La course aux prix - Le Quotidien de l'Art
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<strong>Le</strong> quotidien <strong>de</strong> la<br />
NUMÉRO 10 / VENDREDI 21 OCTOBRE 2011 / WWW.LEQUOTIDIENDELART.COM<br />
<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>aux</strong> <strong>prix</strong><br />
Prix Meurice, Prix Talents contemporains<br />
<strong>de</strong> la Fondation François Schnei<strong>de</strong>r,<br />
Prix SAM... <strong>Le</strong>s récompenses ont pullulé ces<br />
<strong>de</strong>rnières années en France. L’automobile<br />
Club vient même THE <strong>de</strong> lancer ART DAILY un Prix Art NEWS et<br />
Automobile qui sera remis en décembre prochain<br />
à Valérie Belin. A l’occasion <strong>de</strong> la FIAC,<br />
<strong>de</strong>ux accessits seront décernés, le <strong>prix</strong> <strong>de</strong> la<br />
Fondation Ricard, ce soir, et le <strong>prix</strong> Marcel-<br />
Duchamp, initié par l’Association pour la<br />
diffusion internationale <strong>de</strong> l’art français<br />
(Adiaf), remis <strong>de</strong>main matin. Ces trophées<br />
ont été créés, respectivement en 1999 et<br />
2000, alors que la scène française était atomisée<br />
et manquait <strong>de</strong> confiance en elle. « On<br />
s’est rendu compte que ce qui a fait la force <strong>de</strong><br />
l’art anglais, c’est le Turner Prize. On a voulu<br />
nous aussi désigner <strong>de</strong>s têtes d’affiche qui tirent<br />
la charrette pour tout le mon<strong>de</strong> », confie le<br />
collectionneur Gilles Fuchs, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />
l’Adiaf. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux distinctions affichent <strong>de</strong>s<br />
profils différents, celle <strong>de</strong> Ricard consacrant <strong>de</strong> jeunes<br />
artistes émergents, et celle <strong>de</strong> Marcel-Duchamp les créateurs<br />
en milieu <strong>de</strong> carrière. Tatiana Trouvé a ainsi d’abord<br />
été lauréate du Prix Ricard en 2001, avant <strong>de</strong> recevoir six<br />
ans après le Prix Marcel-Duchamp. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux décorations<br />
sont enfin remises par <strong>de</strong>s collectionneurs, le choix étant<br />
opéré en aval par une centaine d’amateurs pour le Prix<br />
Ricard, et en amont par les membres <strong>de</strong> l’Adiaf dans le cas<br />
du Prix Marcel-Duchamp. « On pense que les collectionneurs<br />
jouent un rôle très important dans la carrière d’un artiste, ils<br />
sont très concernés et c’est normal <strong>de</strong> faire participer <strong>de</strong>s gens<br />
qui toute l’année s’engagent auprès <strong>de</strong>s créateurs », estime<br />
PAR ROXANA AZIMI<br />
Mircea Cantor nommé au <strong>prix</strong> Marcel-Duchamp. © Luc Castel pour le <strong>Quotidien</strong> <strong>de</strong> l’art<br />
Colette Barbier, directrice <strong>de</strong> la Fondation Ricard.<br />
<strong>La</strong> gran<strong>de</strong> réussite <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux opérations repose surtout<br />
sur le partenariat avec le Centre Pompidou. Dans le premier<br />
cas, la Fondation Ricard achète pour 15 000 euros<br />
une œuvre du lauréat qu’elle donne dans la foulée à Beaubourg.<br />
Dans le cas du Prix Marcel-Duchamp, le lauréat<br />
bénéficie d’un chèque <strong>de</strong> 35 000 euros et <strong>de</strong> la production<br />
d’une œuvre qui sera exposée à l’Espace 315 du Centre<br />
Pompidou l’année suivant la remise du <strong>prix</strong>.<br />
Si le lien symbolique avec l’un <strong>de</strong>s plus gran<strong>de</strong>s institutions<br />
au mon<strong>de</strong> donne une aura au <strong>prix</strong>, l’impact sur<br />
la carrière d’un artiste est surtout SUITE DU TEXTE P. 2<br />
* p.4 COUPS DE COEUR DES COLLECTIONNEURS<br />
* p.11 ANTIDOTE, L’ART EN SUPER-HÉROS<br />
* p.12 ENTRETIEN AVEC L’ARTISTE ALLEMAND GEORG BASELITZ
ACTUALITÉ<br />
SUITE DU TEXTE DE UNE affaire <strong>de</strong> timing. « <strong>Le</strong> <strong>prix</strong> est<br />
