'une modification de la population<br />
1. Inspection G6nérale <strong>des</strong> Affaires Sociales.
accueillie (déficients auditifs, débiles moyens, et déficients auditifs<br />
présentant <strong>des</strong> troubles associès), par arrêté du Préfet de Région en<br />
date du 7 novembre 1986.<br />
Cette diminution de capacité s'accompagnait de la nkessit6 de<br />
supprimer 16'25 emplois, toutes categories confondues, et la recommandation<br />
de recentrer l'activité sur le sud-est.<br />
21 Ouverture d'un foyer exterieur pour les 18/20 ans de 9 places<br />
à l'extérieur de 1'Etablissement compris dans la capacité de 110<br />
places.<br />
31 Avant la circulaire de 1988, i'établissement se comportait en<br />
centres de ressources, en appuyant les SSESAD du département voisin<br />
par mise disposition conventionnelle <strong>des</strong> professeurs C W A<br />
« exddentaires »: 3'5 postes.<br />
4/ Enfim, depuis la rentrée scolaire 1988-89, PétabEsernent a<br />
également ouvert un SSESAD de 16 places (8 materneiles - 8 primaires)<br />
à Valence, à peu près rempli, pour déficients auditifs s6vGres<br />
et profonds.<br />
A noter que YEducation nationale dispose parallèlement de<br />
deux postes ambulatoires #enseignants spécialises maternelle et<br />
primaire il Vaience et de deux postes à Romans et Valence, en primaire,<br />
pour déficients auditifs moyens-légers.<br />
C - Projets Immddiats<br />
L'etabfissement, parmi les 107 pensionnaires à ce jour, en<br />
compte 43 (soit 40 %) de plus de 18 ans, dont un certain nombre relevant<br />
de CAT. Compte tenu <strong>des</strong> besoins en matière de travail prot&g&<br />
non couverts sur le département, il est prévu de mettre en place<br />
un CAT (40 places) géré par l'hociation, mais non spécgique du<br />
handicap auditif. Reconversion qui, bien entendu, conduira Ct remettre<br />
en cause la capacitts de PIME.
D - L'avenir<br />
A noter d'ores et déjà que les gran<strong>des</strong> lignes de la circulaire de<br />
1988 sont satisfaites : ouverture sur l'extérieur de l'établissement,<br />
établissement centre de ressources et le tout, bien sQr, sans crédits de<br />
postes et par redéploiement.<br />
<strong>Les</strong> questions qui se posent B ce point de l'exposé sont les<br />
suivantes :<br />
- les besoins de la population sont-ils couverts ?<br />
- le fonctionnement <strong>des</strong> structures existantes est-il opthaf ?<br />
Si l'on résume, la situation se présente de la façon suivante : une<br />
étude de besoins a été faite en 1985-1986 par la CDES concluant<br />
un recensement A l'époque de 98 enfants d'tige maternelle, primaire,<br />
secondaire nés entre 65 et 85 déficients auditifs sévères et profonds<br />
(dont 55 de moins de 11 ans).<br />
Cette enquête fait également apparaître <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de prise en<br />
charge très différents (suivi Education nationale, placement en établissement<br />
spécialisé hors département, pas de suivi) et bien entendu<br />
une dispersion sur l'ensemble du département.<br />
L'importance de ces chiffres nous a conduit à recommencer une<br />
enquête adressée A la PMI, Santé scolaire, centres hospitaliers<br />
(ORL), CAMSP ; enquête nominale, dont les résultats seront connus<br />
le ler décembre 1988.<br />
Une parenthèse: la perception <strong>des</strong> besoins est très difficile.<br />
Raisons :<br />
- évolution permanente de la situation ;<br />
- possibzté de dégager seulement <strong>des</strong> indications générales, qui ne<br />
tiennent pas compte <strong>des</strong> souhaits <strong>des</strong> intéressés ; nous ne disposons<br />
même pas de l'appui <strong>des</strong> indices lits/population, contrairement au<br />
secteur sanitaire ;<br />
- très équipé pour le constat, mais pour la prévision : très difficile ;<br />
Quoi qu'il en soit, de nombreuses questions se posent encore :<br />
- seule une petite partie du département est couverte : nord, sud de<br />
département où les besoins ont été recensés d'ores et déjà ;
- la prise en charges <strong>des</strong> enfants d'fige pré-maternel n'est pas encore<br />
réalisée ; l'assistance aux familles <strong>des</strong> enfants frequentant l'école<br />
ordinaire n'est pas faite ;<br />
- le recrutement de 1'IME n'est pas encore suffisamment local, malgré<br />
les recommandations de l'IGkS. Ainsi, ii ce jour, 34 % seulement<br />
<strong>des</strong> pensionnaires sont originaires de RhBne-Alpes.<br />
CONCLUSION<br />
C'est pourquoi, en vertu <strong>des</strong> recommandations de la circulaire<br />
de 1988, nous pensons que le schéma précédant pourrait être<br />
complété d'un SSESAD sur le sud du département, d'un service<br />
d'éducation précoce et de soutien de I'intégration scolaire et d'une<br />
diminution de la capacité de I'INE (cf. dernier schéma),<br />
Un vaste chantier demeure donc encore.<br />
Mais <strong>des</strong> conditions doivent être remplies pour cela :<br />
- une modification <strong>des</strong> pratiques professionnelles : moins de Pensionnaires,<br />
plus d'activités extérieures ;<br />
- une volonté de collaboration entre structures (Education nationale<br />
et associations notamment) ;<br />
- dépasser le département pour un raisonnement au plan rggional<br />
voire inter-régional (cf. le Vaucluse).<br />
Le delai de deux ans ouvert par le décret de 1988 devrait permettre<br />
cette transformation.
ETABUSSEMENTS<br />
ET SERVICES POUR L'ENFANCE<br />
ET LA JEUNESSE M DIWEES
ENFANTS PLACES DANS LES ETABLISSEMENTS<br />
(ANNEE SCOLAIRE 85-86)<br />
SPECIALISES<br />
* 6 à 12 ans = 13<br />
O > 12ans = 23<br />
TotaI = 41
ENFANTSUMS PAR L'ECOLE AMBULATOIRE<br />
ET LA CLASSE POUR ENFANTS DA.<br />
(ECOLE A. BAYET)<br />
(-E SCOMRE 85-86)<br />
w maternelle = 10<br />
4 élémentaire = 8<br />
Total = 18
ENFANTS QUI NE BENEFICIENT @AUCUNE STRUCIïJRE<br />
e < 6ans = 17<br />
4 6k12ans = 9<br />
X >12ans=13<br />
Total = 39
TABLEAU RECAPITULATIF GLOBAL :<br />
enfants suivis par l'dcole ambulatoire et la classe pour enfants déficients a<br />
enfants placés dans les btablissements spdciaiisés = 41<br />
enfants qui ne Wéficient d'aucune saucture = 39
110 places<br />
(dont 9 en<br />
foyer exterieur)<br />
r------- 7 CENTRE DE RESSOURCES<br />
t H f s e i o n de<br />
!<br />
t 3,s professeurs
S.S.E.S.R.D<br />
VALENCE<br />
X.M.E.<br />
PLACES ?<br />
S.S.E.S.A.D.<br />
SUD-DROME<br />
C.A.T.<br />
40 places<br />
FAMILIAL<br />
SOUTIEN A L'INTEGFIATION<br />
SCOLAIRE<br />
EPUCATION NATIONALE<br />
ENSEIGNEMENT ORDINAIRE<br />
OU SPECIALISE
PRESENTATION D'UN SERVICE DE SOUTIEN<br />
A L'EDUCATION E m W E<br />
ET A L91NTEGWTION SC0<br />
A VALENCE (SSEFIS)<br />
ORIGINE DYUN SERmCE DE SOUmEN A L'EDUCATlON<br />
FGhllILmE ET A L'mEGMTION SCOLAIRE A VUENCE<br />
CEtablissement prive pour Déficients Auditifs g6ré par une Association<br />
loi 1901 & Saint Laurent en Royans, dans la Drome, totalise<br />
une longue expérience de la prise en charge en internat <strong>des</strong> enfants<br />
et adolescents sourds plurihandicapés (agrément pour 110 pensionnaires),<br />
& l'échelle régionale, voire nationale.<br />
Il a souhaité la cr6ation dkn SSEFIS pour plusieurs raisons interdépendantes.<br />
1") Répondre aux deman<strong>des</strong> <strong>des</strong> familles du departement de la<br />
Drorne <strong>des</strong>ireuses dqviter ou de retarder le placement de leur jeune<br />
enfant sourd en internat (les etablissements les plus proches sont distants<br />
d'au moins POO km), tout en lui assurant une prise en charge<br />
sp&ialisee à l'école ordinaire. Ainsi, le recensement, réalisé avec la<br />
couaboration de VAPEDA et les Services de 1'Education speciale,<br />
avait permis de dénombrer une population de seize enfants en âge<br />
* Responsable pédagogique, Institut MédimEducatif pour Déficients Auditifs «La Providence<br />
», Saint Laurent en Royans,<br />
1. APEDA : Association de parents d'enfants déficients auditifs.
maternel et primaire nécessitant la création d'un SSEFIS pour enfants<br />
sourds sévères et profonds du Nord du département.<br />
2") Permettre à l'établissement spécialisé, tout en poursuivant<br />
son projet initial, de se transformer progressivement en structure<br />
proposant <strong>des</strong> services spécifiques diversifiés pour enfants et adultes<br />
déficients auditifs.<br />
Ainsi le redéploiement partiel de ses moyens (personnels spécialisés<br />
et moyens techniques) en direction <strong>des</strong> i< usagers B parents et<br />
enfants déficients auditifs du département, conformément aux directives<br />
en vigueur, notamment la circulaire de janvier 1983, a permis<br />
l'ouverture d'un SSEFIS à Valence depuis septembre 1988.<br />
FONCTIONNEMENT DU SSEFIS DE VALENCE<br />
Dans la perspective de l'ouverture d'un SSEFIS à Valence, plusieurs<br />
rencontres de travail eurent lieu au cours de l'année 1988, à<br />
l'initiative du DDASS de la Drome et réunissant les différents partenaires<br />
sociaux : représentants <strong>des</strong> parents, de l'Education nationale,<br />
de la Ville de Valence, de l'Etablissement spécialisé, et devant aboutir<br />
à la signature d'une Convention quadripartite (DDASS, Education<br />
nationale, Mairie de Valence, Etablissement spécialisé). Cette<br />
Convention rappelle les objectifs du SSEFIS et précise les relations<br />
<strong>des</strong> institutions partie prenante de ce projet. Puis les rencontres eurent<br />
lieu entre les bquipes éducatives de I'Education nationale et du<br />
SSEFIS afin de permettre d'établir le projet pédagogique relatif à la<br />
prise en charge <strong>des</strong> enfants sourds accueWs il l'Ecole ordinaire ainsi<br />
que les modalités de participation de chaque membre de l'équipe<br />
pluridisciplinaire. L'élaboration commune de ce projet favorise la<br />
connaissance et reconnaissance mutueue <strong>des</strong> personnels de formations<br />
différentes mais complémentaires.<br />
Depuis septembre 1988,l'Ecole maternelle Romain Rolland accueiue<br />
un groupe de sept enfants soutds sévères et profonds âgés de<br />
3 à 6 ans, en classe maternelle spécialisée, et l'Ecole d'application
Léo Lagrange accueille 8 enfants sourds sévères et profonds $g6s de<br />
6 à 12 ans en classe primaire.<br />
Ces enfants sont ori&aires du nord de la Drome. Us sont<br />
conduits & l'école par leur famille ou par un taxi après accord de la<br />
CDES. Ils prennent leur repas à la cantine scolaire.<br />
<strong>Les</strong> tocaux<br />
La Convention passée avec I'Education nationale et avec le<br />
Maire de Valence a prévu L'utstaUation d'une salle de classe dans<br />
chaque Me, ce qui favorise l'intervention conjohte <strong>des</strong> personnels<br />
spécialisés du SSEFTS et de I'Education nationale, une cloison permettant<br />
<strong>des</strong> activités pédagogques en sous-groupe. Ces salles possèdent<br />
une banne isolation phonique, souhaitée pour l'utssation<br />
d'appareillages ampEateurs collectifs et individuels. Une salle<br />
d'éducation de la parole attenante à la salle de classe permet la prise<br />
en charge individuelle de chaque enfant pour l'apprentissage et la<br />
correction de la parole. Elle est équipée de matériel amplificateur.<br />
LE CADRE ADMINISmTIF<br />
Le SSEFIS possède un budget distinct de YEtablissement d'origine<br />
et établi par ce dernier. Des conventions sont passées avec les<br />
organismes payeurs (Caisse régionale d'assurance maladie) et avec<br />
I'Ecole ordinaire et la Viiie de Valence, en application de la circulaire<br />
no 834 du 29 janvier 1983. Le personnel du SSEFIS, redt5ployd<br />
à partir de I'établissement d'origine, et sous l'autorité du directeur,<br />
comprend :<br />
- La responsable pédagogique : 4 h. d'interventions hebdomadaires.<br />
- 3 professeurs spécialisés (Certificat d'aptitude à I'enseipement <strong>des</strong><br />
jeunes déficients audit&) dont une personne sourde mi-temps.<br />
- 1 psychologue clinicien (8 h. hebdomadaires).
- 114 de temps de psychomotricienne.<br />
- 1 médecin audiophonologiste vacataire.<br />
- 1 temps partiel de secrétariat et comptabilité (assuré par l'établissement).<br />
- 1 audioprothesiste vacataire.<br />
LE CADRE EDUCATIF DU SSEFfS<br />
La famille inscrit son enfant sourd à l'école ordinaire et au<br />
SSEF3S (après dbision de la CDES). Dans le cadre de rencontres<br />
régufibres avec l'équipe éducative, elle est inform4e du projet éducatif<br />
propos4 à son enfant, elle donne son avis et participe à la rbalisation<br />
de ce projet.<br />
<strong>Les</strong> enfants sourds étant accueillis dans une classe spécialisée,<br />
maternelle et primaire à I'intérieur d'un groupe scolaire ordinaire,<br />
leur prise en charge scolaire est assurtSe par un maître de l'enseignement<br />
public dipl8mé (Certificat d'aptitude à l'enseignement <strong>des</strong> inadaptés,<br />
option handicap& auditifs), en CO-responsabilité avec un<br />
professeur sptscialisé (CAEJDA) ; ce dernier assure plus particdierernent,<br />
mais non exdusivement, f'enseiflernent du franqis et les<br />
apprentissages spécifiques lies à la surdité, individuellement ou collectivement.<br />
Le maître spf?cialisé de l'enseignement public dispense<br />
l'enseimement <strong>des</strong> autres disciplines scolaires selon les programmes<br />
officiels de lPEducation nationale.<br />
<strong>Les</strong> enfants bknéficient par ailleurs d'un enseignement de la LSF<br />
dispensé par un professeur sourd spécialisé (CAEJDA) intervenant à<br />
temps partiel (6 h. hebdomadaires).<br />
Dans cette &pipe pédagogique de base et en collaboration<br />
etroite avec elle, interviennent, en fonction <strong>des</strong> besoins propres à<br />
chaque enfant ou à la dasse, une psychomotricienne, un psycholope<br />
chicien L1 temps partiel, un médecin audiophonologiste vacataire, un<br />
psychologue scolaire, un audioprothésiste.
<strong>Les</strong> représentants de l'école ordinaire (inspecteur de 1'Education<br />
spéciale, directeurs, conseillers pédagogiques, psychologues scolaires,<br />
assistantes <strong>sociales</strong> de 17Education spéciale ou de secteur), participent<br />
à l'élaboration et au réajustement du projet pédagogique et<br />
d'htégration scolaire, aux reunions de synthèses, aux bilans trimestriels<br />
ou annuels.<br />
L'ACTION EDUCATlVE DU SSEFIS<br />
Auprès <strong>des</strong> familles <strong>des</strong> enfants sourds<br />
La famille est responsable tout au long de la scolarité <strong>des</strong> choix<br />
et <strong>des</strong> décisions qui président à l'éducation de son enfant aux c6tQ<br />
de l'équipe éducative.<br />
%e r6le du SSEFIS consiste dans l'aide personnalisée qu'il peut<br />
apporter à chaque famille pour la construction et l'édification d'une<br />
communication.<br />
Ainsi, la présence <strong>des</strong> personnels spkialisés, leur écoute attentive,<br />
les informations et conseils dispensés lors <strong>des</strong> rencontres, peuvent<br />
permettre aux parents de rendre la relation entre eux et avec<br />
leur enfant beaucoup plus spontanée et naturelie, en favorisant l'expression<br />
de leur inquiétude et attente face au handicap. Désireux de<br />
respecter le choix <strong>des</strong> familles en matière de communication, le<br />
SSEFIS propose <strong>des</strong> cours hebdomadaires de TSF ; par ailleurs, un<br />
enseignement à l'utilisation du langage parlé complété (LPC) est en<br />
projet pour la prochaine rentrée scolaire.<br />
Gr$ce à l'instauration et au maintien d'une communication gratifiante<br />
et efficace avec leur enfant, les parents peuvent se sentir<br />
compétents dans leur fonction parentale langagière. Ils préparent<br />
avec les professionnels les fonctions indispensables à l'apprentissage<br />
de la langue orale et écrite et à l'intégration scolaire de leur enfant.
Ils sont invités à participer régulièrement à <strong>des</strong> rencontres ii<br />
l'école afin qu'ils soient informés de l'évolution de leur enfant et<br />
qu'ils puissent donner leur avis concernant tout changement pouvant<br />
intervenir dans la prise en charge : mise en place de soutien spécifique,<br />
mesure d'intégration individuelle, orientation alaire.<br />
Un cahier de liaison écolelfamille véhicule les petites informations<br />
journalihres.<br />
Au sein <strong>des</strong> classes sp6ciaiisées<br />
Dans le but de réaliser cet équilibre souhaitable pour l'enfant<br />
sourd entre ses besoins de communication, de participation sociale et<br />
d'apprentissages scolaires, les échanges se fondent, au sein de la<br />
classe, sur une communication bimodale, basée à la fois sur le langage<br />
parlé et le langage gestuel.<br />
La fonction du professeur spéciaiisé comprend :<br />
- L'éducation auditive : <strong>des</strong> situations collectives ou individuelles<br />
exercent l'enfant sourd, muni d'une prothèse auditive, à utiliser au<br />
maximum ses restes auditifs et ii structurer ses expériences auditives<br />
quotidiennes.<br />
- L'apprentissage et la correction de la parole font l'objet d'un<br />
travail éducatif individuel de une demi-heure par jour et par enfant,<br />
dans le local <strong>des</strong>tiné à cet usage.<br />
Cette éducation du langage parlé, dans ses aspects syntaxiques et<br />
sémantiques s'appuie largement sur <strong>des</strong> activit4.s intégrant la dimension<br />
de la communication.<br />
- L'entraînement à la lecture labiale.<br />
Cet enseignement est entrepris paraliblement à l'éducation auditive<br />
et ii l'apprentissage de la parole lors d'activités individuelles ou<br />
collectives.<br />
- L'enseignement de l'écrit est entrepris précocement. <strong>Les</strong> situations<br />
de lecture s'attachent & faire découvrir à l'enfant sourd la signi-
fication de l'écrit par la mise en relation graphie-sens en entraînant<br />
pardblement l'enfant à l'apprentissage <strong>des</strong> relations graphie-son,<br />
Cet enseipement a recours à la LSF et aux ai<strong>des</strong> techniques visuelles<br />
multiples : pictogramme, idéogramme..,<br />
- L'enseignement de la Langue <strong>des</strong> signes française.<br />
Outre le fait que le geste fait partie intégrante de la cornmunieation<br />
de l'entendant, dans son développement initial, ou dans son accompapslement<br />
spontané, il est naturellement utilis6 par l'enfant<br />
sourd dans sa communication visuo-pstuelle avec son entourage.<br />
L'apprenthge de la LXF par le jeune enfant sourd trouve toute<br />
sa justifiation dans la mesure où elle introduit rapidement l'enfant<br />
dans l'ordre de la communication semiotisée, dans le cadre familial<br />
ou avec ses pairs. Elle contribue à donner à l'enfant sourd identité et<br />
valorisation par une communi~ation gratifiante.<br />
- L'enseignement de la LSF est proposé à chaque enfant, 6<br />
heures par semaine par le professeur spécialis6 sourd.<br />
Ee médecin audiophanologiste assure <strong>des</strong> vacations régulibres<br />
afin de prwkder i3 l'examen chique de l'enfant sourd, I'examen audiométrique,<br />
le suivi rééducatrf concernant chaque enfant.<br />
Ee psychofape chicien suit l'évolution de chaque enfant en<br />
prenant en compte les aspects cognitifs et affectifs, ainsi que I'environnement,<br />
ceci afüi de prkvenir les troubles de la personnalité en<br />
aidant l'enfant à s'accepter comme enfant sourd. Xi etablit <strong>des</strong> bilans<br />
psychologiques dans le but de coilaborer à une meilleure orientation<br />
de la prise en charge.<br />
11 participe à l'éducation parentale en favorisant les rencontres<br />
parents-adultes sourds pour leur permettre de comprendre leur enfant<br />
en tant qu'etre en devenir.<br />
Xi participe, en etroite collaboration avec l'équipe, aux différents<br />
projets qui concernent I'intégration de chaque enfant,<br />
La psychomotricienne, chargée de la rééducation psychomotrice,<br />
s'adresse principalement aux enfants présentant <strong>des</strong> troubles psychomoteurs<br />
et relationnels, au cours de séances individuelles.
L9int4gratlon scolaire<br />
L'intégration scolaire collective et progressive est souhaitable<br />
afin que I'enfant sourd ne soit pas isolé dans un grand groupe d'enfants<br />
entendants, qu'il puisse avoir <strong>des</strong> échanges sémiotiques avec ses<br />
pairs.<br />
Le développement de compétences indispensables à l'insertion<br />
en classe ordinaire rend nkessaire une prise en charge éducative<br />
spkialisée préalable ou simultanée de l'enfant sourd et son intégration<br />
scolaire graduelle selon ses compétences.<br />
Ainsi, dans chaque école ordinaire, l'intégration du groupe ou<br />
d'une partie <strong>des</strong> enfants sourds s'opère d'abord sur un mode social.<br />
<strong>Les</strong> enfants sourds fréquentent les enfants entendants et participent<br />
aux activitb para-scolaires de certaines classes.<br />
<strong>Les</strong> enfants entendants, dans cette fréquentation habituelle <strong>des</strong><br />
enfants sourds, ajustent progressivement leur comportement, nouant<br />
ainsi <strong>des</strong> relations mutuelles.<br />
<strong>Les</strong> enfants sourds <strong>des</strong> classes maternelle et primaire spécialisées<br />
vont en classe aux mêmes heures que leurs camara<strong>des</strong> entendant~,<br />
ils partagent les lieux communs, cours de récréation, restaurant<br />
scolaire, locaux sanitaires et de sommeil.<br />
Ils s'intègrent ensemble aux activités récréatives, sportives,<br />
rythmiques, B certaines disciphes d'éveil ou classes de découverte.<br />
Des actions de coéducation s'organisent progressivement.<br />
Cette intégration collective prépare activement l'enfant sourd<br />
une intégation individuelle chaque fois qu'elle est possible.<br />
Une intégration individuelle à temps partiel ou complet d'un ou<br />
plusieurs enfants sourds dans une classe ordinaire fait l'objet d'une<br />
préparation minutieuse de l'équipe pédap@que, eile tient compte<br />
<strong>des</strong> capacités personnelles, scolaires, de chaque enfant et de ses possibilités<br />
communicationnelles avec l'entourage. L'apprentissage<br />
d'une communication mimo-gestuelle, l'utilisation de Français signé
ou du LPC par l'instituteur de la classe intégrante facilite la participation<br />
de l'enfant sourd.<br />
L'organisation pédagogique de ces différentes mesures d'intégration<br />
collective ou individuelle s'inscrit dans un projet élaboré par<br />
l'équipe éducative composée <strong>des</strong> personnels du SSEFIS et de i'école<br />
ordinaire, au début de l'année scolaire et remanié pour les besoins<br />
au fur et à mesure <strong>des</strong> rencontres de travail, au cours <strong>des</strong> bilans et<br />
synthèses.<br />
<strong>Les</strong> relations enseignants enseignés et entre enfants entendants<br />
et sourds se fondent sur la langue orale et écrite, mais aussi sur un<br />
langage mirno-gestuel.<br />
Une Cquipe Cducative pluridisciplinaire<br />
Elle comprend les différents intervenants auprès de l'enfant<br />
sourd, précédemment cités.<br />
Elle se réunit lors <strong>des</strong> rencontres de travail et de réflexions, <strong>des</strong><br />
synthèses, <strong>des</strong> bilans.<br />
Elle élabore et réajuste les projets individuels et collectifs de<br />
prise en charge, donne son avis concernant les admissions <strong>des</strong> nouveaux<br />
élèves sourds et se prononce sur une éventuelle réorientation,<br />
en relation avec la famille et les personnels de l'école ordinaire.<br />
Elle est soucieuse de l'évolution de chaque enfant, elle suit particulièrement<br />
le développement de leur communication, condition<br />
sine qua non de l'épanouissement de l'enfant sourd et de son intégration<br />
scolaire.<br />
Chaque professionnel évalue son action personnelle auprès de<br />
chaque enfant, ainsi que du groupe dont il est responsable (enseignants),<br />
en établissant <strong>des</strong> bilans réguliers.<br />
L'établissement d'origine assure un soutien régulier de l'équipe<br />
pluridisciplinaire en participant aux instances de travail et en proposant<br />
<strong>des</strong> actions de formation.
En cas de besoin, cette équipe pluridisciplinaire fait appel à <strong>des</strong><br />
spkialistes.<br />
Le SSEFIS, structure souple<br />
L'action éducative spécialisée entreprise par le SSEFIS, d'une<br />
part auprès <strong>des</strong> familles, d'autre part auprès de leur enfant sourd accueilli<br />
dans l'une <strong>des</strong> deux &les de Valence, est appelée à se modifier<br />
au fur et à mesure de l'évolution de chaque enfant et de ses besoins,<br />
en cours d'année scolaire et pour le temps que durera sa prise<br />
en charge h l'école ordinaire.<br />
L'intervention actuelle du SSEFIS couvre la scolarits de l'enfant<br />
de 3 à 12 ans.<br />
Un fonctionnement rigoureux mais souple du SSEFIS, une collaboration<br />
étroite de la famille et <strong>des</strong> diffkrents professionnels sociaux<br />
concernés par l'éducation et l'intégration de l'enfant sourd,<br />
sont autant de conditions nécessaires à son maintien à l'école<br />
ordinaire.
CONVENTION entre :<br />
Madame 1'Inspateur d'Académie de la Drome, Monsieur le<br />
Maire de la ViUe de Valence et Monsieur le Directeur de I'Institut<br />
Médico-Educatif « La Providence », concernant les actions du<br />
S.E.E.S.A.D. dans le cadre :<br />
- de la classe maternelle Romain Rolland, rue Béranger à Valence ;<br />
- de la classe primaire L. Lagrange, chemin Saint Joseph à Valence,<br />
accueillant <strong>des</strong> enfants déficients auditifs sévkres et profonds ;<br />
Suivant le projet &ducatif et thérapeutique visant Yintégration<br />
cokctive et individuelle d'enfants sourds sév&res ou profonds en<br />
classe ordinaire, à établir de manière coll6giale, entre l'équipe de<br />
l'école ordinaire et <strong>des</strong> classes spécialisées placées sous la responsabilité<br />
de l'Inspecteur d'Académie et de l'Inspecteur chargé, de l'education<br />
spkiale, et l'équipe du S.S.E.SA.D, placée sous la responsab%ttf<br />
du Directeur de l'Institut Médica-Educatif « La Providence M,<br />
W le décret du 15 mai 1974,<br />
W les circulaires intermulistérieues no 82-2 et 82-048 du 29<br />
janvier 1982, no 83-4 du 29 janvier 1983,<br />
IL est convenu ce qui suit :<br />
Article premier : Dispositions gdndrales<br />
Le placement <strong>des</strong> enfants accueillis au S.S.E.S.A.D. sera subordonné<br />
à la décision de la C.D.E.S.<br />
Ces enfants feront I'objet d'une double inscription à la fois au<br />
S.S.E.S.A.D. et à l'école ordinaire.<br />
L'école met à la disposition du S.S.E.S.A.D. les locaux nécessaifes<br />
à son fonctionnement :<br />
- 2 salles de classe meublées ;<br />
- 1 bureau pour le personnel mgdical et para-medical du S.S,E.A,D, ;<br />
- et toutes salles nécessaires au fonctionnement du Service,
Dans les classes, les maîtres de l'enseignement publie diplanrés<br />
CAEI-WA sont responsables <strong>des</strong> groupes d'enfants ; ils travailfent en<br />
CO-responsabgté avec les professeur CAEJDA ou CAPEJS, lesquels<br />
assurent plus particulièrement l'enseignement du Français et <strong>des</strong><br />
techniques relatives & i'apprentksage de la communication et la<br />
rééducation de la surdi-mutité (L.S.F. - L.P.C. - Education Auditive,<br />
etc.).<br />
Un projet pédagogique annuel est établi en coflaboration entre<br />
l'Inspecteur d'Académie, l'Inspecteur de l'éducation spéciale, l'Inspecteur<br />
Départemental de 1'Education Nationale, l'Inspecteur spécifi6,<br />
le Maître Directeur, le Professeur ou CAPHS, et<br />
le Dkecteur du S.S.E.S.A.D.<br />
Il est soumis au Directeur de l'école, afin d'envisager les modalités<br />
pratiques d'intégation.<br />
Article 2 : Actions d'4frvaIuation<br />
Le contr8le pédagogque de la classe est assuré par l'Inspectrice<br />
de lPEducation Spéciale concernant les personnels CAEI-H;A et par<br />
le Responsable pédagogique du S.S.E.S.A.D. ancemant les personnels<br />
DA ou CAPUS.<br />
Le suivi médical <strong>des</strong> enfants sourds sévères et profonds, ainsi<br />
que la guidance parentale sont assurés par l'équipe du S.S.E.SA.D.<br />
L'équipe médicale et para-m.exlicale habilttée par la direction du<br />
S.S.E.S.A.D. a libre ac&s aux locaux affectés au S.S.E.S.A.D.<br />
Article 3 : Dispositions diverses<br />
La responsabilité civile <strong>des</strong> enfants est assurGe dans les conditions<br />
habituelfes <strong>des</strong> textes en vigueur dans une école pubüque.<br />
Le S.S.E.S.A.D. assure l'équipement <strong>des</strong> locaux en matériel nécessaire<br />
& la r64ducation de la surdi-mutité.
Un comité de gestion composé :<br />
- de Madame l'Inspectrice d'Académie ;<br />
- du Directeur Départemental <strong>des</strong> Affaires Sanitaires et Sociales ;<br />
- de l'Inspectrice de l'Education Spkiale ;<br />
- du Directeur du S.S.E.S.A.D. ;<br />
- du Responsable pédagogique du S.S.E.S.A.D. ;<br />
- du Directeur de l'école ;<br />
- d'un représentant de la Commune ;<br />
- d'une représentant élu <strong>des</strong> parents d'élèves handicapés,<br />
est institué.<br />
Le comité de gestion se réunit au moins une fois par an ; il est<br />
consulté sur les orientations en matière d'intégration <strong>des</strong> enfants<br />
sourds sévères et profonds ; il est tenu informé du fonctionnement<br />
<strong>des</strong> classes.<br />
La présente convention est conclue à titre expérimental pour<br />
l'année scolaire 1987-1988 et reconductible de manière tacite,<br />
Chaque partie se réserve le droit de la dénoncer moyennant un<br />
préavis de trois mois.<br />
Fait a Saint-Laurent-en-Royans, le 18 juillet 1988.<br />
Madame l'Inspecteur d'Académie de la Drome,<br />
Monsieur le Directeur de 1'I.M.E. « La Providence »,<br />
Le Maire de Valence,<br />
Monsieur le Directeur départemental <strong>des</strong> affaires sanitaires et<br />
<strong>sociales</strong> de la Drome.
LES ENFANTS DEFICIENTS SENSORIELS SURlX4NDICAPES<br />
Henri F m *<br />
L'6ducation d'un enfant sourd, comme celle d'un enfant aveugle<br />
ou amblyope, pose <strong>des</strong> problèmes extremement délicats si cet enfant<br />
est atteint de surcroît d'un autre handicap, physique ou sensoriel, ou<br />
encore d'une maladie chronique ou 6volutive. Il n'est pas possible<br />
à'« additionner » pour lui les thérapeutiques ou les techniques éducatives<br />
relatives à chacun de ces handicaps car, très souvent, ces derniers<br />
se combinent, s'imbriquent de telle manière que l'approche est<br />
& repenser de manière globale et spécifique. L'exemple le plus ffagant<br />
est celui de l'enfant sourd-aveugle de naissance : les eompensations<br />
visuelles traditionnelles chez le déficient auditif sont mises en<br />
échec, de même que les campensations auditives auxqueiles recourt<br />
la personne aveugle. Dans tous les cas, la conjonction <strong>des</strong> handicaps<br />
provoque un trouble global.<br />
Qui sont ces enfants ?<br />
La typologie retenue par les pouvoirs publics à la suite de l'étude<br />
du CîN "distingue :<br />
- Le pIwihandicap : association circonstancielle de handicaps<br />
physiques (dont un ou deux handicaps sensoriels) : le taux de preva-<br />
*<br />
&&sident du Comité de Liaison et d'Action <strong>des</strong> Parents d'Enfants et d'Adultes Atteints de<br />
Handicaps associes (C.LA.P.EA.HA.).<br />
1. Centre technique national d'étu<strong>des</strong> et de recherche sur les handicaps et les inadaptations,<br />
2, me Auguste Comte, 92170 Vanves. «<strong>Les</strong> Enfants atteints de handicaps associés »,<br />
Dr. E. Zucm et J.-A. SP~NGA
lence s'établit, pour les moins de vingt ans, entre 0,s et 1'5 pour<br />
mille et l'effectif minhum est de 8 000,<br />
- Le polyhandicap, handicap très grave à expressions multiples<br />
avec restriction extrême de l'autonomie : chez ces enfants (deux pour<br />
mille), la déficience mentale sév&re est générdement associée à un<br />
handicap moteur et, tr&s fréquemment, B un handicap sensoriel.<br />
- Le surhandicap, surcharge progressive d'une déficience (notamment<br />
sensorielle) par <strong>des</strong> troubles de la personnalitd (troubles<br />
relationnels, troubles d'apprentissage). Le taux global de prévalence<br />
de cette catégorie est au maximum de 5,5 pour mille : il faut noter<br />
que, selon les étu<strong>des</strong> épidémiolo~ques, les psychoses caractérisées<br />
sont relativement plus nombreuses chez les enfants aveugles (plus de<br />
de) que chez les enfants sourds (cinq cents ?) alors que les autres<br />
troubles du comportement sont reneontrgs de manière plus fréquente<br />
chez les enfants sourds. Le taux de prévalence s'accroît B<br />
l'adolescence, surtout dans la pkiode récente (échecs de l'intégration<br />
scolaire 1orsqu'eEe n'a pas bénéficié d'un soutien suffisant).<br />
Ajoutons quelques résultats <strong>des</strong> « analyses de correspondance »<br />
effectuées par les épidémiologistes :<br />
- les enfants sourds ou aveugles psychotiques sont très rarement atteints<br />
d'un troisième handicap ;<br />
- en revanche, les enfants polyhandicapés sont trh fréquemment atteints<br />
de trois handicaps ou plus ;<br />
- les handicaps sensoriejs sont accompagnés (mais de façon identique<br />
a la moyenne globale de la population <strong>des</strong> enfants handicap&), de<br />
troubles somatiques divers (cardiopathies notamment) ou de maladies<br />
chroniques. Ces atteintes sont généralement d'origine congénitale.<br />
L'étiologie de ces mdtrhandicaps revgt une extrême importance,<br />
notamment pour l'approche éducative : plus le handicap<br />
sensoriel est tardif, plus l'éducation pourra s'appuyer sur les acquis<br />
antérieurs (structuration du langage, connaissance de l'espace...).<br />
2. Etabli à partir <strong>des</strong> dossies <strong>des</strong> Gmmisions dépanementales de l'éducation spéciale.<br />
3. Tel qu'il &ultc d'une étude épidémîolo@que effectuée par l'INSERM et te Centre d'étude,<br />
de soins et d'action permanente en faveur <strong>des</strong> déficients mentaux : GESAP.
