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Les espaces intermédiaires, un état des lieux raisonné Résumé ...

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<strong>Les</strong> <strong>espaces</strong> intermédiaires, <strong>un</strong> état <strong>des</strong> <strong>lieux</strong> raisonnéAmélie FlamandInstitut d’Urbanisme de Paris - <strong>un</strong>iversité de Paris XII Centre de Recherche sur l’Habitat - UMRLOUESTamelie.flamand@paris-val<strong>des</strong>eine.archi.frRésuméLa crise <strong>des</strong> grands ensembles, et plus particulièrement la difficile gestion de leurs abords, sembleavoir révélé le caractère problématique de l’organisation du rapport public/privé. Ce sont ainsi les<strong>espaces</strong> entre rue et logement qui motivent cette recherche, dans la mesure où ils mettent en scène etnous informent sur la façon dont la société envisage le rapport entre individu et collectif. C’est à partird’<strong>un</strong> état <strong>des</strong> <strong>lieux</strong> raisonné, d’<strong>un</strong>e lecture et d’<strong>un</strong>e analyse de textes ayant trait de près ou de loin àces <strong>espaces</strong>, que nous interrogeons ces <strong>lieux</strong> denses et complexes : ils relèvent du domaine del’habitat, mais pas seulement ; ils participent du quotidien tout en y échappant ; ils rendent possiblel’expression de la familiarité et de la solennité ; ils opèrent le passage entre l’intime, le domestique etle politique ; ils accueillent l’individu tout comme le collectif. La spécificité <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>intermédiaires tient ainsi dans cette conjonction singulière qui permet de penser ensemble <strong>des</strong>sphères, <strong>des</strong> échelles et <strong>des</strong> logiques, spatiales et sociales, souvent et à priori séparées. S’intéresseraux <strong>espaces</strong> intermédiaires, c’est, en effet, poser la question du lien, non pas du "pourquoi le lien",mais bien plutôt du "comment se fait le lien".IntroductionLa crise <strong>des</strong> grands ensembles, et plus particulièrement la difficile gestion de leurs abords, sembleavoir révélé le caractère problématique de l’organisation du rapport entre espace public et espaceprivé, entre espace urbain et espace domestique. <strong>Les</strong> politiques de « réhabilitation », de« requalification urbaine » et plus récemment de « résidentialisation » lancées pour palier les défauts,les erreurs, les carences <strong>des</strong> conception et constructions en matière de logement, ont ainsi voulus’attacher aux notions de seuil et d’<strong>espaces</strong> de transition. Posant, pour certains, la question de larelation entre les différentes sphères urbaines et architecturées en termes sécuritaires, ces opérationsnouvelles d’aménagement soulignent pourtant avec acuité le caractère complexe, ambigu etconflictuel <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> entre rue et logement. La récente loi de sécurité intérieure [1] de l’ancienministre de l’intérieur, M. Nicolas Sarkozy, votée en février 2003, participe de ce même mouvementde stigmatisation <strong>des</strong> parties comm<strong>un</strong>es, et notamment <strong>des</strong> halls d’immeuble et cages d’escalier.Ce sont ainsi ces <strong>espaces</strong> entre rue et logement qui motivent cette recherche, non pas en tant qu’objeten soi, mais dans la mesure où ils mettent en scène et nous informent sur la façon dont la sociétéenvisage le rapport entre individu et collectif. Nous nous proposons ainsi de présenter ici <strong>un</strong> état <strong>des</strong><strong>lieux</strong> raisonné sur la question de ces <strong>espaces</strong> entre rue et logement, à partir d’<strong>un</strong>e lecture et d’<strong>un</strong>eanalyse de textes ayant trait de près ou de loin à ces <strong>espaces</strong>. L’appréhension de ce corpus, qui balaie<strong>un</strong> champ assez large, pluridisciplinaire, <strong>un</strong> temps relativement long, de la moitié du XIXème siècle ànos jours, et comprend aussi bien <strong>des</strong> textes issus de la production savante et technique, que <strong>des</strong>textes concernant la conception et la production architecturale, ainsi que <strong>des</strong> rapports de recherche ettravaux attachés au suivi d’opérations, de construction ou de réhabilitation, au vécu <strong>des</strong> habitants etaux mo<strong>des</strong> d’habiter, doit nous permettre de mieux cerner cet objet protéiforme et d’en ébaucher sescaractéristiques majeures. Par <strong>un</strong>e analyse critique de cette production diversifiée, il s’agit de mettreen évidence les étapes de la formation de la notion « espace intermédiaire », la construction du regardsur ces entre-deux et de mettre à jour les idéologies et théories sous-jacentes.1


