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Les agents immobiliers et la segmentation des marchés du ...

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<strong>Les</strong> <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>segmentation</strong> <strong>des</strong> marchés <strong>du</strong><br />

logement<br />

Loïc Bonneval<br />

GRS-Université Lyon II<br />

Loic.Bonneval@univ-lyon2.fr<br />

Résumé<br />

Bien qu’ils aient peu de prises directes sur les mécanismes de peuplement, les <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong><br />

jouent un rôle très important sur <strong>la</strong> construction <strong>des</strong> cadres sociaux <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> logement. Dans <strong>la</strong><br />

transaction elle-même, mais aussi dans <strong>la</strong> constitution de clientèles <strong>et</strong> dans l’ensemble de leurs<br />

activités, ils assurent <strong>la</strong> médiation nécessaire à <strong>la</strong> mise en forme de l’offre <strong>et</strong> de <strong>la</strong> demande. En<br />

particulier, le contenu de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion de service <strong>et</strong> l’organisation <strong>du</strong> champ professionnel contribuent<br />

à différencier socialement les clientèles. S’appuyant sur <strong>des</strong> données de questionnaire, ce travail<br />

porte sur les re<strong>la</strong>tions entre <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> <strong>et</strong> clients acquéreurs. Situé autant au niveau de <strong>la</strong><br />

<strong>des</strong>cription que de l’analyse <strong>des</strong> processus, il montre que les proximités sociales observées ne sont<br />

pas uniquement un écho <strong>des</strong> tendances de <strong>la</strong> demande, mais qu’elles participent à leur structuration.<br />

Le rôle de <strong>la</strong> morphologie sociale dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion commerciale semble ainsi aller dans le sens de<br />

l’homogénéisation <strong>des</strong> différents secteurs <strong>des</strong> marchés <strong>immobiliers</strong>.<br />

Construction de l’obj<strong>et</strong><br />

<strong>Les</strong> <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> ont été très peu étudiés par les sociologues <strong>et</strong> par les spécialistes de <strong>la</strong><br />

recherche urbaine. C<strong>et</strong>te quasi-absence ouvre plusieurs possibilités pour l’analyse <strong>et</strong> confère un<br />

caractère exploratoire à ce travail. Issu d’une thèse en cours, il vise moins à décrire le milieu<br />

professionnel <strong>des</strong> <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> qu’à cerner leur influence sur les marchés <strong>du</strong> logement. La<br />

seule étude française spécifiquement consacrée à ces intermédiaires (Bourdin, 1994) adopte<br />

également c<strong>et</strong>te perspective, tout en m<strong>et</strong>tant en avant l’analyse de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion commerciale. Sans<br />

rem<strong>et</strong>tre en cause l’importance de c<strong>et</strong> aspect qui vise à saisir les rationalités de l’acquéreur <strong>et</strong> <strong>du</strong><br />

vendeur à travers le rapport serviciel, nous présenterons plutôt ici <strong>des</strong> résultats concernant <strong>la</strong><br />

structuration sociale <strong>des</strong> marchés <strong>du</strong> logement.<br />

L’attention portée aux marchés <strong>du</strong> logement, en particulier au parc collectif ancien, s’est accrue<br />

depuis le début <strong>des</strong> années 90 (Driant 1995, Coloos 1997), notamment <strong>du</strong> fait <strong>du</strong> passage d’une<br />

économie de <strong>la</strong> construction à une économie de <strong>la</strong> mutation (Lévy, 1998). Le fait que les<br />

explications macro-économiques de <strong>la</strong> hausse continue <strong>des</strong> prix depuis 1998 se soient révélées<br />

insuffisantes pour en comprendre <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée (Cohen [1] ; Beauvois, 2004), ainsi que l’affirmation<br />

sans cesse répétée de l’insuffisance <strong>des</strong> outils pour analyser les marchés <strong>du</strong> logement (Madoré,<br />

2004), invitent à développer une approche sociologique <strong>des</strong> logiques de marché. Ces dernières sont<br />

souvent considérées comme données, que ce soit sous <strong>la</strong> forme de contraintes subies ou comme le<br />

résultat mécanique de tendances extérieures au jeu <strong>des</strong> acteurs. Au-delà <strong>des</strong> mouvements cycliques,<br />

plusieurs facteurs interviennent dans le fonctionnement <strong>des</strong> marchés <strong>du</strong> logement, qu’ils relèvent de<br />

<strong>la</strong> composition sociale de <strong>la</strong> demande <strong>et</strong> de l’offre (vieillissement, taille <strong>des</strong> ménages, <strong>et</strong>c.), de <strong>la</strong><br />

structure <strong>des</strong> marchés locaux (structure de <strong>la</strong> propriété, type <strong>des</strong> logements, <strong>et</strong>c.) mais aussi de <strong>la</strong><br />

façon dont ces éléments se rencontrent <strong>et</strong> s’ajustent (transmission de l’information, évaluations,<br />

mise en re<strong>la</strong>tion <strong>des</strong> acquéreurs <strong>et</strong> <strong>des</strong> vendeurs). C’est sur ce dernier point, sans doute plus que sur<br />

<strong>la</strong> conjoncture, que l’étude <strong>des</strong> intermédiaires peut apporter <strong>des</strong> éléments. On s’attachera ici plus<br />

particulièrement à leur mission d’intermédiation <strong>et</strong> à <strong>la</strong> façon dont elle con<strong>du</strong>it à hiérarchiser les<br />

clientèles d’acquéreurs.<br />

1


Arrière-p<strong>la</strong>n théorique : <strong>la</strong> sociologie économique.<br />

C<strong>et</strong>te approche <strong>des</strong> rapports de marché rejoint les orientations les plus récentes de <strong>la</strong> sociologie<br />

économique. Pour rester schématique, celle-ci cherche à interroger sociologiquement les<br />

mécanismes économiques à partir de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion commerciale. C<strong>et</strong>te dernière est alors considérée<br />

comme une re<strong>la</strong>tion sociale traversée par le même type de déterminations que d’autres rapports<br />