En revanche, les handicaps à caractère évolutif peuvent être la<br />
cause de problèmes psychologiques graves.<br />
Un exemple de cette diversité est celui <strong>des</strong> sourds aveugles : si,<br />
durant la petite enfance, l'étiologie dominante reste la rubéole<br />
foetale (plus de 80 % <strong>des</strong> cas), à l'adolescence et l'$ge adulte, près de<br />
50 % de ces cas résultent d'atteintes progressives, teife que celie provoquée<br />
par le wdrome de Usher : sourd dès la petite enfance, i'adolescent<br />
est atteint de rétinite pijgmentaire évoluant vers la &ité<br />
totale.<br />
Où sont-ils ?<br />
En ce qui concerne les enfants polyhandicap& atteints notamment<br />
d'une dkficience auditive ou (et) visuelle, leur atteinte sensorielle<br />
n'a généralement pas d'incidence sur leur orientation : ils<br />
suivent le sort <strong>des</strong> autres enfants polyhandicapds, dont l'atteinte<br />
mentale très profonde et le handicap moteur également très lourd<br />
amènent à relativiser » l'atteinte sensorielle surajoutée. Un grand<br />
nombre d'entre eux sont accueillis dans <strong>des</strong> établissements pour enfants<br />
infirmes moteurs cérébraux et, certains, dans les sections pour<br />
enfants <strong>des</strong> hôpitaux psychiatriques. Longtemps placés sous le vocable<br />
de la a défectologie », ces sections ont évolué durant l'époque<br />
rikente : si les soins corporels y occupent, par néeessité, une partie<br />
dominante de la vie quotidienne, une certaine dimension animation<br />
>> y est maintenant admise, du moins dans un certain nombre<br />
d'étabiissements, cette dimension ayant en réalité une mbition éducative<br />
mo<strong>des</strong>te mais réelle. Toutefois, les équipes concernées sont<br />
souvent bien peu formées à prendre en compte la composante sensorielle<br />
du polyhandicap. Et, en ce qul concerne les étabiissements psychiatriques,<br />
le dialogue avec les familles est gdnéralement ignore ou<br />
nettement rejeté.<br />
Le présent chapitre sera donc consacré essentiellement au cas<br />
<strong>des</strong> enfants plurihandicapés et <strong>des</strong> enfants surhandicapés, pour lesquels<br />
I'évofution récente est particuEhrement importante,
Au sein <strong>des</strong> Instituts pour enfants sourds et pour enfants<br />
aveugles (en particulier les Instituts régionaux), la proportion d'enfants<br />
et d'adolescents plurihandicapés augmente régulièrement.<br />
<strong>Les</strong> dasses traditionnelles pour enfants « monohandicapés » se<br />
vident lentement, en raison de la baisse de la natalité et, surtout, de<br />
la politique d'intégration en milieu ordinaire. D'année en année, ces<br />
instituts sont amenés, en raison du nombre de cas qui leur sont<br />
adressés par les CDES, à accepter <strong>des</strong> enfants atteints, outre leur<br />
handicap sensoriel, d'une déficience mentale légère ou moyenne, de<br />
troubles moteurs (sous réserve de l'accessibilité <strong>des</strong> locaux), Il s'agit<br />
soit d'un a redéploiement » volontariste, soit bien souvent, d'une<br />
sorte de reconversion « rampante » qui peut être grave de conséquences<br />
lorsque cet accueil de cas plus lourds n'est pas assorti d'un<br />
véritable projet pédagogique adapté et de l'octroi <strong>des</strong> moyens supplémentaires<br />
indispensables.<br />
Un certain nombre d'enfants déficients sensoriels multihandicapés<br />
sont accueiilis dans <strong>des</strong> établissements (ou <strong>des</strong> sections d'établissements)<br />
créés spécialement pour eux. Citons, il titre d'exemple :<br />
- pour les enfants atteints simultanément de surdité profonde et d'un<br />
handicap moteur lourd (IMC), la « Gentilhommière » à Mame-la-<br />
Coquette ;<br />
-pour les enfants aveugles ou amblyopes graves plurhandicapés<br />
(surcharges diverses autres que la cécité profonde), 1'IME de Loosles-Lille<br />
;<br />
- pour les enfants sourds-aveugles, le Centre éducatif de hrnay, près<br />
de Poitiers, celui de Chevreuse et celui de Toulouse ;<br />
- pour les enfants sourds déficients mentaux, ceux de Saint-Laurent<br />
en Royans, Jarville La Malgrange ou Nogent le Rotrou,<br />
Cette liste est loin d'être exhaustive, mais elle permet de constater<br />
que ces établissements, très inégalement répartis sur le territoire,<br />
couvrent une aire géopaphique généralement très large. Certains<br />
ont même un recrutement national, et ce phénomène ne se corrige<br />
que très lentement, au fil <strong>des</strong> créations nouvelles, chaque familie restant<br />
généralement fidble, jusqu'il ce qu'il ait vingt ans, à l'équipe qui<br />
a accueW son enfant.
Reste le problème <strong>des</strong> enfants déficients sensoriels smhandfeapés<br />
: les troubles graves de la personnalité dont ils sont atteints les<br />
ont souvent amenés à être renvoyés <strong>des</strong> instituts, dont ils perturbaient<br />
gravement la vie collective et en particulier l'activité scolaire.<br />
Certains ont et6 admis dans <strong>des</strong> hapitaux de jour, où l'équipe thérapeutique<br />
a « buté >> sur le handicap sensoriel (surtout s'il s'agissait de<br />
surdité).<br />
Quelques-uns sont dans leur famille (suivis ou non par le secteur<br />
de neuropsychiatrie infanto-juvénile), plus souvent en hôpital psychiatrique.<br />
Ils régressent souvent, faute d'approche éducative proprement<br />
dite.<br />
L'approche éducative précoce<br />
Elle est rendue particulièrement difficile par les difficultés<br />
même du diagnostic et ses conséquences sur la famrlle.<br />
Même pour une équipe médicale spécialisée dans le multihandicap,<br />
le tableau clinique <strong>des</strong> premiers jours et <strong>des</strong> premiers mois ne<br />
permet guère un diagnostic pr6cis. Le handicap visuel est en général<br />
détecté plus précocement que le handicap auditif. Leur présence<br />
rend, de toutes façons, très délicate la mesure, même approximative,<br />
d'un éventuel handicap intellectuel. Selon certains sp&iaiistes, même<br />
les métho<strong>des</strong> « objectives » de la surdité semblent parfois mises en<br />
échec en cas de déficit mental hportant.<br />
Le diagnostic sera donc prudent et surtout progressif, ce qui<br />
provoque chez les parents une angoisse de type particulier et une<br />
épreuve morale r.<br />
S'y ajoutent les hospitalisations souvent répétées et les traumatismes<br />
subis par le b6bé à l'occasion <strong>des</strong> interventions chirurgicales<br />
indispensables.<br />
Or, cet enfant a encore plus besoin qu'un autre de la présence<br />
de sa mère. La conjugaison d'une (ou deux) atteinte sensorielle grave
et d'une éventuelle atteinte cérébrale provoque le plus souvent un<br />
« comportement autistique » explicable par les privations majeures<br />
dont souffre l'enfant. Il ne s'agit certes pas d'un « autisme vrai »,<br />
puisqu'il est correctible par l'amorce précoce d'une communication<br />
avec l'entourage. ft s'agit d'un « isolement » qui peut se transfomer<br />
en véritable « retrait du monde » si l'intemention th6rapeutique et<br />
éducative se fait trop tardivement.<br />
Des distinctions seraient certes à opérer suivant la nature du<br />
handicap surajouté. Elles auraient de toutes façons un caractère assez<br />
artificiel : chaque enfant multrhandicapé est un cas spécifique représentant<br />
une somme extrêmement varit5e de difficdtés, dqchecs et<br />
d'espoirs personnels.<br />
La mBre est particulièrement démunie face au comportement<br />
erratique de son enfant : indifférence au monde extérieur, mouvements<br />
stt5réotypés (surtout en cas de handicap visuel).<br />
Ces cas appellent donc une guidance parentale spéci£ique, très<br />
individu&6eY effectuée à partir de bilans pQiodiques par <strong>des</strong><br />
équipes compétentes, capables de guider l'intervenant en exerçant à<br />
son égard le rble d'un « veritable centre de ressources B.<br />
Cet intervenant devra d'abord aider la famiBe, et surtout la<br />
mère, it ne pas « focaliser » sur les handicaps de son enfant avec l'espoir,<br />
largement fallacieux, de les « corriger ». Ce ne sont pas ces<br />
atteintes physiques et cette grande dépendance qui sont importantes<br />
pour l'avenir de l'enfant, mais ses viftudtés. Au iieu de le comparer<br />
sans cesse aux autres, il faut découvrir ses capacités et prendre appui<br />
sur elles en vue de son épanouissement.<br />
A ses parents, comme tout bébé, il demande chaleur, nourriture<br />
et sommeil. Mais il faut aussi lui permettre, il son rythme, d'entrer en<br />
relation avec cet univers qui l'entoure et dont ses handicaps semblent<br />
le retrancher.<br />
Ses parents doivent tout d'abord apprendre & lui fournir <strong>des</strong> repères,<br />
S'il ne peut voir qu'on s'approche de lui et qu'on va le saisir<br />
dans son berceau ou qu'on va le plonger dans sa baignoire, il faut le<br />
prévenir, grilce au sens non atteint ou même par un toucher spécial.
<strong>Les</strong> parents doivent amsi apprendre à le nourrir, en évitant tout<br />
gavage (surtout s'il est cardiaque) : ce temps doit etre un temps de<br />
contact privilégié fait de disponibifité à son égard. Il doit sentir que<br />
ses parents y 6 prennent plaisir B.<br />
L'apprentissage de la communication sera souvent très fruste :<br />
par exemple, pour l'enfant sourd-aveugle, elle passera par notre<br />
souffle, le toucher, les odeurs. Il sera lié à un début d'effort de socialisation,<br />
qui exige <strong>des</strong> parents de nie pas céder à la faciiité. L'enfant<br />
multihandicapé préfère généralement rester allongé. Il faut trouver<br />
ce qu'il aime accomplir en position assise, lui offrir <strong>des</strong> jeux capables<br />
de le détourner de ses stéréotypes (et notamment <strong>des</strong> « biindismes »).<br />
Contrairement aux autres enfants, il craint la nouveauté, il faut, sans<br />
le déstabiliser par <strong>des</strong> sollicitations abusives, lui imposer le<br />
changement.<br />
Ce « métier » de jeune parent nécessite un soutien important,<br />
psychologique et technique, que peuvent seules apporter les équipes<br />
réellement compétentes dans le domaine du multihandicap (CAMSI)<br />
spécialisé par exemple).<br />
A l'âge scolaire, une approche diversifibe<br />
Au-delà de trois ans, l'approche va se diversifier pour s'adapter<br />
à la complexité <strong>des</strong> besoins de l'enfant multihandicapé. Selon l'expression<br />
de Madame le Docteur Zucman, « elle doit, comme toute<br />
éducation, être progressive, dosée du plus simple au plus complexe,<br />
bien que cette règle de pédagogie générale soit souvent déjouée par<br />
la multiplicité <strong>des</strong> besoins de l'enfant, par la lenteur de son évolution<br />
et par l'angoisse créée par sa dépendance, tant chez les parents que<br />
chez les intervenants P.<br />
Certains traits seront néanmoins communs à tous, de même<br />
d'ailieurs qu'à tous les enfants très gravement handicapés.<br />
Il s'agit dans tous les cas d'aider le multihandicapé à construire<br />
sa personnalité. Alors qu'à l'âge précédent, il s'agissait surtout de<br />
donner à l'enfant <strong>des</strong> informations grâce à tous ses restes sensoriels,
il s'agit désormais de l'aider à intégrer ces informations, à les classer,<br />
les utiliser, les passer au crible de sa personnafité pour que, petit A<br />
petit, il prenne l'initiative de l'action.<br />
S'agissant d'enfants tous atteints d'un handicap sensoriel grave,<br />
l'une <strong>des</strong> dominantes de l'gducation sera la Communication.<br />
Le stade présymbolique<br />
C'est un stade dont la durée sera très diverse selon le nombre et<br />
la gravité <strong>des</strong> handicaps : un enfant sourd-aveugle par suite de ru-<br />
Mole congénitale y demeurera parfois pendant plusieurs années<br />
avant que ne soit franchie l'étape du i< premier signe » rendu célèbre<br />
par l'expérience d'Helen Kelier.<br />
A ce stade, l'6veil initial au dialogue avec l'environnement se<br />
fera par le canal de la motricité. Il s'agit d'utiliser toutes les potentialités<br />
physiques de l'enfant (capacitb ou
La balnéothérapie sera, dès cette phase motrice, un moyen privilégié<br />
de cette maîtrise corporelle progressive. Eiie permettra en<br />
particulier de proposer <strong>des</strong> mouvements d'abord « coactifs », puis<br />
<strong>des</strong> mouvements hitks par l'enfant, qui produira à son tour les premiers<br />
signes expressifs de ses désirs, de ses émotions ou de ses<br />
intentions.<br />
Cette phase exige, de la part de l'éducateur, une grande maîtrise.<br />
Il s'agit d'augmenter progressivement la distance entre le corps de<br />
l'adulte et celui de l'enfant : progressivement, les contacts, au cours<br />
de mouvements coactifs, se feront avec le seul contact de la main, et<br />
ces contacts seront à leur tour restreints ou remplacés par <strong>des</strong><br />
moyens codés (signes, pictogrammes, etc.). L'aide donnée à l'enfant<br />
pour réaliser une action sera juste suffisante pour qu'il réussisse sans<br />
que l'adulte se substitue à lui.<br />
Le processus éducatif fera appel, dès que possible, à <strong>des</strong><br />
« séries » d'activités, qui s'enchaîneront au sein de « circuits » alternant<br />
<strong>des</strong> exercices plus exigeants et <strong>des</strong> séquences gratifiantes.<br />
L'autonomie<br />
Cette phase présymbolique fera bien entendu appel très largement<br />
à toutes les occasions qu'offre à l'enfant sa vie quotidienne.<br />
<strong>Les</strong> parents et les professionnels proposeront à l'enfant toutes<br />
les « petites étapes » qui l'aideront à conquérir son autonomie.<br />
Xi s'agira notamment de la toilette : tous ces enfants aiment<br />
l'eau, mais il s'agit de les habituer, par une incitation modérée mais<br />
obstinée, à « utiliser » l'eau comme moyen de propreté, à se laver, 8<br />
utiliser d'eux-mêmes la serviette.<br />
L'apprentissage de la propret6 sera particulièrement long et se<br />
prolongera parfois jusqu'à l'âge adulte.<br />
Il exigera de la part de l'adulte un grand sang-froid, car l'enfant<br />
sera très sensible, même s'il apparaît « emmuré sensoriel », à l'anxiété<br />
ou la nervosité de son entourage. Plus encore que pour tous les
autres enfants, il faudra établir une régularité dans ses habitu<strong>des</strong>, et<br />
veiller à son confort. Il faudra lui faire comprendre que tous les<br />
membres de son entourage, et en particulier les autres enfants, vont<br />
aux WC.<br />
Mais le domaine privilégié de l'apprentissage de l'autonomie<br />
sera celui de la nourriture. Chez un grand nombre d'enfants multihandicapés,<br />
le repas demande un temps considérable. Son rythme<br />
doit être respecté. Sa fatigabilité peut être importante. Il n'est pas<br />
toujours facile de savoir quand il faut passer du liquide au mixé >>,<br />
lui proposer de saisir la cuiller, etc.<br />
Cette éducation, étendue à l'habillage, au rangement, sera décomposée<br />
en étapes progressives qui donneront lieu à un véritable<br />
programme de conquête de l'autonomie individuelle.<br />
La commwication proprement dite<br />
Il est difficile d'en traiter de manière générale, car les potentiafités<br />
de l'enfant aveugle (sauf atteinte cérébrale grave) seront souvent<br />
supérieures, sur ce plan, à celles de l'enfant sourd multihandicapé.<br />
Lorsque l'enfant commence à accéder au stade symbolique,<br />
c'est-à-dire lorsqu'il comprend qu'un geste, un objet, ou tout autre<br />
donnée peut « signifier » une autre réalité, toutes les pistes doivent<br />
être utilisées dans le sens de la « communication totale >>.<br />
Si l'enfant possède une bonne audition, l'éducation auditive sera<br />
primordiale : LI s'agira de lui apprendre à écouter, puis à se faire entendre<br />
en utilisant au départ le maximum de contenus affectifs (désir,<br />
plaisir, souffrance).<br />
Mais, pour beaucoup d'enfants déficients sensoriels multihandicapés,<br />
la communication passera par l'utilisation de ce que les Anglosaxons<br />
classent sous le vocable de NVCS (Non Vocal Communication<br />
System).<br />
Cela pourra consister tout d'abord en <strong>des</strong> signes gestuels très<br />
frustes (le pouce renversé sur la bouche pour « boire »).
Ce sera aussi le recours à <strong>des</strong> pictogrammes et, progressivement,<br />
à <strong>des</strong> systèmes plus complexes. Si i'enfant est atteint d'un handicap<br />
moteur surajouté, il faudra par exemple tester sa rkeptivité la méthode<br />
« bliss », qui permet de conjuguer en « phrases » toute une<br />
série de pictogrammes, d'idéogrammes et de signes encore plus abstraits<br />
(pour les verbes, les actions, etc.).<br />
Chez l'enfant atteint notamment d'une surdité profonde (ainsi<br />
que chez l'enfant sourd-aveugle), l'étape suivante sera l'apprentissage<br />
progressif de l'alphabet dactylologique et de la langue <strong>des</strong><br />
signes. Chez l'enfant aveugle (et sourd-aveugle), celie du Braille.<br />
Mais de nombreux enfants, surtout ceux dont l'atteinte est d'origine<br />
congénitale, ne parviendront pas (ou ne parviendront que partiellement)<br />
à ce stade.<br />
La conquête de la cornunication devra donc être, comme celie<br />
de Pautonomie, à la fois mbitieuse et réaliste, et s'adapter au cas de<br />
chacun.<br />
Le temps, 17espace et h socialisation<br />
L'une <strong>des</strong> dimensions primordiales de l'éducation de l'enfant déficient<br />
sensoriel multihandicapé visera à l'aider à structurer le temps<br />
et l'espace. Au début de Papprentissage de la communication, l'enfant<br />
a tendance à prendre toute « annonce » comme devant être suivie<br />
de réalisation immédiate. 11 va falloir lui faire admettre, avec<br />
patience et fermetfi, que « Maman va ven ir... demain ».<br />
11 va lui falloir aussi, surtout s'il est aveugle, apprendre à explorer,<br />
à baliser l'espace environnant, à se mouvoir au milieu <strong>des</strong> pièces<br />
et <strong>des</strong> objets en les « structurant » les uns par rapport aux autres.<br />
Cet apprentissage du temps et de l'espace est capital pour la socialisation<br />
de l'enfant : il lui faut admettre que son espace a pour limite<br />
l'espace d'autrui et que la satisfaction du désir passe par le<br />
« chacun son tour ».
Parfois jusqu'ii l'adolescence, l'enfant multihandicapé ne traite<br />
l'adulte (parents, éducateurs) que comme un outil, sollicité pour la<br />
satisfaction d'un désir immédiat. L'Bducation aura pour objectif de<br />
l'amener ii le considérer progressivement comme un être distinct,<br />
qu'il observera, qu'il admettra ou refusera. Un signe très important<br />
de cette évolution sera d'ailieurs son attitude vis-à-vis <strong>des</strong> autres enfants.<br />
L'enfant multihandicapé ne s'y intéresse pas spontanément. Il<br />
les ignore. <strong>Les</strong> équipes éducatives, qui ont longtemps négligé cet<br />
aspect, du moins en France, y attachent ii juste raison, un souci croissant<br />
en proposant <strong>des</strong> activités interactives d'échanges et de communication<br />
entre les enfants eux-mêmes : cette communication peut<br />
accélkrer de mani&re importante la conquête de l'indépendance visà-vis<br />
<strong>des</strong> adultes, notamment au stade de l'adolescence.<br />
L'apprentissage de la Relation constitue, bien entendu, une dominante<br />
dans le cas <strong>des</strong> enfants surhandicapés, c'est-à-dire atteints<br />
de troubles graves de la personnalité. Pour eux, l'approche éducative<br />
et la dimension psychothérapeutique seraient étroitement imbriquées.<br />
Peuvent-& b4n4ficier d9activit4s de type scolaire ?<br />
La réponse à cette question sera tris diverse. Tout enfant capable<br />
d'accéder 2 un langage structuré de type syllabique pourra se<br />
voir offrir <strong>des</strong> activités « scolaires », même si l'approche et le programme<br />
sont beaucoup plus individualisés, personnalisés, que dans le<br />
cas d'enfants monohandicapés,<br />
Mais 2 tous peut et doit être impérativement offerte la possibilité<br />
d'acquisitions cognitives. Chez chacun d'eux, toutes les capacités<br />
de connaissances doivent être sérieusement et progressivement<br />
explorées.<br />
Ce pourra etre au départ, comme au jardin d'enfants, la connaissance<br />
<strong>des</strong> formes (et pour les 4 voyants », celle <strong>des</strong> couleurs) ; ainsi<br />
que l'acqukition <strong>des</strong> notions de quantités, de grandeur, etc.
Cette activite para-scolaire sera, bien entendu, très int6g;ise à<br />
I'apprenthsage de la communimtion. L'objet réel sera confront6 avec<br />
son mbole (modele réduit, maquette, pictogramme) puis avec son<br />
expression écrite.<br />
Une capacit6 fr6quente chez ces enfants est celle de la m6-<br />
moire : il peut être fait appel à elie de maniere croissante (les<br />
moyens informatiques pouvant, surtout dans l'avenir, constituer dans<br />
ce domaine une aide non néggeable).<br />
De pmpammes pemonnafisés au service d'une<br />
pemariente<br />
recherche<br />
Pour utiliser pleinement les capacites de chaque enfant, l'observation<br />
individuelle est un facteur essentiel. Elle doit être le fait aussi<br />
bien de ceux qui sont en contact permanent avec lui (éducateurs, parents),<br />
que <strong>des</strong> responsables disposant d'un minimum de recul<br />
(équipe médicale, directeur pédagogtque). Le dialogue entre ces divers<br />
partenaires doit aboutir à la dtsfinition, pour chaque enfant, d'un<br />
programme individuel dynamique et ambitiem, mais aussi respectueux<br />
<strong>des</strong> possibilit6s rtlelles de l'enfant, de ses paliers, de ses 6ventuelles<br />
régessions.<br />
Cette 6ducation a, plus que celle <strong>des</strong> autres enfants, une dirnension<br />
de recherche permanente. Face à <strong>des</strong> enfants parfois très dtlmunis,<br />
aucune <strong>des</strong> mmho<strong>des</strong> mises au point par Ies équipes le plus<br />
prestigieuses ne doit être Ignar6e. Mais aucune ne doit être imposée<br />
: chacune doit être relativisee, adaptee, transpos6e en fonction<br />
de la persornalit6 de chaque enfant multrhandicap6.
<strong>Les</strong> parents - Témoignages
POUR UN ENFANT SOURI) DANS TOUS SES DROITS<br />
Estelfe et A d6 Vo~os<br />
Magali et Sandrine sont nées en avril 1980. Magafi est sourde<br />
profonde de naissance, Sandrine entend, Elles sont fausses jumelles<br />
et trbs différentes. Maintenant qu'elles ont 9 ans, nous avons assez<br />
de recul et de sérénité pour décrire notre expérience, notre vie familiale<br />
et l'kducation de Magafi. Nous avons recouru dès le début ii tous<br />
les moyens de communication, y compris la Langue <strong>des</strong> Signes Française<br />
(UT;) avec l'aide inestimable d'adultes sourds.<br />
Un d6pistage précoce, à l'iige d'un an ; <strong>des</strong> prises en charge immédiates<br />
et continues (appareillage, orthophonie..,) ; le soutien précieux<br />
<strong>des</strong> autres parents et <strong>des</strong> associations, et le dévouement de<br />
professionnels très compétents ; la participation parentale il la scolarité<br />
dans le dialogue avec les enseignants ... tous ces facteurs ont à nos<br />
yeux aussi un rdle capital, comme il est bien dit partout. Ce n'est pas<br />
partout, en revanche, que les parents peuvent découvrir que les<br />
adultes sou& aussi ont beaucoup à nous apprendre, quand il s'agit<br />
de comprendre et d'aider les enfants sourds, Car ces adultes détiennent<br />
l'expérience vécue de la surdité, souvent dès l'enfance ; mais il<br />
leur est rarement accordé beaucoup de place. Nous-mêmes avons<br />
largement bCnéficié du contact précoce avec la communauté <strong>des</strong><br />
sourds, nous initiant il la langue <strong>des</strong> signes et il leur culture. C'est que<br />
nous avons eu ta chce d'etre infctmzks trirés t6t à ce sujet. Pour toutes<br />
ces raisons (et par manque de place), c'est cette facette de notre expérience<br />
qui apparaîtra plus ici.
Premiers contacts<br />
Vers l'$ge d'un an, Magali était surtout repliée sur elle-même,<br />
refusant de nous regarder, avec un retard de motricitts important.<br />
Nous craignions d'autres choses qu'une surdité.<br />
<strong>Les</strong> premiers conseils d'éducation que reçoivent les parents d'un<br />
enfant sourd sont d'une influence déterminante sur son avenir.<br />
Nous avons eu cette chance au départ d'être très bien orientés et<br />
sans retard, d'abord par le pédiatre, puis f'ORL, jusqu" une orthophoniste<br />
connaissant bien le monde sourd dans son ensemble. Elle<br />
nous a fourni une information très étendue, avec quantité de documentation<br />
et d'adresses utiles : revues, centres, autres parents. Sous<br />
le choc du diagnostic, nous vouiions très vite un maximum d'informations<br />
et nous n'avons négLigé aucune piste. Mais, tout de suite, sur les<br />
conseils de l'orthophoniste et parce que nous sentions à quel point il<br />
était vital de rétablir au plus vite la communication avec Magali, nous<br />
avons accepté d'essayer la Langue <strong>des</strong> Signes Française et de rencontrer<br />
<strong>des</strong> adultes sourds.<br />
Habitant alors dans l'Essonne, nous avons commencé à suivre<br />
<strong>des</strong> cours de signes et fréquenter <strong>des</strong> sourds, l'Académie de la<br />
LSF rue Saint Jacques, au Château de Vincennes, et à un stage de<br />
l'Association 2LPE. Nous avons aussi rencontré <strong>des</strong> sourds élev6s<br />
dans l'oralisme dont certains avaient un haut niveau d'étu<strong>des</strong>. Nous<br />
avons ainsi découvert un monde que nous ignorions totalement auparavant.<br />
Nous avons tout de suite noté que certains sourds n'avaient pas<br />
un niveau convenable de français oral et écrit, alors que d'autres atteignaient<br />
une qualité de parole très impressionnante. Mais leur<br />
degré d'épanouissement et d'autonomie n'&tait pas uniquement fonction<br />
de leur maîtrise de l'oral ; certains sourds qui parlaient bien<br />
semblaient plus dépendants et handicapés dans leurs relations que<br />
certains autres qui n'avaient que la langue <strong>des</strong> signes mais se sentaient<br />
bien dans leur peau. A i'évidence, <strong>des</strong> sourds nomalement intelligents<br />
pouvaient très bien gchouer dans l'apprentissage oral, mais<br />
il existait pour eux d'autres moyens de s'en sortir,
Notre choix<br />
Ces rencontres précoces nous ont d'abord apporté un sodagement<br />
immédiat en nous montrant <strong>des</strong> perspectives positives : bien<br />
que sourde, Magaii pouvait échapper au <strong>des</strong>tin de handicapée perpétuellement<br />
assistée. Mais 1 fallait surtout qu'elle ait une langue et,<br />
afin de lui faciliter au maximum la communication, il valait mieux la<br />
faire passer par le canal visuel. Or il existe une langue développée<br />
par les sourds eux-mêmes, qui est donc naturellement adaptée à la<br />
communication visuelle tout en étant uce langue (= moyen de communication<br />
d'un groupe social) : la langue <strong>des</strong> signes. Pour l'acquérir,<br />
notre bébé sourd aurait les mêmes chances qu'un béb6 entendant<br />
face à la langue orale, pourvu qu'il trouve un environnement adéquat<br />
! Quant à L'apprentissage oral, nous le jugons certes très souhaitable<br />
mais plus artificiel, et trop risqué pour accepter d'en faire le<br />
passage obligé vers toute l'éducation ultérieure,<br />
En fait, nous nous imaglliions alors confrontés au dilemme suivant<br />
: soit encourager Magali & se couper du monde entendant en<br />
misant sur la LSF (ce qui lui assurait du moins une langue), soit retarder<br />
gravement ses acquisitions en misant sur l'oral (ce qui créerait<br />
encore d'autres problèmes en cas d'échec). Nos rencontres avec <strong>des</strong><br />
famiiles ayant connu la deuxième situation, et qui en sortaient grilce<br />
la LSF, nous ont nettement incités à juger que la première &entualité<br />
constituait le moindre &que. Nous avons donc envisagé pour<br />
Magali les objectifs suivants : le plus vite possible, une langue « parlée<br />
», et alors la LSF s'imposait ; en second par ordre d'importance,<br />
le français sous sa forme écrite, donc visuelle, pour accéder & la<br />
culture majoritaire (et aussi pour les plaisirs de la lecture, à défaut<br />
d'avoir ceux de la musique ...) ; enfin, autant que possible, le français<br />
oral, Dans cette optique, c'est la langue <strong>des</strong> signes qui ferait le pont<br />
vers le français écrit, et aussi vers le français oral (N.B. : la langue<br />
<strong>des</strong> signes ne s'écrit pas). Nous options donc pour une éducation bilingue<br />
encourageant tous les mo<strong>des</strong> de communicatiorz.<br />
Ii y avait bien plusieurs structures pour enfants sourds dans<br />
notre département ; mais pour l'option bilingue, rien ! (Un centre<br />
très proche et bien équipé refusait la langue <strong>des</strong> signes). Nous avons
donc dO chercher dans Paris pour trouver un unique CAMSP bilingue,<br />
et encore son existence était-elle constament menacée. Ce<br />
centre nous a offert une prise en charge incluant la famille, ce qui<br />
nous a et6 très benefique. Magali était prise deux fois par semaine,<br />
soit en groupe, soit individuellement, avec un adulte sourd et une orthophoniste<br />
vraiment bjlingue, qui l'eveiuaient sur tous les plans.<br />
Pendant ces séances, un cours de LSF était assuré par un adulte<br />
sourd pour les parents. Sandrine aussi pouvait venir de temps à autre<br />
trouver une écoute à ses difficult6s face au poids de la surdité dans la<br />
famille, A 3 ans, Magali allait en outre être intégrée le matin dans<br />
l'école maternelle de notre quartier.<br />
Une « nomice » sourde<br />
Dès le départ, il nous a semblé essentiel que Magali puisse recevoir<br />
de ddtenteurs de la LSF un cc bain de langage » dans toutes les<br />
situations de vie d'un enfant de son $ge. Nous n'&ions pas capables<br />
de le lui donner nous-mêmes, et son temps avec les sourds du<br />
CAMSP n'y suffisait pas non plus. Nous avons donc demandé, en<br />
plus, à une dame sourde de garder Magali chez elle deux, puis trois<br />
journées par semaine. Magali y dtoyait trois genérations de sourds,<br />
leurs amis et un autre garçon sourd de son âge !<br />
La nourrice s'occupait de Magali comme elle s'&ait occupée de<br />
sa propre fille sourde quelques années plus t6t. Elle lui commentait<br />
tout, signait pour elle dans une langue adaptée à un tout petit enfant,<br />
racontait <strong>des</strong> histoires, la faisait jouer, plus tard lui épelait <strong>des</strong> mots<br />
en dactylologie. Magali profitait aussi de toutes les conversations<br />
ambiantes, alors que nous avions tendance au début à ne signer que<br />
pour elle et à l'affût d'une réponse, sans vraie spontanéité.<br />
Très vite, la nourrice a su attirer son regard et à partir de lh, les<br />
progrès n'ont cessé d'être constants et gratifiants. Magali s'est remise<br />
à nous regarder, en commençant par sa soeur, et de plus en plus longuement.<br />
Ses signes apparaissaient, parfois mal formés, mais la nourrice<br />
nous aidait à les comprendre. Elle nous donnait <strong>des</strong> conseits<br />
basés sur son expérience vécue de la surdité, insistait sur l'impor-
tance de tout faire comprendre à un enfant sourd et nous montrait,<br />
cas par cas, comment nous pouvions nous y prendre. Cette famille a<br />
ainsi établi <strong>des</strong> relations très riches et durables avec Magali et nous.<br />
Une jeune fille sourde venait aussi chez nous une fois par semaine<br />
s'occuper de Magali dans son cadre de vie ; ses impressions et<br />
réflexions nous ont aussi éte précieuses, et nous ont confortes dans<br />
nos choix.<br />
En quelques mois, Magaii s'est développée, ses retards divers se<br />
sont estompés, elle a rapidement démarré la LSF et en même temps<br />
la parole. En effet, presque pardèkment aux premiers signes sont<br />
apparues les ébauches orales <strong>des</strong> mots correspondants,<br />
Nous comprenons donc mal certaines réticences de professionnels<br />
à l'idée d'une nourrice sourde ! Il faut certes que celle-ci soit de<br />
qualité, et que les parents conservent leur autorité en position centrale<br />
face à toutes les parties en présence. La nourrice ne nous a pas<br />
« pris » Magali, elle nous a permis au contraire de rétablir une relation<br />
profonde qui nous échappait de par notre mkonnaissance du<br />
vécu intériorisé de ta surdité de notre enfant.<br />
Queiie est sa langue maternelle ?<br />
Ou bien : de qui I'enfant sourd reçoit-il la langue en héritage 2<br />
Ces questions sont souvent présentées aux parents comme <strong>des</strong> dilemmes<br />
dont la solution est le pivot <strong>des</strong> choix éducatifs. Pour nous,<br />
ces questions paraissent d'un intérêt surtout théorique ; aux linguistes<br />
d'y répondre au sujet de Magali.<br />
En tant que parents, nous avons ressenti non pas tant de la frustration<br />
à ne pas donner entièrement nous-mêmes la langue première<br />
à notre fille, mais bien plutôt du plaisir à communiquer vraiment et<br />
la sensation de regagner beaucoup de temps.<br />
La LSF a d'abord donné A Magali une langue, nous permettant<br />
enfin de dire : 2Mizguli n'est que sourde. Nous avons pu alors lui proposer<br />
aussi de plus en plus souvent notre langue, lui parlant et signant
en même temps et, parfois, lui épelant <strong>des</strong> mots en dactylologie : il<br />
était exclu pour nous de signer vraiment comme les sourds, puisque<br />
nous débutions en LSF et que Sandrine commençait à parler. Il y<br />
avait <strong>des</strong> moments purement en signes (les contes), ou bien en oral,<br />
toujours h la faveur <strong>des</strong> circonstances et jamais de façon rigide. Nous<br />
encouragions aussi les jeux de voix, l'intonation ; Sandrine s'y prêtait<br />
aussi avec beaucoup de plaisir. <strong>Les</strong> progrès de Magai, tantôt en<br />
signes, tantdt en oral, nous ont toujours encouragés à aller plus loin.<br />
Mais nous avons toujours refuse de lui enreigner une langue (queile<br />
qu'elle soit) ; son langage s'est développé en situation de communication.<br />
Son langage il elle était un m6lange de UF, de français signtz,<br />
d'oral et de mimique, toujows pour être le mieux comprise. Magali a<br />
très vite pris conscience de ses deux mon<strong>des</strong>. Elle testait son interlocuteur<br />
: s'il ne signait pas, elle filaborait un babillage qui fut longtemps<br />
incompréhensible ; mais avec la famille, l'entourage et les<br />
sourds, le dialogue s5nstaurait tout de suite.<br />
La jeune tante <strong>des</strong> filles s'est mise elle-rnhe facilement aux<br />
signes, alors que les gands-parents ont dQ assez vite abandonner, à<br />
leur grand désespoir. Heureusement, les gestes spontanés puis l'oral<br />
et l'&rit leur ont permis beaucoup d'&changes.<br />
Fratrie et famirte<br />
En quoi la prgsence d'une soeur jumelle entendante peut-elle<br />
être instructive au plan général ?<br />
D'abord, cette présence (avec les rivalités qu'elle induit) agit<br />
comme un rappel très fort et permanent: il ne faut pas sacrifier<br />
l'équilibre global de la vie familiale au profit d'une focalisation plus<br />
ou moins exclusive sur l'enfant sourd. A ce point de vue, la U F favorise<br />
une cammunication mieux répartie et une vie plus détendue au<br />
sein de notre famille, Sandrine l'a apprise spontanément, et elle a<br />
certainement relayé beaucoup d'uiformations à sa soeur, Elle est de-
venue une vraie petite interprète, mais eiie sait aussi dire que souvent<br />
le rale d'intermédiaire, et la surdité en général, lui pèsent.<br />
Ensuite, le fait d'avoir un enfant sourd et l'autre entendant du<br />
même âge met constamment en évidence leur différence, amplifiant<br />
notre désir d'en réduire les effets, en famille comme dans la société.<br />
Nous avons donc toujours proposé à Magali les mêmes activités qu'à<br />
sa soeur, au même moment. Et elle a ainsi pu : écouter <strong>des</strong> contes,<br />
aller au théâtre pour enfants, au chérna, au musée, faire <strong>des</strong> jeux de<br />
société, parler de la vie et de la mort, de l'amour ... toujours &us la<br />
compréhension, grilce à la langue <strong>des</strong> signes. Si d'aventure nos explications<br />
ne passaient pas, les sourds nous aidaient à la première occasion.<br />
Magali a ainsi pu assimiler beaucoup de choses à l'âge approprié,<br />
certes toujours au prix de beaucoup de disponibilité et d'efforts<br />
réciproques, mais avec <strong>des</strong> résultats constamment gratifiants.<br />
Scohrité<br />
A quatre ans et demi, Magali a commencé une vraie scolarité<br />
dans une école spécialisée. <strong>Les</strong> deux premières années, elle a continué<br />
d'être intégrée à mi-temps dans une maternelle ordinaire près<br />
du centre. Ceci l'a sans doute aidée à prendre conscience de la nécessité<br />
de parler, <strong>des</strong> difficultés et <strong>des</strong> frustrations qu'elle aurait dans<br />
le monde <strong>des</strong> entendants (« Elle racontait <strong>des</strong> histoires et je ne cornprenais<br />
rien », dit-elle maintenant de sa maîtresse qu'elle aimait<br />
pourtant beaucoup), mais que de fatigue et de tension ! Nous avons<br />
donc pensé qu'elle aurait une scolarité plus u normale W... à plein<br />
temps dans l'école spécialisée. Elle y a en effet un niveau presque<br />
comparable à sa soeur, car ses enseignants, entendants ou sourds, et<br />
très compétents, s'imposent de tout expliquer à un enfant sourd<br />
comme à un enfant entendant du même âge.<br />
C'est en voyant ses capacités à comprendre et à répondre dans<br />
cet environnement plus oral, que nous avons aussi acquis confiance<br />
en ses possibilités orales. En fait, son adaptation a été facilitée par<br />
tout ce qu'elle avait déjh assimilé l'aide de la LSF. Grâce à un travail<br />
progressif et réfléchi avec ses enseignants, Magali a maintenant
ien conscience <strong>des</strong> syntaxes différentes <strong>des</strong> deux langues, et passe<br />
sans problème de l'une à l'autre. De même que nous corrigeons son<br />
français, elle corrige nos fautes de signes avec amusement. Elle<br />
adore lire, écrire, téléphoner (sans aide) avec le Minitel Dialogue ...<br />
Son langage oral aussi est riche et spontané. Elle a encore un peu de<br />
mai à communiquer avec ceux qui n'ont pas l'habitude <strong>des</strong> sourds et<br />
doit améliorer son articulation et sa lecture labiale (elle accepte le<br />
cued-speech (LPC), mais seulement en classe). Elle a compris qu'elle<br />
doit se débrouiller dans un monde très majoritairement entendant,<br />
tout en étant sans effort à l'aise dans la communauté sourde. Le pari<br />
qu'elle devienne bilingue peut donc être gagné.<br />
L'expérience de Magali contredit certains arguments avancés<br />
pour ne pas donner la LSF au démarrage de l'éducation. La langue<br />
<strong>des</strong> signes n'a h aucun moment entravé ni le désir ni la capacité de<br />
Magali d'accéder à la parole ; elle l'a stimulée en l'aidant à structurer<br />
plus t8t ses capacitb cognitives, en lui donnant accès au sens, et en<br />
i'eveuant à la communication dans les deux mon<strong>des</strong>, sourd et entendant.<br />
Croire que les filières scolaires de meilleur niveau doivent être<br />
d'abord celles qui évitent la LSF (quitte parfois à l'admettre pour<br />
l'adolescent, ou en cas d'échec), cela nous apparaît donc comme un a<br />
priori dépourvu de fondement rationnel. De même que de voir la<br />
LSF comme une méthode de rééducation parmi (contre? en-<strong>des</strong>sous<br />
?) d'autres, car la LSF se situe ailleurs : c'est une langue en plus,<br />
un atout supplémentaire pour mieux communiquer. L'idée qu'il vaut<br />
mieux se passer <strong>des</strong> signes autant que faire se peut, cette idée nous<br />
paraît donc anti-pédagogique ainsi que préjudiciable à l'épanouissement<br />
maximal de l'enfant sourd.<br />
Conclusion et espoirs<br />
De quel droit aurions-nous privé Magalî de la langue natureile<br />
de ceux dont elle partage la déficience ? Cette langue belle et riche<br />
lui donne le plaisir de communiquer, de tout exprimer, et d'acquérir
<strong>des</strong> savoirs sans retard (lui facilitant en fait i'accès au français écrit et<br />
oral).<br />
<strong>Les</strong> choix éducatifs incombent certes & chaque famille selon ses<br />
aspirations profon<strong>des</strong>. Mais pour que le choix soit réellement libre,<br />
encore faudrait-ii :<br />
- que tous les parents reçoivent au départ une information complète<br />
et objective, y compris sur la LSF ;<br />
- et que l'option bilingue ne soit pas dofavorisée, en nombre et en<br />
qualité de ses implantations, par rapport aux autres fiiières. Or, si<br />
nous avons déjà subi la rareté <strong>des</strong> centres bilingues, nous sommes<br />
bien plus inquiets quand nous pensons au secondûire : Magali trouvera-t-elle<br />
un seul cycle bilingue dans tout Paris ? Alors qu'une utiiisation<br />
miime partielle de la LSF mettrait sans doute à la portée de<br />
plus de sourds le bac et, pourquoi pas, les étu<strong>des</strong> supérieures à<br />
l'aide d'interprètes qualifiés.<br />
Nous avons donc le sentiment à la fois de bénéficier de récentes<br />
et substantielles évolutions, et d'être encore loin d'une appréciation<br />
équitable de la valeur <strong>des</strong> sourds reconnus comme teh, de leur culture<br />
et de la langue <strong>des</strong> signes et, en retour, de leur droit d E'infomabon<br />
sous fomze accessible.<br />
En cette année de bicentenaire (<strong>des</strong> droits de l'homme, mais<br />
aussi de l'Abbé de l'Epée), qu'il nous soit donc permis d'espérer<br />
qu'une tefie reconnaissance authentique prenne enfin place dans la<br />
société, les médias (notamment la TV) et l'éducation.