arrivé au bon moment, l’année où je suis aussi rentré à la<br />
galerie Michel Rein, confie Raphaël Zarka, bénéficiaire du<br />
Prix Ricard en 2008. Jusque-là, j’avais toujours été soutenu<br />
par <strong>de</strong>s commissaires d’expositions, mais j’étais inconnu<br />
<strong>de</strong>s collectionneurs. A la fois le <strong>prix</strong> Ricard et Michel Rein<br />
m’ont permis d’avoir une visibilité importante. » On l’aura<br />
compris, isolé, le <strong>prix</strong> n’agit pas en déclic. « 2008 était<br />
une très bonne année, avec le Prix, la Biennale <strong>de</strong> Sharjah,<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 10 / VENDREDI 21 OCTOBRE 2011<br />
Ai Weiwei censuré au<br />
Shangri-la<br />
PAGE<br />
02<br />
L’artiste chinois Ai Weiwei a beau avoir été décrété comme<br />
personnalité <strong>de</strong> l’année par ArtReview, son nom reste encore<br />
sulfureux en Chine. Deux Conversation chairs, initialement<br />
montrées à la Documenta en 2007 et que la galerie berlinoise<br />
neugerriemschnei<strong>de</strong>r avait prêtés pour l’exposition « Chambres<br />
à part » à l’hôtel Shangri-<strong>La</strong>, ont été retirées à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
l’ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Chine en France. L’hôtel parisien appartient en<br />
effet une famille chinoise basée à Hong Kong et est fréquenté<br />
par les délégations chinoises. <strong>La</strong> commissaire <strong>de</strong> l’exposition,<br />
<strong>La</strong>urence Dreyfus, avait pourtant obtenu une validation <strong>de</strong> sa<br />
liste d’artistes. « Je suis triste <strong>de</strong> voir que malgré sa libération, il<br />
continue à y avoir un statu quo dans les prises <strong>de</strong> positions chinoises<br />
envers lui », nous a-t-elle déclaré.<br />
Précision<br />
Damien Cabanes, nommé au <strong>prix</strong> Marcel-Duchamp 2011.<br />
© Luc Castel pour le <strong>Quotidien</strong> <strong>de</strong> l’art<br />
l’exposition au Palais <strong>de</strong> Tokyo, le projet Nomiya, explique<br />
l’artiste <strong>La</strong>urent Grasso. <strong>Le</strong> <strong>prix</strong> n’est efficace que lorsqu’il y<br />
a une dynamique d’ensemble. Celui qui pense qu’il a le <strong>prix</strong> et<br />
que ça change sa vie se trompe. En revanche, il faut en utiliser<br />
toute la potentialité. »<br />
Certains regrettent l’aspect compétitif qu’induisent certaines<br />
récompenses. « Dans l’exposition précédant le Prix<br />
Ricard, il y a huit-neuf artistes présents. Il y a moins le côté<br />
celui qui l’a eu, et les autres, souligne un artiste. Avec le Prix<br />
Marcel-Duchamp, la question est : et les trois autres On<br />
sait qui n’a pas eu le Prix Marcel-Duchamp. Cette logique<br />
est peut-être liée à un besoin <strong>de</strong> frissons du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’art. »<br />
Reste à voir si la prolifération <strong>de</strong> médailles ne va pas diluer<br />
et affaiblir les <strong>prix</strong> « historiques ». « Je ne pense pas,<br />
répond Gilles Fuchs. Dans le domaine littéraire, les <strong>prix</strong><br />
Femina ou Médicis n’ont rien ôté au Prix Goncourt. » Au<br />
final, la force <strong>de</strong> ces gratifications ne peut reposer que<br />
sur leur spécificité. ❚<br />
Nous annoncions hier la nomination <strong>de</strong> Philippe Delalan<strong>de</strong> comme<br />
expert en art d’Asie chez Artcurial. « Depuis septembre, je suis consultant<br />
pour Sotheby’s, tout en conseillant la maison Artcurial, et d’autres<br />
commissaires-priseurs, <strong>de</strong> Paris et <strong>de</strong> province », nous précise-t-il.<br />
<strong>Le</strong> <strong>Quotidien</strong> <strong>de</strong> l’Art<br />
--<br />
Agence <strong>de</strong> presse et d’Édition <strong>de</strong> l’art 61, rue du Faubourg Saint-Denis 75010 Paris<br />
* Contacts pregnier@lequotidien<strong>de</strong>lart.com, razimi@lequotidien<strong>de</strong>lart.com * Editeur : Agence <strong>de</strong> presse<br />
et d’édition <strong>de</strong> l’art, Sarl au capital <strong>de</strong> 10 000 euros. 2, place du Maréchal Juin, 75017 Paris. RCS Paris B<br />
