petit - IREM de Grenoble
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<strong>petit</strong>
JOURNAL POUR LES ENSEIGNANTS DE MATHEMATIQUE ET DE SCIENCES PHYSIQUES<br />
DU PREMIER CYCLE DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE<br />
<strong>petit</strong> x<br />
1986 n° 12<br />
Comité <strong>de</strong> rédaction.<br />
Nicolas Balacheff<br />
Equipe <strong>de</strong> Recherche en Didactique<br />
<strong>de</strong>s Mathématiques<br />
Université 1 <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />
Antoine Bodin<br />
Collège d'Ornans<br />
I.R.E.M~ <strong>de</strong> Besançon<br />
Bernard Capponi<br />
Collège «Le Vergeron», Moirans<br />
I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />
Régis Gras<br />
Mathématiques et 1nformatique<br />
Université 1 <strong>de</strong> Rennes<br />
Rirette Guillermard<br />
Centre <strong>de</strong> formation P.E.G.C.<br />
Nice<br />
Samuel Johsua<br />
Equipe <strong>de</strong> Recherche en Didactique<br />
<strong>de</strong>s Mathématiques<br />
Université <strong>de</strong> Marseille<br />
Colette Labor<strong>de</strong><br />
Equipe <strong>de</strong> Recherche en Didactique<br />
<strong>de</strong>s Mathématiques<br />
Université 1 <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />
Marc Legrand<br />
Equipe <strong>de</strong> Recherche en Didactique<br />
<strong>de</strong>s Mathématiques<br />
Université 1 <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />
Alain Mercier<br />
Lycée Technique «Jean Perrim)<br />
I.R.E.M. <strong>de</strong> Marseille<br />
René Métrégiste<br />
Collège du Château <strong>de</strong> l'Hers<br />
I.R.E.M: <strong>de</strong> Toulouse<br />
Gilbert Primet<br />
Centre <strong>de</strong> formation P.E.G.C.<br />
<strong>Grenoble</strong><br />
André Tiberghien<br />
Laboratoire 1nteruniversitaire<br />
<strong>de</strong> Recherche sur l'Enseignement<br />
<strong>de</strong>s Sciences Physiques et <strong>de</strong> la Technologie<br />
Université <strong>de</strong> Paris VII<br />
Secrétariat <strong>de</strong> rédaction: Nicolas Balacheff<br />
I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />
B.P.41 - 38402 Saint Martin d'Hères Ce<strong>de</strong>x<br />
© 1986· I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong>· Tous droits réservés pour tous pays.<br />
ISSN 0759·9188. Directeur <strong>de</strong> publication le Directeur <strong>de</strong> l'I.R.E.M. : Bernard CORNU.<br />
Composition, A. Bicais, <strong>IREM</strong> <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong>.
'8fJNNEMENT<br />
TARIF D'ABONNEMENT<br />
1986 (3 numéros)<br />
France et Communauté Européenne<br />
Autres pays...•..••..••...•.•.<br />
105 F<br />
140 F<br />
Pour vous abonner, retournez le bon ci-<strong>de</strong>ssous et votre titre <strong>de</strong> paiement à :<br />
I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />
«<strong>petit</strong> x»<br />
B.P •. 41<br />
38402 Saint Martin d'Hères Ce<strong>de</strong>x<br />
<strong>petit</strong> x n° 12<br />
Nom ........................• "<br />
Prénom.......•...............•....<br />
Adresse .<br />
Je souscris un abonnement à «<strong>petit</strong> x» pour l'année 1986 (3 numéros). Ci-joint le<br />
règlement <strong>de</strong> F<br />
à l'ordre <strong>de</strong> Monsieur l'Agent comptable <strong>de</strong> l'U.S.T.M.G.
SOMMAIRE<br />
• Ruptures dans le statut mathématique <strong>de</strong>s nombres négatifs<br />
(G. Schubring) 05<br />
• Symétrie orthogonale : <strong>de</strong>s élèves français et japonais face à<br />
une même tache <strong>de</strong> construction (B. Denys - D. Grenier)<br />
33<br />
• Peut-on corriger <strong>de</strong>s <strong>de</strong>voirs par ordinateur ? (G. Lopata)<br />
57<br />
• Activité Magique (Ph. Clapponi) 71<br />
• On l'a pas démontré, on a pas l'droit d'le faire.............................<br />
76<br />
• Activité Tourne (Ph. Clapponi) 80
4<br />
UN JOURNAL POUR LE PREMIER CYCLE.<br />
Le journal «<strong>petit</strong> x» a été créé par l'I.R .E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong> pour favoriser la diffusion <strong>de</strong>s<br />
réflexions, <strong>de</strong>s comptes rendus <strong>de</strong> travaux et d'activités réalisés dans les classes. Ses princi<br />
paux objectifs sont:<br />
- <strong>de</strong> constituer, en ouvrant largement les pages du journal à <strong>de</strong>s approches diverses, un<br />
lieu d'échanges et <strong>de</strong> débats sur les problèmes soulevés par l'apprentissage et l'enseignement<br />
<strong>de</strong>s sciences au premier cycle;<br />
- d'ajouter un moyen nouveau <strong>de</strong> formation continue à ceux déjà utilisés par VI.R.E.M. ou<br />
l'I.R.E.S.P. un complément aux stages <strong>de</strong> formation géographiquement et quantitativement<br />
limités et à la publication <strong>de</strong> brochures spécialisées;<br />
- enfin, alors que se développent largement les recherches sur l'enseignement, et en parti<br />
culier les recherches en Didactique <strong>de</strong>s Mathématiques et en Didactique <strong>de</strong> la Physique,<br />
«<strong>petit</strong> x» souhaite constituer un lieu <strong>de</strong> rencontre pour les enseignants et les chercheurs.<br />
Les articles publiés dans «<strong>petit</strong> x» sont pour l'essentiel d'un <strong>de</strong>s types suivants:<br />
- Vécu dans les classes: il s'agit <strong>de</strong> la présentation et <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> séquences d'ensei<br />
gnement effectivement réalisées dans une <strong>de</strong>s classes du premier cycle.<br />
- Outils et documents: proposition d'outils ou <strong>de</strong> documents d'enseignement.<br />
- Recherches et réflexions : comptes rendus <strong>de</strong> travaux portant sur <strong>de</strong>s problèmes d'enseignement<br />
ou d'apprentissage en mathématiques, physique, chimie, informatique.<br />
- Mathématiques, Physique: articles sur <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> mathématique ou <strong>de</strong> physique<br />
étroitement liées aux sujets abordés au niveau du premier cycle.<br />
POUR PROPOSER UN ARTICLE•••<br />
Pour proposer un article pour publication dans «<strong>petit</strong> x» nous vous <strong>de</strong>mandons <strong>de</strong> l'envoyer,<br />
si possible dactylographié, à :<br />
I.R.E.M. <strong>de</strong> GRENOBLE «<strong>petit</strong> x»<br />
B.P. 41 ·38402 Saint Martin d'Hères ce<strong>de</strong>x<br />
Indiquer si l'article a déjà été publié, ou est soumis pour publication dans une autre revue.<br />
Les articles soumis sont lus attentivement par quatre collègues membres du comité <strong>de</strong><br />
rédaction <strong>de</strong> «<strong>petit</strong> x» qui en font un compte rendu. Après discussion, le comité <strong>de</strong> rédaction<br />
prend une décision <strong>de</strong> publication avec éventuellement une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> modification.<br />
(Les manuscrits ne sont pas renvoyés),<br />
Copyright:<br />
Le «copyright» <strong>de</strong> la revue est détenu par \'1 REM <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong> qui accor<strong>de</strong>ra cependant aux auteurs, sur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et<br />
sans frais, l'autorisation <strong>de</strong> faire ré-imprimer leurs articles. Ils <strong>de</strong>vront mentionner «<strong>petit</strong> x» pour première publication,<br />
ainsi que le fait que c'est 1'1 REM <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong> qui détient le Copyright.
RUPTURES DANS LE STATUT MATHEMATIQUE<br />
DES NOMBRES NEGATIFS(1)<br />
GertSCHUBRII\JG<br />
1DM, Université <strong>de</strong> Bielefeld<br />
INTRODUCTION.<br />
Les nombres négatifs constituent un exemple instructif pour les processus<br />
<strong>de</strong> développement <strong>de</strong>s concepts mathématiques. A partir <strong>de</strong> notions empiriques, bien<br />
adaptées à la pratique <strong>de</strong> la vie quotidienne, se sont formés <strong>de</strong>s concepts théoriques<br />
où on ne remarque plus une connection avec les débuts historiques et qui constituent<br />
<strong>de</strong>s outils scientifiques importants. Mais ces concepts présentent <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s difficultés<br />
d'apprentissage. Comme on le sait, alors qu'il est possible <strong>de</strong> représenter les nombres<br />
naturels par <strong>de</strong>s objets ou <strong>de</strong>s modèles empiriques, les nombres négatifs n' «existent»<br />
pas, dans le même sens, dans la vie quotidienne. Ainsi la didactique ne peut ignorer<br />
le caractère théorique <strong>de</strong> cette notion mathématique dont presque toute la jeunesse<br />
scolaire doit maintenant faire l'apprentissage. Les nombres négatifs présentent donc<br />
un défi à la didactique. Comment envisager le passage <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs aux nombres<br />
dans le processus d'apprentissage scolaire?<br />
En parcourant quelques publications récentes sur l'apprentissage <strong>de</strong>s nombres<br />
négatifs, il m'a semblé que la didactique obscurcit plus ou moins systématiquement<br />
la présence d'un obstacle à vaincre. J'ai remarqué <strong>de</strong>ux tendances pour tourner la<br />
difficulté: - l'une nie le caractère théorique du concept <strong>de</strong> nombre négatif et réduit<br />
ce concept à <strong>de</strong>s notions empiriques, directement accessibles à l'expérience quotidienne<br />
- l'autre ne parle que <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs quand il s'agit <strong>de</strong> l'école élémentaire et<br />
suppose l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs à partir <strong>de</strong> l'école secondaire: ainsi, on i<strong>de</strong>n-<br />
tifie le passage <strong>de</strong>s notions concrètes aux notions abstraites soit avec la ségrégation<br />
scolaire soit avec l'atteinte d'une certaine «maturité d'esprit» et en tous cas avec <strong>de</strong>s<br />
conditions vraiment externes au processus didactique.<br />
Parmi les publications récentes(2), un cas révélateur pour la liaison <strong>de</strong> ces<br />
<strong>de</strong>ux tendances est un article par G. Bélanger (1984) : l'auteur refuse que l'introduction<br />
<strong>de</strong>s nombres négatifs soit reportée aux classes du secondaire - comme on le<br />
«<strong>petit</strong> x» n° 12 pp. 5 à 32.1986
6<br />
recomman<strong>de</strong> dans le programme <strong>de</strong> son pays (le Canada), à cause du concept mathématique<br />
assez exigeant (<strong>de</strong>s classes d'équivalence), nécessaire pour justifier la nouvelle<br />
opération - et soutient leur enseignement dès l'école primaire, mais en s'appuyant<br />
sur un réductionnisme qu'il exprime bien dans l'énoncé <strong>de</strong> son objectif majeur:<br />
«Permettre aux élèves <strong>de</strong> prendre conscience <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong>s nombres entiers relatifs<br />
dans la vie et d'en comprendre l'utilité» (p. 7 ; ital. par moi, G.S.I.<br />
Que dit la recherche en didactique sur l'histoire <strong>de</strong>s nombres négatifs ?<br />
Glaeser (1981) a été le premier, à ma connaissance, à étudier la réfutation <strong>de</strong>s nombres<br />
négatifs comme un problème non <strong>de</strong> la «pré»-histoire mais comme un problème d'une<br />
actualité assez récente: et pour la mathématique et pour la didactique(3). Bien qu'il<br />
remarque <strong>de</strong>s ruptures qui sont apparues dans le développement historique, Glaeser<br />
s'étonne <strong>de</strong> constater que la règle <strong>de</strong>s signes (sur laquelle il centre son étu<strong>de</strong>) ait<br />
pu poser <strong>de</strong> telles difficultés aux mathématiques et aux didacticiens.<br />
J'abor<strong>de</strong>rai ce sujet sous un autre angle : celui <strong>de</strong> controverses historiques<br />
autour <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs. J'essaierai aussi <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce<br />
les enracinements culturels <strong>de</strong>s épistémologies sous-jacentes à chaque position, afin<br />
<strong>de</strong> mieux cerner la nature même <strong>de</strong>s ruptures qui sont en cause<br />
En effet, dans cette histoire, ce n'est pas tant la règle <strong>de</strong>s signes que l'existence<br />
même <strong>de</strong>s nombres négatifs qui pose un problème, que ce soit en mathématique<br />
ou en didactique(41. Par contre, la règle <strong>de</strong>s signes a toujours constitué un obstacle<br />
manifeste pour les élèves. S'il en est ainsi c'est sans doute parce que les enseignants<br />
ont longtemps essayé (et qu'ils essaient encore) <strong>de</strong> démontrer cette règle. Rappelons<br />
que ce n'est que vers la fin du 19ème siècle que la didactique a réalisé, à partir du<br />
«principe <strong>de</strong> permanence» <strong>de</strong> H. Hankel(51, qu'on ne peut pas prouver cette règle<br />
et qu'elle n'est rien d'autre qu'une convention.<br />
Il importe d'illustrer brièvement la pertinence <strong>de</strong> l'histoire <strong>de</strong>s nombres négatifs<br />
en France en rappelant quelques faits <strong>de</strong> cette histoire. D'abord, le nom même <strong>de</strong><br />
nombres relatifs, qui est employé pour l'ensemble <strong>de</strong>s nombres positifs et négatifs,<br />
renvoie à L. Carnot et à sa réfutation du statut mathématique <strong>de</strong>s nombres négatifs.<br />
Position à laquelle s'est rallié, presque unanimement, l'ensemble du public français.<br />
Par ailleurs, F.C. Busset (1843)(6>, se plaignant <strong>de</strong> l'échec <strong>de</strong> l'enseignement mathématique<br />
en France et <strong>de</strong> la marginalisation <strong>de</strong>s mathématiques dans la culture, en<br />
trouve toutes les causes réunies en une seule : l'admission <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong>s quantités<br />
négatives. 1/ est même choqué <strong>de</strong> ce que l'on discute <strong>de</strong> savoir «s'il existe <strong>de</strong>s<br />
quantités plus <strong>petit</strong>es que rien l>P>. Ainsi, dans le but d'améliorer l'enseignement<br />
<strong>de</strong>s mathématiques et les manuels, Busset préconise <strong>de</strong> réviser la «théorie <strong>de</strong>s nombres»<br />
et plus précisément tout ce qui touche à l'opération <strong>de</strong> soustraction. On trouve, dans<br />
le livre <strong>de</strong> Busset, l'énoncé d'un critère <strong>de</strong> qualité pour la rédaction <strong>de</strong>s manuels:
7<br />
«Les traités <strong>de</strong> la science... (ne doivent pas être) en désaccord avec les notions communes»<br />
(Busset 1843, p. 47). En somme, au lieu d'élever la culture générale, réduire<br />
les concepts théoriques aux notions <strong>de</strong> la vie pratique. Voilà une expression sans<br />
équivoque du réductionnisme dont il a été question plus haut.<br />
Mon hypothèse principale est que les controverses autour <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong>s<br />
nombres négatifs s'expliquent surtout par l'obstacle qu'il y a à passer <strong>de</strong> la notion<br />
<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur, qui est <strong>de</strong> nature substantielle (voir plus loin), à celle <strong>de</strong> nombre, qui<br />
est essentiellement théorique(8). J'utilise ici la relation gran<strong>de</strong>ur-nombre pour révéler<br />
les raisons épistémologiques <strong>de</strong> la réfutation <strong>de</strong> l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs.<br />
J'ai analysé le développement <strong>de</strong>s conceptions sur les nombres négatifs après<br />
le 17ème siècle, l'époque d'acceptation <strong>de</strong> ces nombres dans les mathématiques (selon<br />
les assertions <strong>de</strong> l'historiographie). J'ai mené l'analyse comme comparaison <strong>de</strong> l'Angleterre,<br />
la France et l'Allemagne (les trois pays européens avec les plus gran<strong>de</strong>s communautés<br />
mathématiques), en utilisant un très grand nombre <strong>de</strong> documents: <strong>de</strong>s monographies<br />
<strong>de</strong> recherche mathématique, <strong>de</strong>s traités sur la philosophie <strong>de</strong>s mathématiques,<br />
<strong>de</strong>s traités historiques, <strong>de</strong>s sources archivales, <strong>de</strong>s réflexions didactiques, mais surtout<br />
<strong>de</strong>s manuels. En ce qui concerne les manuels, j'étais soucieux <strong>de</strong> ne pas me restreindre<br />
aux parties traitant explicitement les nombres négatifs mais <strong>de</strong> considérer aussi les<br />
parties renfermant leurs «applications», en analysant les manuels d'arithmétique,<br />
d'algèbre, <strong>de</strong> géométrie analytique, <strong>de</strong> trigonométrie etc., dont je ne peux citer ici<br />
que quelques ouvrages paradigmatiques. Je ne peux expliquer ici le problème assez<br />
complexe d'analyser un si grand nombre <strong>de</strong>s manuels et je renvoie aux publications<br />
(Schubring 1986b, 1987). J'indique seulement que j'ai choisi pour la France comme<br />
<strong>de</strong>s données <strong>de</strong> base les manuels d'arithmétique et d'algèbre adoptés pour les écoles<br />
secondaires entre 1795 et 1845. Dans le cadre <strong>de</strong> cet article je ne peux présenter<br />
le cas anglais (voir pour une présentation d'introduction la thèse <strong>de</strong> Pycior 1976,<br />
pp. 42-85) et je me restreins à présenter la discussion en France et en Allemagne sur<br />
la nature <strong>de</strong>s nombres négatifs, à partir du milieu du 18ème siècle jusqu'au milieu du<br />
19ème siècle, et les diverses causes <strong>de</strong> la réfutation <strong>de</strong> ces nombres. Je commence par<br />
un bref rappel <strong>de</strong> l'histoire, mathématique, <strong>de</strong> ces nombres.<br />
UNE COURTE HISTOIRE DES NOMBRES NEGATIFS, DE LEURS ORIGINES<br />
AU 18ème SIECLE(9).<br />
On trouve dans l'Antiquité et dans le Moyen Age oriental <strong>de</strong>s approches différentes<br />
et une même résistance face aux nombres négatifs.<br />
Chez les Grecs, Diophante parle <strong>de</strong> quantités soustraites et il explique la règle<br />
<strong>de</strong>s signes. Mais en même temps il n'admet pas les équations telles que 4 = 4x + 20<br />
parce que leur solution est «absur<strong>de</strong>».