ETIENNE,<br />
SES PARENTS ET LE LANGAGE PARLE COMPLETE<br />
Mal 1983 : Etimne, deux ans et demi, est inscrit à l'école maternelle<br />
du quartier.<br />
Juin 1983 : Sa surdit4 est dktectée par potentiels évoquks.<br />
Oreilles nues au casque, 2 a - 60 dB à 250 HZ, - 80 dB à 500 Hz, -<br />
105 dB a 2 O00 Hz. Avec prothèses, il est à - 40 - 50 dB jusqu'à<br />
2 000 Hz.<br />
La directrice de l'école materneHe accepte de le garder.<br />
Par les rumeurs du quartier, nous savons qu'à cbté de chez nous,<br />
habitent <strong>des</strong> parents qui « utiiisent une méthode inconnue » pour<br />
leur petite fiUe, Isabelle, déficiente auditive. <strong>Les</strong> mmeurs sont imprécises<br />
mais toujours optunistes. <strong>Les</strong> vacances sont d6ja commencées<br />
et les contacts avec eux difficiles. Par chance, nous arrivons à<br />
joindre Françoise Chmbon qui rnet dans notre boîte aux lettres<br />
deux audiocassettes d'apprentissage du 6 Langage Par16 Complété »<br />
(a LPC >>).<br />
Juillet 1983 : Etienne est appareiiié. Nous partons en vacances<br />
avec, dans nos valises, une Iettre de Frangoise Chambon et les deux<br />
audiocassettes.
C'EST ALORS QUE COMMENCE NOTRE AVENTURE<br />
AVEC LE LPC...<br />
Août 19s : Chaque soir, nous écoutons la cassette, apprenant<br />
une leçon et révisant celle de la veille. En même temps, nous commençons<br />
h utiIiser le code avec Etienne. En fait, peut-on parler<br />
d'a utiliser » ? Six ans après, je pense que non et qu'il s'est agi plutôt<br />
de SENSIBILISER Etienne au codage. En effet, les mots codés sont<br />
peu nombreux : oui, non, c'est bon, regarde, on s'en va... et ils sont<br />
toujours mimés ou associés.<br />
-
A l'école, pas de LPC. En famiIle, on continue à coder quelques<br />
mots ou groupes de mots, mais pas proprement parler de phrases.<br />
Nous codons aussi un peu entre nous, mon mari, GiUes, et moi, en<br />
présence d'Etienne, mais là aussi <strong>des</strong> mots simples, avec l'idée que<br />
cela l'aidera à prendre conscience que le codage est un moyen de<br />
communication. Ce faisant, nous nous entraînions à coder car, au<br />
bout d'un mois, nous anonnions encore !<br />
ET PUIS UN SOIR.. LE DECLIC I<br />
Son père revenait à la maison dors que nous 6tions déjà à table.<br />
Je codais hvariablement : «Ab I Papa » alors que son pare entrait<br />
dans la pièce. Un soir du mois d'octobre, après le codage du « Ah !<br />
Papa » rituel, Etienne se prkipite vers l'escalier pour attendre son<br />
père qui montait mais qu'il n'avait pas encore vu : E- A V ~<br />
COMPRïS. Nous avons eu conscience, ce soir-là, qu'un processus<br />
s'était enclenché : il avait fdu QWZE JOURS de «Ah ! Papa »,<br />
DEUX MOIS après les premiers mots codés.<br />
Une fois ce «Ah ! Papa » gagné, nous avons continué notre<br />
route en codant «Ah ! Papa arrive » qui, plus tard, mais bien plus<br />
tard, deviendra
Puis, PROG-IVEMENT,<br />
LE MESSAGE.<br />
ETAPE PAR ETAPE, NOUS COMPLIQUIONS<br />
C'est aussi dès cette première annee de LPC que nous avons<br />
pris conscience qu9Etienne recherchait le RXTE DU CODAGE. Ainsi,<br />
pour le conduire au centre spkialisé, nous passions chaque fois en<br />
voiture sous un viaduc et, par jeu, j'avais pris I'habitude de me baisser<br />
(pour mher) et de coder « on passe sous le pont », codage qu2il<br />
regardait dans le rétroviseur de la voiture. Un jour, j'oublie de coder<br />
en passant sous ce viaduc. Etienne me secoue violemment pour me<br />
rappeler il tordre en agitant sa main autour de son visage. Il avait<br />
donc ses habitu<strong>des</strong>, ses repères en LX, et il les réclamait,<br />
LA COWmHENSXUN S'EST m-E; PROGRESSI-m. EKR"I'<br />
MOIS APW le démarrage du LPC, pendant les vacances de P$ques<br />
(mars 1984), Etienne a commencé- à comprendre de PEITITS<br />
FBEwSEs. Parmi les premières, celle-là : 4< Antoine est dans fa maison<br />
de Marie, on va le chercher ». C'est Etienne qui nous a conduits chez<br />
Marie pour aller chercher son frgre, il avait donc compris. Il avait<br />
trois ans et quatre mois,<br />
La cadence de compr6hension s'est accé-lkrée ; pour certains<br />
mots, coder une seule fois suffisait (ex. papy, fessée), pour d'autres,<br />
c'&tait un peu plus long avant qu'ils soient intégrés, mais nous n'insistions<br />
pas, attendant son heure.<br />
Puis, peu 3 peu, dans les derniers mois de cette première annee<br />
de WC, Etienne est devenu e demandeur », montrant par exemple<br />
son coude en nous demandant d'en coder le nom, rkpetant lui-même<br />
systématiquement le code, commençant même à coder spontanément,<br />
à bon escient, quelques mots comme « attends », MAIS ENCORE<br />
SANS LE5 Dm.
LA WNTRElE SCOLAIRE 1984-1985<br />
L'Institut National <strong>des</strong> Jeunes Sourds (INJS) de Paris et l'Me<br />
maternelle de notre quartier parisien où il avait fait sa première année,<br />
décident conjointement de mettre en place une stmcture d'intégration,<br />
avec LPC et verbo-tonale, pour deux enfants déficients auditifs<br />
dont Etienne. A partir de ce jour, Etienne s'est donc trouvé dans<br />
un environnement plus LPC qu'avant, avec le Professeur de sourds et<br />
l'Educatrice qui codaient, bien sOr. Son institutrice, pour cette premiére<br />
année d'intégration, a suivi un stage de LPC. Elle codait peu,<br />
quelques mots par-ci, par-18, mais elle se rappelle encore les yeux<br />
d'Etienne lorsqu'elle a codé pour la premihre fois en classe, c'était<br />
l'extase ! (nous codions depuis un an en famille). Sa nourrice et une<br />
grand-mère codaient. Elies codaient peu, mais elles codaient ... et cet<br />
environnement LPC, bien que peu intensif, a installé tout natureliement<br />
le LPC dans la vie d'Etienne. Après avoir été le moyen de<br />
communication entre lui et ses parents, il est devenu le moyen de son<br />
intégration dans la vie.<br />
La compréhension a continué progressivement à s'enrichir et<br />
parallèlement, notre propre expression est passée de la petite phrase<br />
« économique » à la phrase parlée, plus courante, plus nuancée.<br />
« C'est Papa qui arrive » est devenu « Je crois que Papa arrive » ;<br />
« Tu I'abîmes » est devenu « C'est dommage !<br />
tu l'abîmes » ;<br />
« Tu veux faire pipi ? » est devenu « As-tu envie de faire pipi ? »<br />
« On sonne ! » est devenu « Tiens ! quelqu'un sonne ;<br />
entends-tu ? »<br />
Le rythme d'acquisition a continué 8 s'accélérer. Puis la démutisation<br />
et le langage ont commenct5. Très t8t et très souvent, Etienne<br />
a codé, ce qui, dans les balbutiements <strong>des</strong> premiers mots, nous a été<br />
bien utile. On a compris par le codage que « pépon » était « maison<br />
», « atou » était (< voiture »... et on a pu déchiffrer « locomotive »,<br />
pas facile à dire à cinq ans !
Nous codons depuis bienttlt six ans, Etienne a huit ans et quatre<br />
mois.<br />
POINT ESSENTIEL POUR NOUS : NOUS NE SOMMES PAS DU TOUT<br />
SEVRES DANS NOTRE COMMWCAmON AVEC ETIENNE. Nous fui<br />
avons bien sQr transmis <strong>des</strong> connaissances, mais au-delà, c'est par le<br />
LPC qu'if a eu et a accès à tout ce qui fait le patrimoine culturel et<br />
spirituel de la famille : les habitu<strong>des</strong> linguistiques, <strong>des</strong> formules du<br />
terroir à celles de la grand-mère, l'humour, les plaisanteries, etc. UN<br />
EXEMPLE RECENT : à l'occasion du 1" avril, il me dit « poisson<br />
d'avril » et je lui réponds, comme au temps de mon enfance, dans ma<br />
petite école, «poisson d'avril, tête d'imbécile ». Je continue dans<br />
mon élan (< tiens, écoute : avril-imbécile, sa rime ! » Etienne A Vü LA<br />
avec le LPC. Quelques jours plus tard, il resservait le « poisson<br />
d'avril, tête d'imbécile >> à son père !<br />
Antoine, son frère qui a quatre ans de plus que lui et qui code<br />
très bien, s'est charge de lui apprendre toutes les expressions dans le<br />
vent !<br />
Etienne est actuellement intégré dans l'école primaire de notre<br />
quartier, toujours dans le cadre de la structure de 1'INJS de Paris,<br />
c'est-à-dire avec le soutien WMA.RQUABLE (il s'agit bien d'un soutien,<br />
d'une aide à la communication et en rien d'un tutorat) du Professeur<br />
de sourds et de PEducatrice spécialisée qui sont avec lui<br />
depuis maintenant cinq ans. De l'avis de l'équipe pédagogique, son<br />
niveau à l'école est bon (pour le moment, bien sCtr, car l'évolution est<br />
toujours imprévisible).<br />
Son langage progresse régulièrement. Il a actuellement une<br />
bonne structure de la phrase et <strong>des</strong> formules très spontanées. Il ne<br />
code pas les consignes ni les petites phrases, mais code les gran<strong>des</strong><br />
explications. 11 est bavard ... bavard ...<br />
Le LPC n'a pas annulé sa surdité et il convient de rester vigilant,<br />
de ne pas dire n'importe quoi et n'importe comment : si notre langage<br />
avec Etienne est presque courant, il reste adapt4 et lorsque<br />
nous parlons en codant avec Antoine, son frère, pour qu'Etienne
puisse suivre la conversation, nous nous rendons compte que nous ne<br />
parlons pas aux deux frères de fapn identique. LA méthodologie du<br />
début reste valable et par exemple il est rare qu'il y ait pour Etienne<br />
deux mots nouveaux dans une même phrase.<br />
LE LPC EST-IL UNE COWWNTE ?<br />
Bien sOr, d'autant que je fais encore <strong>des</strong> fautes et que je ne serais<br />
pas capable de faire de la traduction simultantse, mais nous COdons<br />
très spontanément et la contrainte du codage ne nous a jamais<br />
fait renoncer à un échange avec Etienne. Mais s'attarde-t-on à une<br />
contrainte, face au plaisir qu'on a de voir progressivement un<br />
plus » qui se met en place ? Ces petits « plus », qui s'ajoutent tranquillement,<br />
successivement, les uns aux autres, c'est comme une<br />
route qu'on construit, pavé après pavé. Le LPG nous fait mesurer,<br />
par la complexité progressive du codage, cette QUASI-CONSTRU~ON<br />
de la compréhension. CON~UI~,<br />
c'est esptsrer, aussi n'avons-nous<br />
jamais 6th dbespérés.<br />
LA VIE AU QUOTUDIEN :<br />
Mardi 25 avril 1989, le matin : Etienne se liilve. Hier soir, il a fait<br />
une plantation de riz.<br />
Etienne : Maman, est-ce que le riz développe ? (il ne code pas).<br />
Moi :<br />
Est-ce que le riz SE développe ? (je code en insistant sur<br />
le SE ; les verbes pronominaux, les pronoms - je LE LUI<br />
ai dit - sont parfois encore escamot6s).<br />
Etienne : Est-ce que le riz se dtsveloppe ?<br />
Moi : Non, c'est trop tôt, le riz ne pousse pas en une nuit.<br />
Etienne : Maman, est-ce que c'est une mini-rkibre que j'ai<br />
fait(e) ... comme en Chine ?
Moi : Tout à fait , mais vraiment mini !<br />
Il boit son bol de lait et change de sujet,<br />
Etienne : Maman, en Amérique, est-ce que les shérifs sont riches ?<br />
Moi : Ça depend ... certains le sont.<br />
Etieme : Riches,.. comme Picsou ?<br />
Moi : Ça, je ne sais pas s'ils sont aussi riches que Picsou.<br />
Etienne : Et sont-& avares eomme Picsou ?<br />
Moi : Je pense que certains sont avares, d'autres non, Allez ...<br />
fide à l'école, ce nkst pas le moment de discuter. A ce<br />
soir, bonne jouxnee.<br />
Etienne : Saiut, à ce soir.<br />
Et voüB, Etienne vient de partir.<br />
Mer soir, B l'occasion de la lecture, j'ai jet& un oeil discret sur la<br />
leçon de langage du lendemah, ce sera «perdre son temps ... son<br />
sanekaid ... la raison ... perdre une dent.,. » J'espère qu'il se débrouillera.<br />
De toute façon, Geneviève et MichiE:le sont là, visantes.<br />
Nous nPavons parlé de rien.<br />
LA VIE= EN- LPC CONTINUE.
MON PETIT FILS EST SOURD<br />
.,OU, TWNTE ANS APRES<br />
Gaston LORIOUX *<br />
Ma filie Véronique a trente-cinq ans, elle est ntse sourde profonde.<br />
Son fis Philippe vient d'avoir quatre ans, il est également né<br />
sourd profond, Pour lui, je me suis promis de tout mettre en oeuvre<br />
pour réussir son éducation mieux que je ne l'ai fait pour sa mare, afin<br />
qu'A vingt ans il se sente, A la fois, bien dans sa difftrrence et bien<br />
dans notre monde d'entendants où il devra sYint6gter, Et mon premier<br />
souci, qui est d'ailleurs permanent, Eut de m"former, tant j'ai<br />
le regret de m%tre heurté, il y a trente ans, à ce qui trtait alors l'inconnu<br />
de la surdité. Seuls quelques « gens de savoir » semblaient en<br />
posséder et garder le secret, ce qui leur permettait de maintenir les<br />
parents sous leur dépendance.<br />
Depuis cette dpoque, nous sommes parnenus, ma femme et moi,<br />
a assumer la surdittr de notre fille, d'autant que nous la voyons vivre<br />
pleinement sa vie de femme et de mère, même si nous gardons toujours,<br />
au fond de nous-mêmes, les marques <strong>des</strong> traumathes subis et<br />
de notre révolte. Aussi, jknvisage l'avenir de Phrtippe avec plus de<br />
sérénité mais conscient de l'importance <strong>des</strong> dzférentes étapes de son<br />
éducation et <strong>des</strong> chok qu'elles impliquent.<br />
C'est dans cet esprit que j'aborde ces étapes, en red6couvrant,<br />
en &rand-père, le parcours d'un jeune parent d'enfant sourd,<br />
* Associarion Nationale <strong>des</strong> Parents d"t7nfants D6Ftcients Auditih (A,N.P.EDA.).
« Elle est sourde, "collez-la" dans un établissement spkialisé et<br />
vous la récupérerez ii vingt ans, c'est ce que vous avez de mieux à<br />
faire P. C'est en ces termes que cet éminent professeur parisien<br />
(notre ultime espoir) nous formula son diagnostic sur la surdité de<br />
VQonique. Nous étions en 1956. Trente ans plus tard, c'est dans une<br />
toute autre ambiance que j'ai ét6 accueilli, avec Philippe, par l'équipe<br />
d'un Centre d'Aaion Médico-Social Précoce, dkpendant d'un service<br />
d~audiophonolo@e de grande renommée. Sachant tr&s bien que<br />
PhZppe était sourd, j'ai fait, avec le médecin ORL, « l'économie » de<br />
cette phase préhinaire si dramatique qu'est, pour les parents, l'annonce<br />
du diagnostic, Mais, après plus d'une heure d'entretien, j'ai<br />
quitté le médecin avec une idée précise <strong>des</strong> actions ii entreprendre,<br />
de leur calendrier et de leur répartition entre les professionnels et les<br />
parents. J'ai tout de suite rencontre les autres membres de l'équipe :<br />
l'orthophoniste, l'audioprothésiste, la psychologue. Ii y a dans cette<br />
notion d%quipe quelque chose de rassurant pour les parents, la diversité<br />
de leurs personnaiittns permet de mieux comprendre et d'être<br />
mieux &outé ; leur volonté commune est rassurante. Us m'ont précisé<br />
leurs r&les et ma place, non pas en tant que patient qui attend<br />
saencieusement la fin de la rédaction de l'ordonnance, mais en tant<br />
que partenaire et responsable d'éducation. Ce plan d'éducation, c'est<br />
la réponse d'espoir que le médecin donne aux parents qui, dCsespérds<br />
et ignorants, lui avaient demandé : « mais quoi faire ? ».<br />
Alors, qu'on n'entende plus ces propos lénifiants qui avaient été<br />
notre espoir, il y a trente ans, mais qui ont trop souvent cours encore<br />
aujourd'hui : « Ne vous inquietez pas, ça s'arrangera, dans quelques<br />
années on l'opérera <strong>des</strong> végétations, puis vous verrez à la formation ...<br />
repassez me voir dans les trois mois », Ou alors c< de toutes façons,<br />
elle parlera comme les autres, elle ira ii i'écofe comme les autres u,<br />
quelle escroquerie ii l'espoir ce « comme les autres » auquel les parents<br />
veulent croire contre toute logique ! Que de temps perdu et<br />
que de fausses orientations ! Comment la formation <strong>des</strong> medecins<br />
ORL et généralistes peut-elle comporter de telles lacunes ?<br />
Je passerai sur l'bducation précoce de l'enfant dont l'importance<br />
n'est plus à demontrer, pour insister sur la prise en charge (la guidance)<br />
<strong>des</strong> parents. Il faut redire le traumatisme qui les écrase au
moment du diagnostic. Brutalement, ils se sentent isolés, perdus devant<br />
leur enfant qui est devenu un être étrange. Maladroitement, l'attitude<br />
de compassion de leur entourage ne fait qu'accentuer leur<br />
désarroi. De jeunes parents me disaient récemment qu'ils se sentaient<br />
rejetés de la société. Désespoir, culpabitité, impuissance, angoisse<br />
... <strong>Les</strong> psychologues ont analysé ce traumatisme auquel aucun<br />
de nous n'a échappé et qui a bouleversé nos vies. Mais ils ont aussi<br />
détaillé le parcours de « reconquête » de ces jeunes parents aliant du<br />
>.<br />
DBs lors, ils ressentiront un besoin impériew d'information pour apprendre<br />
cette différence et résoudre, en conséquence, le problème de<br />
l'éducation de leur enfant.<br />
C'est à l'équipe <strong>des</strong> professionnels de les guider dans cette recherche<br />
de l'information mais, concurremment, les associations de<br />
parents y ont un rBle capital à jouer. Car si les professionnels ont la<br />
science, ils ne ressentent pas le tourment que les parents portent<br />
quotidiennement en eux. Josette Le François1 l'a très bien exprimé :<br />
6 En dépit de l'amélioration de la qualité de services offerts aux<br />
jeunes déficients auditifs, en d6pit de nombreuses heures de rencontre<br />
avee <strong>des</strong> professionnels, les nouveawr parents demeurent insatisfaits.<br />
Un de leur besoin fondamental demeure non-comblé. Il s'agit<br />
de ce besoin de partager leur v&cu, leurs émotions, leurs peurs, leurs<br />
craintes face à la surdit6 de leur enfant, face à cet événement tragique<br />
qui a changé subitement le cours de leur vie. Ils ont besoin<br />
d'oreilles attentives, de coeurs ouverts capables de comprendre sans<br />
juger, capables de les encourager, de les stimuler il avancer. En bref,<br />
ils ont besoin d'un semblable dans l'&preuve, d'un quelqu'un qui a luimême<br />
vécu le problBme et qui s'en est sorti. »<br />
Mais faut-il encore que I"association soit en mesure d'assumer ce<br />
rdle d'accueil et d'information. Pour cela, elle doit avant tout être<br />
1. Professeur Adjoint à 1'Ecole d'Orthophonie et d'Audiologie de l'Université de Montdal,<br />
245
ouverte ii toutes les tendances et dkpasser les sectarismes qui divisent<br />
trop souvent les parents. Comment pourrait-elle, autrement,<br />
pretendre & une information objective ?<br />
J'ai la chance d'avoir rencontre une association locale qui réalise<br />
cette osmose en regroupant <strong>des</strong> parents avec <strong>des</strong> enfants aussi bien<br />
en intégration dans l'kole ordinaire qu'en étabtissement spécialisé,<br />
pratiquant la LXF ou l'oralisme avec ou sans utzsation du LPC.<br />
C'est 1A que va se jouer la complémentarité, de l'information donnée<br />
par les professionnefs et vécue dans l'association. <strong>Les</strong> professionnels<br />
expliquent la nature de la surdité avec ses conséquences dans le développement<br />
de la personnalité de l'enfant et son devenir. Ils parlent<br />
de l'intérêt de l'appareillage mais aussi de ses limites. Jls expliquent<br />
les particularités du développement <strong>des</strong> différents mo<strong>des</strong> de langage<br />
et l'importance capitale de la communication. Mais après ces cours<br />
théoriques », c'est au sein de l'association que les parents en verront<br />
les applications sur les enfants de tous (iges qui préfigurent l'évolution<br />
de leur propre enfant.<br />
C'est aux professionnels d'orienter les jeunes parents vers les associations.<br />
Ils y parviendront d'autant mieux qu'eux-mêmes en feront<br />
partie. La notre compte, parmi ses adhérents, pratiquement toute<br />
l'équipe du CAMSP, <strong>des</strong> Directeurs d'établissement, <strong>des</strong> enseignants<br />
et éducateurs spécialisés. Alors, une toute autre relation s'établit<br />
entre les parents et ces professionnels. Il n'y a plus la barrière de la<br />
blouse blanche, du fauteuil de bureau, du vocabulaire ésotérique, A<br />
la relation hiérarchique de subordination du patient, se substitue un<br />
nouveau rapport e horizontal >>, convivial, qui permet aux parents de<br />
parler et d'être écoutés. <strong>Les</strong> professionneh sont les premiers bénéficiaires<br />
de cette nouvelle forme de relation avec les parents-partenaires.<br />
Cbt dans cette ambiance que l'hfomation «passera » Ie<br />
mieux, quel qukn soit le support : conférences-débats, tables ron<strong>des</strong>,<br />
discussions de groupes, & charge pour l'association de l'imaginer et<br />
d'en renouveler 1'intér:rêt.<br />
Enfin, c'est l'association qui sera le mieux à même de créer l'ambiance<br />
favorable & la rencontre <strong>des</strong> jeunes parents avec les adultes
sods. Sans cette rencontre, l'information serait pavement tronquée,<br />
Mais elle est souvent délicate à faire accepter par <strong>des</strong> parents<br />
qui n'ont pas encore entièrement admis que leur enfant appartienne<br />
au monde <strong>des</strong> sourds.<br />
« Comment communiquer avec mon enfant ? » Cette question,<br />
prhordiale aujourd%ui, remplace celle que nous posions il y a trente<br />
ans : « Quand parlera-t-il pour que nous puissions wmmuniquer<br />
avec lui ? » En fait, Vbronique ne s'est même pas posé la question, la<br />
langue maternelle de PhQpe sera la sienne : la tSF. « Je suis très<br />
heureuse que mon fils soit sourd car, ainsi, je serai sa vraie mère »<br />
(sa fille, entendante, a été élevée surtout par ses grands-parents).<br />
Alors j'ai pris <strong>des</strong> cours de LW et toute la familtle proche, oncles,<br />
tantes, cousines, en ont appris les rudiments, Ces cours qui avaient<br />
lieu au CAMPS, avec un poupe de jeunes parents, nous ont permis<br />
de dkouvrir une langue riche dont les structures, si différentes de la<br />
ndtre, nous faisaient entrevoir ce mode de « pensee visuelle » <strong>des</strong><br />
sourds qu'if nous est si difficile d'haginer. « La LSF se parle comme<br />
on <strong>des</strong>sine » m'a dit un sourd, et j'ai rapproché cette réfiehn de<br />
celle que Véronique me fait quand elle ne comprend pas mes explications,<br />
«Papa, n'oublie pas que dans ma tête je n'ai que <strong>des</strong><br />
images P.<br />
Et Phrlippe s'est approprié la LXF avec la même facilité q ub<br />
bébé entendant s'approprie notre langue. Aujourd'hui, à quatre ans,<br />
if nous assaille de questions en participant à tous les petits événements<br />
de son environnement. Avec lui, je vértfte à quel point la<br />
communication est à la base du développement et de l'épanouissement<br />
d'un enfant, II y a trente ans, dans les mhes circonstances,<br />
nous étions désespérés en présence de Véronique. A part quelques<br />
actes élémentaires de la vie de tous les jours, nous étions kcapables<br />
de lui faire comprendre ce que nous voul_tons lui dire et de comprendre<br />
ce qu'elle voulait. Alors, ces vaines tentatives se teminaient<br />
presque toujours par <strong>des</strong> cris et <strong>des</strong> trépipements. Il est vrai qu'&<br />
l'époque, nous pensions que ces réactions étaient nomales chez un<br />
enfant sourd. Un 6mtnent professeur, qui faisait autoritb, démontrait
qu'un enfant sourd était hypernerveux, instable, coléreux, que le développement<br />
de sa personnaLité et de son intelligence avait de 3 à 6<br />
ans de retard par rapport aux entendants. Un enfant sourd n'avait<br />
pratiquement pas accès à l'abstrait et à l'ima&aire. J'avoue avoir<br />
éprouvé un réel plaisir en lisant, ces derni&res annees, <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> qui<br />
ridiculisaient les arguments de ce docte professeur.<br />
Quand ma femme ou moi nous nous absentions, c'était un drame<br />
pour Véronique. Pour Phappe, rien de tel quand sa mère s'absente ;<br />
il suffit de lui expliquer. Celle-ci étant en voyage pour une semaine,<br />
deux jours aprks son départ, PWppe nous dit (en signes) « Maman<br />
est partie, elie va revenir, Philippe ne pleure pas », c'était sa premi&re<br />
phrase, il avait dix-neuf mois.<br />
Mais devant cette facilité, je suis conscient du risque de voir<br />
Philippe s'installer dans le confort de la LSF, en ignorant le langage<br />
parlé <strong>des</strong> entendants. Aussi son orthophoniste s'attache à le démutiser<br />
et à le faire parler en utilisant les signes, mais dans une communication<br />
bimodale en français signé, compl6t:tée par le LPC. D&s I'âge<br />
de 9 mois, elle a commencé lui faire prendre conscience du monde<br />
<strong>des</strong> entendants. Et Phrlippe a compris. Ii avait trois ans quand il nous<br />
a dit à table, en demandant à boire : « Phsppe dit "eau" à papy et<br />
mamy parce qu'ils entendent, mais il fait le signe "eau" à maman<br />
parce que son oreille est « cassée » comme celie de Philippe S. '11 y a<br />
trente ans, Véronique n'avait pas pris consience de sa surdité, ce<br />
n'est que vers douze ans qu'elie I'a réalisée. Et elle veut que son fils<br />
parle.<br />
En revanche, il a faHu arementer longtemps pour lui faire admettre<br />
la pratique du LPC. « C'est encore une trouvaze <strong>des</strong> entendants<br />
qui ont invent4 une nouvelle hngue <strong>des</strong> signes pour remplacer<br />
la nôtre qu'ils n'aiment pas ». Eile a compris la nature et l'utilité de<br />
ce code quand elfe i'a epérhent6 avec l'orthophoniste de son fifs.<br />
«Oui, mais Philippe va confondre LSF et LPC, il ne va plus rien<br />
comprendre B. C'est PhrIippe qui lui a donné la rkponse, il avait trois<br />
ans et demi. En revenant du cabinet de toilette, tout fier, il explique<br />
en UF à sa mere qu'il venait de faire pipi et que 6 c'$tait pareil »<br />
(en LSF) que pipi @rononc(: et code en LPC). Depuis, Véronique
est rassurée. Mais elle reste quelque peu réticente pour ce «truc »<br />
<strong>des</strong> entendants qu'elle tolère ... pour me faire plaisir.<br />
Comme moi, elle est obsédée par Tappropriation du français lu,<br />
&rit .et parlé, par son fils. « Je veux, me dit-eue souvent, qu'il sache<br />
lire un journal, écrire une lettre et se faire comprendre, sed, <strong>des</strong> entendant~<br />
w. C'est dans cette perspective que nous avons choisi le système<br />
éducatif qui nous semblait le mieux convenir au cas particulier<br />
de Philippe,<br />
EtabLissement spéciafisé ou integation dans l'&ole ordhaire ?<br />
Pour Véronique, la réponse est évidente : il n'est pas concevable<br />
qu'un enfant sourd puisse se retrouver, seul, dans une classe d'entendant~.<br />
Et, de fait, ne pouvant pas, moi-même, assurer le rBIe de<br />
soutien-précepteur que ma me ne peut pas envisager, Philippe ne<br />
pouvait être scolarisé que dans un établissements spécialisé.<br />
Mais, pour moi, 2 n'&ait pas question, comme il y a trente ans,<br />
de rester à la porte de Etablissement. Nous entendions bien, Véronique<br />
et moi, y entrer en même temps que Philippe, en partenaires<br />
d'éducation. Et nous souhaitions y trouver une classe maternelle<br />
conçue comme une suite lo@que de l'éducation prkwe, développant<br />
le merne mode de communication et d'édu-ttion audiophonatoke.<br />
Par chance, l'équipe de professeurs, éducateurs et intervenants sourd<br />
de la maternene travaillent en liaison avec le CAMSP, sur le même<br />
projet pédagogque et avec le meme souci d'une participation réelle<br />
<strong>des</strong> parents il leur travail. De plus, les enfants sont int&gr&, trois<br />
demi-journées par semaine, accompagnés d'une éducatrice, dans une<br />
maternelle dkntendants dont les mattresses connaissent tes sourds<br />
depuis plusieurs ann6es. Cette formule est excegente pour la socialisation<br />
<strong>des</strong> petits sourds qui dtscouvrent le monde <strong>des</strong> entendants et<br />
apprennent & y vivre. Le r6sultat a 6t6 spectaculaire pour PhZppe et<br />
sa mère a convenu que Tintégation pouvait avoir <strong>des</strong> aspects<br />
positifs.<br />
Le choix d'un système éducatif est, aprbs celui d'un mode de<br />
eonimunication, la décision la plus importante et la plus angoissante<br />
que les parents ont à prendre. « Il faut bien insister auprbs <strong>des</strong> pa-
ents sur l'objectif fondamental qui est celui de déterminer la scolarité<br />
la plus adaptée à l'enfant et non pas au désir parfois utopique de<br />
la familie >> (Docteur Lucien Moatti). Or, combien de familles ont<br />
choisi l'intégration en materneile « parce qu'à cet âge, tout se passe<br />
bien, après on verra » mais surtout parce que leur enfant ira à l'école<br />
« comme les autres ». Certes, d'autres sont conscients du soutien impératif<br />
(et de ses contraintes) qu'ils devront apporter à leurs enfants<br />
; ceux-là réussiront. Enfin, certains n'ont pas d'autre choix en<br />
raison de leur isolement géographique.<br />
La spécificité de l'éducation d'un enfant sourd résulte d'abord<br />
d'un problème majeur de communication dont l'importance est capitale<br />
dès la petite enfance. Elle est fonction de la nature de la surdité :<br />
un devenu sourd, un sourd sévère et un sourd profond ne seront pas<br />
tributaires de la même solution éducative. La c< pgdagogie pour<br />
tous » de 17Education nationale n'est pas applicable, teiie qu'eue, aux<br />
enfants sourds, d'abord parce qu'elle est basée sur l'expression orale<br />
mais, surtout, parce qu'elle s'adresse à <strong>des</strong> enfants qui arrivent à six<br />
ans, en cours prgparatoire, en parlant le français qu'ils se sont approprié<br />
naturellement avec leurs parents. Et c'est à partir de ce français<br />
fondamental que l'instituteur va travailler la syntaxe, la grammaire,<br />
le vocabulaire (avec les difficultés que l'on sait). L'enfant<br />
sourd à six ans ne possède pas ce français fondamental. C'est donc<br />
une pédagogie spécialisée dont il a besoin, que ce soit en établissement<br />
spécialise ou en intégration, par le biais <strong>des</strong> soutiens dont ii devra<br />
impérativement et massivement bénéficier. Enfin, on ne parie<br />
bien une langue que lorsqu'on pense en cette langue. Or, en quoi<br />
pense l'enfant sourd ? J'ai dit qu'il semble que son mode de pensée<br />
se traduise dans la structure « visuelle » de la LSF, si différente de<br />
celle du français. Et nous savons que la difficulté majeure pour les<br />
sourds est de comprendre la structure de nos phrases. C'est sans<br />
doute ce transfert de pensée qui constitue l'essentiel du problème<br />
pédagogque à résoudre pour nos enfants.<br />
A douze ans, Véronique réussissait à rendre intelligible un texte<br />
de quelques lignes qu'elle récitait par coeur. Quelle joie pour nous.<br />
Queiie dfsception quand elle ajoutait : « mais papa, pourquoi veux-tu<br />
que je parle, ça sert à quoi ? » Et si je voulais une expfication sur le
sens de sa récitation, elle éclatait de rire en disant : cc Je n'y eomprend<br />
rien W. A vingt ans, elle est sortie du systt3me éducatif spécialisé<br />
avec un CAP mais pratiquement incapable de rire un journal, en<br />
dehors <strong>des</strong> titres et incapable d'écrire une lettre, comme la majorité<br />
<strong>des</strong> sourds profonds. Tels sont, pour moi, les termes du bilan de<br />
l'oraiisme cc traditionnel » d'il y a vingt ans.<br />
Qu'en est-il de ce bilan aujourd'hui? Je reconnais avoir été<br />
comblé par les textes officieh publiés au cours de ces dernit3res années,<br />
Tout semble avoir été écrit sur la nouvelle pofitique d'4ducation<br />
<strong>des</strong> enfants sourds, la moder~sation <strong>des</strong> établissements et structures<br />
spécialisées, les conditions et les moyens de l'intégration, la<br />
formation <strong>des</strong> enseignants, le r61e <strong>des</strong> parents et leur place dans le<br />
systhme éducatif.<br />
Mais, vu de province, au contact <strong>des</strong> établissements spécialisés,<br />
<strong>des</strong> classes de 1'Education nationale qui accueillent <strong>des</strong> enfants<br />
sourds, <strong>des</strong> parents isolés dans les départements sous-équipés, l'application<br />
de ces directives ne semble pas der de soi. Qui va assumer<br />
fa responsabiliré de la mise en oeuvre de cette réforme, et à quels<br />
échelons ? Qui va organiser les coordinations nécessaires, les étu<strong>des</strong><br />
et recherches pédagogiques qu'elle implique ? <strong>Les</strong> textes ne le disent<br />
pas et aucune structure en mesure de le faire n'existe, ni à l'échelon<br />
national, ni à l'échelon régional. Mors ?<br />
<strong>Les</strong> Etablissements spécialisés, à quelques exceptions pr&s, gèrent<br />
en toute quiétude leur autonomie et leurs «habitu<strong>des</strong> acquises<br />
», sans avoir de compte à rendre à personne, en dehors de<br />
leur gestion administrative. Or, leurs enseignants et éducateurs représentent<br />
un potentiel pédagogque et psychologique irremplaçable<br />
mais actuellement sous-exploité. Qui transformera ces lour<strong>des</strong> structures,<br />
préoccupées de chaque ligne de leur plan comptable, en cc Entreprises<br />
» dynamiques et conquerantes, préoccupées, avant tout, de<br />
la qualité de leur produit, de leur conquête <strong>des</strong> marchés, du suivi de<br />
leurs clients et de la cohésion de l'équipe de leur personnel ?<br />
LPEducation nationale ne joue le jeu de l'intégration que g&ce Q<br />
la bonne volonté de certains hstituteurs qui en acceptent les<br />
contraintes mais sans moyens et facilités particulières. Elle semble
participer 4 la réforme en cours en signant quelques textes communs<br />
aux deux Ministères, mais elle conserve la formation particulière de<br />
ses instituteurs spécialisés. Et, localement, la coopération entre<br />
l'école et les établissements spécialisés est toujours subordonnée à<br />
l'initiative et au bon vouloir <strong>des</strong> personnes.<br />
Quant A la vingtaine de départements dépourvus de toute structure<br />
spécialisée, on ne voit pas comment « dans le cadre <strong>des</strong> moyens<br />
existants » (leitmotiv de tous les textes officiels) pourraient être satisfaits<br />
leurs besoins.<br />
Enfin, dans ma quête d'information, je n'ai toujours pas trouvk<br />
les statistiques élémentaires sans lesquelles il me semble bien difficile<br />
de mettre en oeuvre un plan de réforme. Et, en attendant ces<br />
statistiques qui nous permettraient de parler objectivement de résultats,<br />
de bilan et d'évaluation, qui prendra l'initiative d'effectuer sérieusement<br />
un simple recensement <strong>des</strong> enfants sourds scolarisés dans<br />
notre pays ?<br />
Avec mon petit fils, j'ai découvert ce que j'avais cherché en vain,<br />
trente ans plus tôt, avec ma fille : l'éducation précoce, la guidance<br />
parentale, les parents partenaires d'éducation, la priorité de la communication,<br />
la reconnaissance de la LSF, la pratique du LPC, <strong>des</strong><br />
prothèses plus performantes. Certes, j'ai dit mon inquiétude en mesurant<br />
le décalage existant entre, d'une part les novations et la modernisation<br />
<strong>des</strong> solutions éducatives qu'elles impliquent et, d'autre<br />
part, la lourdeur <strong>des</strong> structures existantes qui doivent se réformer,<br />
Mais je fais confiance aux professionnels, en particulier aux enseignants<br />
et éducateurs, pour se remettre en cause et réaliser collectivement<br />
cette modernisation dont ils sont, en fait, UndividueUement<br />
les initiateurs.<br />
Mais j'ai découvert également les associations de parents, lieu<br />
privilbgik d'accueil, d'information et de formation. Aussi, qu'il me<br />
soit permis de rendre hommage à ~'ANPEDA~, au dynamisme cha-<br />
2. L'Association Nationale <strong>des</strong> Parents d'Enfants D€ficients auditifs a €té fondtSe en 1965. Ce<br />
fut la premitrc association nationale de cette nature.