533 871 331 * Princip<strong>aux</strong> actionnaires : Mayeul Caire et Nicolas Ferrand * Directeur <strong>de</strong> la<br />
publication : Mayeul Caire * Directeur <strong>de</strong> la rédaction : Philippe Régnier<br />
* Rédactrice en chef adjointe : Roxana Azimi * Marché <strong>de</strong> l’art : Alexandre Crochet<br />
* Expositions, musées, patrimoine : Sarah Hugounenq * Contributeurs : Richard <strong>Le</strong>ydier,<br />
Julie Portier, Damien Sausset * traducteur : Simon Thurston * Maquette : Isabelle Foirest,<br />
Agnés Cherbonnel * Conception graphique : Ariane Men<strong>de</strong>z * Site internet : Dévrig Viteau<br />
© ADAGP Paris 2011 pour les œuvres <strong>de</strong>s adhérents<br />
--
EN DIRECT DE LA FIAC<br />
PAGE<br />
04<br />
Coups<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 10 / VENDREDI 21 OCTOBRE 2011<br />
<strong>de</strong> coeur<br />
<strong>de</strong>s collectionneurs<br />
PAR ROXANA AZIMI<br />
Alain Servais, collectionneur belge : « J’ai acheté auprès<br />
<strong>de</strong> la New galerie (Paris) une <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> l’exposition<br />
Ryan Trecartin et Lizzie Fitch au musée d’art mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong><br />
la ville <strong>de</strong> Paris. J’ai trouvé la FIAC bien. Ce sont surtout<br />
les jeunes galeries qui ont sorti <strong>de</strong>s choses risquées. Si on<br />
<strong>de</strong>vait comparer FIAC et Frieze, la secon<strong>de</strong> est une foire<br />
d’œuvres <strong>de</strong> 2010-2012. A la FIAC, les mêmes galeries<br />
amènent plutôt <strong>de</strong>s pièces historiques. A Frieze, il y avait<br />
<strong>de</strong>s pièces récentes <strong>de</strong> Bertrand <strong>La</strong>vier. A la FIAC, chez<br />
Francesca Minini (Milan), il y avait une pièce très belle<br />
<strong>de</strong> <strong>La</strong>vier <strong>de</strong> 1990. » ❚<br />
Sandra Mulliez<br />
Sandra Mulliez: « J’ai acheté la Définition/Métho<strong>de</strong><br />
Légen<strong>de</strong> <strong>de</strong> peintures <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Rutault chez Emmanuel<br />
Perrotin. Ce sont <strong>de</strong>s petites toiles qui sont comme <strong>de</strong>s<br />
cartels vi<strong>de</strong>s qu’on installe à côté <strong>de</strong> peintures que l’on<br />
peut avoir chez soi. C’est un jeu, on est impliqué dans<br />
l’œuvre. » ❚<br />
Alain Servais (à droite)<br />
Vincent Honoré, conseiller <strong>de</strong> la David Roberts Foundation<br />
à Londres : « On s’oriente vers l’achat d’une toile<br />
<strong>de</strong> Wilhelm Sasnal chez Hauser & Wirth. Elle avait été<br />
présentée à Frieze et la galerie la réservait pour un musée.<br />
On a réfléchi et on en a rediscuté à la FIAC. » ❚<br />
Vincent Honoré (à droite)
PRIX<br />
PAGE<br />
05<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 10 / VENDREDI 21 OCTOBRE 2011<br />
Prix Marcel-Duchamp : suspense !<br />
PAR PHILIPPE RÉGNIER<br />
Samuel Rousseau, nommé au <strong>prix</strong> Marcel-Duchamp 2011.<br />
© Luc Castel pour le <strong>Quotidien</strong> <strong>de</strong> l’art<br />
Crée en 2000 à l’initiative <strong>de</strong> l’Association pour<br />
la diffusion internationale <strong>de</strong> l’art français (ADIAF), le<br />
<strong>prix</strong> Marcel-Duchamp sera décerné samedi à 11h à l’un<br />
<strong>de</strong>s quatre nommés pour cette édition 2011 : Damien<br />
Cabanes, Mircea Cantor, Guillaume <strong>Le</strong>blon et Samuel<br />
Rousseau. Tous ces artistes bénéficient d’un « stand » à<br />
la FIAC, espaces dans lesquels s’exprime toute la diversité<br />
<strong>de</strong> leur démarche. En entrant dans l’exposition, le visiteur<br />
découvre en premier lieu les œuvres <strong>de</strong> Mircea Cantor.<br />
L’artiste, qui bénéficie en ce moment d’une exposition<br />
au Credac à Ivry-sur-Seine, a conçu un projet spécifique<br />
réunissant en particulier un ensemble d’hameçons dorés<br />