8<br />
telle que<br />
En 1n<strong>de</strong>, Bhaskara Il, au 12ème siècle, dit d'une équation du second <strong>de</strong>gré<br />
(2i. - 3)2 + 1 = x x = 50 x = 5<br />
5 ' 1 ' 2<br />
qu'elle n'est «pas consistante» parce que les gens n'acceptent pas <strong>de</strong> considérer les<br />
nombres négatifs absolus comme -3. Les nombres positifs sont appelés «propriétés»<br />
ou «biens» alors que les nombres négatifs sont nommés «<strong>de</strong>ttes» ; une valeur négative<br />
pour une partie d'une droite est associée à sa direction opposée.<br />
Les mathématiciens chinois utilisaient les quantités négatives comme moyens<br />
intermédiaires dans leur calcul pour résoudre <strong>de</strong>s problèmes, mais ces quantités<br />
n'étaient pas admises comme <strong>de</strong>s solutions.<br />
Chez les Arabes, non plus, on n'admet pas les quantités négatives; ou plutôt,<br />
les mathématiciens choisissent, dans l'algèbre indéterminée, les constantes qui garantissent<br />
l'obtention exclusive <strong>de</strong> solutions positives.<br />
Dans l'Europe du Moyen Age, les nombres négatifs pouvaient apparaître<br />
dans <strong>de</strong>s systèmes d'équations linéaires. Ainsi dans son Liber Abaci Léonard <strong>de</strong> Pise<br />
considère l'éventualité d'une solution négative mais il la rejette comme non valable. Par<br />
contre, il utilise <strong>de</strong>s valeurs intermédiaires négatives qu'il interprète comme <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ttes.<br />
En somme, il n'admet que les problèmes dans lesquels il est possible d'interpréter les<br />
valeurs négatives comme quelque chose <strong>de</strong> positif.<br />
Un manuscrit en provençal, datant d'environ 1430 et récemment découvert,<br />
est le premier texte connu dans lequel un résultat négatif est admis sans réserves:<br />
il s'agit <strong>de</strong> la résolution d'un problème parmi un système <strong>de</strong> cinq équations linéaires;<br />
pour l'une <strong>de</strong>s variables, le texte propose comme solution _10 3 / 4 (voir Sesiano 1984).<br />
De son côté, Nicolas Chuquet (également français) admet <strong>de</strong>s solutions négatives<br />
à <strong>de</strong>s problèmes abstraits (c'est-à-dire comprenant <strong>de</strong> purs nombres et pas <strong>de</strong><br />
gran<strong>de</strong>urs) où une valeur est considérée comme solution dans la mesure où elle satisfait<br />
l'équation. Plus encore, il élabore même <strong>de</strong>s procédures pour additionner et pour<br />
soustraire <strong>de</strong> tels nombres(10).<br />
Je passe au 18ème siècle pour donner quelques indications sur l'état le plus<br />
avancé <strong>de</strong> la science <strong>de</strong> l'époque, comme point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong>s analyses que je développerai<br />
ensuite. Le célèbre manuel d'Euler, composé en 1766, nous fournit un modèle<br />
<strong>de</strong> l'admission pour les nombres négatifs d'un statut d'êtres mathématiques véritables.<br />
Ici, la soustraction n'est pas restreinte au seul cas où le nombre à soustraire est plus<br />
<strong>petit</strong> que celui dont il est soustrait; Eu 1er affirme sans réserve que 25 - 40 = -15 et
9<br />
que les nombres négatifs sont plus <strong>petit</strong>s que zéro (
10<br />
«Les quantités algébriques sont ou positives ou négatives. On appelle quantité positive celle<br />
qui est au·<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> zéro, et qui est précédée, ou que l'on suppose d'être précédée du signe +,...<br />
Ouantités négatives sont celles qui sont regardées comme moindres que rien, et qui sont précédées du<br />
signe -» (ibid. vol. 13, p. 655).<br />
On peut supposer que l'auteur <strong>de</strong> cet article, l'abbé <strong>de</strong> la Chapelle, qui était<br />
professeur <strong>de</strong> philosophie, a enseigné les mathématiques selon cette conception dans<br />
ses classes <strong>de</strong> philosophie <strong>de</strong>s collèges. En fait, il y a au moins un manuel <strong>de</strong> mathématiques,<br />
qui a été utilisé dans les classes <strong>de</strong> philosophie (où ont lieu les seuls cours <strong>de</strong><br />
mathématiques alors offerts dans les universités françaises) dans lequel on admet les<br />
quantités négatives :<br />
«Les quantités précédées du signe + sont appelées positives; celles qui sont précédées du<br />
signe - sont dites négatives : elles ne sont pas moins réelles que les positives; mais elles sont prises<br />
dans un sens opposé» (Sauri 1772, p. 39).<br />
On remarquera le défaut dans cette définition : peut-être pour éviter l'allusion<br />
au «rien», il manque toute référence aux valeurs absolues. La définition ne portant<br />
que sur le signe, elle ne permet pas <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la valeur, positive ou négative, d'une<br />
quantité.<br />
On a oublié qu'un essai d'éclaircissement <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong>s nombres négatifs,<br />
et <strong>de</strong> réfutation <strong>de</strong> la critique <strong>de</strong> d'Alembert, a été entrepris en France à cette époque;<br />
mais en fait, c'est dans le célèbre ouvrage <strong>de</strong> Condillac «La Langue <strong>de</strong>s Calculs», que<br />
l'on trouve un effort pour établir une théorie <strong>de</strong>s nombres négatifs.<br />
Condillac (pour qui l'algèbre constitue le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s mathématiques)<br />
développe, dans «La Langue <strong>de</strong>s Calculs», une théorie <strong>de</strong>s abstractions successives, à<br />
partir <strong>de</strong>s notions empiriques, et une hiérarchie <strong>de</strong>s étapes d'abstraction et <strong>de</strong> théorisation.<br />
En outre, il explique les liens entre les différentes étapes avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa<br />
conception d'analogie (donc la première formulation du «principe <strong>de</strong> permanence»<br />
(Hankel)). Ce qui constitue le progrès réalisé par Condillac est qu'il découvre le passage<br />
<strong>de</strong>s quantités/gran<strong>de</strong>urs aux nombres comme le point décisif. On trouve donc chez<br />
Condillac, pour la première fois, une théorie génétique <strong>de</strong> la naissance du concept<br />
du nombre. Bien entendu, Condillac n'a pas entrepris d'étu<strong>de</strong>s, soit historiques, soit<br />
expérimentales, sur la génèse du concept du nombre. Il ne s'agit que d'une reconstruction<br />
«rationnelle». Voyons <strong>de</strong> plus près comment il conçoit les nombres négatifs<br />
dans sa vision «opérationnaliste». Selon Condillac il y a eu quatre étapes dans le<br />
processus <strong>de</strong> formation du concept du nombre :<br />
1. Le premier calcul effectué est le calcul avec les doigts. On énumère avec<br />
les doigts pour se représenter une suite d'unités (gran<strong>de</strong>urs). De ce premier calcul<br />
empirique avec gran<strong>de</strong>urs sont issues les quatre opérations <strong>de</strong> base. Par exemple,
11<br />
l'opération qui «défait ce que l'addition a fait, est ce qu'on nomme soustraction»<br />
(Condillac 1981, p. 14). La notion est ainsi restreinte par ce premier type <strong>de</strong> calcul.<br />
2. La <strong>de</strong>uxième étape est caractérisée par le passage aux noms. L'emploi <strong>de</strong>s<br />
noms ouvre <strong>de</strong> nouveaux domaines au calcul mais, par-<strong>de</strong>ssus tout, le passage <strong>de</strong>s<br />
doigts aux noms est une condition nécessaire à l'apparition <strong>de</strong> l'algèbre; parce que ce<br />
passage conduit à un autre passage :celui <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs aux nombres abstraits: Condillac<br />
insiste très explicitement sur ce passage qui comporte un changement <strong>de</strong> statut du<br />
concept en même temps qu'une réduction <strong>de</strong> la dépendance <strong>de</strong>s concepts aux substances<br />
du mon<strong>de</strong> réel :<br />
«Ces idées que nous nous sommes faites avec les doigts, l'analogie nous les fait donc appliquer<br />
à <strong>de</strong>s cailloux, à <strong>de</strong>s arbres, à <strong>de</strong>s hommes; et parce que nous pouvons les appliquer à tous les<br />
objets <strong>de</strong> l'univers, nous disons qu'elles sont générales, c'est-à-dire, applicables à tout. Mais, lorsque<br />
nous nous bornons à les considérer applicables à tout, nous ne les appliquons à aucune chose en<br />
particulier, nous les considérons en elles-mêmes, et nous les séparons <strong>de</strong> tous les objets auxquels on<br />
peut les appliquer» (ibid., p. 48-49 ; ital. par moi, G.S.).<br />
3. La troisième étape comprend l'invention <strong>de</strong> signes. Calculer avec <strong>de</strong>s grands<br />
noms nécessite <strong>de</strong>s signes simples. Ceci est réalisé par l'invention <strong>de</strong> caractères pour<br />
la numération, c'est-à-dire, par l'invention <strong>de</strong>s chiffres (qui est à l'origine <strong>de</strong> l'arithmétique).<br />
Condillac distingue nettement entre les opérations sur <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs (idées)<br />
et les opérations sur <strong>de</strong>s nombres (signes), (voir ibid. p. 223).<br />
4. Dans la <strong>de</strong>rnière étape, se trouve la caractéristique <strong>de</strong> ce que sera l'algèbre:<br />
les opérations sur les quantités littérales. C'est ce passage <strong>de</strong>s chiffres aux lettres qui<br />
rend possible l'émergence du concept <strong>de</strong> nombre abstrait. Condillac insiste sur le fait<br />
que les opérations impliquant ce concept théorique exigent une redéfinition <strong>de</strong>s<br />
opérations ou, dans la terminologie qui lui est propre, suppose une révision <strong>de</strong> la<br />
grammaire nécessaire : «Ce dialecte (l'algèbre) a <strong>de</strong>s règles qu'il faut connoÎtre, et<br />
c'est une nouvelle grammaire à apprendre» (ibid., p. 275).<br />
C'est justement dans le contexte <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière étape que Condillac analyse<br />
les nombres négatifs, comme une extension à la notion, plus primitive, <strong>de</strong> soustraction<br />
qu'il redéfinit, à son tour, comme extension à l'addition:<br />
«Une lettre précédée du signe +, indique une quantité ajoutée, une addition, et je l'appelle<br />
une quantité en plus: lorsqu'elle est précédée du signe -, je l'appelle quantité en moins, puisqu'elle est<br />
une quantité soustraite, une soustraction ... Il importe peu que la quantité soit en plus ou en moins:<br />
car, en moins comme en plus, elle est une quantité» (ibid., p. 277-278).<br />
Ici Condillac ne cherche pas à réduire les termes théoriques à <strong>de</strong>s termes<br />
empiriques. Il insiste sur la nouveauté <strong>de</strong> ces opérations. Ainsi tente-t-il <strong>de</strong> rédéfinir<br />
toutes les opérations en vue <strong>de</strong> l'algèbre. C'est-à-dire d'élaborer une grammaire consis
12<br />
tante qui convienne au «dialecte <strong>de</strong> l'algèbre» sans pour autant réduire ce «dialecte» à<br />
celui <strong>de</strong> l'arithmétique:<br />
«Donc, à parler proprement, il n'y a point <strong>de</strong> quantités en moins dans les langues vulgaires,<br />
ni en arithmétique. Mais en algèbre, où les signes sont indéterminés, on ne saurait prononcer la<br />
différence: on ne peut que l'indiquer, et a - b ou b - a est l'unique réponse à celui qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> celle<br />
qui est entre a et b.<br />
Tout cela est conséquent et il n'y a <strong>de</strong> contradiction que dans les mots somme et reste, qui<br />
ne sont pas <strong>de</strong> l'algèbre: mais ce qui est une addition en algèbre est nommé soustraction en arith·<br />
métique ;... Lorsqu'on allie ces <strong>de</strong>ux dialectes il n'est donc pas possible <strong>de</strong> ne pas tomber dans <strong>de</strong>s<br />
expressions contradictoires», (ibid., p. 295-296).<br />
Condillac récuse aussi la critique que d'Alembert adresse à la théorie <strong>de</strong>s<br />
quantités négatives, et il annonce l'exposé <strong>de</strong> sa propre conception opérationnelle <strong>de</strong>s<br />
nombres négatifs dans son ouvrage: «l'Jous achèverons d'éclaircir cette théorie, lorsque<br />
nous traiterons les équations du second <strong>de</strong>gré» (ibid., p. 300)(12). Or, c'est justement<br />
pour le traitement <strong>de</strong>s équations du second <strong>de</strong>gré que les nombres négatifs apparaissent,<br />
inévitablement. Malheureusement, Condillac n'a pas achevé cet ouvrage et nous<br />
ne disposons d'aucune trace <strong>de</strong> la suite <strong>de</strong> ces réflexions sur les opérations et sur<br />
les nombres négatifs.<br />
«La Langue <strong>de</strong>s Calculs» (ouvrage posthume paru en 1798) a été vivement<br />
discuté en France, tout particulièrement par les ldéologues*. Ces philosophes, bien<br />
que la plupart d'entre eux aient été disciples <strong>de</strong> Condillac, n'ont guère apprécié ce<br />
traité. Ils attribuaient à Condillac (à tort à mon avis) l'idée que l'algèbre constitue<br />
«la langue» (donc le modèle et la finalité) <strong>de</strong> toutes les sciences et ils récusèrent, avec<br />
beaucoup d'emphase, un rôle méthodologique aussi général <strong>de</strong> l'algèbre. Personne n'a<br />
poursuivi la conception d'une évolution génétique <strong>de</strong>s concepts scientifiques et <strong>de</strong>s<br />
différents sta<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'abstraction, les Idéologues placent tous les concepts (
13<br />
On ne trouve plus, chez Biran, l'idée <strong>de</strong> différentes étapes dans l'abstraction,<br />
ni celle d'une différence entre gran<strong>de</strong>urs et nombres. Les nombres sont interprétés<br />
comme <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs géométriques, «susceptibles d'être construits ou traduits en<br />
lignes» (ibid.).<br />
Dans les années du tournant du siècle, on assiste à un changement dans les<br />
conceptions <strong>de</strong>s mathématiques chez les philosophes français, surtout en ce qui a trait<br />
à leur «architecture» (cf. p. 24). L'algèbre est mise à distance et c'est la géométrie<br />
qui est choisie comme fondamentale, <strong>de</strong>vant conférer leur signification immédiate<br />
aux signes mathématiques, les mathématiques étant interprétées dans les termes <strong>de</strong><br />
l'expérience sensible. Ce changement est bien visible dans l'œuvre <strong>de</strong> Destutt <strong>de</strong> Tracy,<br />
un <strong>de</strong>s plus importants représentants <strong>de</strong>s Idéologues : dans la version préliminaire<br />
<strong>de</strong> ses célèbres «Elemens d'Idéologie» (<strong>de</strong> l'an IV, resp. VI, 1796/98), il conçoit les<br />
mathématiques pures comme étant <strong>de</strong>s conséquences <strong>de</strong> «<strong>de</strong>ux idées abstraites...<br />
l'idée d'unité; et ... l'idée <strong>de</strong>s figures» (Destutt <strong>de</strong> Tracy 1798, p. 389-390). Cette<br />
conception selon laquelle sont juxtaposées l'algèbre et la géométrie, est supplantée<br />
dans la version ultérieure <strong>de</strong> l'ouvrage par une autre conception qui assure la dominance<br />
<strong>de</strong> la géométrie. Elle est soulignée expressément dans une note à la <strong>de</strong>uxième<br />
édition du premier volume:<br />
«Une quantité quelconque est donc calculable à proportion qu'elle soit réductible directement<br />
ou indirectement en mesures <strong>de</strong> J'étendue; car c'est là la propriété <strong>de</strong>s êtres, la plus éminemment<br />
mesurable» (Destutt <strong>de</strong> Tracy 1804, p. 216).<br />
Ce changement <strong>de</strong> conception épistémologique (qui n'a pas encore été étudié)<br />
a été transmis <strong>de</strong> la philosophie aux mathématiques et y a effectué <strong>de</strong>s changements<br />
<strong>de</strong> «mentalités» et <strong>de</strong> pratique (mathématique et didactique). Le premier à transmettre<br />
ces nouvelles visions épistémologiques aux mathématiques a été Lazare Carnot,<br />
d'abord en 1801 (13), puis sous une forme plus développée en 1803. Carnot fait ainsi<br />
un double choix: il est convaincu <strong>de</strong> la prédominance <strong>de</strong> la géométrie sur l'algèbre,<br />
et il n'admet le statut d'êtres mathématiques que pour les nombres absolus, c'est-à-dire<br />
seulement ceux <strong>de</strong>s nombres qui peuvent être reliés à <strong>de</strong>s substances. Ainsi, Carnot<br />
ne retient la soustraction que pour l'arithmétique et ne la considère jamais comme<br />
opération algébrique. Il tente <strong>de</strong> remplacer l'algèbre par la géométrie, ou plutôt par un<br />
nouveau type <strong>de</strong> géométrie ; la géométrie <strong>de</strong>s corrélations. Il restreint les opérations<br />
algébriques aux cas «exécutables» ; par exemple, l'équation (a - b) . c = ac - bc est<br />
restreinte au cas où a> b. Il contourne une partie <strong>de</strong> ces restrictions en transposant<br />
l'algèbre en un calcul effectué à partir<strong>de</strong> lignes orientées:<br />
«De·là je conclus,... que toute quantité négative isolée est un être <strong>de</strong> raison, et que celles<br />
qu'on rencontre dans le calcul, ne sont que <strong>de</strong>s simples formes algébriques, incapables <strong>de</strong> représenter<br />
aucune quantité réelle et effective. (p. xviij) ...
14<br />
La géométrie <strong>de</strong> position est donc, à proprement parler, la doctrine <strong>de</strong>s quantités positives et<br />
négatives, ou plutôt le moyen d'y suppléer, car cette doctrine y est entièrement rejetée. (p. 22)...<br />
Je dirais que la géométrie <strong>de</strong> position est celle où la notion <strong>de</strong>s quantités positives et négatives<br />
isolées, est supplée par celle <strong>de</strong>s quantités directes et inverses». (p. xxxiv) (Carnot 1803).<br />
Il remplace la notion <strong>de</strong> nombre négatif par celle <strong>de</strong> corrélation <strong>de</strong>s lignes<br />
directes et inverses. Cette substitution a effectué l'acceptation du refus <strong>de</strong>s nombres<br />
négatifs et d'une algèbre puissante dans la communauté mathématique et dans le<br />
public, à un point tel que tout un chacun a repris les arguments <strong>de</strong> Carnot sans plus<br />
s'en référer à lui. Napoléon lui-même a contribué à répandre l'idée d'opérations restreintes<br />
aux cas «exécutables» (voir Schubring 1986a).<br />
En France, rares ont été ceux qui ont contesté la vision <strong>de</strong> Carnot sur les<br />
quantités négatives. Gergonne a été du côté <strong>de</strong>s contestataires, mais son article <strong>de</strong><br />
1814, dans lequel il favorise nettement la doctrine <strong>de</strong>s quantités opposées alors en<br />
vigueur en Allemagne (et dont il sera question plus loin), affiche plutôt une position<br />
timi<strong>de</strong> et défensive. Gergonne est conscient <strong>de</strong> ce qu'il ya eu une rupture et il parle<br />
<strong>de</strong> l' «ancienne théorie» à laquelle a été «substituée <strong>de</strong>puis quelques années» «la nouvelle»,<br />
soutenue le mieux par Carnot (Gergonne 1814, pp. 19-20).<br />
Cette rupture apparaît aussi à travers les différentes éditions <strong>de</strong>s «Elémens<br />
d'algèbre» <strong>de</strong> S.F. Lacroix, un manuel longtemps prédominant parmi ceux adoptés<br />
pour les écoles secondaires. Les six premières éditions (1797-1807) empruntent largement<br />
au manuel <strong>de</strong> Bezout et correspon<strong>de</strong>nt à la conception ambiguë que l'on<br />
trouve dans l'Encyclopédie:<br />
- Lacroix distingue signe <strong>de</strong> l'opération et signe <strong>de</strong> la quantité (Lacroix 1800,<br />
p.31),<br />
- il affirme l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs : les quantités «négatives ont<br />
donc une existence aussi réelle que les (quantités) positives» (ibid., p. 32),<br />
- les solutions négatives doivent être interprétées comme solutions positives:<br />
«toute solution négative... marque que la quantité cherchée doit être prise dans un<br />
sens tout opposé à celui dans lequel elle l'a été d'abord» (ibid., p. 33),<br />
- les opérations algébriques ont <strong>de</strong>s caractéristiques que n'ont pas les opérations<br />
arithmétiques: «l'extension que les signes généraux employés dans (l'algèbre),<br />
donnent aux résultats, ne permet plus leur comparaison exacte avec ceux (<strong>de</strong> l'arithmétique)...<br />
la soustraction <strong>de</strong> b - a, indiquée algébriquement, n'emporte pas nécessairement<br />
l'idée que b surpasse a» (ibid., p. 41-42).<br />
Par contre, à partir <strong>de</strong> la septième édition (1808) (presque entièrement révisée)<br />
on ne trouve plus d'énoncés sur l'existence <strong>de</strong>s quantités négatives ou <strong>de</strong> réflexions
15<br />
sur les opérations. Ces énoncés sont remplacés par un fréquent recours au mot «absurdité»<br />
pour qualifier les solutions négatives. Aussi, ce n'est plus que dans le contexte<br />
<strong>de</strong>s systèmes linéaires d'équations que Lacroix entreprend <strong>de</strong> traiter <strong>de</strong> quantités<br />
négatives et d'établir la règle <strong>de</strong>s signes. Il constate que «la théorie <strong>de</strong>s quantités<br />
négatives est à la fois l'une <strong>de</strong>s plus importantes et <strong>de</strong>s plus épineuses <strong>de</strong> l'algèbre»<br />
(Lacroix 1808, p. 91-92). Il dénonce toute solution sous la forme d'une quantité<br />
négative isolée comme «absurdité», pour <strong>de</strong>ux raisons:<br />
La première raison apparaît au cours d'un problème où il s'agit <strong>de</strong> résoudre<br />
un système linéaire <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux équations: Lacroix constate que pour l'une <strong>de</strong>s équations,<br />
60 + 7y = 46:<br />
«La seule inspection <strong>de</strong> cette équation y fait reconnaître une absurdité. En effet, il n'est pas<br />
possible <strong>de</strong> former le nombre 46 en ajoutant quelque chose au nombre 60, qui seul surpasse déjà 46»<br />
libid., p. 86).<br />
Au terme d'une longue discussion et après avoir substitué aux équations données<br />
d'autres équations «pour que le troisième problème proposé soit possible» <br />
mais toujours semblant opérer sur <strong>de</strong>s nombres abstraits -<br />
Lacroix obtient la solu<br />
tion «x = 5 fr , Y = 2 fr », en ajoutant tout à coup les désignations <strong>de</strong> nombres concrets<br />
(ibid., p. 88). Voilà donc l'une <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> l'absurdité <strong>de</strong>s quantités négatives: il<br />
s'agit, en réalité, <strong>de</strong> «choses», <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs (<strong>de</strong> francs, en l'occurrence) et il ne peut<br />
y avoir <strong>de</strong> séparation entre les gran<strong>de</strong>urs et les nombres abstraits.<br />
La <strong>de</strong>uxième raison vient <strong>de</strong> la restriction stricte <strong>de</strong> l'opération <strong>de</strong> soustraction<br />
au cas du «reste» positif ou zéro (ibid., p. 92).<br />
Mais d'autre part, Lacroix sent bien qu'il ne peut maintenir ce rigorisme dans<br />
la pratique mathématique. Ainsi, il introduit un tout autre critère (la consistance<br />
interne) sans toutefois se rendre compte <strong>de</strong> cet éclectisme et <strong>de</strong> l'incompatibilité entre<br />
les <strong>de</strong>ux points <strong>de</strong> vue qu'il soutient:<br />
«L'Algèbre dispense <strong>de</strong> toute recherche à cet égard (sc. : <strong>de</strong> rectifier "énoncé <strong>de</strong> la question),<br />
lorsqu'on sait opérer convenablement sur les expressions affectées du signe - ; car ces expressions<br />
étant déduites <strong>de</strong>s équations du problème, doivent satisfaire à ces équations: c'est-à-dire, qu'en les<br />
soumettant aux opérations indiquées dans l'équation, on doit trouver, pour le premier membre, une<br />
valeur égale à celle du second» (ibid., p. 88).<br />
Pour les équations du second <strong>de</strong>gré Lacroix maintient l'approche «substantialiste»<br />
qu'il avait adoptée pour celles du premier <strong>de</strong>gré: si l'on obtient <strong>de</strong>ux solutions<br />
négatives, on doit alors «modifier l'énoncé <strong>de</strong> la question pour en ôter l'absurdité»<br />
(p. 100, voir p. 168) ; s'il y a <strong>de</strong>s solutions mixtes, la solution négative n'est<br />
en fait que la solution d'une autre question (p. 175).