leureux de son équipe dirigeante qui m'a accueilli. Elle joue parfaitement<br />
son double rôle d'intervenant permanent auprès <strong>des</strong> partenaires<br />
publics (Minlst&res, milieux associatifs, organismes techniques<br />
et professionnels) et de guidance <strong>des</strong> parents. Elle a donné espoir et<br />
confiance à <strong>des</strong> &ers de familles désemparées. Elle a su prendre<br />
en compte, sans exclusive, l'ensemble <strong>des</strong> composantes du systkme<br />
éducatif actuel dont l'osmose est indispensable pour que nos enfants<br />
puissent y trouver une place correspondant au stade de leur évolution.<br />
Le cas de Philippe nous a pos6 la question du choix d'un projet<br />
éducatif ; je laisserai il Josette Chalude, Présidente d'honneur et<br />
fondatrice de L'ANPEDA, le soin d'y répondre, en témoignage d'admiration<br />
et de reconnaissance pour son action militante au service<br />
<strong>des</strong> enfants sourds, de leurs parents ... et de quelques grands-parents :<br />
« Education et épanouissement : l'éternel débat <strong>des</strong> anticipations positives.<br />
Qu'aura-t-on gagné si notre jeune arrive à entrer dans une<br />
relation authentique avec les personnes entendantes sur le plan de la<br />
vie quotidienne, ce qui est déjà un fameux résultat, mais s'il ne peut<br />
trouver parmi eux de vrais amis, un compagnon partageant son intimité,<br />
avec qui ii ne soit pas constamment dans l'effort et le faux semblant<br />
? Mais par ailleurs, qu'aura-t-on gagné si notre jeune est bien<br />
dans sa peau, mais à la condition de ne pas &tre obligé de fréquenter<br />
le monde ordinaire sinon par le truchement d'un interprète ?<br />
<strong>Les</strong> parents, fondateurs du projet éducatif, tout comme les professionnels<br />
qui participent à sa réalisation, ne devraient pas titre invités<br />
à faire <strong>des</strong> choix s'excluant l'un l'autre, mais s'armer, au contraire,<br />
pour gagner sur les deux tableaux : celui <strong>des</strong> instruments de l'autonomie<br />
et celui de l'épanouissement personnel. »
CONCLUSION<br />
-<br />
olivier PERIER<br />
C'est un honneur pour moi que d'avoir étd invité il écrire la<br />
conclusion de cet ouvrage. Un honneur que je tiens à partager avec<br />
mes collaborateurs du Centre comprendre et parler et de SEcole<br />
intégrée, car c'est notre oeuvre commune qui me le vaut.<br />
L'ensemble de ces textes, s'iis font effectivement le point sur la<br />
situation actuelle en France, comme l'indique le titre, se veulent<br />
aussi constituer les bases d'actions encore plus efficaces ik l'avenir, Je<br />
souhaite qu'à leur instar, ces dernières pages apparaissent comme<br />
une conclusion « en marche B.<br />
L'impression générale peut se résumer par ces qualités cornrnunes<br />
: la sincérité, la compétence, le respect de l'autre. Dans<br />
chaque domaine, ce sont <strong>des</strong> personnaiités éminentes qui ont été invitées<br />
à traiter d'un sujet qu'elles connaissaient bien. Ce qu'elles ont<br />
dit est le fruit d'observations et de réflexions fondées sur une solide<br />
elperience. Si chacun a présent6 sans fard sa vérité personnelle, aucune<br />
n'a tenté de la faire admettre comme universelle. Loin <strong>des</strong><br />
dogmatismes et <strong>des</strong> fanatismes d'un passé encore récent, ils ont défendu<br />
leurs options par <strong>des</strong> arguments positifs, exprimant de manière<br />
nuancée leurs critiques ou leurs craintes à l'égard d'autres pratiques,<br />
évitant les jugements sans appel sur les autres choix que les leurs.<br />
Reconnaître aux autres le droit à la parole, c'est admettre que nul<br />
n'est seul qualifié pour décider ce qui convient le mieux aux enfants<br />
sourds de France et du monde. Si l'on peut en féliciter les auteurs, on<br />
peut aussi se réjouir du fait que cela a étb rendu possible par l'évolution<br />
gt5nCrale <strong>des</strong> esprits, à la veille de cette dernière décennie du
siècrle, L'ouvrage vient son heure, celle ob le dialogue, aprbs une<br />
période d'erontements passionnés et passiomels, est redevenu<br />
possible.<br />
Chaque chapitre apporte une pierre contribuant à la cohérence<br />
de l'edifice. Au fil de leur lecture, certains points m'ont particulièrement<br />
frappé, par leur pertinence ou leur nouveauté.<br />
L'introduction de Jean-Pierre Bouillon m'est apparue comme un<br />
exemple hautement demonstratif <strong>des</strong> vertus g6nérales de l'ouvrage. Il<br />
situe bien celui-ci dans le prolongement <strong>des</strong> textes légaux parus de<br />
1986 a 1988, reflétant un travail exceptionnel qui fait honneur à la<br />
France. Je me plais en extraire deux citations, qui me paraissent<br />
dignes d'&être inscrites au fronton de nos institutions, ou mieux encore<br />
& Pavant-plan de nos esprits :<br />
i< Qui veut s'omuper de surdité doit amepter de penser inconfortablement.<br />
>><br />
« La perspective doit ktre d'attehdre, pour tous les enfants qui<br />
ont tir4 profit de l'éducation précoce, un niveau scolaire identique il<br />
celui <strong>des</strong> entendants. C'est la nouvelle frontibe du XX.P siècle, le défi<br />
a relever par l'addktration, les établissements et les services ». Enfin,<br />
comment taire la joie que procure la lecture de ce texte clair,<br />
concis et prkis, exemple de ce génie de la langue française qui lui<br />
donne tant de prix nos yeux.<br />
C'est la langue <strong>des</strong> signes qui est le sujet du premier chapitre, et<br />
I est juste qu'il en soit ainsi, après le iong ostracisme dont eiie fut<br />
victime jusqu'à il y a peu. Christiane Fournier explique bien la valeur<br />
de cette langue et définit ce qu'est le français signé, faisant ressortir<br />
le hiatus entre théorie et pratique, mettant en garde contre les pi&ges<br />
que renferme cette technique de visualisation commode mais imparfaite<br />
du français, sans en nier pour autant 17int6rêt pour les pédagogues<br />
et les parents.<br />
PhZppe Séro-Guillaume attire l'attention sur la grande créativité<br />
de la langue <strong>des</strong> signes, lui permettant de combler rapidement<br />
les lacunes imputables à son exclusion, jusqu'à une période récente,<br />
de nombreux champs de communication. Il relate une int6ressante
eptitrience personnelle d'introduction de la LSF en classe par Pintermbdiake<br />
de vidéo-cassettes, véritabfes traductions en LSF: de textes<br />
frmçais dans lesquefies la prhauté était donnée au sens plutbt qu'à<br />
une traduction trop « Ettérale », Le texte £rangais présent6 ensuite<br />
pemettait de faire <strong>des</strong> comparaisons entre les deux wstèmes luiguistiques,<br />
&approfondir et de réactuaEser <strong>des</strong> notions dont le sens était<br />
<strong>des</strong>ornais mieux peGu.<br />
On connaît le r6le hport-ant joue par Bernard Mottez dans la<br />
rcshabatation de la LSF et de la communauté <strong>des</strong> sourds dont elle est<br />
à la fois le ciment et le Een culturei le plus précieux. Son texte argumente<br />
avec talent l'idée que loin d'enfermer les sourds dans un<br />
ghetto, comme on lpa longtemps proclamé, la langue <strong>des</strong> signes pouvait<br />
leur permettre d'en sortir, La multipGcation <strong>des</strong> interprktes dans<br />
différents contextes permet un accès plus large à ce qui se passe dans<br />
le monde <strong>des</strong> entendants, qui est quand même aussi celui <strong>des</strong> sourds.<br />
Marie-Françoise Doumenjou et Jacques Laborit sont parmi ces<br />
quelques psychiatres français, ces rares psychiatres de par le monde,<br />
pratiquer la langue <strong>des</strong> signes et à savoir de ce fait communiquer<br />
avec tous les sourds. Leur evérience les a amenés réaffirmer qu'il<br />
n'y a pas de « personnalité du sourd », qu'il y a autant de personndités<br />
de sourds qu'il y a de personnes sour<strong>des</strong>. « Chacune se forgeant,<br />
comme pour tout être humain, dans une histohe famltinfe et une<br />
parent6 dIff6rentes pour chacun B. Us livrent les résultats de leur enquête<br />
sur la situation <strong>des</strong> sourds en milieu psychiatrique, qui la<br />
rev&le semblable à celle d'autres pays : s'il n'y a pas de psychopathologie<br />
spéciale propre aux sourds, ceux-ci restent plus longtemps hospitalisés,<br />
en raison de Phadéquation de la plupart <strong>des</strong> institutions, et<br />
en particulier de la non-utilisation de la langue <strong>des</strong> signes dans la<br />
plupart de ceiia-ci. Ils terminent leur article et ce chapitre par un<br />
plaidoyer pour que la langue <strong>des</strong> signes ne soit plus refusée à de<br />
nombreux enfants sourds, refus auquel ils imputent les difficuttb<br />
dans Peqression tant orale que gestueiie dPadultes sourds qui les<br />
consultent.<br />
Le deuxième. chapitre est consacré au Langage parlé cornplétG<br />
Eerit par Française Chambon, présidente de SAssociation pour le
développement du UC, 2 explique clairement en quoi consiste la<br />
technique et donne les principales réfdrences bibliographiques la<br />
concernant. Ce chapitre vient heureusement illustrer les textes 16-<br />
gaux rkemrnent parus en France qui reconnaissent l'hportance du<br />
LPC mais ne pouvaient en faire la <strong>des</strong>cription. Ce sera l'occasion<br />
pour les lecteurs qui n'ont jusqu'ici entendu parler que de manière<br />
parcellaire de ce moyen relativement récent d'en prendre véritablement<br />
connaissance.<br />
L'auteur souligne judicieusement le double aspect du LPC : aide<br />
a la lecture labiale, certes, mais aussi moyen de permettre it l'enfant<br />
sourd de parents entendants de s'approprier la langue de ceux-ci selon<br />
un processus comparable à celui de l'enfant entendant. Permettant<br />
une visualisation précise et complète de la parole, le LPC peut<br />
restaurer celle-ci comme moyen efficace d'acquisition d'une langue<br />
premibre et devenir ensuite un outil de communication. Cependant,<br />
souligne I'auteur, la parole complétée, même si elle est totalement<br />
appréhendable par la vue, n'est pas plus porteuse de sens que le mot<br />
entendu pour la première fois. Elle requiert donc comme lui un<br />
contexte situationnel et linguistique pour parvenir it la signification.<br />
<strong>Les</strong> gestes expressifs, mimiques, recours à l'image ou à la désignation,<br />
dont les parents d'enfants entendants accompagnent spontanément<br />
leur parole, seront encore plus nécessaires à l'enfant sourd<br />
pour que le lien s'établisse entre la forme visuelle qu'il perçoit et<br />
l'objet, l'action, le concept 6voqués.<br />
Le troisieme chapitre traitant <strong>des</strong> aspects médicaux et audioprothétiques<br />
a été rédigé par <strong>des</strong> audiophonologistes membres du<br />
BIAP (Bureau international d'audiophonologie) creuset où se rencontrent<br />
les diverses disciplines dont i'audiophonologie souligne la<br />
complémentarité. C'est dire si chacun <strong>des</strong> auteurs a apporté B sa<br />
contribution l'expdrience du travail ulterdisciplinaire vécue au sein<br />
de cette association. Jean-Claude hfon a accepté la tâche ardue<br />
d'analyser les pratiques actuelles d'évaluation et d'indemnisation du<br />
handicap auditif. Parmi les critiques qu'il adresse aux différents barèmes<br />
et aux modalités de leur appfication, c'est l'absence de prise en<br />
compte effective <strong>des</strong> possibifités de communication verbales quyii<br />
relève en priorité. Il souligne la difficulté de concilier la nécessité
d'un ajustement périodique du taux d'hvalidité de l'enfant avec le<br />
souci d'tsviter que les parents ne soient tentt5s de mahtenir celui-ci<br />
dans son hvalidité. Comment rmnnaître une amtSLToration de capacité<br />
sans pénaliser l'effort qui l'a pemise ? L'auteur fait <strong>des</strong> propositions<br />
mncrètes et dktaiflées, reprenant une partie <strong>des</strong> dispositions<br />
actuelles tout en les ajustant, et ouvre ainsi d'intkressantes perspectives<br />
d'améEoration.<br />
C'est ensuite Lueien Moatti qui, partant de la dé~ition de l'audiophonologie,<br />
expose la spkificité de la formation et de la pratique<br />
du médecin qui se rklame de cette « pluridisciphe ». Partant <strong>des</strong><br />
nouveam textes légaux, l'auteur eqlicite le rale de ce médecin au<br />
sein <strong>des</strong> équipes, montrant comment ce rôle doit d$asser le cadre<br />
trop restrictif d'une action uniquement thérapeutique et de surveillance<br />
otologique, tout en assumant aussi cette tâche h&spensable et<br />
trop souvent négligée.<br />
La sensibilité à l'égard de la famiile et fa nécessit6 de la faire<br />
participer & la démarche thérapeutique et éducative sont mangestement<br />
<strong>des</strong> préoccupations vécues intensément par l'auteur. Son affirmation<br />
de Phportance d'un abord psychologique adéquat de i'ensemble<br />
familial, lors du choc du diagnostic, témoipe de sa profonde<br />
compréhension du r61e du médecin à ce moment critique. Savoir<br />
penser en médecin, nous dit-il en temhant, mais aussi connaître ses<br />
hites et accepter cette notion de pluridiscipharité qui est l'essence<br />
même de l'audiophonologie.<br />
L'article de Paul Veit sur Ia prothèse auditive ddfhit de rnanihe<br />
précise et syst6matique <strong>des</strong> termes et <strong>des</strong> notions bien souvent mal<br />
compris par les non-physiciens. Cette nécessaire clargieation aidera<br />
certahement tous ceux qui étaient jusqu'ici rebutés par l'aspect 6sotbrique<br />
de ce domaule nbessairement technique. L'énoncé clair <strong>des</strong><br />
prhcipes devant guider i'apparerllage prothetique aux dgférents<br />
iiges, la <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> caractéristiques particulières et <strong>des</strong> qualités<br />
respectives <strong>des</strong> dispositifs de transmission i distance ferant de ce<br />
texte un outil hdispensable aux responsables <strong>des</strong> équipements individuels<br />
et collectifs en faveur <strong>des</strong> enfants à audition déficiente.<br />
L'article se termine par d'intéressantes vues prospectives et par le
témoignage du caractère profondement humain du travail de l'audioprothésiste<br />
qui « en plus de son savoir et de son savoir-faire, y met<br />
un peu de son coeur S.<br />
Actions nouveiies, c'est le titre du quatrième chapitre qui commence<br />
par l'article de Patricia Dubois-Chapuy et Jocelyne Relias<br />
intituIts « Education prhce, guidance parentale, accompagnement<br />
<strong>des</strong> parents ». Le dernier terme de ce titre « accompagnement <strong>des</strong><br />
parents » reflkte bien, en effet, une nouveauté, par rapport à celui,<br />
plus classique, de « guidance ». Il fait ressortir cette maîtrise rendue<br />
aux parents, premiers acteurs de l'éducation de leur enfant, grilce à<br />
une information plus complète qu'auparavant et à la mise à leur disposition<br />
de tout l'arsenal actuel <strong>des</strong> moyens de communication. Il insiste<br />
avec pertinence sur la nkessité de se référer m s cesse aux<br />
processus du développement nomal de l'enfant non handicapé.<br />
Après un exposé dbtazU6 <strong>des</strong> objectifs de l'bducation précoce, l'article<br />
expose les principes d'une mise en oeuvre @namique, associant les<br />
différents membres de l'équipe concernée, La prise en compte complète<br />
du système f adal pemettra, quand n&cessaire, une restructuration<br />
: elle évitera que toute la vie <strong>des</strong> parents ne soit organisée<br />
comme une lutte contre le handicap, au risque de devenir une lutte<br />
contre i'enfant handicapé. Information et réussurance seront <strong>des</strong> aspects<br />
essentiels de 174ducation précoce, et la famn de les concevoir<br />
qui est exposbe ici s'inscrit veritablement dans le cadre <strong>des</strong> « actions<br />
nouvelles B.<br />
Viennent ensuite les articles de Jean Chappelet et de Mireille<br />
Villard, exemples concrets de la mise en appEcation dans un département<br />
<strong>des</strong> nouvelles dispositions régfementaires. Trop peu familiarise<br />
avec les structures françaises, il m'est difficile d'analyser en<br />
profondeur la portée de ces réalisations. J'ai pu néanmoins constater<br />
que l'un comme l'autre demontrait qu'aux mains de responsables<br />
animés d'une volonte d'aller de l'avant, les textes actuels permettaient<br />
effectivement <strong>des</strong> progrès importants, <strong>des</strong> adaptations structurelles<br />
parfois considérables. Un meilleur encadrement pédagogique,<br />
avec notamment la participation d'un professeur sourd spécialise,<br />
une action plus efficace auprès <strong>des</strong> familles, l'utilisation de moyens<br />
de communication plus efficaces, tant en classe spkialisée qu'en in-
tégration, enfin une meilfeure organisation de cette intégration selon<br />
<strong>des</strong> modalités variables, adaptées à chaque enfant, autant de points<br />
positifs dont la mise en oeuvre paraît maintenant possible à qui sait<br />
utiliser les nouveaux outils légaux.<br />
Ih est juste et bon que ce chapitre Actions nouvelles se termine<br />
par l'article d'Henri Faivre sur les enfants déficients sensoriels surhandicapés.<br />
Comment ne pas reconnaître que c'est là un sujet que<br />
l'on n'ose souvent pas aborder, auquel s'applique plus que tout autre<br />
cette nécessite de «penser inconfortablement » à laquelle Jean-<br />
Pierre Bouilfon fait allusion dans son introduction. Qui d'entre nous,<br />
les e professionnels de la déficience auditive » ne se sent pas interpelle<br />
par « ces enfants-IQ », et qui d'entre nous ne se sent pas<br />
coupable ? Plus sbv&rement handicapes que d'autres de par leur<br />
condition physique, ils le sont aussi par leur petit nombre, et par les<br />
difficultés particulikres inhérentes à leur prise en charge adéquate.<br />
Henri Faivre lutte pour eux depuis <strong>des</strong> années, avec lucidite, détermination<br />
et compétence. Dans cet article, il a l'occasion d'exposer à<br />
tous les problèmes particufiers soulevés par l'association <strong>des</strong> handicaps,<br />
mais aussi <strong>des</strong> solutions éducatives adaptées et realistes, ainsi<br />
que <strong>des</strong> élkments objectifs permettant de nuancer, voire de dkpasser<br />
le sombre pronostic que cette association suggère : souvent l'un <strong>des</strong><br />
handicaps est de caractère modéré et, s'il est adéquatement pris en<br />
compte, ne compromet pas la réussite du processus educatif nécessité<br />
par le handicap principal. Et lorsque les deux handicaps sont<br />
profonds, il faut apprendre, et aider les parents à apprendre, ne pas<br />
se focaiiser sur eux, mais s'attacher à découvrir les virtualités de l'enfant<br />
et prendre appui sur elles en vue de son épanouissement. Arnbition<br />
et rtklisme, adaptation au cas de chacun, sont les maîtres-mots<br />
de ce beau programme.<br />
Un de mes fils et ma fille étant sourds, je suis particfièrement<br />
heureux que le cinquième chapitre soit consacres aux parents et à<br />
leur témoignage. La participation <strong>des</strong> parents Q cet ouvrage est une<br />
application concr&te <strong>des</strong> principes énoncés dans Sa nouvelle Annexe<br />
XX'V quater, reconnaissant leur statut de membres de l'équipe éducative,<br />
et leur place primordiale en son sein.
Estelle et Andrg Voros, expliquent les raisons qui les ont amen6s<br />
à choisir pour leur fille Magali une &ducation bilingue privagiant<br />
la langue <strong>des</strong> signes au début, avec l'aide d'une jeune femme<br />
sourde. Leur récit de l'6volution de Magali, empreint d'amour et de<br />
réalisme, est un exemple de réussite de cette formule d'éducation,<br />
qu'ils espèrent voir rendre plus accessible Q d'autres parents, à<br />
d'autres enfants. Nicole Bernard raconte l'histoire de son fils<br />
Etienne, h qui elle et son mari ont pu transmettre leur langue grke<br />
au L9C. <strong>Les</strong> nombreux exemples concrets rUustrent comment celui-ci<br />
permet à l'enfant d'asshiter par l'usage, dans la vie de tous les jours,<br />
les structures de plus en plus complexes, ahsi que les expressions<br />
courantes de la langue parlêe. Enfin, Gaston Lorioux, pare et grandpère<br />
d'enfants sourds, écrit au nom de PANPEDA, soulipant le r61e<br />
essentief <strong>des</strong> associations de parents dans I'aceueil et I'infomation<br />
<strong>des</strong> jeunes parents, ainsi que dans la représentation <strong>des</strong> parents auprès<br />
<strong>des</strong> pouvoirs publics, Importance du choix d'un mode de cornmunication,<br />
puis d'un systkme &ducatif : c'est à Josette Chalude qu'il<br />
laisse le dernier mot, à propos de ces questions. Sa réponse mesurée,<br />
fruit de toute une vie de r6fXexion et d'action, est un message d'espoir<br />
et de confiance, puisqu'elle propose de choisir sans exclure, pour<br />
>.<br />
Après avoir passé en revue les contributions <strong>des</strong> dzférents auteurs,<br />
en essayant d'en dégager les lignes directrices et d'en souXagner<br />
les principaux m&rites, j'ai lhpression d'une grande richesse, et d'un<br />
assez bon équilibre. J'y retrouve la volont6 de pr6senter aux parents<br />
avertis et aux professionnels l'ensemble <strong>des</strong> options possibles,<br />
comme le fait le rtkent ouvrage américain « Choiees in Deafness »,<br />
en faisant ressortir les mérites de chacune sans dênigrer les autres. If<br />
y a cependant <strong>des</strong> absents, parmi les options et parmi les auteurs.<br />
La méthode verbo-tonale, citée plusieurs fois, n'est pas décrite.<br />
Elle fait cependant partie du tableau « l'enfant sourd en France >> et<br />
aurait mérité d'y avoir sa place, S'il est vrai que beaucoup lui reprochent<br />
de ne pas offrir à l'enfant sourd profond un moyen complet de<br />
communication et d'accès au langage, il n'en reste pas moins qu'elle<br />
a permis à de nombrewr enfants français d'exploiter au maximum<br />
leur audition résiduelle, completée au besoin par la perception vibro-
tactile, pour atteindre un bon niveau d'expression orale. Ses techniques<br />
particarement efficaces dans les domaines de la voix, de<br />
l'articulation et de la prosodie peuvent avantageusement être incluses<br />
dans le processus Cdu~tif global faisant par ailleurs appel aux<br />
signes et/ou au LPC pour développer langage et communication.<br />
Pas d'orthophonistes parmi les auteurs... Ce sont cependant elles<br />
aussi qui, dans les équipes d'éducation prhoce, assument la plus<br />
grande partie du dialogue avec les parents, qui les aaompapent pas<br />
ia pas dans la pre~bre communication avec leur enfant. Ce sont elles<br />
et eux qui par la suite vont nouer avec l'enfant sourd une relation individueue<br />
sur la base de laquelle langage et parole pourront s'enrichir<br />
et se perfectionner. Ne pas les avoir invités à prendre part cet<br />
ouvrage me paraît mhonnaître l'importance de leur r61e. La plupart<br />
ont consenti ces dernieres anntres de grands efforts pour dépasser le<br />
cadre restreint que semblerait & tort leur assigner le terme qui désigne<br />
leur profession, si l'on s'en tient & 176tymologie. Bien au-del& de<br />
fa voix et de la parole, leur champ d'action s'&tend ia tous les aspects<br />
du langage et de la communication. C'est dommage qu'elles n'aient<br />
pas eu l'occasion de l'exprher ici.<br />
Et les sourds ? Il avait &té prévu d'inclure le témoignage de l'un<br />
d'entre eux. On peut regretter que cela ne se soit pas fait. Encore<br />
eut-il fallu fatre appel à plus d'un t&moignap, car il n'aurait pas suffl,<br />
pour l'équare de l'ensemble, de recueillir l'avis d'un membre de la<br />
communautb <strong>des</strong> sourds, Celle-ci appelle tous les enfants sourds à la<br />
rejoindre, convaincue de pouvoir leur apporter les valeurs essentielles<br />
de sa langue et de sa cuiture, hdispensables à ses yeux i% l'epanouissement<br />
de leur personnalit&. Cette position a Cté exprimée B<br />
plusieurs reprises, et est maintenant bien connue. Mais d'autres<br />
sourds vivent parmi les entendants et n'ahent pas leur surdité. Sans<br />
la nier, leur personnaEté s'est forgee en quelque sorte malgr6 elle,<br />
aussi ne souhaitent-ils pas témoigner en tant que sourds. Ils ne se<br />
sentent nuftement privés de ne pouvoir participer aux dbbats, congrès<br />
ou festivals dont la surdité est le thème. Non reeensables puisque ne<br />
constituant pas un groupe social, leur existence et leur nombre sont<br />
souvent minimisés par ceux qui croient que seule f'identzication en<br />
tant que sourd permet l'épanouissement. Ils sont cependant eux aussi
<strong>des</strong> modèles d'adultes qui peuvent être proposés aux enfants sourds<br />
et à leurs parents.<br />
Enfin, n'aurait-il pas été possible de recueillir l'avis <strong>des</strong> enfants ?<br />
De ces adolescents qui ont reçu une éducation bilingue, de ces autres<br />
qui communiquent entre eux en LPC? A l'Ekole intégrée de<br />
Bruxelles, une enquête a été faite auprès <strong>des</strong> grands du secondaire,<br />
qui n'avaient pas connu dans leurs jeunes années la combinaison<br />
LPC-français signé actuellement utilisée en éducation précoce. Il en<br />
ressortait surtout une envie et un regret, de n'avoir pas bénéficié<br />
comme les petits d'aujourd'hui de moyens dont ils constatent l'efficacité,<br />
qui leur auraient permis, ils en sont convaincus, d'atteindre une<br />
meilleure maîtrise du français.<br />
Faudrait-il laisser le choix aux enfants <strong>des</strong> moyens de communication<br />
et de la langue de l'enseignement ? C'est tentant, au nom de la<br />
liberté et du respect de la personnalité de l'enfant. Mais tant qu'il n'a<br />
pas acquis une certaine maturité, l'éducation même la plus libérale se<br />
doit de ne lui proposer de choix qu'entre <strong>des</strong> options ayant fait la<br />
preuve de leur égale efficacité à long terme. Et c'est là tout le problème<br />
qui, au terme de cet ouvrage, reste entier. Car ces preuves,<br />
nous ne les avons pas.<br />
Chacun de nous a ses convictions, basées sur une expérience<br />
personnelle. Aucun de nous ne possède encore de certitu<strong>des</strong>, car les<br />
résultats <strong>des</strong> différentes options proposées n'ont pas fait l'objet<br />
d'évaluations scientifiques comparatives. Seules <strong>des</strong> recherches rigoureuses<br />
permettront d'avancer vers <strong>des</strong> appréciations plus objectives<br />
qu'actuellement. Mais elles sont difficiles à réaliser, puisqu'il<br />
s'agit de mesurer non pas seulement <strong>des</strong> performances mais bien<br />
aussi une qualité de vie. Aussi faut-if se résigner à n'avancer que pas<br />
à pas en ce domaine. Entre temps, chacun a le droit de garder sa<br />
vérité, et personne n'a celui de i'imposer aux autres. Que ces vérités<br />
parfois divergentes mais pas nécessairement incompatibles aient pu<br />
être rassemblées ici, c'est le grand mbrite <strong>des</strong> auteurs de cet ouvrage.