(Chante<strong>la</strong>t, 2002). Dans le prolongement <strong>des</strong> questions c<strong>la</strong>ssiques de ce champ de recherche (les<br />

conventions <strong>et</strong> qualifications, <strong>la</strong> maîtrise <strong>du</strong> risque <strong>et</strong> de l’incertitude, les conditions de possibilité<br />

de l’échange), il est donc justifié de prendre en compte les caractéristiques sociales <strong>des</strong> acteurs <strong>et</strong> de<br />

voir dans quelle mesure elles agissent sur les rapports économiques. <strong>Les</strong> questions d’appartenance,<br />

de proximité <strong>et</strong> de différenciation sociale ne sont pas ignorées par <strong>la</strong> sociologie économique [2]<br />

mais une attention très fine aux processus microsociologiques a pu con<strong>du</strong>ire à minimiser ces<br />

phénomènes qui nous semblent centraux, au moins pour l’obj<strong>et</strong> étudié ici. L’objectif de ce travail<br />

est d’importer c<strong>et</strong>te perspective objectivante dans l’analyse <strong>des</strong> rapports économiques. Nous<br />

verrons donc comment <strong>la</strong> construction <strong>et</strong> <strong>la</strong> composition sociale <strong>des</strong> clientèles s’articule avec <strong>la</strong><br />

re<strong>la</strong>tion de service. Ce<strong>la</strong> rappelle notamment l’étude de Bourdieu (1990) sur le marché de <strong>la</strong> maison<br />

en lotissement <strong>et</strong> son observation sur <strong>la</strong> proximité sociale entre vendeurs <strong>et</strong> accédants, même si une<br />

différence importante apparaît <strong>du</strong> fait de <strong>la</strong> grande diversité <strong>des</strong> clients. <strong>Les</strong> proximités sociales sont<br />

moins immédiatement repérables, d’autant moins que, pour s’adapter <strong>et</strong> réussir une vente,<br />

l’intermédiaire peut être amené à en atténuer les manifestations lors de l’interaction. Il est donc<br />

nécessaire de travailler sur les clients effectifs (<strong>et</strong> non sur l’ensemble <strong>des</strong> visites) <strong>et</strong> sur les<br />

différenciations entre les agences.<br />

A c<strong>et</strong> égard, les discours dominants, parmi les <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> eux-mêmes, opposent<br />

schématiquement <strong>la</strong> figure <strong>du</strong> "commerçant", accumu<strong>la</strong>nt les mandats indépendamment <strong>des</strong><br />

conditions dans lesquelles ils se présentent, à celle <strong>du</strong> "professionnel" alliant l’efficacité<br />

commerciale à <strong>la</strong> qualité <strong>du</strong> service ren<strong>du</strong>. Le discours institutionnel quant à lui, m<strong>et</strong> en avant <strong>la</strong><br />

vocation commerciale de <strong>la</strong> profession (Vorms, 2002) tout en reconnaissant <strong>la</strong> nécessité de<br />

développer l’information adressée aux vendeurs <strong>et</strong> aux ach<strong>et</strong>eurs de logements anciens, notamment<br />

sur <strong>la</strong> qualité <strong>du</strong> bâti (ANIL, 2003). La distinction entre professionnel <strong>et</strong> commercial y est plus<br />

marquée que celle entre agences indépendantes <strong>et</strong> franchisées. Nous reviendrons plus loin sur ce<br />

principe de différenciation, mais on peut d’ores <strong>et</strong> déjà noter qu’il repose sur <strong>la</strong> conception de <strong>la</strong><br />

re<strong>la</strong>tion commerciale. Pour c<strong>et</strong>te raison, les indicateurs utilisés par <strong>la</strong> suite porteront sur c<strong>et</strong>te<br />

re<strong>la</strong>tion plus que sur les caractéristiques <strong>des</strong> agences. Ce<strong>la</strong> ne signifie pas que <strong>des</strong> différences de<br />

type franchisé /indépendant ou agence ancienne /agence récente sont sans eff<strong>et</strong>, mais simplement<br />

que <strong>la</strong> <strong>des</strong>cription <strong>du</strong> champ professionnel est ici mise entre parenthèse de façon à relier les<br />

pratiques professionnelles <strong>et</strong> <strong>la</strong> composition <strong>des</strong> clientèles.<br />

Construction <strong>des</strong> données<br />

<strong>Les</strong> données sur lesquelles nous nous appuierons sont issues d’un questionnaire adressé à <strong>des</strong><br />

<strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> <strong>des</strong> principales villes françaises en décembre 2004 <strong>et</strong> janvier 2005. Conçu à<br />

l’origine comme un complément à notre travail de thèse sur l’agglomération lyonnaise, il a été<br />

é<strong>la</strong>boré à partir d’une observation participante menée dans une agence de Villeurbanne en juill<strong>et</strong><br />

2003. L’objectif était de tester <strong>la</strong> pertinence de certains indicateurs révélés par ce terrain <strong>et</strong> de<br />

mener à bien l’approche objectivante décrite ci-<strong>des</strong>sus. Il s’est avéré représenter une source<br />

importante puisque 268 réponses vali<strong>des</strong> ont été collectées. Elles sont traitées avec le logiciel<br />

TriDeux, mis au point par Philippe Cibois [3]. La passation se faisait sur Intern<strong>et</strong> [4].<strong>Les</strong> agences<br />

ont été contactées par mail ou par téléphone à partir <strong>des</strong> différents annuaires disponibles, de telle<br />

sorte que les membres <strong>des</strong> réseaux commerciaux <strong>et</strong> <strong>des</strong> syndicats professionnels sont surreprésentés.<br />

L’échantillon est sans doute plus représentatif de <strong>la</strong> fraction "professionnelle" de<br />

l’univers <strong>des</strong> <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> que de sa part "commerçante", ce qui ne signifie pas que les<br />

2


liaisons mises en évidence ne s’appliquent qu’à elle. La structure par ancienn<strong>et</strong>é <strong>et</strong> <strong>la</strong> localisation<br />

