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petit - IREM de Grenoble

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JOURNAL POUR LES ENSEIGNANTS DE MATHEMATIQUE ET DE SCIENCES PHYSIQUES<br />

DU PREMIER CYCLE DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE<br />

<strong>petit</strong> x<br />

1986 n° 12<br />

Comité <strong>de</strong> rédaction.<br />

Nicolas Balacheff<br />

Equipe <strong>de</strong> Recherche en Didactique<br />

<strong>de</strong>s Mathématiques<br />

Université 1 <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />

Antoine Bodin<br />

Collège d'Ornans<br />

I.R.E.M~ <strong>de</strong> Besançon<br />

Bernard Capponi<br />

Collège «Le Vergeron», Moirans<br />

I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />

Régis Gras<br />

Mathématiques et 1nformatique<br />

Université 1 <strong>de</strong> Rennes<br />

Rirette Guillermard<br />

Centre <strong>de</strong> formation P.E.G.C.<br />

Nice<br />

Samuel Johsua<br />

Equipe <strong>de</strong> Recherche en Didactique<br />

<strong>de</strong>s Mathématiques<br />

Université <strong>de</strong> Marseille<br />

Colette Labor<strong>de</strong><br />

Equipe <strong>de</strong> Recherche en Didactique<br />

<strong>de</strong>s Mathématiques<br />

Université 1 <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />

Marc Legrand<br />

Equipe <strong>de</strong> Recherche en Didactique<br />

<strong>de</strong>s Mathématiques<br />

Université 1 <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />

Alain Mercier<br />

Lycée Technique «Jean Perrim)<br />

I.R.E.M. <strong>de</strong> Marseille<br />

René Métrégiste<br />

Collège du Château <strong>de</strong> l'Hers<br />

I.R.E.M: <strong>de</strong> Toulouse<br />

Gilbert Primet<br />

Centre <strong>de</strong> formation P.E.G.C.<br />

<strong>Grenoble</strong><br />

André Tiberghien<br />

Laboratoire 1nteruniversitaire<br />

<strong>de</strong> Recherche sur l'Enseignement<br />

<strong>de</strong>s Sciences Physiques et <strong>de</strong> la Technologie<br />

Université <strong>de</strong> Paris VII<br />

Secrétariat <strong>de</strong> rédaction: Nicolas Balacheff<br />

I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />

B.P.41 - 38402 Saint Martin d'Hères Ce<strong>de</strong>x<br />

© 1986· I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong>· Tous droits réservés pour tous pays.<br />

ISSN 0759·9188. Directeur <strong>de</strong> publication le Directeur <strong>de</strong> l'I.R.E.M. : Bernard CORNU.<br />

Composition, A. Bicais, <strong>IREM</strong> <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong>.


'8fJNNEMENT<br />

TARIF D'ABONNEMENT<br />

1986 (3 numéros)<br />

France et Communauté Européenne<br />

Autres pays...•..••..••...•.•.<br />

105 F<br />

140 F<br />

Pour vous abonner, retournez le bon ci-<strong>de</strong>ssous et votre titre <strong>de</strong> paiement à :<br />

I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />

«<strong>petit</strong> x»<br />

B.P •. 41<br />

38402 Saint Martin d'Hères Ce<strong>de</strong>x<br />

<strong>petit</strong> x n° 12<br />

Nom ........................• "<br />

Prénom.......•...............•....<br />

Adresse .<br />

Je souscris un abonnement à «<strong>petit</strong> x» pour l'année 1986 (3 numéros). Ci-joint le<br />

règlement <strong>de</strong> F<br />

à l'ordre <strong>de</strong> Monsieur l'Agent comptable <strong>de</strong> l'U.S.T.M.G.


SOMMAIRE<br />

• Ruptures dans le statut mathématique <strong>de</strong>s nombres négatifs<br />

(G. Schubring) 05<br />

• Symétrie orthogonale : <strong>de</strong>s élèves français et japonais face à<br />

une même tache <strong>de</strong> construction (B. Denys - D. Grenier)<br />

33<br />

• Peut-on corriger <strong>de</strong>s <strong>de</strong>voirs par ordinateur ? (G. Lopata)<br />

57<br />

• Activité Magique (Ph. Clapponi) 71<br />

• On l'a pas démontré, on a pas l'droit d'le faire.............................<br />

76<br />

• Activité Tourne (Ph. Clapponi) 80


4<br />

UN JOURNAL POUR LE PREMIER CYCLE.<br />

Le journal «<strong>petit</strong> x» a été créé par l'I.R .E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong> pour favoriser la diffusion <strong>de</strong>s<br />

réflexions, <strong>de</strong>s comptes rendus <strong>de</strong> travaux et d'activités réalisés dans les classes. Ses princi­<br />

paux objectifs sont:<br />

- <strong>de</strong> constituer, en ouvrant largement les pages du journal à <strong>de</strong>s approches diverses, un<br />

lieu d'échanges et <strong>de</strong> débats sur les problèmes soulevés par l'apprentissage et l'enseignement<br />

<strong>de</strong>s sciences au premier cycle;<br />

- d'ajouter un moyen nouveau <strong>de</strong> formation continue à ceux déjà utilisés par VI.R.E.M. ou<br />

l'I.R.E.S.P. un complément aux stages <strong>de</strong> formation géographiquement et quantitativement<br />

limités et à la publication <strong>de</strong> brochures spécialisées;<br />

- enfin, alors que se développent largement les recherches sur l'enseignement, et en parti­<br />

culier les recherches en Didactique <strong>de</strong>s Mathématiques et en Didactique <strong>de</strong> la Physique,<br />

«<strong>petit</strong> x» souhaite constituer un lieu <strong>de</strong> rencontre pour les enseignants et les chercheurs.<br />

Les articles publiés dans «<strong>petit</strong> x» sont pour l'essentiel d'un <strong>de</strong>s types suivants:<br />

- Vécu dans les classes: il s'agit <strong>de</strong> la présentation et <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> séquences d'ensei­<br />

gnement effectivement réalisées dans une <strong>de</strong>s classes du premier cycle.<br />

- Outils et documents: proposition d'outils ou <strong>de</strong> documents d'enseignement.<br />

- Recherches et réflexions : comptes rendus <strong>de</strong> travaux portant sur <strong>de</strong>s problèmes d'enseignement<br />

ou d'apprentissage en mathématiques, physique, chimie, informatique.<br />

- Mathématiques, Physique: articles sur <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> mathématique ou <strong>de</strong> physique<br />

étroitement liées aux sujets abordés au niveau du premier cycle.<br />

POUR PROPOSER UN ARTICLE•••<br />

Pour proposer un article pour publication dans «<strong>petit</strong> x» nous vous <strong>de</strong>mandons <strong>de</strong> l'envoyer,<br />

si possible dactylographié, à :<br />

I.R.E.M. <strong>de</strong> GRENOBLE «<strong>petit</strong> x»<br />

B.P. 41 ·38402 Saint Martin d'Hères ce<strong>de</strong>x<br />

Indiquer si l'article a déjà été publié, ou est soumis pour publication dans une autre revue.<br />

Les articles soumis sont lus attentivement par quatre collègues membres du comité <strong>de</strong><br />

rédaction <strong>de</strong> «<strong>petit</strong> x» qui en font un compte rendu. Après discussion, le comité <strong>de</strong> rédaction<br />

prend une décision <strong>de</strong> publication avec éventuellement une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> modification.<br />

(Les manuscrits ne sont pas renvoyés),<br />

Copyright:<br />

Le «copyright» <strong>de</strong> la revue est détenu par \'1 REM <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong> qui accor<strong>de</strong>ra cependant aux auteurs, sur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et<br />

sans frais, l'autorisation <strong>de</strong> faire ré-imprimer leurs articles. Ils <strong>de</strong>vront mentionner «<strong>petit</strong> x» pour première publication,<br />

ainsi que le fait que c'est 1'1 REM <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong> qui détient le Copyright.


RUPTURES DANS LE STATUT MATHEMATIQUE<br />

DES NOMBRES NEGATIFS(1)<br />

GertSCHUBRII\JG<br />

1DM, Université <strong>de</strong> Bielefeld<br />

INTRODUCTION.<br />

Les nombres négatifs constituent un exemple instructif pour les processus<br />

<strong>de</strong> développement <strong>de</strong>s concepts mathématiques. A partir <strong>de</strong> notions empiriques, bien<br />

adaptées à la pratique <strong>de</strong> la vie quotidienne, se sont formés <strong>de</strong>s concepts théoriques<br />

où on ne remarque plus une connection avec les débuts historiques et qui constituent<br />

<strong>de</strong>s outils scientifiques importants. Mais ces concepts présentent <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s difficultés<br />

d'apprentissage. Comme on le sait, alors qu'il est possible <strong>de</strong> représenter les nombres<br />

naturels par <strong>de</strong>s objets ou <strong>de</strong>s modèles empiriques, les nombres négatifs n' «existent»<br />

pas, dans le même sens, dans la vie quotidienne. Ainsi la didactique ne peut ignorer<br />

le caractère théorique <strong>de</strong> cette notion mathématique dont presque toute la jeunesse<br />

scolaire doit maintenant faire l'apprentissage. Les nombres négatifs présentent donc<br />

un défi à la didactique. Comment envisager le passage <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs aux nombres<br />

dans le processus d'apprentissage scolaire?<br />

En parcourant quelques publications récentes sur l'apprentissage <strong>de</strong>s nombres<br />

négatifs, il m'a semblé que la didactique obscurcit plus ou moins systématiquement<br />

la présence d'un obstacle à vaincre. J'ai remarqué <strong>de</strong>ux tendances pour tourner la<br />

difficulté: - l'une nie le caractère théorique du concept <strong>de</strong> nombre négatif et réduit<br />

ce concept à <strong>de</strong>s notions empiriques, directement accessibles à l'expérience quotidienne<br />

- l'autre ne parle que <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs quand il s'agit <strong>de</strong> l'école élémentaire et<br />

suppose l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs à partir <strong>de</strong> l'école secondaire: ainsi, on i<strong>de</strong>n-­<br />

tifie le passage <strong>de</strong>s notions concrètes aux notions abstraites soit avec la ségrégation<br />

scolaire soit avec l'atteinte d'une certaine «maturité d'esprit» et en tous cas avec <strong>de</strong>s<br />

conditions vraiment externes au processus didactique.<br />

Parmi les publications récentes(2), un cas révélateur pour la liaison <strong>de</strong> ces<br />

<strong>de</strong>ux tendances est un article par G. Bélanger (1984) : l'auteur refuse que l'introduction<br />

<strong>de</strong>s nombres négatifs soit reportée aux classes du secondaire - comme on le<br />

«<strong>petit</strong> x» n° 12 pp. 5 à 32.1986


6<br />

recomman<strong>de</strong> dans le programme <strong>de</strong> son pays (le Canada), à cause du concept mathématique<br />

assez exigeant (<strong>de</strong>s classes d'équivalence), nécessaire pour justifier la nouvelle<br />

opération - et soutient leur enseignement dès l'école primaire, mais en s'appuyant<br />

sur un réductionnisme qu'il exprime bien dans l'énoncé <strong>de</strong> son objectif majeur:<br />

«Permettre aux élèves <strong>de</strong> prendre conscience <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong>s nombres entiers relatifs<br />

dans la vie et d'en comprendre l'utilité» (p. 7 ; ital. par moi, G.S.I.<br />

Que dit la recherche en didactique sur l'histoire <strong>de</strong>s nombres négatifs ?<br />

Glaeser (1981) a été le premier, à ma connaissance, à étudier la réfutation <strong>de</strong>s nombres<br />

négatifs comme un problème non <strong>de</strong> la «pré»-histoire mais comme un problème d'une<br />

actualité assez récente: et pour la mathématique et pour la didactique(3). Bien qu'il<br />

remarque <strong>de</strong>s ruptures qui sont apparues dans le développement historique, Glaeser<br />

s'étonne <strong>de</strong> constater que la règle <strong>de</strong>s signes (sur laquelle il centre son étu<strong>de</strong>) ait<br />

pu poser <strong>de</strong> telles difficultés aux mathématiques et aux didacticiens.<br />

J'abor<strong>de</strong>rai ce sujet sous un autre angle : celui <strong>de</strong> controverses historiques<br />

autour <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs. J'essaierai aussi <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce<br />

les enracinements culturels <strong>de</strong>s épistémologies sous-jacentes à chaque position, afin<br />

<strong>de</strong> mieux cerner la nature même <strong>de</strong>s ruptures qui sont en cause<br />

En effet, dans cette histoire, ce n'est pas tant la règle <strong>de</strong>s signes que l'existence<br />

même <strong>de</strong>s nombres négatifs qui pose un problème, que ce soit en mathématique<br />

ou en didactique(41. Par contre, la règle <strong>de</strong>s signes a toujours constitué un obstacle<br />

manifeste pour les élèves. S'il en est ainsi c'est sans doute parce que les enseignants<br />

ont longtemps essayé (et qu'ils essaient encore) <strong>de</strong> démontrer cette règle. Rappelons<br />

que ce n'est que vers la fin du 19ème siècle que la didactique a réalisé, à partir du<br />

«principe <strong>de</strong> permanence» <strong>de</strong> H. Hankel(51, qu'on ne peut pas prouver cette règle<br />

et qu'elle n'est rien d'autre qu'une convention.<br />

Il importe d'illustrer brièvement la pertinence <strong>de</strong> l'histoire <strong>de</strong>s nombres négatifs<br />

en France en rappelant quelques faits <strong>de</strong> cette histoire. D'abord, le nom même <strong>de</strong><br />

nombres relatifs, qui est employé pour l'ensemble <strong>de</strong>s nombres positifs et négatifs,<br />

renvoie à L. Carnot et à sa réfutation du statut mathématique <strong>de</strong>s nombres négatifs.<br />

Position à laquelle s'est rallié, presque unanimement, l'ensemble du public français.<br />

Par ailleurs, F.C. Busset (1843)(6>, se plaignant <strong>de</strong> l'échec <strong>de</strong> l'enseignement mathématique<br />

en France et <strong>de</strong> la marginalisation <strong>de</strong>s mathématiques dans la culture, en<br />

trouve toutes les causes réunies en une seule : l'admission <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong>s quantités<br />

négatives. 1/ est même choqué <strong>de</strong> ce que l'on discute <strong>de</strong> savoir «s'il existe <strong>de</strong>s<br />

quantités plus <strong>petit</strong>es que rien l>P>. Ainsi, dans le but d'améliorer l'enseignement<br />

<strong>de</strong>s mathématiques et les manuels, Busset préconise <strong>de</strong> réviser la «théorie <strong>de</strong>s nombres»<br />

et plus précisément tout ce qui touche à l'opération <strong>de</strong> soustraction. On trouve, dans<br />

le livre <strong>de</strong> Busset, l'énoncé d'un critère <strong>de</strong> qualité pour la rédaction <strong>de</strong>s manuels:


7<br />

«Les traités <strong>de</strong> la science... (ne doivent pas être) en désaccord avec les notions communes»<br />

(Busset 1843, p. 47). En somme, au lieu d'élever la culture générale, réduire<br />

les concepts théoriques aux notions <strong>de</strong> la vie pratique. Voilà une expression sans<br />

équivoque du réductionnisme dont il a été question plus haut.<br />

Mon hypothèse principale est que les controverses autour <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong>s<br />

nombres négatifs s'expliquent surtout par l'obstacle qu'il y a à passer <strong>de</strong> la notion<br />

<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur, qui est <strong>de</strong> nature substantielle (voir plus loin), à celle <strong>de</strong> nombre, qui<br />

est essentiellement théorique(8). J'utilise ici la relation gran<strong>de</strong>ur-nombre pour révéler<br />

les raisons épistémologiques <strong>de</strong> la réfutation <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs.<br />

J'ai analysé le développement <strong>de</strong>s conceptions sur les nombres négatifs après<br />

le 17ème siècle, l'époque d'acceptation <strong>de</strong> ces nombres dans les mathématiques (selon<br />

les assertions <strong>de</strong> l'historiographie). J'ai mené l'analyse comme comparaison <strong>de</strong> l'Angleterre,<br />

la France et l'Allemagne (les trois pays européens avec les plus gran<strong>de</strong>s communautés<br />

mathématiques), en utilisant un très grand nombre <strong>de</strong> documents: <strong>de</strong>s monographies<br />

<strong>de</strong> recherche mathématique, <strong>de</strong>s traités sur la philosophie <strong>de</strong>s mathématiques,<br />

<strong>de</strong>s traités historiques, <strong>de</strong>s sources archivales, <strong>de</strong>s réflexions didactiques, mais surtout<br />

<strong>de</strong>s manuels. En ce qui concerne les manuels, j'étais soucieux <strong>de</strong> ne pas me restreindre<br />

aux parties traitant explicitement les nombres négatifs mais <strong>de</strong> considérer aussi les<br />

parties renfermant leurs «applications», en analysant les manuels d'arithmétique,<br />

d'algèbre, <strong>de</strong> géométrie analytique, <strong>de</strong> trigonométrie etc., dont je ne peux citer ici<br />

que quelques ouvrages paradigmatiques. Je ne peux expliquer ici le problème assez<br />

complexe d'analyser un si grand nombre <strong>de</strong>s manuels et je renvoie aux publications<br />

(Schubring 1986b, 1987). J'indique seulement que j'ai choisi pour la France comme<br />

<strong>de</strong>s données <strong>de</strong> base les manuels d'arithmétique et d'algèbre adoptés pour les écoles<br />

secondaires entre 1795 et 1845. Dans le cadre <strong>de</strong> cet article je ne peux présenter<br />

le cas anglais (voir pour une présentation d'introduction la thèse <strong>de</strong> Pycior 1976,<br />

pp. 42-85) et je me restreins à présenter la discussion en France et en Allemagne sur<br />

la nature <strong>de</strong>s nombres négatifs, à partir du milieu du 18ème siècle jusqu'au milieu du<br />

19ème siècle, et les diverses causes <strong>de</strong> la réfutation <strong>de</strong> ces nombres. Je commence par<br />

un bref rappel <strong>de</strong> l'histoire, mathématique, <strong>de</strong> ces nombres.<br />

UNE COURTE HISTOIRE DES NOMBRES NEGATIFS, DE LEURS ORIGINES<br />

AU 18ème SIECLE(9).<br />

On trouve dans l'Antiquité et dans le Moyen Age oriental <strong>de</strong>s approches différentes<br />

et une même résistance face aux nombres négatifs.<br />

Chez les Grecs, Diophante parle <strong>de</strong> quantités soustraites et il explique la règle<br />

<strong>de</strong>s signes. Mais en même temps il n'admet pas les équations telles que 4 = 4x + 20<br />

parce que leur solution est «absur<strong>de</strong>».


8<br />

telle que<br />

En 1n<strong>de</strong>, Bhaskara Il, au 12ème siècle, dit d'une équation du second <strong>de</strong>gré<br />

(2i. - 3)2 + 1 = x x = 50 x = 5<br />

5 ' 1 ' 2<br />

qu'elle n'est «pas consistante» parce que les gens n'acceptent pas <strong>de</strong> considérer les<br />

nombres négatifs absolus comme -3. Les nombres positifs sont appelés «propriétés»<br />

ou «biens» alors que les nombres négatifs sont nommés «<strong>de</strong>ttes» ; une valeur négative<br />

pour une partie d'une droite est associée à sa direction opposée.<br />

Les mathématiciens chinois utilisaient les quantités négatives comme moyens<br />

intermédiaires dans leur calcul pour résoudre <strong>de</strong>s problèmes, mais ces quantités<br />

n'étaient pas admises comme <strong>de</strong>s solutions.<br />

Chez les Arabes, non plus, on n'admet pas les quantités négatives; ou plutôt,<br />

les mathématiciens choisissent, dans l'algèbre indéterminée, les constantes qui garantissent<br />

l'obtention exclusive <strong>de</strong> solutions positives.<br />

Dans l'Europe du Moyen Age, les nombres négatifs pouvaient apparaître<br />

dans <strong>de</strong>s systèmes d'équations linéaires. Ainsi dans son Liber Abaci Léonard <strong>de</strong> Pise<br />

considère l'éventualité d'une solution négative mais il la rejette comme non valable. Par<br />

contre, il utilise <strong>de</strong>s valeurs intermédiaires négatives qu'il interprète comme <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ttes.<br />

En somme, il n'admet que les problèmes dans lesquels il est possible d'interpréter les<br />

valeurs négatives comme quelque chose <strong>de</strong> positif.<br />

Un manuscrit en provençal, datant d'environ 1430 et récemment découvert,<br />

est le premier texte connu dans lequel un résultat négatif est admis sans réserves:<br />

il s'agit <strong>de</strong> la résolution d'un problème parmi un système <strong>de</strong> cinq équations linéaires;<br />

pour l'une <strong>de</strong>s variables, le texte propose comme solution _10 3 / 4 (voir Sesiano 1984).<br />

De son côté, Nicolas Chuquet (également français) admet <strong>de</strong>s solutions négatives<br />

à <strong>de</strong>s problèmes abstraits (c'est-à-dire comprenant <strong>de</strong> purs nombres et pas <strong>de</strong><br />

gran<strong>de</strong>urs) où une valeur est considérée comme solution dans la mesure où elle satisfait<br />

l'équation. Plus encore, il élabore même <strong>de</strong>s procédures pour additionner et pour<br />

soustraire <strong>de</strong> tels nombres(10).<br />

Je passe au 18ème siècle pour donner quelques indications sur l'état le plus<br />

avancé <strong>de</strong> la science <strong>de</strong> l'époque, comme point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong>s analyses que je développerai<br />

ensuite. Le célèbre manuel d'Euler, composé en 1766, nous fournit un modèle<br />

<strong>de</strong> l'admission pour les nombres négatifs d'un statut d'êtres mathématiques véritables.<br />

Ici, la soustraction n'est pas restreinte au seul cas où le nombre à soustraire est plus<br />

<strong>petit</strong> que celui dont il est soustrait; Eu 1er affirme sans réserve que 25 - 40 = -15 et


9<br />

que les nombres négatifs sont plus <strong>petit</strong>s que zéro (


10<br />

«Les quantités algébriques sont ou positives ou négatives. On appelle quantité positive celle<br />

qui est au·<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> zéro, et qui est précédée, ou que l'on suppose d'être précédée du signe +,...<br />

Ouantités négatives sont celles qui sont regardées comme moindres que rien, et qui sont précédées du<br />

signe -» (ibid. vol. 13, p. 655).<br />

On peut supposer que l'auteur <strong>de</strong> cet article, l'abbé <strong>de</strong> la Chapelle, qui était<br />

professeur <strong>de</strong> philosophie, a enseigné les mathématiques selon cette conception dans<br />

ses classes <strong>de</strong> philosophie <strong>de</strong>s collèges. En fait, il y a au moins un manuel <strong>de</strong> mathématiques,<br />

qui a été utilisé dans les classes <strong>de</strong> philosophie (où ont lieu les seuls cours <strong>de</strong><br />

mathématiques alors offerts dans les universités françaises) dans lequel on admet les<br />

quantités négatives :<br />

«Les quantités précédées du signe + sont appelées positives; celles qui sont précédées du<br />

signe - sont dites négatives : elles ne sont pas moins réelles que les positives; mais elles sont prises<br />

dans un sens opposé» (Sauri 1772, p. 39).<br />

On remarquera le défaut dans cette définition : peut-être pour éviter l'allusion<br />

au «rien», il manque toute référence aux valeurs absolues. La définition ne portant<br />

que sur le signe, elle ne permet pas <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la valeur, positive ou négative, d'une<br />

quantité.<br />

On a oublié qu'un essai d'éclaircissement <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong>s nombres négatifs,<br />

et <strong>de</strong> réfutation <strong>de</strong> la critique <strong>de</strong> d'Alembert, a été entrepris en France à cette époque;<br />

mais en fait, c'est dans le célèbre ouvrage <strong>de</strong> Condillac «La Langue <strong>de</strong>s Calculs», que<br />

l'on trouve un effort pour établir une théorie <strong>de</strong>s nombres négatifs.<br />

Condillac (pour qui l'algèbre constitue le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s mathématiques)<br />

développe, dans «La Langue <strong>de</strong>s Calculs», une théorie <strong>de</strong>s abstractions successives, à<br />

partir <strong>de</strong>s notions empiriques, et une hiérarchie <strong>de</strong>s étapes d'abstraction et <strong>de</strong> théorisation.<br />

En outre, il explique les liens entre les différentes étapes avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa<br />

conception d'analogie (donc la première formulation du «principe <strong>de</strong> permanence»<br />

(Hankel)). Ce qui constitue le progrès réalisé par Condillac est qu'il découvre le passage<br />

<strong>de</strong>s quantités/gran<strong>de</strong>urs aux nombres comme le point décisif. On trouve donc chez<br />

Condillac, pour la première fois, une théorie génétique <strong>de</strong> la naissance du concept<br />

du nombre. Bien entendu, Condillac n'a pas entrepris d'étu<strong>de</strong>s, soit historiques, soit<br />

expérimentales, sur la génèse du concept du nombre. Il ne s'agit que d'une reconstruction<br />