- ANNEXES -
MOYENS DE COMMUNICATION<br />
ET SOLUTIONS EDUCATmS<br />
DANS LA SCOLARLSATION DES ENFNTS<br />
ET mOLESCENTS DEFICIENTS AUDITXFS<br />
Ce texte est im dwment de travail.<br />
Le souci <strong>des</strong> auteurs a été d'informer, de clarifier et d'appeler 3<br />
la refteson et aux échanges.<br />
Ont rddigé ce document :<br />
- Monsieur DELHUM, Professeur au Centre National d'Etu<strong>des</strong> et de<br />
Fornation pour l'Enfance Inadaptée (CmFEI) et collaborateurs :<br />
- Monsieur BOUILLON, Conseiller Pédagogique et Technique, Direction<br />
de l'Action Sociale - Mlnistére <strong>des</strong> Affaires Sociales et de la<br />
Solidarité Nationale.<br />
- Madame FOWER, Professeur au Centre National dYEtu<strong>des</strong> et de<br />
Formation pour l'Enfance Inadaptée (CNEF*EI).<br />
- Monsieur ER, Conseiller Pé-dagogique et Technique, Direction<br />
de ktion Sociale - aistère <strong>des</strong> Affaires Sociales et de la<br />
Solidarité Nationale.
OBJECTIFS GENERAUX DU RAPPORT<br />
1, Diversite <strong>des</strong> situations, <strong>des</strong> solutions, <strong>des</strong> analyses<br />
1.3. Diversité <strong>des</strong> situations<br />
- Remise en question de l'ordisme<br />
- Influence <strong>des</strong> modèles étrangers<br />
- R61e <strong>des</strong> progrès techniques et <strong>des</strong> associations (de sourds et<br />
de parents)<br />
1.2. Diversité <strong>des</strong> solutions<br />
-<strong>Les</strong> termes généraux cachent une grande variété de cas<br />
particuliers<br />
1.3. Diversité <strong>des</strong> analyses<br />
R8le <strong>des</strong> critères idéolo@ques, linguistiques et pédagogiques<br />
- La prise en compte <strong>des</strong> objectifs éducatifs<br />
2. La problématique bilingue<br />
2.1. Du statut linguistique de Ia LSF<br />
2.2, <strong>Les</strong> argments en faveur du français, langue nationale, langue de<br />
l'école<br />
2.3. <strong>Les</strong> arguments en faveur de la LSF, seule garante d'une communication<br />
langagière précoce<br />
2.4. Paradoxes de la situation actuelle<br />
- La revendication d'une langue maternelle conduit à de redoutables<br />
contradictions<br />
- <strong>Les</strong> conditions du bihguisme restent actuellement problématiques
3. <strong>Les</strong> moyens intermddiaires<br />
3.1. Le LPC, un out2 efficace<br />
3.2. Le FS, une technique plus discutee<br />
3.3. L'4ventail <strong>des</strong> combinaisons<br />
4, R6dui.m les contradictions<br />
4.1. <strong>Les</strong> r4ponses &ducatives dbpendent, aussi, de l'atteinte auditive<br />
4.2. Ecouter les usagers, parents et élèves<br />
4.3, L'htemention <strong>des</strong> adultes sourds<br />
S. Conclusion<br />
6. Post-face : sept propositions à ddbattre
Cette courte étude a pour objet de tenter une mo<strong>des</strong>te synthèse<br />
de la situation actuelle dans les domaines de la scolarisation <strong>des</strong><br />
jeunes sourds, <strong>Les</strong> controverses parfois passionnées qui secouent le<br />
monde <strong>des</strong> professionnels, <strong>des</strong> sourds et <strong>des</strong> parents trouvent leurs<br />
sources dans cet ensemble de conditions historiques, socio-finguistiques<br />
et éducatives qu'il faut connaître pour pouvoir aussi sereinement<br />
que possible apprtkier les arguments de chaque partie. Ces<br />
arguments sont nombreux, variés, complexes et ont suscité depuis un<br />
siècle? et plus partic~èrement depuis vingt ans, une copieuse littérature,<br />
Il n'est pas dans l'intention de ce bref travail de les reprendre<br />
un à un, de les comparer, de les discuter : un &pais ouvrage n'y suffirait<br />
pas. Dans le cadre de la problématique indiquée d&s le titre (les<br />
choix éducatifs dépendant <strong>des</strong> options communicationnelies) on se<br />
contentera plus mo<strong>des</strong>tement de dresser le tableau de la situation en<br />
1985 afin d'espérer dégager, en conclusion, quelques principes clairs,<br />
cohérents et acceptables sinon par tous, du moins par une forte majorité<br />
de praticiens, de parents et de sourds adultes. Ces principes, ou<br />
pour mieux dire, ces « directions d'action » devraient, après avoir été<br />
discutées par toutes les parties intéressées, former les bases d'un<br />
consensus le plus large possible afin que le temps <strong>des</strong> affrontements<br />
soit dépassé et que s'ouvre celui <strong>des</strong> réalisations cohérentes et efficaces,<br />
pour le plus grand bien <strong>des</strong> enfants et <strong>des</strong> adultes.<br />
1.1. Une analyse diachronique, couvrant les deux derniers<br />
siècles, s'avérerait nécessaire pour expliciter dans le détail la cornplexité<br />
et la varieté de la situation actuelle qui se présente d'abord<br />
comme le produit d'une histoire. On comprendra aisément d'après<br />
ce qui précède qu'un travail aussi ambitieux ne peut trouver sa place<br />
ici. On se bornera donc à relever, dans un ordre qui ne se veut ni<br />
chronologique ni hiérarchique, les principaux facteurs qui entrent en<br />
jeu dans la conjoncture présente.<br />
- Autant il serait injuste de parler d'un échec de l'oralisrne<br />
(chaque méthode particulière peut se prévaloir à juste titre de nombreuses<br />
réussites scolaires, professionnelles et humaines), autant il<br />
semblerait illusoire de nier la réalité d'une crise de l'oralisme. <strong>Les</strong>
espoirs ambitieux et légitimes <strong>des</strong> maîtres de voir leurs él&ves maîtriser<br />
la langue française, suivre une scolarisation réussie et s'insérer<br />
dans la communauté de leur pays, ces espoirs ont été souvent d6çus.<br />
La conquête du système de notre langue et surtout de son versant<br />
oral reste pour de nombreux adolescents imparfaite et lacunaire,<br />
l'intégration scolaire <strong>des</strong> jeunes sourds apparaît comme une <strong>des</strong> plus<br />
délicates qui soient, le nombre de sourds poursuivant <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> secondaires<br />
ou supérieures demeure dans notre pays dramatiquement<br />
restreint. Ces résultats décevants, en regard <strong>des</strong> efforts fournis, de la<br />
compétence et du dévouement <strong>des</strong> professionnels, suscite le désarroi<br />
de certains, l'interrogation et le doute du plus grand nombre. Si<br />
d'aucuns brfllent avec un z&le iconoclaste tout ce qu'ils ont adoré<br />
(l'appareaage prothétique, la lecture labiale, l'éducation auditive...),<br />
ii tort sarernent, nombreux sont ceux qui se tournent vers <strong>des</strong> solutions<br />
moins intransigeantes en recherchant, sans renier tous %es acquis<br />
du passé dans le domaine de l'enseignement du français, une<br />
voie plus souple, ouverte à l'intervention d'autres moyens communicationnels<br />
propres à permettre précocement et authentiquement<br />
l'acquisition d'un système codé et performant, susceptible d'établir<br />
une intercompréhension fine entre le tout jeune sourd et les adultes<br />
qui l'entourent.<br />
- Beaucoup plus que leurs coHègues du secteur ordinaire, les enseignants<br />
spéciaiisés dans l'éducation <strong>des</strong> jeunes déficients auditifs<br />
sont toujours restés à l'écoute <strong>des</strong> solutions pédagogiques et educatives<br />
préconisées dans les grands pays étrangers. La communauté <strong>des</strong><br />
préoccupations et <strong>des</strong> techniques, la régularité <strong>des</strong> rencontres dans<br />
les congrès internationam, l'histoire aussi toute pleine de polémiques<br />
(opposant <strong>des</strong> individus ou <strong>des</strong> écoles de pensée) dépassant<br />
largement le cadre <strong>des</strong> frontières, tout cela explique sans doute cette<br />
réceptivité particulière <strong>des</strong> professionnels aux expériences, aux réussites,<br />
aux conceptions de leurs collègues étrangers. Ii faut connaître<br />
et comprendre cette situation particulière pour mieux saisir la sensibilité<br />
spécifique <strong>des</strong> enseignants pour sourds en France, gardiens<br />
d'un héritage prestigieux qui, au travers du nom de l'abbé de l'Ep6e<br />
fait de l'Institut National de Paris par exemple un lieu de pèlerinage<br />
international, et fascinés à la fois par certains modèles étrangers qui
leur paraissent plus efficaces ou plus fondés que le ndtre. Chfluence<br />
<strong>des</strong> Etats-Unis et <strong>des</strong> pays scandinaves sur les professeurs <strong>des</strong> instituts,<br />
de la Yougoslavie sur les maîtres pratiquant ]ta méthode verbotonale,<br />
a &té déterminante : on ne s'étonnera donc pas, dans les<br />
débats d'idees actuels, de rencontrer de nombreuses références à ces<br />
situations eaérieures et une démarche inteuectuelle souvent comparative.<br />
Quoique totalement française par son enrachement et ses<br />
données propres, la problématique récente est aussi l'kho, le reflet,<br />
le contrecoup D' =ISE E.N Q ~ O N<br />
TION DES ENFANTS SOURDS.<br />
MO~NE DE L'J~XWCA-<br />
-Ce trtss ancien problème <strong>des</strong> moyens de cammunication<br />
propres à assurer aux sourds une éducation opthale s'est trouvé<br />
ravivé, depuis quelque vin@ ans, à la suite de toute une série de progrbs<br />
$techniques, pédagogques et sociaux. Le temps où les controverses<br />
nqtaient le fait que <strong>des</strong> seuls enseignants paraît totalement<br />
révolu, Du c6té <strong>des</strong> progrès thniques et pédagodques il faut placer,<br />
sans prétendre analyser ici ni les uns ni les autres, les performances<br />
toujours améliorées <strong>des</strong> prothèses offrant aujourd'hui à bon<br />
nombre d'enfants, mais non B tous, un appréciable gain audit& la<br />
pr&ocité de I'htewention éducative qui permet de nos jours de<br />
prendre en charge le tout jeune enfant grilce à i'action parentale à<br />
une période où toutes les acqukitions seront déterminantes pour son<br />
avenir d'etre wmuniquant et d'&olier, Pktêgration qui a eu au<br />
moins comme premier effet bénéfique une rkvkion <strong>des</strong> objectrfs vers<br />
plus d'eggence et dkmbition. Ces nouvefles dom&es apportent un<br />
sang neuf à I'option or&@ et justifient que certains y placent encore<br />
tous leurs espoirs. Du &té <strong>des</strong> progrbs sociaux, ü faut noter la place<br />
gandissante - et totalement fondêe - dans le débat <strong>des</strong> parents<br />
d'enfants déficients auditrfs et <strong>des</strong> associations de sourds adultes. II<br />
n'est pas question ici d'entrer dans le détail <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> ou <strong>des</strong> revendications<br />
<strong>des</strong> uns et <strong>des</strong> autres ni dkapprécier le bien fondé de<br />
leurs esllgences parfois contradictoires. If faut prendre ce fait comme<br />
un evenement sans toute kréversible et lui donner sa juste place dans<br />
la problématique dducative et communicationneBe. On ne devra jamais<br />
oublier que le choix d'un ou de deux mo<strong>des</strong> de communiation,<br />
et même le choix <strong>des</strong> moyens pour parvenir à cette (ces) compb
tence(s) dépassent le seul cadre de l'&ole, le seul débat <strong>des</strong> techniciens,<br />
et renvoient non à une interrogation singulièrement plus large<br />
d'ordre idéologique et philosophique. L'intervention de ces partenaires<br />
nouveaux déplace les problèmes en ce sens qu'elle jette dans<br />
la balance tout le poids du vécu, vécu <strong>des</strong> adultes sourds qui ont manifestement<br />
« leur mot & dire », vécu <strong>des</strong> parents qui jouent un r81e<br />
essentiel et dont il faut savoir écouter aussi les appels et les deman<strong>des</strong>.<br />
EN 1984, LA REPONSE AUX PROBLEMES EDUCATïFS DES<br />
"NFm DEF2CIENTS AUDITIFS NE S A W SE! LIMITER A DES SOLU-<br />
TIONS P- PEDAGOGXQW.<br />
1.2, <strong>Les</strong> mots, comme cela arrive souvent, renvoient non à <strong>des</strong><br />
objets particullers mais & <strong>des</strong> catégories d'objets masquant ainsi sous<br />
l'extension du concept l'hmense variéte du réel. Cette fatalité du<br />
discours oblige à manier de vastes abstractions (l'oralisme, le bilinguisme,<br />
l'intégration ...) propres B permettre le débat mais le dévoyant<br />
en même temps dans la mesure o\i la signification <strong>des</strong> termes<br />
utilises ne recouvre pas, pour chacun, la meme référence, les mêmes<br />
expériences, le même vécu. On ne peut 6ckapper sans doute, quand<br />
on veut tenir un discours nkessairement gtsnéral, à cette perversité<br />
du langage, encore faut-il ne pas en rester dupe.<br />
Chacun <strong>des</strong> mots employlss ici recouvrant donc non une réalité<br />
uniforme mais une étonnante diversité de situations et de solutions,<br />
2 faut prendre en eompte ce phénomène, par simple honnetteté intefiectueue<br />
d'abord, et pour fuir dans un second temps les jugements<br />
entiers, abrupts, sans nuances, qui n'apportent findement rien i<br />
l'élucidation <strong>des</strong> questions et ne font que stérilement relancer les<br />
querelles à t'infini.<br />
En reprenant les trois termes évoqués prwdemment on s'apercevra<br />
que chacun correspond en fait à un large éventail de solutions<br />
éducatives et eommunicationnefies :
a) pour l'intégration<br />
- hsertion d'une classe (ou d'un groupe) dans un étabfissement<br />
ordinaire ;<br />
- intégration <strong>des</strong> enfants pour toutes les activités autres que la classe<br />
(repas, clubs, récrbations, plein air..,) ;<br />
- intdgration <strong>des</strong> enfants dans les activités sportives et artistiques ;<br />
htdgration <strong>des</strong> enfants dans toutes les activités sauf le français ;<br />
- htçillation totale avec soutien ;<br />
- htégration sans soutien mais avec bterprète (dans le secondaire et<br />
le superieur par exemple) ;<br />
- &tégrarion dans <strong>des</strong> structures spéciaEsbes <strong>des</strong>tinées aux entendants<br />
(S.B.S. notamment).<br />
Encore faudrait-il davantage nuancer selon que l'on parle d'htntégration<br />
au nivau maternel, prhaire, secondaire !<br />
b) pour lbrafisme<br />
On a conçu historiquement, et l'on peut encore concevoir, divers<br />
cas de figure :<br />
- selon la rigueur du principe dBun&guisme : si de tout temps I'usage<br />
de communications gestuelles, entre les élèves et hors de la classe,<br />
dtait plus ou moins tacitement toléré, il existe en 1984 <strong>des</strong> holes -<br />
celles qui pratiquent la méthode verbo-tonde par exemple - oQ les<br />
enfants sourds ne connaissent aucun signe cudd et communiquent<br />
exclusivement par la parole et Ie mime spontané,<br />
On peut trouver dans fa situation oraliste actuelle tous les degres<br />
de toldrance l'égard du langage gestuel depuis I'ignorance totale<br />
(voire l'ùrterdiction) jusqu'à une coesstence pacifique - sans que<br />
i'on puisse pour autant parler d'éduation bitingue.<br />
- selon les métho<strong>des</strong> d'enseignement du français. En simplifiant grossièrement,<br />
on peut opposer une mkthode c< <strong>des</strong> instituts * sujette<br />
elle-même ii de nombreuses variantes selon les établissements, une<br />
méthode verbo-tonde pratiquée dans certahes classes de 1'Eduation<br />
nationale et la pédagogie d'adqtation <strong>des</strong> maîtres CAEI (<strong>des</strong>
orthophonistes prenant alors en charge Yacquisition et le perfectionnement<br />
de la parole).<br />
- selon la place respective du frangais 6crit et du français parlé. A<br />
une mnception oraliste intransigeante qui ne fait htemenk Z'apprenfissage<br />
du code &rit qu'à Page habituel et privîlé@e systématiquement<br />
I'acees à la parole s'oppose une attitude plus grapatique<br />
prônant lknseignement précoce de la lecture et plus orientée vers<br />
l'acquisition du système du français que vers sa pratique langaere,<br />
c) pour le bilulguisme<br />
La variété naît ici prhcipalement (mais non exclusivement) de la<br />
conception que l'on se fait du moment d'acquisition <strong>des</strong> deux co<strong>des</strong>.<br />
. <strong>Les</strong> deux systèmes sont proposés conjointement et développés parauèlement<br />
(dans la mesure du possible !),<br />
. La communication gestueae est premi&re et le franqais s'apprend<br />
comme une langue seconde (selon <strong>des</strong> modalités elles-mêmes tres<br />
variables).<br />
. Le français reste la langue maternelle, la LWx étant proposé ultérieurement<br />
afin de permettre au futur adulte de s'intégrer dans la<br />
communauté <strong>des</strong> sourds, s'îl le désire.<br />
Ce catalome peut paraître long, îl ne représente cependant<br />
qukne image très shpMiée de la compledté <strong>des</strong> faits et de la bigarrure<br />
du terrain. Derrière les «grands mots », il ne faudra jamais<br />
perdre de vue cette réalité multifome, ne jamais oublier que LES<br />
ONS POSEES NE PEUVENT SE PERM<br />
IQW OU IMP STES.<br />
1. Le si@ LSF Wngue <strong>des</strong> Signes Française) sera ici employe, sans préjuger de fa ~lidité de<br />
l'eqression ou de I'empIoi du mot a sipe » dans ce sens particulier, pour désigner ie tangage<br />
gestuel <strong>des</strong> sourds de notre pays. Cette désignation conventionnelle, consade par<br />
l'usage, êtant familière B tous mux qui se pdmw~nt <strong>des</strong> probI&mes de la su&it6, nous<br />
l'avons utilisée sytématiquement pour la clart6 de I~er>os&.
13. Pour prendre une juste mesure de la complexité du problème,<br />
il faut expliciter clairement les critéres qui sous-tendent les<br />
jugements et les arguments <strong>des</strong> uns et <strong>des</strong> autres. Ces critères ne relèvent<br />
pas <strong>des</strong> mêmes modèles ~ologiques, ils se fondent sur <strong>des</strong><br />
systhes de valeurs hétérogènes rarement conc%ables, On ne s'étonnera<br />
donc pas que dans le débat d'idées les points de vue puissent<br />
être si divergents, que souvent les argumentations se côtoient ou s'affrontent<br />
plus qu'elles ne se rencontrent, chacun campant dans le terrain<br />
idéologique qui est le sien et qui peut demeurer fermé à l'interlocuteur.<br />
Mais chez la même personne, <strong>des</strong> niveaux d'analyses<br />
contradictoires peuvent parfaitement coexister, suscitant la perplexité<br />
et f'hésitation chez les plus luci<strong>des</strong> ou les plus prudents.<br />
Une première grille de jugement peut analyser le même phénoméne<br />
selon divers points de vue et aboutir à <strong>des</strong> conclusions plus ou<br />
moins incompatibles. Un exemple précis, celui du français signé,<br />
6claire bien ce mécanisme :<br />
a) critères pédagogiques<br />
Le français signé visualise le discours oral qu'il accompagne mot<br />
il mot : c'est un excellent moyen de communication pour favoriser<br />
l'acquisition du français et beaucoup plus facile à apprendre par les<br />
entendants (maîtres et parents) que la ISF.<br />
b) critères *pistiques<br />
Emprunter les unités lexi<strong>des</strong> d'une langue pour les cumbher<br />
selon les règles gammaticales d'une autre soulkve d'énormes problèmes<br />
tant theoriques que pratiques. La traduction <strong>des</strong> multiples<br />
expressions idiomatiques de notre langue B l'aide <strong>des</strong> lexèmes d'un<br />
autre système aboutit B d'énormes contre-sens. L'utiLisation du<br />
mbe vocabulaire selon deux systhmes syntaxiques différents peut<br />
gravement perturber l'acqukition <strong>des</strong> deux co<strong>des</strong> par le jeune enfant.
c) critères idéologiques (sociaux, éthiques, culturels ...)<br />
Le français signé est un sabir ; le terme péjoratif, ii lui seul, disquaaie<br />
l'outil et le stigmatise comme impropre & assurer toute<br />
communication structurante pour l'esprit et susceptible de vdhiculer<br />
une authentique culture.<br />
Comment ne pas hésiter devant les conclusions si divergentes, et<br />
quel type de critère a-t-on le droit de privild@er a h d'accepter ou de<br />
rejeter l'emploi du français signé ?<br />
Une seconde grille, au moins, fonctionne pardblement à la pr&<br />
cédente et vient encore comptiquer la recherche de solutions claires<br />
et cohérentes. Ji s'agit ici d'analyser les problèmes en fonction <strong>des</strong><br />
objectifs traditionnellement reconnus à l'éducation. Sans entrer dans<br />
la dixussion de fa validité de ces objectifs, et en les exprimant dans<br />
les termes les plus simples possibles, on peut au moins en déterminer<br />
quatre fondamentaux. L'éducation doit viser :<br />
l'dpanouissement de l'individu ;<br />
la transmission <strong>des</strong> savoirs ;<br />
- la préparation à la vie professionnelle et au métier ;<br />
-l'insertion dans le monde <strong>des</strong> adultes et dans la communauté<br />
nationale.<br />
Dans l'ideal, ces objectifs ne devraient jamais être contradictoires<br />
et aucun d'eux ne devrait prévaloir sur les autres : il n'y a pas<br />
d'insertion sociale réussie si le jeune adulte se retrouve sans profession,<br />
il n'y a pas de metier qui ne nécessite de comaissances, il n'y a<br />
pas de savoir qui puisse s'acquérir chez un sujet non désirant.<br />
Cette harmonieuse conjonction <strong>des</strong> finalitds, dtsjh problématique<br />
dans l'enseignement ordinaire, devient encore plus aléatoire lorsqu'il<br />
s'agit d'tsduquer <strong>des</strong> enfants sourds. Ici encore, les critères choisis<br />
aboutissent à <strong>des</strong> conclusions antinomiques : teile solution communicationnelle<br />
visera d'abord l'6panouissement du sujet, que l'on<br />
voudra, selon les formules consacrées,
deux mots, encore faut-il clairement savoir de quelle rêrissites, de<br />
quels échecs on parle !<br />
Le probl&me peut alors se poser en ces termes : peut-on imaginer<br />
<strong>des</strong> solutions qui réduisent au maximum (et peut-être totalement)<br />
ces contradictions, qui puissent mener de front tous les objectifs de<br />
l'éducation et concilier les nécessités de l'efficacité pédagogique, le<br />
respect <strong>des</strong> opinions et les impératifs propres à l'acquisition <strong>des</strong><br />
langues ? Ii serait bien aventuré de répondre par l'afhative ; on<br />
peut cependant affirmer que les meilleures réponses seront sans<br />
doute celles<br />
- QUI N'OmUERONT PAS ClTiïX DIVFJRSlTE DES APPROCHES ;<br />
- QUI ESSAIERONT DE CONCIUER LE PLUS GRAND NOMBRE POSSIBLE<br />
D'EMGENCES.<br />
De toute façon, ce sont 1h <strong>des</strong> pr6occupations qui devront rester<br />
toujours présentes dans I'analyse plus détaill6e qu'il faut maintenant<br />
aborder.<br />
2. La situation actuelle ne saurait en aucune façon se réduire à<br />
une opposition manichéenne du type : français versus LSF2 ; la diversité<br />
<strong>des</strong> réponses Gducatives évoquées ci-<strong>des</strong>sus le montre à loisir.<br />
Il n'en demeure pas moins que ce serait se voiler la face devant la<br />
réalité <strong>des</strong> choses que de refuser de prendre en compte ce problème<br />
fondamental, inévitable, parce que touchant au coeur de l'humain, à<br />
<strong>des</strong> réôlites qui dépassent largement le problhme de la pédagogie et<br />
même de l'éducation (le choix d'une langue maternelle, la conception<br />
d'une vision du monde et d'une culture, l'intégration à <strong>des</strong> communautés,<br />
la prise de conscience d'une identité ...).<br />
Cette question centrale, essentielle, demeure bien celle de la<br />
rencontre - pour ne pas dire de l'affrontement - entre deux dis-<br />
2. Le titre « pmblématique bilingue » est une expxession rapide et commode qui renvoie évidemment<br />
non au choix entre le français et le langage gestuel mais au choix entre une éducation<br />
unilingue en français et une éducation bilingue français-LSF.
cours, creuset de toutes les positions extrémistes pour les uns et de<br />
toutes les hésitations, de tous les doutes pour ceux qui désirent menager<br />
deux ordres d'impératifs divergents. C'est par là qu'il faut donc<br />
commencer i'andyse, pour pouvoir montrer dans un second temps<br />
que cette bipolarisation du problPme peut et doit être dépassée.<br />
2.1. Construire une ddfinition rigoureuse et cornplPte du langage<br />
hmain n'est pas une tgche faciie, malgré ce que pourrait en croire le<br />
plus grand nombre de locuteurs qui vivent l'utilisation de ce langage<br />
sur le mode de l'évidence. <strong>Les</strong> définitions proposées par les lurfistes<br />
peuvent se répartir en trois groupes : définitions formeiles, fonctionnelles<br />
et sémantico-prapatiques : aucune n'est à i'abri d'une critique<br />
serrée qui peut en ruiner les fondements, aucune ne peut<br />
prgtendre h la fois à l'e~austivité et à la rigueur scientifique.<br />
SAS dbfinitions formeiles mettent l'accent sur la vocalité, la<br />
double articulation linéaire, l'auto-suffisance <strong>des</strong> règles internes et la<br />
structuration en système. Outre que ces aracthres peuvent se retrouver<br />
dans d'autres qstames sémiotiques, on a juste titre relevé à<br />
la fois la nature trop purement hstrumentaliste de ces conceptions<br />
qui subordonnent la spcUciEicité du langage humain il la communiation<br />
et leur caractère trop réducteur qui ne donne du langage et de<br />
ses possibilités qu'une hage abstraite, %hématique et videe peutêtre<br />
de ce qui est l'essentiel pour celui qui l'utilise.<br />
<strong>Les</strong> eqgations plus détaa<strong>des</strong> qui s'appuient sur la liste <strong>des</strong><br />
fonctions remplies par le langage ne trouvent pas plus grâce aux yeux<br />
de certains hguistes. Nous ne ferons qu'évoquer ici l'analyse impitoyable<br />
h laquelle se livre F. Flahault (la parole intermédiaire -<br />
Seuil, 1978) <strong>des</strong> fonctions etablies par Jakobson, sous le titre « <strong>Les</strong><br />
généralités sur les fonctions du langage, pseudo-réponses à une question<br />
qui n'est pas posée », L'exercice aiguisé de l'esprit critique pulvgrise<br />
littéralement les fondements d'une théorie pourtant fort<br />
répandue et acceptde souvent sans défiance.<br />
Mais s'il est vrai que « ... on ne saurait dt5crUe le sens d'un<br />
ênoncé en dehors <strong>des</strong> relations de celui-ci avec le cadre fourni par les<br />
repères pertinents de son énonciation » (F. Flahault - op. cit.), les
analyses pragmatiques, infiniment plus riches que les précédentes,<br />
risquent fort de nous faire perdre de vue la spécificité du langage<br />
dont 17élucidation reste une <strong>des</strong> taches premières de la linguistique.<br />
Le danger est grand de glisser vers un psychologisme d'autant plus<br />
pernicieux qu'il demeure parfois inconscient : l'approche sémantique,<br />
sous couvert de nous parler du langage, risque en effet d'analyser<br />
en réalité tout le référent physique et conceptuel du discours,<br />
donc au bout du compte le fonaionnement mental de l'esprit humain<br />
ou les stmctures relationnega de l'individu aux autres et au monde,<br />
et l'objet-langue se perd dans un flou que les définitions formefles<br />
voulaient justement éviter.<br />
Quand on passe du niveau général du langage à celui, plus particulier,<br />
<strong>des</strong> diverses langues humaines, le problème devient encore<br />
plus épineux, Nous n'en donnerons pour preuve que les difficultés<br />
que rencontrent les linguistes à déteminer l'existence <strong>des</strong> différentes<br />
langues du monde pour en établir les atlas et les Filiations : l'évaluation<br />
varie, selon les experts, de 3 500 à 8 000 langues environ ! C'est<br />
qu'il est en effet fort dcSlicat de dhuper dans le continuum <strong>des</strong><br />
idiomes les limites Ilinguistiques et géographiques précises permettant<br />
de conclure : ici s'arrête une langue, là commence une autre,<br />
telles que l'on puisse dlscrire chacune dans son originalité. Inversement,<br />
certaines langues de grande culture, tri% rbpandues, se subdivisent<br />
en un tel nombre de parlers qu'il n'est pas du tout évident que le<br />
fermier du Wisconsin, le professeur de Nouvelle Zélande et le négociant<br />
de Tokyo parlent « la même langue » quand ils utilisent l'angloaméricain.<br />
Le probl&rne devient encore plus complexe si l'on considère tout<br />
ce qui sépare 19Nwmatioii méthodologique de l'existence d'une<br />
langue, établie par les linguistes, de la reconnaissance de cette<br />
langue au sein de la grande famiile <strong>des</strong> autres langues déjA officiellement<br />
légitimées. La question n'est plus ici seulement technique, car<br />
les critères de cette reconnaissance débordent largement du domaine<br />
préGis que la discipline linguistique (qui se veut générafement objective<br />
et axiologiquement neutre) se fixe d'habitude. Ce sont alors les<br />
considérations ethnolo@ques, sociolo@ques, historiques, éthiques, et<br />
au bout du compte politiques - au sens général du terme - qui pri-
ment, L7existence d'une langue précise sera alors justifse par <strong>des</strong><br />
éléments earhsèques & sa nature propre : la réalité d'une communaut6<br />
de locuteurs (mais fondée sur quels csit6res ?) la reférence à<br />
une culture (mais définie de queue façon ?) ... On le devine, le champ<br />
<strong>des</strong> controverses s'ouvre alors largement à ceux qui s'aventurent en<br />
un tel terrain,<br />
On comprendra aisément qu7apr&s de telles considérations, qui<br />
ne sont nuHement <strong>des</strong> prhutions rhétoriques, il ne nous appartient<br />
pas de trancher dans un débat qui durera sans doute lon@emps, s'il<br />
trouve un jour sa solution, Chacun <strong>des</strong> points que nous avons relevés,<br />
et susceptible d'entrer dans la d6fStion d'une langue, peut se prêter<br />
soit à <strong>des</strong> analyses divergentes de la part <strong>des</strong> théoriciens du langage<br />
ou de la pvchologie, soit à <strong>des</strong> appr6ciations opposées de la part <strong>des</strong><br />
praticiens, <strong>des</strong> parents et d'une façon génerale, de tous ceux qui sont<br />
concernés par la surdit6.<br />
On rappellera par exemple;, pour ce qui est de la Gttérature<br />
consacrée au sujet en langue française, la position de P. Oléron (Le<br />
langage gestuel <strong>des</strong> sourds est-il une langue ? in R4éducation Orthophonique<br />
no 133) qui dénie, avec <strong>des</strong> arguments d'une grande pertinence,<br />
l'existence d'une double articdation en ILSF et met en doute<br />
fe caractbre auto-suffisant de ces regles internes, L'auteur n'en<br />
ajoute pas moins in fine ces considerations qui peuvent éclairer notre<br />
position : « fl est vrai qu'au-del& <strong>des</strong> grammaires - et en kvitant les<br />
spéculations sur les Universaw du langage - on pourrait remonter à<br />
f'organisation cognitive. Ne serait-ce pas cette organisation, la distinction<br />
et la mise en relation de cadres conceptuels (actems/r&epteurs<br />
de l'action, objetlqualitk de l'objet, shple/multiple, répétitS/<br />
continu, etc.) que les langues orales et le LGS eprheraient chacun<br />
à leur manibre et en fonction de leurs ressources propres » ? Dans la<br />
perspective éducative qui est la nôtre, la question n'est pas en effet<br />
de décréter si la LSF est une langue ou non, mais bien si elle consti-<br />
tue un langage susceptible de remplir, auprès du jeune locuteur, un<br />
rble similaire à celui dPune langue, ou, en d'autres termes, de prendre<br />
position par rapport B une tradition de critiques adressées à la com-<br />
3. Langage Gestuel <strong>des</strong> Sourds.
munication gestuelle selon lesquelles elle ne permettrait ni l'organisation<br />
de la pensée structurée au travers d'une syntaxe, ni l'accès à<br />
l'abstraction. Un bref rappel du fonctionnement de la LSF et de ses<br />
possibilités de verbalisation nous semble devoir faire justice de cette<br />
dernière opinion.<br />
On s'accordera à reconnaître que la LSF possède en effet un<br />
lexique riche, varié et potentiellement infini, formé d'unités signifiantes<br />
« arbitraires ». L'iconicité souvent soulignée dans le langage<br />
signé tient, nous semble-t-il, à la matérialité visuelle de ses signifiants<br />
: une figure de géométrie semble plus
La ZSF possède un système prosodique propre assuré non par la<br />
voix évidemment mais par le jeu complexe <strong>des</strong> mouvements de la<br />
tête et <strong>des</strong> organes de la face : mimiques faciales, positions et mouvements<br />
de la tête, expiration du souffle, direction du regard,<br />
<strong>Les</strong> unités lexicales forment <strong>des</strong> éno~cés en se mmbhmt selon<br />
les règles dkne grammaire ori&a1e4 qui reste encore larsment h<br />
découvrir et h dkire malgré de nombreuses étu<strong>des</strong> parceuaires entreprises<br />
depuis quelques années.<br />
Venons-en à ce qui est à nos yeux l'essentiel, le plan de la verbalisation<br />
où la tâF' présente la plupart <strong>des</strong> caractéristiques que l'on<br />
renwntre dans une langue audio-voeale :<br />
- eue peut situer ses énoncés dans un temps pr&is, dans un espace<br />
détermin6 et les réf6rer aux trois actants fondamentawr de la commmication<br />
(nos pronoms personnels) ;<br />
- elle possède un système complexe verb&ant la quantittz, l'intensité,<br />
h comparaison, Ia désipation ;<br />
- elle peut modaliser son discours selon le double: paradipe <strong>des</strong> modalités<br />
phrastiques et logiques, c'est-&-dire eprher i'ordre, i'interrogation,<br />
la negation, le doute, la certitude, l'évidence, Pabsurditd..<br />
Gr$ce à tous ces procédés fonctionne-ls et en utiLisant <strong>des</strong> unités<br />
à sipsi& abstraits, la LSF nous semble donc atteindre, comme<br />
toutes les langues répertoriées, à la verb~sation authentique <strong>des</strong><br />
opérations intellectuelles fondamentales qu'une langue autorise : elle<br />
permet de juger, d'arementer, de démontrer? de rater, de raisonner.<br />
Ajoutons cette Este <strong>des</strong> propriétés de la LSF un dernier arpment<br />
que l'un pourrait appeler « par les faits » : Pesstence même <strong>des</strong><br />
interprBtes et la nature de leur travail quotidien. Ce personnel est<br />
amené sans cesse à traduire en LSF non seulement les tznoncés les<br />
4. Tout au moins par rapport B la nBtre. Ceux qui dtnient que la LSP ait une movhvtaxe<br />
au même titre que les tangues naturelies s'appuient sur la prégnance du référent qui organiserait<br />
necessairement l'lononcd. II nous semble que seule une étude portant sur un nombre<br />
éle& de langues gestuelles, @lpapXquement très étoigncfes, permettrait d'aboutir B une<br />
conclusion certaine avant d'affirmer que c'est fe contexte situatiannel qui explique systématiquement<br />
ta combinatoire <strong>des</strong> unith.
plus courants du français mais aussi et surtout certains emplois<br />
parmi les plus complexes de notre langue : la langue de la justice, de<br />
la médecine, <strong>des</strong> communications savantes dans les congrès ... Si cet<br />
outil ne présentait pas avec les langues naturelles au moins un<br />
nombre élevé de traits communs, s'il n'était qu'une pantomime enracinée<br />
dans le référent, cette activité de traduction, avec sa prkision<br />
et ses nuances, serait-elle possible ?<br />
IL NOUS SEMBLE DONC RAISONNABLE DE CONCEVOIR LA UF<br />
COMNE LE MOYEN DE COMMUNICATION SPECIFIQUE D'UNE COMMU-<br />
NAUTE LUI PERMEïTANT DE VERBALISER TOUT L'UNIVERS PHYSIQUE<br />
ET IDEEL CONCEVABLE PAR DES ENONCES CONSTRUlTS ET DANS DES<br />
ACTES DE PAROLE PERTINENTS, ET QUE L'ON PUISSE DONC, SANS<br />
ABUS DE LANGAGE, PARLER DE LA PAROLE DES SOURDS QUI SIGNENT<br />
ET DE BILINGUISME POUR LES LOCUTEURS CAPABLES DE S'EXPRIMER<br />
DANS LES DEUX CODES. DOTER LE JEUNE ENFANT SOURD D'UN OU-<br />
TIL AUSSI PERFO- N'FEZ PAS DEmmR NI SUR LE PLAN EDU-<br />
CATXF Ni SUR LE PLAN HUMAIN.<br />
Un trait cependant distingue nettement la LSF d'une langue<br />
comme la nôtre, trait tout à fait secondaire et mineur pour les linguistes<br />
mais essentiel pour les pédagogues : l'existence d'une forme<br />
écrite <strong>des</strong> langues gestuelles. Le fait que les chérèmes ne correspondent<br />
pas à la seconde articulation, au sens habituel du terme, explique<br />
sans doute la difficulté (et peut-être l'impossibilité) que l'on<br />
rencontre à imaginer pour la LSF une écriture de type alphabétique.<br />
<strong>Les</strong> tentatives connues ce jour sont plutôt <strong>des</strong> « transcriptions P,<br />
car les chérèmes ne correspondent pas aux phonèmes <strong>des</strong> langues<br />
audio-vocales mais aux traits distinctifs qui n'ont pas d'organisation<br />
linéaire. Ces transcriptions sont donc souvent complexes car elles ne<br />
peuvent pas faire autre chose, même les plus récentes, qu'offrir une<br />
<strong>des</strong>cription <strong>des</strong> éléments pertinents <strong>des</strong> signes, éléments dont le<br />
nombre a tendance à s'agrandir dangereusement quand on affine<br />
l'analyse. Utiles pour les spécialistes, elles sont d'un piètre économie<br />
par rapport à nos systèmes scripturaux. Ii semble bien qu'une écriture<br />
idéographique correspondrait plus au « génie » <strong>des</strong> langues signées,<br />
mais l'économie pour l'apprenti lecteur n'en serait guère<br />
améliorée.