<strong>des</strong> agences de l’échantillon (en termes de rapport centre-ville/banlieue/périphérie) sont assez<br />

proches de ce que l’on observe dans l’agglomération lyonnaise. De plus, les résultats sont<br />

suffisamment concordants avec les observations <strong>et</strong> entr<strong>et</strong>iens déjà réalisés pour justifier d’être<br />

présentés. Seule <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion avec les acquéreurs sera ici abordée. Deux grands aspects seront tour à<br />

tour analysés en détail. Il s’agira d’abord de m<strong>et</strong>tre en évidence le lien entre <strong>la</strong> sélection <strong>des</strong><br />

clientèles <strong>et</strong> <strong>la</strong> nature <strong>du</strong> service ren<strong>du</strong>. Dans un deuxième temps, nous verrons si <strong>la</strong> proximité<br />

sociale entre les intermédiaires <strong>et</strong> leurs clients peut expliquer c<strong>et</strong>te sélection <strong>et</strong> <strong>la</strong> hiérarchisation<br />

<strong>des</strong> clientèles.<br />

Sélection <strong>et</strong> Présélection<br />

A l’inverse de celles <strong>des</strong> professionnels <strong>du</strong> mark<strong>et</strong>ing, les pratiques de sélection <strong>des</strong> <strong>agents</strong><br />

<strong>immobiliers</strong> ne répondent que rarement au besoin qu’éprouve l’agent de concentrer son activité sur<br />

un certain type de biens ou de clients, <strong>et</strong> beaucoup plus souvent à une tentative pour obtenir <strong>des</strong><br />

affaires dans de bonnes conditions ou pour trouver rapidement l’acquéreur potentiel. Dans un<br />

contexte de pénurie d’offres, les <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> sont dans une position peu favorable face aux<br />

vendeurs <strong>et</strong> ils doivent essayer de présenter <strong>des</strong> clients pertinents pour conserver une certaine<br />

marge de manœuvre dans <strong>la</strong> négociation. Par ailleurs, il leur est nécessaire de limiter le nombre de<br />

visites pour ne pas perdre de temps. <strong>Les</strong> pratiques de c<strong>la</strong>ssement ne sont donc pas explicitement<br />

hiérarchisées mais le résultat de leur mise en œuvre peut l’être. Le terme de <strong>segmentation</strong> renverra<br />

donc par <strong>la</strong> suite à ces processus de différenciation <strong>et</strong> de hiérarchisation, <strong>et</strong> non à une pratique de<br />

cib<strong>la</strong>ge <strong>des</strong> clientèles sur <strong>des</strong> critères formalisés.<br />

Il existe deux types de filtres différents, le premier s’apparentant à une présélection qui consiste à<br />

recruter les clients de façon privilégiée par l’intermédiaire de sources connues (réseaux personnels<br />

<strong>et</strong> professionnels), alors que le second correspond à une réelle pratique de mise à l’écart <strong>des</strong> clients<br />

les moins prom<strong>et</strong>teurs. Parmi les moyens utilisés, le fait de donner systématiquement rendez-vous à<br />

l’agence avant de proposer une visite nous a paru être l’indicateur le plus pertinent. Il est également<br />

le signe d’une maîtrise de l’agent sur <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion commerciale, ce que l’on ne peut pas dire a priori<br />

de <strong>la</strong> présélection (l’agent peut en eff<strong>et</strong> être en rapport de dépendance vis-à-vis de ces filières).<br />

Chacun de ces deux aspects est lié à <strong>la</strong> composition sociale de <strong>la</strong> clientèle, même si ce lien est<br />

beaucoup plus fort pour le rendez-vous [5] (χ ² significatif à 4%), <strong>et</strong> ils jouent en sens inverse. Le<br />

Tableau 1 oppose ces deux mo<strong>des</strong> de constitution <strong>des</strong> clientèles (<strong>la</strong> signification <strong>des</strong> modalités de <strong>la</strong><br />

variable "milieu social" est détaillée dans <strong>la</strong> note de méthode ci <strong>des</strong>sous).<br />

Tableau 1 : caractéristiques sociales <strong>des</strong> acquéreurs, sélection <strong>et</strong> présélection<br />

Milieu social<br />

Catégories Catégories<br />

Catégories<br />

Catégories Total %<br />

intermédiaires intermédiaires<br />

Constitution <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>ires<br />

supérieures lignes<br />

-<br />

+<br />

clientèles<br />

Rendez-vous<br />

systématique <strong>et</strong> 1 ou 2 39% 25% 27% 9% 100%<br />

sources d’acquéreurs<br />

pas de rendez-vous<br />

systématique <strong>et</strong> 3 ou + 18% 29% 33% 20% 100%<br />

sources d’acquéreurs<br />

Total (6 non réponses) 30% 25% 32% 13% 100%<br />

3


Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, le fait de sélectionner les acquéreurs en leur fixant un<br />

rendez-vous est plutôt associé aux clientèles mo<strong>des</strong>tes. La ressource <strong>des</strong> trois sources d’acquéreurs<br />

(annonces, re<strong>la</strong>tions professionnelles <strong>et</strong> personnelles) agit dans l’autre sens, quoique de façon moins<br />

marquée. <strong>Les</strong> agences présentant les deux aspects sont en outre sous-représentées. Le sens de <strong>la</strong><br />

causalité reste également à déterminer. <strong>Les</strong> pratiques sélectives peuvent expliquer <strong>la</strong> morphologie<br />

de <strong>la</strong> clientèle mais l’inverse est également possible : les différentes catégories de clientèle n’ont<br />

pas le même rapport aux <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong>. Il serait donc abusif d’y voir uniquement un filtre<br />

supplémentaire sur le marché.<br />

Note sur <strong>la</strong> variable "milieu social <strong>des</strong> clients acquéreurs"<br />

C<strong>et</strong>te variable est un score entre 0 <strong>et</strong> 3 construit par agrégation de modalités. A <strong>la</strong><br />

question "quelles catégories sociales vous semblent les plus typiques de votre clientèle<br />

d’acquéreur ",trois réponses sont possibles. La variable qui en est issue est é<strong>la</strong>borée<br />

de <strong>la</strong> façon suivante :<br />

1 point si "employé" n’est pas choisi<br />

1 point si "cadre" est choisi<br />

1 point si "chef d’entreprise" est choisi<br />

La logique de c<strong>et</strong>te variable repose sur <strong>la</strong> disjonction entre les employés d’une part, les<br />

cadres <strong>et</strong> chefs d’entreprise de l’autre. Elle ignore les ouvriers qui sont sous représentés<br />