«rationnelle». Voyons <strong>de</strong> plus près comment il conçoit les nombres négatifs<br />

dans sa vision «opérationnaliste». Selon Condillac il y a eu quatre étapes dans le<br />

processus <strong>de</strong> formation du concept du nombre :<br />

1. Le premier calcul effectué est le calcul avec les doigts. On énumère avec<br />

les doigts pour se représenter une suite d'unités (gran<strong>de</strong>urs). De ce premier calcul<br />

empirique avec gran<strong>de</strong>urs sont issues les quatre opérations <strong>de</strong> base. Par exemple,


11<br />

l'opération qui «défait ce que l'addition a fait, est ce qu'on nomme soustraction»<br />

(Condillac 1981, p. 14). La notion est ainsi restreinte par ce premier type <strong>de</strong> calcul.<br />

2. La <strong>de</strong>uxième étape est caractérisée par le passage aux noms. L'emploi <strong>de</strong>s<br />

noms ouvre <strong>de</strong> nouveaux domaines au calcul mais, par-<strong>de</strong>ssus tout, le passage <strong>de</strong>s<br />

doigts aux noms est une condition nécessaire à l'apparition <strong>de</strong> l'algèbre; parce que ce<br />

passage conduit à un autre passage :celui <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs aux nombres abstraits: Condillac<br />

insiste très explicitement sur ce passage qui comporte un changement <strong>de</strong> statut du<br />

concept en même temps qu'une réduction <strong>de</strong> la dépendance <strong>de</strong>s concepts aux substances<br />

du mon<strong>de</strong> réel :<br />

«Ces idées que nous nous sommes faites avec les doigts, l'analogie nous les fait donc appliquer<br />

à <strong>de</strong>s cailloux, à <strong>de</strong>s arbres, à <strong>de</strong>s hommes; et parce que nous pouvons les appliquer à tous les<br />

objets <strong>de</strong> l'univers, nous disons qu'elles sont générales, c'est-à-dire, applicables à tout. Mais, lorsque<br />

nous nous bornons à les considérer applicables à tout, nous ne les appliquons à aucune chose en<br />

particulier, nous les considérons en elles-mêmes, et nous les séparons <strong>de</strong> tous les objets auxquels on<br />

peut les appliquer» (ibid., p. 48-49 ; ital. par moi, G.S.).<br />

3. La troisième étape comprend l'invention <strong>de</strong> signes. Calculer avec <strong>de</strong>s grands<br />

noms nécessite <strong>de</strong>s signes simples. Ceci est réalisé par l'invention <strong>de</strong> caractères pour<br />

la numération, c'est-à-dire, par l'invention <strong>de</strong>s chiffres (qui est à l'origine <strong>de</strong> l'arithmétique).<br />

Condillac distingue nettement entre les opérations sur <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs (idées)<br />

et les opérations sur <strong>de</strong>s nombres (signes), (voir ibid. p. 223).<br />

4. Dans la <strong>de</strong>rnière étape, se trouve la caractéristique <strong>de</strong> ce que sera l'algèbre:<br />

les opérations sur les quantités littérales. C'est ce passage <strong>de</strong>s chiffres aux lettres qui<br />

rend possible l'émergence du concept <strong>de</strong> nombre abstrait. Condillac insiste sur le fait<br />

que les opérations impliquant ce concept théorique exigent une redéfinition <strong>de</strong>s<br />

opérations ou, dans la terminologie qui lui est propre, suppose une révision <strong>de</strong> la<br />

grammaire nécessaire : «Ce dialecte (l'algèbre) a <strong>de</strong>s règles qu'il faut connoÎtre, et<br />

c'est une nouvelle grammaire à apprendre» (ibid., p. 275).<br />

C'est justement dans le contexte <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière étape que Condillac analyse<br />

les nombres négatifs, comme une extension à la notion, plus primitive, <strong>de</strong> soustraction<br />

qu'il redéfinit, à son tour, comme extension à l'addition:<br />

«Une lettre précédée du signe +, indique une quantité ajoutée, une addition, et je l'appelle<br />

une quantité en plus: lorsqu'elle est précédée du signe -, je l'appelle quantité en moins, puisqu'elle est<br />

une quantité soustraite, une soustraction ... Il importe peu que la quantité soit en plus ou en moins:<br />

car, en moins comme en plus, elle est une quantité» (ibid., p. 277-278).<br />

Ici Condillac ne cherche pas à réduire les termes théoriques à <strong>de</strong>s termes<br />

empiriques. Il insiste sur la nouveauté <strong>de</strong> ces opérations. Ainsi tente-t-il <strong>de</strong> rédéfinir<br />

toutes les opérations en vue <strong>de</strong> l'algèbre. C'est-à-dire d'élaborer une grammaire consis­


12<br />

tante qui convienne au «dialecte <strong>de</strong> l'algèbre» sans pour autant réduire ce «dialecte» à<br />

celui <strong>de</strong> l'arithmétique:<br />

«Donc, à parler proprement, il n'y a point <strong>de</strong> quantités en moins dans les langues vulgaires,<br />

ni en arithmétique. Mais en algèbre, où les signes sont indéterminés, on ne saurait prononcer la<br />

différence: on ne peut que l'indiquer, et a - b ou b - a est l'unique réponse à celui qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> celle<br />

qui est entre a et b.<br />

Tout cela est conséquent et il n'y a <strong>de</strong> contradiction que dans les mots somme et reste, qui<br />

ne sont pas <strong>de</strong> l'algèbre: mais ce qui est une addition en algèbre est nommé soustraction en arith·<br />

métique ;... Lorsqu'on allie ces <strong>de</strong>ux dialectes il n'est donc pas possible <strong>de</strong> ne pas tomber dans <strong>de</strong>s<br />

expressions contradictoires», (ibid., p. 295-296).<br />

Condillac récuse aussi la critique que d'Alembert adresse à la théorie <strong>de</strong>s<br />

quantités négatives, et il annonce l'exposé <strong>de</strong> sa propre conception opérationnelle <strong>de</strong>s<br />

nombres négatifs dans son ouvrage: «l'Jous achèverons d'éclaircir cette théorie, lorsque<br />

nous traiterons les équations du second <strong>de</strong>gré» (ibid., p. 300)(12). Or, c'est justement<br />

pour le traitement <strong>de</strong>s équations du second <strong>de</strong>gré que les nombres négatifs apparaissent,<br />

inévitablement. Malheureusement, Condillac n'a pas achevé cet ouvrage et nous<br />

ne disposons d'aucune trace <strong>de</strong> la suite <strong>de</strong> ces réflexions sur les opérations et sur<br />

les nombres négatifs.<br />

«La Langue <strong>de</strong>s Calculs» (ouvrage posthume paru en 1798) a été vivement<br />

discuté en France, tout particulièrement par les ldéologues*. Ces philosophes, bien<br />

que la plupart d'entre eux aient été disciples <strong>de</strong> Condillac, n'ont guère apprécié ce<br />

traité. Ils attribuaient à Condillac (à tort à mon avis) l'idée que l'algèbre constitue<br />

«la langue» (donc le modèle et la finalité) <strong>de</strong> toutes les sciences et ils récusèrent, avec<br />

beaucoup d'emphase, un rôle méthodologique aussi général <strong>de</strong> l'algèbre. Personne n'a<br />

poursuivi la conception d'une évolution génétique <strong>de</strong>s concepts scientifiques et <strong>de</strong>s<br />

différents sta<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'abstraction, les Idéologues placent tous les concepts (


13<br />

On ne trouve plus, chez Biran, l'idée <strong>de</strong> différentes étapes dans l'abstraction,<br />

ni celle d'une différence entre gran<strong>de</strong>urs et nombres. Les nombres sont interprétés<br />

comme <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs géométriques, «susceptibles d'être construits ou traduits en<br />

lignes» (ibid.).<br />

Dans les années du tournant du siècle, on assiste à un changement dans les<br />

conceptions <strong>de</strong>s mathématiques chez les philosophes français, surtout en ce qui a trait<br />

à leur «architecture» (cf. p. 24). L'algèbre est mise à distance et c'est la géométrie<br />

qui est choisie comme fondamentale, <strong>de</strong>vant conférer leur signification immédiate<br />

aux signes mathématiques, les mathématiques étant interprétées dans les termes <strong>de</strong><br />

l'expérience sensible. Ce changement est bien visible dans l'œuvre <strong>de</strong> Destutt <strong>de</strong> Tracy,<br />

un <strong>de</strong>s plus importants représentants <strong>de</strong>s Idéologues : dans la version préliminaire<br />

<strong>de</strong> ses célèbres «Elemens d'Idéologie» (<strong>de</strong> l'an IV, resp. VI, 1796/98), il conçoit les<br />

mathématiques pures comme étant <strong>de</strong>s conséquences <strong>de</strong> «<strong>de</strong>ux idées abstraites...<br />

l'idée d'unité; et ... l'idée <strong>de</strong>s figures» (Destutt <strong>de</strong> Tracy 1798, p. 389-390). Cette<br />

conception selon laquelle sont juxtaposées l'algèbre et la géométrie, est supplantée<br />

dans la version ultérieure <strong>de</strong> l'ouvrage par une autre conception qui assure la dominance<br />

<strong>de</strong> la géométrie. Elle est soulignée expressément dans une note à la <strong>de</strong>uxième<br />

édition du premier volume:<br />

«Une quantité quelconque est donc calculable à proportion qu'elle soit réductible directement<br />

ou indirectement en mesures <strong>de</strong> J'étendue; car c'est là la propriété <strong>de</strong>s êtres, la plus éminemment<br />

mesurable» (Destutt <strong>de</strong> Tracy 1804, p. 216).<br />

Ce changement <strong>de</strong> conception épistémologique (qui n'a pas encore été étudié)<br />

a été transmis <strong>de</strong> la philosophie aux mathématiques et y a effectué <strong>de</strong>s changements<br />

<strong>de</strong> «mentalités» et <strong>de</strong> pratique (mathématique et didactique). Le premier à transmettre<br />

ces nouvelles visions épistémologiques aux mathématiques a été Lazare Carnot,<br />

d'abord en 1801 (13), puis sous une forme plus développée en 1803. Carnot fait ainsi<br />

un double choix: il est convaincu <strong>de</strong> la prédominance <strong>de</strong> la géométrie sur l'algèbre,<br />

et il n'admet le statut d'êtres mathématiques que pour les nombres absolus, c'est-à-dire<br />

seulement ceux <strong>de</strong>s nombres qui peuvent être reliés à <strong>de</strong>s substances. Ainsi, Carnot<br />

ne retient la soustraction que pour l'arithmétique et ne la considère jamais comme<br />

opération algébrique. Il tente <strong>de</strong> remplacer l'algèbre par la géométrie, ou plutôt par un<br />

nouveau type <strong>de</strong> géométrie ; la géométrie <strong>de</strong>s corrélations. Il restreint les opérations<br />

algébriques aux cas «exécutables» ; par exemple, l'équation (a - b) . c = ac - bc est<br />

restreinte au cas où a> b. Il contourne une partie <strong>de</strong> ces restrictions en transposant<br />

l'algèbre en un calcul effectué à partir<strong>de</strong> lignes orientées:<br />

«De·là je conclus,... que toute quantité négative isolée est un être <strong>de</strong> raison, et que celles<br />

qu'on rencontre dans le calcul, ne sont que <strong>de</strong>s simples formes algébriques, incapables <strong>de</strong> représenter<br />

aucune quantité réelle et effective. (p. xviij) ...


14<br />

La géométrie <strong>de</strong> position est donc, à proprement parler, la doctrine <strong>de</strong>s quantités positives et<br />

négatives, ou plutôt le moyen d'y suppléer, car cette doctrine y est entièrement rejetée. (p. 22)...<br />

Je dirais que la géométrie <strong>de</strong> position est celle où la notion <strong>de</strong>s quantités positives et négatives<br />

isolées, est supplée par celle <strong>de</strong>s quantités directes et inverses». (p. xxxiv) (Carnot 1803).<br />

Il remplace la notion <strong>de</strong> nombre négatif par celle <strong>de</strong> corrélation <strong>de</strong>s lignes<br />

directes et inverses. Cette substitution a effectué l'acceptation du refus <strong>de</strong>s nombres<br />

négatifs et d'une algèbre puissante dans la communauté mathématique et dans le<br />

public, à un point tel que tout un chacun a repris les arguments <strong>de</strong> Carnot sans plus<br />

s'en référer à lui. Napoléon lui-même a contribué à répandre l'idée d'opérations restreintes<br />

aux cas «exécutables» (voir Schubring 1986a).<br />

En France, rares ont été ceux qui ont contesté la vision <strong>de</strong> Carnot sur les<br />

quantités négatives. Gergonne a été du côté <strong>de</strong>s contestataires, mais son article <strong>de</strong><br />

1814, dans lequel il favorise nettement la doctrine <strong>de</strong>s quantités opposées alors en<br />

vigueur en Allemagne (et dont il sera question plus loin), affiche plutôt une position<br />

timi<strong>de</strong> et défensive. Gergonne est conscient <strong>de</strong> ce qu'il ya eu une rupture et il parle<br />

<strong>de</strong> l' «ancienne théorie» à laquelle a été «substituée <strong>de</strong>puis quelques années» «la nouvelle»,<br />

soutenue le mieux par Carnot (Gergonne 1814, pp. 19-20).<br />

Cette rupture apparaît aussi à travers les différentes éditions <strong>de</strong>s «Elémens<br />

d'algèbre» <strong>de</strong> S.F. Lacroix, un manuel longtemps prédominant parmi ceux adoptés<br />

pour les écoles secondaires. Les six premières éditions (1797-1807) empruntent largement<br />

au manuel <strong>de</strong> Bezout et correspon<strong>de</strong>nt à la conception ambiguë que l'on<br />

trouve dans l'Encyclopédie:<br />

- Lacroix distingue signe <strong>de</strong> l'opération et signe <strong>de</strong> la quantité (Lacroix 1800,<br />

p.31),<br />

- il affirme l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs : les quantités «négatives ont<br />

donc une existence aussi réelle que les (quantités) positives» (ibid., p. 32),<br />

- les solutions négatives doivent être interprétées comme solutions positives:<br />

«toute solution négative... marque que la quantité cherchée doit être prise dans un<br />

sens tout opposé à celui dans lequel elle l'a été d'abord» (ibid., p. 33),<br />

- les opérations algébriques ont <strong>de</strong>s caractéristiques que n'ont pas les opérations<br />

arithmétiques: «l'extension que les signes généraux employés dans (l'algèbre),<br />

donnent aux résultats, ne permet plus leur comparaison exacte avec ceux (<strong>de</strong> l'arithmétique)...<br />

la soustraction <strong>de</strong> b - a, indiquée algébriquement, n'emporte pas nécessairement<br />

l'idée que b surpasse a» (ibid., p. 41-42).<br />

Par contre, à partir <strong>de</strong> la septième édition (1808) (presque entièrement révisée)<br />

on ne trouve plus d'énoncés sur l'existence <strong>de</strong>s quantités négatives ou <strong>de</strong> réflexions


15<br />

sur les opérations. Ces énoncés sont remplacés par un fréquent recours au mot «absurdité»<br />

pour qualifier les solutions négatives. Aussi, ce n'est plus que dans le contexte<br />

<strong>de</strong>s systèmes linéaires d'équations que Lacroix entreprend <strong>de</strong> traiter <strong>de</strong> quantités<br />

négatives et d'établir la règle <strong>de</strong>s signes. Il constate que «la théorie <strong>de</strong>s quantités<br />

négatives est à la fois l'une <strong>de</strong>s plus importantes et <strong>de</strong>s plus épineuses <strong>de</strong> l'algèbre»<br />

(Lacroix 1808, p. 91-92). Il dénonce toute solution sous la forme d'une quantité<br />

négative isolée comme «absurdité», pour <strong>de</strong>ux raisons:<br />

La première raison apparaît au cours d'un problème où il s'agit <strong>de</strong> résoudre<br />

un système linéaire <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux équations: Lacroix constate que pour l'une <strong>de</strong>s équations,<br />

60 + 7y = 46:<br />

«La seule inspection <strong>de</strong> cette équation y fait reconnaître une absurdité. En effet, il n'est pas<br />

possible <strong>de</strong> former le nombre 46 en ajoutant quelque chose au nombre 60, qui seul surpasse déjà 46»<br />

libid., p. 86).<br />

Au terme d'une longue discussion et après avoir substitué aux équations données<br />

d'autres équations «pour que le troisième problème proposé soit possible» ­<br />

mais toujours semblant opérer sur <strong>de</strong>s nombres abstraits -<br />

Lacroix obtient la solu­<br />

tion «x = 5 fr , Y = 2 fr », en ajoutant tout à coup les désignations <strong>de</strong> nombres concrets<br />

(ibid., p. 88). Voilà donc l'une <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> l'absurdité <strong>de</strong>s quantités négatives: il<br />

s'agit, en réalité, <strong>de</strong> «choses», <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs (<strong>de</strong> francs, en l'occurrence) et il ne peut<br />

y avoir <strong>de</strong> séparation entre les gran<strong>de</strong>urs et les nombres abstraits.<br />

La <strong>de</strong>uxième raison vient <strong>de</strong> la restriction stricte <strong>de</strong> l'opération <strong>de</strong> soustraction<br />

au cas du «reste» positif ou zéro (ibid., p. 92).<br />

Mais d'autre part, Lacroix sent bien qu'il ne peut maintenir ce rigorisme dans<br />

la pratique mathématique. Ainsi, il introduit un tout autre critère (la consistance<br />

interne) sans toutefois se rendre compte <strong>de</strong> cet éclectisme et <strong>de</strong> l'incompatibilité entre<br />

les <strong>de</strong>ux points <strong>de</strong> vue qu'il soutient:<br />

«L'Algèbre dispense <strong>de</strong> toute recherche à cet égard (sc. : <strong>de</strong> rectifier "énoncé <strong>de</strong> la question),<br />

lorsqu'on sait opérer convenablement sur les expressions affectées du signe - ; car ces expressions<br />

étant déduites <strong>de</strong>s équations du problème, doivent satisfaire à ces équations: c'est-à-dire, qu'en les<br />

soumettant aux opérations indiquées dans l'équation, on doit trouver, pour le premier membre, une<br />

valeur égale à celle du second» (ibid., p. 88).<br />

Pour les équations du second <strong>de</strong>gré Lacroix maintient l'approche «substantialiste»<br />

qu'il avait adoptée pour celles du premier <strong>de</strong>gré: si l'on obtient <strong>de</strong>ux solutions<br />

négatives, on doit alors «modifier l'énoncé <strong>de</strong> la question pour en ôter l'absurdité»<br />

(p. 100, voir p. 168) ; s'il y a <strong>de</strong>s solutions mixtes, la solution négative n'est<br />

en fait que la solution d'une autre question (p. 175).


16<br />

Dans le chapitre «Théorie générale <strong>de</strong>s équations», Lacroix ne relâche ses<br />

exigences que pour les équations <strong>de</strong> <strong>de</strong>grés supérieurs (matière que couvre le <strong>de</strong>rnier<br />

tiers du manuel et qui est apparemment <strong>de</strong>stinée à un niveau supérieur <strong>de</strong> l'enseignement).<br />

C'est là qu'il applique (sans même en prévenir le lecteur) le critère <strong>de</strong> satisfaction<br />

interne (ex. pp. 306·307).<br />

La réfutation <strong>de</strong>s nombres négatifs ne s'est pas limitée à l'enseignement et<br />

surtout pas au seul enseignement <strong>de</strong>s écoles secondaires mais elle a englobé aussi<br />

l'enseignement scientifique supérieur(14)<br />

Je n'ai pas analysé systématiquement les manuels français <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième<br />

moitié du 19ème siècle mais, selon J. Itard, c'est Carlo Bourlet qui, le premier, en<br />

1896, introduisit dans un manuel, «en tête <strong>de</strong> l'algèbre (l'exposé complet) <strong>de</strong> la théorie<br />

<strong>de</strong>s nombres négatifs» (Itard 1984, p. 356)(15).<br />

EN ALLEMAGNE.<br />

A l'opposé <strong>de</strong> la France, l'Allemagne n'a pas connu ce rejet du statut mathématique<br />

<strong>de</strong>s nombres négatifs, du moins pas jusqu'aux années 1820. Ce qu'on y voit<br />

plutôt c'est, dès le milieu du 18ème siècle, la mise en place d'un cadre théorique<br />

pour justifier les opérations algébriques sur tous les entiers: c'est la «doctrine <strong>de</strong>s<br />

quantités opposées». Par ailleurs, ni cette théorie, ni la notion <strong>de</strong> «quantités opposées»<br />

n'ont été retenues ni même (à ma connaissance) discutées en France(16). Voyons<br />

brièvement <strong>de</strong> quelles façons les manuels allemands ont présenté les nombres négatifs.<br />

A.G. Kastner (1719-1800), professeur <strong>de</strong> mathématiques à l'Université <strong>de</strong><br />

Gôttingen, est l'auteur d'une série <strong>de</strong> manuels <strong>de</strong>stinés à l'enseignement universitaire<br />

qui ont connu un grand succès et ont beaucoup influencé l'enseignement <strong>de</strong>s mathématiques<br />

durant toute la <strong>de</strong>uxième moitié du 18ème siècle en Allemagne. Le premier<br />

ouvrage <strong>de</strong> cette série (1755), portant sur les éléments d'arithmétique et <strong>de</strong> géométrie,<br />

développe (avant <strong>de</strong> traiter l'opération <strong>de</strong> soustraction) le concept <strong>de</strong> quantités opposées,<br />

en empruntant sa terminologie à la logique. «On appelle quantités opposées<br />

telles quantités <strong>de</strong> la même espèce, qu'on peut considérer dans <strong>de</strong> telles conditions<br />

que l'une diminue l'autre» (Kastner 1792, p. 71). L'auteur donne, comme exemples,<br />

les biens et les <strong>de</strong>ttes; il appelle l'une <strong>de</strong> ces quantités «positive» ou «affirmative»,<br />

et son opposée «négative» ou «niante», tout en soulignant que le choix <strong>de</strong> départ<br />

est tout à fait arbitraire. Quant aux relations entre ces quantités, il précise que la<br />

quantité niante peut surpasser l'affirmative, et que ce «négatif» qui en reste est une<br />

quantité réelle (


17<br />

Cet exposé est repris par le célèbre philosophe 1. Kant, dans son «Essai d'introdu<br />

ire les quantités négatives dans la philosophie» (1763), pour justifier philosophiquement<br />

la doctrine <strong>de</strong>s quantités opposées. Kant y donne, comme exemples <strong>de</strong><br />

différenciation indispensable, la contradiction logique (A et non-A ne sont pas vrais<br />

en· même temps) et la contradiction réelle dans laquelle les déterminations se nient<br />

(


18<br />

surtout pour ses contributions aux fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong>s mathématiques et pour ses travaux<br />

<strong>de</strong> vulgarisation. Cet article contient, à mon avis, la <strong>de</strong>scription la plus précise qui<br />

soit du refus d'exploiter à fond toute la richesse <strong>de</strong>s outils algébriques: on n'y trouve<br />

qu'une algèbre, assez limitée, qui n'est guère plus qu'une géométrie élémentaire transposée.<br />

Klügel remarque qu'on ne connaît pas les quantités opposées dans «la mathématique<br />

<strong>de</strong>s Anciens et dans celle mo<strong>de</strong>rne qu i est traitée<br />

selon leu r métho<strong>de</strong>s»<br />

parce que, dans ces <strong>de</strong>ux cas, les mathématiques sont considérées' du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong><br />

la «métho<strong>de</strong> synthétique»(18). Or, la métho<strong>de</strong> synthétique ne reconnaît que les cas<br />

isolés ; même là où la métho<strong>de</strong> analytique réunit plusieurs cas apparentés par le truchement<br />

d'une seule formule, la métho<strong>de</strong> synthétique abor<strong>de</strong> chaque cas séparément.<br />

Tandis que la métho<strong>de</strong> analytique utilise la symbolisation <strong>de</strong>s quantités, par <strong>de</strong>s signes,<br />

et tire profit, pour la résolution <strong>de</strong>s problèmes, <strong>de</strong> la généralisation que procurent<br />

les relations entre les signes, la métho<strong>de</strong> synthétique doit toujours chercher, pour<br />

chaque problème une voie <strong>de</strong> solution particulière. En fait, avec la métho<strong>de</strong> synthétique,<br />

on n'a pas besoin <strong>de</strong> quantités négatives, parce qu'on peut toujours trouver, pour<br />

un cas isolé, les moyens d'éviter une solution négative, (Klügel 1795, p. 311 ss). Klügel<br />

met donc en gar<strong>de</strong> les «analystes allemands» contre cette métho<strong>de</strong> (ibid., p. 471)<br />

que pratiquent et propagent les anglais, à l'imitation <strong>de</strong>s anciens (ibid., p. 316).<br />

Klügel avait d'autant plus raison <strong>de</strong> faire cette mise en gar<strong>de</strong> que la rupture que<br />

l'on observe, en France, quelques années plus tard, semble attribuable à une «transmission»<br />

<strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> anglaise (au même moment que la «transfusion» <strong>de</strong> la philosophie<br />

anglaise <strong>de</strong> «common sens», une <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> l'ascension du spiritualisme et <strong>de</strong><br />

la chute <strong>de</strong> la philosophie <strong>de</strong>s Lumières, voir Schubring 1984, p. 372). En fait, à<br />

l'approche synthétique correspond une mathématique tout à fait différente <strong>de</strong> celle qui<br />

a l'arithmétique et l'algèbre comme double fon<strong>de</strong>ment: la mathématique synthétique<br />

est une «mathématique <strong>de</strong> problèmes» dans laquelle on ne s'intéresse pas aux structures.<br />

P.J. Hecker, professeur <strong>de</strong> mathématiques à l'université <strong>de</strong> Rostock, qui discute<br />

l'enseignement <strong>de</strong> la doctrine <strong>de</strong>s quantités opposées dans trois dissertations en 1799<br />

et 1800, est le premier à envisager une véritable révision <strong>de</strong>s éléments d'arithmétique:<br />

il démontre que les opérations mathématiques changent <strong>de</strong> signification quand on<br />

passe <strong>de</strong>s opérations sur <strong>de</strong>s nombres positifs aux opérations sur <strong>de</strong>s entiers, et qu'on<br />

doit redéfinir ces opérations, savoir les étendre, pour les rendre applicables à tous les<br />

entiers (Hecker 1799, pp. 9-12). Il est aussi le premier à découvrir les différences<br />

entre les opérations sur <strong>de</strong>s nombres ou sur <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs, et les opérations mixtes<br />

(par exemple, la multiplication et la division <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs avec <strong>de</strong>s nombres, ibid., pp.<br />

16-17).<br />

H.D. Wilckens, professeur <strong>de</strong> mathématiques dans une académie forestière,<br />

approfondit la notion logique d'opposition et introduisit <strong>de</strong>s distinctions très nettes


19<br />

entre le signe d'opération, le signe d'un nombre et la valeur obsolue d'un nombre. Pour<br />

exprimer cette différence, il proposa une notation selon laquelle l'opposée d'une<br />

quantité a est notée a et les quantités opposées se trouvent définies par l'équation<br />

a +a = O. (Wilckens 1800).<br />

C'est dans le cadre <strong>de</strong> cette discussion sur les fon<strong>de</strong>ments qu'ont été réfutées,<br />

en Allemagne, les thèses <strong>de</strong> Carnot. F.G. Busse, professeur <strong>de</strong> mathématiques à l'école<br />

<strong>de</strong>s mines <strong>de</strong> Freiberg, publie, dès 1804, une réponse à Carnot. Busse explique que<br />

si les signes d'opération n'avaient été conçus, historiquement, qu'à l'usage exclusif<br />

<strong>de</strong>s nombres absolus, il convient maintenant <strong>de</strong> distinguer ces signes d'opération<br />

<strong>de</strong>s signes <strong>de</strong>s nombres eux-mêmes. Selon Busse, ('erreur principale <strong>de</strong> Carnot consiste<br />

justement en ce qu'il ne fait pas cette distinction(19). Pour Busse, l'algèbre constitue<br />

le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s mathématiques alors que la géométrie n'est qu'une sorte d'algèbre<br />

appliquée. Les contradictions qui apparaissent dans le domaine <strong>de</strong> la géométrie<br />

n'atteignent donc pas l'algèbre et doivent être résolues en géométrie (Busse 1804).<br />

La réfutation la plus radicale <strong>de</strong>s thèses <strong>de</strong> Carnot(20) se trouve dans la première<br />

présentation vraiment précise d'une théorie <strong>de</strong>s nombres négatifs, publiée en<br />

1817 et due à W.A. Forstemann, professeur <strong>de</strong> mathématiques au Gymnasium <strong>de</strong><br />

Danzig. A ma connaissance, ce livre est aussi le premier à établir systématiquement<br />

une séparation entre quantités et nombres. Il critique la notion <strong>de</strong> quantité, trop<br />

générale, selon lui, et il propose <strong>de</strong> la remplacer par les <strong>de</strong>ux concepts <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur<br />

et <strong>de</strong> nombre. Seuls les nombres constituent la base <strong>de</strong> l'arithmétique. C'est seulement<br />

avec les nombres qu'on peut exécuter les opérations algébriques (donc pas avec les<br />

gran<strong>de</strong>urs) :<br />

«Gran<strong>de</strong>urs sont : <strong>de</strong>s lignes, <strong>de</strong>s angles, <strong>de</strong>s étendues, <strong>de</strong>s plans, <strong>de</strong>s soli<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s poids, <strong>de</strong>s<br />

étendues du temps, ensembles <strong>de</strong>s personnes ou <strong>de</strong>s livres. Nombres pourtant en sont seulement <strong>de</strong><br />

expressions du rapport <strong>de</strong>s quantités <strong>de</strong> la même espèce» (Forstemann 1817, p. 1).<br />

On peut multiplier les nombres et les élever à <strong>de</strong>s puissances mais on ne peut<br />

pas faire <strong>de</strong> même avec <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs. Il n'y a donc pas <strong>de</strong> quantités (ou gran<strong>de</strong>urs)<br />

négatives, mais il peut y avoir <strong>de</strong>s nombres négatifs(21). Fôrstemann s'abstient <strong>de</strong><br />

donner une définition philosophique <strong>de</strong> l'opposition mais transpose cette notion<br />

en <strong>de</strong>s termes mathématiques:<br />

«Deux nombres sont opposés additivement quand la soustraction <strong>de</strong> l'un effectue le même<br />

résultat que l'addition <strong>de</strong> l'autre» (ibid., p. 8).<br />

En utilisant a comme signe du nombre opposé <strong>de</strong> a, il parvient à la définition<br />

suivante: pour un nombre entier quelconque b, son opposé li est donné par l'équation<br />

b + li = 0 ; la soustraction générale sur <strong>de</strong>s nombres entiers est donc définie par:<br />

a - b = a +li (ibid., p. 9).


20<br />

Fôrstemann établit ensuite, il est ici aussi le premier, les règles du calcul restreint<br />

qu'on peut effectuer avec les gran<strong>de</strong>urs et celles du calcul mixte avec <strong>de</strong>s nombres<br />

et <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs (par exemple, la multiplication scalaire).<br />

Malgré cette forte tendance en faveur <strong>de</strong>s nombres négatifs, en Allemagne,<br />

les mathématiques alleman<strong>de</strong>s n'ont pas complètement échappé à l'influence <strong>de</strong><br />

l'épistémologie française et <strong>de</strong> la réfutation <strong>de</strong>s quantités négatives. Cette importation<br />

a donné lieu à <strong>de</strong>s «distorsions cognitives» et à une variété <strong>de</strong> positions sur la question<br />

du négatif. Un exemple éloquent d'une importation directe est celui <strong>de</strong> la conception<br />

<strong>de</strong> l'algèbre défendue par J.P.W. Stein, ancien élève <strong>de</strong> l'école polytechnique (promotion<br />

1813), qui avait d'abord travaillé dans le corps <strong>de</strong>s ingénieurs-géographes puis,<br />

«rapatrié» <strong>de</strong> Prusse en 1815, <strong>de</strong>vint professeur <strong>de</strong> mathématiques au Gymnasium<br />

<strong>de</strong> Trèves. Dans son manuel d'algèbre (1828/29), Stein analyse les diverses conceptions<br />

<strong>de</strong>s nombres négatifs qui prévalent alors et les regroupe en trois catégories.<br />

1. Les nombres positifs et négatifs sont les désignations <strong>de</strong> quantités qui existent<br />

réellement mais qui ont <strong>de</strong>s qualités opposées.<br />

2. Les quantités négatives et tout ce qui n'est pas un «nombre normal» (i.e.<br />

absolu) ne sont que <strong>de</strong>s signes arbitraires qu'ont peut utiliser comme moyens intermédiaires<br />

au cours du calcul mais qui doivent plus figurer dans le résultat du calcul.<br />

3. On rejette l'emploi <strong>de</strong> quantités négatives isolées et on ne les utilise qu'en<br />

relation avec <strong>de</strong>s quantités normales, c'est-à-dire comme «indications» d'une opération<br />

non exécutable <strong>de</strong> soustraction, par exemple a - b, où b > a (Stein 1828, p. VII).<br />

Stein lui-même est partisan <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième catégorie <strong>de</strong> positions, qui est<br />

typiquement française. Il ne rejette pas seulement l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs,<br />

il refuse aussi <strong>de</strong> considérer «zéro» comme nombre. Il explique assez clairement<br />

ce choix épistémologique: il n'utilise les nombres que comme les représentants <strong>de</strong>s<br />

gran<strong>de</strong>urs et refuse <strong>de</strong> leur donner un statut théorique. Stein explique les équations<br />

algébriques en termes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs du «mon<strong>de</strong> physique» (en francs, en mêtres, en<br />

<strong>de</strong>ttes, en biens), et surtout à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs positives. Il se gar<strong>de</strong> bien d'utiliser<br />

la doctrine <strong>de</strong>s quantités opposées, parce qu'elle a pour lui un caractère métaphysique.<br />

La troisième position esquissée par Stein est celle qu'adopte le mathématicien<br />

allemand M.Ohm (1792-1872). Bien que L. Novy ait accordé à Ohm un apport original<br />

aux fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> l'algèbre (L. Novy 1973, p. 85-89), on peut dire <strong>de</strong> lui aussi que<br />

sa conception est le résultat d'une transmission <strong>de</strong>s conceptions françaises. Ceci est<br />

tout particulièrement marqué par le rôle privilégié qu'il attribue aux nombres, absolus<br />

ou naturels. De même, Ohm n'a jamais recours à la doctrine <strong>de</strong>s quantités opposées et<br />

l'usage caractéristique <strong>de</strong> l'expression «opération indiquée» relève les influences <strong>de</strong><br />

Condillac et <strong>de</strong> Carnot. Dans la pratique mathématique, la première et la troisième


21<br />

position ne diffèrent pas beaucoup, la troisième n'étant guère plus qu'une «réserve<br />

mentale». Néanmoins, cette position s'érige en obstacle au passage <strong>de</strong>s opérations sur<br />

les nombres naturels, aux opérations sur les nombres réels.<br />

Il resterait à analyser comment les positions «traditionalistes» alleman<strong>de</strong>s et les<br />

positions «importées» <strong>de</strong> la France ont interagi, en Allemagne, et comment la définition<br />

weierstrassienne <strong>de</strong>s nombres négatifs l'a emporté. Je ne peux le faire dans les<br />

limites du présent article.<br />

EFFETS DU REJET DES NOMBRES NEGATIFS, LIES A L'ALGEBRE.<br />

Le refus d'accor<strong>de</strong>r un statut mathématique aux nombres négatifs ayant pris<br />

une telle ampleur, les controverses n'ont pas pu rester restreintes à l'algèbre. En fait,<br />

étudier les effets <strong>de</strong> ce refus sur le développement mathématique (et didactique)<br />

constitue un problème très intéressant pour <strong>de</strong>s recherches historiques mais, en même<br />

temps, c'est un problème d'une très gran<strong>de</strong> complexité.<br />

Pour en donner une idée, voici quelques indications : les conséquences du<br />

refus <strong>de</strong>s nombres négatifs apparaissent dans toutes les situations où il est question<br />

d'appliquer l'algèbre à la géométrie. Fait pas encore remarqué (à ma connaissance),<br />

c'est autour <strong>de</strong> la trigonométrie que les luttes les plus acharnées se sont livrées sur<br />

l'acceptation (ou le rejet) <strong>de</strong>s nombres négatifs ! Ceci ne <strong>de</strong>vrait avoir rien d'étonnant<br />

puisque, en trigonométrie, les nombres négatifs n'interviennent pas seulement<br />

au terme d'une résolution quand apparaissent les solutions <strong>de</strong>s équations, mais ils servent<br />

à l'exécution <strong>de</strong> diverses procédures et sont ainsi <strong>de</strong> véritables instruments mathématiques.<br />

Cependant, il ne faudrait pas en conclure que les nombres négatifs se sont<br />

imposés comme indispensables en trigonométrie.<br />

Il faut donc <strong>de</strong>s précautions pour ne pas interpréter précipitamment <strong>de</strong>s développements<br />

qui nous semblent être «nécessaires». Ainsi, dans les manuels <strong>de</strong> trigonométrie<br />

<strong>de</strong> la première moitié du 19ème siècle, en France comme en Allemagne, on<br />

trouve ,<strong>de</strong>s planches et <strong>de</strong>s figures mais rarement on voit <strong>de</strong>s figures avec la croix <strong>de</strong>s<br />

cOûrdonnées, les quatre quadrants ; et j'ai jamais vu à l'époque dans les manuels<br />

français <strong>de</strong>s nombres indiquant les coordonnées sur <strong>de</strong>s axes (on évita donc l'usage<br />

effectif <strong>de</strong>s nombres négatifs, pour les coordonnées dans <strong>de</strong>ux directions) (22). Même les<br />

formules trigonométriques pour les angles entre 0 et 211" qui, pour nous, requièrent les<br />

concepts <strong>de</strong> fonction et <strong>de</strong> variable, peuvent être abordées par la métho<strong>de</strong> synthétique<br />

qui traite les quatre quadrants comme autant <strong>de</strong> cas particuliers.


22<br />

EFFETS DES CHOIX EPISTEMOLOGIQUES SUR LES MATHEMATIQUES EN<br />

GENERAL.<br />

Le rejet <strong>de</strong>s nombres négatifs a aussi eu <strong>de</strong>s répercussions assez importantes<br />

sur les mathématiques dans leur ensemble. L'accent mis sur une géométrie pure,<br />

sans mélange avec l'algèbre, a fait naître un nouveau type <strong>de</strong> «géométrie synthétique»,<br />

établie par Carnot, Poncelet et J. Steiner. De plus cette réfutation a donné une singulière<br />

impulsion à l'apparition d'une nouvelle discipline mathématique : la géométrie vectorielle.<br />

La géométrie traditionnelle s'étant avérée impuissante à traiter les questions<br />

<strong>de</strong> position dans leur généralité. Il ya eu plusieurs tentatives pour introduire et préciser<br />

la notion <strong>de</strong> direction en géométrie, notamment pour interpréter géométriquement<br />

les nombres imaginaires. Mourey semble avoir été le premier à introduire le vecteur<br />

comme nouveau concept fondamental. Dans un ouvrage <strong>de</strong> 1828 (réédité en 1861),<br />

«dédié aux amis <strong>de</strong> l'évi<strong>de</strong>nce», Mourey (un personnage presque inconnu) introduit<br />

la notion <strong>de</strong> «chemin», <strong>de</strong>vant unifier les <strong>de</strong>ux notions <strong>de</strong> longueur et <strong>de</strong> direction<br />

en un seul nouveau concept fondamental. Il établit aussi un calcul <strong>de</strong>s opérations<br />

sur <strong>de</strong>s chemins. Ce qui est directement pertinent pour notre propos, c'est que Mourey<br />

parvint à cette théorie par le biais <strong>de</strong> sa réfutation <strong>de</strong>s nombres négatifs. Parce que,<br />

dans le cas d'un terme indéterminé comme dans x - a ou a - x, on ne peut prévoir si<br />

le résultat sera «absur<strong>de</strong>» ou non, Mourey exclut la soustraction <strong>de</strong> l'algèbre.<br />

(dl suit <strong>de</strong> là que le signe -, considéré comme exprimant la soustraction, ne peut pas être<br />

admis en algèbre» (Mourey 1861, p. 1).<br />

L'algèbre étant ainsi trop gravement amputé, Mourey cherche un «moyen <strong>de</strong><br />

suppléer à la soustraction» (ibid., p. 2) et c'est ainsi qu'il découvre une nouvelle<br />

géométrie, la géométrie <strong>de</strong>s chemins. Il est à remarquer que Hermann Grassmann<br />

(censé être le découvreur <strong>de</strong> la géométrie vectorielle) réclama en 1844 que l'essence<br />

<strong>de</strong> sa découverte résidait justement dans la fusion <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux concepts <strong>de</strong> longueur<br />

et <strong>de</strong> direction en celui <strong>de</strong> vecteur (H. Grassmann 1844, p. 145-146)(23). De plus,<br />

il souligna que la motivation principale <strong>de</strong> son travail résultait <strong>de</strong> «la considération<br />

du négatif dans la géométrie» (ibid., p. iii). Comme la géométrie vectorielle est à<br />

l'origine <strong>de</strong> l'algèbre linéaire, on peut dire que le refus d'une algébrisation directe a<br />

tout <strong>de</strong> même permis une certaine algébrisation au sein <strong>de</strong> la géométrie.<br />

RETOUR SUR LA NOTION D'OBSTACLE EPISTEMOLOGIQUE.<br />

Les principales causes <strong>de</strong> la contestation du statut mathématique <strong>de</strong>s nombres<br />

négatifs appartiennent à trois gran<strong>de</strong>s catégories que je définis comme suit:<br />

A.Les obstacles internes aux mathématiques.<br />

Le problème central consiste à différencier le concept <strong>de</strong> quantité et à établir


23<br />

celui <strong>de</strong> nombre comme nouveau concept fondamental et indépendant; il s'agit donc<br />

<strong>de</strong> l'apparition du triplet: quantité - gran<strong>de</strong>ur - nombre, où :<br />

- quantité est, historiquement, le .concept <strong>de</strong> base pour toutes les mathématiques<br />

mais, aujourd'hui, «quantité» ne représente plus un concept mathématique<br />

concret. Il se réduit plutôt à un élément <strong>de</strong> rhétorique apparaissant, à l'occasion,<br />

dans <strong>de</strong>s discours sur la mathématique(24) .<br />

- gran<strong>de</strong>ur emprunte une partie <strong>de</strong>s significations originelles <strong>de</strong> «quantité» (25),<br />

par exemple celle <strong>de</strong> «nombre concret» ou (dans la traditionnelle terminologie scolaire)<br />

«nombres complexes» (


24<br />

- une épistémologie systémique, où l'existence est justifiée par la cohérence<br />

du champ conceptuel, les concepts ne <strong>de</strong>vant satisfaire qu'à <strong>de</strong>s conditions internes<br />

aux mathématiques.<br />

A mon avis, l'option en faveur <strong>de</strong> l'une ou l'autre <strong>de</strong> ces épistémologies, dans<br />

une culture donnée, relève <strong>de</strong> conditions sociales (<strong>de</strong>squelles dépen<strong>de</strong>nt aussi le «goût»<br />

ou le «dégout» pour les sciences pures) et est ainsi susceptible <strong>de</strong> changer et <strong>de</strong> connaître<br />

<strong>de</strong>s ruptures.<br />

C. L'architecture <strong>de</strong>s mathématiques.<br />

Il y a une troisième catégorie <strong>de</strong> causes aux obstacles auxquelles viennent se<br />

mêler et interagir <strong>de</strong>s causes internes au développement mathématique et <strong>de</strong>s causes<br />

proprement épistémologiques. Il s'agit <strong>de</strong>s conceptions sur l'«architecture <strong>de</strong>s mathématiques»<br />

et, tout particulièrement, <strong>de</strong>s conceptions sUr le poids relatif <strong>de</strong> l'algèbre<br />

et <strong>de</strong> la géométrie, eu égard aux fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong>s mathématiques. Plusieurs options<br />

sont présentées, chacune ayant pour conséquence une différenciation particulière:<br />

- si l'algèbre et la géométrie sont également fondamentales, en droit, on doit<br />

alors avoir <strong>de</strong>s notions fondamentales qui puissent servir à la fois en algèbre et en<br />

géométrie. Ceci a pour effet d'empêcher une différenciation <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> quantité,<br />

puisqu'il est supposé que cette notion comprend celle <strong>de</strong> nombres (comme «quantité<br />

discrète») et celle <strong>de</strong> ligne (comme «quantité continue») ;<br />

- ou, si l'une <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux parties domine l'autre:<br />

si donc la géométrie est considérée comme la discipline la plus fondamentale<br />

et qu'elle inclut en quelque sorte l'algèbre (c'est la position <strong>de</strong>s Grecs et d'Eucli<strong>de</strong>),<br />

alors la quantité sert <strong>de</strong> notion <strong>de</strong> base et celle <strong>de</strong> nombre est dérivée;<br />

ou si c'est l'algèbre qui est vue comme la discipline fondamentale et si,<br />

en retour, la géométrie n'est plus qu'un champ d'application <strong>de</strong> l'algèbre, alors on a<br />

la conception qui sous-tend l'entreprise dite «l'arithmétisation <strong>de</strong>s mathématiques» avec<br />

le nombre comme notion <strong>de</strong> base.<br />

Les questions qui sont posées sur l'architecture <strong>de</strong>s mathématiques sont primordiales,<br />

pour la didactique comme pour l'élaboration <strong>de</strong>s programmes d'enseignement,<br />

parce qu'elles touchent les problèmes <strong>de</strong> transposition du savoir scientifique<br />

aux «séquences didactiques», suivant un ordre soit «logique», soit «naturel», soit<br />

«psychologique». C'est aussi autour <strong>de</strong> ces questions que se sont exprimées les visions<br />

<strong>de</strong>s mathématiques entretenues chez le grand public. Ainsi, il me semble, que c'est<br />

cette catégorie qui a réalisé un apport assez déterminant aux cas <strong>de</strong> ruptures.<br />

Avant <strong>de</strong> conclure je tiens à faire quelques remarques sur la notion d'obstacle<br />

épistémologique, comme explicative <strong>de</strong> l'apparition <strong>de</strong> ruptures dans le statut conféré


25<br />

à certains concepts mathématiques. Au début <strong>de</strong> cette recherche, j'étais convaincu<br />

<strong>de</strong> ce que la notion d'obstacle épistémologique était la catégorie explicative adéquate<br />

(et j'avoue que cette terminologie est assez séduisante), mais (sans me mêler <strong>de</strong> la<br />

discussion <strong>de</strong>s didacticiens français (voir Brousseau 1983, Glaeser 1984)) après un<br />

retour aux sources bachelardiennes (Bachelard 1938/1975) j'ai <strong>de</strong>s doutes sur la<br />

possibilité d'appliquer cette notion. Mes doutes ne viennent pas <strong>de</strong> ce que Bachelard<br />

ait exclu la connaissance mathématique du domaine d'application <strong>de</strong> sa notion<br />

d'obstacle épistémologique en disant :<br />

«L'histoire <strong>de</strong>s mathématiques est une merveille <strong>de</strong> régularité. Elle connaît <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s<br />

d'arrêt. Elle ne connaît pas <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s d'erreurs» (Bachelard 1975, p. 22).<br />

A mon avis cette remarque engage une vision trop étroite <strong>de</strong> "erreur. Là où la<br />

position <strong>de</strong> Bachelard <strong>de</strong>vient vraiment problématique, c'est qu'elle envisage «la<br />

formation <strong>de</strong> l'esprit scientifique» comme un processus téléologique, c'est-à-dire, dirigé<br />

nécessairement vers un progrès en théoréticité, vers la victoire ultime <strong>de</strong> la raison. On y<br />

reconnaît la vision rationaliste <strong>de</strong> la mathématisation supposée nécessaire et souhaitable,<br />

<strong>de</strong>s sciences dans leur procès évolutif. De ce point <strong>de</strong> vue, le processus <strong>de</strong> formation<br />

<strong>de</strong> l'esprit scientifique se réalise en trois étapes successives (assez analogues à celles<br />

<strong>de</strong> Piaget) : un sta<strong>de</strong> concret, préscientifique, où règnent les phénomènes; un sta<strong>de</strong><br />

concret-abstrait où l'expérience physique est complétée d'abstractions; enfin, le sta<strong>de</strong><br />

abstrait proprement dit (i<strong>de</strong>ntifié à notre époque) où domine la raison théorique. Pour<br />

Bachelard, il n'y a pas <strong>de</strong> rupture dans le progrès <strong>de</strong> la raison humaine: s'il y a <strong>de</strong>s<br />

reculs dans notre époque, ils sont ponctuels et provisoires, ils ne représentent qu'une<br />

«somnolence du savoir» chez <strong>de</strong>s individus (ibid., p. 7), et non pas un choix délibéré.<br />

Par «obstacles épistémologiques» on peut donc comprendre les expressions <strong>de</strong> telles<br />

«somnolences» individuelles (d'où l'attention que leur porte la didactique).<br />

Mais l'histoire «sociale» <strong>de</strong>s nombres négatifs nous offre <strong>de</strong>s exemples où le<br />

choix pour une épistémologie semble avoir été fait (comme décision «collective», pas<br />

seulement <strong>de</strong> quelques individus !) avec une pleine connaissance <strong>de</strong>s épistémologies<br />

concurrentes. Pour l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> tels cas, on ne peut pas recourir à la notion d'obstacle<br />

qui suppose, au contraire, une certaine incapacité, intellectuelle ou autre. Si donc<br />

un choix est fait en connaissance <strong>de</strong>s diverses possibilités on ne peut disqualifier<br />

l'épistémologie qui sous-tend cette position en l'étiquetant comme «obstacle».<br />

Néanmoins, les réflexions <strong>de</strong> Bachelard peuvent être utilisées pour clarifier<br />

les difficultés dans <strong>de</strong>s développements conceptuels (donc particulièrement dans la<br />

première catégorie <strong>de</strong> causes). Bachelard a bien montré comment la «connaissance<br />

générale» et une épistémologie «substantialiste» peuvent s'ériger en obstacles à la<br />

connaissance scientifique, dans son sta<strong>de</strong> préscientifique. Par «connaissance générale»,<br />

Bachelard entend <strong>de</strong>s concepts qui sont «corrects et utiles» mais qui peuvent constituer<br />

un obstacle «en offrant à la pensée une forme générale prématurée» (ibid.,


26<br />

p. 66). Comme exemple, il analyse le concept <strong>de</strong> fermentation du 18ème siècle comme<br />

non différencié et donc non opérationnalisé(27).<br />

Ainsi, la notion <strong>de</strong> quantité a-t-elle présenté ce même caractère universel,<br />

général et intuitif (voir ibid., p. 79) qui empêche la spécification <strong>de</strong>s idées qu'elle<br />

recouvre. D'Alembert critique la définition couramment retenue <strong>de</strong> la «gran<strong>de</strong>ur»<br />

(partout ailleurs à son époque prise comme définition <strong>de</strong> la «quantité») comme trop<br />

générale et ne convenant pas à la recherche.<br />

«Suivant la définition qu'on vient d'apporter, on <strong>de</strong>vrait appeler gran<strong>de</strong>ur tout ce qui est<br />

susceptible d'augmentation et <strong>de</strong> diminution; or la lumière est susceptible d'augmentation et <strong>de</strong><br />

diminution ; cependant on s'exprimeroit fort improprement en regardant la lumière comme une<br />

gran<strong>de</strong>ur» (Encyclopédie, vol. 7, p. 855).<br />

De plus, en parlant d'obstacle «substantialiste», Bachelard analyse toute une<br />

série <strong>de</strong> tendances <strong>de</strong> la pensée scientifique, où on lie directement à une substance<br />

les qualités diverses d'un concept (ibid., pp. 97 ss), Nous avons dans cet article mis<br />

en évi<strong>de</strong>nce plusieurs argumentations contre l'existence <strong>de</strong>s nombres f1égatifs qui se<br />

nourrissent d'un substantialisme <strong>de</strong> ce type. Comme, entre autres, l'i<strong>de</strong>ntification<br />

<strong>de</strong> la géométrie (euclidienne, à trois dimensions) à l'espace <strong>de</strong> notre expérience sensible<br />

qui suppose que la géométrie peut être saisie par l'évi<strong>de</strong>nce ou par l'intuition<br />

directe.<br />

REMARQUES DE CONCLUSION.<br />

Les conceptions bachelardiennes semblent sous-entendre le développement<br />

cognitif et scientifique indépendant <strong>de</strong>s mentalités et <strong>de</strong>s voies spécifiques <strong>de</strong>s nations,<br />

comme un invariant culturel. Or, l'étu<strong>de</strong> présentée ici donne <strong>de</strong>s indications sur <strong>de</strong>s<br />

dépendances manifestes er.tre les contextes culturels et nationaux et les épistémologies<br />

favorables (resp. défavorables) à certains développements scientifiques. Ces dépendances<br />

mettent en gar<strong>de</strong> contre une transposition immédiate d'une certaine étape <strong>de</strong> l'évolution<br />

scientifique au processus d'apprentissage, soit qu'on ·désigne cette étape comme<br />

un «obstacle», soit qu'on le privélégie comme étape nécessaire par chaque individu<br />

d'une nouvelle génération.<br />

Cependant, dans le même temps ces dépendances impliquent une responsabilité<br />

<strong>de</strong> la didactique qui doit prendre en compte les épistémologies sous-jacentes<br />

et les suppositions parfois implicites <strong>de</strong> ses propres propos sur l'enseignement.