<strong>Les</strong> seules questions de vocabulaire, de dénomination et de terminologie, mettent en lumière lecaractère flou, incertain et complexe de ces <strong>espaces</strong>, tant du point de vue <strong>des</strong> pratiques que <strong>des</strong>analyses qui en sont faites. L’emploi du concept d’« espace intermédiaire » est relativement récent etreste encore limité à <strong>un</strong> cadre restreint de spécialistes de la ville. Il suffit d’interroger la banque dedonnées Urbamet pour constater le faible nombre de travaux où les <strong>espaces</strong> entre rue et logementapparaissent sous cette dénomination spécifique. En ce qui concerne le Dictionnaire de l’urbanismeet de l’aménagement de Pierre Merlin et Françoise Choay, il ne présente, dans ses trois éditionssuccessives de 1988, 1996 et 2000, auc<strong>un</strong>es entrées pour « espace intermédiaire », et à « espaceouvert » les auteurs nous renvoient à « espace vert ». Ainsi, les <strong>espaces</strong> intermédiaires sont évoquésdans le cours de l’article « espace public » dans les termes suivants : « Entre l’espace public etl’espace privé proprement dits, l’architecture et l’urbanisme distinguent en outre, souvent, <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>"intermédiaires ", surtout en matière d’habitat. Ainsi, on qualifie par exemple d’espace "privatif " <strong>un</strong>espace réservé à l’usage d’<strong>un</strong> particulier, sans lui appartenir ; d’espace "collectif" ou d’espace "semipublic",<strong>un</strong> espace réservé à <strong>un</strong> usage de voisinage. [...]. Mais ces deux types de <strong>lieux</strong> necorrespondent en général pas à <strong>des</strong> notions juridiques précises. » [2] ; ce sont en somme <strong>des</strong> <strong>lieux</strong> quin’ont de réalité que par les usages qu’ils accueillent, qui ne semblent pas devoir bénéficier d’<strong>un</strong>ereconnaissance officielle, institutionnelle, étant donné leur statut juridique inexistant. Deux ouvragesrécents fournissent <strong>un</strong>e entrée à « espace intermédiaire ». Ainsi, dans Espace urbain, vocabulaire etmorphologie, la définition proposée fait explicitement référence aux qualités architecturales de cetespace de transition, puisqu’il s’agit de « l’espace aménagé de façon à répondre aux exigences durapport public-privé. Il s’agit généralement d’<strong>espaces</strong> privés visibles de l’espace public (balcons,couvertures en terrasse, etc.) ou d’<strong>espaces</strong> de distribution intérieure comme les parties comm<strong>un</strong>es <strong>des</strong>immeubles, situés entre l’espace privé de l’appartement et l’espace public. » [3]. Alors que ladéfinition proposée dans le Dictionnaire de l’habitat et du logement s’attache à <strong>un</strong>e lecture plusanthropologique et sociologique de ces <strong>lieux</strong>, « Zone "entre-deux" qui donne sens et qualités àl’espace du logement » invoquant comme grille d’analyse « l’analyse <strong>des</strong> seuils et <strong>des</strong> rituels depassage » [4] ; les <strong>espaces</strong> intermédiaires participent de ce point de vue principalement à laconstruction du chez-soi dans <strong>un</strong> rapport individuel de l’habitant à l’espace.Ainsi, la terminologie « <strong>espaces</strong> intermédiaires » n’apparaissant que de façon récente et nonsystématique, on trouve pour évoquer ces <strong>lieux</strong> de transition <strong>un</strong>e multitude de termes, de qualificatifset d’expressions qui tentent de désigner ces <strong>espaces</strong> ambigus, soulignant, tour à tour, leur statutjuridique, leur spécificité formelle ou leur qualité d’usage. <strong>Les</strong> <strong>espaces</strong> intermédiaires deviennent aufil <strong>des</strong> écrits, <strong>des</strong> articles, <strong>des</strong> rapports, <strong>des</strong> recherches, <strong>des</strong> programmes et projets d’architectes, lesparties comm<strong>un</strong>es, les <strong>espaces</strong> collectifs, les <strong>espaces</strong> extérieurs, les <strong>espaces</strong> extérieurs collectifs, les<strong>espaces</strong> libres, les <strong>espaces</strong> libres collectifs, les <strong>espaces</strong> hors logement, les dégagements, les extérieursdu logement, les <strong>espaces</strong> verts, les <strong>espaces</strong> publics de proximité, les <strong>espaces</strong> semi-privés semipublics,les <strong>espaces</strong> de transition, les articulations, les annexes du logement, l’interface villelogement,les abords du logement, le sas, ou bien encore les prolongements du logis (on reconnaîtraici le vocabulaire corbuséen). On constate toute l’ambivalence de ces expressions, dans la mesure oùleur sens est fonction du contexte historique, théorique et idéologique, dans lequel elles sontemployées, du point de vue adopté par l’auteur. De fait, ces <strong>espaces</strong> ont peu fait l’objet d’approchesspécifiques ; ils n’apparaissent ainsi bien souvent que de façon secondaire par rapport à <strong>un</strong>eproblématique plus générale. On s’y intéresse mais à l’occasion d’<strong>un</strong>e recherche plus large sur <strong>un</strong>type architectural, tels que l’immeuble à cour ou le grand ensemble, sur les questions de mode degestion d’ensembles résidentiels, la copropriété notamment, ou bien encore sur les formes <strong>des</strong>ociabilité et les relations sociales. <strong>Les</strong> données concernant les <strong>espaces</strong> intermédiaires paraissent ainsimultiples, diverses, éparpillées, fragmentées et fragmentaires. Seuls quelques travaux montrent <strong>un</strong>intérêt particulier pour ces entre-deux ; l’ouvrage RAYMOND (Henri), HAUMONT (Nicole),Habitat et pratique de l’espace. Etude <strong>des</strong> relations entre l’intérieur et l’extérieur du logement, Paris,I.S.U., 1973, a ainsi ouvert de nouvelles pistes de recherche, et les rapports produits dans le cadre del’appel d’offre de la Mission du patrimoine ethnologique, Direction de l’architecture et du patrimoine,« Entre public et privé, les rapports de cohabitation et les usages <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> comm<strong>un</strong>s dans les2