(4 dans l’échantillon, associés à <strong>des</strong> employés), les r<strong>et</strong>raités <strong>et</strong> les professions<br />

intermédiaires dont <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> hiérarchie socio-spatiale est souvent déterminée<br />

par les catégories voisines. <strong>Les</strong> remarques qui suivront s’appliquent à l’univers social<br />

<strong>des</strong> clientèles d’acquéreurs, tel qu’il a déjà été préfabriqué par les conditions d’accès au<br />

marché, au prêt, <strong>et</strong>c. La quasi absence d’ouvriers <strong>et</strong> <strong>la</strong> sur-représentation <strong>des</strong> c<strong>la</strong>sses<br />

supérieures sont <strong>des</strong> signes de l’ampleur de c<strong>et</strong>te présélection (même si on <strong>la</strong> ramène à<br />

<strong>la</strong> composition sociale <strong>des</strong> propriétaires urbains).<br />

Parmi les combinaisons correspondant aux différents scores, voici celles qui sont<br />

représentées :<br />

0 ("catégories popu<strong>la</strong>ires") : employés, employés +profession intermédiaires,<br />

1 ("catégories intermédiaires-") : cadres+professions intermédiaires+employés,<br />

professions intermédiaires<br />

2 ("catégories intermédiaires+") : cadres+professions intermédiaires, chefs<br />

d’entreprise, cadres<br />

3 ("catégories supérieures") : cadres +chefs d’entreprise<br />

La prise en compte de <strong>la</strong> nature <strong>du</strong> service ren<strong>du</strong> perm<strong>et</strong> d’approfondir c<strong>et</strong>te observation. A c<strong>et</strong>te<br />

fin, les variables ont été croisées avec un indicateur de <strong>la</strong> qualité <strong>et</strong> de <strong>la</strong> complexité <strong>du</strong> service<br />

ren<strong>du</strong> (Tableau 2). Il se compose de deux variables, le nombre de domaines dans lequel les <strong>agents</strong><br />

<strong>immobiliers</strong> disent apporter une information à leurs clients [6] <strong>et</strong>, parmi eux, l’aide à l’é<strong>la</strong>boration<br />

<strong>du</strong> proj<strong>et</strong> immobilier, qui donne une bonne idée de <strong>la</strong> personnalisation de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion commerciale.<br />

Tableau 2 : sélectivité de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion commerciale <strong>et</strong> nature <strong>du</strong> rapport serviciel<br />

3-6 informations<br />

(moy. 63%)<br />

Aide au proj<strong>et</strong><br />

(moy. 42%)<br />

RdV syst.+1-2 source d’acquéreurs 68% 38%<br />

3 sources acq.+ RdV non systématique 66% 49%<br />

<strong>Les</strong> deux mo<strong>des</strong> de constitution <strong>des</strong> clientèles ne se différencient pas tant par <strong>la</strong> qualité globale <strong>du</strong><br />

service ren<strong>du</strong> que par <strong>la</strong> personnalisation de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion. Le fait de proposer systématiquement un<br />

4


endez-vous ne se tra<strong>du</strong>it pas par une aide plus fréquente au proj<strong>et</strong> immobilier, ce qui peut paraître<br />

paradoxal, sauf à considérer que c<strong>et</strong>te pratique est uniquement motivée par <strong>des</strong> préoccupations de<br />

sélection. A l’inverse, ce que l’on a appelé <strong>la</strong> présélection, <strong>et</strong> dont on ne pouvait dire a priori de<br />

quelle façon elle influencerait le service inhérent à <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion commerciale, est le fait d’agences qui<br />

participent plus fréquemment à l’é<strong>la</strong>boration <strong>des</strong> proj<strong>et</strong>s <strong>immobiliers</strong>. La principale hypothèse<br />

perm<strong>et</strong>tant d’expliquer c<strong>et</strong>te différence est que les filières personnelles <strong>et</strong> professionnelles amènent<br />

<strong>des</strong> acquéreurs dans <strong>des</strong> conditions facilitant l’instauration de <strong>la</strong> confiance, <strong>et</strong> donc d’agir sur <strong>la</strong><br />

demande, indépendamment de <strong>la</strong> formalisation d’un service professionnalisé (associé à <strong>la</strong> logique<br />

sélective). De plus, le nombre de sources d’acquéreurs est positivement corrélé à l’information sur<br />

<strong>la</strong> fiscalité, typique <strong>des</strong> préoccupations <strong>des</strong> c<strong>la</strong>sses supérieures. A l’inverse, le fait de proposer<br />

systématiquement un rendez-vous n’est corrélé qu’avec <strong>la</strong> somme <strong>des</strong> informations fournies, <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

mise en contact avec d’autres professionnels.<br />

L’opposition entre, d’une part, une tendance commerciale, quantitative <strong>et</strong> peu axée sur les services<br />

ren<strong>du</strong>s, <strong>et</strong> une conception à <strong>la</strong> fois sélective <strong>et</strong> professionnelle de <strong>la</strong> transaction d’autre part, doit<br />

donc être nuancée. <strong>Les</strong> développements précédents montrent que le terme professionnel recouvre<br />

une conception qui oscille entre une logique servicielle peu personnalisée, plus standardisée, <strong>et</strong> une<br />

pratique où <strong>la</strong> sélection s’est faite en amont, ce qui perm<strong>et</strong> à l’intermédiaire de convertir son capital<br />

social <strong>et</strong> professionnel en ressources dans le rapport serviciel. La morphologie sociale <strong>des</strong><br />

acquéreurs s’ajuste, au moins dans les gran<strong>des</strong> lignes, à ce schéma, <strong>la</strong> première logique s’adressant<br />

plutôt aux catégories mo<strong>des</strong>tes <strong>et</strong> intermédiaires <strong>et</strong> <strong>la</strong> seconde aux catégories favorisées.<br />