16<br />
Dans le chapitre «Théorie générale <strong>de</strong>s équations», Lacroix ne relâche ses<br />
exigences que pour les équations <strong>de</strong> <strong>de</strong>grés supérieurs (matière que couvre le <strong>de</strong>rnier<br />
tiers du manuel et qui est apparemment <strong>de</strong>stinée à un niveau supérieur <strong>de</strong> l'enseignement).<br />
C'est là qu'il applique (sans même en prévenir le lecteur) le critère <strong>de</strong> satisfaction<br />
interne (ex. pp. 306·307).<br />
La réfutation <strong>de</strong>s nombres négatifs ne s'est pas limitée à l'enseignement et<br />
surtout pas au seul enseignement <strong>de</strong>s écoles secondaires mais elle a englobé aussi<br />
l'enseignement scientifique supérieur(14)<br />
Je n'ai pas analysé systématiquement les manuels français <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième<br />
moitié du 19ème siècle mais, selon J. Itard, c'est Carlo Bourlet qui, le premier, en<br />
1896, introduisit dans un manuel, «en tête <strong>de</strong> l'algèbre (l'exposé complet) <strong>de</strong> la théorie<br />
<strong>de</strong>s nombres négatifs» (Itard 1984, p. 356)(15).<br />
EN ALLEMAGNE.<br />
A l'opposé <strong>de</strong> la France, l'Allemagne n'a pas connu ce rejet du statut mathématique<br />
<strong>de</strong>s nombres négatifs, du moins pas jusqu'aux années 1820. Ce qu'on y voit<br />
plutôt c'est, dès le milieu du 18ème siècle, la mise en place d'un cadre théorique<br />
pour justifier les opérations algébriques sur tous les entiers: c'est la «doctrine <strong>de</strong>s<br />
quantités opposées». Par ailleurs, ni cette théorie, ni la notion <strong>de</strong> «quantités opposées»<br />
n'ont été retenues ni même (à ma connaissance) discutées en France(16). Voyons<br />
brièvement <strong>de</strong> quelles façons les manuels allemands ont présenté les nombres négatifs.<br />
A.G. Kastner (1719-1800), professeur <strong>de</strong> mathématiques à l'Université <strong>de</strong><br />
Gôttingen, est l'auteur d'une série <strong>de</strong> manuels <strong>de</strong>stinés à l'enseignement universitaire<br />
qui ont connu un grand succès et ont beaucoup influencé l'enseignement <strong>de</strong>s mathématiques<br />
durant toute la <strong>de</strong>uxième moitié du 18ème siècle en Allemagne. Le premier<br />
ouvrage <strong>de</strong> cette série (1755), portant sur les éléments d'arithmétique et <strong>de</strong> géométrie,<br />
développe (avant <strong>de</strong> traiter l'opération <strong>de</strong> soustraction) le concept <strong>de</strong> quantités opposées,<br />
en empruntant sa terminologie à la logique. «On appelle quantités opposées<br />
telles quantités <strong>de</strong> la même espèce, qu'on peut considérer dans <strong>de</strong> telles conditions<br />
que l'une diminue l'autre» (Kastner 1792, p. 71). L'auteur donne, comme exemples,<br />
les biens et les <strong>de</strong>ttes; il appelle l'une <strong>de</strong> ces quantités «positive» ou «affirmative»,<br />
et son opposée «négative» ou «niante», tout en soulignant que le choix <strong>de</strong> départ<br />
est tout à fait arbitraire. Quant aux relations entre ces quantités, il précise que la<br />
quantité niante peut surpasser l'affirmative, et que ce «négatif» qui en reste est une<br />
quantité réelle (
17<br />
Cet exposé est repris par le célèbre philosophe 1. Kant, dans son «Essai d'introdu<br />
ire les quantités négatives dans la philosophie» (1763), pour justifier philosophiquement<br />
la doctrine <strong>de</strong>s quantités opposées. Kant y donne, comme exemples <strong>de</strong><br />
différenciation indispensable, la contradiction logique (A et non-A ne sont pas vrais<br />
en· même temps) et la contradiction réelle dans laquelle les déterminations se nient<br />
(
18<br />
surtout pour ses contributions aux fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong>s mathématiques et pour ses travaux<br />
<strong>de</strong> vulgarisation. Cet article contient, à mon avis, la <strong>de</strong>scription la plus précise qui<br />
soit du refus d'exploiter à fond toute la richesse <strong>de</strong>s outils algébriques: on n'y trouve<br />
qu'une algèbre, assez limitée, qui n'est guère plus qu'une géométrie élémentaire transposée.<br />
Klügel remarque qu'on ne connaît pas les quantités opposées dans «la mathématique<br />
<strong>de</strong>s Anciens et dans celle mo<strong>de</strong>rne qu i est traitée<br />
selon leu r métho<strong>de</strong>s»<br />
parce que, dans ces <strong>de</strong>ux cas, les mathématiques sont considérées' du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong><br />
la «métho<strong>de</strong> synthétique»(18). Or, la métho<strong>de</strong> synthétique ne reconnaît que les cas<br />
isolés ; même là où la métho<strong>de</strong> analytique réunit plusieurs cas apparentés par le truchement<br />
d'une seule formule, la métho<strong>de</strong> synthétique abor<strong>de</strong> chaque cas séparément.<br />
Tandis que la métho<strong>de</strong> analytique utilise la symbolisation <strong>de</strong>s quantités, par <strong>de</strong>s signes,<br />
et tire profit, pour la résolution <strong>de</strong>s problèmes, <strong>de</strong> la généralisation que procurent<br />
les relations entre les signes, la métho<strong>de</strong> synthétique doit toujours chercher, pour<br />
chaque problème une voie <strong>de</strong> solution particulière. En fait, avec la métho<strong>de</strong> synthétique,<br />
on n'a pas besoin <strong>de</strong> quantités négatives, parce qu'on peut toujours trouver, pour<br />
un cas isolé, les moyens d'éviter une solution négative, (Klügel 1795, p. 311 ss). Klügel<br />
met donc en gar<strong>de</strong> les «analystes allemands» contre cette métho<strong>de</strong> (ibid., p. 471)<br />
que pratiquent et propagent les anglais, à l'imitation <strong>de</strong>s anciens (ibid., p. 316).<br />
Klügel avait d'autant plus raison <strong>de</strong> faire cette mise en gar<strong>de</strong> que la rupture que<br />
l'on observe, en France, quelques années plus tard, semble attribuable à une «transmission»<br />
<strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> anglaise (au même moment que la «transfusion» <strong>de</strong> la philosophie<br />
anglaise <strong>de</strong> «common sens», une <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> l'ascension du spiritualisme et <strong>de</strong><br />
la chute <strong>de</strong> la philosophie <strong>de</strong>s Lumières, voir Schubring 1984, p. 372). En fait, à<br />
l'approche synthétique correspond une mathématique tout à fait différente <strong>de</strong> celle qui<br />
a l'arithmétique et l'algèbre comme double fon<strong>de</strong>ment: la mathématique synthétique<br />
est une «mathématique <strong>de</strong> problèmes» dans laquelle on ne s'intéresse pas aux structures.<br />
P.J. Hecker, professeur <strong>de</strong> mathématiques à l'université <strong>de</strong> Rostock, qui discute<br />
l'enseignement <strong>de</strong> la doctrine <strong>de</strong>s quantités opposées dans trois dissertations en 1799<br />
et 1800, est le premier à envisager une véritable révision <strong>de</strong>s éléments d'arithmétique:<br />
il démontre que les opérations mathématiques changent <strong>de</strong> signification quand on<br />
passe <strong>de</strong>s opérations sur <strong>de</strong>s nombres positifs aux opérations sur <strong>de</strong>s entiers, et qu'on<br />
doit redéfinir ces opérations, savoir les étendre, pour les rendre applicables à tous les<br />
entiers (Hecker 1799, pp. 9-12). Il est aussi le premier à découvrir les différences<br />
entre les opérations sur <strong>de</strong>s nombres ou sur <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs, et les opérations mixtes<br />
(par exemple, la multiplication et la division <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs avec <strong>de</strong>s nombres, ibid., pp.<br />
16-17).<br />
H.D. Wilckens, professeur <strong>de</strong> mathématiques dans une académie forestière,<br />
approfondit la notion logique d'opposition et introduisit <strong>de</strong>s distinctions très nettes
19<br />
entre le signe d'opération, le signe d'un nombre et la valeur obsolue d'un nombre. Pour<br />
exprimer cette différence, il proposa une notation selon laquelle l'opposée d'une<br />
quantité a est notée a et les quantités opposées se trouvent définies par l'équation<br />
a +a = O. (Wilckens 1800).<br />
C'est dans le cadre <strong>de</strong> cette discussion sur les fon<strong>de</strong>ments qu'ont été réfutées,<br />
en Allemagne, les thèses <strong>de</strong> Carnot. F.G. Busse, professeur <strong>de</strong> mathématiques à l'école<br />
<strong>de</strong>s mines <strong>de</strong> Freiberg, publie, dès 1804, une réponse à Carnot. Busse explique que<br />
si les signes d'opération n'avaient été conçus, historiquement, qu'à l'usage exclusif<br />
<strong>de</strong>s nombres absolus, il convient maintenant <strong>de</strong> distinguer ces signes d'opération<br />
<strong>de</strong>s signes <strong>de</strong>s nombres eux-mêmes. Selon Busse, ('erreur principale <strong>de</strong> Carnot consiste<br />
justement en ce qu'il ne fait pas cette distinction(19). Pour Busse, l'algèbre constitue<br />
le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s mathématiques alors que la géométrie n'est qu'une sorte d'algèbre<br />
appliquée. Les contradictions qui apparaissent dans le domaine <strong>de</strong> la géométrie<br />
n'atteignent donc pas l'algèbre et doivent être résolues en géométrie (Busse 1804).<br />
La réfutation la plus radicale <strong>de</strong>s thèses <strong>de</strong> Carnot(20) se trouve dans la première<br />
présentation vraiment précise d'une théorie <strong>de</strong>s nombres négatifs, publiée en<br />
1817 et due à W.A. Forstemann, professeur <strong>de</strong> mathématiques au Gymnasium <strong>de</strong><br />
Danzig. A ma connaissance, ce livre est aussi le premier à établir systématiquement<br />
une séparation entre quantités et nombres. Il critique la notion <strong>de</strong> quantité, trop<br />
générale, selon lui, et il propose <strong>de</strong> la remplacer par les <strong>de</strong>ux concepts <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur<br />
et <strong>de</strong> nombre. Seuls les nombres constituent la base <strong>de</strong> l'arithmétique. C'est seulement<br />
avec les nombres qu'on peut exécuter les opérations algébriques (donc pas avec les<br />
gran<strong>de</strong>urs) :<br />
«Gran<strong>de</strong>urs sont : <strong>de</strong>s lignes, <strong>de</strong>s angles, <strong>de</strong>s étendues, <strong>de</strong>s plans, <strong>de</strong>s soli<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s poids, <strong>de</strong>s<br />
étendues du temps, ensembles <strong>de</strong>s personnes ou <strong>de</strong>s livres. Nombres pourtant en sont seulement <strong>de</strong><br />
expressions du rapport <strong>de</strong>s quantités <strong>de</strong> la même espèce» (Forstemann 1817, p. 1).<br />
On peut multiplier les nombres et les élever à <strong>de</strong>s puissances mais on ne peut<br />
pas faire <strong>de</strong> même avec <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs. Il n'y a donc pas <strong>de</strong> quantités (ou gran<strong>de</strong>urs)<br />
négatives, mais il peut y avoir <strong>de</strong>s nombres négatifs(21). Fôrstemann s'abstient <strong>de</strong><br />
donner une définition philosophique <strong>de</strong> l'opposition mais transpose cette notion<br />
en <strong>de</strong>s termes mathématiques:<br />
«Deux nombres sont opposés additivement quand la soustraction <strong>de</strong> l'un effectue le même<br />
résultat que l'addition <strong>de</strong> l'autre» (ibid., p. 8).<br />
En utilisant a comme signe du nombre opposé <strong>de</strong> a, il parvient à la définition<br />
suivante: pour un nombre entier quelconque b, son opposé li est donné par l'équation<br />
b + li = 0 ; la soustraction générale sur <strong>de</strong>s nombres entiers est donc définie par:<br />
a - b = a +li (ibid., p. 9).
20<br />
Fôrstemann établit ensuite, il est ici aussi le premier, les règles du calcul restreint<br />
qu'on peut effectuer avec les gran<strong>de</strong>urs et celles du calcul mixte avec <strong>de</strong>s nombres<br />
et <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs (par exemple, la multiplication scalaire).<br />
Malgré cette forte tendance en faveur <strong>de</strong>s nombres négatifs, en Allemagne,<br />
les mathématiques alleman<strong>de</strong>s n'ont pas complètement échappé à l'influence <strong>de</strong><br />
l'épistémologie française et <strong>de</strong> la réfutation <strong>de</strong>s quantités négatives. Cette importation<br />
a donné lieu à <strong>de</strong>s «distorsions cognitives» et à une variété <strong>de</strong> positions sur la question<br />
du négatif. Un exemple éloquent d'une importation directe est celui <strong>de</strong> la conception<br />
<strong>de</strong> l'algèbre défendue par J.P.W. Stein, ancien élève <strong>de</strong> l'école polytechnique (promotion<br />
1813), qui avait d'abord travaillé dans le corps <strong>de</strong>s ingénieurs-géographes puis,<br />
«rapatrié» <strong>de</strong> Prusse en 1815, <strong>de</strong>vint professeur <strong>de</strong> mathématiques au Gymnasium<br />
<strong>de</strong> Trèves. Dans son manuel d'algèbre (1828/29), Stein analyse les diverses conceptions<br />
<strong>de</strong>s nombres négatifs qui prévalent alors et les regroupe en trois catégories.<br />
1. Les nombres positifs et négatifs sont les désignations <strong>de</strong> quantités qui existent<br />
réellement mais qui ont <strong>de</strong>s qualités opposées.<br />
2. Les quantités négatives et tout ce qui n'est pas un «nombre normal» (i.e.<br />
absolu) ne sont que <strong>de</strong>s signes arbitraires qu'ont peut utiliser comme moyens intermédiaires<br />
au cours du calcul mais qui doivent plus figurer dans le résultat du calcul.<br />
3. On rejette l'emploi <strong>de</strong> quantités négatives isolées et on ne les utilise qu'en<br />
relation avec <strong>de</strong>s quantités normales, c'est-à-dire comme «indications» d'une opération<br />
non exécutable <strong>de</strong> soustraction, par exemple a - b, où b > a (Stein 1828, p. VII).<br />
Stein lui-même est partisan <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième catégorie <strong>de</strong> positions, qui est<br />
typiquement française. Il ne rejette pas seulement l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs,<br />
il refuse aussi <strong>de</strong> considérer «zéro» comme nombre. Il explique assez clairement<br />
ce choix épistémologique: il n'utilise les nombres que comme les représentants <strong>de</strong>s<br />
gran<strong>de</strong>urs et refuse <strong>de</strong> leur donner un statut théorique. Stein explique les équations<br />
algébriques en termes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs du «mon<strong>de</strong> physique» (en francs, en mêtres, en<br />
<strong>de</strong>ttes, en biens), et surtout à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs positives. Il se gar<strong>de</strong> bien d'utiliser<br />
la doctrine <strong>de</strong>s quantités opposées, parce qu'elle a pour lui un caractère métaphysique.<br />
La troisième position esquissée par Stein est celle qu'adopte le mathématicien<br />
allemand M.Ohm (1792-1872). Bien que L. Novy ait accordé à Ohm un apport original<br />
aux fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> l'algèbre (L. Novy 1973, p. 85-89), on peut dire <strong>de</strong> lui aussi que<br />
sa conception est le résultat d'une transmission <strong>de</strong>s conceptions françaises. Ceci est<br />
tout particulièrement marqué par le rôle privilégié qu'il attribue aux nombres, absolus<br />
ou naturels. De même, Ohm n'a jamais recours à la doctrine <strong>de</strong>s quantités opposées et<br />
l'usage caractéristique <strong>de</strong> l'expression «opération indiquée» relève les influences <strong>de</strong><br />
Condillac et <strong>de</strong> Carnot. Dans la pratique mathématique, la première et la troisième
21<br />
position ne diffèrent pas beaucoup, la troisième n'étant guère plus qu'une «réserve<br />
mentale». Néanmoins, cette position s'érige en obstacle au passage <strong>de</strong>s opérations sur<br />
les nombres naturels, aux opérations sur les nombres réels.<br />
Il resterait à analyser comment les positions «traditionalistes» alleman<strong>de</strong>s et les<br />
positions «importées» <strong>de</strong> la France ont interagi, en Allemagne, et comment la définition<br />
weierstrassienne <strong>de</strong>s nombres négatifs l'a emporté. Je ne peux le faire dans les<br />
limites du présent article.<br />
EFFETS DU REJET DES NOMBRES NEGATIFS, LIES A L'ALGEBRE.<br />
Le refus d'accor<strong>de</strong>r un statut mathématique aux nombres négatifs ayant pris<br />
une telle ampleur, les controverses n'ont pas pu rester restreintes à l'algèbre. En fait,<br />
étudier les effets <strong>de</strong> ce refus sur le développement mathématique (et didactique)<br />
constitue un problème très intéressant pour <strong>de</strong>s recherches historiques mais, en même<br />
temps, c'est un problème d'une très gran<strong>de</strong> complexité.<br />
Pour en donner une idée, voici quelques indications : les conséquences du<br />
refus <strong>de</strong>s nombres négatifs apparaissent dans toutes les situations où il est question<br />
d'appliquer l'algèbre à la géométrie. Fait pas encore remarqué (à ma connaissance),<br />
c'est autour <strong>de</strong> la trigonométrie que les luttes les plus acharnées se sont livrées sur<br />
l'acceptation (ou le rejet) <strong>de</strong>s nombres négatifs ! Ceci ne <strong>de</strong>vrait avoir rien d'étonnant<br />
puisque, en trigonométrie, les nombres négatifs n'interviennent pas seulement<br />
au terme d'une résolution quand apparaissent les solutions <strong>de</strong>s équations, mais ils servent<br />
à l'exécution <strong>de</strong> diverses procédures et sont ainsi <strong>de</strong> véritables instruments mathématiques.<br />
Cependant, il ne faudrait pas en conclure que les nombres négatifs se sont<br />
imposés comme indispensables en trigonométrie.<br />
Il faut donc <strong>de</strong>s précautions pour ne pas interpréter précipitamment <strong>de</strong>s développements<br />
qui nous semblent être «nécessaires». Ainsi, dans les manuels <strong>de</strong> trigonométrie<br />
<strong>de</strong> la première moitié du 19ème siècle, en France comme en Allemagne, on<br />
trouve ,<strong>de</strong>s planches et <strong>de</strong>s figures mais rarement on voit <strong>de</strong>s figures avec la croix <strong>de</strong>s<br />
cOûrdonnées, les quatre quadrants ; et j'ai jamais vu à l'époque dans les manuels<br />
français <strong>de</strong>s nombres indiquant les coordonnées sur <strong>de</strong>s axes (on évita donc l'usage<br />
effectif <strong>de</strong>s nombres négatifs, pour les coordonnées dans <strong>de</strong>ux directions) (22). Même les<br />
formules trigonométriques pour les angles entre 0 et 211" qui, pour nous, requièrent les<br />
concepts <strong>de</strong> fonction et <strong>de</strong> variable, peuvent être abordées par la métho<strong>de</strong> synthétique<br />
qui traite les quatre quadrants comme autant <strong>de</strong> cas particuliers.
22<br />
EFFETS DES CHOIX EPISTEMOLOGIQUES SUR LES MATHEMATIQUES EN<br />
GENERAL.<br />
Le rejet <strong>de</strong>s nombres négatifs a aussi eu <strong>de</strong>s répercussions assez importantes<br />
sur les mathématiques dans leur ensemble. L'accent mis sur une géométrie pure,<br />
sans mélange avec l'algèbre, a fait naître un nouveau type <strong>de</strong> «géométrie synthétique»,<br />
établie par Carnot, Poncelet et J. Steiner. De plus cette réfutation a donné une singulière<br />
impulsion à l'apparition d'une nouvelle discipline mathématique : la géométrie vectorielle.<br />
La géométrie traditionnelle s'étant avérée impuissante à traiter les questions<br />
<strong>de</strong> position dans leur généralité. Il ya eu plusieurs tentatives pour introduire et préciser<br />
la notion <strong>de</strong> direction en géométrie, notamment pour interpréter géométriquement<br />
les nombres imaginaires. Mourey semble avoir été le premier à introduire le vecteur<br />
comme nouveau concept fondamental. Dans un ouvrage <strong>de</strong> 1828 (réédité en 1861),<br />
«dédié aux amis <strong>de</strong> l'évi<strong>de</strong>nce», Mourey (un personnage presque inconnu) introduit<br />
la notion <strong>de</strong> «chemin», <strong>de</strong>vant unifier les <strong>de</strong>ux notions <strong>de</strong> longueur et <strong>de</strong> direction<br />
en un seul nouveau concept fondamental. Il établit aussi un calcul <strong>de</strong>s opérations<br />
sur <strong>de</strong>s chemins. Ce qui est directement pertinent pour notre propos, c'est que Mourey<br />
parvint à cette théorie par le biais <strong>de</strong> sa réfutation <strong>de</strong>s nombres négatifs. Parce que,<br />
dans le cas d'un terme indéterminé comme dans x - a ou a - x, on ne peut prévoir si<br />
le résultat sera «absur<strong>de</strong>» ou non, Mourey exclut la soustraction <strong>de</strong> l'algèbre.<br />
(dl suit <strong>de</strong> là que le signe -, considéré comme exprimant la soustraction, ne peut pas être<br />
admis en algèbre» (Mourey 1861, p. 1).<br />
L'algèbre étant ainsi trop gravement amputé, Mourey cherche un «moyen <strong>de</strong><br />
suppléer à la soustraction» (ibid., p. 2) et c'est ainsi qu'il découvre une nouvelle<br />
géométrie, la géométrie <strong>de</strong>s chemins. Il est à remarquer que Hermann Grassmann<br />
(censé être le découvreur <strong>de</strong> la géométrie vectorielle) réclama en 1844 que l'essence<br />
<strong>de</strong> sa découverte résidait justement dans la fusion <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux concepts <strong>de</strong> longueur<br />
et <strong>de</strong> direction en celui <strong>de</strong> vecteur (H. Grassmann 1844, p. 145-146)(23). De plus,<br />
il souligna que la motivation principale <strong>de</strong> son travail résultait <strong>de</strong> «la considération<br />
du négatif dans la géométrie» (ibid., p. iii). Comme la géométrie vectorielle est à<br />
l'origine <strong>de</strong> l'algèbre linéaire, on peut dire que le refus d'une algébrisation directe a<br />
tout <strong>de</strong> même permis une certaine algébrisation au sein <strong>de</strong> la géométrie.<br />
RETOUR SUR LA NOTION D'OBSTACLE EPISTEMOLOGIQUE.<br />
Les principales causes <strong>de</strong> la contestation du statut mathématique <strong>de</strong>s nombres<br />
négatifs appartiennent à trois gran<strong>de</strong>s catégories que je définis comme suit:<br />
A.Les obstacles internes aux mathématiques.<br />
Le problème central consiste à différencier le concept <strong>de</strong> quantité et à établir
23<br />
celui <strong>de</strong> nombre comme nouveau concept fondamental et indépendant; il s'agit donc<br />
<strong>de</strong> l'apparition du triplet: quantité - gran<strong>de</strong>ur - nombre, où :<br />
- quantité est, historiquement, le .concept <strong>de</strong> base pour toutes les mathématiques<br />
mais, aujourd'hui, «quantité» ne représente plus un concept mathématique<br />
concret. Il se réduit plutôt à un élément <strong>de</strong> rhétorique apparaissant, à l'occasion,<br />
dans <strong>de</strong>s discours sur la mathématique(24) .<br />
- gran<strong>de</strong>ur emprunte une partie <strong>de</strong>s significations originelles <strong>de</strong> «quantité» (25),<br />
par exemple celle <strong>de</strong> «nombre concret» ou (dans la traditionnelle terminologie scolaire)<br />
«nombres complexes» (
24<br />
- une épistémologie systémique, où l'existence est justifiée par la cohérence<br />
du champ conceptuel, les concepts ne <strong>de</strong>vant satisfaire qu'à <strong>de</strong>s conditions internes<br />
aux mathématiques.<br />
A mon avis, l'option en faveur <strong>de</strong> l'une ou l'autre <strong>de</strong> ces épistémologies, dans<br />
une culture donnée, relève <strong>de</strong> conditions sociales (<strong>de</strong>squelles dépen<strong>de</strong>nt aussi le «goût»<br />
ou le «dégout» pour les sciences pures) et est ainsi susceptible <strong>de</strong> changer et <strong>de</strong> connaître<br />
<strong>de</strong>s ruptures.<br />
C. L'architecture <strong>de</strong>s mathématiques.<br />
Il y a une troisième catégorie <strong>de</strong> causes aux obstacles auxquelles viennent se<br />
mêler et interagir <strong>de</strong>s causes internes au développement mathématique et <strong>de</strong>s causes<br />
proprement épistémologiques. Il s'agit <strong>de</strong>s conceptions sur l'«architecture <strong>de</strong>s mathématiques»<br />
et, tout particulièrement, <strong>de</strong>s conceptions sUr le poids relatif <strong>de</strong> l'algèbre<br />
et <strong>de</strong> la géométrie, eu égard aux fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong>s mathématiques. Plusieurs options<br />
sont présentées, chacune ayant pour conséquence une différenciation particulière:<br />
- si l'algèbre et la géométrie sont également fondamentales, en droit, on doit<br />
alors avoir <strong>de</strong>s notions fondamentales qui puissent servir à la fois en algèbre et en<br />
géométrie. Ceci a pour effet d'empêcher une différenciation <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> quantité,<br />
puisqu'il est supposé que cette notion comprend celle <strong>de</strong> nombres (comme «quantité<br />
discrète») et celle <strong>de</strong> ligne (comme «quantité continue») ;<br />
- ou, si l'une <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux parties domine l'autre:<br />
si donc la géométrie est considérée comme la discipline la plus fondamentale<br />
et qu'elle inclut en quelque sorte l'algèbre (c'est la position <strong>de</strong>s Grecs et d'Eucli<strong>de</strong>),<br />
alors la quantité sert <strong>de</strong> notion <strong>de</strong> base et celle <strong>de</strong> nombre est dérivée;<br />
ou si c'est l'algèbre qui est vue comme la discipline fondamentale et si,<br />
en retour, la géométrie n'est plus qu'un champ d'application <strong>de</strong> l'algèbre, alors on a<br />
la conception qui sous-tend l'entreprise dite «l'arithmétisation <strong>de</strong>s mathématiques» avec<br />
le nombre comme notion <strong>de</strong> base.<br />
Les questions qui sont posées sur l'architecture <strong>de</strong>s mathématiques sont primordiales,<br />
pour la didactique comme pour l'élaboration <strong>de</strong>s programmes d'enseignement,<br />
parce qu'elles touchent les problèmes <strong>de</strong> transposition du savoir scientifique<br />
aux «séquences didactiques», suivant un ordre soit «logique», soit «naturel», soit<br />
«psychologique». C'est aussi autour <strong>de</strong> ces questions que se sont exprimées les visions<br />
<strong>de</strong>s mathématiques entretenues chez le grand public. Ainsi, il me semble, que c'est<br />
cette catégorie qui a réalisé un apport assez déterminant aux cas <strong>de</strong> ruptures.<br />
Avant <strong>de</strong> conclure je tiens à faire quelques remarques sur la notion d'obstacle<br />
épistémologique, comme explicative <strong>de</strong> l'apparition <strong>de</strong> ruptures dans le statut conféré
25<br />
à certains concepts mathématiques. Au début <strong>de</strong> cette recherche, j'étais convaincu<br />
<strong>de</strong> ce que la notion d'obstacle épistémologique était la catégorie explicative adéquate<br />
(et j'avoue que cette terminologie est assez séduisante), mais (sans me mêler <strong>de</strong> la<br />
discussion <strong>de</strong>s didacticiens français (voir Brousseau 1983, Glaeser 1984)) après un<br />
retour aux sources bachelardiennes (Bachelard 1938/1975) j'ai <strong>de</strong>s doutes sur la<br />
possibilité d'appliquer cette notion. Mes doutes ne viennent pas <strong>de</strong> ce que Bachelard<br />
ait exclu la connaissance mathématique du domaine d'application <strong>de</strong> sa notion<br />
d'obstacle épistémologique en disant :<br />
«L'histoire <strong>de</strong>s mathématiques est une merveille <strong>de</strong> régularité. Elle connaît <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s<br />
d'arrêt. Elle ne connaît pas <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s d'erreurs» (Bachelard 1975, p. 22).<br />
A mon avis cette remarque engage une vision trop étroite <strong>de</strong> "erreur. Là où la<br />
position <strong>de</strong> Bachelard <strong>de</strong>vient vraiment problématique, c'est qu'elle envisage «la<br />
formation <strong>de</strong> l'esprit scientifique» comme un processus téléologique, c'est-à-dire, dirigé<br />
nécessairement vers un progrès en théoréticité, vers la victoire ultime <strong>de</strong> la raison. On y<br />
reconnaît la vision rationaliste <strong>de</strong> la mathématisation supposée nécessaire et souhaitable,<br />
<strong>de</strong>s sciences dans leur procès évolutif. De ce point <strong>de</strong> vue, le processus <strong>de</strong> formation<br />
<strong>de</strong> l'esprit scientifique se réalise en trois étapes successives (assez analogues à celles<br />
<strong>de</strong> Piaget) : un sta<strong>de</strong> concret, préscientifique, où règnent les phénomènes; un sta<strong>de</strong><br />
concret-abstrait où l'expérience physique est complétée d'abstractions; enfin, le sta<strong>de</strong><br />
abstrait proprement dit (i<strong>de</strong>ntifié à notre époque) où domine la raison théorique. Pour<br />
Bachelard, il n'y a pas <strong>de</strong> rupture dans le progrès <strong>de</strong> la raison humaine: s'il y a <strong>de</strong>s<br />
reculs dans notre époque, ils sont ponctuels et provisoires, ils ne représentent qu'une<br />
«somnolence du savoir» chez <strong>de</strong>s individus (ibid., p. 7), et non pas un choix délibéré.<br />
Par «obstacles épistémologiques» on peut donc comprendre les expressions <strong>de</strong> telles<br />
«somnolences» individuelles (d'où l'attention que leur porte la didactique).<br />
Mais l'histoire «sociale» <strong>de</strong>s nombres négatifs nous offre <strong>de</strong>s exemples où le<br />
choix pour une épistémologie semble avoir été fait (comme décision «collective», pas<br />
seulement <strong>de</strong> quelques individus !) avec une pleine connaissance <strong>de</strong>s épistémologies<br />
concurrentes. Pour l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> tels cas, on ne peut pas recourir à la notion d'obstacle<br />
qui suppose, au contraire, une certaine incapacité, intellectuelle ou autre. Si donc<br />
un choix est fait en connaissance <strong>de</strong>s diverses possibilités on ne peut disqualifier<br />
l'épistémologie qui sous-tend cette position en l'étiquetant comme «obstacle».<br />
Néanmoins, les réflexions <strong>de</strong> Bachelard peuvent être utilisées pour clarifier<br />
les difficultés dans <strong>de</strong>s développements conceptuels (donc particulièrement dans la<br />
première catégorie <strong>de</strong> causes). Bachelard a bien montré comment la «connaissance<br />
générale» et une épistémologie «substantialiste» peuvent s'ériger en obstacles à la<br />
connaissance scientifique, dans son sta<strong>de</strong> préscientifique. Par «connaissance générale»,<br />
Bachelard entend <strong>de</strong>s concepts qui sont «corrects et utiles» mais qui peuvent constituer<br />
un obstacle «en offrant à la pensée une forme générale prématurée» (ibid.,
26<br />
p. 66). Comme exemple, il analyse le concept <strong>de</strong> fermentation du 18ème siècle comme<br />
non différencié et donc non opérationnalisé(27).<br />
Ainsi, la notion <strong>de</strong> quantité a-t-elle présenté ce même caractère universel,<br />
général et intuitif (voir ibid., p. 79) qui empêche la spécification <strong>de</strong>s idées qu'elle<br />
recouvre. D'Alembert critique la définition couramment retenue <strong>de</strong> la «gran<strong>de</strong>ur»<br />
(partout ailleurs à son époque prise comme définition <strong>de</strong> la «quantité») comme trop<br />
générale et ne convenant pas à la recherche.<br />
«Suivant la définition qu'on vient d'apporter, on <strong>de</strong>vrait appeler gran<strong>de</strong>ur tout ce qui est<br />
susceptible d'augmentation et <strong>de</strong> diminution; or la lumière est susceptible d'augmentation et <strong>de</strong><br />
diminution ; cependant on s'exprimeroit fort improprement en regardant la lumière comme une<br />
gran<strong>de</strong>ur» (Encyclopédie, vol. 7, p. 855).<br />
De plus, en parlant d'obstacle «substantialiste», Bachelard analyse toute une<br />
série <strong>de</strong> tendances <strong>de</strong> la pensée scientifique, où on lie directement à une substance<br />
les qualités diverses d'un concept (ibid., pp. 97 ss), Nous avons dans cet article mis<br />
en évi<strong>de</strong>nce plusieurs argumentations contre l'existence <strong>de</strong>s nombres f1égatifs qui se<br />
nourrissent d'un substantialisme <strong>de</strong> ce type. Comme, entre autres, l'i<strong>de</strong>ntification<br />
<strong>de</strong> la géométrie (euclidienne, à trois dimensions) à l'espace <strong>de</strong> notre expérience sensible<br />
qui suppose que la géométrie peut être saisie par l'évi<strong>de</strong>nce ou par l'intuition<br />
directe.<br />
REMARQUES DE CONCLUSION.<br />
Les conceptions bachelardiennes semblent sous-entendre le développement<br />
cognitif et scientifique indépendant <strong>de</strong>s mentalités et <strong>de</strong>s voies spécifiques <strong>de</strong>s nations,<br />
comme un invariant culturel. Or, l'étu<strong>de</strong> présentée ici donne <strong>de</strong>s indications sur <strong>de</strong>s<br />
dépendances manifestes er.tre les contextes culturels et nationaux et les épistémologies<br />
favorables (resp. défavorables) à certains développements scientifiques. Ces dépendances<br />
mettent en gar<strong>de</strong> contre une transposition immédiate d'une certaine étape <strong>de</strong> l'évolution<br />
scientifique au processus d'apprentissage, soit qu'on ·désigne cette étape comme<br />
un «obstacle», soit qu'on le privélégie comme étape nécessaire par chaque individu<br />
d'une nouvelle génération.<br />
Cependant, dans le même temps ces dépendances impliquent une responsabilité<br />
<strong>de</strong> la didactique qui doit prendre en compte les épistémologies sous-jacentes<br />
et les suppositions parfois implicites <strong>de</strong> ses propres propos sur l'enseignement.