ensembles résidentiels », 2001, et notamment, MOLEY (Christian), Entre ville et logement, en quêted’<strong>espaces</strong> intermédiaires, Paris : Ecole d’architecture Paris-La Villette Ministère de laculture/D.A.P.A./Mission du patrimoine ethnologique, mai 2003, participent, plus récemment, de cemême mouvement.Des <strong>lieux</strong> (de préoccupation) récents : le XIXème siècle, <strong>un</strong>tournantLe XIXème siècle, et plus particulièrement la 2ème moitié, nous semble apparaître comme la périodeau cours de laquelle émerge la question de ces <strong>espaces</strong> à l’articulation entre rue et logement, dans lamesure où s’enchevêtrent et se conjuguent alors trois processus fondamentaux.C’est, tout d’abord, dans le contexte de densification urbaine, lié au développement industriel, ques’opère l’avènement de l’organisation et de la distribution de l’appartement moderne, mais égalementde la structuration et la spécialisation nouvelles de l’immeuble, et de l’espace urbain. Ainsi nombreuxsont les auteurs [5] qui mettent en évidence la codification architecturale et urbanistique <strong>des</strong>pratiques, qui conduit à <strong>un</strong>e distinction rigide <strong>des</strong> sphères, publique/ privée [6]. Elle s’exprime tout àla fois dans la structure et l’organisation du logement, mais on la retrouve aussi dans l’espace urbain,dans la mesure où les différents <strong>lieux</strong> de la ville eux-mêmes se spécialisent sous la forme d’<strong>un</strong>e partd’<strong>un</strong> espace de la représentation, de la mise en scène, <strong>des</strong> activités, et d’autre part, sous la forme de<strong>lieux</strong> de la vie familiale, conjugale, protégée du monde extérieur. Ainsi, cette spécialisation <strong>des</strong><strong>espaces</strong>, cette autonomisation <strong>des</strong> sphères publique/privée, participent à la transformation progressivede la relation dehors/dedans. Principes que l’on retrouve à leur paroxysme dans l’architecturemoderne à travers le concept de zoning et dans la démarche de « libération » vis à vis <strong>des</strong> contraintesd’alignement, de rapport à la rue, de parcellaire ancien, de hiérarchie, entraînant la négation <strong>des</strong>relations entre l’immeuble et son environnement, son contexte. C’est parce que la relation entreespace public et espace privé tend à se muer en indifférence, voire en affrontement, que se pose laquestion de leur articulation.Par ailleurs, la période fin XIXè-début XXè siècle est marquée par <strong>un</strong>e attention nouvelle portée surle développement et la croissance <strong>des</strong> villes, qui se traduit d’ailleurs par l’émergence d’<strong>un</strong>ediscipline, l’urbanisme. Pris entre la volonté d’accompagner l’étalement urbain et la volonté de créerex nihilo <strong>des</strong> quartiers, voire <strong>des</strong> entités autonomes, morceaux de villes, les réformateurs développent<strong>des</strong> formes urbaines inédites, lotissements, villas, cités, cités-jardins, cités ouvrières, patronales [7],Autant de formes qui posent la question du rapport à la ville et de l’insertion urbaine. S’agit-il dezones strictement résidentielles ? intégrées ou en retrait, protégées ? <strong>Les</strong> <strong>espaces</strong> entre rue etlogement, les voies secondaires, impasses et allées sont-ils conçus comme <strong>un</strong> espace protecteur ou detransition ? Quel est leur statut, privé ou public ?D’autre part et enfin, c’est au XIXè siècle que se développe l’idée de la nécessité de « loger lepeuple » [8], entraînant <strong>un</strong>e réflexion sur les formes architecturales et urbaines à donner aux couchespopulaires. Mais si l’habitat individuel a les faveurs <strong>des</strong> réformateurs, étant donné sa capacitésupposée à inculquer le goût de la propriété, du chez soi, <strong>des</strong> joies de la famille, c’est pourtantl’habitat collectif qui sera le plus développé. Fruit de décisions d’ordre économique et pragmatique,l’adoption de l’immeuble plutôt que de la maison, ne fait pas renoncer réformateurs et architectes auxprincipes moraux et hygiénistes, soit limiter le nombre de logement <strong>des</strong>servis par cage d’escalier etpaliers, aération et ensoleillement de ces « prolongements de la rue » [9], afin d’éviter contactsinterpersonnels et risques d’épidémie.Dans ce contexte, le XIXè siècle est marqué par la quête de la « bonne » forme ; recherchearchitecturale, formelle, esthétique, permettant de concilier la mise en œuvre d’<strong>un</strong>e interface entrepublic/privé avec les exigences hygiénistes. Ainsi, tout <strong>un</strong> pan <strong>des</strong> projets, réflexions et analyses atrait à la façade ; attention qui s’exprime sous l’angle juridique (décrets et lois sur percements et3


saillies), mais également sous l’angle architectural (pour exemple, en 1897, la Ville de Paris lance <strong>un</strong>concours de façade). La façade est d’ailleurs <strong>un</strong> motif architectural récurrent que l’on retrouve dansles débats contemporains. La question de la « bonne » forme <strong>des</strong> <strong>lieux</strong> du collectif suscite également<strong>un</strong> intérêt croissant ; la coursive focalise les débats, apparaissant comme le lieu de tous les dangers,moraux et politiques ; forme d’ailleurs qui fera <strong>un</strong> retour dans la production architecturale d’aprèsguerre,dans la mesure où, précisément, on l’imagine porteuse de promesses de sociabilité. Mais lacour rassemble peut-être le plus grand nombre de travaux ; elle fait en effet l’objet d’<strong>un</strong>e attentionparticulière [10] : se multiplient les règlements concernant sa taille, sa fonction, et son rôle. Al’articulation entre prescriptions hygiéniques, esthétiques et transformations