<strong>Les</strong> raisons de c<strong>et</strong>te re<strong>la</strong>tion ne relèvent pas uniquement d’une adaptation à <strong>la</strong> demande diversifiée<br />

<strong>des</strong> ach<strong>et</strong>eurs de logement, mais également <strong>des</strong> caractéristiques <strong>du</strong> champ professionnel lui-même.<br />

Parmi les différents facteurs susceptibles d’avoir une influence, on s’est ici intéressé à <strong>la</strong> position<br />

sociale <strong>des</strong> <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong>.<br />

La position sociale <strong>des</strong> <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> <strong>et</strong> de leurs clients<br />

Le rôle de <strong>la</strong> proximité sociale entre acquéreurs <strong>et</strong> vendeurs, mis en avant par Bourdieu, ne le<br />

con<strong>du</strong>it pas à nier l’importance de l’interaction elle-même, mais à montrer que <strong>la</strong> personnalisation<br />

d’une re<strong>la</strong>tion commerciale ne passe pas uniquement par <strong>des</strong> techniques de vente <strong>et</strong> de<br />

communication. L’habitus y tient une grande part. Toutefois, si c<strong>et</strong>te proximité est avérée dans <strong>la</strong><br />

conjoncture économique <strong>et</strong> pour le type d’habitat qu’il étudiait, elle n’apparaît pas de façon aussi<br />

directe dans l’habitat diversifié que représente le collectif ancien. D’après Bourdin (1994), <strong>la</strong><br />

proximité sociale ne serait importante que pour <strong>la</strong> fraction supérieure <strong>du</strong> parc, de telle sorte que<br />

l’analyse gagnerait à se centrer sur ce qu’Isaac Joseph (1994) appelle les "protocoles de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion<br />

de service". Cependant, s’il est vrai que <strong>la</strong> proximité sociale n’est pas toujours directement<br />

observable, elle ressort assez n<strong>et</strong>tement de l’objectivation statistique.<br />

L’espace social <strong>des</strong> responsables d’agences sera ici simplement caractérisé par <strong>la</strong> profession<br />

exercée auparavant. Le diplôme est mis de côté car congruent avec <strong>la</strong> hiérarchie<br />

socioprofessionnelle, tandis que l’âge <strong>et</strong> le sexe discriminent moins les pratiques étudiées. Le<br />

Tableau 3 résume les secteurs d’activité <strong>et</strong> <strong>la</strong> PCS antérieurs, seule c<strong>et</strong>te dernière étant r<strong>et</strong>enue par<br />

<strong>la</strong> suite. Il ne s’agit pas tant de r<strong>et</strong>racer les trajectoires professionnelles <strong>des</strong> responsables d’agence<br />

que de les situer sur une échelle afin de perm<strong>et</strong>tre <strong>la</strong> comparaison avec leur clientèle.<br />

5


Tableau 3 : position sociale <strong>des</strong> responsables d’agence <strong>et</strong> ancien secteur d’activité<br />

Ex chefs<br />

d’entreprise<br />

39<br />

Ex cadres <strong>et</strong> professions<br />

intellectuelles supérieures<br />

83<br />

Ex professions<br />

intermédiaires <strong>et</strong><br />

employés<br />

Même agence 20 Autre profession immobilière 12 Agent mmobilier 37<br />

Autre agence 6 Vente 21<br />

Autre profession<br />

immobilière<br />

4<br />

Vente 6 Bancaire 18 Vente 15<br />

Bâtiment 3 Juridique [7] 9 Bancaire 15<br />

Autres 4 Autres 23 Autres 13<br />

83<br />

Ce tableau appelle deux commentaires principaux. Le premier est <strong>la</strong> quasi absence <strong>des</strong> catégories<br />

popu<strong>la</strong>ires : aucun ancien ouvrier <strong>et</strong> seulement cinq anciens employés, qui ont été regroupés avec<br />

les professions intermédiaires. Le fait n’est pas en soi une surprise mais il est très prononcé, <strong>et</strong> peut<br />

être rapporté à <strong>la</strong> sous représentation <strong>des</strong> ouvriers au sein <strong>des</strong> clientèles d’acquéreurs. La deuxième<br />

remarque concerne l’importance numérique <strong>des</strong> directeurs d’agence ayant fait carrière dans<br />

l’immobilier (à l’exception <strong>des</strong> anciens cadres). Elle intro<strong>du</strong>it une dimension qui pourrait interférer<br />

avec <strong>la</strong> hiérarchie <strong>des</strong> catégorie socioprofessionnelles, d’abord parce qu’elle minore l’écart de statut<br />

entre les cadres <strong>et</strong> les chefs d’entreprise (il n’y a pas de patron d’entreprises de grande taille) <strong>et</strong><br />

ensuite en instituant un rapprochement entre les anciens <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> <strong>et</strong> ceux qui ont déjà été<br />

directeur d’agence. Il nous a toutefois semblé pertinent de conserver un c<strong>la</strong>ssement fondé sur les<br />

PCS, non seulement pour les comparaisons avec les clientèles, mais également parce que ce<br />

découpage <strong>des</strong>sine <strong>des</strong> groupes re<strong>la</strong>tivement homogènes, au regard de <strong>la</strong> morphologie de <strong>la</strong><br />

profession, ainsi que <strong>des</strong> pratiques qui nous intéressent.<br />

L’ensemble <strong>des</strong> anciens cadres se caractérise par exemple par le niveau de diplôme, les formations<br />

reçues <strong>et</strong> les informations utilisées pour connaître le marché immobilier. <strong>Les</strong> anciens <strong>agents</strong><br />

<strong>immobiliers</strong> (commerciaux, négociateurs) partagent certes <strong>des</strong> traits avec les anciens responsables<br />

d’agence, mais ces traits sont les moins corrélés avec le type de clientèle ou le niveau de qualité <strong>des</strong><br />

biens pris en charge. Il s’agit surtout de l’importance <strong>des</strong> réseaux professionnels dans l’acquisition<br />