27<br />

NOTES.<br />

1. Version rédigée d'un exposé au colloque «Histoire et Epistémologie <strong>de</strong>s Mathématiques»,<br />

Montpell ier 31.5 - 1.6.1985.<br />

Je remercie la bonne fée (elle préfère rester annonyme) qui a entrepris le travail énorme <strong>de</strong><br />

transposer ce texte en un français compréhensible.<br />

2. D'autres exemples en sont: le numéro 15-3 (mail 1984 du Journal for Research in Mathematics<br />

Education. Bien que le numéro soit entièrement consacré aux problèmes <strong>de</strong> la soustraction,<br />

aucun <strong>de</strong>s articles ne discute <strong>de</strong>s nombres négatifs. La thèse <strong>de</strong> Ph.D. <strong>de</strong> R.G. Clason (1968)<br />

qui étudie beaucoup d'anciens manuels d'arithmétique passe aussi sous silence les nombres<br />

négatifs.<br />

3. Entre-temps, il Y a eu d'autres étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> didactique portant sur l'histoire. Une étu<strong>de</strong> fort intéressante<br />

décrit comment les auteurs ont utilisé l'histoire <strong>de</strong>s nombres négatifs pour développer<br />

chez <strong>de</strong>s enseignants une certaine sensibilité aux obstacles inhérents à ce concept. Ils ont mis<br />

un point particulier sur l'éclaircissement <strong>de</strong> la nature conventionnelle <strong>de</strong> la «règle <strong>de</strong>s signes».<br />

L'histoire <strong>de</strong>s mathématiques semble, selon les auteurs, progresser d'une marche lente mais<br />

continue (Arcavi et al., 1982). Un autre article discute les problèmes <strong>de</strong>s nombres négatifs<br />

dans l'histoire <strong>de</strong>s mathématiques en relation avec les modèles, actuellement utilisés aux Etats<br />

Unis pour enseigner les quatre opérations sur les entiers (Crowley/Dunn 1985).<br />

4. En fait, je ne connais qu'un seul exemple <strong>de</strong> réfutation <strong>de</strong> la règle <strong>de</strong>s signes, J. Klostermann<br />

(Petersbourg). Associé correspondant <strong>de</strong> la société royale <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> Gôttingen, il a établi<br />

en 1804 et 1805 le «théorème» suivant: moins multiplié par moins donne moins. Remarquablement<br />

il ne réfute pas l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs. Pourtant, il accepte le calcul avec les<br />

«quantités opposées». L'erreur principale <strong>de</strong> sa «démonstration» rési<strong>de</strong> dans le fait qu'il ne<br />

distingue pas entre le signe d'opération et le signe du nombre (Klostermann 1804 et 1805).<br />

5. Selon le principe <strong>de</strong> permanence, il n'y a pas un seul système <strong>de</strong> lois qui régisse les opérations<br />

sur tous les systèmes <strong>de</strong> nombres mais plutôt une hiérarchie:<br />

L'extension progressive du système <strong>de</strong>s naturels aux systèmes (plus larges) <strong>de</strong>s entiers, rationnels,<br />

réels est définie d'une telle manière que l'ensemble <strong>de</strong>s lois en vigueur dans le système inférieur<br />

continue d'être en vigueur dans le prochain système supérieur.<br />

6. Ce livre d'un Ingénieur-Topographe et «Géométre·en-chef du Cadastre <strong>de</strong> la côte-d'Or» n'est<br />

que le <strong>de</strong>uxième traité <strong>de</strong> didactique <strong>de</strong> mathématique en France, avec celui <strong>de</strong> Lacroix, pour<br />

toute la première moitié du 19ème siècle!<br />

7. Busset blâme particulièrement Euler, d'avoir «résolu cette question par l'affirmative! Or, je ne<br />

crains pas <strong>de</strong> le dire, malgré mon respect... pour le génie d'Eu ler..., cette doctrine est pour moi<br />

le comble <strong>de</strong> l'aberration <strong>de</strong> la raison humaine, et à elle seule elle suffirait soit pour éloigner<br />

<strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mathématiques une foule d'excellents esprits, soit pour accréditer toutes les fausses<br />

idées que l'on débite sur ces sciences» (Busset 1843, p. 47).<br />

8. Glaeser mentionne ausssi la dimension épistémologique <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong>s mathématiques avec la<br />

réalité physique (Glaeser 1981, p. 3391, mais la relation gran<strong>de</strong>ur-nombre ne figure pas dans sa<br />

liste d'obstacles (ibid., p. 308).<br />

9. Pour la pério<strong>de</strong> allant <strong>de</strong>s origines au Moyen Age, je me suis servi principalement <strong>de</strong> l'article<br />

<strong>de</strong> J. Sesiano (1985), qui décrit le développement <strong>de</strong>s nombres négatifs durant cette pério<strong>de</strong><br />

comme un passage du concret à l'abstrait.<br />

10. Luca Pacioli prend une position ambiguë : on remarque chez lui une réfutation, instinctive,<br />

<strong>de</strong>s nombres négatifs cependant il admet une fois un prix négatif dans un problème commercial<br />

et une autre fois il considère la solution négative dans un problème abstrait comme un «bellissimo<br />

caso».


28<br />

11. D'Alembert ne distingue donc pas le zéro mathématique du rien absolu <strong>de</strong> la philosophie.<br />

12. L'éditeur <strong>de</strong> la publication posthume avait changé «équation» en «opération». Un changement<br />

qui ne fait aucun sens et qui a obscurci les intentions <strong>de</strong> Condillac.<br />

13 Carnot a très clairement différencié, dans le texte <strong>de</strong> 1801, la quantité <strong>de</strong> sa «valeur absolue»,<br />

la valeur positive, et la valeur négative (Carnot 1801, p. 2). Donc on ne peut pas lui reprocher<br />

<strong>de</strong> n'avoir pas maîtrisé <strong>de</strong>s obstacles, dans le sens d'un manque <strong>de</strong> connaissances mathématiques.<br />

14. Un exemple éloquent en est un manuel <strong>de</strong> Francœur, <strong>de</strong>stiné aux élèves <strong>de</strong> l'Ecole Polytechnique<br />

et aux facultés <strong>de</strong> sciences. Dans le cadre <strong>de</strong> la résolution <strong>de</strong>s équations, en algèbre, il discute<br />

longuement la solution x = b - d selon les cas : b > d ou b < d et/ou c > a ou c < a. Evi<strong>de</strong>m·<br />

c-a<br />

ment, il discute <strong>de</strong> cette question d'algèbre selon la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> la géométrie «<strong>de</strong>s anciens» ;<br />

considérant <strong>de</strong>s cas tous isolés et indépendants. Enfin, il exclut <strong>de</strong>ux cas comme solutions impossibles<br />

parce que: «Toute solution négative dénote une absurdité» (Francœur 1819, vol. 1, p. 149­<br />

150). Pareillement révélatrice est la note «sur la théorie <strong>de</strong>s quantités positives et négatives» ­<br />

assez étendue - du fameux manuel «Cours d'Analyse» <strong>de</strong> Cauchy (Cauchy 1821, p. 333-359) :<br />

elle montre la nécessité, pour Cauchy, <strong>de</strong> présenter aux élèves <strong>de</strong> l'Ecole Polytechnique les<br />

éléments d'algèbre <strong>de</strong> manière à ce que les nombres négatifs soient acceptés.<br />

15. Après m'être procuré un exemplaire <strong>de</strong> ce livre (une procédure d'assez longue durée) j'ai été<br />

très surpris <strong>de</strong> constater qu'avant ce premier chapitre «Nombres positifs et négatifs» il y a comme<br />

vraie «tête» un chapitre d'«lntroduction» <strong>de</strong> géométrie. C'est une exposition <strong>de</strong> la doctrine<br />

<strong>de</strong> segments orientés, ou plutôt <strong>de</strong>s «chemins» (on reprend donc la terminologie <strong>de</strong> Mourey,<br />

voir plus loin). Elle est utilisée comme justification ontologique du concept <strong>de</strong> nombre négatif.<br />

En se référant aux propriétés <strong>de</strong>s chemins (respectivement <strong>de</strong>s segments), on pose les règles du<br />

calcul avec le nouveau type <strong>de</strong> nombres. Il faut ajouter que c'est un <strong>de</strong>s rares manuels OlJ l'on<br />

souligne le caractère conventionnel <strong>de</strong> la règle <strong>de</strong>s signes (Bourlet, 1896, p. 21).<br />

16. On n'a pas remarqué cette différence, jusqu'à présent, dans l'historiographie. Il est donc difficile<br />

d'avancer <strong>de</strong>s hypothèses sur les raisons <strong>de</strong> cette différence manifeste. Cependant, la doctrine<br />

<strong>de</strong>s quantités opposées se dérivant <strong>de</strong>s réflexions philosophiques, il me semble qu'il y a eu<br />

en Allemagne <strong>de</strong>s débats et <strong>de</strong>s échanges plus étroits et plus fructueux entre mathématiques<br />

et philosophie. De plus, il y a <strong>de</strong>s différences profon<strong>de</strong>s entre la philosophie alleman<strong>de</strong> et la<br />

philosophie française, qu'on peut caractériser, entre autres, par la méfiance (dans <strong>de</strong> nombreux<br />

courants <strong>de</strong> philosophie) <strong>de</strong> systèmes transcendants discrédités, en France, vis-à-vis <strong>de</strong> leur<br />

rattachement au parti catholique-jésuite.<br />

17. Malheureusement, il n'existe pas une traduction adéquate du mot «aufheben» (ce qui est déjà<br />

assez indicatif 1). Chez Hegel, par exemple, «aufheben» a à la fois le sens <strong>de</strong> nier et celui <strong>de</strong><br />

conserver.<br />

18. Le couple «métho<strong>de</strong> analytique» - «métho<strong>de</strong> synthétique», a connu, au cours <strong>de</strong> l'histoire,<br />

une assez gran<strong>de</strong> variété <strong>de</strong> significations (que j'ai expliquée dans mon exposé <strong>de</strong> la 3ème Ecole<br />

d'Eté <strong>de</strong> Didactique <strong>de</strong>s Mathématiques, juillet 1984, Orléans). Cependant, la signification<br />

attribuée ici aux <strong>de</strong>ux métho<strong>de</strong>s par Klügel a beaucoup d'avantages parce qu'elle nous amène.<br />

au fond <strong>de</strong>s débats idéologisés sur la «métho<strong>de</strong>».<br />

19. Cette critique est correcte mais Carnot ne l'acceptera pas comme réfutation parce qu'elle implique<br />

l'admissibilité <strong>de</strong>s nombres entiers, tandis que pour Carnot il n'y a que <strong>de</strong>s nombres absolus<br />

et la seule signification <strong>de</strong>s signes X et - est que ce sont <strong>de</strong>s signes d'opérations.<br />

20. Une autre réfutation exhaustive se trouve dans le livre <strong>de</strong> W,A. Diesterweg (1831) qui opère sur<br />

le même niveau <strong>de</strong> «mathématique <strong>de</strong> problèmes» mais qui réclame, malgré sa tendance favorable<br />

à la métho<strong>de</strong> synthétique, l'indépendance <strong>de</strong> l'algèbre.


29<br />

21. Le premier texte français où l'on différencie d'une manière analogue entre nombres et gran<strong>de</strong>urs<br />

est un mémoire <strong>de</strong> 1843 : M. Marie est prêt à admettre <strong>de</strong>s nombres négatifs (dans le cadre<br />

d'une «algèbre pure»), mais une théorie <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs négatives ne fait, pour lui, aucun sens<br />

mathématique (Marie 1843, pp. 11-12).<br />

22. Même Klügel se limite dans son «Mathematisches Worterbuch» sous la rubrique «Coordinate»<br />

à ne visualiser dans les planches que le premier quadrant.<br />

Et Biot (1805) qui utilise la croix <strong>de</strong>s coordonnées, désigne les <strong>de</strong>ux directions d'un axe par le<br />

même signe : x et y respectivement. Après, on trouve à travers tout le 19ème siècle dans les<br />

manuels français, comme une expression d'un «compromis», la désignation X, Xl et Y, yI respectivement<br />

pour les quatre axes. On désigne les points par <strong>de</strong>s lettres dans les figures mais pas par<br />

<strong>de</strong>s nom bres.<br />

23. Je ne voudrais pas exclure la possibilité que Grassmann ait vu le livre <strong>de</strong> Mourey, car on trouve<br />

ce livre cité, déjà en 1834, dans un livre sur <strong>de</strong>s équations algébriques <strong>de</strong> M.W. Drobisch, mathématicien<br />

et philosophe à Leipzig et bien connu à cette époque.<br />

24. Le terme «quantité» ne représente pas seulement la conception traditionnelle <strong>de</strong>s mathématiques<br />

(


30<br />

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SYMETRIE ORTHOGONALE: DES ELEVES FRANCAIS<br />

ET JAPONAIS FACE A UNE MEME TACHE DE CONSTRUCTION<br />

Berna<strong>de</strong>tte DENYS<br />

I.R.E.M. <strong>de</strong> Paris VII<br />

Denise GR EN 1ER<br />

Equipe <strong>de</strong> Didactique<br />

<strong>de</strong>s Mathématiques et <strong>de</strong> l' 1nformatique<br />

Université <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong> 1<br />

1- INTRODUCTION<br />

1. Les objectifs.<br />

Le but <strong>de</strong> cet article est <strong>de</strong> décrire les résultats d'expérimentations réalisées<br />

parallèlement avec <strong>de</strong>s élèves français et <strong>de</strong>s élèves japonais à propos <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong><br />

symétrie orthogonale. Plus précisément, nous avons tenté, à partir <strong>de</strong>s productions <strong>de</strong><br />

ces élèves dans une même tâche <strong>de</strong> construction, <strong>de</strong> comparer leurs conceptions <strong>de</strong><br />

cette notion et <strong>de</strong> déterminer l'influence, sur leurs réponses, <strong>de</strong> certaines variables<br />

caractéristiques <strong>de</strong>s figures et <strong>de</strong> la tâche.<br />

2. Cadre <strong>de</strong> notre recherche.<br />

Dans le mon<strong>de</strong>, la France et le Japon constituent <strong>de</strong>ux pôles culturels remarquables<br />

par leurs différences. L'organisation <strong>de</strong> l'espace, l'architecture, mais aussi le<br />

langage et les signes sont gérés <strong>de</strong> manières très différentes. Dans la langue française,<br />

toutes les étapes d'un raisonnement sont exprimées et, pour l'écrit, un seul alphabet<br />

est utilisé. Dans la langue japonaise, le <strong>de</strong>gré d'explicitation est beaucoup plus réduit,<br />

mais la richesse <strong>de</strong>s signes utilisés pour l'écrit est incomparable: on utilise <strong>de</strong>ux alphabets<br />

syllabiques, chacun <strong>de</strong> 52 signes, ainsi qu'environ 7 000 caractères chinois (kanji),<br />

sans oublier l'alphabet latin qui sert par exemple pour les écritures mathématiques(1).<br />

Une comparaison <strong>de</strong> l'organisation <strong>de</strong> l'espace et <strong>de</strong> l'architecture au Japon<br />

et en France a été faite par Augustin Berque (1982). Il ressort en particulier <strong>de</strong> cette<br />

étu<strong>de</strong> que l'architecture française privilégie les ordres géométriques et les perspectives,<br />

tandis que l'architecture japonaise traditionnelle les dédaigne, notamment la symétrie.<br />

Il semble que le penchant à l'asymétrie se soit développé en même temps que se définissait<br />

la civilisation japonaise.<br />

«<strong>petit</strong> x» nO 12 pp. 33 à 56.1986


34<br />

Des disciplines transculturelles et interculturelles se sont développées dans les<br />

vingt <strong>de</strong>rnières années, surtout dans les pays anglophones (Mauviel, 1984) ; eUes<br />

commencent à poindre en France alors que le patrimoine français est d'une gran<strong>de</strong><br />

richesse dans ce domaine.<br />

Plaçons-nous sur le plan <strong>de</strong> l'apprentissage. Comme le souligne M. Mauviel,<br />

l'individu puise dans l'héritage symbolique <strong>de</strong> son groupe (langue, système <strong>de</strong> valeurs,<br />

mouvements du corps... ), héritage qu'il transforme, et c'est ce processus qui contribue<br />

à organiser son système <strong>de</strong> perception.<br />

Il est sans doute intéressant <strong>de</strong> comparer la manière dont les contextes culturels<br />

français et japonais agissent sur le milieu scolaire et sur les processus d'acquisition<br />

<strong>de</strong>s connaissances mathématiques, en particulier <strong>de</strong>s connaissances géométriques.<br />

L'enseignement <strong>de</strong> la géométrie constitue un lieu privilégié d'observation <strong>de</strong>s structures<br />

mentales à travers les mo<strong>de</strong>s cognitifs d'appréhension <strong>de</strong> l'espace, en liaison avec les<br />

usages langagiers et la mise en œuvre <strong>de</strong> représentations symboliques.<br />

Parmi les notions géométriques enseignées au collège, la symétrie orthogonale<br />

est Une notion qui fait partie, pour l'élève, <strong>de</strong> son acquissocio-culturel ; il est intéressant<br />

d'étudier comment les élèves concilient l'objet d'enseignement et l'objet familier du<br />

milieu extra-scolaire.<br />

3. Quelques mots sur les programmes français et japonais.<br />

Nous donnons tout d'abord, dans le tableau 1· ci-<strong>de</strong>ssous, la correspondance<br />

entre les classes japonaises et les classes françaises pour les élèves <strong>de</strong> 11 à 15 ans.<br />

tableau 1<br />

correspondance entre l'âge et le niveau <strong>de</strong>s élèves en France etau Japon<br />

âge 11 12 13 14 15<br />

France<br />

Japon<br />

école<br />

classe<br />

école<br />

classe<br />

collège collège collège collège<br />

6 5 4­ 3<br />

élémentaire moyenne moyenne moyenne<br />

6­ 1 2 3<br />

(* année où la symétrie orthogonale est enseignée)<br />

La notion <strong>de</strong> symétrie orthogonale apparaît à <strong>de</strong>s étapes différentes dans les<br />

programmes français et japonais.<br />

Actuellement, les programmes français pour le collège laissent une gran<strong>de</strong><br />

latitu<strong>de</strong> au professeur pour l'organisation <strong>de</strong> son cours; l'accent est mis en classe <strong>de</strong>


35<br />

quatrième sur l'apprentissage <strong>de</strong> la démonstration. En géométrie plane, la translation,<br />

la symétrie centrale, la symétrie orthogonale et la projection sur une droite sont enseignées<br />

comme <strong>de</strong>s transformations ponctuelles. Dans les nouveaux programmes français<br />

mis en application à partir <strong>de</strong> septembre 1986, la symétrie orthogonale sera enseignée<br />

au moyen <strong>de</strong> transformation <strong>de</strong> figures en classe <strong>de</strong> 6ème, et non plus comme transformation<br />

ponctuelle en classe <strong>de</strong> 4ème comme elle l'était jusqu'à présent.<br />

Les programmes japonais pour l'école moyenne prévoient davantage <strong>de</strong> manipulations,<br />

<strong>de</strong> constructions, <strong>de</strong> mesures <strong>de</strong> figures géométriques planes et spatiales<br />

avant la découverte <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong> ces figures, peu <strong>de</strong> démonstrations sont faites.<br />

Les manuels sont peu diversifiés et les professeurs les suivent <strong>de</strong> très près. La symétrie<br />

orthogonale est enseignée dès la <strong>de</strong>rnière année d'école élémentaire à partir <strong>de</strong> la<br />

notion d'axe <strong>de</strong> symétrie d'une figure, et la symétrie centrale est enseignée aussitôt<br />

après.<br />

Il -<br />

LES TRAVAUX DE BASE ET LES PREMIERES OBSERVATIONS.<br />

1. Les travaux sur lesquels s'appuient notre recherche.<br />

Quelques étu<strong>de</strong>s concernant les transformations, et notamment la notion <strong>de</strong><br />

symétrie orthogonale, ont déjà été réalisées dans différents pays. En particulier, <strong>de</strong>s<br />

recherches françaises et anglaises ont déterminé l'existence <strong>de</strong> variables (caractéristiques<br />

<strong>de</strong>s figures ou <strong>de</strong> la tâche) qui ont une inci<strong>de</strong>nce sur les productions <strong>de</strong>s élèves<br />

dans une activité <strong>de</strong> construction. Nous citerons en particulier les recherches <strong>de</strong><br />

D. Kücheman et K.M. Hart en Angleterre (K. Hart, 1981), et celles <strong>de</strong> R. Gras (1983)<br />

et D. Grenier (1985a), en France.<br />

Les recherches faites à l'école japonaise <strong>de</strong> Paris sont plus particulièrement<br />

liées aux travaux <strong>de</strong> D. Grenier et M. Guillerault (Equipe <strong>de</strong> Didactique <strong>de</strong>s Mathématiques<br />

et <strong>de</strong> l'Informatique <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong>), qui ont mis en évi<strong>de</strong>nce les conceptions <strong>de</strong><br />

la symétrie orthogonale mobilisées par les élèves français <strong>de</strong> 11 à 15 ans (avant et<br />

après enseignement en classe <strong>de</strong> cette notion) dans une tâche <strong>de</strong> «construction à main<br />

levée». Lors d'une première expérimentation, ils avaient <strong>de</strong>mandé à <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> 13<br />

à 15 ans travaillant par binômes <strong>de</strong> tracer à main levée les figures symétriques <strong>de</strong><br />

figures données par rapport à une droite. Un observateur notait, pour chaque binôme,<br />

les différentes étapes <strong>de</strong> la construction et les arguments échangés par les <strong>de</strong>ux élèves<br />

(ils <strong>de</strong>vaient fournir une solution commune). Nous donnons ci-après (planche 1)<br />

les huit items qui avaient été proposés aux élèves sous forme <strong>de</strong> livret.