parcellaires, elle joue <strong>un</strong>rôle essentiel dans les transformations architecturales et urbaines à l’œuvre [11].Le XXè siècle à l’écoute <strong>des</strong> habitants : pratiques etsymboliques <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> intermédiairesC’est dans le contexte de l’émergence de la sociologie urbaine (française) et de la critique <strong>des</strong> grandsensembles qu’<strong>un</strong>e attention nouvelle et renouvelée est portée aux <strong>espaces</strong> intermédiaires. L’Habitatpavillonnaire [12], ouvrage de référence, publié en 66, introduit <strong>un</strong>e réflexion sur le sens, le rôle, laterminologie (« espace de transition » et « espace de renvoi » ) et donc l’importance, de ces <strong>espaces</strong>entre rue et logement à partir de l’analyse du mode de vie pavillonnaire. En effet, ces entre-deux del’habitat individuel, contrairement à ceux proposés dans le grand ensemble, sont <strong>un</strong> <strong>des</strong> <strong>lieux</strong> oùprend place et s’exprime le processus d’appropriation, nécessaire à la constitution de l’habiter plutôtque de l’habitat [13].Ainsi, ce sont moins les formes architecturales, l’esthétique et les injonctions éducatives qui primentdans cette perspective, que les pratiques <strong>des</strong> habitants, la représentation qu’ils s’en font, et leursdimensions symboliques. L’échelle appréhendée et investie par la sociologie et l’anthropologie estplus grande ; on s’attache certes à <strong>des</strong> <strong>lieux</strong>, mais surtout peut-être à <strong>des</strong> dispositifs, de fermeture(clôture), de mise en scène (nains de jardin), de marquage de l’espace (paillasson). Dans l’ensemble<strong>des</strong> travaux consacrés à ce processus de construction du chez-soi et <strong>des</strong> « territoires del’intimité » [14], la porte [15] est <strong>un</strong>e figure récurrente. Elle apparaît comme l’emblème du rituel duseuil, dans la mesure où elle symbolise le mouvement dialectique de l’intérieur vers l’extérieur, avecses multiples positions, ouverte, entrouverte, fermée, cadenassée, et cette gradation ritualisée quipermet tout à la fois la séparation [16] (espace public/privé ; étranger/invité ; représentationsocial/intimité), la mise à la marge (celui, qui en chemin, n’est plus ni dans la rue, ni dans lelogement) et l’agrégation (l’étranger devient invité, acquiert <strong>un</strong> statut nouveau).Il s’agit de ce fait d’observer les rapports établis entre <strong>un</strong> individu et son espace : les <strong>espaces</strong>intermédiaires du collectif, et du grand ensemble en particulier, n’apparaissent que comme <strong>des</strong> espacedéfinis par défaut, défaut d’appropriation et d’individualisation. <strong>Les</strong> « <strong>espaces</strong> de transition »retiennent dans ce contexte l’attention <strong>des</strong> chercheurs, puis celle <strong>des</strong> architectes ; ces <strong>espaces</strong> deprolongement du logement, sous la seule autorité de l’habitant, lui permettent tout à la foisd’organiser la dialectique public/privé et de mettre en œuvre ce processus d’appropriation nécessaire,peu contrecarré par <strong>un</strong> collectif contraignant. Dans l’ouvrage Habitat et pratique de l’espace : Etude<strong>des</strong> relations entre l’intérieur et l’extérieur du logement [17], ne sont étudiés que les <strong>espaces</strong>privatifs, la fenêtre, la porte fenêtre, le balcon et la loggia ; le seul lieu collectif évoqué étant lacoursive, d’ailleurs présentée comme <strong>un</strong> « pseudo-balcon » parce que peu, voire pas, appropriable. Demême, les « <strong>espaces</strong> de renvoi », <strong>lieux</strong> du sale, du bricolage, et du désordre, sont principalementanalysés comme <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> définis par défaut dans le logement collectif ; trop peu nombreux, troppetits, mal conçus, les <strong>espaces</strong> de renvoi nécessitent de la part <strong>des</strong> habitants <strong>un</strong>e capacité d’adaptationet de détournement de l’espace donné. Le parking est ainsi <strong>un</strong> espace de renvoi symptomatique ; lieude « squat », de bricolage, il accueille <strong>un</strong> ensemble de pratiques non prévues, participant, de façoninattendue à le transformer en <strong>un</strong> terrain potentiel d’appropriation [18].4


Mais les <strong>espaces</strong> intermédiaires ne permettent pas seulement l’élaboration de la relation de l’habitantà son espace de l’habiter, ils apparaissent également comme le cadre et le support d’<strong>un</strong>e sociabilitéparticulière : les relations de voisinage. Ces entre-deux participent ainsi d’<strong>un</strong> enchaînementd’échelles, d’<strong>un</strong> continuum de supports de sociabilité entre la ville, le quartier et le logement ; ils nesemblent pas fonctionner comme <strong>un</strong>e échelle en soi, clairement définie (on ne sait jamais de quels<strong>lieux</strong> on parle), dans la mesure où l’intérêt porte plus sur les formes de sociabilité que surl’articulation formes spatiales-lien social. Ce sont ainsi notamment dans ces <strong>espaces</strong> collectifs queprennent place les relations de voisinage affinitaires, entre individus homogènes socialement [19].