<strong>des</strong> mandats <strong>et</strong> de l’information. <strong>Les</strong> deux groupes sont ainsi bien intégrés à leur univers<br />

professionnel mais se différencient sur l’échelle <strong>des</strong> hiérarchies de statut. Il sera toutefois<br />

nécessaire de conserver présent à l’esprit le fait que l’on travaille sur une conception simple de <strong>la</strong><br />

structure sociale, <strong>la</strong>issant de côté les appartenances <strong>et</strong> les milieux, comme le montre par exemple<br />

l’absence d’anciens sa<strong>la</strong>riés <strong>du</strong> public au sein de l’échantillon, ce qui n’est probablement pas le cas<br />

au sein de leur clientèle.<br />

Le croisement entre <strong>la</strong> position sociale <strong>des</strong> responsables d’agences <strong>et</strong> celle de leurs clients est<br />

présenté dans le Tableau 4 qui montre une attraction entre les deux [8] lisible sur <strong>la</strong> diagonale (pour<br />

autant que l’on puisse parler de <strong>la</strong> diagonale quand il y a plus de colonnes que de lignes), en<br />

prenant en compte l’écart dû au fait que l’espace social <strong>des</strong> responsables d’agence apparaît comme<br />

tronqué en l’absence <strong>des</strong> catégories popu<strong>la</strong>ires.<br />

6


Tableau 4 : convergence entre <strong>la</strong> position sociale <strong>des</strong> responsables d’agences <strong>et</strong> celle de leurs<br />

clients acquéreurs<br />

Clientèle<br />

Catégories<br />

popu<strong>la</strong>ires<br />

Catégories<br />

intermédiaires -<br />

Catégories<br />

intermédiaires +<br />

Catégories<br />

supérieures<br />

Total<br />

Responsables<br />

Ex profession<br />

intermédiaire<br />

37% 28% 30% 5% 100%<br />

Ex cadre 26% 20% 41% 13% 100%<br />

Ex chef entreprise 26% 23% 25% 26% 100%<br />

Total 30% 24% 33% 13% 100%<br />

La convergence <strong>des</strong> deux structures est indéniable (même si <strong>la</strong> construction <strong>des</strong> variables demande<br />

de rester prudent) mais sa signification ne va pas de soi. La disposition <strong>du</strong> tableau, qui semble<br />

inviter à considérer <strong>la</strong> position sociale <strong>du</strong> professionnel comme variable explicative ne doit pas<br />

in<strong>du</strong>ire en erreur. La question est alors de savoir si l’on doit fonder l’interprétation sur <strong>des</strong><br />

phénomènes de proximité sociale (socialisation, habitus) ou sur <strong>la</strong> façon dont les responsables<br />

d’agence construisent leurs clientèles. Sans s’exclure mutuellement, ces deux hypothèses renvoient<br />

à deux types d’explication différentes. Comme indiqué plus haut, <strong>la</strong> première s’inscrit dans<br />

l’horizon théorique de Bourdieu <strong>et</strong> relève de <strong>la</strong> façon dont l’interaction entre champ <strong>et</strong> habitus<br />

masque les processus de hiérarchisation sociale. La seconde postulerait une re<strong>la</strong>tion linéaire entre le<br />

niveau social <strong>des</strong> clients, celui <strong>des</strong> <strong>agents</strong>, <strong>la</strong> qualité <strong>des</strong> biens <strong>et</strong> celle <strong>du</strong> service. La complexité <strong>du</strong><br />

service ne ferait alors que refléter celle de <strong>la</strong> demande pour les biens les plus chers. On s’attachera<br />

donc au lien entre <strong>la</strong> position sociale <strong>des</strong> <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> <strong>et</strong> le segment de qualité dans lequel ils<br />

travaillent.<br />

Parmi les différents facteurs susceptibles d’expliquer le segment de qualité privilégié, les variables<br />

liées au capital social jouent un rôle important ainsi que les autres activités exercées (en particulier<br />

promoteur <strong>et</strong> expert). Toutefois, en croisant tour à tour chacune de ces variables avec l’ancienne<br />

PCS <strong>du</strong> directeur de l’agence, on s’aperçoit que seul le nombre d’activités exercées lui est<br />

significativement lié ainsi que, dans une moindre mesure, le nombre de sources d’acquéreurs.<br />

L’origine sociale de l’agent immobilier telle qu’on <strong>la</strong> saisit n’a donc pas d’eff<strong>et</strong> très n<strong>et</strong> sur les<br />

réseaux qu’il utilise.<br />

Le Tableau 5 r<strong>et</strong>race les principales liaisons. Il apparaît qu’en moyenne, les anciens chefs<br />

d’entreprise se distinguent moins par les re<strong>la</strong>tions personnelles que par le nombre d’activités. Or le<br />

lien entre c<strong>et</strong> indicateur <strong>et</strong> le segment de qualité est statistiquement assez faible. <strong>Les</strong> anciens cadres<br />

se différencient légèrement de <strong>la</strong> moyenne par l’importance <strong>des</strong> réseaux personnels, tandis que les<br />

responsables issus <strong>des</strong> professions intermédiaires apparaissent systématiquement moins dotés dans<br />

tout ce qui signale l’éten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> capital social.<br />

Tableau 5 : influence de l’origine sociale <strong>des</strong> responsables d’agence sur <strong>la</strong> construction <strong>des</strong><br />

clientèles<br />

Type de filière<br />

Re<strong>la</strong>tions personnelles<br />

3 sources acquéreurs<br />

origine<br />

(obtention de mandats)<br />

>3activités<br />

Ex chef entr. 51% 68% 45%<br />

Ex cadre 44% 72% 41%<br />

Ex prof. Int. 42% 66% 25%<br />

Moyenne 45% 69% 36%<br />

7


La proximité sociale entre intermédiaires <strong>et</strong> clients acquéreurs semble donc ne passer que<br />

partiellement par <strong>la</strong> mobilisation de réseaux. L’influence de <strong>la</strong> familiarité, ou, pour le dire<br />

rapidement, de l’habitus, pourrait se <strong>des</strong>siner en creux, sans être pour autant directement repérable.<br />