36<br />

2 5 6<br />

\<br />

3<br />

8<br />

planche 1<br />

L'analyse <strong>de</strong>s arguments échangés par les élèves et <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> résolution<br />

utilisées avait permis <strong>de</strong> repérer les liens entre certaines caractéristiques <strong>de</strong> la figure<br />

et les procédures <strong>de</strong> construction <strong>de</strong>s élèves. Ces caractéristiques, que nous appelons<br />

«variables didactiques» (variables dont les valeurs provoquent <strong>de</strong>s changements <strong>de</strong><br />

procédures chez les élèves) sont les suivantes:<br />

- la nature <strong>de</strong> la figure-objet, qui était ici un segment ou un point,<br />

- la position <strong>de</strong> la figure globale dans la feuille,<br />

- l'orientation <strong>de</strong> l'axe <strong>de</strong> symétrie dans la feuille,<br />

- la position relative <strong>de</strong> la figure-objet et <strong>de</strong> l'axe <strong>de</strong> symétrie (intersection<br />

avec l'axe, angle du segment et <strong>de</strong> l'axe),<br />

- le type <strong>de</strong> papier (blanc ou quadrillé).<br />

Cette expérimentation avec <strong>de</strong>s binômes avait montré également l'importance<br />

<strong>de</strong> certaines «règles d'action» mises en œuvre par les élèves, telles les procédures <strong>de</strong><br />

comptage su r le papier quadrillé ou les procédures <strong>de</strong> translation le long <strong>de</strong> lignes<br />

«horizontale» ou «verticale» dans la feuille, que nous avons nommées procédures <strong>de</strong><br />

types «rappel horizontal» ou «rappel vertical». Une analyse détaillée en a été faite<br />

dans <strong>petit</strong> x, numéro 7 (Grenier 1985a).<br />

Nous avons alors réalisé plusieurs observations à l'école japonaise <strong>de</strong> Paris<br />

(où les programmes officiels japonais sont en vigueud, en soumettant les élèves japonais<br />

à la même tâche, avec les mêmes figu res que celles proposées aux élèves français.<br />

Les objectifs <strong>de</strong> ces observations étaient les suivants:<br />

- repérer les conceptions mises en jeu par les élèves japonais à propos <strong>de</strong> la<br />

symétrie orthogonale dans une telle tâche <strong>de</strong> construction,<br />

- déterminer si les variables didactiques qui semblent influer sur les réponses<br />

<strong>de</strong>s élèves français dans cette tâche ont une influence analogue sur les réponses <strong>de</strong>s<br />

élèves japonais.


37<br />

Avant <strong>de</strong> donner les résultats <strong>de</strong> ces premières observations, nous allons analyser<br />

la tâche proposée aux élèves et les raisons <strong>de</strong> notre choix.<br />

2. Pourquoi une tâche <strong>de</strong> «construction à main levée» ?<br />

Dans toutes ces expérimentations, l'activité proposée aux élèves est une activité<br />

<strong>de</strong> construction à main levée <strong>de</strong> la figure symétrique d'une figure donnée par rapport<br />

à une droite donnée. Ce choix avait été fait, au départ, pour les expérimentations<br />

françaises qui concernaient <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> 6ème à 3ème, en vue <strong>de</strong> déterminer l'évolution<br />

<strong>de</strong> leurs conceptions avant et après l'enseignement en classe.<br />

Les élèves <strong>de</strong>s classes <strong>de</strong> 6ème et 5ème n'ayant pas eu l'enseignement <strong>de</strong> la<br />

symétrie en classe, nous avions donné dans toutes les classes la «définition» suivante:<br />

«Si on plie le long <strong>de</strong> la droite <strong>de</strong> symétrie, la figure-objet et sa figure symétrique se<br />

superposent parfaitement». Mais nous avions interdit le pliage, afin d'obliger les élèves<br />

à mettre en œuvre les propriétés attribuées, par eux, à la symétrie orthogonale.<br />

De plus, pour les élèves <strong>de</strong> 4ème et 3ème, la symétrie orthogonale avait été<br />

enseignée (en classe <strong>de</strong> 4ème) comme une transformation ponctuelle et les exercices<br />

proposés avaient comporté peu <strong>de</strong> constructions. Cette tâche nous permettait donc,<br />

en outre, d'étudier la capacité <strong>de</strong> ces élèves à réinvestir, dans cette activité, les connaissances<br />

apprises en classe.<br />

Les figures proposées étaient <strong>de</strong>s segments ou <strong>de</strong>s points, occupant différentes<br />

positions par rapport à l'axe <strong>de</strong> symétrie, cet axe <strong>de</strong> symétrie étant lui-même orienté<br />

<strong>de</strong> différentes manières dans la feuille (revoir la planche 1).<br />

Plus généralement, une telle tâche permet <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce la perception<br />

globale qu'ont les élèves d'une figure et <strong>de</strong> son symétrique, car elle n'entraîne ni les<br />

perturbations provoquées par l'usage d'instruments <strong>de</strong> construction, ni les problèmes<br />

langagiers posés par une <strong>de</strong>scription écrite.<br />

Enfin, pour une comparaison entre les productions <strong>de</strong>s élèves français et celles<br />

<strong>de</strong>s élèves japonais, le choix <strong>de</strong> cette tâche nous autorise à étudier ces productions<br />

indépendamment <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nces langagières.<br />

3. Premières observations comparatives franco-japonaise.<br />

Les premières observations faites à l'école japonaise ont consisté à proposer le<br />

livret <strong>de</strong> la première expérimentation menée à <strong>Grenoble</strong> (Grenier, 1985a) à <strong>de</strong>ux<br />

binômes d'élèves japonais <strong>de</strong> 13 ans <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième année d'école moyenne (ils avaient<br />

reçu un enseignement <strong>de</strong> la symétrie orthogonale <strong>de</strong>ux ans auparavant). Les figures<br />

proposées (celles reproduites dans la planche 1) étaient constituées <strong>de</strong> points ou <strong>de</strong><br />

segments occupant différentes positions par rapport à l'axe <strong>de</strong> symétrie. La réussite


38<br />

excellente <strong>de</strong> chaque binôme a montré que ces élèves <strong>de</strong> l'école japonaise n'éprouvaient<br />

pas les difficultés rencontrées par les élèves français <strong>de</strong> 13 à 15 ans dans ce type <strong>de</strong><br />

tâche. En particulier, un comportement rare pour l'élève français s'est avéré naturel<br />

pour l'élève japonais: celui qui consiste, lorsque l'axe est «oblique», à tourner la feuille<br />

<strong>de</strong> manière à placer l'axe dans la position «verticale».<br />

Ces résultats nous ont conduites à mener une observation auprès d'élèves<br />

japonais plus jeunes, dans une situation <strong>de</strong> travail individuel. Elle a mis en évi<strong>de</strong>nce,<br />

chez les élèves japonais <strong>de</strong> 10 à 12 ans, <strong>de</strong>s erreurs déjà repérées chez les élèves français.<br />

Les figures proposées étaient celles qui avaient été données aux binômes, excepté la<br />

figure 2 qui n'avait posé aucun problème dans les <strong>de</strong>ux populations d'élèves : nous<br />

les reproduisons dans la planche 2 ci-<strong>de</strong>ssous. Les différents résultats obtenus fournissent<br />

une première comparaison d'une part entre les réussites <strong>de</strong>s élèves japonais<br />

et celles <strong>de</strong>s élèves français (tableau 2) et, d'autre part, entre les différents types<br />

d'erreurs rencontrées dans les <strong>de</strong>ux populations.<br />

5 6<br />

\<br />

3 4 B<br />

planche 2<br />

tableau 2 : nombre <strong>de</strong> bonnes réponses<br />

élèves japonais<br />

élèves français<br />

o.<br />

n Item 10-11 ans 11-12 ans 12-13 ans 11-15 ans<br />

1<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

8<br />

22/26<br />

21/26<br />

10/26<br />

10/26<br />

11/26<br />

8/26<br />

10/26<br />

35/37<br />

34/37<br />

25/37<br />

20/32<br />

30/37<br />

17/32<br />

28/36<br />

24/24<br />

24/24<br />

22/24<br />

23/24<br />

23/23<br />

22/24<br />

21/24<br />

20/22<br />

21/23<br />

12/23<br />

12/23<br />

16/23<br />

8/23<br />

8/28<br />

Les résultats essentiels qui ressortent <strong>de</strong> cette expérimentation sont les suivants<br />

(ils ne sont pas tous visibles sur le tableau précé<strong>de</strong>nt) :


39<br />

1 - Il semble que, dans cette tâche, les performances <strong>de</strong> l'élève <strong>de</strong> 12 ans<br />

<strong>de</strong> l'école japonaise <strong>de</strong> Paris soient comparables à celles <strong>de</strong> l'élève français <strong>de</strong> 14 ans<br />

<strong>de</strong> niveau moyen. Mais il faut noter que la tâche <strong>de</strong> construction proposée est plus<br />

proche <strong>de</strong>s travaux usuels <strong>de</strong>s élèves japonais que <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong>s élèves français.<br />

âges différents.<br />

2 - Des erreurs <strong>de</strong> même type ont été repérées <strong>de</strong> part et d'autre, mais à <strong>de</strong>s<br />

3 - Cependant, si l'enseignement <strong>de</strong> la symétrie orthogonale ne permet pas<br />

aux élèves japonais <strong>de</strong> 11 ans <strong>de</strong> surmonter toutes les difficultés, du moins, en <strong>de</strong>uxième<br />

année d'école moyenne (13 ans), les erreurs disparaissent presque totalement (voir<br />

tableau 2).<br />

Ces résultats nous ont incitées à une expérimentation plus affinée, d'une<br />

part pour vérifier le constat <strong>de</strong> la très gran<strong>de</strong> réussite, dans cette tâche, <strong>de</strong>s élèves<br />

japonais <strong>de</strong> 13 ans (ce qui n'est pas le cas pour les élèves français <strong>de</strong> 15 ans) et, d 1 autre<br />

part, pour tenter <strong>de</strong> comparer plus précisément les erreurs <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux populations.<br />

III - L'EXPERIMENTATION.<br />

1. Présentation <strong>de</strong> l'expérimentation.<br />

Cette <strong>de</strong>uxième série d'observations a eu lieL! à l'école japonaise <strong>de</strong> Paris à<br />

la suite d'une nouvelle expérimentation, réalisée à <strong>Grenoble</strong>, proposant le même<br />

exercice <strong>de</strong> construction à main levée à un grand nombre d'élèves <strong>de</strong> collège en situation<br />

<strong>de</strong> résolution individuelle. Il s'agissait <strong>de</strong> vérifier <strong>de</strong> façon plus systématique l'influence<br />

<strong>de</strong> certaines variables sur les réponses <strong>de</strong>s élèves, et, pour cela, <strong>de</strong> fixer les valeurs<br />

<strong>de</strong>s autres variables.<br />

Ainsi, nous n'avons gardé qu'un seul type <strong>de</strong> figure-objet: le segment, qui est<br />

une figure relativement simple et, en tout cas, classiquement proposée comme exemple<br />

dans les manuels scolaires pour illustrer le symétrique d'une figure. D'autre part, la<br />

position <strong>de</strong> la figure globale dans la feuille avait été choisie pour permettre les réponses<br />

<strong>de</strong> types «rappel horizontal» et «rappel vertical» (c'est-à-dire qu'il était possible <strong>de</strong><br />

tracer les images <strong>de</strong> ce type dans le cadre <strong>de</strong> la feuille).<br />

Les résultats ont montré l'influence sur les réponses <strong>de</strong>s élèves français <strong>de</strong>s<br />

variables su ivantes :<br />

- l'orientation <strong>de</strong> l'axe dans la feuille (verticale, horizontale, oblique à 45°) ;<br />

- la position relative du segment et <strong>de</strong> l'axe <strong>de</strong> symétrie (intersection du<br />

segment et <strong>de</strong> l'axe, gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> l'angle du segment et <strong>de</strong> l'axe) ;<br />

- le type <strong>de</strong> papier (blanc ou quadrillé).


40<br />

Parmi les items <strong>de</strong> cette expérimentation dans les classes françaises, nous en<br />

avons retenu douze qui nous ont semblé particulièrement pertinents pour comparer,<br />

dans les réponses <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux populations, le rôle <strong>de</strong>s variables choisies.<br />

Ainsi, l'orientation <strong>de</strong> l'axe dans la feuille a été fixée «oblique à 45 <strong>de</strong>grés<br />

gauche» ou «oblique à 45 <strong>de</strong>grés droite», car les items avec orientation «verticale»<br />

ou «horizontale» <strong>de</strong> l'axe avait été très bien réussis par les élèves japonais.<br />

Par contre, ces items comprenaient toutes les positions relatives du segment<br />

et <strong>de</strong> l'axe <strong>de</strong> symétrie et les <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> papier. Les douze figures choisies sont<br />

présentées dans la planche 3 du paragraphe 4, ainsi qu'une analyse <strong>de</strong>s difficultés<br />

qu'elles présentent et <strong>de</strong>s résultats attendus.<br />

2. Le dispositif expérimental et la consigne.<br />

Ce livret <strong>de</strong> douze items a été proposé aux élèves japonais <strong>de</strong> 11 à 14 ans,<br />

c'est-à-dire en sixième année d'école élémentaire, première et <strong>de</strong>uxième année d'école<br />

moyenne. L'analyse laissant prévoir <strong>de</strong>s résultats excellents dès la <strong>de</strong>uxième année,<br />

l'expérimentation n'a pas été réalisée en troisième année d'école moyenne. Ces douze<br />

items avaient été proposés à <strong>de</strong>s élèves français <strong>de</strong> quatre niveaux différents (6ème à<br />

3ème) choisis dans <strong>de</strong>s collèges très divers <strong>de</strong> la région grenobloise.<br />

La consigne a été donnée oralement ou par écrit par le professeur japonais.<br />

En voici la traduction littérale:<br />

«La symétrie, c'est le fait d'avoir <strong>de</strong>s formes i<strong>de</strong>ntiques, formées <strong>de</strong> points,<br />

lignes, etc., par rapport à la ligne grosse et longue. Tracer une forme i<strong>de</strong>ntique à celle<br />

qu'on trouve dans la figure <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la ligne grosse et longue».<br />

Les élèves japonais soumis à cette expérimentation avaient tous reçu un enseignement<br />

<strong>de</strong> la symétrie orthogonale(3l.<br />

Pour les élèves français, la consigne, écrite sur la première page du livret distribué<br />

aux élèves avait été lue par le professeur à voix haute à toute la classe: «Pour<br />

chaque figure, tracer le symétrique du segment par rapport à la droite».<br />

Les élèves <strong>de</strong>s classes <strong>de</strong> 6ème et 5ème n'ayant pas eu d'enseignement <strong>de</strong> la<br />

symétrie orthogonale, il fallait se mettre d'accord sur la signification <strong>de</strong> l'expression


41<br />

«figure symétrique d'une figure donnée». La «définition» proposée aux élèves <strong>de</strong>s<br />

quatre classes était la suivante: «Quand on plie le long <strong>de</strong> la droite, la figure donnée et<br />

la figure symétrique se superposent parfaitement. Vous pouvez imaginer le pliage,<br />

mais vous ne <strong>de</strong>vez pas plier».<br />

On trouve dans les livres japonais la définition dont voici une traduction :<br />

Lorsqu'on plie en <strong>de</strong>ux une forme suivant une ligne droite et que les parties <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

côtés se superposent complètement, on dit que cette forme est une symétrie-droite.<br />

De plus, cette ligne droite s'appelle axe <strong>de</strong> symétrie.<br />

En France, la définition usuelle que nous pouvons trouver dans les manuels<br />

<strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> quatrième présente la symétrie comme une transformation ponctuelle<br />

du plan. Mais la «définition» donnée aux élèves français dans cette expérimentation<br />

était proche <strong>de</strong> celle proposée dans les livres japonais.<br />

3. Une typologie <strong>de</strong>s réponses <strong>de</strong>s élèves.<br />

Pour décrire les figures et rendre compte <strong>de</strong>s réponses attendues, nous avons<br />

utilisé la typologie décrite par D. Grenier (1985b). Cette typologie est un essai <strong>de</strong><br />

classement <strong>de</strong>s différentes procédures utilisées par les élèves français dans cette tâche<br />

<strong>de</strong> construction à main levée. Nous la reproduisons dans le tableau 3 ci-<strong>de</strong>ssous.<br />

tableau 3<br />

Principaux types <strong>de</strong> procédures utilisées par les élèves dans cette tâche<br />

- Réponses <strong>de</strong> type «orthogonalité» : la détermination <strong>de</strong>s sommets <strong>de</strong> la<br />

figure-image se fait le long <strong>de</strong>s droites orthogonales à l'axe et passant par ces<br />

sommets (fig. la, lb). Ces réponses sont correctes dès que le report <strong>de</strong> la<br />

distance à l'axe <strong>de</strong> symétrie est exact (fig. la).<br />

fig.1a fig.1 b<br />

[]<br />

- Réponses <strong>de</strong> type «recouvrement partiel ou total» qui donnent pour<br />

image une figure recouvrant partiellement ou totalement la figure-objet (fig.<br />

2a,2b).<br />

fig.2a<br />

fig.2b


42<br />

- Réponses <strong>de</strong> type «prolongement» qui donnent pour image une figure<br />

située dans le prolongement <strong>de</strong> la figure-objet (fig. 3a, 3b) ; ce prolongement<br />

peut s'accompagner d'un recouvrement partiel ou total <strong>de</strong> la figure-objet.<br />

fig.38<br />

fig.3b<br />

- Réponses <strong>de</strong> types «parallélisme» ou «translation» qui donnent pour<br />

image une figure translatée globalement <strong>de</strong> la figure-objet (fig. 4a, 4b).<br />

fig.4a<br />

fig.4b<br />

- Réponses <strong>de</strong> types «rappel horizontal» ou «rappel vertical» qui donnent<br />

pour image une figure dont les sommets sont obtenus par translations<br />

horizontale ou verticale <strong>de</strong>s sommets <strong>de</strong> la figure-objet (fig. Sa, Sb).<br />

fig. 58<br />

~<br />

1 1<br />

fig.5b<br />

Les réponses <strong>de</strong> type «orthogonalité» sont correctes dès que le report <strong>de</strong> la<br />

distance à l'axe <strong>de</strong> symétrie est exact. Les quatre autres types <strong>de</strong> procédures <strong>de</strong> résolution<br />

peuvent donner lieu à <strong>de</strong>s réponses exactes (fig. 2a, 3a, 4a, Sa) ou à <strong>de</strong>s réponses<br />

fausses (fig. 2b, 3b, 4b, Sb).


43<br />

4. Analyse <strong>de</strong>s figures.<br />

La planche 3 ci-<strong>de</strong>ssous donne les 12 figures <strong>de</strong> l'expérimentation*.<br />

2<br />

planche 3<br />

Nous avons analysé <strong>de</strong>s figures en fonction <strong>de</strong>s variables dont nous voulions<br />

observer l'influence. Les résultats <strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>ntes observations nous permettaient<br />

<strong>de</strong> proposer une classification a priori <strong>de</strong>s valeurs <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong> ces variables.<br />

tableau 4 : classification <strong>de</strong>s valeurs <strong>de</strong>s variables<br />

variable valeurs par ordre <strong>de</strong> difficulté croissante valeur non classée<br />

«i ntersection<br />

segment-axe»<br />

«valeur <strong>de</strong> l'angle<br />

(s, a)>><br />

«type <strong>de</strong> papier»<br />

«orientation<br />

du segment»<br />

T (touche)<br />

Ne (ne coupe pas)<br />

e (coupe)<br />

S (superposition)<br />

D (droit, 90°)<br />

P (<strong>petit</strong>, entre 0° et 45°)<br />

G (grand, entre 45° et 90°)<br />

B (blanc)<br />

Q (quadrillé)<br />

V (verticale)<br />

H (Horizontale)<br />

o (oblique)<br />

R (remarquable, 0° et 45°)<br />

* Pour vous permettre <strong>de</strong> suivre facilement cette analyse, une feuille détachable {reproduisant ces<br />

figures est mise à votre disposition en fin d'article (recto <strong>de</strong> la feuille).


44<br />

Quelques commentaires sur cette classification.<br />

Pour la variable «intersection segment-axe», nous pensions que la détermination<br />

du symétrique est plus difficile si le segment donné coupe l'axe, et plus encore<br />

s'il est porté par l'axe. Par contre, si le segment touche l'axe, le point <strong>de</strong> contact sert<br />

d'appui pour la construction et, en ce sens facilite la tâche.<br />

Nous appelons «angle (s, ah> l'angle aigu formé par les droites portant le<br />

segment et l'axe. Lorsque la valeur <strong>de</strong> cet angle est gran<strong>de</strong> (entre 45 0<br />

et 90°), les<br />

procédures <strong>de</strong> prolongement apparaissent (revoir la typologie <strong>de</strong>s réponses). Lorsque<br />

l'angle (s, a) vaut 90°, la procédure <strong>de</strong> «prolongement» se confond avec la procédure<br />

«d'hortogonalité» et peut donc aboutir à un résultat juste.<br />

Nous avons déjà vu l'inci<strong>de</strong>nce du papier quadrillé sur les procédures <strong>de</strong> comptage<br />

et les difficultés que le quadrillage soulève dès que l'axe n'est ni vertical, ni horizontal.<br />

La valeur 45° <strong>de</strong> l'angle (s, a) est remarquable car, dans les figures 7 et 8, le<br />

segment prend une orientation verticale ou horizontale. Ces orientations particulières<br />

peuvent provoquer <strong>de</strong>s procédures erronées <strong>de</strong> types «parallélisme» ou «prolongement»<br />

et rendre la tâche plus difficile.<br />

Enfin, la valeur (s, a) égale à 0° peut donner lieu à un item facile si le segment<br />

est strictement parallèle à l'axe (fig. 10), mais qu'en est-il si le segment est porté par<br />

l'axe?<br />

Description <strong>de</strong>s figures.<br />

Le tableau ci-<strong>de</strong>ssous donne les valeurs <strong>de</strong> ces variables pour chacune <strong>de</strong>s figures.<br />

tableau 5: figures et variables<br />

nO figure angle (s, a) intersection<br />

segment-axe<br />

type <strong>de</strong><br />

papier<br />

orientation<br />

du segment<br />

1 p Ne B a<br />

2 G Ne Q a<br />

3 G T Q a<br />

4 p T B a<br />

5 p e B a<br />

6 G e Q a<br />

7 R e Q v<br />

8 R e B H<br />

9 R S Q a<br />

la R Ne B a<br />

11 D T B a<br />

12 D e Q a


45<br />

Dans les items 1, 2, 3, 4, le segment se trouve dans un seul <strong>de</strong>mi-plan par<br />

rapport à l'axe <strong>de</strong> symétrie. Nous voulions particulièrement observer la variable «angle<br />

segment-axe» : son influence est-elle analogue sur les réponses <strong>de</strong>s élèves français<br />

et celles <strong>de</strong>s élèves japonais?<br />

Dans les items 5, 6, 7, 8, le segment coupe l'axe <strong>de</strong> symétrie. Nous voulions<br />

savoir si la réelle difficulté provoquée par cette position du segment par rapport à<br />

l'axe <strong>de</strong> symétrie, difficulté observée chez les élèves français, se retrouve chez les<br />

élèves japonais.<br />

Dans les items 9, 10, 11, 12, la variable «angle segment-axe» prend <strong>de</strong>ux<br />

valeurs particulières : 0 0 et 90 0 , valeurs pour lesquelles le segment-image a même<br />

direction que le segment-objet. Nous pensions que les items 10 et 11 ne présentaient<br />

pas <strong>de</strong> difficultés. Par contre, les items 9 et 12 posent le problème <strong>de</strong> la superposition<br />

<strong>de</strong>s segments objet et image.<br />

Dans chacun <strong>de</strong>s trois groupes <strong>de</strong> quatre figures, nous avons fait varier le type<br />

<strong>de</strong> papier (blanc ou quadrillé).<br />

5. Analyse <strong>de</strong>s résultats.<br />

Les résultats qui suivent concernent les douze items choisis pour l'expérimentation<br />

à l'école japonaise <strong>de</strong> Paris et les mêmes items issus <strong>de</strong> l'expérimentation française<br />

qui avait précédé. Les effectifs étant <strong>de</strong> 80 élèves français et 110 élèves japonais, ces<br />

résultats sont à prendre en compte <strong>de</strong> manière plus qualitative que quantitative.<br />

tableau 6 : nombres <strong>de</strong> bonnes réponses obtenues par ftem èt par classe<br />

nO item figure papier<br />

classes françaises<br />

classes japonaises<br />

6ème 5ème 4ème 3ème 6ème 1ère 2ème<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