<strong>Les</strong> conflits, suscités bien souvent par la confrontation de populations, distantes socialement [20],dans <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> à propos <strong>des</strong>quels il s’agit précisément de trouver <strong>un</strong> consensus, n’en sont pas moinsconsidérés comme <strong>un</strong>e forme de sociabilité. Ainsi, les <strong>espaces</strong> intermédiaires sont ici considéréscomme <strong>un</strong> <strong>des</strong> <strong>lieux</strong> d’expression et de confrontation <strong>des</strong> habitus, de classes ou de groupes sociaux,pour lesquels l’enjeu est de trouver la bonne distance, entre familiarité et distance, entre négociationet conflit.Des <strong>lieux</strong> au cœur de la criseL’entrée par la question <strong>des</strong> grands ensembles fournit <strong>un</strong>e bonne partie <strong>des</strong> écrits, ayant trait, de prèsou de loin, aux <strong>espaces</strong> intermédiaires. Ces travaux, rapports de recherche, mais aussi comptes renduset préconisations de professionnels, d’organismes bailleurs, et analyses d’architectes et urbanistes,font apparaître ces entre-deux comme <strong>des</strong> <strong>lieux</strong> révélateurs de dysfonctionnements. Ainsi, biensouvent la crise <strong>des</strong> grands ensembles semble contenue et résumée dans la crise <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>intermédiaires ; en effet, les diagnostics de dysfonctionnement de cette forme urbaine et architecturalemarquée par l’empreinte du mouvement moderne font bien souvent état de ces <strong>espaces</strong> définis etprésentés par défaut, défaut de dénomination (espace public, libre ou vert, <strong>espaces</strong> semi-publics), dedélimitation (où commence l’espace public à proprement dit, l’inconsistance du processus degradation du plus public au plus privé en l’absence de rue), de propriétaire (qui est responsable,bailleur, comm<strong>un</strong>e ?), de sens, de fonction, de rôle, qui rendent difficile, voire impossible, pourcertains tout processus d’appropriation menant parfois à l’anomie. On y recense alors lesdétournements et pratiques illicites et illégales : squats de je<strong>un</strong>es dans les halls, viols collectifs outournantes dans les caves, trafics en tous genres dans les parkings. Ainsi, les nombreux travaux seproposant de remédier aux carences et défauts <strong>des</strong> grands ensembles passent par <strong>des</strong> interventions surces <strong>espaces</strong> en pieds d’immeubles ; de la même façon, les différents volets de réhabilitation lancés parles politiques publiques se sont progressivement déplacés d’interventions sur le bâti, lesappartements, vers les <strong>espaces</strong> comm<strong>un</strong>s, collectifs, extérieurs. [21]Mais c’est bien souvent la question de la gestion et de l’entretien de ces parties comm<strong>un</strong>es qui poseproblème pour les bailleurs sociaux et les copropriétés en difficulté ; dans <strong>un</strong> contexte où l’argentmanque, il s’avère d’autant plus difficile de trouver les fonds nécessaires pour <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>, <strong>des</strong> <strong>lieux</strong>où l’autre est vécu comme <strong>un</strong>e contrainte, comme <strong>un</strong> frein à l’expression de ses pratiques et modèlesculturels. <strong>Les</strong> <strong>espaces</strong> intermédiaires tendent à devenir <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> de renvoi, où prend place tout ceque l’on rejette de la sphère privée, ordures comme activités impropres et inappropriées, et àapparaître comme le symptôme d’<strong>un</strong>e dégradation sociale et formelle.Dans ce contexte, le hall d’entrée focalise l’attention ; il est le lieu par excellence <strong>des</strong> pratiquesréprouvées, jugées déviantes et problématiques. Pourtant, ils font l’objet, de la part <strong>des</strong> bailleurssociaux tout particulièrement, d’attentions multiples depuis plusieurs années. Ainsi, selon lespratiques, l’intervention sur les halls d’entrées, <strong>des</strong> tours et <strong>des</strong> barres, participe d’<strong>un</strong> travail plusimportant sur <strong>un</strong> ensemble résidentiel, ou bien la réhabilitation de la tour, de la barre, consisteprécisément et <strong>un</strong>iquement dans la réhabilitation du hall. <strong>Les</strong> préconisations et réalisations rentrentdans les moindres détails : matériaux de revêtement, éclairage, système de sécurisation, décor (miroir,plantes vertes, place <strong>des</strong> boites aux lettres...). Rien n’est laissé au hasard dans cette entreprise (danslaquelle les architectes ne sont pas en reste [22]) de sécurisation et de réhabilitation formelle et5


sociale [23], dans la mesure où le hall fait figure de vitrine de l’ensemble résidentiel et de seshabitants.Entre-deux stratégiques donc, à l’articulation entre le privé et le public, les <strong>espaces</strong> intermédiairesapparaissent tout à la fois comme <strong>lieux</strong> de contrôles et <strong>lieux</strong> contrôlés. En effet, ces <strong>lieux</strong> pas encoretotalement du domaine de l’intimité tout en touchant à la vie privée permettent <strong>un</strong>e intrusion dugroupe, de la société, du politique dans la vie privée de l’habitant, par l’imposition notamment dumodèle panoptique [24]. Ainsi, les <strong>espaces</strong> comm<strong>un</strong>s du logement collectif sont vus, pour certainsauteurs travaillant sur le XIXè, comme <strong>un</strong> <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> d’expression de la contrainte et del’encadrement qui pèse sur les ouvriers, comme <strong>un</strong> <strong>des</strong> <strong>lieux</strong> d’imposition du modèle bourgeois « dubon habiter » . Cependant le développement récent de la domotique montre que les techniques <strong>des</strong>urveillance par caméras et chaîne de