Ahsi, la LSF présente les caractères cdturels, et les limites, <strong>des</strong><br />
langues natuream sans écritures : ses manifestations üttérakes @O&-<br />
sie et thégtre sufiout) sont vouées & Mphémère si on ne les enregistre<br />
pas, elle-même se transmet d'individu à individu, non plus de<br />
bouche à oreiile? mais de « main oeil W. Si la parole que pennet la<br />
FXF ne nous paraît pas inférieure en effiacité à celle du français, en<br />
revanche, dans le projet d'une &ducation bhodale, l'absence d'une<br />
éaiture place l'un <strong>des</strong> deux co<strong>des</strong> en position de faiblesse par rapport<br />
à l'autre,<br />
22. Que l'on considère les langues comme moyen par excellence<br />
de la cornunication humahe, facteur de h constitution du moi et<br />
de t'insertion dans une communaut& outil prodigiem de conwptuasation<br />
et de raisonnement, cadre kemplapble de l'expression de soi<br />
et du monde, ou qu'on les considère comme objet d'étude de h<br />
science lingistique, un principe demeure clair : il n'y a pas de différence<br />
entre les langues, toutes sont &gales en dignité, en valeur, en<br />
richesse. Mais cette parité s'dvanouit dès que l'on prend en compte<br />
leur r81e au sein de la communauté générale <strong>des</strong> hommes et qu'an<br />
les compare à l'aune de crithres sociaux, culturels et politiques. Dans<br />
I'clconomie internationale <strong>des</strong> khanges linguistiques, dans l'appréciation<br />
de la valeur et de I'importance <strong>des</strong> diverses cdtures actuelles ou<br />
passées, on ne peut mettre par exemple sur le même pied d"f:g&t6<br />
une langue prestigeuse, riche d'une littérature plus que millenaire,<br />
couvrant une aire géographique souvent hportante (le chinois, l'anglais,<br />
le latin ...) et le parler d'une peuplade amazonienne forte de<br />
deux à trois mille personnes.<br />
Pour de multiples raisons (nombre de locuteurs, puissance économique<br />
et pofitique, ancienneté, r61e culturel ...) on doit bien reconnaître<br />
une hiearchie <strong>des</strong> langues, prolongée d'aailturs, au sein de<br />
chaque systeme, par une hi4rarchie <strong>des</strong> diseours (le choix <strong>des</strong> langues<br />
vivantes et mortes dans le second degré illustre bien cette situation).<br />
Certes, depuis quelques amées, les langues r6gon<strong>des</strong> reprennent<br />
vie et auront peut-être droit de cité un jour à l'école. Mais qu'elles<br />
soient <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> langues de civgsation ou <strong>des</strong> idiomes régionam
plus mo<strong>des</strong>tes, toutes les langues dont s'occupe 1'6cole offrent un<br />
trait commun : elles possedent une kriture. Dans nos sociétés teehnolo&ques<br />
modernes, où la ckcdation et le stockage <strong>des</strong> informations<br />
tendent à prendre la première place de toutes les activith de<br />
mmmuni-ttion, d'&change et de création, l'&iture, cette « mémoire<br />
du mande » regne en mattresse et pour lon@emps encore sans doute.<br />
<strong>Les</strong> media modernes sont loin d'avoir déebnd la « galaxie Gutenberg<br />
», cePtahs pronostiquent même qu'ils la renforceront. Sans &riture,<br />
une langue a peu de chances de jouer un rble important dans<br />
l'activité IllteiletueBe et konomique d'un pays moderne ; on le voit<br />
bien à propos <strong>des</strong> jeunes &ats du Tiers Monde, indépendants depuis<br />
quelques années, où les idiomes vernacdaires loam promus au rang<br />
de langues oEcieUes se dotent d'abord d'une ecriture. Faute de cela,<br />
leur statut social les re16gue au niveau de parlers plus ou moins archdques,<br />
tout juste propra à maintenk les khanges de communaut&<br />
horitaires ou mw@dw.<br />
Non seulement l'écriture permet la facilite et la permanence <strong>des</strong><br />
échanges Iguistiques, universase la communication <strong>des</strong> idées et<br />
assure leur rayonnement par le biais de la Gttérature (au sens large<br />
du terme : livre, presse, etc,), mais encore et surtout, elle transforme<br />
à la fois nos façons de penser et notre pouvoir d'action sur le réel.<br />
C'est ce que résume bien un auteur comme E. Genouvrier quand il<br />
&rit (Orâmmake pour enseigner le français, Tome 1) :<br />
« De nos cdturm or<strong>des</strong>, il ne nous reste plus que <strong>des</strong> coins de<br />
paysage,,. Pour le reste, P&itwe a tout chambodd, réorganise, invente,<br />
de nos fapns de penser, puisees dans la presse ou à l'ble, à<br />
nos façons de batir, de vivre en famae, de nous distraire ou de travailler<br />
... Parce qu'elle fut et demeure un immense lieu de travail,<br />
l'écriture occidentale a edantts <strong>des</strong> <strong>sciences</strong>, <strong>des</strong> techniques et <strong>des</strong><br />
idées qui nous mbnent, Jamais la parole n'eeQt &té propre auus: mêmes<br />
usages : comme le montre la vie radidement autre qui est celle <strong>des</strong><br />
cultures orales. Pow la même raison, Sartre vle&sant disait que la<br />
ph2osophie s'éloipait de lui (il devenait aveugle), Merleau-Ponty<br />
constatait qu'il pensait ce qu'il écrivait (et non Pinverse) : récriture<br />
ne fie pas un cantenu préedstant, elle Iltstaure quelque chose de<br />
neuf. »
On ne s'étonnera donc pas du mouvement actuel qui s'amorce<br />
dans la pédagogie du français. Après plusieurs dkennies passées<br />
sous le mot d'ordre «priorité à l'oral », on assiste ii un retour en<br />
force de l'écrit, trop délaissb pour ne pas dire sacrifié. Dans l'bducation<br />
<strong>des</strong> déficients auditifs, les praticiens de la métho<strong>des</strong> verbotonde<br />
eux-memes révisent leur position et se rendent compte que la<br />
recherche acharnée de la qualité phonétique de la parole a trop affecté<br />
l'objectif pédagogique de l'accks à la langue écrite.<br />
P. Ricoeur, dans « Evénement et sens dans le discours », rappelle<br />
que i'kriture fixe la parole en la soustrayant A la disparition,<br />
l'ouvre sur un monde qui l'arrache à la seule situation de dialogue et<br />
à la simple intentionnalité du locuteur, lui donne enfin une audience<br />
illimitée. Ces fonctions, la LSF, langue orale, ne les assure pas, ou<br />
pas au même degré.<br />
Fourrait-on concevoir une scolarisation qui ferait I'impasse de<br />
l'écrit, de la trace &rite, de la structuration <strong>des</strong> idées et de leur verbalisation<br />
par l'écrit ? Malgré les moyens audio-visuels mis actuellement<br />
il la disposition <strong>des</strong> sourds, on sait bien qu'un individu privé de<br />
l'écrit n'aura que médiocrement accès à l'information, au savoir, au<br />
mouvement <strong>des</strong> faits et <strong>des</strong> idées de son temps (que I'on songe par<br />
exemple au rôle du Braille pour les aveugies). D'ailleurs, la personnes<br />
sourde qui utilise un téléphone adapté ou un ordinateur, qui<br />
demande le sous-titrage <strong>des</strong> films ou <strong>des</strong> émissions téltsvisées, qui<br />
milite dans une association et publie une revue, cette personne se<br />
sert quotidiennement de l'écrit, et cet écrit est nécessairement Pt'criture<br />
du français. L'EXISTENCE DE L'ECR~]. FONDE POUR LA LANGUE!<br />
FRANÇAISE UN MPEMmF DE PRIMAUTE.<br />
Dans cette perspective, la maîtrise de la langue française parlée<br />
et écrite est un droit imprescriptible qui ne saurait être refusé aux<br />
sourds. Si l'acquisition de la parole (la démutisation) exige beaucoup<br />
de travail, elle permet cependant, quand elle est bien menée, d'atteindre<br />
un niveau d'intelligibilité utilisable - ce qui n'implique pas<br />
pour autant que la situation de dialogue ou de réception de la langue<br />
parlée soit une situation confortable pour le déficient auditif ni pour<br />
son interlocuteur. Mais l'objectif le plus important, et le plus ardu,
demeure la maîtrise du système du français, sans lequel il ne peut y<br />
avoir ni lecture véritable, ni compréhension fine, ni utgsation de la<br />
fonction instrumentale du langage.<br />
La primauté du franpis ne sipifie pas pour autant Yexdusion<br />
de la LSF, D'autant plus que la fidklité envers une langue ne dépend<br />
pas seulement de sa notoriété, de son hportance ou de son prestige.<br />
Bien d'autres critkres, d'ordre agfecttif et pratique, entrent en jeu<br />
pour le locuteur et sont kminemment respectables. Il faut, pour bien<br />
saisir l'attachement d'une communauté à son parler, essayer de quitter<br />
le point de vue de Sirius et entrer & I'intgrieur du probIGme, comprendre<br />
les raisons de ceux qui le parlent et surtout - dans ce cas<br />
particulier - de ceux qui rapprennent, c'est-à-dire apprkier la<br />
double valeur de I'expression « langue maternefie » la fois héritage<br />
d'un bien #autant plus prkiem qu'il a été longemps dépréxié et<br />
manifestation première de lknfmt comme être communiquant, C'est<br />
alors un tout autre systarne de valeurs qui en justEe la ntkessité.<br />
Si la nature du langage, comme nous l'avons vu, pose de redoutables<br />
problames de définition, a fortiori celle de «langue maternefie<br />
», expression investie de tout un arriZSre plan affectif et idéologique,<br />
ne va pas de soi. <strong>Les</strong> conceptions la encore peuvent être fort<br />
dIff6rentes selon que I'on privacçgîe la crhronologie <strong>des</strong> événements<br />
(c'est alors le premier systbme de communication codée utilisé par le<br />
petit enfant), le mode &héritage (il s'agit cette fois de la transmission<br />
de la langue maternelle <strong>des</strong> parents, ce qui exciut de la d6finition les<br />
variantes de la langue initiale transdses par <strong>des</strong> sous-groupes ethnogaphiques,<br />
sociaux ou professionnels, comme les patois, les argots<br />
et les jargons), le mode d'appropriation par le sujet (qui sera déveluppé<br />
dans le point sulvmt), ou d'autres critères comme le référent<br />
culturel Itnpliqué par tout langage particulier, la tradition historique,<br />
etc.<br />
S'il est vrai que, le plus souvent, la LSF a été et est encore acquise<br />
par le jeune enfant aupri3s de ses abés, au sein <strong>des</strong> instituts notamment,<br />
la transmission que l'on pourrait appeler « classique » par<br />
la famille, ne constitue pas lkxaption, soit dans les ménages de
sourds soit auprès <strong>des</strong> parents entendants qui ont déEbérément opté<br />
pour ce mode de cornunication Stide.<br />
Répétons une fois de plus que notre objectif nkst pas d'essayer<br />
d'apporter <strong>des</strong> réponses défstives à <strong>des</strong> questions d'ordre théorique<br />
ou ph3osophique, mais de subordonner notre analyse à Phpératif de<br />
I'eff"icacit.4 edueative. Nous allons tenter de montrer maintenant, à la<br />
lumihre <strong>des</strong> domées psycho-hpistiques de notre temps, que la précocité<br />
d'une communication codée est une urgence dans le déve1up<br />
p e m psycho-&fatif et hteuwtuel de I'enfant et que si cette<br />
prêcocité ne peut 6tre respectée <strong>des</strong> dommages kréparabfs se produisent<br />
dans l'ensemble <strong>des</strong> processus qui gén&rent un sujet parlant.<br />
En ce sens, 3 ne semble pas outrancier d'utsser L'eqression consacrée<br />
« lange maternelte », sans vouloir lui faire dire plus ou autre<br />
chose que ce que nous venons d'indiquer, pour parler de la LSF<br />
comme premier moyen pour Penfant sourd de s'errprher par le langage<br />
et de comprendre celui d'autrui.<br />
23, Il y a de nombreuses causes à la crise de lkragsme dvoquée<br />
au début de cet article, mais la principale a 6tC bien ana4ysée grilce<br />
aux résuftats <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> contemporahes de la psycho-hguistique.<br />
Un hmense et passionnant champ de recherches s'est ouvert, depuis<br />
quelques années, sur les processus dkcquisition du langage, et sinp<br />
fièrement dans les premières annkes de la vie. Ici encore, If ne s'agit<br />
pas de dresser un catalogue de toutes les conceptions nouvelles de la<br />
ge"étique linguistique qui ont, à bien <strong>des</strong> égards, bouleversé la vision<br />
antérieure que l'on avait du dkveluppement du fangage (une bonne<br />
synthèse de ce travaux apparaît, appgquée au domaine de la surdité,<br />
dans la thèse de D. Bouvet : « La parole de l'enfant sourd B).<br />
On peut en shématiser ahsi les premières conclusions :<br />
- Capprentissage de la langue ne demarre pas à partir du « premier<br />
mot » mais s'inscrit dans un prmessss constant et interactif<br />
m&re-enfant instawé dès la naissance. J. Cosnier propose pour désigner<br />
ce phénomène te terme d'kpigenese interactionnefie dé-finie<br />
comme « le processus ontogdné-tique du phdnotype comportemental<br />
communicationnel» qui « se fait par une série d'instructions réci-
proques permettant 1'6volution <strong>des</strong> compétences infantiles et maternelles<br />
» (« Epigenèse interactionnelle, communication et langage » in<br />
Bulletin d'Audiophonologie no 2-3-1982).<br />
- « L'enfant est un être de dialogue » dès le dbbut, et il n'y a pas<br />
de système linguistique futur qui ne s'enracine dans cette communication<br />
primitive. « Le langage ne se développe pas sur <strong>des</strong> bases protophonologiques<br />
ou protomt~ques, mais comme une extension<br />
sp&ialisée et conventionneile de l'interaction coopérative, et cette<br />
extension va former un systeme sémiotique dont une partie sera<br />
(éventueliement) verbale » (J. Cosnier, op. cit).<br />
- Toute privation, tout manque dans ce processus entraîne <strong>des</strong><br />
lacunes sans doute irréversibles, aussi bien sur le plan de la structuration<br />
du système que sur celui de 17ut&ation pragmatique de ses<br />
formes.<br />
Ainsi la notion de « langues maternelles » se trouve-t-elle fondée<br />
sur un choix de critères objectifs, non pas nécessairement comme<br />
langue de la mère (<strong>des</strong> parents) - ce qui est tout de même la situation<br />
la plus fréquente - mais comme Zangue premiére, c'est-à-dire<br />
constitution d'un outil symbolique et relationnel qui seul sera en mesure<br />
de produire un langage codé authentique. En apprenant sa<br />
« langue maternelle », le jeune enfant apprend en même temps les<br />
formes du code, l'usage du code, les significations auxquelles il réfère,<br />
les opérations mentales qu'il permet, il prend conscience à la<br />
fois de ce que dit le langage et de ce à quoi il sert.<br />
Or, en toute objectivitb, 2 apparaît bien que, malgr6 les apports<br />
non négligeables de l'appareaage, de l'éducation précoce, de l'éducation<br />
auditive, le jeune enfant sourd profond ne peut avoir un accès<br />
normal et rapide à ce processus dans la seule perspective d'une<br />
langue audio-vocale. La dtSfatLfance hsumontable du canal auditif<br />
oblige à <strong>des</strong> palliatifs, à <strong>des</strong> détours, à <strong>des</strong> stratégies qui toutes, malgré<br />
leurs efforts, aboutissent au même rbsultat : les acquisitions<br />
linguistiques et langagières se font avec un retard et un dysfonctionnement<br />
hautement prbjudiciable à l'instauration d'une activité de<br />
parole digne de ce nom.
Le désarroi <strong>des</strong> parents devant la dificulte à établir une mmmunication<br />
qui ne soit pas seulement infra-verbale, avec les troubles<br />
p-ychologiques qui en sont une <strong>des</strong> conséquences, l'hpossibZt6 de<br />
l'enfant à s'approprier le code pour répondre ces soKcitations ne<br />
font qu'aggraver ces déseqabres : le feed-back dialo$que (c'est-àdire<br />
l'auto-adaptation immtsdiate, aitemative et rkursive, du lueuteur<br />
aux réponses verbales et comportementales de l'interlwutew)<br />
nécessaire à l'apprentissage ne s'installe pas, et les retomwes affectives,<br />
linguistiques et intellectuelles de ce dysfonctionnement ont tsté<br />
maintes fois analysées.<br />
Le retard et l'anormalité du prmessus vont avoir <strong>des</strong> effets d'autant<br />
plus graves qu'ils ne sont guère rattrapables dans le temps : on<br />
ne fait pas en classe à huit ans ce qui se fait sur les genoux de sa<br />
mère à deux ans ! <strong>Les</strong> deficits ne sont pas gommés ultérieurement,<br />
mais ils se cumdent, et on n'en connait que trop les rksultats sur le<br />
plan luiguistique, scolaire et plus géné-rdement humain.<br />
Ainsi, la ntscessité d'une communication visuo-gestuelle skpose<br />
dans toute sa force, car elle seule est capable de restaurer dans leur<br />
authenticité et dans leur chronologie les étapes du développement<br />
luiguistique, LWSAGE DE LA UF SE TROUVE! FOWE DANS rJN fhtl-<br />
PERA~F DE PNQ . Pour avoir oubli4 cela, on se focalise sur la<br />
déficience, orgrnique, objective, qui relève de la médecine, de la prothèse<br />
et de la rééducation et on accroît du coup le handicap, phhnomène<br />
social, fonction du degré de rejet que présente la société à l'encontre<br />
d'une déficience. La LSF est une expression du pouvoir inventif<br />
de l'home. Le besoin de communiquer provoque la crhtion de<br />
l'outil : ne pouvant &tre acoustique, ii devient visuel. Lutter contre la<br />
nature revient ti mutiler l'enfant et à ajouter au malheur innocent.<br />
La méthode orale préconisée en 1880 par le congrès de Milan<br />
était appliquée dans <strong>des</strong> conditions qui nous paraissent aujourd'hui<br />
paradoxales : début de l'éducation aprh l%ge &acquisition du langage,<br />
sans ampuication acoustique et en milieu swegatrf. Malgré<br />
d'importantes améEorations ultérieures, l'oralisme mal compris a<br />
contribué 2 margkaliser les sourds puisqu'üs ne peuvent guère participer<br />
& la culture dominante.
Ces arguments d'ordre psycho-hguistique ne sont pas les seuls<br />
que les défenseurs de la LSF avancent : ils se réfèrent également la<br />
notion d'héritage culturel, selon laquelle la langue <strong>des</strong> sourds, moyen<br />
de communication d'une partie <strong>des</strong> Français, porteuse d'une culture<br />
spkifique, ferait alors partie du patrimoine culturel de notre pays et<br />
meterait en cela respect, protection et développement. Discuter<br />
dans le détail le bien fondé de cette position entraînerait à <strong>des</strong> développements<br />
trop longs pour trouver ici leur place. Il faut avouer<br />
cependant que ce type d'argumentation est surtout celui <strong>des</strong> adultes<br />
sourds (de la majoritC d'entre eux, mais non de tous) ; pour les parents<br />
entendants, c'est surtout l'argument psycho-linguistique qui<br />
prime, car la LSF leur donne enfin le moyen d'établir avec leur enfant<br />
une communication précoce et rCelle (en ce sens que non seulement<br />
ils peuvent se faire comprendre, mais qu'ils reçoivent de leur<br />
enfant <strong>des</strong> t5noncés construits et htefligibfes). On voit alors jouer<br />
pleinement cette divergence <strong>des</strong> analyses sous-jacentes aux choix<br />
communicationneb : la primauté du français repose surtout sur <strong>des</strong><br />
raisons <strong>sociales</strong> et culturek, ia priorité de la LSF sur <strong>des</strong> raisons<br />
psycho-hg~istiques ; LA CONCILWmON DES DEUX WEMnm N'EST<br />
PAS EVïDENTE POUR TOUS et ils peuvent longuement se contrebaiancer<br />
à I'intdrieur de chacun de nous.<br />
2.4. Ile plus en plus s'impose de nos jours l'idée que l'apprentissage<br />
du langage par l'enfant sourd ne saurait être le fait <strong>des</strong> seuls<br />
professionnels ; parents et enseignants doivent participer à cette<br />
longue entreprise dans un esprit d'étroite collaboration, mais chacun<br />
selon ses modalités propres. <strong>Les</strong> rB1es respectifs se conjuguent mais<br />
ne se confondent pas. C'est alors que surgit toute une série de diffidt&<br />
nées de I"mbigujit.6 meme de fa notion de «langue maternelle<br />
» et surtout de sa double dimension: première forme de<br />
communication 1angagiBre et héritage de la langue <strong>des</strong> adultes.<br />
On s'aperçoit rapidement que ?acquisition du français comme de<br />
ia LSF ne va pas sans poser quelques problhes épineux.<br />
Le sumBs de l'option oraliste necessite la conjonction de plusieurs<br />
facteurs : les potentialités intellectuelles de l'enfant, la préco-
cite de la rééducation, la qu&ation <strong>des</strong> professionnels, le soutien<br />
constant <strong>des</strong> parents. Un tel faisceau d'esgence a fait dire il certains,<br />
exagérément, que seule une éducation pr(rceptode pouvait rtsussir<br />
un tel miracle ! b propos est trop entier pour être totdement juste<br />
mais contient une part de vt4;ritk. tes r6ussites les plus spwtacdakes<br />
de l'oralisme doivent souvent beaucoup à une situatron plus ou moins<br />
proche du prtrceptorat (qui fut, il faut le rappeler, fa premibre forme<br />
historique de l'éducation <strong>des</strong> sourds) : certaines fa<strong>des</strong> profondément<br />
bpliqulses dans I'objwt2 orafiste, disposant du temps ntrcessaire<br />
et d'une certaine efEcacitb pédago@que intuitive portent,<br />
comme on le dit parfois, leur enfant « il bout de bras ». Une attention<br />
de chaque moment, un exercice pemanent et exigeant de la langue<br />
française finit le plus souvent par donner d'heweux resultats : ces parents<br />
se transfoment en prkepteurs de leur enfant. XI existe aussi un<br />
préceptorat de certains orthopbonistes où l'enfant, en réeducation<br />
indiGdueae quasieonstante, soutenu par <strong>des</strong> parents eux aussi tres<br />
aidants, bénéficie de k mêrrne quaüté et surtout de la meme densit6<br />
d'attention, d'efforts et de soEcitation à la parole.<br />
Ces cas de figure ne sont pas à dkrier systématiquement et l'on<br />
peut s'inspirer de certaines de Ieurs démarches, de leurs trouvailles<br />
p6dagogiques9 de Ieurs stratéges d'enseieement. Nais la situation<br />
la plus frtsquente et la plus gdnérale ne peut reproduire ces conditions<br />
opth<strong>des</strong> ou id6<strong>des</strong> : tous les parents ne sont pas aptes ou disponibles<br />
pour se transformer en précepteurs, et la situation de classe<br />
est une situation @enseignement collectif, hittse ntrcessahent<br />
dans le temps. "est là que l'option oraliste touche souvent à ses limites<br />
et que professionnels et parents se tournent ainsi vers l'utilisation<br />
de moyens de communication wsuo-gestuels.<br />
Mais la grade majorit6 <strong>des</strong> enfants d6ficients audit* ne naît<br />
pas dans <strong>des</strong> es sour<strong>des</strong> : il faut abrs évoquer toutes les difficultés<br />
qui peuvent apparaître de Putirisation d'un langage gestuel<br />
dans un milieu entendant. Certes, la découverte de la LSF par les parents<br />
est pour eux une solution souvent salvatrice, le moyen enfin de<br />
communiquer avec leur enfant, avec tous les effets bénéfiques que<br />
l'on peut imaginer : l'usage d'un langage commun dès le dt4;but de la<br />
vie représente un formidable lien relationnel, affectif, qui fait effet
de miracle. Mais une langue est aussi plus que cela : en lwant leur<br />
langue, les parents transmettent un système complexe de significations,<br />
de règles, de concepts, véritable
l'institution scolaire, creuset en fait de la communauté sourde, car on<br />
n'apprend rtleilement une langue que dans un milieu qui la parle<br />
vraiment. Dans la mesure où il y a là renversement d'une tendance<br />
rkente vers l'ouverture et l'intégration, il faut en prendre<br />
conscience.<br />
On touche du doigt le paradoxe où conduit la revendication de la<br />
: les entendants qui veulent léguer la leur (le<br />
français) n'en ont pas toujours les moyens, ceux qui se donnent les<br />
moyens de communiquer n'ont qu'un héritage bien mince A transmettre<br />
! HB~AGE<br />
ET UTILISATION PMCOCE NE S7m0NISEm<br />
PAS MCKI)SATmENT.<br />
Un autre paradoxe tient à X"évo1ution de la scolarisation <strong>des</strong> déficients<br />
auditifs, marquée par un effacement progressif de l'internat.<br />
Depuis le congr&s de Milan (1880) jusqu'au milieu de ce sihle, période<br />
durant laquelle l'usage de la LSF se trouvait officiellement<br />
prohibt., l'enseignement oralo-gaphique reposait en fait sur un bilinguisme<br />
réel mais non reconnu et surtout non exploité par les enseignants.<br />
<strong>Les</strong> instituts étaient avant tout <strong>des</strong> internats, rt.unissant une<br />
population dant <strong>des</strong> jeunes enfants Qusqu'am grands adolescents de<br />
vingt ans et plus. Ces élhves sourds vivaient donc dans une v6ritable<br />
communauté sourde dont le moyen communieationnel naturel, en<br />
dehors de la classe, était la UF. Ainsi l'héritage hguistique et culturel<br />
se transmettait normalement et les jeunes possédaient un langage<br />
premier, appris dans les conditions habituelies de i'échange et du<br />
dialogue en situation, qui leur permettait d'acquérir tous les concepts<br />
auxquels les entendants aecgdent par le biais du français. Sans quqs<br />
s'en rendissent compte, les enseignants avaient d'une certaine façon<br />
leur t$che facilitée dans l'enseipement du français, non point par<br />
l'utitisation <strong>des</strong> signes (puisqu'als n'en faisaient pas) mais par le fait<br />
qu'il s9établlssait de nombreuses correspondances entre la langue découverte<br />
et le langage déjà connu, au niveau conceptuel tout au<br />
moins. <strong>Les</strong> enfants hteugents pouvaient faire cette traduction inconsciente<br />
en partant d'une compréhension plus ou moins élaborée,<br />
mais d&jà en place, pour aller vers les structures de la langue seconde.<br />
<strong>Les</strong> élèves étaient rtCellement bilingues, sachant communiquer<br />
avec Ieurs semblables et, peu il peu, s'exprimer dans la langue de
leurs interlocuteurs entendants. Or, aujourd'hui, le bilinguisme est de<br />
plus en plus prdné alors qu'il a quasiment disparu <strong>des</strong> écoles !<br />
Deux raisons principales expliquent cette situation paradoxale :<br />
- les internats ont perdu beaucoup de leur importance : les parents<br />
refusent souvent une telle séparation, l'existence <strong>des</strong> familles d'accueil<br />
et l'extension du ramassage scolaire ont fait le reste ; partant,<br />
la vie communautaire s'est étiolée et, avec elle, son mode de communication<br />
spécifique ;<br />
- élevés donc au sein de leur famille, les enfants sourds de parents<br />
entendants, dans un environnement à peu près exclusivement ora-<br />
Liste, sollicités plus ou moins fortement à parler avec leur voix,<br />
ignorent souvent la LSF (ou ne l'utilisent pas si leurs interlocuteurs<br />
l'ignorent).<br />
Ainsi en 1985, dans quelques internats subsistants, un embryon<br />
de pratique visuo-gestuelle tente de se maintenir et de survivre. Mais<br />
fatalement cette communication demeure fruste, ressemble de moins<br />
à moins à la LSF, s'appauvrit dans son lexique et sa grammaire, cantonnée<br />
qu'elle se trouve à quelques échanges purement utilitaires et<br />
simplistes, et ne peut donc remplir les fonctions d'un langage riche et<br />
nuancé. L'enseignement du français ne reposant plus sur aucun langage<br />
premier porteur de significations et de structures, devient encore<br />
plus difficile, débouchant sur la crise qui sévit actuellement. A<br />
ceux qui songent à réintroduire la pratique de la LSF au sein de<br />
176cole, il faut cependant rappeler que cette solution ne pourra pas<br />
gommer les retards du développement hguistique et intellectuel si<br />
la communication gestuelle est à son tour enseignée comme une discipline<br />
scolaire sans connaître les processus indispensables d'une<br />
langue acquise naturellement dans la vie de tous les jours et à l'âge<br />
adéquat.<br />
Quoi qu'il en soit, voilà bien le second paradoxe de la situation<br />
pr6sente : QUAND LE BILINGUISME EXISTAIT, ON NE L'A PAS UTILISE ;<br />
hfAJNZNANT ON VOUDRAIT L'EXPLOITER, MAIS IL N'EXISTE PLUS.<br />
Toutes ces difficultés, toutes ces contradictions, pour graves<br />
qu'elles soient, ne semblent pas insurmontables et ne ruinent pas, de<br />
toute façon, les espoirs que l'on peut mettre dans l'usage <strong>des</strong> com-
munications signées. Sans anticiper sur le point no 4, on peut cependant<br />
tirer un premier enseignement au terme de cette étude sommaire<br />
: si l'on veut que la LSF reprenne sa juste place dans les<br />
établissements, si l'on veut que la faible compétence <strong>des</strong> parents entendant~<br />
soit rapidement relayée par la maîtrise de bons locuteurs<br />
gestuels, L'mRVENTION PWCOCE ET CONTINUE DES ADULTES<br />
SOURDS S'IMPOSE COMME LA SEULE SOLUTION ENVISAGWLE DANS<br />
L'OPTIQUE DU BILINGUISME.<br />
3. Avant d'envisager quelques propositions de réflexion et d'action<br />
susceptibles de réduire les difficultés énumérées précédemment,<br />
il est nécessaire de compléter ce tableau <strong>des</strong>criptif par l'analyse<br />
rapide de quelques autres moyens de communication auxquels les<br />
enseignants spécialisés peuvent avoir recours. La problématique générale<br />
de l'éducation <strong>des</strong> enfants sourds ne se réduit pas au face à<br />
face du français et de la LSF, il existe entre ces deux systemes <strong>des</strong><br />
techniques visuelles intermédiaires (et il faut bien insister sur le mot<br />
u technique » et non langages) qu'il faut prendre en considération<br />
car leur utilisation judicieuse peut se révéler d'un grand secours pour<br />
les parents et pour les maîtres et apporter une aide précieuse au dépassement<br />
<strong>des</strong> contradictions relevées jusqu'ici.<br />
3.1. Le langage parlé complété (LPC) ou Cued Speech est un<br />
complément manuel à la parole assurant la visualisation quasi-totale<br />
du français. Huit configurations de la main combinées & cinq positions<br />
sur la face et le cou permettent d'éliminer les sosies labiaux,<br />
donc de discriminer les phonèmes présentant le même mouvement<br />
et la même position <strong>des</strong> lèvres (par exemple dans <strong>des</strong> mots comme<br />
« pain », « main », « bain ») et, par là, de percevoir l'intéj~ralité du signifiant<br />
phonématique du message (le niveau si important de la prosodie<br />
n'est pas toujours intégralement conservé maheureusement).<br />
On comprendra ainsi que le LPC n'a aucune autonomie linguistique,<br />
c'est-&-dire qu'à lui tout sed il ne sert jamais à représenter une unité<br />
de quelque niveau que ce soit. Il assure certes une visualisation de la
parole, mais en accompagnant pas à pas celle-ci : pour appréhender<br />
la forme <strong>des</strong> énoncés le sujet doit synthétiser les informations visuelles<br />
de la lecture labiale et les indices visibles fournis par la main<br />
du locuteur. Le LPC est donc une technique visuo-gestuelle assurant<br />
la réception du français ; simplement les formes acoustiques de la<br />
parole impossibles à percevoir par le sujet sourd sont remplacées par<br />
<strong>des</strong> formes visuelles à deux composantes interdépendantes : lèvres et<br />
mains.<br />
Le LPC offre donc pour les parents et pour les enseignants <strong>des</strong><br />
avantages considérables :<br />
- <strong>Les</strong> informations provenant de la lecture labiale et de l'appareillage<br />
prothétique dbpassent rarement le taux de 50 % d'intelligibilité<br />
chez les sourds profonds. Encore s'agit-il de sujets bien entraînés<br />
à la labio-lecture et possédant une excellente connaissance de la<br />
langue permettant d'assurer la suppléance mentale nécessaire à ce<br />
type de déchiffrage (une forme est discriminée parmi d'autres possibles<br />
à partir de ce que le sujet sait du thème de l'énoncé, du vocabulaire<br />
du français et de ses constructions grammaticales). Cette<br />
compétence particulière, on le voit, ne peut être le fait de très jeunes<br />
enfants puisqu'elle présuppose en grande partie la connaissance de<br />
ce vers quoi tend justement l'éducation : la maîtrise de la langue !<br />
Avec l'aide du LPC, l'intelligibilité peut, dans le meilleur <strong>des</strong> cas, atteindre<br />
les 100 % et surtout l'outil peut être utilisé dès le tout début<br />
de la communication. En remplaçant les informations audibles par<br />
<strong>des</strong> informations visibles équivalentes on se ressitue, théoriquement,<br />
dans les conditions habituelles de l'acquisition du langage : en corrélant<br />
<strong>des</strong> tranches de signifiants à <strong>des</strong> objets, <strong>des</strong> situations, <strong>des</strong> procès,<br />
etc., le sujet sera à même de s'approprier le langage en donnant<br />
<strong>des</strong> significations à <strong>des</strong> structures.<br />
- Quand le processus réussit, on n'observe donc presque plus<br />
aucun retard dans l'acquisition de la langue française. <strong>Les</strong> mots<br />
grammaticaux (souvent monosyllabiques) si difficiles pour l'enfant<br />
déficient auditif et pourtant indispensables à la structuration de<br />
notre langue, sont connus, compris et réutilisés, la construction <strong>des</strong>
phrases kvitant ce chaos qu'offrent le plus souvent les énoncés <strong>des</strong><br />
tr&s jeunes sourds,<br />
- Enfin, et ce n'est pas le moindre de ses misrites, le LPC est relativement<br />
facile à apprendre par les adultes entendants, incomparablement<br />
plus facile qu'une langue étrang&re (à double titre : par son<br />
organisation propre et par le canal utilisé) telle que la LSF. Ii n'y a<br />
plus besoin ici de mkmoriser <strong>des</strong> muers d'unit& leiXicales, <strong>des</strong> centaines<br />
de règles et de s'efforcer à penser dans un système dif£érent<br />
du sien. On part d'un glément farnifier (le frangais) et il faut sedement<br />
se plier à une petite adaptation: prendre conscience de la<br />
forme phonique <strong>des</strong> knonds &mis. Selon les praticiens du LPC, une<br />
semaine suffit pour apprendre les gestes et un trimestre de pratique<br />
quotidienne permet de manier aisément le Cued Speech à la vitesse<br />
du debit de parole, Cette facifité &apprentissage et #utilisation<br />
donne à cette technique un avantage déterminant,<br />
Au demeurztnt, le LPC n'est pas une panacée et l'on connaît ses<br />
limites :<br />
- <strong>Les</strong> kinbmes visudsent surtout le niveau phonématique de la<br />
parole et toute la prosodie (rythme, mélodie, intonation) tellement<br />
importante dans la compréhension <strong>des</strong> premiers échanges bngaGers<br />
si souvent hpoeoristiques, n'est pas parfaitement rendue, Seuls les<br />
praticiens particufikrement exercks arrivent h communiquer les informations<br />
de la prosodie et à conserver toutes les expressions faciales<br />
qui les soucpent.<br />
- Le LPC favorise la dception <strong>des</strong> messages et Yintégration du<br />
système de notre langue, ce qui est déjà énorme, mais joue un r6Ie<br />
moins hportant sur les dBbuts de l'4mission de la parole chez Pen-<br />
fant sourd : tout le travail de démutisation et une grande partie du<br />
travail &orthophonie restent faire (le même reproche s'adresse a<br />
fortiori à toutes les communications visuelles, français signé ou LSF),<br />
- L'aide que le Cued Speech apporte à la lecture labiale peut<br />
avoir un effet pervers en dimhuant parfois l'attention du sujet à la<br />
labio-lecture seule. Or, devenu adulte, le jeune sourd vivra dans un<br />
monde qui ne pratiquera pas le LPC et la lecture sur les lavres restera<br />
pour lui le moyen essentiel pour comprendre la parole d'autrui.