8<br />

9<br />

10<br />

11<br />

12<br />

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B<br />

Q<br />

Q<br />

B<br />

B<br />

Q<br />

Q<br />

B<br />

Q<br />

B<br />

B<br />

Q<br />

19/21<br />

9/20<br />

13/20<br />

19/20<br />

13/20<br />

2/20<br />

6/20<br />

12/20<br />

12/21<br />

14/20<br />

18/20<br />

10/21<br />

21/21<br />

8/20<br />

8/21<br />

20/21<br />

20/21<br />

7/20<br />

11/20<br />

10/20<br />

15/22<br />

18/20<br />

19/21<br />

10/21<br />

20/21<br />

14/20<br />

16/20<br />

20/21<br />

19/21<br />

13/20<br />

15/20<br />

12/20<br />

18/21<br />

18/20<br />

20/20<br />

12/21<br />

19/21<br />

12/20<br />

13/21<br />

21/21<br />

19/21<br />

11/20<br />

12/20<br />

12/20<br />

17/22<br />

18/20<br />

21/21<br />

14/21<br />

42/47<br />

34/46<br />

26/47<br />

43/47<br />

42/47<br />

18/47<br />

29/47<br />

37/47<br />

22/47<br />

42/47<br />

44/47<br />

18/46<br />

32/36<br />

29/36<br />

25/36<br />

33/36<br />

34/36<br />

27/36<br />

28/36<br />

29/36<br />

21/35<br />

35/36<br />

33/36<br />

18/36<br />

24/25<br />

22/25<br />

23/25<br />

24/25<br />

25/25<br />

22/25<br />

24/25<br />

24/25<br />

25/25<br />

25/25<br />

25/25<br />

23/25


46<br />

tableau 7 : pourcentages <strong>de</strong>s réussites <strong>de</strong>s élèves par classe.<br />

classes françaises<br />

6 5 4 3<br />

61% 68% 80% 76%<br />

classes japonaises<br />

6 1 2<br />

71% 80% 95%<br />

a) Trois constatations s'imposent en premier lieu.<br />

- Le taux <strong>de</strong> réussite <strong>de</strong>s élèves japonais est, dans l'ensemble nettement supérieur<br />

à celui <strong>de</strong>s élèves français. Les performances <strong>de</strong> l'élève <strong>de</strong> 12 ans <strong>de</strong> l'école japonaise<br />

<strong>de</strong> Paris (début <strong>de</strong> 1ère année au moment où l'expérimentation a été faite)<br />

sont comparables à celles <strong>de</strong> l'élève français <strong>de</strong> 14 ans (fin <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> 4ème <strong>de</strong><br />

collège).<br />

- La progression du taux <strong>de</strong> réussite avec le niveau <strong>de</strong> la classe est très nette<br />

à l'école japonaise où la réussite en <strong>de</strong>uxième année d'école moyenne (14 ans) est<br />

presque totale. Par contre, pour les élèves français, la progression est moins évi<strong>de</strong>nte<br />

entre les classes <strong>de</strong> 6ème et <strong>de</strong> 3ème, <strong>de</strong> plus, elle est inexistante entre la 4ème et la<br />

3ème.<br />

- Le taux <strong>de</strong> réussite sur papier quadrillé est, dans l'ensemble, nettement<br />

inférieur au taux <strong>de</strong> réussite sur papier blanc, tant pour les élèves japonais que pour<br />

les élèves français. Dans le cadre <strong>de</strong> cette expérimentation, il n'y a pas eu cependant<br />

<strong>de</strong> comparaison <strong>de</strong> la même figure sur papier blanc et sur papier quadrillé.<br />

Les <strong>de</strong>ux premières constatations confirment le processus <strong>de</strong> maturation<br />

qui se produit chez les élèves japonais entre la 1ère et la 2ème année d'école moyenne.<br />

Plus précisément, regardons les résultats aux items 2, 3, 6, 7,8 et 12 qui semblent<br />

les plus significatifs. Ces items ne sont bien réussis, ni par les élèves français (même<br />

en classe <strong>de</strong> 3ème), ni par les élèves japonais en 1ère année, alors qu'ils le sont parfaitement<br />

par les élèves japonais en 2ème année d'école moyenne.<br />

En examinant les valeu rs <strong>de</strong>s variables décrites ci-<strong>de</strong>ssus, nous avons été amenées<br />

aux remarques suivantes:<br />

- d'une part, les items 2, 3 et 6 sont les seuls pour lesquels l'angle (s, a) est<br />

grand,<br />

- d'autre part, les items 7, 8 et 12 ont en commun une valeur remarquable<br />

<strong>de</strong> l'angle (s, a) et, pour chacun d'entre eux, le segment coupe la droite <strong>de</strong> symétrie.


47<br />

Nous pouvons conclure que les variables «angle (s, ah> et «intersection segmentaxe»<br />

influencent les réponses <strong>de</strong>s élèves français même après enseignement en classe <strong>de</strong><br />

la notion, alors que les difficultés soulevées par ces variables sont surmontées par les<br />

élèves japonais dès la 2ème année d'école moyenne.<br />

b) Le tableau suivant nous donne le pourcentage <strong>de</strong> bonnes réponses obtenues<br />

par l'ensemble <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> chaque population pour chaque figure.<br />

tableau 8 : pourcentage <strong>de</strong>s bonnes réponses pour l'ensemble <strong>de</strong>s élèves.<br />

nO <strong>de</strong> la figure 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12<br />

élèves français 94 54 62 96 87 41 55 57 72 85 95 53<br />

élèves japonais 91 79 69 93 94 62 75 83 64 95 94 55<br />

Ce tableau donne une «moyenne» <strong>de</strong>s réussites à chaque figure, toutes classes<br />

confondues. Il met en évi<strong>de</strong>nce les différences <strong>de</strong> réussite entre élèves français et<br />

élèves japonais, particulièrement importantes pour les items 2, 6, 7 et 8, puisqu'elles<br />

sont <strong>de</strong> 20% et plus. Nous en tentons une analyse plus loin. Par contre, il faut se reporter<br />

au tableau 6 pour voir la très gran<strong>de</strong> réussite <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> 2ème année <strong>de</strong> l'école<br />

japonaise et la faible réussite au contraire <strong>de</strong>s élèves français <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière année <strong>de</strong><br />

collège.<br />

Propositions <strong>de</strong> classement <strong>de</strong>s items.<br />

A partir <strong>de</strong>s résultats du tableau 8, nous pouvons donner un classement <strong>de</strong>s<br />

items par ordre décroissant <strong>de</strong> réussite chez les élèves français et chez les élèves japonais.<br />

tableau 9: classement <strong>de</strong>s items par ordre <strong>de</strong> réussite décroissante.<br />

élèves français 4--11-1-5-10 -9-3-8-7- 2 -12-6<br />

élèves japonais 10-5-11-4-1 --8-2-7-3-9 - 6 - 12<br />

Les figures 4, 11, 1,5, 10 forment un groupe d'items qui sont les mieux réussis<br />

par les élèves <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux populations; ces items sont tous sur papier blanc, ce qui va<br />

dans le sens <strong>de</strong> la remarque faite ci-<strong>de</strong>ssus. Il semble que le papier quadrillé perturbe<br />

la perception globale <strong>de</strong> la figure, ce qui est confirmé par les résultats obtenus auprès<br />

<strong>de</strong>s élèves français auxquels chaque figure avait été proposée sur les <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong><br />

papier. L'item B, le <strong>de</strong>rnier sur papier blanc, suit immédiatement dans le classement<br />

japonais, mais non dans le classement français. Les élèves français semblent plus sensibles<br />

à la variable «orientation du segment dans la feuille», qui prend ici une valeur<br />

particulière, la valeur «horizontale».


48<br />

Il apparaît aussi que les items 6 et 12 sont les moins bien réussis pour les<br />

élèves <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux populations,<br />

c) Comparaison <strong>de</strong>s erreurs.<br />

Pour tenter <strong>de</strong> comprendre ces ressemblances et ces différences <strong>de</strong> réussite,<br />

nous avons regardé plus précisément quelles étaient les erreurs faites par les élèves<br />

français et les élèves japonais*,<br />

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Les principaux tMpes d'erreurs<br />

* Le verso <strong>de</strong> la fiche détachable, donnant un exemple <strong>de</strong> chaque type d'erreur mentionné dans le<br />

tableau 10, vous permettra d'en suivre plus facilement l'analyse.


49<br />

tableau 10: comparaison <strong>de</strong>s principaux types d'erreurs.<br />

nO figure types d'erreurs classes<br />

françaises<br />

classes<br />

japonaises<br />

exemple <strong>de</strong><br />

types d'erreurs<br />

1 translations 1/84 5/108 (a), (b), (c)<br />

2 prolongements ou autres translations<br />

rappels horizontaux ou verticaux<br />

13/80<br />

16/80<br />

13/107<br />

3/107<br />

(a), (b), (c)<br />

(d), (e)<br />

3 prolongements<br />

pentes fausses<br />

16/80<br />

14/82<br />

29/108<br />

1/108<br />

(a)<br />

(b), (c), (d)<br />

4 prolongements<br />

autres translations<br />

2/83<br />

0/83<br />

2/108<br />

4/108<br />

(a)<br />

(b), (c)<br />

5 i<strong>de</strong>ntité<br />

translations<br />

3/83<br />

5/83<br />

0/107<br />

1/107<br />

(a)<br />

(b), (c)<br />

6 prolongements avec ou sans recouvrement<br />

autres translations<br />

rappels horizontaux ou verticaux<br />

symétrie/axe perpend. axe donné<br />

<strong>de</strong>mi-symétries<br />

13/80<br />

4/80<br />

4/80<br />

3/80<br />

6/80<br />

8/108<br />

2/108<br />

10/108<br />

5/108<br />

6/108<br />

(a)<br />

(b)<br />

(c)<br />

(d)<br />

(e), (f)<br />

7 prolongements<br />

translations é\vec rappel horizontal<br />

autres translations<br />

8/80<br />

6/80<br />

7/80<br />

7/108<br />

1/108<br />

7/108<br />

(a)<br />

(b), (c)<br />

(d)<br />

8 i<strong>de</strong>ntité<br />

pentes fausses<br />

translations<br />

10/80<br />

9/aO<br />

7/80<br />

0/108<br />

6/108<br />

6/108<br />

(a)<br />

(b), (c)<br />

(d), (e), (f)<br />

9 images sur l'axe <strong>de</strong> symétrie<br />

autres translations<br />

symétrie/axe vertical<br />

6/86<br />

3/86<br />

0/86<br />

16/107<br />

4/107<br />

7/107<br />

(a)<br />

(b), (c)<br />

(d)<br />

10 translations et rappels horizontaux<br />

images non parallèles à l'objet<br />

5/80<br />

3/80<br />

2/108<br />

1/108<br />

(a)<br />

(b)<br />

11 erreurs non remarquables<br />

12 translations<br />

symétrie/axe vertical ou horizontal<br />

tracés d'un carré<br />

<strong>de</strong>m i-symétries<br />

impossibilité ou non-réponse<br />

7/84<br />

6/84<br />

0/84<br />

10/84<br />

10/84<br />

10/107<br />

14/107<br />

6/107<br />

1/107<br />

6/107<br />

(a), (b), (c)<br />

(d)<br />

(e)<br />

(f)<br />

note: les lettres figurant dans la colonne «types d'erreurs» correspon<strong>de</strong>nt, pour chaque item, aux<br />

notations figurant dans les figures situées au verso <strong>de</strong> la feuille détachable. Il convient donc <strong>de</strong> se<br />

référer à cette page pour la lecture <strong>de</strong> ce tableau.


50<br />

Les items les mieux réussis.<br />

Les items 1, 4, 5, 10 et 11 ont été très bien réussis tant par les élèves français<br />

que par les élèves japonais. Or dans les items 1,4 et 5, l'angle (s a) est <strong>petit</strong>: ce résultat<br />

confirme que la valeur P <strong>de</strong> cette variable rend la tâche facile, pour les trois valeurs<br />

T, Ne et e <strong>de</strong> la variable «intersection segment-axe». Pour les items 10 et 11, il nous<br />

est difficile <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r si la réussite, bonne dans les <strong>de</strong>ux populations d'élèves, vient<br />

<strong>de</strong> la procédure correcte ou <strong>de</strong> procédures <strong>de</strong> prolongement ou <strong>de</strong> parallélisme, à<br />

cause <strong>de</strong>s valeurs particulières <strong>de</strong> l'angle (s, a) pour lesquelles ces procédures sont<br />

confondues.<br />

Les plus gran<strong>de</strong>s différences <strong>de</strong> réussite.<br />

Les items 2, 6, 7 et 8 ont provoqué une différence <strong>de</strong> taux <strong>de</strong> réussite <strong>de</strong> 20<br />

à 26% <strong>de</strong> plus pour les élèves japonais. Pour les items 2 et 7, l'erreur la plus fréquente<br />

consiste à tracer un segment parallèle au segment donné, comme indiqué ci-<strong>de</strong>ssous.<br />

item 2 item 7<br />

Mais la différence <strong>de</strong> réussite provient essentiellement <strong>de</strong>s erreurs <strong>de</strong> types<br />

«rappel horizontal» ou «rappel vertical» <strong>de</strong>s élèves français.<br />

Par contre, pour l'item 8 où le segment donné est horizontal, les erreurs sont<br />

différentes : l'erreur <strong>de</strong> pente est beaucoup plus fréquente pour les élèves français<br />

que pour les élèves japonais et, surtout, l'erreur <strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité» est très répandue<br />

chez les élèves français et n'apparaît pas chez les élèves japonais, nous analysons<br />

plus loin ce <strong>de</strong>rnier type d'erreur, en même temps que les réponses aux items 9 et 12.<br />

Un item qui cumule toutes les difficultés.<br />

L'item 6 a été mal réussi tant pour les élèves français que par les élèves japonais,<br />

pour cet item, le papier est quadrillé, l'angle segment-axe est supérieur à 45 <strong>de</strong>grés<br />

et le segment coupe l'axe. Nous trouvons ici une confirmation du rôle joué, dans les<br />

<strong>de</strong>ux populations, par les trois variables : type <strong>de</strong> papier, angle segment-axe, intersection<br />

du segment et <strong>de</strong> l'axe. Les erreurs sont <strong>de</strong> même type <strong>de</strong> part et d'autre,<br />

mais la différence <strong>de</strong> réussite d'ensemble (21 % <strong>de</strong> plus pou r les élèves japonais) est<br />

due essentiellement à la réussite presque totale <strong>de</strong>s élèves japonais <strong>de</strong> 2ème année<br />

d'école moyenne.


51<br />

L'item 3, un peu mieux réussi par les élèves japonais, a provoqué <strong>de</strong>s erreurs<br />

différentes: pour les japonais, dans presque tous les cas, il s'agit du prolongement du<br />

tracé donné, alors que, pour les français, il s'agit tantôt <strong>de</strong> prolongements, tantôt<br />

d'erreurs <strong>de</strong> pente. Précisons à quoi correspon<strong>de</strong>nt ces erreurs <strong>de</strong> pente. Une procédure<br />

<strong>de</strong> comptage <strong>de</strong>s carreaux (2 - 8) peut être cause <strong>de</strong>s réponses fausses <strong>de</strong> type (a)<br />

ou (b). Les réponses <strong>de</strong> types (c) ou (d) proviennent sans doute du fait que le quadrillage<br />

du papier fausse la perception globale <strong>de</strong> la figure et <strong>de</strong> son symétrique.<br />

Pour l'item 9, le taux <strong>de</strong> réussite <strong>de</strong>s élèves japonais est inférieur à celui <strong>de</strong>s<br />

élèves français, avec une réussite moyenne <strong>de</strong> part et d'autre. Cette réussite moyenne<br />

peut venir <strong>de</strong> la difficulté pour l'élève <strong>de</strong> tracer l'image d'un segment porté par l'axe<br />

<strong>de</strong> symétrie. La différence du taux <strong>de</strong> réussite est peut-être à corréler avec les réponses<br />

<strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité» obtenues chez les élèves français à l'item 8. Nous retrouvons cette<br />

difficulté <strong>de</strong> superposer le segment-image et le segment-objet dans les réponses à<br />

l'item 12 qui a provoqué <strong>de</strong>s résultats médiocres pour les uns et les autres.<br />

Un type <strong>de</strong> réponse particulier: l'i<strong>de</strong>ntité.<br />

Examinons plus précisément les items où la réponse <strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité» est<br />

apparue (item 8,9 et 12).<br />

tableau 11 : les réponses <strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité».<br />

figures nO items pourcentages <strong>de</strong> réussites pourcentages <strong>de</strong> réponses «i<strong>de</strong>ntité»<br />

français japonais français japonais<br />

-;­ 8 57% 83% 13% 0%<br />

"\ 9 72% 64% 72% 64%<br />

><<br />

12 53% 55% 53% 55%<br />

Dans l'item 8, <strong>de</strong>ux variables ont <strong>de</strong>s valeurs qui ren<strong>de</strong>nt l'item difficile.<br />

- L'orientation horizontale du segment (pour une orientation oblique <strong>de</strong><br />

l'axe <strong>de</strong> symétrie, cette orientation <strong>de</strong> la figure-objet est perturbante).<br />

- L'intersection par l'axe <strong>de</strong> symétrie du segment en son milieu.<br />

Cet item est celui qui donne le plus grand écart <strong>de</strong> réussite entre les élèves<br />

japonais et les élèves français. l'lous pouvons constater d'après le tableau ci-<strong>de</strong>ssus le<br />

nombre important <strong>de</strong>s réponses fausses <strong>de</strong> type i<strong>de</strong>ntité chez les élèves français (13%)<br />

et l'absence <strong>de</strong> ces mêmes réponses chez les élèves japonais. Il semble donc que ces<br />

<strong>de</strong>ux variables influent davantage sur les procédures <strong>de</strong>s élèves français.


52<br />

Les taux <strong>de</strong> réussites aux items 9 et 12 montrent qu'il est plus facile à un<br />

élève français <strong>de</strong> recouvrir tout ou partie <strong>de</strong> la figure donnée, dans une tâche <strong>de</strong> construction.<br />

En effet, ces <strong>de</strong>ux items sont les seuls <strong>de</strong> la série où la bonne réponse est<br />

l'i<strong>de</strong>ntité, et ce sont les seuls où la réussite <strong>de</strong>s élèves français est aussi bonne que<br />

celle <strong>de</strong>s élèves japonais. L'erreur la plus fréquente faite par les élèves japonais consiste<br />

à tracer un segment formant une «croix» avec le segment donné, comme l'indique le<br />

tableau et les figures ci-<strong>de</strong>ssous.<br />

tableau 12.<br />

o.<br />

n Items et nombre d'élèves nombre d'élèves réponse<br />

rappel <strong>de</strong>s figures français japonais proposée<br />

"<br />

9 0/86 7/107<br />

~<br />

12 ;( 6/84 20/107<br />

~<br />

IV - CONCLUSION.<br />

L'analyse <strong>de</strong>s résultats précé<strong>de</strong>nts met en évi<strong>de</strong>nce la manière dont les variables<br />

choisies agissent dans une tâche <strong>de</strong> construction à main levée. Nous reprenons<br />

ici les effets produits par certaines valeurs <strong>de</strong>s trois variables étudiées: l'orientation<br />

<strong>de</strong> l'axe <strong>de</strong> symétrie dans la feuille, la position du segment-objet par rapport à l'axe<br />

et le type <strong>de</strong> papier.<br />

La conception du parallélisme du segment donné et <strong>de</strong> son image dans la<br />

symétrie orthogonale est très présente et elle est source d'erreurs chez les élèves <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux populations. Elle apparaît non seulement dans les erreurs <strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité»,<br />

«prolongements» et «autres translations», mais aussi en combinaison avec <strong>de</strong>s erreurs<br />

<strong>de</strong> type «rappels horizontaux ou verticaux».<br />

Les élèves japonais semblent moins perturbés que les élèves français par les<br />

orientations horizontale ou verticale du segment-objet. Ces orientations du segment<br />

proviennent <strong>de</strong> la conjonction <strong>de</strong>s valeurs <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s variables observées, à savoir<br />

l'orientation «oblique à 45°» <strong>de</strong> l'axe dans la feuille et la valeur 45° <strong>de</strong> l'angle segmentaxe.<br />

Ces orientations du segment sont moins remarquables pour l'élève japonais qui<br />

n'hésite pas, comme nous l'avons constaté dans les premières observations par binôme,<br />

à tourner sa feuille pour donner à l'axe <strong>de</strong> symétrie l'orientation «verticale» par<br />

rapport à lui-même.


53<br />

Les élèves japonais semblent éviter les réponses <strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité», qu'elles<br />

soient correctes ou erronées. Il semble que cet évitement l'emporte sur la conception<br />

du parallélisme d'un segment et <strong>de</strong> son image.<br />

Enfin, à propos <strong>de</strong> la variable «type <strong>de</strong> papier», nous pouvons dire que le<br />

papier quadrillé perturbe la vision globale <strong>de</strong> la figure et <strong>de</strong> son symétrique, et amène<br />

<strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> comptage pour les élèves <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux populations.<br />

La remarquable' progression du taux <strong>de</strong> réussite <strong>de</strong>s élèves japonais nous a<br />

incitées à chercher <strong>de</strong>s éléments d'explication. La réussite presque totale <strong>de</strong>s élèves<br />

japonais <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième année d'école moyenne à la tâche proposée est peut-être due<br />

à l'utilisation <strong>de</strong> la symétrie orthogonale dans les activités <strong>de</strong> géométrie dans l'espace<br />

proposées en première année. La géométrie dans l'espace semble occuper dans les<br />

programmes japonais une place privilégiée, plus importante que dans les programmes<br />

français. L'un <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong>s programmes japonais <strong>de</strong> la première année <strong>de</strong> J'école<br />

moyenne est <strong>de</strong> développer chez les élèves une manière intuitive d'observer les figures<br />

géométriques <strong>de</strong> l'espace, par la manipulation et les mesures <strong>de</strong> ces figures. Plus précisément,<br />

ce programme comporte:<br />

planes,<br />

- construction <strong>de</strong> figures <strong>de</strong> l'espace obtenues par «mouvement» <strong>de</strong> figures<br />

- section, projection, développement <strong>de</strong> figures <strong>de</strong> l'espace.<br />

La géométrie dans l'espace apparaît dans les programmes français <strong>de</strong>s classes<br />

<strong>de</strong> 5ème <strong>de</strong> collège, mais, le plus souvent, elle n'est effectivement enseignée qu'en<br />

classe <strong>de</strong> 5ème. D'autre part, le nombre et la diversité <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> géométrie dans<br />

l'espace dans les classes françaises sont moindres.<br />

Le type d'enseignement est sans doute l'une <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> ce phénomènes,<br />

mais nous pensons que <strong>de</strong>s variables <strong>de</strong> type culturel interviennent également. Des<br />

activités telles que les origami (pliages <strong>de</strong> papier) et la calligraphie jouent probablement<br />

un rôle non négligeable: ces pistes restent à explorer.<br />

NOTES.<br />

(1) 2 000 caractères kanji environ sont acquis au cours <strong>de</strong> la scolarité obligatoire<br />

et il faut en connaître environ 3 000 pour lire un journal.<br />

(2) L'école élémentaire s'adresse aux élèves <strong>de</strong> 6 à 11 ans en France, <strong>de</strong> 6 à<br />

12 ans au Japon, l'école moyenne s'adresse aux élèves <strong>de</strong> 11 à 15 ans en France<br />

(collège), <strong>de</strong> 12 à 15 ans au Japon.<br />

(3) Cette consigne écrite avait déjà été utilisée pour la première expérimentation,<br />

en particulier pour les élèves <strong>de</strong> la ans qui n'avaient pas reçu d'enseignement <strong>de</strong><br />

la symétrie orthogonale.


54<br />

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES.<br />

. A. BERQUE (1982). Vivre l'espace au Japon. P.U.F., Paris.<br />

B. DENYS (1985). The teaching of reflection in France and in Japan. Proceedings<br />

of the Ninth International Conference for the Psychology of Mathematics<br />

Education, Noordwij kerhout.<br />

R. GRAS (1983). Instrumentation <strong>de</strong> notions mathématiques. Un exemple:<br />

la symétrie. <strong>petit</strong> x, nO 1, I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong>.<br />

D. GRENIER (1985a). Quelques aspects <strong>de</strong> la symétrie orthogonale pour <strong>de</strong>s<br />

élèves <strong>de</strong> classes <strong>de</strong> 4ème et 3ème. <strong>petit</strong> x, n° 7, I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong>.<br />

D. GRENIER (1985b). Conceptions <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> collèges è propos <strong>de</strong> la<br />

symétrie orthogonale. Sémiœire <strong>de</strong> Didactique <strong>de</strong>s Mathématiques et <strong>de</strong> l'Informatique,<br />

I.M.A. <strong>Grenoble</strong>.<br />

K.M. HART (1981). Children's un<strong>de</strong>rstanding of mathematics : 11-16 (in<br />

ch. 10, reflections and rotation by D. Küchemann), John Murray Publishers, London.<br />

M. MAUVIEL (1984). Les français et la diversité culturelle. Education Permanente<br />

75, p. 67-82, Paris.<br />

M. MAUVIEL (1984). L'idée <strong>de</strong> culture et <strong>de</strong> pluralisme culturel. Aspects<br />

historiques, conceptuels et comparatifs. Thèse <strong>de</strong> 3ème cycle. Université <strong>de</strong> Paris V.