télévision interne servent tout autant à repérer les intrus, àinformer le bailleur <strong>des</strong> dysfonctionnements, qu’à entretenir <strong>un</strong>e auto-surveillance entre habitants,frôlant parfois le voyeurisme [25].Et c’est peut-être le personnage de la concierge, qui se transforme progressivement dans le courant duXXè siècle en gardien d’immeuble, qui symbolise ce rôle ambigu : la concierge dont le rôle est enmême temps de contrôler les allers et venues <strong>des</strong> étrangers, de repérer les intrusions sur son territoire,mais également de surveiller les bonnes mœurs de ses habitants, et de faire respecter le règlementintérieur. Aujourd’hui cette double facette perdure, le gardien d’immeuble, installé dans <strong>un</strong> local ou<strong>un</strong> logement stratégiquement positionné, est l’interface entre bailleur et habitants ; <strong>un</strong>e grande partiede ses fonctions a ainsi trait à la vie de l’ensemble résidentiel, à son fonctionnement interne, mêmes’il reste <strong>un</strong> <strong>des</strong> acteurs de la sécurité du groupe résidentiel, puisque les bailleurs semblent revenir surle principe du tout électronique [26].C’est dans ce contexte de dégradations et de quête de dispositifs sécuritaires, que le procédé dit derésidentialisation émerge. Opération qui touche précisément à la question de ces <strong>espaces</strong>intermédiaires, dans <strong>un</strong> souci, pour les tenants, de contribuer à l’élaboration d’<strong>un</strong> collectif résidentielidentifié à <strong>un</strong> territoire bien délimité, constitué notamment par <strong>un</strong> ensemble d’<strong>espaces</strong> intermédiairesbien définis (certains tentent de définir le « bon gabarit résidentiel » [27]). Il s’agit, d’offrir, outre <strong>un</strong>ecritique de l’architecture moderne, <strong>des</strong> réponses pragmatiques et opérationnelles. <strong>Les</strong> partisansdistinguent de ce fait la résidentialisation de la simple fermeture. L’ambition affichée est plusgrande [28] : restructurer et hiérarchiser l’espace, redonner repères et orientation ; mais aussi veiller àclarifier les systèmes d’entrée, de l’adressage, travailler à mettre en relation espace résidentiel etespace public, en réintroduisant la rue. <strong>Les</strong> opposants dénoncent, quant à eux, ce qu’ils estiment être<strong>un</strong>e entreprise strictement sécuritaire vouée à restreindre, par les formes, par l’installation de clôtures,et de systèmes toujours plus complexes de co<strong>des</strong>, digico<strong>des</strong>, interphones, les potentiels de sociabilitéque recèlent <strong>un</strong> certain nombre de formes urbaines, d’<strong>espaces</strong> en creux, qui laissent place àl’imagination, aux pratiques non prévues, <strong>espaces</strong> de possibles ; avec la crainte que cette logiquesécuritaire poussée à l’extrême n’aboutisse au développement de « gated comm<strong>un</strong>ities » à lafrançaise.Des <strong>lieux</strong> d’expérimentationCes <strong>lieux</strong>, au caractère flou, aux contours mal définis, au statut incertain, laissent libre cours, dès leXIXè siècle aux expérimentations et aux tentatives en tous genres. Expérimentations mises en œuvretout particulièrement dans le cadre de la production publique, reflétant et traduisant l’image de la villepromue, de la vie sociale souhaitée, <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de cohabitation envisagées. C’est donc bien lathématique du « vivre ensemble » qui parcourt XIXè XXè siècle : quels <strong>espaces</strong> comm<strong>un</strong>s, sinoncollectifs, pour quelle(s) relation(s) entre l’individu et le collectif d’habitants, le collectif résidentiel ?Quelle forme doit prendre cette relation : le collectif au service de l’individu ? l’individu valorisé visà vis du collectif ? <strong>un</strong> collectif comm<strong>un</strong>autaire ?6


Ainsi, pour certains, utopistes, réformateurs et architectes « progressistes » [29], l’enjeu est bien deproposer aux individus-habitants <strong>un</strong> modèle de société à petite échelle (Fourier), <strong>un</strong> ensemblerésidentiel autonome et autosuffisant (Godin, Le Corbusier), dans lesquels l’association collective estmise au service de l’individu. <strong>Les</strong> <strong>espaces</strong> comm<strong>un</strong>s et « prolongements du logis » y relèvent <strong>des</strong>fonctions de circulation, de service et de commerce, et non de support comm<strong>un</strong>autaire ; lespropositions et innovations proposées tirent, dans cette perspective, leur référence de la villetraditionnelle, on parle de cours, galeries et balcons chez Godin [30] et de rue intérieure chez LeCorbusier, qui développe davantage encore la dimension individualisée de l’espace. En effet, il insistedans son projet d’immeuble-villas (puis d’<strong>un</strong>ité d’habitation) sur le caractère autonome <strong>des</strong> villasconstitutives de l’immeuble, par le biais notamment <strong>des</strong> jardins strictement privatifs. [31]<strong>Les</strong> années 70, marquées par <strong>un</strong> double mouvement de critique <strong>des</strong> grands ensembles et derenouvellement de la conception et de la production architecturale, voient se développer <strong>un</strong>e réflexionsur les formes susceptibles d’accueillir et de produire <strong>des</strong> pratiques et <strong>des</strong> formes nouvelles <strong>des</strong>ociabilité. Pris entre les deman<strong>des</strong> d’habitants, rapportées dans les travaux de sociologues, en matièred’appropriation et d’individualisation de