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les associations - Corenc

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H I S T O I R E<br />

La grippe... déjà en 1837!<br />

La grippe AH1N1 d’origine<br />

mexicaine, n’est pas la première<br />

à sévir dans le monde.<br />

D’autres l’ont précédée, notamment<br />

celle de 1837 que nous<br />

décrit, le 25 février 1837, Joseph<br />

Eustache Flandrin, percepteur à<br />

Voreppe. Jacques Flandrin de<br />

<strong>Corenc</strong>, nous a transmis la lettre<br />

de son ancêtre, que nous publions<br />

avec son autorisation.<br />

« Lundi 20 je suis allé à Grenoble. Je<br />

ne sais si c’est l’influence de l’atmosphère<br />

de Grenoble, où la grippe tenait<br />

alors au moins un habitant sur 5, ou<br />

bien l’effet du mauvais temps qui a<br />

régné toute la journée, toujours est-il<br />

qu’à mon retour je me suis trouvé<br />

grippé dans toutes <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> et pris<br />

cette fois par une grippe des mieux<br />

conditionnée ; en effet je crois que rien<br />

n’y a manqué : maux de tête continuels,<br />

toux fréquente et pénible, maux de dos<br />

horrib<strong>les</strong> (à me faire trouver mal), douleurs<br />

dans différentes parties du corps,<br />

fièvre très forte, et avec tout cela un<br />

affaissement général et de plus une<br />

insomnie complète, j’ai tout éprouvé ces<br />

quatre derniers jours. Aujourd’hui je<br />

me trouve beaucoup mieux, j’ai très<br />

bien dormi et quoique faible encore, je<br />

suis beaucoup moins affaissé qu’auparavant,<br />

la toux est moins fréquente et<br />

beaucoup moins pénible. Tout mon<br />

traitement s’est borné à faire diète<br />

absolue, me tenir le plus chaudement<br />

possible et à boire fréquemment des<br />

verres de sirop de guimauve ou de<br />

tisane de guimauve et bois de réglisse<br />

et quelques infusions de tilleul. Hier<br />

seulement j’ai essayé une application<br />

de boue chaude sur la poitrine et je<br />

m’en suis bien trouvé. »<br />

Cataplasmes et bouillon<br />

Hélas, cette médication n’a pas été suffisamment<br />

efficace car <strong>les</strong> symptômes<br />

grippaux ont récidivé, comme le<br />

confirme la lettre de Joseph Eustache<br />

à son frère aîné François Etienne à<br />

Pont de Beauvoisin :<br />

« Voreppe, 10 mars 1837<br />

Le jour où je t’écrivais ma dernière<br />

lettre, je me croyais réellement guéri,<br />

mais elle n’était pas encore je crois à la<br />

Poste que je fus repris de douleurs violentes<br />

dans la poitrine et tous <strong>les</strong> symptômes<br />

reprennent avec plus d’intensité<br />

qu’auparavant, alors Pierrette se<br />

décida à faire venir M. Rome*, ce que<br />

nous n’avions pas jugé nécessaire<br />

jusque-là et sa visite nous tranquillisa<br />

complètement, attendu qu’il ne reconnut<br />

dans toutes <strong>les</strong> souffrances diverses<br />

que j’éprouvais, que <strong>les</strong> symptômes de<br />

l’épidémie régnante. Aussi il se borna à<br />

me prescrire de continuer l’usage de<br />

boissons abondantes que j’avais<br />

employées jusque-là en y joignant seulement<br />

quelques infusions de violette<br />

avec du miel et d’une application d’un<br />

cataplasme de mie de pain pétrie dans<br />

de l’eau de mauve et de la graisse de<br />

chandelle, sur la partie postérieure du<br />

côté gauche au-dessus de la hanche où<br />

je ressentais un point très douloureux.<br />

Il m’a ensuite ordonné du bouillon de<br />

mouton et de veau que je prends encore<br />

tous <strong>les</strong> matins et qui m’a fait beaucoup<br />

de bien. »<br />

Troisième lettre trois semaines plus<br />

tard : on est rassuré, ça va mieux mais<br />

l’alerte a été chaude :<br />

« Voreppe, 14 mars 1837<br />

Je te félicite d’en avoir été quitte à<br />

aussi bon marché, car en voyant <strong>les</strong><br />

ravages que cette épidémie fait jusque<br />

dans <strong>les</strong> hameaux <strong>les</strong> plus reculés de<br />

vos montagnes, je pensais bien que<br />

vous ne deviez pas en être exempts, et je<br />

craignais d’apprendre que tu fusses<br />

aussi alité. On persiste à croire que la<br />

grippe n’a tué personne, cependant il<br />

est constant que depuis qu’elle règne, la<br />

mortalité est beaucoup plus grande; à<br />

Grenoble surtout elle a été telle que<br />

déjà on parlait de typhus et qu’il y<br />

régnait une inquiétude réelle ; aujourd’hui<br />

on est plus tranquille. »<br />

Il n’y a pas si longtemps <strong>les</strong> grippes, et<br />

<strong>les</strong> rhumes étaient soignés avec une<br />

forte dose d’indifférence, et de fatalité.<br />

On y ajoutait parfois <strong>les</strong> cataplasmes<br />

de farine de lin sinapisés (de moutarde),<br />

apposés très chauds sur la poitrine<br />

ou dans le dos qui provoquaient<br />

souvent des brûlures, et aussi en plaçant<br />

des ventouses, qui décoraient <strong>les</strong><br />

dos de ronds rougeâtres. Ces ventouses<br />

étaient simp<strong>les</strong> ou sophistiquées.<br />

Les simp<strong>les</strong>, ressemblaient à un<br />

pot de yaourt en verre. Le praticien,<br />

face à sa victime, enflammait un coton,<br />

le déposait avant de se brûler, au fond<br />

du verre et par un geste habile appliquait<br />

le verre, côté ouverture, directement<br />

sur la peau. La combustion provoquait<br />

un vide en consommant<br />

l’oxygène de l’air, et aspirait la peau en<br />

faisant une gonfle, un suçon, qui<br />

bleuissait. On disposait ainsi six à huit<br />

ventouses transformant le dos de la<br />

victime en une sorte de potager miniature,<br />

comme ces abris de verre qui protègent<br />

<strong>les</strong> semis. D’autres modè<strong>les</strong><br />

également en verre, faisaient appel à<br />

la technique pneumatique (ci-dessus) :<br />

une tétine pourvue d’une valve sur<br />

laquelle on vissait une pompe à main<br />

de bicyclette, se gonflait comme une<br />

petite chambre à air. On apposait l’ustensile<br />

sur la peau et il suffisait de<br />

dégonfler la vessie pour faire aspiration<br />

et obtenir le renflement souhaité.<br />

Ces techniques ont été remplacées par<br />

des vaccinations, plus efficaces mais<br />

tellement moins spectaculaires dont la<br />

plus récente, pratiquée en la salle<br />

Félix Germain, ne soigne pas mais protège.<br />

Ce vieil adage "mieux prévenir<br />

que guérir" ne reçoit-il pas là une nouvelle<br />

confirmation ?<br />

G. Chenal<br />

*le docteur Amable Rome, le modèle<br />

supposé du « Médecin de Campagne »<br />

de Balzac.<br />

20<br />

Les Nouvel<strong>les</strong> de <strong>Corenc</strong>/janvier 2010

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