27<br />
NOTES.<br />
1. Version rédigée d'un exposé au colloque «Histoire et Epistémologie <strong>de</strong>s Mathématiques»,<br />
Montpell ier 31.5 - 1.6.1985.<br />
Je remercie la bonne fée (elle préfère rester annonyme) qui a entrepris le travail énorme <strong>de</strong><br />
transposer ce texte en un français compréhensible.<br />
2. D'autres exemples en sont: le numéro 15-3 (mail 1984 du Journal for Research in Mathematics<br />
Education. Bien que le numéro soit entièrement consacré aux problèmes <strong>de</strong> la soustraction,<br />
aucun <strong>de</strong>s articles ne discute <strong>de</strong>s nombres négatifs. La thèse <strong>de</strong> Ph.D. <strong>de</strong> R.G. Clason (1968)<br />
qui étudie beaucoup d'anciens manuels d'arithmétique passe aussi sous silence les nombres<br />
négatifs.<br />
3. Entre-temps, il Y a eu d'autres étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> didactique portant sur l'histoire. Une étu<strong>de</strong> fort intéressante<br />
décrit comment les auteurs ont utilisé l'histoire <strong>de</strong>s nombres négatifs pour développer<br />
chez <strong>de</strong>s enseignants une certaine sensibilité aux obstacles inhérents à ce concept. Ils ont mis<br />
un point particulier sur l'éclaircissement <strong>de</strong> la nature conventionnelle <strong>de</strong> la «règle <strong>de</strong>s signes».<br />
L'histoire <strong>de</strong>s mathématiques semble, selon les auteurs, progresser d'une marche lente mais<br />
continue (Arcavi et al., 1982). Un autre article discute les problèmes <strong>de</strong>s nombres négatifs<br />
dans l'histoire <strong>de</strong>s mathématiques en relation avec les modèles, actuellement utilisés aux Etats<br />
Unis pour enseigner les quatre opérations sur les entiers (Crowley/Dunn 1985).<br />
4. En fait, je ne connais qu'un seul exemple <strong>de</strong> réfutation <strong>de</strong> la règle <strong>de</strong>s signes, J. Klostermann<br />
(Petersbourg). Associé correspondant <strong>de</strong> la société royale <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> Gôttingen, il a établi<br />
en 1804 et 1805 le «théorème» suivant: moins multiplié par moins donne moins. Remarquablement<br />
il ne réfute pas l'existence <strong>de</strong>s nombres négatifs. Pourtant, il accepte le calcul avec les<br />
«quantités opposées». L'erreur principale <strong>de</strong> sa «démonstration» rési<strong>de</strong> dans le fait qu'il ne<br />
distingue pas entre le signe d'opération et le signe du nombre (Klostermann 1804 et 1805).<br />
5. Selon le principe <strong>de</strong> permanence, il n'y a pas un seul système <strong>de</strong> lois qui régisse les opérations<br />
sur tous les systèmes <strong>de</strong> nombres mais plutôt une hiérarchie:<br />
L'extension progressive du système <strong>de</strong>s naturels aux systèmes (plus larges) <strong>de</strong>s entiers, rationnels,<br />
réels est définie d'une telle manière que l'ensemble <strong>de</strong>s lois en vigueur dans le système inférieur<br />
continue d'être en vigueur dans le prochain système supérieur.<br />
6. Ce livre d'un Ingénieur-Topographe et «Géométre·en-chef du Cadastre <strong>de</strong> la côte-d'Or» n'est<br />
que le <strong>de</strong>uxième traité <strong>de</strong> didactique <strong>de</strong> mathématique en France, avec celui <strong>de</strong> Lacroix, pour<br />
toute la première moitié du 19ème siècle!<br />
7. Busset blâme particulièrement Euler, d'avoir «résolu cette question par l'affirmative! Or, je ne<br />
crains pas <strong>de</strong> le dire, malgré mon respect... pour le génie d'Eu ler..., cette doctrine est pour moi<br />
le comble <strong>de</strong> l'aberration <strong>de</strong> la raison humaine, et à elle seule elle suffirait soit pour éloigner<br />
<strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mathématiques une foule d'excellents esprits, soit pour accréditer toutes les fausses<br />
idées que l'on débite sur ces sciences» (Busset 1843, p. 47).<br />
8. Glaeser mentionne ausssi la dimension épistémologique <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong>s mathématiques avec la<br />
réalité physique (Glaeser 1981, p. 3391, mais la relation gran<strong>de</strong>ur-nombre ne figure pas dans sa<br />
liste d'obstacles (ibid., p. 308).<br />
9. Pour la pério<strong>de</strong> allant <strong>de</strong>s origines au Moyen Age, je me suis servi principalement <strong>de</strong> l'article<br />
<strong>de</strong> J. Sesiano (1985), qui décrit le développement <strong>de</strong>s nombres négatifs durant cette pério<strong>de</strong><br />
comme un passage du concret à l'abstrait.<br />
10. Luca Pacioli prend une position ambiguë : on remarque chez lui une réfutation, instinctive,<br />
<strong>de</strong>s nombres négatifs cependant il admet une fois un prix négatif dans un problème commercial<br />
et une autre fois il considère la solution négative dans un problème abstrait comme un «bellissimo<br />
caso».
28<br />
11. D'Alembert ne distingue donc pas le zéro mathématique du rien absolu <strong>de</strong> la philosophie.<br />
12. L'éditeur <strong>de</strong> la publication posthume avait changé «équation» en «opération». Un changement<br />
qui ne fait aucun sens et qui a obscurci les intentions <strong>de</strong> Condillac.<br />
13 Carnot a très clairement différencié, dans le texte <strong>de</strong> 1801, la quantité <strong>de</strong> sa «valeur absolue»,<br />
la valeur positive, et la valeur négative (Carnot 1801, p. 2). Donc on ne peut pas lui reprocher<br />
<strong>de</strong> n'avoir pas maîtrisé <strong>de</strong>s obstacles, dans le sens d'un manque <strong>de</strong> connaissances mathématiques.<br />
14. Un exemple éloquent en est un manuel <strong>de</strong> Francœur, <strong>de</strong>stiné aux élèves <strong>de</strong> l'Ecole Polytechnique<br />
et aux facultés <strong>de</strong> sciences. Dans le cadre <strong>de</strong> la résolution <strong>de</strong>s équations, en algèbre, il discute<br />
longuement la solution x = b - d selon les cas : b > d ou b < d et/ou c > a ou c < a. Evi<strong>de</strong>m·<br />
c-a<br />
ment, il discute <strong>de</strong> cette question d'algèbre selon la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> la géométrie «<strong>de</strong>s anciens» ;<br />
considérant <strong>de</strong>s cas tous isolés et indépendants. Enfin, il exclut <strong>de</strong>ux cas comme solutions impossibles<br />
parce que: «Toute solution négative dénote une absurdité» (Francœur 1819, vol. 1, p. 149<br />
150). Pareillement révélatrice est la note «sur la théorie <strong>de</strong>s quantités positives et négatives» <br />
assez étendue - du fameux manuel «Cours d'Analyse» <strong>de</strong> Cauchy (Cauchy 1821, p. 333-359) :<br />
elle montre la nécessité, pour Cauchy, <strong>de</strong> présenter aux élèves <strong>de</strong> l'Ecole Polytechnique les<br />
éléments d'algèbre <strong>de</strong> manière à ce que les nombres négatifs soient acceptés.<br />
15. Après m'être procuré un exemplaire <strong>de</strong> ce livre (une procédure d'assez longue durée) j'ai été<br />
très surpris <strong>de</strong> constater qu'avant ce premier chapitre «Nombres positifs et négatifs» il y a comme<br />
vraie «tête» un chapitre d'«lntroduction» <strong>de</strong> géométrie. C'est une exposition <strong>de</strong> la doctrine<br />
<strong>de</strong> segments orientés, ou plutôt <strong>de</strong>s «chemins» (on reprend donc la terminologie <strong>de</strong> Mourey,<br />
voir plus loin). Elle est utilisée comme justification ontologique du concept <strong>de</strong> nombre négatif.<br />
En se référant aux propriétés <strong>de</strong>s chemins (respectivement <strong>de</strong>s segments), on pose les règles du<br />
calcul avec le nouveau type <strong>de</strong> nombres. Il faut ajouter que c'est un <strong>de</strong>s rares manuels OlJ l'on<br />
souligne le caractère conventionnel <strong>de</strong> la règle <strong>de</strong>s signes (Bourlet, 1896, p. 21).<br />
16. On n'a pas remarqué cette différence, jusqu'à présent, dans l'historiographie. Il est donc difficile<br />
d'avancer <strong>de</strong>s hypothèses sur les raisons <strong>de</strong> cette différence manifeste. Cependant, la doctrine<br />
<strong>de</strong>s quantités opposées se dérivant <strong>de</strong>s réflexions philosophiques, il me semble qu'il y a eu<br />
en Allemagne <strong>de</strong>s débats et <strong>de</strong>s échanges plus étroits et plus fructueux entre mathématiques<br />
et philosophie. De plus, il y a <strong>de</strong>s différences profon<strong>de</strong>s entre la philosophie alleman<strong>de</strong> et la<br />
philosophie française, qu'on peut caractériser, entre autres, par la méfiance (dans <strong>de</strong> nombreux<br />
courants <strong>de</strong> philosophie) <strong>de</strong> systèmes transcendants discrédités, en France, vis-à-vis <strong>de</strong> leur<br />
rattachement au parti catholique-jésuite.<br />
17. Malheureusement, il n'existe pas une traduction adéquate du mot «aufheben» (ce qui est déjà<br />
assez indicatif 1). Chez Hegel, par exemple, «aufheben» a à la fois le sens <strong>de</strong> nier et celui <strong>de</strong><br />
conserver.<br />
18. Le couple «métho<strong>de</strong> analytique» - «métho<strong>de</strong> synthétique», a connu, au cours <strong>de</strong> l'histoire,<br />
une assez gran<strong>de</strong> variété <strong>de</strong> significations (que j'ai expliquée dans mon exposé <strong>de</strong> la 3ème Ecole<br />
d'Eté <strong>de</strong> Didactique <strong>de</strong>s Mathématiques, juillet 1984, Orléans). Cependant, la signification<br />
attribuée ici aux <strong>de</strong>ux métho<strong>de</strong>s par Klügel a beaucoup d'avantages parce qu'elle nous amène.<br />
au fond <strong>de</strong>s débats idéologisés sur la «métho<strong>de</strong>».<br />
19. Cette critique est correcte mais Carnot ne l'acceptera pas comme réfutation parce qu'elle implique<br />
l'admissibilité <strong>de</strong>s nombres entiers, tandis que pour Carnot il n'y a que <strong>de</strong>s nombres absolus<br />
et la seule signification <strong>de</strong>s signes X et - est que ce sont <strong>de</strong>s signes d'opérations.<br />
20. Une autre réfutation exhaustive se trouve dans le livre <strong>de</strong> W,A. Diesterweg (1831) qui opère sur<br />
le même niveau <strong>de</strong> «mathématique <strong>de</strong> problèmes» mais qui réclame, malgré sa tendance favorable<br />
à la métho<strong>de</strong> synthétique, l'indépendance <strong>de</strong> l'algèbre.
29<br />
21. Le premier texte français où l'on différencie d'une manière analogue entre nombres et gran<strong>de</strong>urs<br />
est un mémoire <strong>de</strong> 1843 : M. Marie est prêt à admettre <strong>de</strong>s nombres négatifs (dans le cadre<br />
d'une «algèbre pure»), mais une théorie <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs négatives ne fait, pour lui, aucun sens<br />
mathématique (Marie 1843, pp. 11-12).<br />
22. Même Klügel se limite dans son «Mathematisches Worterbuch» sous la rubrique «Coordinate»<br />
à ne visualiser dans les planches que le premier quadrant.<br />
Et Biot (1805) qui utilise la croix <strong>de</strong>s coordonnées, désigne les <strong>de</strong>ux directions d'un axe par le<br />
même signe : x et y respectivement. Après, on trouve à travers tout le 19ème siècle dans les<br />
manuels français, comme une expression d'un «compromis», la désignation X, Xl et Y, yI respectivement<br />
pour les quatre axes. On désigne les points par <strong>de</strong>s lettres dans les figures mais pas par<br />
<strong>de</strong>s nom bres.<br />
23. Je ne voudrais pas exclure la possibilité que Grassmann ait vu le livre <strong>de</strong> Mourey, car on trouve<br />
ce livre cité, déjà en 1834, dans un livre sur <strong>de</strong>s équations algébriques <strong>de</strong> M.W. Drobisch, mathématicien<br />
et philosophe à Leipzig et bien connu à cette époque.<br />
24. Le terme «quantité» ne représente pas seulement la conception traditionnelle <strong>de</strong>s mathématiques<br />
(
30<br />
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SYMETRIE ORTHOGONALE: DES ELEVES FRANCAIS<br />
ET JAPONAIS FACE A UNE MEME TACHE DE CONSTRUCTION<br />
Berna<strong>de</strong>tte DENYS<br />
I.R.E.M. <strong>de</strong> Paris VII<br />
Denise GR EN 1ER<br />
Equipe <strong>de</strong> Didactique<br />
<strong>de</strong>s Mathématiques et <strong>de</strong> l' 1nformatique<br />
Université <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong> 1<br />
1- INTRODUCTION<br />
1. Les objectifs.<br />
Le but <strong>de</strong> cet article est <strong>de</strong> décrire les résultats d'expérimentations réalisées<br />
parallèlement avec <strong>de</strong>s élèves français et <strong>de</strong>s élèves japonais à propos <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong><br />
symétrie orthogonale. Plus précisément, nous avons tenté, à partir <strong>de</strong>s productions <strong>de</strong><br />
ces élèves dans une même tâche <strong>de</strong> construction, <strong>de</strong> comparer leurs conceptions <strong>de</strong><br />
cette notion et <strong>de</strong> déterminer l'influence, sur leurs réponses, <strong>de</strong> certaines variables<br />
caractéristiques <strong>de</strong>s figures et <strong>de</strong> la tâche.<br />
2. Cadre <strong>de</strong> notre recherche.<br />
Dans le mon<strong>de</strong>, la France et le Japon constituent <strong>de</strong>ux pôles culturels remarquables<br />
par leurs différences. L'organisation <strong>de</strong> l'espace, l'architecture, mais aussi le<br />
langage et les signes sont gérés <strong>de</strong> manières très différentes. Dans la langue française,<br />
toutes les étapes d'un raisonnement sont exprimées et, pour l'écrit, un seul alphabet<br />
est utilisé. Dans la langue japonaise, le <strong>de</strong>gré d'explicitation est beaucoup plus réduit,<br />
mais la richesse <strong>de</strong>s signes utilisés pour l'écrit est incomparable: on utilise <strong>de</strong>ux alphabets<br />
syllabiques, chacun <strong>de</strong> 52 signes, ainsi qu'environ 7 000 caractères chinois (kanji),<br />
sans oublier l'alphabet latin qui sert par exemple pour les écritures mathématiques(1).<br />
Une comparaison <strong>de</strong> l'organisation <strong>de</strong> l'espace et <strong>de</strong> l'architecture au Japon<br />
et en France a été faite par Augustin Berque (1982). Il ressort en particulier <strong>de</strong> cette<br />
étu<strong>de</strong> que l'architecture française privilégie les ordres géométriques et les perspectives,<br />
tandis que l'architecture japonaise traditionnelle les dédaigne, notamment la symétrie.<br />
Il semble que le penchant à l'asymétrie se soit développé en même temps que se définissait<br />
la civilisation japonaise.<br />
«<strong>petit</strong> x» nO 12 pp. 33 à 56.1986
34<br />
Des disciplines transculturelles et interculturelles se sont développées dans les<br />
vingt <strong>de</strong>rnières années, surtout dans les pays anglophones (Mauviel, 1984) ; eUes<br />
commencent à poindre en France alors que le patrimoine français est d'une gran<strong>de</strong><br />
richesse dans ce domaine.<br />
Plaçons-nous sur le plan <strong>de</strong> l'apprentissage. Comme le souligne M. Mauviel,<br />
l'individu puise dans l'héritage symbolique <strong>de</strong> son groupe (langue, système <strong>de</strong> valeurs,<br />
mouvements du corps... ), héritage qu'il transforme, et c'est ce processus qui contribue<br />
à organiser son système <strong>de</strong> perception.<br />
Il est sans doute intéressant <strong>de</strong> comparer la manière dont les contextes culturels<br />
français et japonais agissent sur le milieu scolaire et sur les processus d'acquisition<br />
<strong>de</strong>s connaissances mathématiques, en particulier <strong>de</strong>s connaissances géométriques.<br />
L'enseignement <strong>de</strong> la géométrie constitue un lieu privilégié d'observation <strong>de</strong>s structures<br />
mentales à travers les mo<strong>de</strong>s cognitifs d'appréhension <strong>de</strong> l'espace, en liaison avec les<br />
usages langagiers et la mise en œuvre <strong>de</strong> représentations symboliques.<br />
Parmi les notions géométriques enseignées au collège, la symétrie orthogonale<br />
est Une notion qui fait partie, pour l'élève, <strong>de</strong> son acquissocio-culturel ; il est intéressant<br />
d'étudier comment les élèves concilient l'objet d'enseignement et l'objet familier du<br />
milieu extra-scolaire.<br />
3. Quelques mots sur les programmes français et japonais.<br />
Nous donnons tout d'abord, dans le tableau 1· ci-<strong>de</strong>ssous, la correspondance<br />
entre les classes japonaises et les classes françaises pour les élèves <strong>de</strong> 11 à 15 ans.<br />
tableau 1<br />
correspondance entre l'âge et le niveau <strong>de</strong>s élèves en France etau Japon<br />
âge 11 12 13 14 15<br />
France<br />
Japon<br />
école<br />
classe<br />
école<br />
classe<br />
collège collège collège collège<br />
6 5 4 3<br />
élémentaire moyenne moyenne moyenne<br />
6 1 2 3<br />
(* année où la symétrie orthogonale est enseignée)<br />
La notion <strong>de</strong> symétrie orthogonale apparaît à <strong>de</strong>s étapes différentes dans les<br />
programmes français et japonais.<br />
Actuellement, les programmes français pour le collège laissent une gran<strong>de</strong><br />
latitu<strong>de</strong> au professeur pour l'organisation <strong>de</strong> son cours; l'accent est mis en classe <strong>de</strong>
35<br />
quatrième sur l'apprentissage <strong>de</strong> la démonstration. En géométrie plane, la translation,<br />
la symétrie centrale, la symétrie orthogonale et la projection sur une droite sont enseignées<br />
comme <strong>de</strong>s transformations ponctuelles. Dans les nouveaux programmes français<br />
mis en application à partir <strong>de</strong> septembre 1986, la symétrie orthogonale sera enseignée<br />
au moyen <strong>de</strong> transformation <strong>de</strong> figures en classe <strong>de</strong> 6ème, et non plus comme transformation<br />
ponctuelle en classe <strong>de</strong> 4ème comme elle l'était jusqu'à présent.<br />
Les programmes japonais pour l'école moyenne prévoient davantage <strong>de</strong> manipulations,<br />
<strong>de</strong> constructions, <strong>de</strong> mesures <strong>de</strong> figures géométriques planes et spatiales<br />
avant la découverte <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong> ces figures, peu <strong>de</strong> démonstrations sont faites.<br />
Les manuels sont peu diversifiés et les professeurs les suivent <strong>de</strong> très près. La symétrie<br />
orthogonale est enseignée dès la <strong>de</strong>rnière année d'école élémentaire à partir <strong>de</strong> la<br />
notion d'axe <strong>de</strong> symétrie d'une figure, et la symétrie centrale est enseignée aussitôt<br />
après.<br />
Il -<br />
LES TRAVAUX DE BASE ET LES PREMIERES OBSERVATIONS.<br />
1. Les travaux sur lesquels s'appuient notre recherche.<br />
Quelques étu<strong>de</strong>s concernant les transformations, et notamment la notion <strong>de</strong><br />
symétrie orthogonale, ont déjà été réalisées dans différents pays. En particulier, <strong>de</strong>s<br />
recherches françaises et anglaises ont déterminé l'existence <strong>de</strong> variables (caractéristiques<br />
<strong>de</strong>s figures ou <strong>de</strong> la tâche) qui ont une inci<strong>de</strong>nce sur les productions <strong>de</strong>s élèves<br />
dans une activité <strong>de</strong> construction. Nous citerons en particulier les recherches <strong>de</strong><br />
D. Kücheman et K.M. Hart en Angleterre (K. Hart, 1981), et celles <strong>de</strong> R. Gras (1983)<br />
et D. Grenier (1985a), en France.<br />
Les recherches faites à l'école japonaise <strong>de</strong> Paris sont plus particulièrement<br />
liées aux travaux <strong>de</strong> D. Grenier et M. Guillerault (Equipe <strong>de</strong> Didactique <strong>de</strong>s Mathématiques<br />
et <strong>de</strong> l'Informatique <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong>), qui ont mis en évi<strong>de</strong>nce les conceptions <strong>de</strong><br />
la symétrie orthogonale mobilisées par les élèves français <strong>de</strong> 11 à 15 ans (avant et<br />
après enseignement en classe <strong>de</strong> cette notion) dans une tâche <strong>de</strong> «construction à main<br />
levée». Lors d'une première expérimentation, ils avaient <strong>de</strong>mandé à <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> 13<br />
à 15 ans travaillant par binômes <strong>de</strong> tracer à main levée les figures symétriques <strong>de</strong><br />
figures données par rapport à une droite. Un observateur notait, pour chaque binôme,<br />
les différentes étapes <strong>de</strong> la construction et les arguments échangés par les <strong>de</strong>ux élèves<br />
(ils <strong>de</strong>vaient fournir une solution commune). Nous donnons ci-après (planche 1)<br />
les huit items qui avaient été proposés aux élèves sous forme <strong>de</strong> livret.