fixés à <strong>de</strong>s avions réalisés à partir <strong>de</strong> canettes <strong>de</strong> boissons.<br />
« Souvent, les œuvres <strong>de</strong> Mircea Cantor laissent à l’esprit la<br />
rémanence d’une grâce : on y est en suspension, au seuil d’un<br />
espace ouvert, sensible, infini, doucement incertain, et dans<br />
lequel le réel et les imaginaires se cherchent », écrit à son<br />
propos François Quintin. Dans son espace, Guillaume<br />
<strong>Le</strong>blon présente <strong>de</strong>ux blocs <strong>de</strong> béton énigmatiques, monolithes<br />
contemporains. Samuel Rousseau propose une<br />
pièce intrigante en hommage à l’architecture <strong>de</strong> New<br />
Guillaume <strong>Le</strong>blon, nommé au <strong>prix</strong> Marcel-Duchamp 2011.<br />
© Luc Castel pour le <strong>Quotidien</strong> <strong>de</strong> l’art<br />
York. Enfin, Damien Cabanes offre au visiteur un face à<br />
face intrigant avec ses personnages <strong>de</strong> céramique. <strong>Le</strong> lauréat<br />
sera choisi par un jury composé <strong>de</strong> Carolyn Christov<br />
Bakargiev, commissaire et critique, directrice artistique<br />
<strong>de</strong> la Document 13 <strong>de</strong> Cassel (2012) ; Rosa <strong>de</strong> <strong>La</strong> Cruz,<br />
collectionneuse américaine ;Gilles Fuchs , prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />
l’Adiaf, collectionneur ; Zoe Gray, commissaire au Witte<br />
<strong>de</strong> With <strong>de</strong> Rotterdam ; Jacqueline Matisse-Monnier,<br />
artiste ; Alfred Pacquement, directeur du musée national<br />
d’art mo<strong>de</strong>rne, Centre Pompidou et Olympio da Veiga<br />
Pereira, collectionneur brésilien. ❚
FOIRE OFF<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 10 / VENDREDI 21 OCTOBRE 2011<br />
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06<br />
Chic s’ouvre à la photographie<br />
PAR DAMIEN SAUSSET<br />
Pour sa <strong>de</strong>uxième édition dans la Cité <strong>de</strong> la Mo<strong>de</strong><br />
et du Design, Chic Art Fair gagne en cohérence et en<br />
diversité. L’une <strong>de</strong>s particularités <strong>de</strong> cette foire repose<br />
sur un secteur <strong>de</strong>sign assez pointu. Ce sont donc près<br />
<strong>de</strong> 14 galeries qui sont présentes dont INDEXoFdESIGN<br />
(Versailles), avec les réalisations <strong>de</strong> Luce Couillet ou Jean<br />
Couvreur. Tout aussi novatrices, les galeries Revillon<br />
d’Apreval Design (Paris), Coming Soon Galerie (Paris),<br />
DMA (Rennes), permettent <strong>de</strong> découvrir <strong>de</strong>s objets ou<br />
<strong>de</strong>s œuvres réalisées pour la plupart en petites séries.<br />
Un autre secteur mérite également l’attention : celui<br />
<strong>de</strong>s multiples et <strong>de</strong>s éditions. Plusieurs stands offrent<br />
l’occasion d’acheter <strong>de</strong>s pièces à faibles <strong>prix</strong> (Couleurs<br />
Contemporaine, Up To Art). Cécile Griesmar, directrice<br />
générale, a tenu également à inclure la photographie :<br />
« la nouveauté <strong>de</strong> cette année est la création d’une section<br />
photographie assez importante avec 17 galeries spécialisées<br />
dans ce domaine. » Outre la galerie Hautefeuille (Paris),<br />
la galerie Madé (Paris) ou Anzenberger Gallery (Vienne),<br />
plutôt tournées vers les jeunes artistes, il convient <strong>de</strong><br />
découvrir les œuvres historiques rassemblées par <strong>Le</strong>s<br />
Douches (Paris) et notamment les rares images du défunt<br />
Bruce Wrighton. <strong>Le</strong>s stands <strong>de</strong> la foire présentent<br />
<strong>de</strong>s vidéos, <strong>de</strong>ssins, installations, avec une attention<br />
Vue <strong>de</strong> la foire Chic Art FAIR, Paris<br />
particulière <strong>aux</strong> artistes émergents. <strong>Le</strong>s collectionneurs<br />
y trouveront <strong>de</strong>s tarifs attractifs (à partir <strong>de</strong> quelques<br />
centaines d’euros). ❚<br />
CHIC ART FAIR, CITÉ DE LA MODE ET DU DESIGN,<br />
34 quai d’Austerlitz, www.chic-today.com, jusqu’au 24 octobre.