A l’instar de <strong>la</strong> démarche adoptée dans <strong>la</strong> partie précédente, <strong>et</strong> <strong>du</strong> fait <strong>du</strong> rôle <strong>des</strong> autres activités<br />

exercées, nous sommes alors con<strong>du</strong>its à prendre en compte <strong>la</strong> nature <strong>du</strong> service ren<strong>du</strong> pour voir<br />

comment s’articulent les pratiques professionnelles <strong>et</strong> les aspects morphologiques.<br />

La qualité <strong>du</strong> service ren<strong>du</strong> sera ici résumée par le nombre de domaines dans lesquels les<br />

intermédiaires disent faire bénéficier leur client. La re<strong>la</strong>tion entre c<strong>et</strong>te variable <strong>et</strong> l’ancienne PCS<br />

est attestée (χ² significatif à 2%) <strong>et</strong> se r<strong>et</strong>rouve lorsque le segment de qualité est intro<strong>du</strong>it en<br />

variable test (particulièrement pour le segment moyen). Le Tableau 6 se contente de présenter leur<br />

interaction dans le segment supérieur. La dernière ligne indique les proportions pour l’ensemble de<br />

l’échantillon.<br />

Tableau 6 : Origine sociale <strong>du</strong> responsable de l’agence <strong>et</strong> qualité <strong>du</strong> service ren<strong>du</strong> (agences<br />

tournées vers les logements de haute qualité)<br />

0-2info client 3-6 info client Total (%lignes)<br />

Ex chef entr. 43% 57% 100%<br />

Ex cadre 20% 80% 100%<br />

Ex prof. Int. 20% 80% 100%<br />

Total sur ce segment 28% 72% 100%<br />

Ensemble de l’échantillon 35% 65% 100%<br />

<strong>Les</strong> <strong>agents</strong> que leur carrière précédente situe dans les c<strong>la</strong>sses supérieures sont ceux qui réalisent le<br />

plus fréquemment <strong>des</strong> ventes dans les segments les plus élevés de qualité. Ce positionnement<br />

s’accompagne, en moyenne mais également pour chaque catégorie, d’un plus grand nombre de<br />

services ren<strong>du</strong>s au client (72% fournissent <strong>des</strong> informations dans au moins trois domaines contre<br />

65% pour l’ensemble de l’échantillon).<br />

Il serait toutefois abusif d’en dé<strong>du</strong>ire une re<strong>la</strong>tion simple entre <strong>la</strong> qualité <strong>du</strong> service ren<strong>du</strong> <strong>et</strong> celle<br />

<strong>des</strong> biens pris en charge. L’enseignement principal <strong>du</strong> Tableau 6 est l’influence de l’origine sociale<br />

<strong>des</strong> responsables d’agence sur leur pratique professionnelle. Tout d’abord les anciens chefs<br />

d’entreprise, qui sont statistiquement les plus associés aux segments de qualité supérieurs,<br />

fournissent moins d’informations que les deux autres catégories. C’est d’autant plus notable qu’ils<br />

sont fréquemment pourvus <strong>des</strong> ressources susceptibles d’enrichir <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion commerciale<br />

(formation supérieure dans le domaine de l’immobilier, autres activités, expérience de directeur<br />

d’agence). De <strong>la</strong> même façon, <strong>la</strong> simi<strong>la</strong>rité <strong>des</strong> distributions en ligne pour les deux autres catégories<br />

est trompeuse. Sur l’ensemble <strong>des</strong> agences en eff<strong>et</strong>, 78% <strong>des</strong> anciens cadres offrent au moins trois<br />

types d’informations, contre 62% pour les anciens membres <strong>des</strong> professions intermédiaires, à<br />

comparer aux 80% <strong>du</strong> Tableau 6. Pour exercer dans les segments de qualité supérieurs, les<br />

responsables issus <strong>des</strong> professions intermédiaires (d’anciens <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> pour un tiers mais<br />

également <strong>des</strong> commerciaux <strong>et</strong> sa<strong>la</strong>riés d’autres secteurs) sont donc amenés à se distinguer en<br />

diversifiant le service ren<strong>du</strong>. A l’inverse, les anciens cadres, <strong>et</strong> surtout les anciens chefs<br />

d’entreprise, n’ont pas à m<strong>et</strong>tre en œuvre de pratiques spécifiques. L’attraction entre les catégories<br />

d’<strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> <strong>et</strong> le segment de qualité supérieure est donc partiellement indépendante de <strong>la</strong><br />

nature <strong>du</strong> service ren<strong>du</strong>.<br />

D’une manière générale, les <strong>agents</strong> proposent <strong>des</strong> services moins complexes dans le segment de<br />

qualité où ils sont le mieux représentés. Il ne s’agit pas d’en conclure que <strong>la</strong> nature <strong>du</strong> service ren<strong>du</strong><br />

ne sert que de voile à <strong>des</strong> processus de sélection ou à <strong>des</strong> positionnements sans pro<strong>du</strong>ire d’eff<strong>et</strong><br />

propre. Dans certains cas, comme pour les anciennes professions intermédiaires privilégiant le<br />

logement de standing, le développement de <strong>la</strong> compétence servicielle peut pallier les eff<strong>et</strong>s de <strong>la</strong><br />

8


position sociale. Néanmoins, l’influence de <strong>la</strong> proximité sociale est importante dans <strong>la</strong> construction<br />

de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion commerciale, y compris dans les segments de qualité moyens <strong>et</strong> inférieurs.<br />