36<br />
2 5 6<br />
\<br />
3<br />
8<br />
planche 1<br />
L'analyse <strong>de</strong>s arguments échangés par les élèves et <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> résolution<br />
utilisées avait permis <strong>de</strong> repérer les liens entre certaines caractéristiques <strong>de</strong> la figure<br />
et les procédures <strong>de</strong> construction <strong>de</strong>s élèves. Ces caractéristiques, que nous appelons<br />
«variables didactiques» (variables dont les valeurs provoquent <strong>de</strong>s changements <strong>de</strong><br />
procédures chez les élèves) sont les suivantes:<br />
- la nature <strong>de</strong> la figure-objet, qui était ici un segment ou un point,<br />
- la position <strong>de</strong> la figure globale dans la feuille,<br />
- l'orientation <strong>de</strong> l'axe <strong>de</strong> symétrie dans la feuille,<br />
- la position relative <strong>de</strong> la figure-objet et <strong>de</strong> l'axe <strong>de</strong> symétrie (intersection<br />
avec l'axe, angle du segment et <strong>de</strong> l'axe),<br />
- le type <strong>de</strong> papier (blanc ou quadrillé).<br />
Cette expérimentation avec <strong>de</strong>s binômes avait montré également l'importance<br />
<strong>de</strong> certaines «règles d'action» mises en œuvre par les élèves, telles les procédures <strong>de</strong><br />
comptage su r le papier quadrillé ou les procédures <strong>de</strong> translation le long <strong>de</strong> lignes<br />
«horizontale» ou «verticale» dans la feuille, que nous avons nommées procédures <strong>de</strong><br />
types «rappel horizontal» ou «rappel vertical». Une analyse détaillée en a été faite<br />
dans <strong>petit</strong> x, numéro 7 (Grenier 1985a).<br />
Nous avons alors réalisé plusieurs observations à l'école japonaise <strong>de</strong> Paris<br />
(où les programmes officiels japonais sont en vigueud, en soumettant les élèves japonais<br />
à la même tâche, avec les mêmes figu res que celles proposées aux élèves français.<br />
Les objectifs <strong>de</strong> ces observations étaient les suivants:<br />
- repérer les conceptions mises en jeu par les élèves japonais à propos <strong>de</strong> la<br />
symétrie orthogonale dans une telle tâche <strong>de</strong> construction,<br />
- déterminer si les variables didactiques qui semblent influer sur les réponses<br />
<strong>de</strong>s élèves français dans cette tâche ont une influence analogue sur les réponses <strong>de</strong>s<br />
élèves japonais.
37<br />
Avant <strong>de</strong> donner les résultats <strong>de</strong> ces premières observations, nous allons analyser<br />
la tâche proposée aux élèves et les raisons <strong>de</strong> notre choix.<br />
2. Pourquoi une tâche <strong>de</strong> «construction à main levée» ?<br />
Dans toutes ces expérimentations, l'activité proposée aux élèves est une activité<br />
<strong>de</strong> construction à main levée <strong>de</strong> la figure symétrique d'une figure donnée par rapport<br />
à une droite donnée. Ce choix avait été fait, au départ, pour les expérimentations<br />
françaises qui concernaient <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> 6ème à 3ème, en vue <strong>de</strong> déterminer l'évolution<br />
<strong>de</strong> leurs conceptions avant et après l'enseignement en classe.<br />
Les élèves <strong>de</strong>s classes <strong>de</strong> 6ème et 5ème n'ayant pas eu l'enseignement <strong>de</strong> la<br />
symétrie en classe, nous avions donné dans toutes les classes la «définition» suivante:<br />
«Si on plie le long <strong>de</strong> la droite <strong>de</strong> symétrie, la figure-objet et sa figure symétrique se<br />
superposent parfaitement». Mais nous avions interdit le pliage, afin d'obliger les élèves<br />
à mettre en œuvre les propriétés attribuées, par eux, à la symétrie orthogonale.<br />
De plus, pour les élèves <strong>de</strong> 4ème et 3ème, la symétrie orthogonale avait été<br />
enseignée (en classe <strong>de</strong> 4ème) comme une transformation ponctuelle et les exercices<br />
proposés avaient comporté peu <strong>de</strong> constructions. Cette tâche nous permettait donc,<br />
en outre, d'étudier la capacité <strong>de</strong> ces élèves à réinvestir, dans cette activité, les connaissances<br />
apprises en classe.<br />
Les figures proposées étaient <strong>de</strong>s segments ou <strong>de</strong>s points, occupant différentes<br />
positions par rapport à l'axe <strong>de</strong> symétrie, cet axe <strong>de</strong> symétrie étant lui-même orienté<br />
<strong>de</strong> différentes manières dans la feuille (revoir la planche 1).<br />
Plus généralement, une telle tâche permet <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce la perception<br />
globale qu'ont les élèves d'une figure et <strong>de</strong> son symétrique, car elle n'entraîne ni les<br />
perturbations provoquées par l'usage d'instruments <strong>de</strong> construction, ni les problèmes<br />
langagiers posés par une <strong>de</strong>scription écrite.<br />
Enfin, pour une comparaison entre les productions <strong>de</strong>s élèves français et celles<br />
<strong>de</strong>s élèves japonais, le choix <strong>de</strong> cette tâche nous autorise à étudier ces productions<br />
indépendamment <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nces langagières.<br />
3. Premières observations comparatives franco-japonaise.<br />
Les premières observations faites à l'école japonaise ont consisté à proposer le<br />
livret <strong>de</strong> la première expérimentation menée à <strong>Grenoble</strong> (Grenier, 1985a) à <strong>de</strong>ux<br />
binômes d'élèves japonais <strong>de</strong> 13 ans <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième année d'école moyenne (ils avaient<br />
reçu un enseignement <strong>de</strong> la symétrie orthogonale <strong>de</strong>ux ans auparavant). Les figures<br />
proposées (celles reproduites dans la planche 1) étaient constituées <strong>de</strong> points ou <strong>de</strong><br />
segments occupant différentes positions par rapport à l'axe <strong>de</strong> symétrie. La réussite
38<br />
excellente <strong>de</strong> chaque binôme a montré que ces élèves <strong>de</strong> l'école japonaise n'éprouvaient<br />
pas les difficultés rencontrées par les élèves français <strong>de</strong> 13 à 15 ans dans ce type <strong>de</strong><br />
tâche. En particulier, un comportement rare pour l'élève français s'est avéré naturel<br />
pour l'élève japonais: celui qui consiste, lorsque l'axe est «oblique», à tourner la feuille<br />
<strong>de</strong> manière à placer l'axe dans la position «verticale».<br />
Ces résultats nous ont conduites à mener une observation auprès d'élèves<br />
japonais plus jeunes, dans une situation <strong>de</strong> travail individuel. Elle a mis en évi<strong>de</strong>nce,<br />
chez les élèves japonais <strong>de</strong> 10 à 12 ans, <strong>de</strong>s erreurs déjà repérées chez les élèves français.<br />
Les figures proposées étaient celles qui avaient été données aux binômes, excepté la<br />
figure 2 qui n'avait posé aucun problème dans les <strong>de</strong>ux populations d'élèves : nous<br />
les reproduisons dans la planche 2 ci-<strong>de</strong>ssous. Les différents résultats obtenus fournissent<br />
une première comparaison d'une part entre les réussites <strong>de</strong>s élèves japonais<br />
et celles <strong>de</strong>s élèves français (tableau 2) et, d'autre part, entre les différents types<br />
d'erreurs rencontrées dans les <strong>de</strong>ux populations.<br />
5 6<br />
\<br />
3 4 B<br />
planche 2<br />
tableau 2 : nombre <strong>de</strong> bonnes réponses<br />
élèves japonais<br />
élèves français<br />
o.<br />
n Item 10-11 ans 11-12 ans 12-13 ans 11-15 ans<br />
1<br />
3<br />
4<br />
5<br />
6<br />
7<br />
8<br />
22/26<br />
21/26<br />
10/26<br />
10/26<br />
11/26<br />
8/26<br />
10/26<br />
35/37<br />
34/37<br />
25/37<br />
20/32<br />
30/37<br />
17/32<br />
28/36<br />
24/24<br />
24/24<br />
22/24<br />
23/24<br />
23/23<br />
22/24<br />
21/24<br />
20/22<br />
21/23<br />
12/23<br />
12/23<br />
16/23<br />
8/23<br />
8/28<br />
Les résultats essentiels qui ressortent <strong>de</strong> cette expérimentation sont les suivants<br />
(ils ne sont pas tous visibles sur le tableau précé<strong>de</strong>nt) :
39<br />
1 - Il semble que, dans cette tâche, les performances <strong>de</strong> l'élève <strong>de</strong> 12 ans<br />
<strong>de</strong> l'école japonaise <strong>de</strong> Paris soient comparables à celles <strong>de</strong> l'élève français <strong>de</strong> 14 ans<br />
<strong>de</strong> niveau moyen. Mais il faut noter que la tâche <strong>de</strong> construction proposée est plus<br />
proche <strong>de</strong>s travaux usuels <strong>de</strong>s élèves japonais que <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong>s élèves français.<br />
âges différents.<br />
2 - Des erreurs <strong>de</strong> même type ont été repérées <strong>de</strong> part et d'autre, mais à <strong>de</strong>s<br />
3 - Cependant, si l'enseignement <strong>de</strong> la symétrie orthogonale ne permet pas<br />
aux élèves japonais <strong>de</strong> 11 ans <strong>de</strong> surmonter toutes les difficultés, du moins, en <strong>de</strong>uxième<br />
année d'école moyenne (13 ans), les erreurs disparaissent presque totalement (voir<br />
tableau 2).<br />
Ces résultats nous ont incitées à une expérimentation plus affinée, d'une<br />
part pour vérifier le constat <strong>de</strong> la très gran<strong>de</strong> réussite, dans cette tâche, <strong>de</strong>s élèves<br />
japonais <strong>de</strong> 13 ans (ce qui n'est pas le cas pour les élèves français <strong>de</strong> 15 ans) et, d 1 autre<br />
part, pour tenter <strong>de</strong> comparer plus précisément les erreurs <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux populations.<br />
III - L'EXPERIMENTATION.<br />
1. Présentation <strong>de</strong> l'expérimentation.<br />
Cette <strong>de</strong>uxième série d'observations a eu lieL! à l'école japonaise <strong>de</strong> Paris à<br />
la suite d'une nouvelle expérimentation, réalisée à <strong>Grenoble</strong>, proposant le même<br />
exercice <strong>de</strong> construction à main levée à un grand nombre d'élèves <strong>de</strong> collège en situation<br />
<strong>de</strong> résolution individuelle. Il s'agissait <strong>de</strong> vérifier <strong>de</strong> façon plus systématique l'influence<br />
<strong>de</strong> certaines variables sur les réponses <strong>de</strong>s élèves, et, pour cela, <strong>de</strong> fixer les valeurs<br />
<strong>de</strong>s autres variables.<br />
Ainsi, nous n'avons gardé qu'un seul type <strong>de</strong> figure-objet: le segment, qui est<br />
une figure relativement simple et, en tout cas, classiquement proposée comme exemple<br />
dans les manuels scolaires pour illustrer le symétrique d'une figure. D'autre part, la<br />
position <strong>de</strong> la figure globale dans la feuille avait été choisie pour permettre les réponses<br />
<strong>de</strong> types «rappel horizontal» et «rappel vertical» (c'est-à-dire qu'il était possible <strong>de</strong><br />
tracer les images <strong>de</strong> ce type dans le cadre <strong>de</strong> la feuille).<br />
Les résultats ont montré l'influence sur les réponses <strong>de</strong>s élèves français <strong>de</strong>s<br />
variables su ivantes :<br />
- l'orientation <strong>de</strong> l'axe dans la feuille (verticale, horizontale, oblique à 45°) ;<br />
- la position relative du segment et <strong>de</strong> l'axe <strong>de</strong> symétrie (intersection du<br />
segment et <strong>de</strong> l'axe, gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> l'angle du segment et <strong>de</strong> l'axe) ;<br />
- le type <strong>de</strong> papier (blanc ou quadrillé).
40<br />
Parmi les items <strong>de</strong> cette expérimentation dans les classes françaises, nous en<br />
avons retenu douze qui nous ont semblé particulièrement pertinents pour comparer,<br />
dans les réponses <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux populations, le rôle <strong>de</strong>s variables choisies.<br />
Ainsi, l'orientation <strong>de</strong> l'axe dans la feuille a été fixée «oblique à 45 <strong>de</strong>grés<br />
gauche» ou «oblique à 45 <strong>de</strong>grés droite», car les items avec orientation «verticale»<br />
ou «horizontale» <strong>de</strong> l'axe avait été très bien réussis par les élèves japonais.<br />
Par contre, ces items comprenaient toutes les positions relatives du segment<br />
et <strong>de</strong> l'axe <strong>de</strong> symétrie et les <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> papier. Les douze figures choisies sont<br />
présentées dans la planche 3 du paragraphe 4, ainsi qu'une analyse <strong>de</strong>s difficultés<br />
qu'elles présentent et <strong>de</strong>s résultats attendus.<br />
2. Le dispositif expérimental et la consigne.<br />
Ce livret <strong>de</strong> douze items a été proposé aux élèves japonais <strong>de</strong> 11 à 14 ans,<br />
c'est-à-dire en sixième année d'école élémentaire, première et <strong>de</strong>uxième année d'école<br />
moyenne. L'analyse laissant prévoir <strong>de</strong>s résultats excellents dès la <strong>de</strong>uxième année,<br />
l'expérimentation n'a pas été réalisée en troisième année d'école moyenne. Ces douze<br />
items avaient été proposés à <strong>de</strong>s élèves français <strong>de</strong> quatre niveaux différents (6ème à<br />
3ème) choisis dans <strong>de</strong>s collèges très divers <strong>de</strong> la région grenobloise.<br />
La consigne a été donnée oralement ou par écrit par le professeur japonais.<br />
En voici la traduction littérale:<br />
«La symétrie, c'est le fait d'avoir <strong>de</strong>s formes i<strong>de</strong>ntiques, formées <strong>de</strong> points,<br />
lignes, etc., par rapport à la ligne grosse et longue. Tracer une forme i<strong>de</strong>ntique à celle<br />
qu'on trouve dans la figure <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la ligne grosse et longue».<br />
Les élèves japonais soumis à cette expérimentation avaient tous reçu un enseignement<br />
<strong>de</strong> la symétrie orthogonale(3l.<br />
Pour les élèves français, la consigne, écrite sur la première page du livret distribué<br />
aux élèves avait été lue par le professeur à voix haute à toute la classe: «Pour<br />
chaque figure, tracer le symétrique du segment par rapport à la droite».<br />
Les élèves <strong>de</strong>s classes <strong>de</strong> 6ème et 5ème n'ayant pas eu d'enseignement <strong>de</strong> la<br />
symétrie orthogonale, il fallait se mettre d'accord sur la signification <strong>de</strong> l'expression
41<br />
«figure symétrique d'une figure donnée». La «définition» proposée aux élèves <strong>de</strong>s<br />
quatre classes était la suivante: «Quand on plie le long <strong>de</strong> la droite, la figure donnée et<br />
la figure symétrique se superposent parfaitement. Vous pouvez imaginer le pliage,<br />
mais vous ne <strong>de</strong>vez pas plier».<br />
On trouve dans les livres japonais la définition dont voici une traduction :<br />
Lorsqu'on plie en <strong>de</strong>ux une forme suivant une ligne droite et que les parties <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
côtés se superposent complètement, on dit que cette forme est une symétrie-droite.<br />
De plus, cette ligne droite s'appelle axe <strong>de</strong> symétrie.<br />
En France, la définition usuelle que nous pouvons trouver dans les manuels<br />
<strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> quatrième présente la symétrie comme une transformation ponctuelle<br />
du plan. Mais la «définition» donnée aux élèves français dans cette expérimentation<br />
était proche <strong>de</strong> celle proposée dans les livres japonais.<br />
3. Une typologie <strong>de</strong>s réponses <strong>de</strong>s élèves.<br />
Pour décrire les figures et rendre compte <strong>de</strong>s réponses attendues, nous avons<br />
utilisé la typologie décrite par D. Grenier (1985b). Cette typologie est un essai <strong>de</strong><br />
classement <strong>de</strong>s différentes procédures utilisées par les élèves français dans cette tâche<br />
<strong>de</strong> construction à main levée. Nous la reproduisons dans le tableau 3 ci-<strong>de</strong>ssous.<br />
tableau 3<br />
Principaux types <strong>de</strong> procédures utilisées par les élèves dans cette tâche<br />
- Réponses <strong>de</strong> type «orthogonalité» : la détermination <strong>de</strong>s sommets <strong>de</strong> la<br />
figure-image se fait le long <strong>de</strong>s droites orthogonales à l'axe et passant par ces<br />
sommets (fig. la, lb). Ces réponses sont correctes dès que le report <strong>de</strong> la<br />
distance à l'axe <strong>de</strong> symétrie est exact (fig. la).<br />
fig.1a fig.1 b<br />
[]<br />
- Réponses <strong>de</strong> type «recouvrement partiel ou total» qui donnent pour<br />
image une figure recouvrant partiellement ou totalement la figure-objet (fig.<br />
2a,2b).<br />
fig.2a<br />
fig.2b
42<br />
- Réponses <strong>de</strong> type «prolongement» qui donnent pour image une figure<br />
située dans le prolongement <strong>de</strong> la figure-objet (fig. 3a, 3b) ; ce prolongement<br />
peut s'accompagner d'un recouvrement partiel ou total <strong>de</strong> la figure-objet.<br />
fig.38<br />
fig.3b<br />
- Réponses <strong>de</strong> types «parallélisme» ou «translation» qui donnent pour<br />
image une figure translatée globalement <strong>de</strong> la figure-objet (fig. 4a, 4b).<br />
fig.4a<br />
fig.4b<br />
- Réponses <strong>de</strong> types «rappel horizontal» ou «rappel vertical» qui donnent<br />
pour image une figure dont les sommets sont obtenus par translations<br />
horizontale ou verticale <strong>de</strong>s sommets <strong>de</strong> la figure-objet (fig. Sa, Sb).<br />
fig. 58<br />
~<br />
1 1<br />
fig.5b<br />
Les réponses <strong>de</strong> type «orthogonalité» sont correctes dès que le report <strong>de</strong> la<br />
distance à l'axe <strong>de</strong> symétrie est exact. Les quatre autres types <strong>de</strong> procédures <strong>de</strong> résolution<br />
peuvent donner lieu à <strong>de</strong>s réponses exactes (fig. 2a, 3a, 4a, Sa) ou à <strong>de</strong>s réponses<br />
fausses (fig. 2b, 3b, 4b, Sb).
43<br />
4. Analyse <strong>de</strong>s figures.<br />
La planche 3 ci-<strong>de</strong>ssous donne les 12 figures <strong>de</strong> l'expérimentation*.<br />
2<br />
planche 3<br />
Nous avons analysé <strong>de</strong>s figures en fonction <strong>de</strong>s variables dont nous voulions<br />
observer l'influence. Les résultats <strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>ntes observations nous permettaient<br />
<strong>de</strong> proposer une classification a priori <strong>de</strong>s valeurs <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong> ces variables.<br />
tableau 4 : classification <strong>de</strong>s valeurs <strong>de</strong>s variables<br />
variable valeurs par ordre <strong>de</strong> difficulté croissante valeur non classée<br />
«i ntersection<br />
segment-axe»<br />
«valeur <strong>de</strong> l'angle<br />
(s, a)>><br />
«type <strong>de</strong> papier»<br />
«orientation<br />
du segment»<br />
T (touche)<br />
Ne (ne coupe pas)<br />
e (coupe)<br />
S (superposition)<br />
D (droit, 90°)<br />
P (<strong>petit</strong>, entre 0° et 45°)<br />
G (grand, entre 45° et 90°)<br />
B (blanc)<br />
Q (quadrillé)<br />
V (verticale)<br />
H (Horizontale)<br />
o (oblique)<br />
R (remarquable, 0° et 45°)<br />
* Pour vous permettre <strong>de</strong> suivre facilement cette analyse, une feuille détachable {reproduisant ces<br />
figures est mise à votre disposition en fin d'article (recto <strong>de</strong> la feuille).