.....,<br />

SlJmétrie orthogonale: <strong>de</strong>s élèves frar,ç:ais et japof,ais<br />

(ace à une même tôch~ <strong>de</strong> constroJction<br />

Berna<strong>de</strong>tte Denll S<br />

Denln OrerMr .<br />

Les douze Items <strong>de</strong> l'e>o:pérlmentotlon<br />

2 3 4<br />

~<br />

5<br />

6 7 e<br />

(J'l<br />

(J'l<br />


56<br />

"0<br />

en<br />

G<br />

L­ O·<br />

=~<br />

L­ .Q<br />

L­<br />

~<br />

u<br />

oc<br />

en<br />

Q) 10<br />

J:1 'g<br />

,....<br />

a.<br />

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....<br />

J:1<br />

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..<br />

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u H-<br />

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"0<br />

G<br />

..<br />

u<br />

u<br />

If)


PEUT-ON CORRIGER DES DEVOIRS PAR ORDINATEUR?<br />

Geneviève LOPATA<br />

C.N.ED. <strong>de</strong> Vanves<br />

UN.E BIBLIOTHEaUE INFORMATISEE A VOTRE SERVICE.<br />

Depuis treize ans, notre bibliothèque <strong>de</strong> a.C.M. du CNED* <strong>de</strong> Vanves a «corrigé<br />

par ordinateur» environ 145000 <strong>de</strong>voirs (une heure <strong>de</strong> travail-élève chacun)<br />

• sur environ 200 énoncés rédigés par 60 auteurs ;<br />

• sous forme <strong>de</strong> questionnaires à grille (réponse par croix) ;<br />

• traitant <strong>de</strong> nombreuses disciplines (tant littéraires que scientifiques ou<br />

autres) ;<br />

• portant sur <strong>de</strong>s niveaux d'élèves allant <strong>de</strong> la maternelle à l'université.<br />

Cette banque <strong>de</strong> données informatisée, ouverte en octobre 1973** au sein <strong>de</strong><br />

l'Education Nationale à tous nos collègues, diffuse les exemplaires pour les élèves,<br />

les cartes à perforer et, après traitement <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières par ordinateur, un listage<br />

ou corrigé «personnalisé» pour chaque élève - calculé d'après sa réponse.<br />

Nous avions à faire face, au CNED, à <strong>de</strong>ux exigences a priori contradictoires:<br />

• améliorer la qualité du dialogue (écrit) entre l'élève et le ma Ître ;<br />

• augmenter la quantité <strong>de</strong> <strong>de</strong>voirs corrigés (pour améliorer l'encadrement<br />

à distance).<br />

Or tous les maîtres ont mauvaise conscience <strong>de</strong>vant leurs piles <strong>de</strong> copies à<br />

corriger à la main - sachant que leur patient et pénible effort pour suivre pas à pas les<br />

raisonnements <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> leurs élèves ne couvre qu'une <strong>petit</strong>e partie <strong>de</strong>s besoins.<br />

* CNED (ex CNEC. ex CNTE) Centre National d'Enseignement à Distance.<br />

** Par M.B. PAGNEY, alors Directeur du Centre <strong>de</strong> Vanves.<br />

«<strong>petit</strong> x» n° 12 pp. 57 à 70. 1986


58<br />

C'est alors que l'ordinateur nous est apparu comme pouvant<br />

apporter un progrès décisif à la «correction personnalisée» <strong>de</strong>s<br />

travaux individuels <strong>de</strong>s élèves.<br />

Encore fallait-il éviter les écueils d'une réduction caricaturale du dialogue à<br />

travers la machine.<br />

QUELQUES PRINCIPES GENERAUX.<br />

Vers 1964, nous commençons à réfléchir sur les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'enseignement<br />

programmé, et sur les causes tant <strong>de</strong> l'engouement que <strong>de</strong>s déceptions qu'il entraîna.<br />

Ces techniques pédagogiques élaborées aux USA après la guerre par une reconversion<br />

<strong>de</strong> crédits militaires à l'éducation préparaient plus ou moins sommairement à une<br />

massive industrialisation par ordinateur <strong>de</strong> certaines tâches d'enseignement.<br />

D'accord pour décomposer les difficultés;<br />

mais il faut aussi alors les faire recomposer par l'élève.<br />

avec Skinner) ;<br />

D'accord pour «mitrailler» <strong>de</strong> <strong>petit</strong>es (?) questions (atomisation ou items<br />

mais il faut pouvoir interpréter les réponses <strong>de</strong>s élèves.<br />

D'accord pour donner à l'élève la possibilité <strong>de</strong> plusieurs cheminements (ramification<br />

avec Crow<strong>de</strong>r) ;<br />

mais il ne faut pas pour autant suggérer <strong>de</strong>s pistes fausses (


59<br />

• par la possibilité <strong>de</strong> rectifier les premiers jugements après avoir étudié les<br />

questions suivantes (et par suite laisser <strong>de</strong>s possibilités <strong>de</strong> se tromper) ;<br />

• par la prise <strong>de</strong> décisions (réponses) en responsabilité, après mûre réflexion<br />

en travail suivi avant d'avoir accès au corrigé;<br />

• par la possibilité <strong>de</strong> ne pas répondre, ou plutôt d'émettre «un doute» lorsqu'on<br />

ne sait pas ou encore ne peut pas répondre, se sentant pris dans une indétermination<br />

ou dans une contradiction.<br />

Nous reprendrons plus loin les modalités d'expression du «doute» avec la<br />

<strong>de</strong>scription <strong>de</strong> nos grilles ; mais nous insistons tout <strong>de</strong> suite sur le respect<br />

indispensable <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong> l'élève qui peut avoir «<strong>de</strong> bonnes raisons pour<br />

ne pas répondre» - respect dont la plupart <strong>de</strong>s questionnaires à croix<br />

préparés pour un traitement informatisé font fi.<br />

Plus généralement, nous voulions mettre en œuvre une liberté pour l'élève<br />

qui puisse respecter une logique «naturelle d'apprentissage», selon Y. Piaget ou G. Ullmo,<br />

construite sur un groupe <strong>de</strong> déplacements pour les observations et expérimentations<br />

<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue variés abordés à sa convenance par l'élève.<br />

NOSQ.C.M.<br />

Car il Y a a.C.M. et a.C.M. et pour ceux que nous faisons...<br />

Questions à Choix Multiple (traduit <strong>de</strong> Multiple Choice Questions). Cette<br />

désignation par sigle est une fois <strong>de</strong> plus du mauvais français: il ne s'agit, bien sûr,<br />

pour l'élève que <strong>de</strong> bien choisir sa réponse parmi un nombre fini <strong>de</strong> réponses exprimables.<br />

«Fini», pour que «l'ordinateur» - mais aussi tout simplement le professeur<br />

correcteur - puisse s'y retrouver. C'est pourquoi, dans l'état actuel <strong>de</strong> l'analyse linguistique<br />

automatique <strong>de</strong>s langues usuelles, nous avons préféré faire répondre les<br />

élèves par <strong>de</strong>s croix dans <strong>de</strong>s cases (plutôt que <strong>de</strong> manière libre dite «ouverte»).<br />

Comme chacun sait, la décomposition ultime <strong>de</strong> l'information conduit au<br />

codage binaire - [R] ou 0: «croix ou blanc» dans une case. Mais attention : ce<br />

codage n'est pas toujours assimilé nécessairement à VRAI ou FAUX, ou encore à<br />

OU 1 ou NON. Cette expression logique primitive <strong>de</strong> la logique classique, celle qui<br />

règne en mathématique comme dans le fonctionnement <strong>de</strong> l'ordinateur, peut et doit<br />

être aménagée pour l'expression courante. Voici comment nous l'avons adoucie par la<br />

richesse du champ sémantique traité, la souplesse logique <strong>de</strong>s expressions et interprétations,<br />

et la libre variété <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> passage.


60<br />

A -<br />

La richesse combinatoire.<br />

Une réponse à une question est un suivi <strong>de</strong> croix ou blancs (une dizaine <strong>de</strong><br />

cases). Prenons par exemple dans notre sujet IA4211a question:<br />

«A quel(s) ensemble(s) <strong>de</strong> nombres appartient le nombre 2 3 ?» ŒJ pour<br />

«OUI».<br />

L'élève répond par <strong>de</strong>s croix dans une colonne où les postes réponse sont<br />

indiqués «en clair» et codés par un numéro (Ie[Q]étant pour le doute). Ainsi par le<br />

jeu <strong>de</strong> la combinatoire, chacun se trouve pour une question <strong>de</strong>vant 2 10 soit 1 024<br />

réponses possibles selon qu'il prend ou ne prend pas un élément particulier (parmi les<br />

10). C'est du Q.C.M. très riche.<br />

co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s réponses 2 3 3 112 x; X = x 2<br />

je ne sa is pas ou ne<br />

peux pas répondre<br />

[q]<br />

X<br />

N Q] X X<br />

II [2] X X<br />

ll-*<br />

[I]<br />

[)<br />

0 X X<br />

[)­<br />

[II<br />

li>. m X X<br />

cn-* [2]<br />

IR ΠX X X<br />

IR+*<br />

œ X X<br />

* : 0 excepté grille n O 1 gri Ile n O 2<br />

L'ordre <strong>de</strong>s postes réponse du co<strong>de</strong> suggère une recherche par questions partielles<br />

<strong>de</strong> haut en bas, mais ne l'impose pas. Il est possible et même souhaitable <strong>de</strong><br />

sauter <strong>de</strong>s étapes, quitte à y revenir ensuite.<br />

2 3 c'est un entier, 8, qui est dans IN, 7.l, ID, Gl et IR (co<strong>de</strong> []J [1]œ~ ŒJ ).<br />

Il est considéré comme relatif positif (co<strong>de</strong> [[1) - et aucun <strong>de</strong>s autres co<strong>de</strong>s.<br />

Cependant si les erreurs peuvent provenir ici d'un manque <strong>de</strong> discernement<br />

entre ensembles (concepts présentés en poste réponse), une erreur <strong>de</strong> calcul sur 2 3<br />

pris par exemple pour 2 X 3 ne sera pas décelée: 6 est codé comme 8. C'est pourquoi,<br />

toujours avec le même co<strong>de</strong>, nous poserons d'autres questions afin <strong>de</strong> déceler aussi les<br />

mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> calcul erronés.


61<br />

Pour un nombre irrationnel (Ex: 3 112 ) on sautera directement à IR (co<strong>de</strong>@])<br />

à IR+* (co<strong>de</strong>[[]). Mais l'élève qui aura confondu 2 3 avec 2.3, s'il s'agit d'une même<br />

erreur systématique, indiquera pour 31/2 la réponse 3.t soit 1,5 - décimal positif<br />

non entier (co<strong>de</strong>s[I] ,@] ,[]] , [[], sans [I] ni 0).<br />

Naturellement il y aura <strong>de</strong>s élèves qui cumuleront les erreurs <strong>de</strong> calcul (sur<br />

2 3 et 31/2 par exemple) et <strong>de</strong>s confusions entre ensembles. La cohérence plus ou<br />

moins gran<strong>de</strong> <strong>de</strong>s réponses pour toutes les analyses (toutes les questions) selon un<br />

ensemble du co<strong>de</strong> assurera <strong>de</strong> la plus ou moins bonne compréhension <strong>de</strong> la définition<br />

<strong>de</strong> cet ensemble (à zéro, une ou <strong>de</strong>ux erreurs <strong>de</strong> calcul près).<br />

Résumons les premières règles <strong>de</strong> rédaction.<br />

Un co<strong>de</strong> <strong>de</strong> rédaction non<br />

explicitement fausse, mais<br />

à utiliser judicieusement<br />

selon les contextes.<br />

Un co<strong>de</strong> riche : 10 postes réponse - alors que trop<br />

souvent on se contente <strong>de</strong> 3 ou 4, quand on ne travaille<br />

pas simplement sur OUI-NON!<br />

Un co<strong>de</strong> «à multi-réponse» : il y a en général plusieurs<br />

croix par colonne <strong>de</strong> 10 cases. Tous les sous-ensembles<br />

<strong>de</strong> cases cochées sont possibles- (. 024).<br />

Un co<strong>de</strong> unique pour toutes les questions, ce qui permet<br />

les recoupements en cohérence à travers tout le questionnaire<br />

(en général 9 questions par grille).<br />

B - la souplesse logique.<br />

Une case au moins pour l'expression «doute».<br />

Le doute sera plus ou moins explicité selon les cas: une croix dans la case<br />

@] ici exprime l'hésitation ou l'Ignorance pour une case au moins, et ne dispense pas<br />

<strong>de</strong> mettre <strong>de</strong>s croix dans les autres cases si on est sûr <strong>de</strong> la réponse.<br />

co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s réponses<br />

questions situations<br />

(hypothèses)<br />

je ne sais ou ne !<br />

@]<br />

1 X<br />

peux pas répondre !<br />

i<br />

i<br />

ŒJ<br />

i<br />

MATERIAUX<br />

!<br />

POUR<br />

1<br />

0<br />

X<br />

r<br />

REPONDRE<br />

1<br />

(conclusions<br />

0 X 1 X<br />

patielles<br />

! !<br />

envisagées)<br />

ï<br />

!<br />

X<br />

ŒJ<br />

1


62<br />

Ici l'élève a le choix entre <strong>de</strong>ux systèmes d'expression logique:<br />

[Q] D<br />

G 0<br />

OUI<br />

ou<br />

0 0<br />

NON<br />

logique classique<br />

mathématique<br />

un blanc signifie «NON»<br />

@JŒ]<br />

G'EJ<br />

~D<br />

OUI CERTAIN<br />

NON ou INCERTAIN<br />

(possible)<br />

une logique «littéraire»<br />

dans le doute on s'abstient<br />

un blanc signifie «PEUT-ETRE»<br />

Dans d'autres questionnaires, nous ménageons «le doute par case». Par exemple:<br />

lVRAl1 IFAUxl 1ll\lDETERIVIINEl est utilisé pour la détermination du signe d'une<br />

expression algébrique (m + n par exemple).<br />

Cet «incertain» porte sur la conclusion (+, -) et provient ici <strong>de</strong> l'ignorance<br />

partielle - l'énoncé n'étant pas toujours suffisant pour conclure (c'est le «je ne peux<br />

pas répondre»).<br />

Mais le doute par case coûte cher en place <strong>de</strong> mémoire d'ordinateur pour un<br />

nombre en général assez réduit <strong>de</strong> cases «douteuses».<br />

Autre exemple d'indétermination, toujours pour jA421 2ème grille: x est un<br />

nombre satisfaisant à x = x 2 , autrement dit égal à son carré dont on analyse l'appartenance<br />

aux ensembles du co<strong>de</strong>. x peut donc être égal à 1 ou à 0 - ce qui conduit à une<br />

indétermination pour la case œ<strong>de</strong>s décimaux négatifs ou nul, une seule case «douteuse»<br />

laissée en blanc.<br />

Naturellement, tout élève est libre <strong>de</strong> ne pas savoir une partie <strong>de</strong>s définitions<br />

que l'énoncé suppose connues. Il peut cependant raisonner encore partiellement et<br />

conclure par une croix dans certaines cases (mais l'indication <strong>de</strong> son ignorance ­<br />

co<strong>de</strong> @] - ne fera pas ranger une omission comme une erreur, un 1\101\1 à la place d'un<br />

OUI). Il ne faut pas confondre une colonne entièrement vi<strong>de</strong> (le NON CERTAIN)<br />

avec l'impossibilité totale à répondre (co<strong>de</strong> @] et rien d'autre) qui peut provenir<br />

soit d'une ignorance totale soit d'une contradiction dans l'énoncé.<br />

Ainsi les origines du «doute» (hésitation ou refus <strong>de</strong> répondre) sont multiples:<br />

DOUTE par ignorance, ambiguïté, contradiction, blocage affectif... provenant<br />

<strong>de</strong> l'élève, <strong>de</strong>s situations (énoncé), du modèle à mettre en œuvre...


63<br />

Personne n'y échappe, pas même les profs <strong>de</strong> math, sûrs <strong>de</strong> leur théorie: car<br />

il s'agit souvent en pédagogie <strong>de</strong> psychologie, <strong>de</strong> modélisation à partir <strong>de</strong> primitives<br />

à base expérimentale (sensorielle) et tout simplement <strong>de</strong> zones d'indétermination.<br />

Les maths sont nées par abstraction, par simplification modélisante d'un terrain<br />

prémathématique. Elles sont ensuite formalisées par <strong>de</strong>s règles au fonctionnement<br />

logique fortement teinté <strong>de</strong> pratiques paramathématiques (avec explications en langue<br />

métamathématique) - et conduisent à <strong>de</strong>s applications post-mathématiques.<br />

Pour être mathématicien, on n'en est moins homme... et par suite également<br />

périmathématicien.<br />

Pensez à l'histoire <strong>de</strong> la géométrie qui reste pour nos mo<strong>de</strong>stes élèves une<br />

théorie physique plus que mathématique ; sans parler <strong>de</strong>s maths <strong>de</strong> l'incertain (statistique,<br />

probabilité, calculs d'incertitu<strong>de</strong>s ou plutôt <strong>de</strong> domaines <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>).<br />

Notez bien que les calculs d'adressage <strong>de</strong> messages, eux, et le fonctionnement<br />

informatique sont strictement booléens et relèvent <strong>de</strong> la logique classique mathématique.<br />

Et d'autre part, «l'art <strong>de</strong> douter» doit être utilisé avec modération <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s<br />

auteurs : l'élève n'a que trop tendance à perdre confiance en lui (par ignorance) ; et<br />

les questions comportant une impossibilité <strong>de</strong> conclure seront en général très minoritaires<br />

(moins <strong>de</strong> 10%). D'ailleurs nos rédactions se teintent également <strong>de</strong> «peut-être»,<br />

«presque toujours», «quasi-certain», «à peu près»... dans le dialogue <strong>de</strong> correction<br />

pour exprimer <strong>de</strong>s diagnostics d'erreurs ou dans les énoncés non «mathématiquement»<br />

déterminés.<br />

C -<br />

Variété <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> passage.<br />

Nous sommes le moins possible normatifs. Les enseignants sont les meilleurs<br />

juges <strong>de</strong> ce qui convient à leurs classes: travail surveillé individuel en classe, par <strong>petit</strong>s<br />

groupes, en temps limité ou non, à la maison... Nous notons très souvent les <strong>de</strong>voirs<br />

individuellement dans un certain absolu - mais pas sur le listage <strong>de</strong> l'élève. C'est le<br />

maître qui déci<strong>de</strong>ra <strong>de</strong> l'usage à faire <strong>de</strong>s notes. Notre principe est <strong>de</strong> valoriser au<br />

mieux les réponses valables (pas nécessairement parfaites totalement) en pénalisant<br />

les «oublis» et les «erreurs». Car nous corrigeons le plus exhaustivement possible<br />

d'après les résultats statisques stabilisés, et le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> passage <strong>de</strong>s questionnaires<br />

influe peu sur la typologie obtenue. En équipes, la dispersion par faute d'étour<strong>de</strong>rie<br />

diminue, mais les types les plus fréquents n'en sont que plus accusés. Il faut seulement<br />

plus d'élèves pour mettre en évi<strong>de</strong>nce tous les comportements significatifs - c'est-à-dire<br />

fondés sur un raisonnement précis.<br />

Cela nous amène à voir maintenant la technique <strong>de</strong> correction.


64<br />

CORRIGER PLUS DE DEVOIRS POUR CORRIGER MIEUX.<br />

Interroger ne suffit pas: il faut observer les résultats, puis calculer les réponses,<br />

organiser le dialogue avec chacun. L'ordinateur sera alors particulièrement précieux<br />

a) pour la typologie statistique <strong>de</strong>s réponses;<br />

b) pour l'adressage <strong>de</strong>s messages <strong>de</strong> correction et pour l'édition <strong>de</strong>s corrigés<br />

individualisés.<br />

Nous avons, au CNED, la chance d'être exceptionnellement riches en élèves<br />

qui travaillent isolément (sans communiquer entre eux) sur un même énoncé. Par<br />

contre si les statistiques <strong>de</strong> réponses se stabilisent vite (dès 200 réponses, parfois 100)<br />

la communication directe est plus difficile que dans «l'oral», car l'élève doit<br />

être très conscient <strong>de</strong> ses raisonnements pour rédiger sa contestation (surtout s'il faut<br />

compter près <strong>de</strong> trois semaines à un mois pour un retour <strong>de</strong> courrier traditionnel,<br />

avec réponse à la main du professeurs correcteur responsable). Les collègues qui,<br />

fidèlement <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> treize ans, nous ont aidés à y voir clair, ont été d'efficaces<br />

témoins luci<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s difficultés et incompréhensions <strong>de</strong> leurs élèves - tant <strong>de</strong>vant<br />

l'énoncé que <strong>de</strong>vant l'objet étudié - en n'intervenant qu'une fois l'exercice achevé.<br />

Ainsi la qualité <strong>de</strong> nos corrections s'améliore au cours <strong>de</strong>s discussions en<br />

équipes nombreuses <strong>de</strong> maîtres et d'élèves.<br />

Nous avons <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> jeux <strong>de</strong> statistique (sur plus <strong>de</strong> 200 questionnaires<br />

dont environ 120 en mathématique).<br />

Pour 10 postes réponse, nous dépassons souvent 50 types booléens <strong>de</strong> réponse.<br />

(selon la présence ou l'absence d'une croix pour chaque poste). Mais 50, ce n'est tout<br />

<strong>de</strong> même pas 1 024 : nos élèves ne répon<strong>de</strong>nt pas statistiquement au hasard, et en<br />

général par réponses bien typées.<br />

Voici quelques résultats qui vous donneront une idée <strong>de</strong> notre métho<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

correction - et qui sont extraits d'une présentation détaillée <strong>de</strong> notre métho<strong>de</strong> dans<br />

le fascicule IM11 du «Cours d'Introduction à l'Informatique Pédagogique» {<strong>de</strong>uxième<br />

année}, cours IIP du CI\lED <strong>de</strong> Vanves.<br />

Dans jE031 «un <strong>petit</strong> tour en bateau à voile» (O. Allio, S. Pradie, G. lopata,<br />

voir annexe) questionnaire <strong>de</strong> géométrie mettant en jeu <strong>de</strong>s figures symétriques non<br />

superposables par glissement, on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux élèves <strong>de</strong> cocher les formes <strong>de</strong>s pièces<br />

qui conviennent pour fabriquer un bateau (un par question).


65<br />

Catalogue<br />

•<br />

@<br />

~ CU<br />

~<br />

B<br />

Le co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s questions est


66<br />

Pour les types complets suivants, on tombe à moins <strong>de</strong> 1% pour les <strong>de</strong>ux séries<br />

statistiques. Il y a en tout 77 types pour 1, et 70 types pour Il (un peu meilleure et<br />

moins dispersée). Mais si on observe alors les résultats globaux par poste réponse,<br />

on s'aperçoit que les anomalies portent en fin <strong>de</strong> compte essentiellement sur la présence<br />

<strong>de</strong>s postes œet œet l'absence du ~ puis du 0 décelés déjà dans les 9 premiers<br />

types complets qui cumulent respectivement 86,3% (1) et 90% (II) <strong>de</strong>s élèves.<br />

Je vous laisse juger <strong>de</strong> la corrélation <strong>de</strong>s résultats - étant bien entendu que les<br />

résultats se rapprochent d'autant plus que les populations sont <strong>de</strong> recrutement semblable.<br />

Mais cette corrélation suffit à préjuger <strong>de</strong> l'efficacité <strong>de</strong> la corrélation à tous les<br />

niveaux. La bonne réponse étant ~ [Il et rien d'autre, nous interprétons avec le<br />

sentiment <strong>de</strong> ne pas nous tromper:<br />

- pour [Il [!] œ la présence du œ (erreur <strong>de</strong> symétrie sur la voile dressée à<br />

gauche)<br />

- pou r [Il [§] la confusion entre le ~ et le [§] (angle droit non vu)<br />

- pour [~] [il [§J la confusion précé<strong>de</strong>nte compliquée d'une erreur <strong>de</strong> symétrie<br />

[Il pour [l] et aussi [§] pour un <strong>de</strong>s III<br />

- pour rn rn [!] la confusion d'un mavec le III qui, lui, a un angle droit<br />

- pour [Il 1]] la confusion systématique d'un [Il avec le [§J dans les <strong>de</strong>ux cas<br />

- pou r [1] [!] la confusion déjà vue du [Il avec le 1]] , mais sans autre erreur<br />

- pour [1] [[] lecumul <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux confusions déjà vues: rn pour l1J 'et œ<br />

- pour œœ [[]<br />

pour [Il<br />

les erreurs déjà vues: œpourG] , et [Il pour l'autre [Il<br />

Les remè<strong>de</strong>s alors s'imposent d'eux-mêmes.<br />

Exemple: pour l'erreur du@]mis à la place d'un[!]<br />

Question B.<br />

Réponse proposée: ••• 2 ••• 4 ••••••<br />

• • • 2 • 3 • 4 • • • • • •<br />

Il ya une erreur.<br />

Attention: regar<strong>de</strong> bien les modèles numéro 3 et numéro 4. Ce sont tous les<br />

<strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s triangles -<br />

mais celui du numéro 3 a un angle droit (comme on en<br />

obtient en pliant soigneusement en quatre une feuille <strong>de</strong> papier <strong>de</strong> manière à ce<br />

que les quatre parties se recouvrent exactement d'un pli à l'autre). C'est un<br />

triangle rectangle. Celui <strong>de</strong> numéro 4 n'a pas d'angle droit: il est plus allongé que<br />

l'autre.<br />

On explique ensuite comment vérifier que la pièce numéro 4 qui convient pour<br />

la coque, peut convenir aussi en pivotant et en glissant, pour la voile <strong>de</strong> gauche. Puis<br />

vient un message général donnant la bonne réponse.