Selon certains, le LPC constitue la meilleure voie d'accès possible<br />
la lecture labiale ; pour d'autres, il faut amener l'enfant à se priver<br />
progressivement de cette aide et accroître donc l'entraînement h la<br />
labio-lecture seule.<br />
- On signale enfin quelques cas d'échecs, dans le cadre de l'éducation<br />
précoce, les enfants n'ayant pas compris que la valeur <strong>des</strong> kinèmes<br />
n'existait qu'en relation avec les configurations labiales : pour<br />
eux, les gestes étaient devenus <strong>des</strong> signes, c'est-à-dire <strong>des</strong> unités signifiantes<br />
; à partir de cette erreur, le processus d'acquisition du système<br />
n'avait pu se développer normalement. On a noté parfois aussi<br />
<strong>des</strong> d3ficultés d'analyse visuelle fine chez certains sujets.<br />
Si l'on prend soin de ne pas oublier le travail, indispensable de<br />
toute façon et dans n'importe quelle solution choisie, d'acquisition et<br />
de perfectionnement de la parole et d'entrakement à la lecture labiale<br />
(sans oublier l'éducation auditive), on voit que les réserves que<br />
l'on peut 6mettre<br />
l'bgard du LPC ne pèsent guère face à ses mé-<br />
rites et à ses vertus aussi bien communicationnelles que pédagogiques.<br />
<strong>Les</strong> parents et les professionnels ont à leur disposition un<br />
outil efficace et simple pour améliorer et peut-être réussir l'acquisition<br />
du français : l'gtonnmt demeure que cette technique ait rencontré<br />
si peu de succès dans notre pays. Sans doute le contexte polémique<br />
dans lequel elle est apparue explique-t-21 un accueil aussi<br />
réservé, une audience aussi faible et la mise en doute radicale par<br />
certains de ses avantages :<br />
- Pour certains oralistes intransigeants, elle demeure irrémédiablement<br />
marquee du caractère rédhibitoire de la gestualité, donc elle<br />
sent de quelque manière le soufre.<br />
- Pour de nombrem partisans du bilinguisme, ces gestes qui véhiculent<br />
le message français ne peuvent que porter ombrage aux authentiques<br />
signes de la UF. Il y a B leurs yeux danger de confusion<br />
entre les véritables signifiants de leur langue et tous les moyens<br />
visuo-motems utilisés par la pédagogie spéciale : LPC, gestes de<br />
rappel, pantomime, stimulations corporelles de la méthode verbotonale,<br />
dactjrlologie, etc,
-De nombreux parents enfin, malgré les difficultés de l'entreprise,<br />
sont sans doute plus convaincus par les promesses ambitieuses<br />
de la LSF (fournir à l'enfant sourd une «langue maternelle » qui<br />
sera toujours pour lui le véhicule préférentiel de ses pensées et de<br />
ses sentiments) que par les considérations plus étriquées et plus<br />
« techniciennes » du LPC.<br />
On ne peut que regretter ces préventions dont le bien fondé<br />
reste il dtsmontrer. Xi faut que les oraiistes convaincus se persuadent<br />
que le LPC sert à visualiser la langue qu'ils veulent transmettre et<br />
enseigner, et que loin de porter atteinte à l'orthodoxie de leur doctrine,<br />
il s'y inscrit au contraire dans le doit fil. Quant aux adeptes du<br />
b~mkme, ils ne peuvent demander
tractions utiles pour i'andyse mais deux réalit& étroitement interdépendantes<br />
dans l'usage effectif de la langue ;<br />
- qu'il puisse exister une correspondance terme 2 terme entre les vocabulaires<br />
de deux langues différentes; la connaissance de<br />
quelques langues étrang&res, la pratique du theme et de la version<br />
prouvent abondamment le contraire.<br />
Dès qu'il quitte le domaine de quelques phrases, référant à <strong>des</strong><br />
objets ou à <strong>des</strong> procès concrets, l'utiüsateur du FS se trouve<br />
confronté à <strong>des</strong> difficultés hcontournabfes et se voit contraint, nécessairement,<br />
de faire de la traduction ; encore faut-il qu'il soit<br />
conscient de cette situation, qu'il sache dans quel sens il traduit (va-til<br />
privilégier un <strong>des</strong> deux systèmes, et lequel ? et pourquoi ?) qu'il se<br />
rende compte <strong>des</strong> probl&mes d'hterprétation de son message quand<br />
il opte pour le respect <strong>des</strong> signifiants ou au contraire <strong>des</strong> signifiés !<br />
La pratique du FS devient aiors un exercice de haute voltige où l'on<br />
n'est jamais trop sOr de la validité <strong>des</strong> choix opkrés en fonction du<br />
sens que f'on veut faire saisir à l'enfant.<br />
Quelques exemples rapi<strong>des</strong>, parmi <strong>des</strong> milliers possibles, illustreront<br />
f'hconfort d'une teiie entreprise :<br />
a) L'existence de termes spécifiquement français, n'ayant pas de<br />
signes
jeu de ; c'est un beau jour - il va à la gare ; il va bien ; il va écrire ;<br />
cela lui va bien - il habite tout près ; est-ce tout ? ; il ne comprend<br />
rien du tout ; il est resté tout bête ; ça fait combien en tout ?).<br />
On comprendra qu'il ne s'agit pas là de quelques tournures rares<br />
et recherchées, d'un sous-ensemble margind du vocabulaire français<br />
que l'on pourrait hrter dans un premier temps et qui n'hvdderait<br />
pas la tentative ; c'est au contraire au détour de chaque énoncé, ou<br />
presque, que l'on va se trouver confronté à ces délicats problèmes<br />
dont l'issue paraît si incertaine : ou bien l'on transcode tout, mot à<br />
mot (mot signe faudrait-il dire) et que va comprendre l'enfant devant<br />
ce qu'il ressentira comme un mhenage bizarre de ce qui est<br />
pour lui sa langue ? Ou bien on fait une authentique traduction,<br />
c'est-à-dire que l'on rend l'expression française par le ou les signes<br />
qui ont en LSF un sens équivalent, mais alors que reste-t-il de la<br />
forme spécifique <strong>des</strong> tournures de notre langue ? L'enfant comprendra<br />
certes la signification globale (et c'est beaucoup), mais il ne<br />
pourra pas pour autant saisir la
fants et la famille ou les éducateurs, de faire circuler du sens, même<br />
vaille que vaille, de permettre l'éciosion <strong>des</strong> premières manifestations<br />
langagieres de l'enfant sourd, mérite le respect et l'intérêt <strong>des</strong><br />
théoriciens. Peut-être ne faut-il pas tout exiger tout de suite et refuser<br />
droit de cité à un outil imparf&t sans doute mais susceptible de<br />
permettre la compréhension d'autrui, de se faire comprendre, de<br />
faire saisir intuitivement à l'enfant sourd ce que c'est que communiquer<br />
par le langage. L'essentiel dans un premier temps est peut-être<br />
là, dans la découverte de ce à quoi sert l'instrument avant même<br />
qu'on en utilise toutes les possibilités et qu'on en touche les limites.<br />
S'il faut d'abord installer la «fonction langage », l'appétence à la<br />
communication, la joie pour l'enfant sourd de s'exprimer en &tant<br />
compris, alors le FS, à côté <strong>des</strong> autres moyens, a toute sa place. On<br />
voit rnaf au nom de quelles raisons on refuserait <strong>des</strong> parents l'usage<br />
de cet outil qui fut pour eux la clé de l'entrée en communication avec<br />
leur enfant, le déblocage d'une situation de mutisme réciproque si<br />
atrocement dommageable. Quant aux enseignants, ils savent aussi<br />
que souvent la signification entici-re d'un message tient à un seul indice<br />
qui n'a pas été perçu ou compris : que cet indice soit fourni, et<br />
tout s'éclaire, le discours et l'échange peuvent continuer, On n'empêchera<br />
jamais un maître de se priver d'un tel moyen ! Devant la<br />
réalité multiforme et quotidienne <strong>des</strong> achoppements de l'intercommunication,<br />
on assiste souvent à une débâcle <strong>des</strong> constnietions inteilectualistes<br />
a priori ; tout fait usage : l'image, la pantomime,<br />
l'ecriture, l'utilisation <strong>des</strong> restes auditifs, les signes de nature diverse..<br />
. L'existence de la « communication totale » reflète cette recherche<br />
pragmatique de la communication à tout prix, malgré les<br />
beiles considérations <strong>des</strong> théories savantes et <strong>des</strong> systèmes.<br />
Certes, 3 ne s'agit pas de faire n'importe quoi, n'importe comment<br />
: l'enjeu est trop grave, aussi bien pour les parents que pour les<br />
maîtres (et pour les enfants en premier lieu !) mais il ne servirait à<br />
rien d'excommunier pour les meilleures raisons raisonnantes du<br />
monde un outil qui, dans la réalité <strong>des</strong> faits, au niveau le plus humble<br />
<strong>des</strong> situations familiales ou scolaires, rend souvent d'estimables services.<br />
LE FS DOIT ETRE UTILISE AVEC LUCIDm ET PRWENCE, MAIS
IL A SA PLACE DANS LA. PANOPLIE DES MOYENS UTILISABLES AVEC<br />
LES ENFANTS SOURDS.<br />
33.1 devient maintenant possible, B l'issue de ces rapi<strong>des</strong> analyses,<br />
de synthétiser en un petit tableau les caractères fondamentaux<br />
<strong>des</strong> quatres moyens de communication étudiés :<br />
Statut linguistique<br />
Fonctionnement<br />
Fonction Langue écriture autonome<br />
langage naturelle<br />
spécifique<br />
Français + + + +<br />
L E - " -<br />
FS ? - - - c5<br />
UF + ? ", +<br />
Une étude exhaustive devrait maintenant étudier tous les cas<br />
possibles de combinaisons pour discerner les (in)compatibilités, les<br />
avantages et les inconvénients. Car la réalité <strong>des</strong> pratiques correspond<br />
une sorte de continuum dont le schéma ci-<strong>des</strong>sous donnera<br />
une idée simplifiée mais assez complète :<br />
5. Dans son usage strict, le ES accompagne la paroie. Comme la LSF utilise moins de morphèmes<br />
que le français, le FS consiste le plus souvent à dire les mots grammaticaux et à<br />
signer les unités plus riches en lexèmes (verbes, noms, adjectifs, certains adverbes). Or, ce<br />
sont justement ces morphèmes courts qui posent le plus de problèmes aux enfants sourds.<br />
Une solution astucieuse, utilisée en Belgique (mais sans doute aussi ailleurs) consiste alors B<br />
réaliser en LPC les mots grammaticaux et à signer les autres. La conjonction ES + LPC<br />
atteint ainsi B une autonomie presque totale et offre plus de souplesse, les signes n'étant pas<br />
obligés de i< coller » systématiquement à la parole.
Français dominant 1 oralisme<br />
Français dominant 2 oralisme + LPC<br />
Français dominant 3 ordisme + FS<br />
Français dominant 4 orfime + FS + LPC<br />
Bilinguisme 5 françajs + LSF<br />
Bilinguisme 6 français + LSF + FS<br />
Bilinguisme 7 français + LSF + FS + LPC<br />
(avec bien sûr éducation auditive<br />
et labio-lecture)<br />
(avec bien sûr éducation auditive<br />
et labio-lecture)<br />
(avec bien sûr éducation auditive<br />
et labio-lecture)<br />
(avec bien sûr éducation auditive<br />
et labio-lecture)<br />
(avec bien sûr éducation auditive<br />
et labio-laure)<br />
(avec bien sûr éducation auditive<br />
et labio-lecture)<br />
(avec bien sûr éducation auditive<br />
et labio-lecture)<br />
Une telle entreprise dépasserait le cadre de ce rapport. Seule<br />
d'aiileurs une étude détaiUée <strong>des</strong> diverses réalisations effectives, de<br />
leurs difficultés, de leur évolution et de leurs succès permettrait<br />
d'avancer quelques conclusions, toujours révisables d'ailleurs. Ce travail<br />
nécessiterait une longue enquête sur le terrain, qu'il faudra bien<br />
mener un jour si l'on veut à la fois se pourvoir de moyens d'évaluation<br />
<strong>des</strong> solutions éducatives et argumenter plus sur <strong>des</strong> faits que sur<br />
<strong>des</strong> théories. Le BIAP s'était engagé dans cette voie il y a quelques<br />
années ; il faut espérer que les difficultés matérielles qui ont momentanément<br />
gelé ce projet soient un jour levées et que cette analyse indispensable<br />
<strong>des</strong> pratiques et de leurs résultats puisse être menée B<br />
bien. On se contentera ici de quelques remarques <strong>des</strong>tinées surtout à<br />
alimenter la réfiexion.<br />
-Le français demeure, bien entendu, l'objectif unique ou l'un<br />
<strong>des</strong> objectifs fondamentaux de chaque option, De tous les moyens<br />
additionnels, le LPC paraît, comme il a été dit en 3.1.' le plus souple<br />
et le plus facile 3 maîtriser par les adultes. On peut cependant<br />
craindre que certaines solutions éducatives particulièrement cumulatives<br />
(comme le no 7 par exemple) n'entraînent quelques difficultés<br />
chez le jeune enfant. Confronté B plusieurs systkmes de gestes différents<br />
par leur rôle et leur economie, le jeune sourd ne risque-t-il pas<br />
d'être perdu face à une avalanche de signifiants hétérogènes? Ces
associations multiples de moyens comrnunicationnels devraient être<br />
étudiées soigneusement.<br />
- L'association du FS et de h LSF soulève tous les probl&mes qui<br />
ont été évoqués en 3.2. Il faut cependant reconnaître que l'utilisation<br />
conjointe du fiançais et du ES présente infiniment moins d'obstacles.<br />
Il n'y a plus ici le risque de voir un systeme maltraité (la LSF) par<br />
injection de son lexique dans le sabir, il n'existe plus la malencontreuse<br />
conjonction de deux co<strong>des</strong> originaux mais seulement le couplage<br />
d'une langue (le français) et d'une technique de visualisation<br />
de certaines de ses unités. Dans cette optique, le problème du sens se<br />
pose différemment : il n'est pas plus absurde de représenter la signification<br />
d'une expression comme « j'ai eu chaud » par certains signes<br />
que par une suite d'unités sonares. En un mot, les problèmes de traduction<br />
s'évanouissent puisque, justement, il n'y a plus traduction.<br />
<strong>Les</strong> difficultés réapparaîtront si, un jour, l'enfant apprend la LSF : il<br />
se trouvera confronté alors à une étrange situation où les signes seront<br />
à la fois connus de lui dans un système et inconnus dans le système<br />
nouveau ; cela n'ira pas sans doute sans bon nombre de confusions<br />
et un difficile effort d'adaptation. On comprend alors les préventions<br />
de certains avocats de la LSF à l'égard du FS, comparables<br />
au refus du « franglais » par les défenseurs de la langue française.<br />
- Le bilinguisme enfin n'offre pas, malgré les apparences, une<br />
solution évidente où toutes les difficultés se trouveraient magiquement<br />
résolues. La reconnaissance de l'efficacité de deux systèmes ne<br />
saurait se traduire par une simple addition; 3 serait naïf de<br />
conclure : puisque le français excelie en ceci et la LSF en cela,<br />
apprenons-les tous deux à l'enfant et il n'y aura plus de problèmes !<br />
Ce terme si couramment utilisé de *( bilinguisme » fausse la véritable<br />
nature de la problématique en cause car il renvoie à une situation<br />
fréquente certes mais différente. <strong>Les</strong> bilinguismes connus et étudiés<br />
sont ceux de langues audio-vocales, utilisant donc le même canal et le<br />
même support (phonique) ; quand un jeune enfant pratique une<br />
langue A, puis une langue B, il aurait pu tout aussi bien avoir le parler<br />
B pour langue première : il n'y a entre A et B aucun ordre de<br />
priorité (cf. 2.3.). Et s'il apprend en même temps les deux langues A
et B comme premières langues, toutes deux se structurent en parallèle<br />
; il n'y aura pas d'hétérochronie entre l'acquisition de A et de B.<br />
Tout est bien différent ici : la spécificité du français et de la LSF,<br />
le cas particulier de la surdité, rendent cette coexistence plus délicate,<br />
et le grand risque du bilinguisme, il faut l'avouer, c'est qu'il se<br />
rr&alise au détriment du français, langue non seulement seconde dans<br />
le temps mais hcomparablement plus ardue, plus rébarbative, plus<br />
longue à acquérir. On peut craindre que le saut de la LSF au français<br />
ne se produise pas et qu'on assiste au mieux à une sorte de « coexistence<br />
pacifique » <strong>des</strong> deux systèmes. L'étiquette explicite de « bilinguisme<br />
N occulterait alors une réalité bien différente de ce qu'elle<br />
prétend promettre.<br />
Ces quelques réflexions montrent que les sept configurations<br />
établies précédemment ne sont encore rien si l'on ne réfléchit, pour<br />
chacune, au rdle, à la place, à l'importance de chaque moyen communicationnel<br />
utilisé. Le moment d'initiation, les modalités d'emploi,<br />
les stratégies de passage (par exemple de la LSF au français)<br />
comptent autant si ce n'est plus que les combinaisons elles-mêmes.<br />
On ne peut que répéter ici ce qui a été dit plus haut : rien ne semble<br />
a priori hpossible, aucun argument théorique ne permet d'écarter<br />
un <strong>des</strong> quatre termes du problgme ni une <strong>des</strong> sept combinaisons répertoriées<br />
: seule une vaste étude <strong>des</strong> réalisations concr&tes, menées<br />
dans les classes, dans les étabiissements, auprès <strong>des</strong> parents, dans la<br />
période sensible de l'éducation précoce surtout, sera à même d'apporter<br />
plus de lumière et de montrer peut-être s'il existe <strong>des</strong><br />
solutions plus performantes ou plus harmonieuses que d'autres,<br />
4. Sans donc prétendre surmonter les difficultés et les contradictions<br />
nombreuses qui ont jalonné ce rapport, on peut cependant,<br />
pour terminer, évoquer quelques éléments du probl&me susceptibles<br />
de relativiser la gravité <strong>des</strong> questions soulevées ou de laisser entrevoir<br />
une ébauche de solution possible.
4.1. On n'a jusqu'& maintenant parlé que de sourds et d'entendants<br />
et trop souvent la Littérature consacrée au sujet ne va pas plus<br />
loin dans la nuance, opposant ainsi schématiquement deux blocs ou<br />
plut& deux types d'enfants ; l'entendant d'un CM, le sourd profond<br />
de l'autre, privé de tout reste auditif utilisable et difficilement appareillable.<br />
Mais on sait que la réalité est infiniment plus complexe.<br />
Tout classement, toute ~ologie impose à la variété, à la continuité<br />
du réel <strong>des</strong> tiroirs, c'est-&-dire <strong>des</strong> cloisons, <strong>des</strong> discontinuités. Parler<br />
de surdité moyenne, sévère, profonde, reste utile certes (sinon l'infinie<br />
diversité du reel n'est plus maîtrisable par le discours) et correspond<br />
d'ailleurs & une certaine homogénéité de comportement <strong>des</strong><br />
sujets qui, en gros, justifie cette partition ; mais i< en gros » seulement.<br />
En réalité, si I'on fait intervenir tous les paramètres qui constituent<br />
un individu déficient auditif (les potentialités de l'enfant et son<br />
histoire propre, le rBle de la famille, l'âge d'atteinte, le degré de<br />
perte auditive et mille autres facteurs ...) on aboutit à une myriade de<br />
cas individuels, du déficient léger ou moyen dont la surdité passe inaperçue<br />
pour un observateur non averti jusqu'au sourd profond<br />
incapable d'utiliser la parole, mais aussi du mal-entendant pratiquement<br />
sans langage jusqu'au sourd ingénieur ou professeur de percussions<br />
!<br />
On ne peut être que surpris quand on voit certains zélateurs du<br />
bfigukme proposer leur solution pour tous les enfants deficients<br />
auditifs, sans plus de nuance, alors que I'on connaît (surtout dans les<br />
classes spécialisées de l'Education nationale) bon nombre de malentendants<br />
dont la surdité moyenne, bien dépistée, bien appareillée,<br />
ne se traduit, aprbs une bonne éducation précoce, que par quelques<br />
difficultés d'articulation, un français légèrement lacunaire et un petit<br />
retard scolaire ; il n'est pas sOr que ces enfants se reconnaîtraient,<br />
forgeraient leur identittr, dans une communauté de sourds,<br />
Pour ces mêmes raisons, il faut dénoncer certaines attaques ironiques<br />
ou virulentes contre les possibilités prothétiques, présentées<br />
comme une sorte d'acharnement thérapeutique sans fondement<br />
(comme si la spécificité sourde avait besoin, pour exister, de nier<br />
toute information auditive possible), alors que pour un grand
nombre d'enfants, les prothèses apportent un gain auditif appréciable<br />
et utilisable.<br />
Cette prise en compte de la variété <strong>des</strong> possibilités auditives et<br />
linguistiques <strong>des</strong> enfants atteints de surdité doit permettre d'affirmer :<br />
- QUE LE DEPISTAGE, L'APPAREILLAGE ET L'EDUCATION AUDITIVE<br />
DEMEWNT DES ELEMENTS ESSENTIELS DE L'EDUCATION<br />
DES<br />
JEUNES SOURDS et qu'il faut les développer et les améliorer sans<br />
cesse ;<br />
- que pour de nombreux enfants moins atteints que d'autres, une pédagogie<br />
d'adaptation (avec éventuellement le LPC), telle qu'elle est<br />
pratiquée dans les classes de I'Education nationale - ou d'un soutien<br />
adapté pour les élèves intégrés - présente la solution la meilleure,<br />
et que le passage par une langue étrangère » (la LSF) - en<br />
admettant que les parents l'acceptent - complique inutilement la<br />
situation.<br />
4.2. Avant d'envisager <strong>des</strong> solutions, il faut aussi que l'institution<br />
scolaire reste attentive aux deman<strong>des</strong> <strong>des</strong>
- selon une cohérence, une évolution interne, une histoire que l'on<br />
peut soumettre à critique mais dont on doit tenir compte ;<br />
- selon aussi, pourquoi le nier, la compétence de leurs membres. Apprendre<br />
la LSF ou le FS ou le U C ou les trois ensemble, les intégrer<br />
sufiout à un projet éducatif cohérent et perfomant est une<br />
t$che longue, difficile, hasardeuse parfois. On ne peut exiger <strong>des</strong><br />
personnels <strong>des</strong> changements de cap tout coup, au gré <strong>des</strong><br />
... Et puissions-nous trouver pour nos enfants <strong>des</strong> éducateurs<br />
compétents pour nous guider dans la voie que nous aurons Choisie7 M.<br />
Mais qui oserait oublier, parmi « les premiers interessés », les<br />
enfants sourds ewr-mêmes ? Car ils nous parlent de quelque façon,<br />
différemment selon leur $ge bien sûr, par leurs attitu<strong>des</strong> d'abord (refus,<br />
régression, épa'nouissement) et par leurs interpellations plus tard<br />
(cf. les témoignages <strong>des</strong> adolescents et jeunes adultes), Une fois de<br />
plus, il faut savoir écouter et garder la tête froide. Au-delil <strong>des</strong> outrances<br />
verbales, <strong>des</strong> reproches cingiants et injustes & l'égard d'edueateurs<br />
qui n'ont pas démérité (et qui leur ont même donné précisdment<br />
les moyens de s'exprimer comme ils le font !), de la griserie à<br />
s'engager dans une cause toute neuve et de l'htransigeance adolescente,<br />
on sent bien qu'une teile rancoeur, une telle violence cachent<br />
quelques blessures véritables qu'on ne peut écarter d'un haussement<br />
d'épaules.<br />
Ne nous iliusionnons pas sur la possibItitd, avec les jeunes, de<br />
voir accueiftir favorablement un discours de compromis et de<br />
nuances. Mais peut-etre faut-il néanmoins rappeler deux ou trois vérités<br />
que l'on a tendance parfois il oublier,<br />
- Si l'on a raison d'insister sur le confort communicationnel que<br />
prbente l'usage de la LSF pour les sourds, opposé il la tgche longue<br />
et aride de l'apprentissage du français, il serait faux de leur laisser<br />
croire pour autant que la maîtrise d'une langue, quelle qu'eile soit,<br />
peut se réaliser sans effort. Qu'ils regardent leurs petits camara<strong>des</strong><br />
entendants, qui ont pourtant appris il parler spontanément: que<br />
d'années d'étu<strong>des</strong>, que d'exercices, que de labeur pour parvenir il<br />
une maîtrise moyenne de leur langage maternel ! S'agit-il de l'écrit<br />
seulement ? Pas du tout : combien de Français adultes sont-ils Capables<br />
de s'adresser par la parole à un auditoire, avec sttreté et<br />
aisance ?<br />
- L'on va répktant, comme une evidence, que dans la rencontre<br />
du sourd et de i'entendant, il y a deux handicapés et que le second<br />
est un
elation duelle, cela ne l'est plus au niveau de la communauté dominante.<br />
Si vous vous retrouvez perdu dans une rue de Pékin, vous<br />
serez bien embarrassé pour vous faire comprendre et vos interlocuteurs<br />
le seront tout autant. La seule différence, et eue est de taille,<br />
c'est que ce qui peut être un drame pour vous (incapable de retrouver<br />
votre hôtel, de commander un repas, etc.) ne sera qu'une péripétie<br />
pour les milfiers de Chinois qui vous entoureront. Ils s'occuperont<br />
sans doute gentiment de vous un moment, et puis ils continueront<br />
leur vie ... <strong>Les</strong> sourds reprochent parfois, et avec raison, aux entendants<br />
de ne pas aller vers eux pour dialoguer; mais il faut comprendre<br />
cette dure réalité qu'un entendant a tellement de partenaires<br />
potentiels pour écbanger <strong>des</strong> paroles qu'il ne trouve qu'un<br />
bien maigre i< bénéfice » à s'efforcer à une communication périlieuse<br />
avec un non-entendant. Se& sont handicapés ceux qui se trouvent,<br />
pour une quelconque raison, dans la nkessité de dialoguer avec les<br />
sourds (parents, professionnels...), pas les autres. Cette constatation<br />
réaliste vise à atténuer les illusions d'un certain ang&fisme et justifie,<br />
à sa manière, la nécessité sociale du maniement du français,<br />
- Cette nécessité, il faudrait en donner une conscience plus<br />
claire. Une petite enquête rhente (Je-F, Auffret. Etude de cas sur la<br />
communication bimodale chez les enfants sourds ; ses implications<br />
pédagogiques et <strong>sociales</strong>. Mémoire de DDES Suresnes 1982) réalisée<br />
auprès d'adolescents sourds au seuil de la vie professionnelle montrait<br />
leur soudaine angoisse à l'égard de Ieur compétence en français.<br />
Une demande se degageait, fondée sur une motivation beaucoup<br />
plus forte que celle <strong>des</strong> simples rtrsultats scolaires, ancrée dans un<br />
besoin enfin net d'intégration sociale : pouvoir revenir Lt l'Institut<br />
pour perfectionner leur français (et également leur LSF). A une<br />
époque où, pour tout le monde, on ne peut plus concevoir une seule<br />
scolarisation initiale qui donnerait les savoirs et les savoir-faire nécessaires<br />
pour le restant de la vie, il semble qu'il faille inscrire dans<br />
les taches prioritaires <strong>des</strong> étabEssements spéciaGsés cette ~0~sni3ï-<br />
LITE DE PEWmONNEMENT CONTINU DES ADULTES,
43. La complexité et la diversité <strong>des</strong> problèmes expliquent, on<br />
l'aura compris, l'état de confusion et de tatonnements dans lesquels<br />
se trouve l'éducation <strong>des</strong> enfants déficients auditifs de notre pays en<br />
1985 : il n'est pas exceptionnel de voir <strong>des</strong> établissements où l'équipe<br />
pédapgique se scinde en groupes distincts, voire opposés, au non de<br />
théories pédagogiques peu conciliables, ou bien d'assister à <strong>des</strong> remises<br />
en question brutales qui font figure de reniements. Si l'analyse<br />
théorique <strong>des</strong> problèmes nous incite à une grande prudence dans les<br />
conc~usions, l'expêrience du terrain ne peut guère davantage nous<br />
éclairer, et ce pour deux raisons au moins :<br />
- trop peu d'expériences ont été conduites en classe dans <strong>des</strong> conditions<br />
de contrble sêvère avec bilan initial et régulier de chaque<br />
élève ; nous retrouvons ici cette carence dans l'évaluation <strong>des</strong> résultats<br />
que nous avons dejja évoquée.<br />
- le manque de compétence en LSF ou en FS de la part du corps enseignant.<br />
Il s'agit là d'un goulot d'étrangement technique fréquent<br />
dans notre société de haut niveau technologique. A l'inverse, si les<br />
entendants possèdent les titres de capacité à l'enseignement, le niveau<br />
universitaire <strong>des</strong> personnes sour<strong>des</strong> leur interdit le plus souvent<br />
de devenir professeurs.<br />
Cependant, en dépit <strong>des</strong> incertitu<strong>des</strong>, les exigences de l'action<br />
sont susceptibles d'imposer, à certains moments, <strong>des</strong> décisions pratiques.<br />
C'est ainsi que, si les considérations linguistiques, mor<strong>des</strong>,<br />
anthropologiques, conduisent h une attitude de respect h l'égard de<br />
la LSF, la volonté d'efficience pédagogique peut amener à lui préférer<br />
le LPC ou même le FS dans un but d'enseignement du français.<br />
L'objectif commun demeure le même que dans le passé : l'insertion<br />
scolaire, cultureue, professionnelle et sociale dans le monde<br />
majoritaire entendant avec lequel les sourds doivent être à même de<br />
communiquer. Cette exigence impfique que l'enfant ne présente, si<br />
possible, aucun retard dans le domaine <strong>des</strong> concepts et <strong>des</strong> connaissances,<br />
que l'adolescent soit au même niveau qu'un entendant d'&ge<br />
identique et que la scolarité debouche - en fonction uniquement de<br />
l'hteKgence et du travail personnel - sur l'enseignement supérieur.<br />
En somme, de même que l'aveugle, misérable et inculte il y a<br />
quelques siècles, peut devenir professeur d'université, de même, le
sourd de naissance doit voir s'ouvrir toutes les carrières qui ne dépendent<br />
pas de la seule audition.<br />
La réalisation passe, dès l'éducation précoce, par la possibilité<br />
de choix réel offerte aux parents entre les divers moyens de communication,<br />
soit que les CAMSP et les SSESD se spécialisent dans une<br />
même vilie, soit que tout organisme sache guider chaque famille vers<br />
la décision correspondant le mieux à sa volonté profonde.<br />
Dans les classes, si l'accent est mis sur l'acquisition du français,<br />
le I;PC serait dominant ; il constituerait aussi, par le biais de la traduction<br />
simultanée, une aide déterminante à l'intégration scolaire. Si<br />
on vise plutôt l"accé1Qation et la précision <strong>des</strong> acquisitions dans les<br />
autres disciplines, la LSF deviendrait le moyen de communication<br />
privilégié. L'un et/ou l'autre seront utilisés en priorité avec les débutants<br />
ou, à l'inverse, avec <strong>des</strong> élèves $gés afin de rattraper les retards.<br />
Dans tous les cas, une attention vigilante sera accordée durant tout le<br />
temps de la scolarité à la parole articulée afin de fixer de soli<strong>des</strong> mécanismes<br />
neuro-musculaires.<br />
L'ignorance de la LSF chez les enseignants doit être comblée<br />
par <strong>des</strong> recyclages proposés sur le mode du volontariat car il serait<br />
inefficace d'imposer réglementakement un tel bouleversement de<br />
l'attitude ptsdagogique. Cet apprentissage supplémentake permettra,<br />
au minhum, aux enseignants de mieux comprendre leurs élèves<br />
mais non d'enseigner la LSF dont la connaissance complète ne peut<br />
être acquise que de naissance ou après de longues années de pratique<br />
intensive.<br />
U. semble contradictoire de recruter depuis le 24/11/1975 <strong>des</strong><br />
élèves-professeurs sourds dans les établissements privés relevant du<br />
ministère <strong>des</strong> Affaires <strong>sociales</strong> et de la Solidaritts nationale et dans<br />
les établissements publics depuis le 29 / 10/1981, ou de les préparer,<br />
depuis septembre 1981, au diplôme d'éducateur spécialisé et, simultanément,<br />
de mettre en place <strong>des</strong> « moniteurs de langue <strong>des</strong> signes »<br />
ou « intervenants sourds ». U. suffit, pourtant, de constater l'attitude<br />
<strong>des</strong> enfants face à un adulte sourd, Ieur attention, la spontanéité du<br />
dialogue, le caractère normal <strong>des</strong> échanges sur les plans finguistiques<br />
et psychologique, pour admettre que, meme si elle parait parfois
dangereusement révolutionnaire et pénible à supporter pour certains,<br />
la présence <strong>des</strong> adultes sourds dans le systkme &ducatif devient<br />
logiquement un impératif.<br />
Ceux-ci ne sauraient &tre <strong>des</strong> instituteurs ou <strong>des</strong> professeurs de<br />
sourds à moins d'&tre titulaires du titre de capacité requis ; ni <strong>des</strong><br />
professeurs de langue <strong>des</strong> signes puisque le professorat exige une licence<br />
d'enseignement ; il n'est pas non plus possible de créer un<br />
nouveau professorat spécialisé qui s'ajouterait ii ceux déjà existants<br />
et en voie &unSication. Il reste donc créer une nouvelle catégorie<br />
de personnel dont il faudra déterminer les critères de recrutement et<br />
de formation, le diplôme et le statut.<br />
L'utilité d'une autre profession, celle <strong>des</strong> interprkes en LSF,<br />
apparaîtra dans le cadre de l'intégration scolaire afin de favoriser la<br />
participation <strong>des</strong> enfants sourds au sein de Ia classe d7entendants.<br />
Ainsi le bébé sourd, puis le jeune enfant, peuvent avoir un amks<br />
direct au langage humain, que ce soit le français grâce au LPC ou la<br />
UF. Dans le premier cas, il perçoit à 100 %, dans le second il reçoit<br />
et émet à 100 %. Jusqu'ici, ii fallait de longues années de rééducation<br />
réussie pour que le fran~ais appris atteigne le degré de richesse, de<br />
nuances et de précision de toute langue bien maîtrisée. Aujourd'hul<br />
ii n'existe plus de raison primordiale pour que l'enfant déficient auditif<br />
présente un retard dans le domaine symbolique et son intelligence<br />
doit se dévefopper au même rythme que s'il avait été entendant.<br />
S. L'analyse que nous avons proposée <strong>des</strong> questions que soulèvent<br />
l'éducation et la scofarisation <strong>des</strong> jeunes déficients auditifs se<br />
veut d'abord le constat d'une situation, à un moment donné. L'histoire<br />
de la derniére décennie nous a montré que, dans ce domaine,<br />
l'évolution <strong>des</strong> faits et <strong>des</strong> mentalités peut aller très vite et que, sans<br />
préjuger de l'avenir, elle n'est sans doute pas encore stabilisée.<br />
En ces temps d'interrogations, où tant de parents et de professionnels<br />
se trouvent it juste titre désemparés, il nous a paru n&essaire<br />
de souligner l'urgence de certaines mesures qui, sans pretendre
ésoudre TOUS les problkmes abordés, ne relhvent cependant pas de<br />
l'utopie, C'est ce souci d'efficacité éducative et pédagogique qui a été<br />
notre fil dd'Ariane, afin que le débat théorique et philosophique, au<br />
demeurant indispensable, ne paralyse cependant pas I'action <strong>des</strong><br />
adultes ou ne la laisse pas sP6mietter dans une sorte de baanisation<br />
de la pédagogie spécialisée.<br />
A ce danger qui nous menace si la situation actuelle persiste, il<br />
ne $agit pas pour nous de répondre en biitissant une doctrine ; ou si<br />
doctrine il y a, c'est celle du chok d'un certain nombre de moyens<br />
utilisable A court ou & moyen terne et celle de la liberté <strong>des</strong> options<br />
parentales et de i'indépendance p6dagoglque <strong>des</strong> équipes. A partir<br />
d'un abject" central peu dkcutable : LA. -SE DU FRANÇAIS PAR<br />
L'ENFXNT ET L'ADUILT~ SOURDS, <strong>des</strong> voies d'accès différentes sont<br />
parfaitement concevables ; chacune a sa logique et peut réussir par<br />
<strong>des</strong> moyens appropriés : le LPC, le langage gestuel conduisant normalement<br />
B l'intervention <strong>des</strong> adultes sourds dans les étabfissements,<br />
l'int6patlon sous diverses formes selon l'option communicationnelle<br />
ehuisie.<br />
A la diversite <strong>des</strong> choix parentaux, am besoins spt4cZiques <strong>des</strong><br />
enfants sourds qui peuvent s'épanouir dans un système et s'étioler<br />
dans un autre, Pinstitution scolaire devrait repondre par la variété<br />
<strong>des</strong> structures éducatives d'accueil, mais une varieté cohérente, pensée<br />
et raîsonnable, dépoulUée de toute trace d'incompréhension,<br />
d'affrontement ou de; d6dain entre ceux qui mettront en oeuvre <strong>des</strong><br />
solutions.<br />
En fin de compte, notre plus grande satisfaction serait d'avoir<br />
réussi A persuader les lecteurs qu'ils est peut-être possible de parler<br />
de ces probl&mes, en 1985, en laissant les passions à la porte fors<br />
une : ceile de mieux accomplir notre tâche,<br />
6. En guise de post-face, on rappellera le principe sous-jacent à<br />
notre analyse, selon lequel lknseipment de fa langue française,<br />
langue de la communauté nationale, demeure dans tous les cas la fi-
nalité majeure de l'enseignement <strong>des</strong> enfants déficients auditifs car<br />
elle seule assure une insertion sociale, professionnelle et cultureile<br />
dans h vie et les activités du pays. Cela dit, on avancera une Liste de<br />
sept propositions, présentées sous une forme délibérément concise<br />
puisque les arguments ou les explications qui les justifient ont fait<br />
l'objet <strong>des</strong> analyses du présent rapport. Ces sept principes, une fois<br />
discutés et amendés par les représentants de toutes les parties<br />
concernées, pourraient former les bases d'une sorte de « charte » de<br />
l'éducation <strong>des</strong> déficients auditifs en France, afin d'assurer la cohérence<br />
<strong>des</strong> actions et, de plus, d'affiner les exigences de la formation<br />
<strong>des</strong> professionnels.<br />
Po) L'option d'un ou de deux mo<strong>des</strong> de communication (français<br />
seul ou français + LSF), pouvant jouer le r61e de langues maternelles,<br />
reste un choix parental, obéissant en premier lieu à <strong>des</strong> critères<br />
d'ordre philosophique. L'institution et les professionnels ont<br />
pour devoir d'éclairer et de conseiller les famiiles, non de se substituer<br />
à elles.<br />
2") En l'état actuel <strong>des</strong> analyses et <strong>des</strong> expériences, aucune solution<br />
éducative ne prévaut pour <strong>des</strong> raisons théoriques ou par ses<br />
réussites notoires. L'institution alaire devrait donc répondre à la<br />
demande parentale en proposant <strong>des</strong> solutions diversifiées, aux différents<br />
niveaux de l'intervention auprès <strong>des</strong> enfants : éducation précoce,<br />
cycle pré-élémentaire et primaire, enseignement secondaire.<br />
3") A la variété <strong>des</strong> solutions et <strong>des</strong> structures qui en découlent<br />
devrait correspondre en revanche une grande cohérence <strong>des</strong> objectifs<br />
et <strong>des</strong> modalités d'action au sein de chaque établissement. Parents et<br />
enfants devraient trouver <strong>des</strong> équipes éducatives homogènes, offrant<br />
un projet cohérent et dotées <strong>des</strong> moyens matériels et humains nécessaires<br />
pour l'atteindre.<br />
4") Aucune solution ne doit omettre ou contrecarrer l'intégration<br />
scolaire en classe ordinaire, quand elle est possible. Au<br />
contraire, chacune doit y contribuer selon ses moyens et ses voies<br />
propres.