l’espace, et le souhait de voir s’ancrer <strong>des</strong> relations socialesdéveloppées, riches, nombreuses, les architectes tentent d’offrir <strong>des</strong> formes architecturales eturbaines, qui rendraient possible ces attentes contradictoires. Ainsi, les concours d’architecture lancésalors, fruits d’<strong>un</strong>e démarche politique volontariste, tels que Modèles Innovation, PAN puisEUROPAN, ont le souci de produire de « l’habitat intermédiaire », afin de sortir <strong>des</strong> travers du grandensemble répétitif, monotone, et d’introduire les qualités de l’habitat individuel dans l’habitatcollectif. <strong>Les</strong> <strong>espaces</strong> intermédiaires proposés sont, dans ces projets, soit <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> privatifsextérieurs, de transition, du type loggias, balcons, et terrasses (comme dans le projet « Maisons-Gradins-Jardins », d’Andrault et Parat (1973) qui offre « <strong>des</strong> <strong>espaces</strong> extérieurs privatifs représentant25 à 30% de la surface du logement » [32]) ; soit <strong>des</strong> propositions d’<strong>espaces</strong> et de <strong>lieux</strong> perçuscomme porteurs de sociabilités. Il en est ainsi <strong>des</strong> réalisations en ville nouvelle et <strong>des</strong> expériencesd’habitat auto-géré, dans lesquelles les projets architecturaux mis en œuvre multiplient lescirculations, les <strong>lieux</strong> de rencontre afin d’offrir <strong>un</strong> cadre aux relations de sociabilité du collectifhabitant, si ce n’est de les susciter. « <strong>Les</strong> plans-masse autogérés ont la caractéristique d’être largement<strong>des</strong>servis par <strong>des</strong> coursives, <strong>des</strong> passages couverts, <strong>des</strong> halls qui multiplient <strong>des</strong> possibilités derelation entre les habitants. Il y a toujours plusieurs façons d’aller d’<strong>un</strong> point à <strong>un</strong> autre. S’ajoutent àcela les locaux et <strong>espaces</strong> comm<strong>un</strong>s. Au centre de gravité ou à l’entrée du groupement se trouve <strong>un</strong>grand local capable d’abriter les gran<strong>des</strong> ré<strong>un</strong>ions et les festivités. » [33]Autant de recherches formelles, annoncées comme innovantes et expérimentales (REX), qui passentpar <strong>un</strong>e relecture et <strong>un</strong>e réinterprétation de figures de la ville ancienne, et sont mises en œuvre dans lecadre du logement social tout particulièrement. Ainsi, dans l’opération de rénovation du quartierSaint-Denis Basilique, si la référence formelle affichée est celle de l’îlot, il semble que les architectesresponsables <strong>des</strong> différents quartiers n’ont eu pour objectif que de détourner la référence à l’îlottraditionnel ; on y observe en effet l’inversion du rapport public/privé, par <strong>un</strong>e multiplication <strong>des</strong>ouvertures et <strong>des</strong> percements, dans le but de convier le public jusqu’à l’intérieur de l’îlot, et dedonner lieu à <strong>un</strong>e mixité entre habitants et citadins valorisée. Pourtant, "De son propre aveu, B. Paur<strong>des</strong>comptait plus de convivialité et moins de repli sur soi, bien que le référent du pavillonnaire ait joué<strong>un</strong> rôle ambigu dès sa réalisation. [...]l’objet de son regret c’est en fait cette perméabilité, cette fusiondu bâtiment et de la ville à laquelle résiste les habitants" [34].Ainsi, on l’aura compris ces <strong>espaces</strong> entre rue et logement se révèlent être <strong>des</strong> <strong>lieux</strong> denses etcomplexes, convoquant ensemble différentes échelles, spatiales et temporelles, différents acteurs,différentes disciplines, et se situant au croisement de plusieurs logiques. Ils relèvent du domaine del’habitat, mais pas seulement ; ils participent du quotidien tout en y échappant ; ils rendent possiblel’expression de la familiarité et de la solennité ; ils opèrent le passage entre l’intime, le domestique etle politique ; ils accueillent l’individu tout comme le collectif. Ces <strong>espaces</strong> apparaissent donc comme<strong>des</strong> <strong>lieux</strong> de l’habiter, plutôt que de l’habitat, et nécessitent d’être appréhendés, nous semble-t-il,comme <strong>des</strong> objets particuliers ; ce qui ne sous entend nullement qu’on puisse les considérer comme7


<strong>des</strong> objets autonomes et indépendants. Bien au contraire, nous avançons que la spécificité <strong>des</strong> <strong>espaces</strong>intermédiaires tient dans cette conjonction singulière qui permet de penser ensemble <strong>des</strong> sphères, <strong>des</strong>échelles et <strong>des</strong> logiques, spatiales et sociales, souvent et à priori séparées. S’intéresser aux <strong>espaces</strong>intermédiaires, c’est, en effet, poser la question du lien, non pas du "pourquoi le lien", mais bienplutôt du "comment se fait le lien". Ainsi nous intéressent ici le lien entre individus, la question durapport à l’autre, <strong>des</strong> liens sociaux, du modèle urbain et sociétal mis en oeuvre, du lien qui constituele collectif, du lien contraint, imposé, du lien choisi, électif, <strong>des</strong> <strong>lieux</strong> qui font lien, <strong>des</strong> supports dulien, et donc également de la rupture du lien, de la scission.Notes[1] Le Monde, vendredi 14 février 2003, p.8[2] MERLIN (Pierre), CHOAY (Françoise). Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. Paris :PUF, 1988, p. 274 ; 1996, p. 320-321 ; 2000, p. 335[3] GAUTHIER (Bernard). Espace urbain, vocabulaire et morphologie. Paris : Editions duPatrimoine, 2003, p.449[4] BONNIN (Philippe). Espaces intermédiaires. In SEGAUD (Marion), BRUN (Jacques), DRIANT(Jean-Claude), (dir.). Dictionnaire de l’habitat et du logement. Paris : Armand Colin, 2003, p. 148[5] LOYER (François). Paris XIXe siècle. L’Immeuble et la rue. Paris : Hazan, 1987 PANERAI(Philippe), CASTEX (Jean), DEPAULE (Jean - Charles). Formes urbaines, de l’îlot à la barre,Marseille : Editions Parenthèses, 2004[6] Relation nouvelle au regard <strong>des</strong> pratiques et mo<strong>des</strong> d’habiter décrits dans FARGE (Arlette). Vivredans la rue à Paris au XVIIIè siècle. Paris : Gallimard folio histoire, 1979[7] FREY (Jean-Pierre). Gestion de la main d’œuvre et réorganisation <strong>des</strong> pratiques de l’habiter :1870-1930. Paris : Institut de sociologie urbaine, 1982[8] FLAMAND (Jean-Paul). Loger le peuple. Paris : Editions la Découverte, 1989[9] CHEYSSON (Emile). Le confort du logement populaire. Paris : Chaix, 1905[10] La revue La construction moderne présente ainsi <strong>un</strong>e rubrique intitulée « Cours et courettes »,voir notamment le 10 février 1900, le 25 août 1900.[11] MAZZONI (Cristiana). De la ville-parc à l’immeuble à cour ouverte, Paris 1919-1939. Thèse dedoctorat sous la dir. de M. Eleb (Paris 8). Lille : Editions Septentrion, 2002[12] RAYMOND (Henri), RAYMOND (Marie - Geneviève), HAUMONT (Nicole), HAUMONT(Antoine). L’Habitat pavillonnaire. Paris : Centre de recherche d’urbanisme, 1966[13] les références majeures sont les concept d’habiter et d’appropriation développés par HenriLefebvre[14] SERFATY-GARZON (Perla). Chez soi. <strong>Les</strong> territoires de l’intimité. Paris : Armand Colin, 2003.[15] KAUFMANN (Jean-Claude) (dir.). La peur et la porte. Paris : Plan Construction-Ministère del’équipement, du logement, de l’aménagement du territoire et <strong>des</strong> transports, 1988[16] VAN GENNEP (Arnold). <strong>Les</strong> rites de passage : étude systématique <strong>des</strong> rites de la porte et duseuil, de l’hospitalité, de l’adoption, de la grossesse et de l’accouchement, de la naissance, del’enfance, de la puberté, de l’initiation, de l’ordination, du couronnement, <strong>des</strong> fiançailles et dumariage, <strong>des</strong> f<strong>un</strong>érailles, <strong>des</strong> saisons, etc. (1909). Paris, Picard, 1981[17] op. cit.8


[18] LEFRANÇOIS (Dominique). L’auto immobile. Représentations, usages et économies de lavoiture dans <strong>un</strong> grand ensemble. <strong>Les</strong> quartiers Nord d’Aulnay-sous-Bois. Mémoire de DEA, IUP,septembre 1998[19] COING (Henri). Rénovation urbaine et changement social. Paris : Editions ouvrières, 1966CHALVON-DEMERSAY (Sabine). Le triangle du XIVème, <strong>des</strong> nouveaux habitants dans <strong>un</strong> vieuxquartier de Paris. Paris : Editions MSH, 1984[20] CHAMBOREDON (Jean-Claude), LEMAIRE (Madelaine). Proximité spatiale et distancesociale. <strong>Les</strong> grands ensembles et leur peuplement. In Revue française de sociologie, 1970, n°11[21] "Détails : La réhabilitation". In Le Moniteur Architecture AMC, novembre 1990, n°16[22] Entretien avec Henri Ciriani et Henri gaudin. In AMC, n°14, décembre 1986[23] "Entrée d’immeubles. L’ouverture...", in HLM Aujourd’hui, n°20, 4ème trimestre 1990[24] « Le palais étant éclairé toute la nuit, dans toutes ses parties, les galeries de circulation, enparticulier, sont visibles de l’intérieur <strong>des</strong> logements ; nul mouvement, dans les cours du palais, nepeut se soustraire au centaines de fenêtres d’où il peut être aperçu, aussi les méfaits sont-ils rares etsans grande importance ; et si le Familistère souffre peu <strong>des</strong> faits venant <strong>des</strong> personnes du dehors, àplus forte raison sa population est-elle respectueuse de sa propre tranquillité, les sociétaires sontsévères sur les faits qui y portent atteinte. » In GODIN (Jean-Baptiste). La richesse au service dupeuple. Le familistère de Guise. Paris : Librairie de la bibliothèque démocratique, 1874, p. 68[25] DARD (Philippe), LAUMONIER (Chantal), MALLEIN (Philippe), TOUSSAINT (Jean-Yves).Réseaux de comm<strong>un</strong>ication et services résidentiels. Cahiers du CSTB, PCA, n°2869, mars 1996[26] SUDANT (Pierre), STEBE (Jean-Marc). <strong>Les</strong> gardiens d’immeubles au cœur de la ville. Figures,métamorphoses et représentations. Bruxelles : De Boeck Université, 2002[27] SECHET (Patrice). La résidentialisation dans les quartiers d’habitat social. Paris : CSTB,Laboratoire de sociologie urbaine générative, janvier 2001[28] Fédération <strong>des</strong> S.A.HLM-CDC. Résidentialisation, requalifier les <strong>espaces</strong> de proximité. Paris :UNFOHLM, 2001[29] CHOAY (Françoise). L’urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie. Paris ; Points, Essais,1965[30] GODIN (Jean-Baptiste). La richesse au service du peuple. Le familistère de Guise. Paris :Librairie de la bibliothèque démocratique, 1874[31] LE CORBUSIER. Vers <strong>un</strong>e architecture. Paris : Flammarion, 1995, (1ère édition, 1923). XXI-253 p.[32] Modèles Innovation, 1973-1974-1975, Direction de la construction, p.4[33] Collectif. Habitats autogérés. Mouvement pour l’Habitat Groupe Autogéré. Paris : Ed.Alternatives, Syros, 1983, p. 125[34] ELEB-HARLE (Nicole), VAUVRAY (Anne), VILLANOVA (Roselyne de). « Quand larénovation se pare d’îlots. Saint-Denis Basilique : <strong>espaces</strong> intermédiaires et centralité. ». Recherches,Plan Construction et Architecture, n°43, 1993, p. 55-569

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