44<br />
Quelques commentaires sur cette classification.<br />
Pour la variable «intersection segment-axe», nous pensions que la détermination<br />
du symétrique est plus difficile si le segment donné coupe l'axe, et plus encore<br />
s'il est porté par l'axe. Par contre, si le segment touche l'axe, le point <strong>de</strong> contact sert<br />
d'appui pour la construction et, en ce sens facilite la tâche.<br />
Nous appelons «angle (s, ah> l'angle aigu formé par les droites portant le<br />
segment et l'axe. Lorsque la valeur <strong>de</strong> cet angle est gran<strong>de</strong> (entre 45 0<br />
et 90°), les<br />
procédures <strong>de</strong> prolongement apparaissent (revoir la typologie <strong>de</strong>s réponses). Lorsque<br />
l'angle (s, a) vaut 90°, la procédure <strong>de</strong> «prolongement» se confond avec la procédure<br />
«d'hortogonalité» et peut donc aboutir à un résultat juste.<br />
Nous avons déjà vu l'inci<strong>de</strong>nce du papier quadrillé sur les procédures <strong>de</strong> comptage<br />
et les difficultés que le quadrillage soulève dès que l'axe n'est ni vertical, ni horizontal.<br />
La valeur 45° <strong>de</strong> l'angle (s, a) est remarquable car, dans les figures 7 et 8, le<br />
segment prend une orientation verticale ou horizontale. Ces orientations particulières<br />
peuvent provoquer <strong>de</strong>s procédures erronées <strong>de</strong> types «parallélisme» ou «prolongement»<br />
et rendre la tâche plus difficile.<br />
Enfin, la valeur (s, a) égale à 0° peut donner lieu à un item facile si le segment<br />
est strictement parallèle à l'axe (fig. 10), mais qu'en est-il si le segment est porté par<br />
l'axe?<br />
Description <strong>de</strong>s figures.<br />
Le tableau ci-<strong>de</strong>ssous donne les valeurs <strong>de</strong> ces variables pour chacune <strong>de</strong>s figures.<br />
tableau 5: figures et variables<br />
nO figure angle (s, a) intersection<br />
segment-axe<br />
type <strong>de</strong><br />
papier<br />
orientation<br />
du segment<br />
1 p Ne B a<br />
2 G Ne Q a<br />
3 G T Q a<br />
4 p T B a<br />
5 p e B a<br />
6 G e Q a<br />
7 R e Q v<br />
8 R e B H<br />
9 R S Q a<br />
la R Ne B a<br />
11 D T B a<br />
12 D e Q a
45<br />
Dans les items 1, 2, 3, 4, le segment se trouve dans un seul <strong>de</strong>mi-plan par<br />
rapport à l'axe <strong>de</strong> symétrie. Nous voulions particulièrement observer la variable «angle<br />
segment-axe» : son influence est-elle analogue sur les réponses <strong>de</strong>s élèves français<br />
et celles <strong>de</strong>s élèves japonais?<br />
Dans les items 5, 6, 7, 8, le segment coupe l'axe <strong>de</strong> symétrie. Nous voulions<br />
savoir si la réelle difficulté provoquée par cette position du segment par rapport à<br />
l'axe <strong>de</strong> symétrie, difficulté observée chez les élèves français, se retrouve chez les<br />
élèves japonais.<br />
Dans les items 9, 10, 11, 12, la variable «angle segment-axe» prend <strong>de</strong>ux<br />
valeurs particulières : 0 0 et 90 0 , valeurs pour lesquelles le segment-image a même<br />
direction que le segment-objet. Nous pensions que les items 10 et 11 ne présentaient<br />
pas <strong>de</strong> difficultés. Par contre, les items 9 et 12 posent le problème <strong>de</strong> la superposition<br />
<strong>de</strong>s segments objet et image.<br />
Dans chacun <strong>de</strong>s trois groupes <strong>de</strong> quatre figures, nous avons fait varier le type<br />
<strong>de</strong> papier (blanc ou quadrillé).<br />
5. Analyse <strong>de</strong>s résultats.<br />
Les résultats qui suivent concernent les douze items choisis pour l'expérimentation<br />
à l'école japonaise <strong>de</strong> Paris et les mêmes items issus <strong>de</strong> l'expérimentation française<br />
qui avait précédé. Les effectifs étant <strong>de</strong> 80 élèves français et 110 élèves japonais, ces<br />
résultats sont à prendre en compte <strong>de</strong> manière plus qualitative que quantitative.<br />
tableau 6 : nombres <strong>de</strong> bonnes réponses obtenues par ftem èt par classe<br />
nO item figure papier<br />
classes françaises<br />
classes japonaises<br />
6ème 5ème 4ème 3ème 6ème 1ère 2ème<br />
1<br />
2<br />
3<br />
4<br />
5<br />
6<br />
7<br />
8<br />
9<br />
10<br />
11<br />
12<br />
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Q<br />
B<br />
B<br />
Q<br />
19/21<br />
9/20<br />
13/20<br />
19/20<br />
13/20<br />
2/20<br />
6/20<br />
12/20<br />
12/21<br />
14/20<br />
18/20<br />
10/21<br />
21/21<br />
8/20<br />
8/21<br />
20/21<br />
20/21<br />
7/20<br />
11/20<br />
10/20<br />
15/22<br />
18/20<br />
19/21<br />
10/21<br />
20/21<br />
14/20<br />
16/20<br />
20/21<br />
19/21<br />
13/20<br />
15/20<br />
12/20<br />
18/21<br />
18/20<br />
20/20<br />
12/21<br />
19/21<br />
12/20<br />
13/21<br />
21/21<br />
19/21<br />
11/20<br />
12/20<br />
12/20<br />
17/22<br />
18/20<br />
21/21<br />
14/21<br />
42/47<br />
34/46<br />
26/47<br />
43/47<br />
42/47<br />
18/47<br />
29/47<br />
37/47<br />
22/47<br />
42/47<br />
44/47<br />
18/46<br />
32/36<br />
29/36<br />
25/36<br />
33/36<br />
34/36<br />
27/36<br />
28/36<br />
29/36<br />
21/35<br />
35/36<br />
33/36<br />
18/36<br />
24/25<br />
22/25<br />
23/25<br />
24/25<br />
25/25<br />
22/25<br />
24/25<br />
24/25<br />
25/25<br />
25/25<br />
25/25<br />
23/25
46<br />
tableau 7 : pourcentages <strong>de</strong>s réussites <strong>de</strong>s élèves par classe.<br />
classes françaises<br />
6 5 4 3<br />
61% 68% 80% 76%<br />
classes japonaises<br />
6 1 2<br />
71% 80% 95%<br />
a) Trois constatations s'imposent en premier lieu.<br />
- Le taux <strong>de</strong> réussite <strong>de</strong>s élèves japonais est, dans l'ensemble nettement supérieur<br />
à celui <strong>de</strong>s élèves français. Les performances <strong>de</strong> l'élève <strong>de</strong> 12 ans <strong>de</strong> l'école japonaise<br />
<strong>de</strong> Paris (début <strong>de</strong> 1ère année au moment où l'expérimentation a été faite)<br />
sont comparables à celles <strong>de</strong> l'élève français <strong>de</strong> 14 ans (fin <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> 4ème <strong>de</strong><br />
collège).<br />
- La progression du taux <strong>de</strong> réussite avec le niveau <strong>de</strong> la classe est très nette<br />
à l'école japonaise où la réussite en <strong>de</strong>uxième année d'école moyenne (14 ans) est<br />
presque totale. Par contre, pour les élèves français, la progression est moins évi<strong>de</strong>nte<br />
entre les classes <strong>de</strong> 6ème et <strong>de</strong> 3ème, <strong>de</strong> plus, elle est inexistante entre la 4ème et la<br />
3ème.<br />
- Le taux <strong>de</strong> réussite sur papier quadrillé est, dans l'ensemble, nettement<br />
inférieur au taux <strong>de</strong> réussite sur papier blanc, tant pour les élèves japonais que pour<br />
les élèves français. Dans le cadre <strong>de</strong> cette expérimentation, il n'y a pas eu cependant<br />
<strong>de</strong> comparaison <strong>de</strong> la même figure sur papier blanc et sur papier quadrillé.<br />
Les <strong>de</strong>ux premières constatations confirment le processus <strong>de</strong> maturation<br />
qui se produit chez les élèves japonais entre la 1ère et la 2ème année d'école moyenne.<br />
Plus précisément, regardons les résultats aux items 2, 3, 6, 7,8 et 12 qui semblent<br />
les plus significatifs. Ces items ne sont bien réussis, ni par les élèves français (même<br />
en classe <strong>de</strong> 3ème), ni par les élèves japonais en 1ère année, alors qu'ils le sont parfaitement<br />
par les élèves japonais en 2ème année d'école moyenne.<br />
En examinant les valeu rs <strong>de</strong>s variables décrites ci-<strong>de</strong>ssus, nous avons été amenées<br />
aux remarques suivantes:<br />
- d'une part, les items 2, 3 et 6 sont les seuls pour lesquels l'angle (s, a) est<br />
grand,<br />
- d'autre part, les items 7, 8 et 12 ont en commun une valeur remarquable<br />
<strong>de</strong> l'angle (s, a) et, pour chacun d'entre eux, le segment coupe la droite <strong>de</strong> symétrie.
47<br />
Nous pouvons conclure que les variables «angle (s, ah> et «intersection segmentaxe»<br />
influencent les réponses <strong>de</strong>s élèves français même après enseignement en classe <strong>de</strong><br />
la notion, alors que les difficultés soulevées par ces variables sont surmontées par les<br />
élèves japonais dès la 2ème année d'école moyenne.<br />
b) Le tableau suivant nous donne le pourcentage <strong>de</strong> bonnes réponses obtenues<br />
par l'ensemble <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> chaque population pour chaque figure.<br />
tableau 8 : pourcentage <strong>de</strong>s bonnes réponses pour l'ensemble <strong>de</strong>s élèves.<br />
nO <strong>de</strong> la figure 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12<br />
élèves français 94 54 62 96 87 41 55 57 72 85 95 53<br />
élèves japonais 91 79 69 93 94 62 75 83 64 95 94 55<br />
Ce tableau donne une «moyenne» <strong>de</strong>s réussites à chaque figure, toutes classes<br />
confondues. Il met en évi<strong>de</strong>nce les différences <strong>de</strong> réussite entre élèves français et<br />
élèves japonais, particulièrement importantes pour les items 2, 6, 7 et 8, puisqu'elles<br />
sont <strong>de</strong> 20% et plus. Nous en tentons une analyse plus loin. Par contre, il faut se reporter<br />
au tableau 6 pour voir la très gran<strong>de</strong> réussite <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> 2ème année <strong>de</strong> l'école<br />
japonaise et la faible réussite au contraire <strong>de</strong>s élèves français <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière année <strong>de</strong><br />
collège.<br />
Propositions <strong>de</strong> classement <strong>de</strong>s items.<br />
A partir <strong>de</strong>s résultats du tableau 8, nous pouvons donner un classement <strong>de</strong>s<br />
items par ordre décroissant <strong>de</strong> réussite chez les élèves français et chez les élèves japonais.<br />
tableau 9: classement <strong>de</strong>s items par ordre <strong>de</strong> réussite décroissante.<br />
élèves français 4--11-1-5-10 -9-3-8-7- 2 -12-6<br />
élèves japonais 10-5-11-4-1 --8-2-7-3-9 - 6 - 12<br />
Les figures 4, 11, 1,5, 10 forment un groupe d'items qui sont les mieux réussis<br />
par les élèves <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux populations; ces items sont tous sur papier blanc, ce qui va<br />
dans le sens <strong>de</strong> la remarque faite ci-<strong>de</strong>ssus. Il semble que le papier quadrillé perturbe<br />
la perception globale <strong>de</strong> la figure, ce qui est confirmé par les résultats obtenus auprès<br />
<strong>de</strong>s élèves français auxquels chaque figure avait été proposée sur les <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong><br />
papier. L'item B, le <strong>de</strong>rnier sur papier blanc, suit immédiatement dans le classement<br />
japonais, mais non dans le classement français. Les élèves français semblent plus sensibles<br />
à la variable «orientation du segment dans la feuille», qui prend ici une valeur<br />
particulière, la valeur «horizontale».
48<br />
Il apparaît aussi que les items 6 et 12 sont les moins bien réussis pour les<br />
élèves <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux populations,<br />
c) Comparaison <strong>de</strong>s erreurs.<br />
Pour tenter <strong>de</strong> comprendre ces ressemblances et ces différences <strong>de</strong> réussite,<br />
nous avons regardé plus précisément quelles étaient les erreurs faites par les élèves<br />
français et les élèves japonais*,<br />
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Les principaux tMpes d'erreurs<br />
* Le verso <strong>de</strong> la fiche détachable, donnant un exemple <strong>de</strong> chaque type d'erreur mentionné dans le<br />
tableau 10, vous permettra d'en suivre plus facilement l'analyse.
49<br />
tableau 10: comparaison <strong>de</strong>s principaux types d'erreurs.<br />
nO figure types d'erreurs classes<br />
françaises<br />
classes<br />
japonaises<br />
exemple <strong>de</strong><br />
types d'erreurs<br />
1 translations 1/84 5/108 (a), (b), (c)<br />
2 prolongements ou autres translations<br />
rappels horizontaux ou verticaux<br />
13/80<br />
16/80<br />
13/107<br />
3/107<br />
(a), (b), (c)<br />
(d), (e)<br />
3 prolongements<br />
pentes fausses<br />
16/80<br />
14/82<br />
29/108<br />
1/108<br />
(a)<br />
(b), (c), (d)<br />
4 prolongements<br />
autres translations<br />
2/83<br />
0/83<br />
2/108<br />
4/108<br />
(a)<br />
(b), (c)<br />
5 i<strong>de</strong>ntité<br />
translations<br />
3/83<br />
5/83<br />
0/107<br />
1/107<br />
(a)<br />
(b), (c)<br />
6 prolongements avec ou sans recouvrement<br />
autres translations<br />
rappels horizontaux ou verticaux<br />
symétrie/axe perpend. axe donné<br />
<strong>de</strong>mi-symétries<br />
13/80<br />
4/80<br />
4/80<br />
3/80<br />
6/80<br />
8/108<br />
2/108<br />
10/108<br />
5/108<br />
6/108<br />
(a)<br />
(b)<br />
(c)<br />
(d)<br />
(e), (f)<br />
7 prolongements<br />
translations é\vec rappel horizontal<br />
autres translations<br />
8/80<br />
6/80<br />
7/80<br />
7/108<br />
1/108<br />
7/108<br />
(a)<br />
(b), (c)<br />
(d)<br />
8 i<strong>de</strong>ntité<br />
pentes fausses<br />
translations<br />
10/80<br />
9/aO<br />
7/80<br />
0/108<br />
6/108<br />
6/108<br />
(a)<br />
(b), (c)<br />
(d), (e), (f)<br />
9 images sur l'axe <strong>de</strong> symétrie<br />
autres translations<br />
symétrie/axe vertical<br />
6/86<br />
3/86<br />
0/86<br />
16/107<br />
4/107<br />
7/107<br />
(a)<br />
(b), (c)<br />
(d)<br />
10 translations et rappels horizontaux<br />
images non parallèles à l'objet<br />
5/80<br />
3/80<br />
2/108<br />
1/108<br />
(a)<br />
(b)<br />
11 erreurs non remarquables<br />
12 translations<br />
symétrie/axe vertical ou horizontal<br />
tracés d'un carré<br />
<strong>de</strong>m i-symétries<br />
impossibilité ou non-réponse<br />
7/84<br />
6/84<br />
0/84<br />
10/84<br />
10/84<br />
10/107<br />
14/107<br />
6/107<br />
1/107<br />
6/107<br />
(a), (b), (c)<br />
(d)<br />
(e)<br />
(f)<br />
note: les lettres figurant dans la colonne «types d'erreurs» correspon<strong>de</strong>nt, pour chaque item, aux<br />
notations figurant dans les figures situées au verso <strong>de</strong> la feuille détachable. Il convient donc <strong>de</strong> se<br />
référer à cette page pour la lecture <strong>de</strong> ce tableau.
50<br />
Les items les mieux réussis.<br />
Les items 1, 4, 5, 10 et 11 ont été très bien réussis tant par les élèves français<br />
que par les élèves japonais. Or dans les items 1,4 et 5, l'angle (s a) est <strong>petit</strong>: ce résultat<br />
confirme que la valeur P <strong>de</strong> cette variable rend la tâche facile, pour les trois valeurs<br />
T, Ne et e <strong>de</strong> la variable «intersection segment-axe». Pour les items 10 et 11, il nous<br />
est difficile <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r si la réussite, bonne dans les <strong>de</strong>ux populations d'élèves, vient<br />
<strong>de</strong> la procédure correcte ou <strong>de</strong> procédures <strong>de</strong> prolongement ou <strong>de</strong> parallélisme, à<br />
cause <strong>de</strong>s valeurs particulières <strong>de</strong> l'angle (s, a) pour lesquelles ces procédures sont<br />
confondues.<br />
Les plus gran<strong>de</strong>s différences <strong>de</strong> réussite.<br />
Les items 2, 6, 7 et 8 ont provoqué une différence <strong>de</strong> taux <strong>de</strong> réussite <strong>de</strong> 20<br />
à 26% <strong>de</strong> plus pour les élèves japonais. Pour les items 2 et 7, l'erreur la plus fréquente<br />
consiste à tracer un segment parallèle au segment donné, comme indiqué ci-<strong>de</strong>ssous.<br />
item 2 item 7<br />
Mais la différence <strong>de</strong> réussite provient essentiellement <strong>de</strong>s erreurs <strong>de</strong> types<br />
«rappel horizontal» ou «rappel vertical» <strong>de</strong>s élèves français.<br />
Par contre, pour l'item 8 où le segment donné est horizontal, les erreurs sont<br />
différentes : l'erreur <strong>de</strong> pente est beaucoup plus fréquente pour les élèves français<br />
que pour les élèves japonais et, surtout, l'erreur <strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité» est très répandue<br />
chez les élèves français et n'apparaît pas chez les élèves japonais, nous analysons<br />
plus loin ce <strong>de</strong>rnier type d'erreur, en même temps que les réponses aux items 9 et 12.<br />
Un item qui cumule toutes les difficultés.<br />
L'item 6 a été mal réussi tant pour les élèves français que par les élèves japonais,<br />
pour cet item, le papier est quadrillé, l'angle segment-axe est supérieur à 45 <strong>de</strong>grés<br />
et le segment coupe l'axe. Nous trouvons ici une confirmation du rôle joué, dans les<br />
<strong>de</strong>ux populations, par les trois variables : type <strong>de</strong> papier, angle segment-axe, intersection<br />
du segment et <strong>de</strong> l'axe. Les erreurs sont <strong>de</strong> même type <strong>de</strong> part et d'autre,<br />
mais la différence <strong>de</strong> réussite d'ensemble (21 % <strong>de</strong> plus pou r les élèves japonais) est<br />
due essentiellement à la réussite presque totale <strong>de</strong>s élèves japonais <strong>de</strong> 2ème année<br />
d'école moyenne.
51<br />
L'item 3, un peu mieux réussi par les élèves japonais, a provoqué <strong>de</strong>s erreurs<br />
différentes: pour les japonais, dans presque tous les cas, il s'agit du prolongement du<br />
tracé donné, alors que, pour les français, il s'agit tantôt <strong>de</strong> prolongements, tantôt<br />
d'erreurs <strong>de</strong> pente. Précisons à quoi correspon<strong>de</strong>nt ces erreurs <strong>de</strong> pente. Une procédure<br />
<strong>de</strong> comptage <strong>de</strong>s carreaux (2 - 8) peut être cause <strong>de</strong>s réponses fausses <strong>de</strong> type (a)<br />
ou (b). Les réponses <strong>de</strong> types (c) ou (d) proviennent sans doute du fait que le quadrillage<br />
du papier fausse la perception globale <strong>de</strong> la figure et <strong>de</strong> son symétrique.<br />
Pour l'item 9, le taux <strong>de</strong> réussite <strong>de</strong>s élèves japonais est inférieur à celui <strong>de</strong>s<br />
élèves français, avec une réussite moyenne <strong>de</strong> part et d'autre. Cette réussite moyenne<br />
peut venir <strong>de</strong> la difficulté pour l'élève <strong>de</strong> tracer l'image d'un segment porté par l'axe<br />
<strong>de</strong> symétrie. La différence du taux <strong>de</strong> réussite est peut-être à corréler avec les réponses<br />
<strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité» obtenues chez les élèves français à l'item 8. Nous retrouvons cette<br />
difficulté <strong>de</strong> superposer le segment-image et le segment-objet dans les réponses à<br />
l'item 12 qui a provoqué <strong>de</strong>s résultats médiocres pour les uns et les autres.<br />
Un type <strong>de</strong> réponse particulier: l'i<strong>de</strong>ntité.<br />
Examinons plus précisément les items où la réponse <strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité» est<br />
apparue (item 8,9 et 12).<br />
tableau 11 : les réponses <strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité».<br />
figures nO items pourcentages <strong>de</strong> réussites pourcentages <strong>de</strong> réponses «i<strong>de</strong>ntité»<br />
français japonais français japonais<br />
-; 8 57% 83% 13% 0%<br />
"\ 9 72% 64% 72% 64%<br />
><<br />
12 53% 55% 53% 55%<br />
Dans l'item 8, <strong>de</strong>ux variables ont <strong>de</strong>s valeurs qui ren<strong>de</strong>nt l'item difficile.<br />
- L'orientation horizontale du segment (pour une orientation oblique <strong>de</strong><br />
l'axe <strong>de</strong> symétrie, cette orientation <strong>de</strong> la figure-objet est perturbante).<br />
- L'intersection par l'axe <strong>de</strong> symétrie du segment en son milieu.<br />
Cet item est celui qui donne le plus grand écart <strong>de</strong> réussite entre les élèves<br />
japonais et les élèves français. l'lous pouvons constater d'après le tableau ci-<strong>de</strong>ssus le<br />
nombre important <strong>de</strong>s réponses fausses <strong>de</strong> type i<strong>de</strong>ntité chez les élèves français (13%)<br />
et l'absence <strong>de</strong> ces mêmes réponses chez les élèves japonais. Il semble donc que ces<br />
<strong>de</strong>ux variables influent davantage sur les procédures <strong>de</strong>s élèves français.
52<br />
Les taux <strong>de</strong> réussites aux items 9 et 12 montrent qu'il est plus facile à un<br />
élève français <strong>de</strong> recouvrir tout ou partie <strong>de</strong> la figure donnée, dans une tâche <strong>de</strong> construction.<br />
En effet, ces <strong>de</strong>ux items sont les seuls <strong>de</strong> la série où la bonne réponse est<br />
l'i<strong>de</strong>ntité, et ce sont les seuls où la réussite <strong>de</strong>s élèves français est aussi bonne que<br />
celle <strong>de</strong>s élèves japonais. L'erreur la plus fréquente faite par les élèves japonais consiste<br />
à tracer un segment formant une «croix» avec le segment donné, comme l'indique le<br />
tableau et les figures ci-<strong>de</strong>ssous.<br />
tableau 12.<br />
o.<br />
n Items et nombre d'élèves nombre d'élèves réponse<br />
rappel <strong>de</strong>s figures français japonais proposée<br />
"<br />
9 0/86 7/107<br />
~<br />
12 ;( 6/84 20/107<br />
~<br />
IV - CONCLUSION.<br />
L'analyse <strong>de</strong>s résultats précé<strong>de</strong>nts met en évi<strong>de</strong>nce la manière dont les variables<br />
choisies agissent dans une tâche <strong>de</strong> construction à main levée. Nous reprenons<br />
ici les effets produits par certaines valeurs <strong>de</strong>s trois variables étudiées: l'orientation<br />
<strong>de</strong> l'axe <strong>de</strong> symétrie dans la feuille, la position du segment-objet par rapport à l'axe<br />
et le type <strong>de</strong> papier.<br />
La conception du parallélisme du segment donné et <strong>de</strong> son image dans la<br />
symétrie orthogonale est très présente et elle est source d'erreurs chez les élèves <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>ux populations. Elle apparaît non seulement dans les erreurs <strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité»,<br />
«prolongements» et «autres translations», mais aussi en combinaison avec <strong>de</strong>s erreurs<br />
<strong>de</strong> type «rappels horizontaux ou verticaux».<br />
Les élèves japonais semblent moins perturbés que les élèves français par les<br />
orientations horizontale ou verticale du segment-objet. Ces orientations du segment<br />
proviennent <strong>de</strong> la conjonction <strong>de</strong>s valeurs <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s variables observées, à savoir<br />
l'orientation «oblique à 45°» <strong>de</strong> l'axe dans la feuille et la valeur 45° <strong>de</strong> l'angle segmentaxe.<br />
Ces orientations du segment sont moins remarquables pour l'élève japonais qui<br />
n'hésite pas, comme nous l'avons constaté dans les premières observations par binôme,<br />
à tourner sa feuille pour donner à l'axe <strong>de</strong> symétrie l'orientation «verticale» par<br />
rapport à lui-même.
53<br />
Les élèves japonais semblent éviter les réponses <strong>de</strong> type «i<strong>de</strong>ntité», qu'elles<br />
soient correctes ou erronées. Il semble que cet évitement l'emporte sur la conception<br />
du parallélisme d'un segment et <strong>de</strong> son image.<br />
Enfin, à propos <strong>de</strong> la variable «type <strong>de</strong> papier», nous pouvons dire que le<br />
papier quadrillé perturbe la vision globale <strong>de</strong> la figure et <strong>de</strong> son symétrique, et amène<br />
<strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> comptage pour les élèves <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux populations.<br />
La remarquable' progression du taux <strong>de</strong> réussite <strong>de</strong>s élèves japonais nous a<br />
incitées à chercher <strong>de</strong>s éléments d'explication. La réussite presque totale <strong>de</strong>s élèves<br />
japonais <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième année d'école moyenne à la tâche proposée est peut-être due<br />
à l'utilisation <strong>de</strong> la symétrie orthogonale dans les activités <strong>de</strong> géométrie dans l'espace<br />
proposées en première année. La géométrie dans l'espace semble occuper dans les<br />
programmes japonais une place privilégiée, plus importante que dans les programmes<br />
français. L'un <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong>s programmes japonais <strong>de</strong> la première année <strong>de</strong> J'école<br />
moyenne est <strong>de</strong> développer chez les élèves une manière intuitive d'observer les figures<br />
géométriques <strong>de</strong> l'espace, par la manipulation et les mesures <strong>de</strong> ces figures. Plus précisément,<br />
ce programme comporte:<br />
planes,<br />
- construction <strong>de</strong> figures <strong>de</strong> l'espace obtenues par «mouvement» <strong>de</strong> figures<br />
- section, projection, développement <strong>de</strong> figures <strong>de</strong> l'espace.<br />
La géométrie dans l'espace apparaît dans les programmes français <strong>de</strong>s classes<br />
<strong>de</strong> 5ème <strong>de</strong> collège, mais, le plus souvent, elle n'est effectivement enseignée qu'en<br />
classe <strong>de</strong> 5ème. D'autre part, le nombre et la diversité <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> géométrie dans<br />
l'espace dans les classes françaises sont moindres.<br />
Le type d'enseignement est sans doute l'une <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> ce phénomènes,<br />
mais nous pensons que <strong>de</strong>s variables <strong>de</strong> type culturel interviennent également. Des<br />
activités telles que les origami (pliages <strong>de</strong> papier) et la calligraphie jouent probablement<br />
un rôle non négligeable: ces pistes restent à explorer.<br />
NOTES.<br />
(1) 2 000 caractères kanji environ sont acquis au cours <strong>de</strong> la scolarité obligatoire<br />
et il faut en connaître environ 3 000 pour lire un journal.<br />
(2) L'école élémentaire s'adresse aux élèves <strong>de</strong> 6 à 11 ans en France, <strong>de</strong> 6 à<br />
12 ans au Japon, l'école moyenne s'adresse aux élèves <strong>de</strong> 11 à 15 ans en France<br />
(collège), <strong>de</strong> 12 à 15 ans au Japon.<br />
(3) Cette consigne écrite avait déjà été utilisée pour la première expérimentation,<br />
en particulier pour les élèves <strong>de</strong> la ans qui n'avaient pas reçu d'enseignement <strong>de</strong><br />
la symétrie orthogonale.
