Waroquier, sculpteur du visage - Presse
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L’enfance d’un artiste racontée par lui-même<br />
Comme il l’a tant de fois raconté et revendiqué, <strong>Waroquier</strong> s’est é<strong>du</strong>qué seul sans jamais<br />
passer par l’École des beaux-arts, ni par aucune académie. Né en 1881 à Paris, dans une<br />
famille aristocratique, il revendiquait par son ascendance maternelle de grands ancêtres,<br />
Lavoisier pour la science et l’ébéniste Charles-André Boulle pour les arts décoratifs, auxquels<br />
il ajoutait un grand-père paternel artiste-peintre puis inventeur intéressé par l’automobile.<br />
Ainsi, tous les talents qu’il briguait semblaient-ils déjà dans ses gènes. Ces premières<br />
indications sur son enfance montrent une volonté l’indépendance, comme l’autoportrait d’un<br />
artiste qui ne devrait rien à personne d’autre qu’à lui-même. Sa famille est bourgeoisement<br />
installée rue Laffitte, « face aux galeries Vollard et Durand-Ruel ». À quatorze ans, élève au<br />
collège Rollin, il va faire son é<strong>du</strong>cation artistique dans ces galeries qui en 1895 montraient<br />
l’avant-garde, c’est-à-dire Cézanne et les impressionnistes, mais aussi les romantiques, cette<br />
« école de 1830 ». Son « goût et son désir de peindre » sont confirmés par ses visites chez<br />
Bing, rue Chauchat, à deux pas de la rue Laffitte, où il découvre les arts d’Orient et<br />
d’Extrême-Orient.<br />
Il s’installe en 1898 à Montparnasse dans un désordre très bohème. Il fréquente l’École des<br />
arts décoratifs où il fut pour l’architecture, élève de Charles Genuys (1852-1928), maître de<br />
rigueur qui recourait aux matériaux de son temps, le béton et le fer mais ajoutait aussi le<br />
bronze et la porcelaine. Pour la mythologie et l’histoire des Grecs, il est élève de Louis<br />
Ménard (1822-1901), figure remarquable, helléniste, historien des religions, philosophe,<br />
poète, peintre, chimiste. Le portrait de l’indépendant est ainsi terminé et tout ce qui est<br />
important dans l’œuvre de l’artiste pris en compte.<br />
Dans les premières années <strong>du</strong> siècle il se consacre aux arts décoratifs, termine ses études en<br />
1901 et reçoit ses premières commandes en 1903, année où il devient professeur à l’école<br />
Estienne. Il y enseignera jusqu’en 1919. <strong>Waroquier</strong> veut surtout se présenter comme un<br />
artiste qui ne sort pas <strong>du</strong> moule normatif de l’École des beaux-arts. En revanche, il<br />
revendique son appartenance aux arts décoratifs et son goût pour les techniques. Il innovera<br />
beaucoup en faisant varier matériaux et techniques (peignes en corne au début, reliures,<br />
tapisseries, broderies dont plusieurs exemples, conservés à Paris au musée des Arts<br />
décoratifs, figurent dans l’exposition). Ces excursions ont été déterminantes pour son œuvre<br />
de <strong>sculpteur</strong>, un art qui l’a tenté très jeune, mais qu’il ne pratiquera pas avant la cinquantaine.<br />
04<br />
Une carrière immédiate<br />
Dès 1908, <strong>Waroquier</strong> voyage en Bretagne puis en Italie. Pour les paysages, ces deux<br />
destinations resteront les sources essentielles de son inspiration, avec l’Espagne, qu’il<br />
découvre en 1917 et où il réalise une série de paysages impressionnants marqués par le<br />
cubisme. Enfin les années vingt voient le triomphe commercial d’une multitude de peintures,<br />
aquarelles et dessins consacrés à Venise et leur succès tant auprès des écrivains et des<br />
poètes comme Rilke qu’auprès des gens <strong>du</strong> monde. Le prince de Faucigny-Lucinge lui<br />
commande un paravent. Les « Repères biographiques »égrènent les innombrables<br />
expositions en France et à l’étranger auxquelles <strong>Waroquier</strong> participe à partir de 1906. Il est un<br />
artiste célèbre, riche, reconnu, et ce succès se renforce dans les années trente.<br />
En 1937, <strong>Waroquier</strong> peint son œuvre la plus célèbre, La Tragédie, une grande peinture<br />
décorative, destinée au foyer <strong>du</strong> Palais de Chaillot, commande de l’Exposition de 1937. Ses<br />
œuvres occupent une salle entière dans l’exposition <strong>du</strong> Petit-Palais Les Maîtres de l’Art<br />
indépendant 1895-1937. L’année suivante, il expose au Salon d’Automne Espagne (1938),<br />
une femme hurlante se déchirant la poitrine, symbolisant le drame <strong>du</strong> pays meurtri par la<br />
guerre civile. Pendant les années trente, comme beaucoup d’autres artistes, il a défen<strong>du</strong> les<br />
valeurs de la tradition moderne fondatrices de l’Exposition de 1937, mais il en a aussi forcé le<br />
trait dans des allégories historiques comme Espagne, alors repro<strong>du</strong>ite partout. Le pathos<br />
déclamatoire de cette œuvre – et aussi à un autre niveau le désengagement politique et<br />
probablement la carrière de son auteur – a con<strong>du</strong>it à l’effacer presque jusqu’à l’oubli, loin, très<br />
loin derrière Guernica.<br />
Au cours de ces mêmes années, à travers toutes les techniques et les médiums – la peinture<br />
et le dessin, mais aussi et simultanément la gravure et la sculpture –, <strong>Waroquier</strong> se tourne