FOIRE OFF<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 10 / VENDREDI 21 OCTOBRE 2011<br />
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08<br />
Show Off, la foire <strong>de</strong>s solo show<br />
PAR DAMIEN SAUSSET<br />
Divisé en <strong>de</strong>ux espaces, <strong>de</strong>ux tentes (1 800 m 2 ) réparties<br />
<strong>de</strong> chaque côté du Pont Alexandre III, Show Off<br />
accueille pour sa 6e édition près <strong>de</strong> 24 galeries. Même si<br />
un secteur Émergence (créé en 2010) permet à six jeunes<br />
galeries <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 4 ans d’être présentes, ce sont surtout<br />
<strong>de</strong>s noms reconnus du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’art qui figurent<br />
ici. L’espace clair, aéré, assez lumineux met particulièrement<br />
en valeur les stands. Avec comme politique affichée<br />
<strong>de</strong> privilégier <strong>de</strong>s one man show, Show Off offre le visage<br />
d’une foire cohérente, qui évite le travers du patchwork<br />
et permet <strong>aux</strong> visiteurs <strong>de</strong> vraiment saisir la pertinence<br />
<strong>de</strong>s pratiques exposées. On pourra noter l’extrême disparité<br />
entre les artistes invités, certains inscrits dans une<br />
post-mo<strong>de</strong>rnité toujours à la mo<strong>de</strong>, alors que d’autres<br />
privilégient un retour à la figuration. C’est justement cet<br />
éclatement <strong>de</strong>s pratiques qui rend la visite plaisante. Dès<br />
l’entrée, le visiteur est accueilli par les œuvres politiques<br />
<strong>de</strong> Marco Veronese (<strong>Le</strong> MAC), puis par son compatriote<br />
Alex Angi et ses sculptures <strong>aux</strong> couleurs acidulées (APC<br />
Gallery). Quelques mètres plus loin se trouve l’une <strong>de</strong>s<br />
révélations <strong>de</strong> cette foire : Conrad Bakker, avec ses drôles<br />
d’objets reconstitués et sa discothèque <strong>de</strong> f<strong>aux</strong> vinyles<br />
(Analix Forever). Rowena Hughes (Room Gallery) ou<br />
Humberto Poplete-Bustamante (Galerie Polad-Hardouin)<br />
Vue <strong>de</strong> la foire Show Off.<br />
complètent l’ensemble. L’autre tente abrite quant à elle,<br />
un espace cinéma, le nouveau <strong>prix</strong> pour la jeune création<br />
«Grolsch» et plusieurs propositions <strong>de</strong> jeunes commissaires.<br />
❚<br />
SHOW OFF, PONT ALEXANDRE III, tél. 06 47 34 91 29<br />
www.showoffparis.fr, jusqu’au 23 octobre.