54<br />
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES.<br />
. A. BERQUE (1982). Vivre l'espace au Japon. P.U.F., Paris.<br />
B. DENYS (1985). The teaching of reflection in France and in Japan. Proceedings<br />
of the Ninth International Conference for the Psychology of Mathematics<br />
Education, Noordwij kerhout.<br />
R. GRAS (1983). Instrumentation <strong>de</strong> notions mathématiques. Un exemple:<br />
la symétrie. <strong>petit</strong> x, nO 1, I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong>.<br />
D. GRENIER (1985a). Quelques aspects <strong>de</strong> la symétrie orthogonale pour <strong>de</strong>s<br />
élèves <strong>de</strong> classes <strong>de</strong> 4ème et 3ème. <strong>petit</strong> x, n° 7, I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong>.<br />
D. GRENIER (1985b). Conceptions <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> collèges è propos <strong>de</strong> la<br />
symétrie orthogonale. Sémiœire <strong>de</strong> Didactique <strong>de</strong>s Mathématiques et <strong>de</strong> l'Informatique,<br />
I.M.A. <strong>Grenoble</strong>.<br />
K.M. HART (1981). Children's un<strong>de</strong>rstanding of mathematics : 11-16 (in<br />
ch. 10, reflections and rotation by D. Küchemann), John Murray Publishers, London.<br />
M. MAUVIEL (1984). Les français et la diversité culturelle. Education Permanente<br />
75, p. 67-82, Paris.<br />
M. MAUVIEL (1984). L'idée <strong>de</strong> culture et <strong>de</strong> pluralisme culturel. Aspects<br />
historiques, conceptuels et comparatifs. Thèse <strong>de</strong> 3ème cycle. Université <strong>de</strong> Paris V.
.....,<br />
SlJmétrie orthogonale: <strong>de</strong>s élèves frar,ç:ais et japof,ais<br />
(ace à une même tôch~ <strong>de</strong> constroJction<br />
Berna<strong>de</strong>tte Denll S<br />
Denln OrerMr .<br />
Les douze Items <strong>de</strong> l'e>o:pérlmentotlon<br />
2 3 4<br />
~<br />
5<br />
6 7 e<br />
(J'l<br />
(J'l<br />
56<br />
"0<br />
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If)
PEUT-ON CORRIGER DES DEVOIRS PAR ORDINATEUR?<br />
Geneviève LOPATA<br />
C.N.ED. <strong>de</strong> Vanves<br />
UN.E BIBLIOTHEaUE INFORMATISEE A VOTRE SERVICE.<br />
Depuis treize ans, notre bibliothèque <strong>de</strong> a.C.M. du CNED* <strong>de</strong> Vanves a «corrigé<br />
par ordinateur» environ 145000 <strong>de</strong>voirs (une heure <strong>de</strong> travail-élève chacun)<br />
• sur environ 200 énoncés rédigés par 60 auteurs ;<br />
• sous forme <strong>de</strong> questionnaires à grille (réponse par croix) ;<br />
• traitant <strong>de</strong> nombreuses disciplines (tant littéraires que scientifiques ou<br />
autres) ;<br />
• portant sur <strong>de</strong>s niveaux d'élèves allant <strong>de</strong> la maternelle à l'université.<br />
Cette banque <strong>de</strong> données informatisée, ouverte en octobre 1973** au sein <strong>de</strong><br />
l'Education Nationale à tous nos collègues, diffuse les exemplaires pour les élèves,<br />
les cartes à perforer et, après traitement <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières par ordinateur, un listage<br />
ou corrigé «personnalisé» pour chaque élève - calculé d'après sa réponse.<br />
Nous avions à faire face, au CNED, à <strong>de</strong>ux exigences a priori contradictoires:<br />
• améliorer la qualité du dialogue (écrit) entre l'élève et le ma Ître ;<br />
• augmenter la quantité <strong>de</strong> <strong>de</strong>voirs corrigés (pour améliorer l'encadrement<br />
à distance).<br />
Or tous les maîtres ont mauvaise conscience <strong>de</strong>vant leurs piles <strong>de</strong> copies à<br />
corriger à la main - sachant que leur patient et pénible effort pour suivre pas à pas les<br />
raisonnements <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> leurs élèves ne couvre qu'une <strong>petit</strong>e partie <strong>de</strong>s besoins.<br />
* CNED (ex CNEC. ex CNTE) Centre National d'Enseignement à Distance.<br />
** Par M.B. PAGNEY, alors Directeur du Centre <strong>de</strong> Vanves.<br />
«<strong>petit</strong> x» n° 12 pp. 57 à 70. 1986
58<br />
C'est alors que l'ordinateur nous est apparu comme pouvant<br />
apporter un progrès décisif à la «correction personnalisée» <strong>de</strong>s<br />
travaux individuels <strong>de</strong>s élèves.<br />
Encore fallait-il éviter les écueils d'une réduction caricaturale du dialogue à<br />
travers la machine.<br />
QUELQUES PRINCIPES GENERAUX.<br />
Vers 1964, nous commençons à réfléchir sur les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'enseignement<br />
programmé, et sur les causes tant <strong>de</strong> l'engouement que <strong>de</strong>s déceptions qu'il entraîna.<br />
Ces techniques pédagogiques élaborées aux USA après la guerre par une reconversion<br />
<strong>de</strong> crédits militaires à l'éducation préparaient plus ou moins sommairement à une<br />
massive industrialisation par ordinateur <strong>de</strong> certaines tâches d'enseignement.<br />
D'accord pour décomposer les difficultés;<br />
mais il faut aussi alors les faire recomposer par l'élève.<br />
avec Skinner) ;<br />
D'accord pour «mitrailler» <strong>de</strong> <strong>petit</strong>es (?) questions (atomisation ou items<br />
mais il faut pouvoir interpréter les réponses <strong>de</strong>s élèves.<br />
D'accord pour donner à l'élève la possibilité <strong>de</strong> plusieurs cheminements (ramification<br />
avec Crow<strong>de</strong>r) ;<br />
mais il ne faut pas pour autant suggérer <strong>de</strong>s pistes fausses (
59<br />
• par la possibilité <strong>de</strong> rectifier les premiers jugements après avoir étudié les<br />
questions suivantes (et par suite laisser <strong>de</strong>s possibilités <strong>de</strong> se tromper) ;<br />
• par la prise <strong>de</strong> décisions (réponses) en responsabilité, après mûre réflexion<br />
en travail suivi avant d'avoir accès au corrigé;<br />
• par la possibilité <strong>de</strong> ne pas répondre, ou plutôt d'émettre «un doute» lorsqu'on<br />
ne sait pas ou encore ne peut pas répondre, se sentant pris dans une indétermination<br />
ou dans une contradiction.<br />
Nous reprendrons plus loin les modalités d'expression du «doute» avec la<br />
<strong>de</strong>scription <strong>de</strong> nos grilles ; mais nous insistons tout <strong>de</strong> suite sur le respect<br />
indispensable <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong> l'élève qui peut avoir «<strong>de</strong> bonnes raisons pour<br />
ne pas répondre» - respect dont la plupart <strong>de</strong>s questionnaires à croix<br />
préparés pour un traitement informatisé font fi.<br />
Plus généralement, nous voulions mettre en œuvre une liberté pour l'élève<br />
qui puisse respecter une logique «naturelle d'apprentissage», selon Y. Piaget ou G. Ullmo,<br />
construite sur un groupe <strong>de</strong> déplacements pour les observations et expérimentations<br />
<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue variés abordés à sa convenance par l'élève.<br />
NOSQ.C.M.<br />
Car il Y a a.C.M. et a.C.M. et pour ceux que nous faisons...<br />
Questions à Choix Multiple (traduit <strong>de</strong> Multiple Choice Questions). Cette<br />
désignation par sigle est une fois <strong>de</strong> plus du mauvais français: il ne s'agit, bien sûr,<br />
pour l'élève que <strong>de</strong> bien choisir sa réponse parmi un nombre fini <strong>de</strong> réponses exprimables.<br />
«Fini», pour que «l'ordinateur» - mais aussi tout simplement le professeur<br />
correcteur - puisse s'y retrouver. C'est pourquoi, dans l'état actuel <strong>de</strong> l'analyse linguistique<br />
automatique <strong>de</strong>s langues usuelles, nous avons préféré faire répondre les<br />
élèves par <strong>de</strong>s croix dans <strong>de</strong>s cases (plutôt que <strong>de</strong> manière libre dite «ouverte»).<br />
Comme chacun sait, la décomposition ultime <strong>de</strong> l'information conduit au<br />
codage binaire - [R] ou 0: «croix ou blanc» dans une case. Mais attention : ce<br />
codage n'est pas toujours assimilé nécessairement à VRAI ou FAUX, ou encore à<br />
OU 1 ou NON. Cette expression logique primitive <strong>de</strong> la logique classique, celle qui<br />
règne en mathématique comme dans le fonctionnement <strong>de</strong> l'ordinateur, peut et doit<br />
être aménagée pour l'expression courante. Voici comment nous l'avons adoucie par la<br />
richesse du champ sémantique traité, la souplesse logique <strong>de</strong>s expressions et interprétations,<br />
et la libre variété <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> passage.
60<br />
A -<br />
La richesse combinatoire.<br />
Une réponse à une question est un suivi <strong>de</strong> croix ou blancs (une dizaine <strong>de</strong><br />
cases). Prenons par exemple dans notre sujet IA4211a question:<br />
«A quel(s) ensemble(s) <strong>de</strong> nombres appartient le nombre 2 3 ?» ŒJ pour<br />
«OUI».<br />
L'élève répond par <strong>de</strong>s croix dans une colonne où les postes réponse sont<br />
indiqués «en clair» et codés par un numéro (Ie[Q]étant pour le doute). Ainsi par le<br />
jeu <strong>de</strong> la combinatoire, chacun se trouve pour une question <strong>de</strong>vant 2 10 soit 1 024<br />
réponses possibles selon qu'il prend ou ne prend pas un élément particulier (parmi les<br />
10). C'est du Q.C.M. très riche.<br />
co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s réponses 2 3 3 112 x; X = x 2<br />
je ne sa is pas ou ne<br />
peux pas répondre<br />
[q]<br />
X<br />
N Q] X X<br />
II [2] X X<br />
ll-*<br />
[I]<br />
[)<br />
0 X X<br />
[)<br />
[II<br />
li>. m X X<br />
cn-* [2]<br />
IR Œ X X X<br />
IR+*<br />
œ X X<br />
* : 0 excepté grille n O 1 gri Ile n O 2<br />
L'ordre <strong>de</strong>s postes réponse du co<strong>de</strong> suggère une recherche par questions partielles<br />
<strong>de</strong> haut en bas, mais ne l'impose pas. Il est possible et même souhaitable <strong>de</strong><br />
sauter <strong>de</strong>s étapes, quitte à y revenir ensuite.<br />
2 3 c'est un entier, 8, qui est dans IN, 7.l, ID, Gl et IR (co<strong>de</strong> []J [1]œ~ ŒJ ).<br />
Il est considéré comme relatif positif (co<strong>de</strong> [[1) - et aucun <strong>de</strong>s autres co<strong>de</strong>s.<br />
Cependant si les erreurs peuvent provenir ici d'un manque <strong>de</strong> discernement<br />
entre ensembles (concepts présentés en poste réponse), une erreur <strong>de</strong> calcul sur 2 3<br />
pris par exemple pour 2 X 3 ne sera pas décelée: 6 est codé comme 8. C'est pourquoi,<br />
toujours avec le même co<strong>de</strong>, nous poserons d'autres questions afin <strong>de</strong> déceler aussi les<br />
mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> calcul erronés.
61<br />
Pour un nombre irrationnel (Ex: 3 112 ) on sautera directement à IR (co<strong>de</strong>@])<br />
à IR+* (co<strong>de</strong>[[]). Mais l'élève qui aura confondu 2 3 avec 2.3, s'il s'agit d'une même<br />
erreur systématique, indiquera pour 31/2 la réponse 3.t soit 1,5 - décimal positif<br />
non entier (co<strong>de</strong>s[I] ,@] ,[]] , [[], sans [I] ni 0).<br />
Naturellement il y aura <strong>de</strong>s élèves qui cumuleront les erreurs <strong>de</strong> calcul (sur<br />
2 3 et 31/2 par exemple) et <strong>de</strong>s confusions entre ensembles. La cohérence plus ou<br />
moins gran<strong>de</strong> <strong>de</strong>s réponses pour toutes les analyses (toutes les questions) selon un<br />
ensemble du co<strong>de</strong> assurera <strong>de</strong> la plus ou moins bonne compréhension <strong>de</strong> la définition<br />
<strong>de</strong> cet ensemble (à zéro, une ou <strong>de</strong>ux erreurs <strong>de</strong> calcul près).<br />
Résumons les premières règles <strong>de</strong> rédaction.<br />
Un co<strong>de</strong> <strong>de</strong> rédaction non<br />
explicitement fausse, mais<br />
à utiliser judicieusement<br />
selon les contextes.<br />
Un co<strong>de</strong> riche : 10 postes réponse - alors que trop<br />
souvent on se contente <strong>de</strong> 3 ou 4, quand on ne travaille<br />
pas simplement sur OUI-NON!<br />
Un co<strong>de</strong> «à multi-réponse» : il y a en général plusieurs<br />
croix par colonne <strong>de</strong> 10 cases. Tous les sous-ensembles<br />
<strong>de</strong> cases cochées sont possibles- (. 024).<br />
Un co<strong>de</strong> unique pour toutes les questions, ce qui permet<br />
les recoupements en cohérence à travers tout le questionnaire<br />
(en général 9 questions par grille).<br />
B - la souplesse logique.<br />
Une case au moins pour l'expression «doute».<br />
Le doute sera plus ou moins explicité selon les cas: une croix dans la case<br />
@] ici exprime l'hésitation ou l'Ignorance pour une case au moins, et ne dispense pas<br />
<strong>de</strong> mettre <strong>de</strong>s croix dans les autres cases si on est sûr <strong>de</strong> la réponse.<br />
co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s réponses<br />
questions situations<br />
(hypothèses)<br />
je ne sais ou ne !<br />
@]<br />
1 X<br />
peux pas répondre !<br />
i<br />
i<br />
ŒJ<br />
i<br />
MATERIAUX<br />
!<br />
POUR<br />
1<br />
0<br />
X<br />
r<br />
REPONDRE<br />
1<br />
(conclusions<br />
0 X 1 X<br />
patielles<br />
! !<br />
envisagées)<br />
ï<br />
!<br />
X<br />
ŒJ<br />
1
62<br />
Ici l'élève a le choix entre <strong>de</strong>ux systèmes d'expression logique:<br />
[Q] D<br />
G 0<br />
OUI<br />
ou<br />
0 0<br />
NON<br />
logique classique<br />
mathématique<br />
un blanc signifie «NON»<br />
@JŒ]<br />
G'EJ<br />
~D<br />
OUI CERTAIN<br />
NON ou INCERTAIN<br />
(possible)<br />
une logique «littéraire»<br />
dans le doute on s'abstient<br />
un blanc signifie «PEUT-ETRE»<br />
Dans d'autres questionnaires, nous ménageons «le doute par case». Par exemple:<br />
lVRAl1 IFAUxl 1ll\lDETERIVIINEl est utilisé pour la détermination du signe d'une<br />
expression algébrique (m + n par exemple).<br />
Cet «incertain» porte sur la conclusion (+, -) et provient ici <strong>de</strong> l'ignorance<br />
partielle - l'énoncé n'étant pas toujours suffisant pour conclure (c'est le «je ne peux<br />
pas répondre»).<br />
Mais le doute par case coûte cher en place <strong>de</strong> mémoire d'ordinateur pour un<br />
nombre en général assez réduit <strong>de</strong> cases «douteuses».<br />
Autre exemple d'indétermination, toujours pour jA421 2ème grille: x est un<br />
nombre satisfaisant à x = x 2 , autrement dit égal à son carré dont on analyse l'appartenance<br />
aux ensembles du co<strong>de</strong>. x peut donc être égal à 1 ou à 0 - ce qui conduit à une<br />
indétermination pour la case œ<strong>de</strong>s décimaux négatifs ou nul, une seule case «douteuse»<br />
laissée en blanc.<br />
Naturellement, tout élève est libre <strong>de</strong> ne pas savoir une partie <strong>de</strong>s définitions<br />
que l'énoncé suppose connues. Il peut cependant raisonner encore partiellement et<br />
conclure par une croix dans certaines cases (mais l'indication <strong>de</strong> son ignorance <br />
co<strong>de</strong> @] - ne fera pas ranger une omission comme une erreur, un 1\101\1 à la place d'un<br />
OUI). Il ne faut pas confondre une colonne entièrement vi<strong>de</strong> (le NON CERTAIN)<br />
avec l'impossibilité totale à répondre (co<strong>de</strong> @] et rien d'autre) qui peut provenir<br />
soit d'une ignorance totale soit d'une contradiction dans l'énoncé.<br />
Ainsi les origines du «doute» (hésitation ou refus <strong>de</strong> répondre) sont multiples:<br />
DOUTE par ignorance, ambiguïté, contradiction, blocage affectif... provenant<br />
<strong>de</strong> l'élève, <strong>de</strong>s situations (énoncé), du modèle à mettre en œuvre...
63<br />
Personne n'y échappe, pas même les profs <strong>de</strong> math, sûrs <strong>de</strong> leur théorie: car<br />
il s'agit souvent en pédagogie <strong>de</strong> psychologie, <strong>de</strong> modélisation à partir <strong>de</strong> primitives<br />
à base expérimentale (sensorielle) et tout simplement <strong>de</strong> zones d'indétermination.<br />
Les maths sont nées par abstraction, par simplification modélisante d'un terrain<br />
prémathématique. Elles sont ensuite formalisées par <strong>de</strong>s règles au fonctionnement<br />
logique fortement teinté <strong>de</strong> pratiques paramathématiques (avec explications en langue<br />
métamathématique) - et conduisent à <strong>de</strong>s applications post-mathématiques.<br />
Pour être mathématicien, on n'en est moins homme... et par suite également<br />
périmathématicien.<br />
Pensez à l'histoire <strong>de</strong> la géométrie qui reste pour nos mo<strong>de</strong>stes élèves une<br />
théorie physique plus que mathématique ; sans parler <strong>de</strong>s maths <strong>de</strong> l'incertain (statistique,<br />
probabilité, calculs d'incertitu<strong>de</strong>s ou plutôt <strong>de</strong> domaines <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>).<br />
Notez bien que les calculs d'adressage <strong>de</strong> messages, eux, et le fonctionnement<br />
informatique sont strictement booléens et relèvent <strong>de</strong> la logique classique mathématique.<br />
Et d'autre part, «l'art <strong>de</strong> douter» doit être utilisé avec modération <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s<br />
auteurs : l'élève n'a que trop tendance à perdre confiance en lui (par ignorance) ; et<br />
les questions comportant une impossibilité <strong>de</strong> conclure seront en général très minoritaires<br />
(moins <strong>de</strong> 10%). D'ailleurs nos rédactions se teintent également <strong>de</strong> «peut-être»,<br />
«presque toujours», «quasi-certain», «à peu près»... dans le dialogue <strong>de</strong> correction<br />
pour exprimer <strong>de</strong>s diagnostics d'erreurs ou dans les énoncés non «mathématiquement»<br />
déterminés.<br />
C -<br />
Variété <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> passage.<br />
Nous sommes le moins possible normatifs. Les enseignants sont les meilleurs<br />
juges <strong>de</strong> ce qui convient à leurs classes: travail surveillé individuel en classe, par <strong>petit</strong>s<br />
groupes, en temps limité ou non, à la maison... Nous notons très souvent les <strong>de</strong>voirs<br />
individuellement dans un certain absolu - mais pas sur le listage <strong>de</strong> l'élève. C'est le<br />
maître qui déci<strong>de</strong>ra <strong>de</strong> l'usage à faire <strong>de</strong>s notes. Notre principe est <strong>de</strong> valoriser au<br />
mieux les réponses valables (pas nécessairement parfaites totalement) en pénalisant<br />
les «oublis» et les «erreurs». Car nous corrigeons le plus exhaustivement possible<br />
d'après les résultats statisques stabilisés, et le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> passage <strong>de</strong>s questionnaires<br />
influe peu sur la typologie obtenue. En équipes, la dispersion par faute d'étour<strong>de</strong>rie<br />
diminue, mais les types les plus fréquents n'en sont que plus accusés. Il faut seulement<br />
plus d'élèves pour mettre en évi<strong>de</strong>nce tous les comportements significatifs - c'est-à-dire<br />
fondés sur un raisonnement précis.<br />
Cela nous amène à voir maintenant la technique <strong>de</strong> correction.
64<br />
CORRIGER PLUS DE DEVOIRS POUR CORRIGER MIEUX.<br />
Interroger ne suffit pas: il faut observer les résultats, puis calculer les réponses,<br />
organiser le dialogue avec chacun. L'ordinateur sera alors particulièrement précieux<br />
a) pour la typologie statistique <strong>de</strong>s réponses;<br />
b) pour l'adressage <strong>de</strong>s messages <strong>de</strong> correction et pour l'édition <strong>de</strong>s corrigés<br />
individualisés.<br />
Nous avons, au CNED, la chance d'être exceptionnellement riches en élèves<br />
qui travaillent isolément (sans communiquer entre eux) sur un même énoncé. Par<br />
contre si les statistiques <strong>de</strong> réponses se stabilisent vite (dès 200 réponses, parfois 100)<br />
la communication directe est plus difficile que dans «l'oral», car l'élève doit<br />
être très conscient <strong>de</strong> ses raisonnements pour rédiger sa contestation (surtout s'il faut<br />
compter près <strong>de</strong> trois semaines à un mois pour un retour <strong>de</strong> courrier traditionnel,<br />
avec réponse à la main du professeurs correcteur responsable). Les collègues qui,<br />
fidèlement <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> treize ans, nous ont aidés à y voir clair, ont été d'efficaces<br />
témoins luci<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s difficultés et incompréhensions <strong>de</strong> leurs élèves - tant <strong>de</strong>vant<br />
l'énoncé que <strong>de</strong>vant l'objet étudié - en n'intervenant qu'une fois l'exercice achevé.<br />
Ainsi la qualité <strong>de</strong> nos corrections s'améliore au cours <strong>de</strong>s discussions en<br />
équipes nombreuses <strong>de</strong> maîtres et d'élèves.<br />
Nous avons <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> jeux <strong>de</strong> statistique (sur plus <strong>de</strong> 200 questionnaires<br />
dont environ 120 en mathématique).<br />
Pour 10 postes réponse, nous dépassons souvent 50 types booléens <strong>de</strong> réponse.<br />
(selon la présence ou l'absence d'une croix pour chaque poste). Mais 50, ce n'est tout<br />
<strong>de</strong> même pas 1 024 : nos élèves ne répon<strong>de</strong>nt pas statistiquement au hasard, et en<br />
général par réponses bien typées.<br />
Voici quelques résultats qui vous donneront une idée <strong>de</strong> notre métho<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
correction - et qui sont extraits d'une présentation détaillée <strong>de</strong> notre métho<strong>de</strong> dans<br />
le fascicule IM11 du «Cours d'Introduction à l'Informatique Pédagogique» {<strong>de</strong>uxième<br />
année}, cours IIP du CI\lED <strong>de</strong> Vanves.<br />
Dans jE031 «un <strong>petit</strong> tour en bateau à voile» (O. Allio, S. Pradie, G. lopata,<br />
voir annexe) questionnaire <strong>de</strong> géométrie mettant en jeu <strong>de</strong>s figures symétriques non<br />
superposables par glissement, on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux élèves <strong>de</strong> cocher les formes <strong>de</strong>s pièces<br />
qui conviennent pour fabriquer un bateau (un par question).
