16.01.2015 Views

Le taureau est un symbole de virilité. - Cavalier bleu

Le taureau est un symbole de virilité. - Cavalier bleu

Le taureau est un symbole de virilité. - Cavalier bleu

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

La corrida et la différence <strong>de</strong>s sexes<br />

Dans <strong>un</strong> article intitulé « <strong>Le</strong> sacrifice du <strong>taureau</strong> » (<strong>Le</strong><br />

temps <strong>de</strong> la réflexion, n° 5, 1984), l’ethnologue Julian Pitt-<br />

Rivers a proposé <strong>un</strong>e interprétation originale <strong>de</strong> la corrida<br />

en termes d’échange <strong>de</strong> valeurs sexuelles entre l’homme<br />

et l’animal. Mais en faisant circuler le masculin et le<br />

féminin entre les <strong>de</strong>ux adversaires, l’auteur évacue les<br />

<strong>de</strong>venirs au profit <strong>de</strong> la métamorphose. La différence <strong>de</strong>s<br />

sexes et l’opposition entre l’humanité et l’animalité sont<br />

conçues comme <strong>de</strong>s données immuables qu’on se<br />

contente <strong>de</strong> faire passer telles quelles entre <strong>de</strong>s acteurs<br />

eux-mêmes figés dans leur être : le torero ne peut alors<br />

que parodier la danseuse puis le macho, <strong>de</strong> même que le<br />

<strong>taureau</strong> ne peut qu’offrir les images les plus convenues<br />

d’<strong>un</strong>e <strong>virilité</strong> agressive puis d’<strong>un</strong>e féminité soumise. Non<br />

exempte d’<strong>un</strong> certain « machisme », cette fixité <strong>de</strong>s rôles<br />

sexuels interdirait aux femmes <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir t o r e r a s.<br />

« Devenir n’<strong>est</strong> jamais imiter », insiste Deleuze. Refusant le<br />

système <strong>de</strong> la mimésis, la corrida accè<strong>de</strong> à <strong>un</strong>e féminité<br />

qui subvertit l’opposition du masculin et du féminin, à<br />

<strong>un</strong>e animalité qui conjure le divorce entre raison humaine<br />

et instinct animal. Car il y a <strong>un</strong>e féminité essentielle qui<br />

jouxte l’animalité et qui <strong>est</strong> sous-jacente à la distribution<br />

<strong>de</strong>s rôles sexuels : <strong>un</strong> féminin qui, selon l’analyse <strong>de</strong><br />

Baudrillard, ne s’oppose pas au masculin mais le séduit.<br />

C’<strong>est</strong> ainsi qu’agit le torero dans l’arène. Contrairement<br />

aux anciennes tauromachies, qui confrontaient l’homme<br />

et la bête dans <strong>un</strong> duel sans merci, la corrida se contente<br />

<strong>de</strong> détourner (se-ducere en latin) la charge du <strong>taureau</strong><br />

pour la convertir en œuvre d’art. Auc<strong>un</strong> érotisme n’<strong>est</strong><br />

concevable sans cette dimension <strong>est</strong>hétique du sexe.<br />

C’<strong>est</strong> pourquoi tous les combats et tous les rites qui faisaient<br />

autrefois intervenir <strong>de</strong>s <strong>taureau</strong>x étaient totalement<br />

dépourvus d’érotisme, même quand ils faisaient <strong>de</strong> l’animal<br />

<strong>un</strong> emblème <strong>de</strong> <strong>virilité</strong>. La tauromachie s’<strong>est</strong> chargée<br />

d’érotisme quand elle <strong>est</strong> <strong>de</strong>venue corrida.<br />

78

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!