67<br />

Ce discours précis et long (imprimé <strong>de</strong> plus uniquement en majuscules) ne<br />

tiendrait pas sur le <strong>petit</strong> écran d'un terminal. Par contre, une animation graphique<br />

le remplacera avantageusement dès que nous en aurons les moyens (à distance) ­<br />

et le temps pour la réaliser.<br />

Nous prenons sur papier le loisir d'expliquer à fond.<br />

UN PRINCIPE GENERAL.<br />

Nous insistons sur ce qu'il faut voir ou faire pour bien répondre (le remè<strong>de</strong> est<br />

preCIS, mais moins que le diagnostic). Les messages sont cumulés quand les erreurs<br />

le sont aussi: mais nous allégeons alors un peu le discours pour ne pas lasser.<br />

D'autre part, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 80% <strong>de</strong>s réponses, nous corrigeons surtout les erreurs<br />

nettes et les oublis - car le cumul <strong>de</strong>s erreurs entraîne <strong>de</strong>s ambiguïtés.<br />

Pour <strong>de</strong> graves erreurs comme @] [l] [ID ou []] , un seul message: ne pas<br />

confondre un triangle avec un quadrilatère ( []] ,4,5% en 1et 3% en Il : on symétrise<br />

le triangle). Il faut mieux regar<strong>de</strong>r!<br />

Un barême (discutable bien sûr) attribue un maximum <strong>de</strong> points (9 au plus)<br />

par question, et pénalise par exemple chaque erreur interprétable et les oublis qui ne<br />

sont pas déjà associés à une erreur: ne pas pénaliser <strong>de</strong>ux fois pour une erreur entraînant<br />

le remplacement d'un poste par un autre. Par exemple: ici pour 6 points et 2<br />

postes réponse attendus, le 4 servant <strong>de</strong>ux fois, on pourra enlever 3 points par erreur,<br />

2 points pour l'oubli du lI] (avec GJ seulement en plus) et 4 points pour celui du<br />

[1] (si la réponse est []Jsans autre erreur). Avec <strong>de</strong>ux erreurs, il ne reste plus <strong>de</strong> points<br />

pour cette question.<br />

L'erreur du @] v [l] v [ID v [[] enlèvera 4 points s'il reste le [l] et le [IJsinon<br />

on retombe à nouveau à zéro. En effet, il est difficile d'évaluer la part <strong>de</strong> hasard<br />

(étour<strong>de</strong>rie) s'il y a plus d'une erreur: on corrige enco~e pour <strong>de</strong>ux fautes (2 ou plus),<br />

mais on ne met plus <strong>de</strong> points. La bonne réponse avec une croix parasite ( [TI ) par<br />

exemple recevra un point <strong>de</strong> consolation: erreur <strong>de</strong> manipulation lors <strong>de</strong> la perforation<br />

<strong>de</strong> la carte par l'élève? Cette perforation (<strong>de</strong>s cartes pré-perforées) étant faite<br />

une fois les grilles remplies par les croix.<br />

En fin <strong>de</strong> questionnaire, une moyenne sur 20 est calculée pour l'ensemble <strong>de</strong>s<br />

questions - notre souci étant plus d'ordre qualitatif (savoir si le sujet «passe») que<br />

vraiment quantitatif (ce qui dépend <strong>de</strong> l'objectif visé en fonction <strong>de</strong> conditions <strong>de</strong><br />

passage précises).


68<br />

Nos barêmes, ainsi liés aux types <strong>de</strong> réponse et calculés avec les branchements<br />

<strong>de</strong> messages, ont le mérite d'être décidés sans tenir compte <strong>de</strong> la personnalité <strong>de</strong>s<br />

élèves ni <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> passage qui <strong>de</strong> toute manière nous échappent (temps <strong>de</strong><br />

préparation du cours, du questionnaire d'essai, <strong>de</strong> la réflexion sur le <strong>de</strong>voir proprement<br />

dit). Ils donnent généralement satisfaction aux maîtres qui en font ce qu'ils<br />

jugent utile.<br />

PEUT-ON EFFICACEMENT CORRIGER PAR ORDINATEUR, AVEC TACT ET<br />

SOUPLESSE, ET A L'ECHELLE INDUSTRIELLE?<br />

C'est à nos correspondants et à leurs élèves <strong>de</strong> le dire! Notre métho<strong>de</strong> très<br />

générale, partie <strong>de</strong>s maths, a vite abordé d'autres disciplines. Cependant avec l'informatique,<br />

les maths ne sont pas loin! Près <strong>de</strong> 1 000 enseignants utilisateurs (sur 3 000<br />

inscrit qui ont <strong>de</strong>mandé à recevoir nos énoncés) semblent en général <strong>de</strong> cet avis. A<br />

vous d'en juger également par la pratique.<br />

Dans ~ qui met-on dans «on» ? J'essaie <strong>de</strong> faire préciser les notions d'ensemble,<br />

d'éléments discernables ou non discernables à partir du pronom indéfini<br />

«on» (pas aussi indéfini qu'on le dit... dans beaucoup <strong>de</strong> cas). J'ai repris le problème<br />

dans ~ à partir <strong>de</strong>s fables <strong>de</strong> La Fontaine. Le français courant (littéraire se contente<br />

souvent pour raisonner d'ensembles assez bien définis, du moins dans l'esprit du poète:<br />

«On risque <strong>de</strong> tout perdre en voulant trop gagner». «On» désigne l'ensemble <strong>de</strong> tous les<br />

humains pour lesquels la décision d'appartenance est prise (trop? «oui») - ce qui<br />

implique alors pour ces personnes le risque <strong>de</strong> tout perdre. (Les profs <strong>de</strong> maths ne<br />

sont-ils pas trop souvent dans ce cas en s'enfermant dans leur modélisation mathématique<br />

?).<br />

N'oublions pas que les ensembles sur lesquels nous raisonnons sont <strong>de</strong>s abstractions<br />

à partir d'objets individualisés et groupés selon la décision <strong>de</strong> notre esprit plus ou<br />

moins influencée par les messages <strong>de</strong> nos sens.<br />

Cela nous amène à préciser ensemble nos conceptions sur l'incertain : nous<br />

préparons un fascicule <strong>de</strong> math sur ce thème avec une série d'exercices sur les encadrements<br />

faisant suite à d'autres sur les inéquations et la relation d'ordre - ou sur le<br />

partiellement certain, le probable et le vraisemblable (moins précis que le probable,<br />

mais qui permet néanmoins <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s décisions justifées).<br />

Nous comptons sur vous et vos élèves pour nous ai<strong>de</strong>r à progresser dans cette<br />

voie et dans le vaste domaine qui reste à abor<strong>de</strong>r par cette métho<strong>de</strong>.<br />

Bien sûr, nous ne prétendons pas corriger tous les types <strong>de</strong> <strong>de</strong>voirs utileset<br />

la rédaction <strong>de</strong>s élèves par croix ne doit pas être la seule! Ce qui ne l'empêche<br />

pas d'être très révélatrice dans la communication rapi<strong>de</strong>.


69<br />

En treize ans <strong>de</strong> pluridisciplinarité à travers l'ordinateur, nous avons appris<br />

à être aussi périmathématiciens, à sortir <strong>de</strong>s modèles clos, rassurants, pour fon<strong>de</strong>r<br />

par l'informatique les discussions sur la «frontière» <strong>de</strong>s modèles théoriques enseignés.<br />

Les profs <strong>de</strong> math ont à ce propos une plus gran<strong>de</strong> responsabilité que ceux <strong>de</strong>s autres<br />

disciplines puisque le maniement <strong>de</strong>s modèles mathématiques informatisés leur est<br />

naturel. Tout correspondant (élève ou maître) peut toujours nous écrire s'il n'est<br />

pas <strong>de</strong> notre avis.<br />

Nous ne voulons pas qu'une informatisation sommaire, au rabais, s'exerce à<br />

travers <strong>de</strong> puissants circuits commerciaux au risque <strong>de</strong> déformer l'esprit <strong>de</strong> nos élèves<br />

et il nous faut nous unir afin d'obtenir les moyens nécessaires à une réflexion et à<br />

une production massive, en équipe nombreuses d'enseignants expérimentés, dans une<br />

atmosphère <strong>de</strong> libres échanges, <strong>de</strong> contestation constructive et <strong>de</strong> respect <strong>de</strong> la pensée<br />

<strong>de</strong>s élèves, <strong>de</strong> chaque élève - et cela sans trahir la discipline enseignée.<br />

Rejoignez nos équipes!<br />

L'informatique est un levier.<br />

Les martres doivent s'en emparer<br />

pour gagner l'enjeu culturel<br />

<strong>de</strong> la qualité par la quantité.<br />

Inscription et service gratuits pour les maîtres dans le cadre <strong>de</strong> l'enseignement public.<br />

BIBLIOTHEaUE DE a.C.M. - CNED (VANVES)<br />

SERVICE DE DOCUMENTATION<br />

Mlle LOPATA Geneviève<br />

CNED<br />

60, boulevard du Lycée<br />

92171 VANVES CEDEX<br />

o Inscription<br />

o Réinscription<br />

Date .........................................................•...<br />

Spécialité............................•.•................•..........<br />

M., Mme, Mlle.....................•..........•......................<br />

Prénom .<br />

Adresse personnelle ...................•....•..•....••.•.•..........•..<br />

Nom et adresse <strong>de</strong> l'établissement........•...•...•.........................<br />

Classe assurée .


70<br />

ANNEXE<br />

D.ALLIO<br />

S.PRADIE<br />

G.LOPATA<br />

BIBLIOTHEQUE DE Q.C.M. - GEOMETRIE - CNED (V!~VES)<br />

~ Sujet<br />

Un <strong>petit</strong> tour en bateau à voiles (reconnaissance <strong>de</strong> formes)<br />

Avant <strong>de</strong> partir en. voyage, construisons nos bateaux à voiles. Il faut pour cela comman.<br />

les pièces détachées d'après un catalogue. Chaque modèle <strong>de</strong> pièce a un numéro dans le cat<br />

logue, <strong>de</strong> i~ à ®. Pour reconnaitre les modèles <strong>de</strong> pièces nécessaires, tu peux découper le<br />

patrons (en bas <strong>de</strong> la grille qui sert <strong>de</strong> catalogue) et vérifier ensuite en déplaçant les<br />

patrons sur le <strong>de</strong>ssin du bateau à construire quels sont ceux qui conviennent. Puis il res<br />

à déterminer le numéro en reportant le patron qui convient sur les modèles <strong>de</strong>s pièces du<br />

catalogue et à mettre une croix dans la case qui correspond au bateau que l'on veut construire.<br />

(Il peut y avoir plusieurs croix par case si 'plusieurs pièces <strong>de</strong> même patron sont<br />

nécessaires). Faisons ensemble un essai: réponds sur la grille ci-<strong>de</strong>ssous (notre réponse<br />

est à la fin du sujet).<br />

.Catalogue<br />

•<br />

x<br />

y<br />

z<br />

Question X :<br />

Question A :<br />

Question Y : lQuestion z :<br />

.I~<br />

~<br />

Maintenant tu dois pouvoir passer ta comman<strong>de</strong> tout<br />

seul : (Réponds sur la grille ~ )


71<br />

ACTIVITE... MAGlaUE<br />

Philibert CLAPPOI\J 1<br />

I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />

1<br />

Ceci est un carré magique : c'est-à-dire<br />

que la somme <strong>de</strong>s nombres en ligne en<br />

colonne et en diagonale est la même.<br />

Tu appeleras cette somme S.<br />

- Exprime S en fonction <strong>de</strong> a et b.<br />

. Complète toutes les cases du carré.<br />

a b a+3<br />

a+5 a+6 a+8<br />

b-4 a+l0 a+4<br />

a+l<br />

Tous les carrés magiques qui suivent sont construits sur le modèle <strong>de</strong> celui-ci. Toutes<br />

les cases sont reliées par les mêmes relations que celles définies dans le cadre 1.<br />

2<br />

. Calcule la somme <strong>de</strong> ce carré magique.<br />

. Complète ce carré.<br />

25<br />

la<br />

«<strong>petit</strong> x» nO 12 pp. 71 à 73. 1986


72<br />

3<br />

Tu connais la somme <strong>de</strong> ce carré : 5=64.<br />

Tu sais aussi qu'une case contient 14<br />

comme sur le <strong>de</strong>ssin.<br />

Complète ce carré.<br />

14<br />

Explique ta métho<strong>de</strong>.<br />

4<br />

Même travail avec ce carré <strong>de</strong> somme<br />

5=93.<br />

26<br />

5<br />

p<br />

Ce carré est aussi construit sur le modèle<br />

<strong>de</strong> celui du cadre 1.<br />

Exprime 5 en fonction <strong>de</strong> p et r.<br />

Complète les cases du carré à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> p<br />

et r.<br />

r


73<br />

6<br />

Complète les cases <strong>de</strong> ce carré en remplissant<br />

chaque case avec u ne expression en<br />

fonction <strong>de</strong> x et S.<br />

x<br />

7<br />

Même travail pour ce carré que dans le<br />

cadre 6.<br />

x<br />

8<br />

A quelles conditions les nombres figurant dans les cases du carré du cadre 7<br />

sont-i Is <strong>de</strong>s entiers natu reis?


74<br />

LISTE DES AUTEURS AYANT COLLABORE A CE NUMERO<br />

Berna<strong>de</strong>tte DENYS<br />

5, 7 rue <strong>de</strong> la comète<br />

75005 PARIS<br />

Denise GRENIER<br />

Equipe <strong>de</strong> Didactique <strong>de</strong>s Mathématiques<br />

et <strong>de</strong> l'Informatique<br />

Laboratoire L.S.D. - Institut IMAG<br />

<strong>Grenoble</strong> B.P.68<br />

38402 SAINT-MARTIN-D'HERES<br />

Geneviève LOPATA<br />

Bibliothèque <strong>de</strong> a.C.M. - CNED<br />

Service <strong>de</strong> Documentation<br />

60, boulevard du Lycée<br />

92171 VANVES Cé<strong>de</strong>x<br />

Gert SCHUBRING<br />

Institut für Didaktik <strong>de</strong>r Mathematik<br />

Universitat Bielefeld<br />

Postfach 8640<br />

4800 BI ELEFELD 1


75<br />

AVANT DE LIRE LA BANDE DESSINEE...<br />

Nicolas BALACHEFF<br />

Vous allez découvrir, dans les pages qui suivent, la première ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée <strong>de</strong><br />

«<strong>petit</strong> x». Nous vous convions ainsi à une incursion dans l'univers mathématique <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux élèves <strong>de</strong> quatrième. Nous nous proposons <strong>de</strong> découvrir avec vous comment<br />

ces élèves résolvent un problème, comment ils se mettent d'accord sur une solution,<br />

quels arguments ils utilisent.<br />

Le scénario <strong>de</strong> cette ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée est issu <strong>de</strong> l'analyse <strong>de</strong>s observations <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

élèves qui avaient à résoudre en commun le problème suivant:<br />

«Donner un moyen qui permette dès que l'on connaît le nombre <strong>de</strong>s sommets<br />

d'un polygone, <strong>de</strong> calculer le nombre <strong>de</strong> ses diagonales».<br />

Ni l'action, ni le dialogue ne sont imaginaires, nous avons retenu la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée<br />

pour vous les communiquer en conservant au mieux tout leur dynamisme.<br />

Avec nous, vous serez attentifs à la cohabitation d'arguments d'autorité avec <strong>de</strong>s<br />

arguments s'appuyant essentiellement sur la nature <strong>de</strong>s objets mathématiques en jeu<br />

dans la résolution du problème, et sur leurs relations. Les fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> la solution,<br />

si n est le nombre <strong>de</strong> sommets du polygone alors le nombre <strong>de</strong> ses diagonales est<br />

n(n-3l/2, ne sont pas mobilisés pour fournir une preuve. Notamment, face à l'empirisme<br />

naïf <strong>de</strong> Christophe, c'est une «expérience cruciale» sur un octogone qui permettra<br />

à Bertrand d'en découdre. Et pourtant ces fon<strong>de</strong>ments apparaissent bien dans le texte<br />

final <strong>de</strong>s élèves, mais <strong>de</strong> cette connaissance engagée dans l'action à la démonstration<br />

comme moyen <strong>de</strong> preuve, le chemin à parcourir est encore long...<br />


76<br />

ON L'A PAS DEMONTRE,<br />

ON A PAS L'DROIT D'LE FAIRE<br />

Découpage at montage <strong>de</strong> Nicolas Balacheff<br />

Dassins d'Eric Coulomb<br />

Les dialoguas originaux sont <strong>de</strong> Christophe (à gauche) et <strong>de</strong> Bertrand (à droite).<br />

Chp,isToPhE ET BEfl,TPlAWD f\-'MflDtNT<br />

Lie \'ROBL~ME EN iMç.ANT \.lN<br />

\'DITAGONE. n SES CiNQ Di RGONALE5<br />

QUAi,:>, HAis Il.<br />

HlUT RÉoiG>éP.<br />

'ë.N G~NÉIl.f\\.. !<br />

ON PEUT .,. Ol.l PE.UT Trlf\Cl:R LES<br />

D\l'IGO~FlLE.S "!usqO'i\ C+H'lqUE<br />

'SOH)o\ET ••• 5AUF c.~\l'lC. ~ui SONT<br />

, .1\, /' ,<br />

Pt COTe ••• R GAROe. ON PP-EN D<br />

PFtfl "" ON fl\E.NO PAFI.:2, ETON<br />

~e.UT "TRAC.ER Lf'l pi"'GONFtL~ .<br />

vPtS Y, rAis E.1'l YN l.A~, Fi ,<br />

C' \OST l'fiS fA C\ l.E À<br />

ee. FlUCOOf' PE COïE.s,iU VA':> VOl R .<br />

, . . CHAQUe. POiNT iL FI PEU')/. voisiNS<br />

J .... .<br />

C EST FFICILE. Pt C:OHPl\ENDRE<br />

""\I~",S<br />

REDI Ge.~ flUSSI<br />

PFlNS UN fOl.YGOWE. ••• M~\-Ie<br />

PFtNS<br />

NïHPOI'\T~ Qu'I;I.LE. F\GI.lf\1: ~ H\OiN?<br />

'ëT~ WON) NON, 'i'1=\\e;,<br />

ALLE:.R,VIEl.lS, EN fÇl:::' I.lW CONCf\Vt. •••<br />

ON S'EN rOUT<br />

Sous L'i"'PULSioN OE<br />

BŒT~flNO L~S f'OL'(,QN~':><br />

CONCiWE.S SONT Flel'lNOoNwt5<br />

LES ÉLÈVES "TRACE.NT UN<br />

GÇ\f'lN 0 OÉCf'lOONe CO)l'ieXE.<br />

ET \JÉRiriENTG\lE. CliflQIlE;<br />

SOHHéT ADE \lX \loi~iNs. puiS ...<br />

ON VA f\ÉO\e.~p, ÇA<br />

AU f>ROi'RE : DANS UN<br />

fOLYGON~ CHf\~UE<br />

POiNT A DéUl\. ••.<br />

BEN si / C.:Ç,:iT UN<br />

MOYEN çFt.c'ui Qui<br />

L-\T, '/ H\ÎT SON<br />

POLVGONE. ... y D" L ..<br />

10iGNONS P'UN f'OiN<br />

"TOUS L.€S fiUTP.E'5<br />

POiNTS SfluF SEOj<br />

VOiSINS", v fflirçf?<br />

l'OUfl,O\JS LES fbi~TS<br />

C'EST L'MOYEN'<br />

C'~ST PAS<br />

L'MOYE.W Poul',<br />

C~LC:UL~R1<br />

ou\, Hf\i,:> IL l.~':><br />

- ,<br />

C.Ot-lPïE<br />

. P,pp.eo:. ,<br />

PAS BIEN rAf\TÎQùE:,<br />

~..H\i"" .••<br />

c ~


77<br />

P..oN, RLLER. ON PROJD UN<br />

\"oLYGONElY f CÔTÉS rAI',<br />

éXEt-1PLE,t.UH ••• GIIAQùE<br />

POiNT FlURA -e voisiN') f1 iL.<br />

ALlP,f\ ••• 121 [)iAGON!'Il.E.~.<br />

EH, l'ITTE.NCS 1 ON vA<br />

voi P. . l'"fli EN 'UN LÀ .••<br />

fA',':, EN UN.<br />

BŒTRf)ND ïl'.flC~<br />

LES oi flGONf\LES<br />

\S$U~S P'UN<br />

SotH1ET DRill') LI,<br />

POLYGONE ~IlE<br />

vIENT DE DfÇ;iNER<br />

CHRiSTOPHE<br />

y AQLlE. 4 DiAGONALE<br />

HAis NON' ON A<br />

OUBLiÉ. LU:- HÊH E T<br />

1- ÇA. c'ùf)rr e,iEN ~P,Ti ..,<br />

HAis ... COHHE '1 EN fi Qui soNi .•• Qui SONi••.<br />

Al' ET FA ... NOOON ...<br />

OU;! ÇA Y E$~<br />

'S'cRois qaE "X'Ai ïRoové!ET...<br />

HLI 1-1 '" ON f\ETfl.RNC~E. LE .<br />

~ , ,<br />

NCH~RE. .DE SOI1HE-TS t\ C ~VON<br />

~ \~OIlV( / PAflC.ç,. QUE •••<br />

f'!'IACE GlU~<br />

LI'\ D'IFlGONAL.E. RF.<br />

EH BEN ••• Ç-fI TAiT U\<br />

piAGONALlè fA '" BF ... NON,<br />

ÇA VA PAS •••<br />

PFFFFF...<br />

COHHfNT1"U L' 5Ai,;;><br />

l' DOU6L.E et<br />

tN\P,~<br />

•<br />

P~f\~NïH€SEV=)i l' Hf\CtùN ff"'T<br />

~ ••. ~O~Hn"5i y A f'A5 e.'S~IN<br />

DE. LI: i)ENONTR~f', . BEN OUI,<br />

YA PflS ~'SOiN • HAis NON,<br />

TU HET~ / REbl'lRDE •••


78<br />

l ,. , • '<br />

çA\liENT... Çfl C EST.) CR()IS QUt 1 fil 11'IO\lVE. 'ëT.•. 8"... '1 A DES<br />

çl'l SORT D'OÙ ÇA '" E\-I l ,'AS :fE CI\O',S ~E 3'1'\', 'P.OUVÉ.fl1iH-IDS... D"AGONFILES ~~i SE, .. QU~<br />

o • .', (V-,. c 1--1 • P . CON ... y flUR/IIT OES'<br />

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QlH'Il-lD lU Tf\l'\ce PRR'F<br />

iOl1l~'5 LéS DiA GOl.J fH.E.5, ..<br />

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C:H"QU(. DiAGQtol~\.E._.<br />

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T'es ~CJ~Hi<br />

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T'AS ~s l.' tlAoiT 11'PI p.~<br />

QUE r~ .rR'r••• ïU L' FICS<br />

PAS DÉHOHTAÉ' T.'/,\S PAS<br />

L Clp,oir l)/L/oiA~.<br />

~&.. ",J..J-~ .."'" bz .J........,...J)- ".\./?"J -'~<br />

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J{o». av- ~~ ~ ~~ ~~: Zll\~~ J


80<br />

ACTIVITE ... TOURNE...<br />

Philibert CLAPPONI<br />

I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />

ABCD est un carré <strong>de</strong> 10 cm <strong>de</strong> côté et U, V, W et R sont <strong>de</strong>s points construits<br />

sur les côtés du carré à la même distance x <strong>de</strong>s sommets comme sur le<br />

<strong>de</strong>ssin.<br />

x<br />

•<br />

U<br />

A,...---_==------------~<br />

x(D<br />

W<br />

•<br />

x<br />

•<br />

C<br />

Explique pourquoi UVWR est un carré.<br />

Calcule l'aire <strong>de</strong> UVWR en fonction <strong>de</strong> x.<br />

Comment choisir x pour Q.Ie cette aire soit égale à 50 cm 2 •<br />

Dessine la figure correspondante.<br />

D'après les cahiers <strong>de</strong> troisième - I.R.E.M. <strong>de</strong> Poitiers· janvier 1985.<br />

«<strong>petit</strong>x» n° 12 p. 80.1986<br />

IMPRIMERIE LOUIS-JEAN - 05002 GAP Dépôt légal: 88 - Février 1987

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