5") Pour sa facilité d'apprentissage et son efficacité, le LPC mérite<br />
d'être largement propagé en France. Un effort de recyclage auprès<br />
<strong>des</strong> maîtres devrait être rapidement fait en ce sens.<br />
6") La connaissance de la LSF par les enseignants entendants<br />
leur permet d'abord une meilleure connaissance <strong>des</strong> élhves, de leurs<br />
capacitb communicationnelles et de leurs potentiafités intellectuelles<br />
; elle favorise aussi les échanges d'ordre affectif et informatif<br />
au sein de la petite communauté <strong>des</strong> enfants et <strong>des</strong> adultes dans<br />
l'établissement. Seule une grande maîtrise de l'outil autorise à l'utiliser<br />
dans <strong>des</strong> situations d'enseignement. L'apprendre aux enfants<br />
sourds ne saurait aujourd'hui être le fait <strong>des</strong> professionnels non<br />
sourds, sauf s'ils ont les capacités reconnues et certifiées pour le<br />
faire. Quant aux professionnels sourds, la connaissance parfaite de<br />
leur langue maternelle constitue une condition nécessaire mais non<br />
suffisante pour justifier leur intervention auprès <strong>des</strong> enfants.<br />
7") Dans les établissements qui ont opté pour le bilinguisme ou<br />
dans ceux qui, tout en conservant leur vocation ordiste, désirent que<br />
les enfants dont les parents en ont fait la demande puissent apprendre<br />
la LSF, la présence d'adultes sourds s'impose alors en toute<br />
logique. Ce personnel a pour fonction essentielle de transmettre la<br />
compétence linguistique qui est h sienne, non d'enseigner (h moins<br />
bien sOr de posséder les capacités et les titres requis). La formation<br />
et le statut de ces intervenants restent à définir.
Minist&re de ta Santé et de la S4mité socilale<br />
Direction de l'Action Sociale<br />
Le Secretaire d'Etat<br />
auprb du Wtre<br />
de la Santé et de la S&uritcS Sociale<br />
(Action Socide)<br />
Paris, le 8 juin 1977<br />
Messieurs les Directeurs <strong>des</strong> Instituts Nationaux de Jeunes Sourds<br />
Messieurs les Censeurs<br />
Messieurs les Professeurs, Educateurs, Chefs d'Ateliers,<br />
OBJET :- Utilisation de la langue <strong>des</strong> signes dans l'enseignement <strong>des</strong><br />
jeunes déficients auditifs.<br />
Depuis le 24 Novembre 1976, les deficients auditifs ont la possibilité<br />
de passer le C.A.E.J.D.A. dans les étabbements priv6s. LR 3<br />
Octobre 1977, commencera un enseignement intitulé « Approche<br />
dyune pédagogie de la langue <strong>des</strong> signes », au cours de la préparation<br />
par les élèves-professeurs du C.A.P.I.N.J.S.<br />
Après une centaine d'années d'ostractrme, la langue <strong>des</strong> sipes<br />
n'est plus stigmatisée comme une tare ou comme un handicap.<br />
La eonsBquence de cette 6volution ne doit pas &tre de transformer<br />
nos Instituts en écoles ségregatives dans lesquelles serait abandonne<br />
en partie l'enseignement de la parole, de la langue française et<br />
<strong>des</strong> matières scolaires qui permettent aux 6lèves de passer le C.A.P.,<br />
le B.E.P., le B.E.P.C., etc., ou de poursuivre leur scolarité dans le<br />
cadre de leur coéducation avec les entendants.
Le bagage linguistique <strong>des</strong> professeurs et <strong>des</strong> éducateurs actuels<br />
dans la langue <strong>des</strong> signes est d'une telle pauvreté que si le dialogue<br />
s'établissait essentiellement dans cette langue il se limiterait au maniement<br />
de quelques dizaines et au maximum, dans les meilleurs cas,<br />
de quelques centaines de signes. Ce nombre de signifiants est incompatible<br />
avec la création d'une pensée adulte.<br />
Notre but demeure exactement le même que dans le passé : l'insertion<br />
scolaire, professionnelle et sociale dans le monde <strong>des</strong> entendants<br />
avec lesquels nos élèves doivent apprendre ii communiquer.<br />
Le bon usage <strong>des</strong> signes implique d'avoir constamment présents<br />
à l'esprit ces risques et ces impératifs. II implique aussi de ne pas<br />
considérer l'utilisation de la langue <strong>des</strong> signes comme une solution<br />
de facilité conduisant le professeur ou l'éducateur B abaisser le niveau<br />
de ses exigences mais, au contraire, comme un moyen supplémentaire<br />
permettant de clarifier et d'accélérer la transmission <strong>des</strong><br />
connaissances et, par conséquent, d'augmenter le savoir <strong>des</strong> 6l.èves.<br />
Cette modsimtion <strong>des</strong> principes pédagogiques sera appliquée<br />
de telle sorte qu'elle s'harmonise avec les métho<strong>des</strong> modernes de<br />
dépistage, de diagnostic, d'appareillage et d'éducation précoces. Elie<br />
ne doit pas inciter les parents B choisir, de préfkrence à la scolarité<br />
dans un I.N.J.S. lorsqu'elle s'avérerait profitable, une intégration<br />
« sauvage >> en milieu entendant sans soutien spécialisé efficace.<br />
Pour le Secrétariat d'Etat<br />
auprès du Ministre de la Santd<br />
et de la Skuritd Sociale<br />
et par délégation<br />
Le Directeur de l'Action Sociale.<br />
A. RAMOFF
Bureau International d'Audiophonologe<br />
29, rue J.B. Vandereammen, 1160, Bruxelles, Belgique.<br />
I R E C O ~ A ~ OS/% O N B W<br />
CUSSmCAmUN DES DEHCLENCES AW1mS<br />
Une classZication n'a d'intéret que si elle autorise une action efficace<br />
pemettant la prévention, le diagnostic, le traitement et la réadaptation<br />
<strong>des</strong> déficiences auditives.<br />
Nous écarterons donc les classifîcations <strong>des</strong>criptives n'ayant<br />
qu'une valeur de catalogue.<br />
Elle doit permettre un tri sans ambipitd <strong>des</strong> cas que l'on peut<br />
rencontrer. Ce qui nécessite qu'elle emploie une méthodojogie de<br />
classement suffisamment précise et claire pour qu'un utilisateur non<br />
spécialement averti puisse s'en sentir et que deux testeurs dtfferents<br />
aboutissent à un classement identique <strong>des</strong> déficiences auditives<br />
examinées.<br />
Elle doit être simple tant par souci de clarté que pour éviter la<br />
mdtiplication <strong>des</strong> catégories.<br />
Elle doit cependant être suffisamment variée pour n'avoir pas à<br />
être complétée par <strong>des</strong> répartitions secondaires.<br />
Elle doit tenir compte de nos connaissances actuelles, mais également<br />
<strong>des</strong> nécessités méthodologiques qui apparaissent du fait de<br />
l'ulsuffisance <strong>des</strong> moyens dont nous disposons.<br />
Une classification doit donc être ouverte vers une recherche<br />
éventuelle.
Elle doit pouvoir être adaptée aux grands courants internationaux,<br />
en particulier pouvoir être confrontée aux classifications anglosaxonnes<br />
sans ambiguïté de définition <strong>des</strong> classes.<br />
Il est illusoire de vouloir adopter une classification unique. <strong>Les</strong><br />
échelles sont variables suivant l'orientation de la personne qui classe<br />
et les renseignements qui sont demandés. <strong>Les</strong> principales causes<br />
d'échec ou d'inutilités <strong>des</strong> classifications données ce jour sont de<br />
deux sortes : soit insuffisance catégorielle, l'auteur n'ayant envisagé<br />
qu'un aspect de la déficience auditive, soit multiplicité <strong>des</strong> sous-catégories<br />
rendant illusoire une répartition valable <strong>des</strong> sujets.<br />
Nous distinguerons donc deux gran<strong>des</strong> orientations que l'on peut<br />
définir comme étant :<br />
1) médicale ;<br />
2) pédagogique.<br />
Leur but est, pour les deux, la réadaptation de l'enfant, mais leur<br />
mode d'action et leur point d'impact est différent.<br />
1) Bases mtfdicales d'une classification<br />
Nous avons A marquer pour chaque acte un aspect particulier<br />
que nous pouvons réduire cinq propositions :<br />
1) préventive et de dépistage : classification étiologique ;<br />
2) thérapeutique : classification clinique,<br />
Elle permet la réadaptation suivante :<br />
3) le niveau auditif : classification audiométrique tonale et vocale ;<br />
4) la possibilité prothbtique : classification de perception verbale<br />
(audiométrie vocale) ;<br />
5) l'état médico-pédagogique : classEcation psychologique.<br />
2) Bases ptfdagogiques chez l'enfant<br />
Destiné donner un « état actuel >> <strong>des</strong> acquisitions.
Alors que les classifications prkédentes classent souvent <strong>des</strong><br />
facteurs constants non améliorables, nous avons ici à étudier l'acquis<br />
du sujet au moment de l'examen qui dépend bien sûr <strong>des</strong> propositions<br />
mais également de l'entourage, de la rééducation, de facteurs<br />
sociaux, etc. Cet état <strong>des</strong> acquisitions nous paraît être de deux<br />
ordres :<br />
- classification de parole et de langage, détermination d'un niveau<br />
linguistique ;<br />
- classification <strong>des</strong> acquisitions scolaires (vocabulaire, calcul ...)<br />
1,Génétiques<br />
- constitutionneBe<br />
- dégénérative (surdités familiales progressives..,)<br />
II. Prénatale<br />
- embryopathie (affect, maternelles, en particuLier rubeole ...)<br />
- foetopathie (incomp. sanguine, hemorragies)<br />
III. Néonatde<br />
- prématur6<br />
- anoxie<br />
- traumatisme obst. (dystocies, forceps ...)<br />
IV. Infantile<br />
infectieux (méningitique, virale, otitique.,.)<br />
toxique exogène (streptomycine.,.)<br />
traumatique (sonore, cr$nien ...)<br />
- métabolique (endocrinien, protéique, toxique? endoghe ...)<br />
V. Adulte<br />
En plus <strong>des</strong> précédents :<br />
- vasculaire<br />
allergique<br />
- de sénescence.
B. La méthodolo@e est médicale<br />
obsemation, antécédents ;<br />
- examens paraciiniques :<br />
électro-encéphalogaphie<br />
radiologie<br />
caryorne<br />
hématologie<br />
vestibulaire<br />
6iectro-nystapographie<br />
- oculaire.<br />
Classification clinique<br />
Nous distulguerons les surditb de transmission et les surdités de<br />
perception.<br />
1) WSMISION<br />
(seuil par voie osseuse meilfeur que par voie<br />
aérienne. (Nous appelons « transmission » la surdité que l%udiomCtrie<br />
tonale permet de distinguer de la surdittl de perception. L'extension<br />
du terme transkssion aux iiqui<strong>des</strong> de Poreille interne est ici<br />
écartée, rien ne permettant cliniquement de distinguer avec certitude<br />
eette fonne de réception <strong>des</strong> autres).<br />
aplasie<br />
- infections<br />
- aération defectueuse de l'oreille moyenne (tubaire, tumorale)<br />
- atteinte otospongieuse<br />
- dislocation traumatique<br />
2) ~ R C E ~ (seuil O N par voie osseuse identique au seuii par<br />
voie aérienne)<br />
a) réception Cperte tonale)<br />
- proprement dite (oreille interne)<br />
- riétro-cochiéaire, souvent associee il un trouble dktégation
) intégration (trouble verbal non lié à la perte tonale si elle existe)<br />
- trouble fonctionnel<br />
- trouble lésionnel<br />
La déficience auditive peut être la seule alteration pathologique.<br />
Mais occasionnellement, la surdité peut être associée à d'autres<br />
troubles qui sont :<br />
- soit habituellement liés à la surdité et provoqués par la même étiologie<br />
(syndromes à nomination) ;<br />
- soit assez souvent en corrélation sans que l'on puisse affirmer une<br />
cause commune ;<br />
- soit indépendants mais d'une connaissance nécessaire au diagnostic<br />
clinique et & l'orientation, surtout s'il s'agit d'un enfant (telles les<br />
débilités).<br />
a) dysplasies associées<br />
b) altérations fonctionnelles<br />
- sensorielles (troubles vestibulaires, amblyopie ...)<br />
- motrices (I.M.C., débilité motrice ...)<br />
c) troubles mentaux et du comportement<br />
- débilité dont le degré est défini par le quotient intellectuel :<br />
. légère : Q.I. compris entre 80 et 70<br />
. moyenne : Q.I. compris entre 70 et 50<br />
. profonde : Q.I. compris entre 50 et 30<br />
- arriération, imbécillité, idiotie<br />
- troubles caractériels, demences.<br />
B. M6thodologie<br />
Eile est rnCdicale et parackique : O.R.L., neuropsychiatrique,<br />
pédiatrique, ophtafmologique ...<br />
Audiologie vestibulaire et électro-nystapographie, électroencéphalogtaphie,<br />
radiologie, psychologie, diagnostic, psychologie,<br />
diagnostic médical de synthèse.
Chssmation audionnétrique<br />
Réference courbe audiornétrique tonale I.S.O.<br />
Le edcuf. se fait sur les frbquences conversationnelles classiques<br />
(adoptées par l'OMS) : 500 - 1 000 - 2 000 &.<br />
Toute fréquence non perçue est comptCe de 120 dB de perte.<br />
On ajoute les valeurs de dB et l'on divise la somme par trois.<br />
1, Auditions nomales et sub-nomaies<br />
Seuil inférieur h 20 dB - aucune difficulté de perception de la<br />
parole.<br />
II, D6flciences auditives légères<br />
Seuil compris entre 20 et 40 dB - les éfements de la parole courante<br />
ne sont pas tous identifib,<br />
In. Déficiences auditives moyennes<br />
Seuil compris entre 40 et 70 dB - le seuil vocal se situe dans ta<br />
zone d"uitensit6 de fa parole normale.<br />
W. Diificiences auditives sévères<br />
Seuil compris entre 70 et 90 dB - seule la parole de forte intensit6<br />
est perçue.<br />
Seuil supérieur ou égal à 90 dB - aucune parole perçue.<br />
Lorsque fa perte auditive est supérieure 90 dB, la nouveile<br />
moyenne dcufée en tenant compte de la fréquence 250 Hz fait apparattre<br />
trois degres de déficienms auditives profon<strong>des</strong> :<br />
lcr degré : perte hfbrieure ou égaie à 90 dB<br />
Sc degré : perte comprise entre 90 et 100 dB<br />
Se degr6 : perte supérieure B 100 dB.<br />
Pour tenir compte <strong>des</strong> problèmes particuEers posbs par la forme<br />
de la courbe, on momie le classement de la façon suivante :
a) Pour toutes les dtrficiences :<br />
Si l'&art entre 500 et 2 000& atteint ou dépasse 40 dB, le<br />
calcul est fair avec les valeurs <strong>des</strong> frbquenees 500, 1000, 2 000 et<br />
4 000 Hz, la somme est divisCe par quatre.<br />
b) Pour les déficiences auditives sévères et profon<strong>des</strong> :<br />
Si la fréquence 4 000 Wz a un seuil plus bas (valeur plus faible en<br />
dB, meilleure perception) que celui de la fréquence 2 000 Hz, on<br />
remplace dans le calcul la valeur du 2 000 Hz par celle du 4 000 Hz.<br />
ClassIfEcation auative verbale<br />
A. Langage acquis (niveau supérieur & « 5 ans »)<br />
La surdite est survenue après un acquis de langage ou bien la<br />
surdité est congénitde et le langage a été acquis spontanément ou<br />
par $ducation, Le niveau de parole doit $tre suffisant pour l'examen.<br />
- Cfassifi-ttion TP basse sur les normes de Test Phon4tique : pourcentage<br />
de phonèmes non idenrifiCs ;<br />
- Classification IN basée sur les mesures du test d>hte%&b%té au.<br />
mots dksyUabiques sim%iatifs : pourcentage de mots reconnus.<br />
RéfCrence du seuil ISO pour la perception tonale.<br />
Mesure chiffrée & 90 dB pour les pertes tonales moyennes<br />
jusqu 'A 50 dB ;<br />
- à 100 dB pour les pertes tonales moyennes jusqu'à 80 dB ;<br />
- à 110 dB pour les pertes tonales supérieures si ce niveau sonore<br />
n'est pas inconfortable.<br />
Classement en quatre catisgories :<br />
Tl'<br />
IN<br />
1 Moins de 5 % Plus de 95 % identüIcation normaie<br />
appareillage simpie<br />
2 Erreurs de 5 ti 20 % Intell. de 95 B 50 % qpareillage courant<br />
3 Erreurs de 20 40 % ïntell. de 50 à 20 % appareillage cifficile<br />
4 Au-delil de 40 96 Moins de 20 % appareillage spécial
B. Absence de langage ou langage d4fecîueux - (niveau infërieur A<br />
a 5 ans »)<br />
Classés dans la catégorie 4.<br />
Une déficience auditive de l'enfant classée dans la catégorie 4<br />
nécessite que l'audioprothésiste applique les techniques adaptées aux<br />
problèmes que posent la perturbation de parole et le retard de langage<br />
dans la surdité de l'enfant : régularité <strong>des</strong> contr6les, moyens de<br />
vérification de l'efficacité <strong>des</strong> prothèses adaptées aux possibilités expressives<br />
de l'enfant.<br />
Rappelons qu'aucun appareillage n'est appEqué sans pédagogie<br />
adaptée simultanée.<br />
Remarques<br />
Premi&re remarque<br />
Nous avons peu utiXis6 le terme de surdité et pas celui de cophose<br />
pour laisser transparaître que le problème tonal, s'il est important,<br />
n'est pas l'essentiel dans les déficiences auditives de l'enfant :<br />
c'est une catégorie de la classification.<br />
La rédaction ne contient pas le terme d'hypoacousie à l'élasticité<br />
trop grande : il s'adresse autant ceux qui ont une perte tonale légare<br />
(II) qu'à ceux que nous classons déficients auditifs sévères (IV).<br />
La rédaction ne contient pas le terme de demi-surdité q& lui aussi<br />
est ambigu, surtout que son emploi va de la déficience auditive profonde<br />
(V) à h déficience auditive légkre (II) suivant les centres de<br />
rééducation et l'intérêt technique du personnel pédagogique. En<br />
principe, il s'adresse am déficients auditifs moyens et sévères (III et<br />
IV).<br />
La rédaction ne contient pas le terme de mal-entendant qui<br />
confond dans la même temuiologie ce qui a trait à l'oreille et ce qui<br />
a trait au langage sans que l'on sache l'importance accordée à chacun<br />
de ces états. Il s'adresse en principe aux déficiences auditives
moyennes avec du langage (III 1 et iII 2) ainsi qu'aux déficiences auditives<br />
légbres dont l'acquisition de langage a été entravée (II 4).<br />
ka rédaction ne contient pas le terme dur d'oreille, traduction<br />
du terme anglo-saxon pour les mêmes raisons que cophose.<br />
Ces termes sont très certainement utiies dans l'application médicale<br />
(ou p6dagogique) d'un sourd, Mais nous pensons qu'une classification<br />
ne doit pas laisser place h une interprétation variable, ce<br />
qui ne veut pas dire que leur emploi doive être proscrit.<br />
Deuxieme remarque<br />
Iia apparaît utile de ne pas restreindre les classifications <strong>des</strong> déficiences<br />
auditives aux quatre catégories données dans ce rapport en<br />
ce qui concerne plus particulièrement l'enfant.<br />
Si le niveau mental lui-même intervient dans I'orientation et la<br />
décision du neuro-psychiatre (dans le cadre d'une réunion de synthèse),<br />
nous n'avons pas notre disposition cet élément important<br />
pour la réadaptation, la réponse il la question : «l'enfant peut-il<br />
structurer ce que nous faisons percevoir à ses sens ? »; autrement<br />
dit, quel est le degré de la structuration perceptive permettant l'apprentissage<br />
? Ce niveau n'est pas obligatoirement dépendant du niveau<br />
mental et de I'éducation. Il correspond à un état et non à un<br />
rendement ou à un développement.<br />
Il apparaît donc nécessaire de compléter les examens de l'enfant<br />
sourd par la détermination de ce niveau à l'aide de :<br />
- test de perception <strong>des</strong> formes et de leurs qualités physiques ;<br />
- test d'intégration visuelle non moteur ;<br />
- test d'intégration auditive (type test phonétique).<br />
En fait, les éléments de ces tests existent et demanderaient à<br />
être rassemblés et étalonnés, pour permettre de déterminer un quotient<br />
perceptif dans une cinquième catégorie.
Troisieme remarque<br />
Ce rapport ne comprend pas la classification pédagogique qui<br />
fera l'objet d'une deuxième recommandation.<br />
Heidelberg (RFA) 1968-04-28
- ANNEXE 4 -<br />
Bureau Internationd d'Audiophonologie<br />
29, rue J.B. Vandeicmmen, 1160, Bruxelles, Belgique<br />
RECOMMANDATION B W 15/1<br />
IWEGMmON OU COEDUCATION Pm-SCO-<br />
ET SCOMRE DES EWmTS AmENS DE DEmCIENCE<br />
AIJDm DANS LES ' CLASSES D 'EmNDmS<br />
L9init4gration ou wéducation pré-swlairc! et scolaire est le fait<br />
de permettre aux enfants atteints de déficience auditive qui en sont<br />
capables de recevoir une partie ou la totalité de leur enseiwement<br />
dans <strong>des</strong> classes d'entendants.<br />
Elle est considérée comme un moyen pour certains enfants atteints<br />
de dtsficience auditive d'accéder à une meilleure insertion sociale<br />
que par la fréquentation exclusive de Penseipement sp&ialisé.<br />
Cette definition hpzque que les enfants atteints de déficience<br />
auditive integrés ou coéduqués soient rkellement aptes h répondre<br />
aux exigences d'un enseignement qui ne leur est pas spécifiquement<br />
adaptts, un soutien audiophonologique et pédago@que approprik<br />
demeurant nécessaire.<br />
Elle est compl8te quand l'enfant atteint de déficience auditive<br />
reçoit la totalité de son enseignement dans <strong>des</strong> classes d'entendants.<br />
ELle est partielle quand l'enfant atteint de déficience auditive<br />
doit recevoir une partie de son enseignement dans un établissement<br />
spécialisé ou dans une classe spéciaEske.<br />
2. Peut être remplace5 par un autre terme selon les pays.
L'intégration ou coéducation pré-scolaire et scolaire est un processus<br />
complémentaire à l'enseignement spécialisé, mais il ne s'y<br />
substitue pas puisqu'il ne s'adresse qu'à certains enfants atteints de<br />
déficience auditive et non à leur ensemble.<br />
PARAME- A ENVISAGER LORS D'UNE EWNTUELLE INiE-<br />
GRATION OU COEDUCATION PRE-SCOLAIRE ET SCOLAIRE D'UN EN-<br />
FANT AïTEW DE DEFICIENCE AUDlTiVE DANS UNE CLASSE<br />
D'ENTEND~.<br />
A. Caractéristiques audito@ques de l'enfant avec et sans aide<br />
prothétique auditive, ce qui inclut :<br />
1") l'importance de la perte auditive ;<br />
2") le type de la déficience auditive ;<br />
3") l'&ge de l'enfant lors de l'installation de la déficience auditive ;<br />
4") le caracthre, évolutif ou non, de la déficience auditive ;<br />
5") l'efficacité de l'adaptation prothétique auditive.<br />
B. Moment de la prise en charge de l'enfant atteint de déficience<br />
auditive par une équipe audiophonologique spécialisée.<br />
« Suivi » de cette prise en charge.<br />
C. Profil médico-psycho-pédagogique de l'enfant atteint de déficience<br />
auditive établi par l'équipe (citée en B) qui a suivi l'enfant, ce<br />
qui inclut :<br />
1") ses facultés intellectuelles, le développement de ses possibilités<br />
d'abstraction, son équilibre psycho-affectif et son développement<br />
sensitivo-moteur ;<br />
2") l'absence ou la présence de troubles associés ;<br />
3") sa motivation personnelle à son education et h son intégration<br />
éventuelle ;
4") ses aptitu<strong>des</strong> particulières :<br />
- quant au langage oral (compréhension et expression) dans ses aspects<br />
articdatoires d'une part, dans ses aspects le~cologiques,<br />
grammaticaux et syntaxiques d'autre part ;<br />
- quant à la lecture labio-faciale, seule ou avec l'aide de compléments<br />
manuels ;<br />
- quant à l'utilisation de ses restes auditifs ;<br />
- quant au langage écrit (compréhension et expression) ;<br />
- quant à tout autre moyen d'expression et de rkeption du message<br />
linguistique.<br />
5") le niveau de ses acquisitions pédagogiques.<br />
D. Environnement de l'enfant atteint de déficience auditive :<br />
1") Environnement famiiial:<br />
- situation affective ;<br />
attitude vis-à-vis du handicap ;<br />
niveau d'information, motivation ?i l'intégration ;<br />
- participation à l'éducation : aptitude, disponibitité ;<br />
- niveau socio-économique.<br />
2") Environnement social (famille élargie, amis, voisins ...) :<br />
- niveau d'information ;<br />
- attitude vis-à-vis du handicapé.<br />
E. Conditions d'accueil en milieu scolaire et para-scolaire pour<br />
entendants :<br />
1") une formation pédagogique g6nérale reconnue <strong>des</strong> enseignants<br />
<strong>des</strong> classes d'accueil ;<br />
Y) une information spécifique préalable suivie d'une adhésion<br />
active de l'equipe d'accueil au projet proposé ;<br />
3") la présence d'une équipe éducative constituée pour chaque<br />
enfant par <strong>des</strong> représentants de l'équipe audiophonologique spéciali-
sée, par <strong>des</strong> reprbentants <strong>des</strong> structures d'accueil et par les parents<br />
de l'enfant concernés.<br />
Elle est dotée de nombreux moyens d'action :<br />
- elle réalise la collaboration permanente et assure notamment les<br />
liaisons nécessaires au moyen de rbunions, de visites dans les<br />
classes, de conseiis donnés, d'interventions exercées ;<br />
- elle organise <strong>des</strong> soutiens appropri6s et en assure la continuité ;<br />
- elle procede périodiquement il l'évaluation du degré d'efficacité du<br />
processus d'intégration mis en oeuvre ; elle peut, éventuellement,<br />
l'assouplir, le modifier et même proposer d'y mettre un terme et<br />
conseiller d'autres orientations en s'efforpnt de voir maintenue<br />
une guidance effective.<br />
Gesves, le 1" mai 1985.
Edité par le C.T.N.E.R.H.I.<br />
Tirage par la Division Reprographie<br />
D4pôt légal : Janvier 1990<br />
lSBN 2-87710-036-7<br />
ISSN 02234696<br />
CPPAP 60.1 19<br />
Le Directeur : Annie Triomphe