65<br />
Catalogue<br />
•<br />
@<br />
~ CU<br />
~<br />
B<br />
Le co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s questions est
66<br />
Pour les types complets suivants, on tombe à moins <strong>de</strong> 1% pour les <strong>de</strong>ux séries<br />
statistiques. Il y a en tout 77 types pour 1, et 70 types pour Il (un peu meilleure et<br />
moins dispersée). Mais si on observe alors les résultats globaux par poste réponse,<br />
on s'aperçoit que les anomalies portent en fin <strong>de</strong> compte essentiellement sur la présence<br />
<strong>de</strong>s postes œet œet l'absence du ~ puis du 0 décelés déjà dans les 9 premiers<br />
types complets qui cumulent respectivement 86,3% (1) et 90% (II) <strong>de</strong>s élèves.<br />
Je vous laisse juger <strong>de</strong> la corrélation <strong>de</strong>s résultats - étant bien entendu que les<br />
résultats se rapprochent d'autant plus que les populations sont <strong>de</strong> recrutement semblable.<br />
Mais cette corrélation suffit à préjuger <strong>de</strong> l'efficacité <strong>de</strong> la corrélation à tous les<br />
niveaux. La bonne réponse étant ~ [Il et rien d'autre, nous interprétons avec le<br />
sentiment <strong>de</strong> ne pas nous tromper:<br />
- pour [Il [!] œ la présence du œ (erreur <strong>de</strong> symétrie sur la voile dressée à<br />
gauche)<br />
- pou r [Il [§] la confusion entre le ~ et le [§] (angle droit non vu)<br />
- pour [~] [il [§J la confusion précé<strong>de</strong>nte compliquée d'une erreur <strong>de</strong> symétrie<br />
[Il pour [l] et aussi [§] pour un <strong>de</strong>s III<br />
- pour rn rn [!] la confusion d'un mavec le III qui, lui, a un angle droit<br />
- pour [Il 1]] la confusion systématique d'un [Il avec le [§J dans les <strong>de</strong>ux cas<br />
- pou r [1] [!] la confusion déjà vue du [Il avec le 1]] , mais sans autre erreur<br />
- pour [1] [[] lecumul <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux confusions déjà vues: rn pour l1J 'et œ<br />
- pour œœ [[]<br />
pour [Il<br />
les erreurs déjà vues: œpourG] , et [Il pour l'autre [Il<br />
Les remè<strong>de</strong>s alors s'imposent d'eux-mêmes.<br />
Exemple: pour l'erreur du@]mis à la place d'un[!]<br />
Question B.<br />
Réponse proposée: ••• 2 ••• 4 ••••••<br />
• • • 2 • 3 • 4 • • • • • •<br />
Il ya une erreur.<br />
Attention: regar<strong>de</strong> bien les modèles numéro 3 et numéro 4. Ce sont tous les<br />
<strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s triangles -<br />
mais celui du numéro 3 a un angle droit (comme on en<br />
obtient en pliant soigneusement en quatre une feuille <strong>de</strong> papier <strong>de</strong> manière à ce<br />
que les quatre parties se recouvrent exactement d'un pli à l'autre). C'est un<br />
triangle rectangle. Celui <strong>de</strong> numéro 4 n'a pas d'angle droit: il est plus allongé que<br />
l'autre.<br />
On explique ensuite comment vérifier que la pièce numéro 4 qui convient pour<br />
la coque, peut convenir aussi en pivotant et en glissant, pour la voile <strong>de</strong> gauche. Puis<br />
vient un message général donnant la bonne réponse.
67<br />
Ce discours précis et long (imprimé <strong>de</strong> plus uniquement en majuscules) ne<br />
tiendrait pas sur le <strong>petit</strong> écran d'un terminal. Par contre, une animation graphique<br />
le remplacera avantageusement dès que nous en aurons les moyens (à distance) <br />
et le temps pour la réaliser.<br />
Nous prenons sur papier le loisir d'expliquer à fond.<br />
UN PRINCIPE GENERAL.<br />
Nous insistons sur ce qu'il faut voir ou faire pour bien répondre (le remè<strong>de</strong> est<br />
preCIS, mais moins que le diagnostic). Les messages sont cumulés quand les erreurs<br />
le sont aussi: mais nous allégeons alors un peu le discours pour ne pas lasser.<br />
D'autre part, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 80% <strong>de</strong>s réponses, nous corrigeons surtout les erreurs<br />
nettes et les oublis - car le cumul <strong>de</strong>s erreurs entraîne <strong>de</strong>s ambiguïtés.<br />
Pour <strong>de</strong> graves erreurs comme @] [l] [ID ou []] , un seul message: ne pas<br />
confondre un triangle avec un quadrilatère ( []] ,4,5% en 1et 3% en Il : on symétrise<br />
le triangle). Il faut mieux regar<strong>de</strong>r!<br />
Un barême (discutable bien sûr) attribue un maximum <strong>de</strong> points (9 au plus)<br />
par question, et pénalise par exemple chaque erreur interprétable et les oublis qui ne<br />
sont pas déjà associés à une erreur: ne pas pénaliser <strong>de</strong>ux fois pour une erreur entraînant<br />
le remplacement d'un poste par un autre. Par exemple: ici pour 6 points et 2<br />
postes réponse attendus, le 4 servant <strong>de</strong>ux fois, on pourra enlever 3 points par erreur,<br />
2 points pour l'oubli du lI] (avec GJ seulement en plus) et 4 points pour celui du<br />
[1] (si la réponse est []Jsans autre erreur). Avec <strong>de</strong>ux erreurs, il ne reste plus <strong>de</strong> points<br />
pour cette question.<br />
L'erreur du @] v [l] v [ID v [[] enlèvera 4 points s'il reste le [l] et le [IJsinon<br />
on retombe à nouveau à zéro. En effet, il est difficile d'évaluer la part <strong>de</strong> hasard<br />
(étour<strong>de</strong>rie) s'il y a plus d'une erreur: on corrige enco~e pour <strong>de</strong>ux fautes (2 ou plus),<br />
mais on ne met plus <strong>de</strong> points. La bonne réponse avec une croix parasite ( [TI ) par<br />
exemple recevra un point <strong>de</strong> consolation: erreur <strong>de</strong> manipulation lors <strong>de</strong> la perforation<br />
<strong>de</strong> la carte par l'élève? Cette perforation (<strong>de</strong>s cartes pré-perforées) étant faite<br />
une fois les grilles remplies par les croix.<br />
En fin <strong>de</strong> questionnaire, une moyenne sur 20 est calculée pour l'ensemble <strong>de</strong>s<br />
questions - notre souci étant plus d'ordre qualitatif (savoir si le sujet «passe») que<br />
vraiment quantitatif (ce qui dépend <strong>de</strong> l'objectif visé en fonction <strong>de</strong> conditions <strong>de</strong><br />
passage précises).
68<br />
Nos barêmes, ainsi liés aux types <strong>de</strong> réponse et calculés avec les branchements<br />
<strong>de</strong> messages, ont le mérite d'être décidés sans tenir compte <strong>de</strong> la personnalité <strong>de</strong>s<br />
élèves ni <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> passage qui <strong>de</strong> toute manière nous échappent (temps <strong>de</strong><br />
préparation du cours, du questionnaire d'essai, <strong>de</strong> la réflexion sur le <strong>de</strong>voir proprement<br />
dit). Ils donnent généralement satisfaction aux maîtres qui en font ce qu'ils<br />
jugent utile.<br />
PEUT-ON EFFICACEMENT CORRIGER PAR ORDINATEUR, AVEC TACT ET<br />
SOUPLESSE, ET A L'ECHELLE INDUSTRIELLE?<br />
C'est à nos correspondants et à leurs élèves <strong>de</strong> le dire! Notre métho<strong>de</strong> très<br />
générale, partie <strong>de</strong>s maths, a vite abordé d'autres disciplines. Cependant avec l'informatique,<br />
les maths ne sont pas loin! Près <strong>de</strong> 1 000 enseignants utilisateurs (sur 3 000<br />
inscrit qui ont <strong>de</strong>mandé à recevoir nos énoncés) semblent en général <strong>de</strong> cet avis. A<br />
vous d'en juger également par la pratique.<br />
Dans ~ qui met-on dans «on» ? J'essaie <strong>de</strong> faire préciser les notions d'ensemble,<br />
d'éléments discernables ou non discernables à partir du pronom indéfini<br />
«on» (pas aussi indéfini qu'on le dit... dans beaucoup <strong>de</strong> cas). J'ai repris le problème<br />
dans ~ à partir <strong>de</strong>s fables <strong>de</strong> La Fontaine. Le français courant (littéraire se contente<br />
souvent pour raisonner d'ensembles assez bien définis, du moins dans l'esprit du poète:<br />
«On risque <strong>de</strong> tout perdre en voulant trop gagner». «On» désigne l'ensemble <strong>de</strong> tous les<br />
humains pour lesquels la décision d'appartenance est prise (trop? «oui») - ce qui<br />
implique alors pour ces personnes le risque <strong>de</strong> tout perdre. (Les profs <strong>de</strong> maths ne<br />
sont-ils pas trop souvent dans ce cas en s'enfermant dans leur modélisation mathématique<br />
?).<br />
N'oublions pas que les ensembles sur lesquels nous raisonnons sont <strong>de</strong>s abstractions<br />
à partir d'objets individualisés et groupés selon la décision <strong>de</strong> notre esprit plus ou<br />
moins influencée par les messages <strong>de</strong> nos sens.<br />
Cela nous amène à préciser ensemble nos conceptions sur l'incertain : nous<br />
préparons un fascicule <strong>de</strong> math sur ce thème avec une série d'exercices sur les encadrements<br />
faisant suite à d'autres sur les inéquations et la relation d'ordre - ou sur le<br />
partiellement certain, le probable et le vraisemblable (moins précis que le probable,<br />
mais qui permet néanmoins <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s décisions justifées).<br />
Nous comptons sur vous et vos élèves pour nous ai<strong>de</strong>r à progresser dans cette<br />
voie et dans le vaste domaine qui reste à abor<strong>de</strong>r par cette métho<strong>de</strong>.<br />
Bien sûr, nous ne prétendons pas corriger tous les types <strong>de</strong> <strong>de</strong>voirs utileset<br />
la rédaction <strong>de</strong>s élèves par croix ne doit pas être la seule! Ce qui ne l'empêche<br />
pas d'être très révélatrice dans la communication rapi<strong>de</strong>.
69<br />
En treize ans <strong>de</strong> pluridisciplinarité à travers l'ordinateur, nous avons appris<br />
à être aussi périmathématiciens, à sortir <strong>de</strong>s modèles clos, rassurants, pour fon<strong>de</strong>r<br />
par l'informatique les discussions sur la «frontière» <strong>de</strong>s modèles théoriques enseignés.<br />
Les profs <strong>de</strong> math ont à ce propos une plus gran<strong>de</strong> responsabilité que ceux <strong>de</strong>s autres<br />
disciplines puisque le maniement <strong>de</strong>s modèles mathématiques informatisés leur est<br />
naturel. Tout correspondant (élève ou maître) peut toujours nous écrire s'il n'est<br />
pas <strong>de</strong> notre avis.<br />
Nous ne voulons pas qu'une informatisation sommaire, au rabais, s'exerce à<br />
travers <strong>de</strong> puissants circuits commerciaux au risque <strong>de</strong> déformer l'esprit <strong>de</strong> nos élèves<br />
et il nous faut nous unir afin d'obtenir les moyens nécessaires à une réflexion et à<br />
une production massive, en équipe nombreuses d'enseignants expérimentés, dans une<br />
atmosphère <strong>de</strong> libres échanges, <strong>de</strong> contestation constructive et <strong>de</strong> respect <strong>de</strong> la pensée<br />
<strong>de</strong>s élèves, <strong>de</strong> chaque élève - et cela sans trahir la discipline enseignée.<br />
Rejoignez nos équipes!<br />
L'informatique est un levier.<br />
Les martres doivent s'en emparer<br />
pour gagner l'enjeu culturel<br />
<strong>de</strong> la qualité par la quantité.<br />
Inscription et service gratuits pour les maîtres dans le cadre <strong>de</strong> l'enseignement public.<br />
BIBLIOTHEaUE DE a.C.M. - CNED (VANVES)<br />
SERVICE DE DOCUMENTATION<br />
Mlle LOPATA Geneviève<br />
CNED<br />
60, boulevard du Lycée<br />
92171 VANVES CEDEX<br />
o Inscription<br />
o Réinscription<br />
Date .........................................................•...<br />
Spécialité............................•.•................•..........<br />
M., Mme, Mlle.....................•..........•......................<br />
Prénom .<br />
Adresse personnelle ...................•....•..•....••.•.•..........•..<br />
Nom et adresse <strong>de</strong> l'établissement........•...•...•.........................<br />
Classe assurée .
70<br />
ANNEXE<br />
D.ALLIO<br />
S.PRADIE<br />
G.LOPATA<br />
BIBLIOTHEQUE DE Q.C.M. - GEOMETRIE - CNED (V!~VES)<br />
~ Sujet<br />
Un <strong>petit</strong> tour en bateau à voiles (reconnaissance <strong>de</strong> formes)<br />
Avant <strong>de</strong> partir en. voyage, construisons nos bateaux à voiles. Il faut pour cela comman.<br />
les pièces détachées d'après un catalogue. Chaque modèle <strong>de</strong> pièce a un numéro dans le cat<br />
logue, <strong>de</strong> i~ à ®. Pour reconnaitre les modèles <strong>de</strong> pièces nécessaires, tu peux découper le<br />
patrons (en bas <strong>de</strong> la grille qui sert <strong>de</strong> catalogue) et vérifier ensuite en déplaçant les<br />
patrons sur le <strong>de</strong>ssin du bateau à construire quels sont ceux qui conviennent. Puis il res<br />
à déterminer le numéro en reportant le patron qui convient sur les modèles <strong>de</strong>s pièces du<br />
catalogue et à mettre une croix dans la case qui correspond au bateau que l'on veut construire.<br />
(Il peut y avoir plusieurs croix par case si 'plusieurs pièces <strong>de</strong> même patron sont<br />
nécessaires). Faisons ensemble un essai: réponds sur la grille ci-<strong>de</strong>ssous (notre réponse<br />
est à la fin du sujet).<br />
.Catalogue<br />
•<br />
x<br />
y<br />
z<br />
Question X :<br />
Question A :<br />
Question Y : lQuestion z :<br />
.I~<br />
~<br />
Maintenant tu dois pouvoir passer ta comman<strong>de</strong> tout<br />
seul : (Réponds sur la grille ~ )
71<br />
ACTIVITE... MAGlaUE<br />
Philibert CLAPPOI\J 1<br />
I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />
1<br />
Ceci est un carré magique : c'est-à-dire<br />
que la somme <strong>de</strong>s nombres en ligne en<br />
colonne et en diagonale est la même.<br />
Tu appeleras cette somme S.<br />
- Exprime S en fonction <strong>de</strong> a et b.<br />
. Complète toutes les cases du carré.<br />
a b a+3<br />
a+5 a+6 a+8<br />
b-4 a+l0 a+4<br />
a+l<br />
Tous les carrés magiques qui suivent sont construits sur le modèle <strong>de</strong> celui-ci. Toutes<br />
les cases sont reliées par les mêmes relations que celles définies dans le cadre 1.<br />
2<br />
. Calcule la somme <strong>de</strong> ce carré magique.<br />
. Complète ce carré.<br />
25<br />
la<br />
«<strong>petit</strong> x» nO 12 pp. 71 à 73. 1986
72<br />
3<br />
Tu connais la somme <strong>de</strong> ce carré : 5=64.<br />
Tu sais aussi qu'une case contient 14<br />
comme sur le <strong>de</strong>ssin.<br />
Complète ce carré.<br />
14<br />
Explique ta métho<strong>de</strong>.<br />
4<br />
Même travail avec ce carré <strong>de</strong> somme<br />
5=93.<br />
26<br />
5<br />
p<br />
Ce carré est aussi construit sur le modèle<br />
<strong>de</strong> celui du cadre 1.<br />
Exprime 5 en fonction <strong>de</strong> p et r.<br />
Complète les cases du carré à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> p<br />
et r.<br />
r
73<br />
6<br />
Complète les cases <strong>de</strong> ce carré en remplissant<br />
chaque case avec u ne expression en<br />
fonction <strong>de</strong> x et S.<br />
x<br />
7<br />
Même travail pour ce carré que dans le<br />
cadre 6.<br />
x<br />
8<br />
A quelles conditions les nombres figurant dans les cases du carré du cadre 7<br />
sont-i Is <strong>de</strong>s entiers natu reis?
74<br />
LISTE DES AUTEURS AYANT COLLABORE A CE NUMERO<br />
Berna<strong>de</strong>tte DENYS<br />
5, 7 rue <strong>de</strong> la comète<br />
75005 PARIS<br />
Denise GRENIER<br />
Equipe <strong>de</strong> Didactique <strong>de</strong>s Mathématiques<br />
et <strong>de</strong> l'Informatique<br />
Laboratoire L.S.D. - Institut IMAG<br />
<strong>Grenoble</strong> B.P.68<br />
38402 SAINT-MARTIN-D'HERES<br />
Geneviève LOPATA<br />
Bibliothèque <strong>de</strong> a.C.M. - CNED<br />
Service <strong>de</strong> Documentation<br />
60, boulevard du Lycée<br />
92171 VANVES Cé<strong>de</strong>x<br />
Gert SCHUBRING<br />
Institut für Didaktik <strong>de</strong>r Mathematik<br />
Universitat Bielefeld<br />
Postfach 8640<br />
4800 BI ELEFELD 1
75<br />
AVANT DE LIRE LA BANDE DESSINEE...<br />
Nicolas BALACHEFF<br />
Vous allez découvrir, dans les pages qui suivent, la première ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée <strong>de</strong><br />
«<strong>petit</strong> x». Nous vous convions ainsi à une incursion dans l'univers mathématique <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ux élèves <strong>de</strong> quatrième. Nous nous proposons <strong>de</strong> découvrir avec vous comment<br />
ces élèves résolvent un problème, comment ils se mettent d'accord sur une solution,<br />
quels arguments ils utilisent.<br />
Le scénario <strong>de</strong> cette ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée est issu <strong>de</strong> l'analyse <strong>de</strong>s observations <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
élèves qui avaient à résoudre en commun le problème suivant:<br />
«Donner un moyen qui permette dès que l'on connaît le nombre <strong>de</strong>s sommets<br />
d'un polygone, <strong>de</strong> calculer le nombre <strong>de</strong> ses diagonales».<br />
Ni l'action, ni le dialogue ne sont imaginaires, nous avons retenu la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée<br />
pour vous les communiquer en conservant au mieux tout leur dynamisme.<br />
Avec nous, vous serez attentifs à la cohabitation d'arguments d'autorité avec <strong>de</strong>s<br />
arguments s'appuyant essentiellement sur la nature <strong>de</strong>s objets mathématiques en jeu<br />
dans la résolution du problème, et sur leurs relations. Les fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> la solution,<br />
si n est le nombre <strong>de</strong> sommets du polygone alors le nombre <strong>de</strong> ses diagonales est<br />
n(n-3l/2, ne sont pas mobilisés pour fournir une preuve. Notamment, face à l'empirisme<br />
naïf <strong>de</strong> Christophe, c'est une «expérience cruciale» sur un octogone qui permettra<br />
à Bertrand d'en découdre. Et pourtant ces fon<strong>de</strong>ments apparaissent bien dans le texte<br />
final <strong>de</strong>s élèves, mais <strong>de</strong> cette connaissance engagée dans l'action à la démonstration<br />
comme moyen <strong>de</strong> preuve, le chemin à parcourir est encore long...<br />
76<br />
ON L'A PAS DEMONTRE,<br />
ON A PAS L'DROIT D'LE FAIRE<br />
Découpage at montage <strong>de</strong> Nicolas Balacheff<br />
Dassins d'Eric Coulomb<br />
Les dialoguas originaux sont <strong>de</strong> Christophe (à gauche) et <strong>de</strong> Bertrand (à droite).<br />
Chp,isToPhE ET BEfl,TPlAWD f\-'MflDtNT<br />
Lie \'ROBL~ME EN iMç.ANT \.lN<br />
\'DITAGONE. n SES CiNQ Di RGONALE5<br />
QUAi,:>, HAis Il.<br />
HlUT RÉoiG>éP.<br />
'ë.N G~NÉIl.f\\.. !<br />
ON PEUT .,. Ol.l PE.UT Trlf\Cl:R LES<br />
D\l'IGO~FlLE.S "!usqO'i\ C+H'lqUE<br />
'SOH)o\ET ••• 5AUF c.~\l'lC. ~ui SONT<br />
, .1\, /' ,<br />
Pt COTe ••• R GAROe. ON PP-EN D<br />
PFtfl "" ON fl\E.NO PAFI.:2, ETON<br />
~e.UT "TRAC.ER Lf'l pi"'GONFtL~ .<br />
vPtS Y, rAis E.1'l YN l.A~, Fi ,<br />
C' \OST l'fiS fA C\ l.E À<br />
ee. FlUCOOf' PE COïE.s,iU VA':> VOl R .<br />
, . . CHAQUe. POiNT iL FI PEU')/. voisiNS<br />
J .... .<br />
C EST FFICILE. Pt C:OHPl\ENDRE<br />
""\I~",S<br />
REDI Ge.~ flUSSI<br />
PFlNS UN fOl.YGOWE. ••• M~\-Ie<br />
PFtNS<br />
NïHPOI'\T~ Qu'I;I.LE. F\GI.lf\1: ~ H\OiN?<br />
'ëT~ WON) NON, 'i'1=\\e;,<br />
ALLE:.R,VIEl.lS, EN fÇl:::' I.lW CONCf\Vt. •••<br />
ON S'EN rOUT<br />
Sous L'i"'PULSioN OE<br />
BŒT~flNO L~S f'OL'(,QN~':><br />
CONCiWE.S SONT Flel'lNOoNwt5<br />
LES ÉLÈVES "TRACE.NT UN<br />
GÇ\f'lN 0 OÉCf'lOONe CO)l'ieXE.<br />
ET \JÉRiriENTG\lE. CliflQIlE;<br />
SOHHéT ADE \lX \loi~iNs. puiS ...<br />
ON VA f\ÉO\e.~p, ÇA<br />
AU f>ROi'RE : DANS UN<br />
fOLYGON~ CHf\~UE<br />
POiNT A DéUl\. ••.<br />
BEN si / C.:Ç,:iT UN<br />
MOYEN çFt.c'ui Qui<br />
L-\T, '/ H\ÎT SON<br />
POLVGONE. ... y D" L ..<br />
10iGNONS P'UN f'OiN<br />
"TOUS L.€S fiUTP.E'5<br />
POiNTS SfluF SEOj<br />
VOiSINS", v fflirçf?<br />
l'OUfl,O\JS LES fbi~TS<br />
C'EST L'MOYEN'<br />
C'~ST PAS<br />
L'MOYE.W Poul',<br />
C~LC:UL~R1<br />
ou\, Hf\i,:> IL l.~':><br />
- ,<br />
C.Ot-lPïE<br />
. P,pp.eo:. ,<br />
PAS BIEN rAf\TÎQùE:,<br />
~..H\i"" .••<br />
c ~
77<br />
P..oN, RLLER. ON PROJD UN<br />
\"oLYGONElY f CÔTÉS rAI',<br />
éXEt-1PLE,t.UH ••• GIIAQùE<br />
POiNT FlURA -e voisiN') f1 iL.<br />
ALlP,f\ ••• 121 [)iAGON!'Il.E.~.<br />
EH, l'ITTE.NCS 1 ON vA<br />
voi P. . l'"fli EN 'UN LÀ .••<br />
fA',':, EN UN.<br />
BŒTRf)ND ïl'.flC~<br />
LES oi flGONf\LES<br />
\S$U~S P'UN<br />
SotH1ET DRill') LI,<br />
POLYGONE ~IlE<br />
vIENT DE DfÇ;iNER<br />
CHRiSTOPHE<br />
y AQLlE. 4 DiAGONALE<br />
HAis NON' ON A<br />
OUBLiÉ. LU:- HÊH E T<br />
1- ÇA. c'ùf)rr e,iEN ~P,Ti ..,<br />
HAis ... COHHE '1 EN fi Qui soNi .•• Qui SONi••.<br />
Al' ET FA ... NOOON ...<br />
OU;! ÇA Y E$~<br />
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78<br />
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QlH'Il-lD lU Tf\l'\ce PRR'F<br />
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QUE r~ .rR'r••• ïU L' FICS<br />
PAS DÉHOHTAÉ' T.'/,\S PAS<br />
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~~ ec. cp-~r ... a.. ~ e-~_\r... .,la. ~( P>bwr- ~<br />
pJ-..rJ. ~~.lc.c;W.C'. ~ ,<br />
J{o». av- ~~ ~ ~~ ~~: Zll\~~ J
80<br />
ACTIVITE ... TOURNE...<br />
Philibert CLAPPONI<br />
I.R.E.M. <strong>de</strong> <strong>Grenoble</strong><br />
ABCD est un carré <strong>de</strong> 10 cm <strong>de</strong> côté et U, V, W et R sont <strong>de</strong>s points construits<br />
sur les côtés du carré à la même distance x <strong>de</strong>s sommets comme sur le<br />
<strong>de</strong>ssin.<br />
x<br />
•<br />
U<br />
A,...---_==------------~<br />
x(D<br />
W<br />
•<br />
x<br />
•<br />
C<br />
Explique pourquoi UVWR est un carré.<br />
Calcule l'aire <strong>de</strong> UVWR en fonction <strong>de</strong> x.<br />
Comment choisir x pour Q.Ie cette aire soit égale à 50 cm 2 •<br />
Dessine la figure correspondante.<br />
D'après les cahiers <strong>de</strong> troisième - I.R.E.M. <strong>de</strong> Poitiers· janvier 1985.<br />
«<strong>petit</strong>x» n° 12 p. 80.1986<br />
IMPRIMERIE LOUIS-JEAN - 05002 GAP Dépôt légal: 88 - Février 1987