Conclusion<br />

La méthode consistant à superposer deux p<strong>la</strong>ns de <strong>la</strong> réalité sociale <strong>et</strong> à en observer les points<br />

communs (méthode sur <strong>la</strong>quelle se fonde l’établissement <strong>des</strong> homologies structurales dans <strong>la</strong><br />

sociologie bourdieusienne) ne peut être tenue en soi pour une démonstration suffisante même si elle<br />

perm<strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre à jour <strong>des</strong> régu<strong>la</strong>rités restées invisibles jusque là. Elle doit s’accompagner d’une<br />

analyse <strong>des</strong> médiations assurant leur articu<strong>la</strong>tion. Dans les développements précédents, où le fait de<br />

comparer <strong>des</strong> espaces de positions plus que <strong>des</strong> systèmes d’appartenance empêche de proposer<br />

automatiquement une interprétation en termes d’habitus, <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> structuration sociale se<br />

noue à l’intérieur <strong>du</strong> rapport serviciel, dans sa sélectivité <strong>et</strong> sa qualité. <strong>Les</strong> résultats indiquent qu’il<br />

n’y a pas de causalité simple expliquant les convergences observées, mais plutôt une attraction<br />

réciproque, <strong>des</strong> affinités électives pourrait-on dire, qui ne se construisent pas uniquement sur les<br />

réseaux mobilisables par l’intermédiaire. La proximité sociale entre intermédiaires <strong>et</strong> acquéreurs ne<br />

peut que renforcer l’homogénéisation <strong>des</strong> représentations <strong>du</strong> marché de l’habitat, d’autant plus que<br />

les <strong>agents</strong> se disant susceptibles d’intervenir <strong>et</strong> de modifier les proj<strong>et</strong>s <strong>immobiliers</strong> sont aussi ceux<br />

dont les clientèles sont les plus dotées. La mise en évidence de telles proximités ouvre également<br />

sur l’analyse <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s de club, essentiels dans les phénomènes de po<strong>la</strong>risation sociale de l’habitat<br />

<strong>et</strong> de ségrégation. Grafmeyer (1995) rappelle à c<strong>et</strong> égard que <strong>la</strong> mesure <strong>des</strong> processus résidentiels<br />

ne suffit pas à caractériser <strong>la</strong> ségrégation : <strong>la</strong> signification de ces mouvements doit également être<br />

restituée . <strong>Les</strong> regroupements sont en eff<strong>et</strong> souvent constatés mais parfois trop rapidement<br />

expliqués par les tendances spontanées <strong>du</strong> marché. l’observation de l’intermédiation sur les<br />

marchés <strong>du</strong> logement perm<strong>et</strong> d’objectiver ces tendances apparemment mécaniques.<br />

Références citées<br />

ANIL. "Marché de l’ancien : quel diagnostic ", Habitat Actualité, janvier 2003<br />

BEAUVOIS M. "<strong>la</strong> hausse <strong>des</strong> prix <strong>des</strong> logements anciens depuis 1998", INSEE Première n°991,<br />

décembre 2004<br />

BOURDIEU P. "un contrat sous contraintes", Actes de <strong>la</strong> recherche en sciences sociales, n°81-82,<br />

1990<br />

BOURDIN A. (dir.) L’influence <strong>des</strong> <strong>agents</strong> <strong>immobiliers</strong> sur <strong>la</strong> décision d’achat d’un logement<br />

ancien, Rapport pour le PCA, Toulouse, 1994<br />

CHANTELAT P. " La Nouvelle Sociologie Economique <strong>et</strong> le lien marchand : <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions<br />

personnelles à l’impersonnalité <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions ", Revue Française de Sociologie, n°43 vol. 3, 2002<br />

COLOOS B. (dir.) Comprendre les marchés <strong>du</strong> logement, L’Harmattan, Paris, 1997<br />

DRIANT J-C. <strong>Les</strong> marchés <strong>du</strong> logement : savoir <strong>et</strong> comprendre pour agir, Presses de l’ENPC,<br />

Paris, 1995<br />

GRAFMEYER Y. "Regards sociologiques sur <strong>la</strong> ségrégation", in RHEIN Catherine (dir.), La<br />

ségrégation dans <strong>la</strong> ville, L’Harmattan, Paris, 1995<br />

JOSEPH I. "les protocoles de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion de service", in De BANDT Jacques <strong>et</strong> GADREY Jean,<br />

Re<strong>la</strong>tions de service, marchés de services, CNRS éditions, 1994<br />

KARPIK L. " l’Economie de <strong>la</strong> qualité ", Revue française de Sociologie XXX, 1989<br />

LEVY J-P. "Dynamique <strong>du</strong> parc immobilier <strong>et</strong> mobilité résidentielle", in BRUN, BONVALET <strong>et</strong><br />

SEGAUD (dir.) Logement <strong>et</strong> Habitat l’état <strong>des</strong> savoirs, La Découverte, Paris, 1998<br />

MADORE F. Ségrégation sociale <strong>et</strong> habitat, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2004<br />

VORMS B. Moderniser <strong>la</strong> réglementation <strong>des</strong> activités immobilières, Livre B<strong>la</strong>nc, avril 2002<br />

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Notes<br />

[1] Daniel Cohen, "le krach atten<strong>du</strong> de l’immobilier", Le Monde, 13 janvier 2005.<br />

[2] On peut citer l’importance <strong>des</strong> réseaux dans les travaux fondateurs de Karpik (1989) ou, plus<br />

anciens, les textes de Weber (notamment sur les sectes protestantes aux Etats-Unis).<br />

[3] http://perso.wanadoo.fr/cibois/SitePhCibois.htm<br />

[4] Sur le site http://loicbonneval.free.fr<br />

[5] Si on regarde non pas le milieu social <strong>des</strong> acquéreurs mais le segment de qualité privilégié par<br />

l’agence, les liaisons statistiques sont significatives pour les deux variables, les source d’acquéreur<br />

multiples facilitant l’accès aux logements de haute qualité, <strong>et</strong> inversement pour <strong>la</strong> pratique <strong>du</strong><br />

rendez-vous à l’agence.<br />

[6] Ces domaines sont : information juridique, informations techniques, information sur <strong>la</strong> fiscalité,<br />

information sur les possibilités d’aménagement <strong>et</strong> de travaux, mise en contact avec d’autres<br />

professionnels, aide à l’é<strong>la</strong>boration <strong>du</strong> proj<strong>et</strong> immobilier.<br />

[7] En majorité <strong>des</strong> notaires.<br />

[8] χ ² <strong>du</strong> tableau <strong>des</strong> effectifs significatif au seuil de 1%.<br />

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