EXPOSITION<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 10 / VENDREDI 21 OCTOBRE 2011<br />
PAGE<br />
10<br />
<strong>Le</strong> Nord s’installe Palais d’Iéna<br />
PAR RICHARD LEYDIER<br />
Organisée par Caroline Smul<strong>de</strong>rs et Jérôme <strong>Le</strong>fèvre,<br />
« Pearls of the North » réunit les œuvres <strong>de</strong> 33 artistes du<br />
Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg). Elle permet <strong>de</strong><br />
pénétrer dans le Palais d’Iéna, chef-d’œuvre <strong>de</strong> béton édifié<br />
par Auguste Perret <strong>de</strong> 1937 à 1946, et qui, pour la raison<br />
qu’il abrite le Conseil économique, social et environnemental,<br />
ouvre rarement ses portes au public. C’est donc un réel<br />
plaisir que d’accé<strong>de</strong>r à la salle hypostyle, scandée d’élégantes<br />
colonnes tronconiques, où se tient l’exposition. Or, c’est là<br />
un espace difficile, qui offre peu <strong>de</strong> murs. <strong>Le</strong> scénographe<br />
a donc pris le parti d’élever en travers <strong>de</strong> la nef une longue<br />
cimaise, laquelle contraint malheureusement la belle harmonie<br />
voulue par Perret et confère davantage à l’ensemble<br />
l’aspect d’une foire off.<br />
Dans l’exposition, on retiendra quelques « perles ». Sur le<br />
parvis du Palais se tient l’œuvre entropique <strong>de</strong> la Luxembourgeoise<br />
Simone Decker, dont la discrétion égalerait<br />
presque la monumentalité, tant elle semble se fondre dans<br />
l’environnement architectural. C’est là l’invraisemblable<br />
amas <strong>de</strong> ce qui s’impose au premier regard comme <strong>de</strong>s<br />
fragments <strong>de</strong> béton, et se révèle au toucher être <strong>de</strong>s pains <strong>de</strong><br />
mousse polyuréthane. <strong>La</strong> Néerlandaise Ma<strong>de</strong>leine Berkhemer<br />
présente pour sa part <strong>de</strong>ux chev<strong>aux</strong> tronqués et englués<br />
dans un <strong>de</strong>nse réseau <strong>de</strong> bas nylon rouges étirés en tous<br />
Vue <strong>de</strong> l’exposition «Perles du Nord» avec <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> Lili Dujourie,<br />
Renie Spoelstra, Johan Creten et Anne Wenzel.<br />
sens. Signalons enfin l’œuvre <strong>de</strong> l’Alleman<strong>de</strong> Anne Wenzel,<br />
qui vit à Rotterdam. Sa Black Girl, fragile petite fille <strong>de</strong> céramique<br />
noire inspirée par diverses images <strong>de</strong> catastrophes<br />
naturelles et d’attentats, montre encore une fois qu’elle est<br />
une remarquable céramiste. ❚<br />
PALAIS D’IÉNA, JUSQU’AU 23 OCTOBRE, 9 Place d’Iéna, 75016, Paris,<br />
www.pearlsofthenorth.com
EXPOSITION<br />
PAGE<br />
11<br />
L’art<br />
en super-héros<br />
PAR JULIE PORTIER<br />
Vues <strong>de</strong> l’exposition Antidote 7 à la Galerie <strong>de</strong>s Galeries, Galeries <strong>La</strong>fayette,<br />
Paris, 2011. Une proposition <strong>de</strong> Jean-Marc Ballée sur une invitation<br />
<strong>de</strong> Guillaume Houzé. Au Premier plan : Peter Coffin,<br />
Untitled (Log with Mo<strong>de</strong>l of theUniverse), 2005, Porte-affiches <strong>de</strong>ssins<br />
par Jean-Marc Ballée Photos : Thibaut Voisin<br />
Pour la septième édition du cycle « Antidote » à la<br />
Galerie <strong>de</strong>s Galeries, Guillaume Houzé a invité le graphiste<br />
Jean-Marc Ballée, à qui il confie <strong>de</strong> relire la collection Ginette<br />
Moulin/ Guillaume Houzé comme une BD <strong>de</strong> superhéros.<br />
Sur <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s planches, le <strong>de</strong>ssinateur a reproduit à<br />
l’i<strong>de</strong>ntique <strong>de</strong>s aventures tirées <strong>de</strong> la revue Tales of Suspense,<br />
où les œuvres <strong>de</strong> la collection inspirent le décor et les personnages<br />
<strong>de</strong> ce joyeux remake. Tandis que le champignon<br />
atomique en vermicelles <strong>de</strong> Michel Blazy explose sans<br />
surprise, l’insertion d’autres œuvres dans les aventures <strong>de</strong><br />
Captain America relève du défi, comme le minimaliste colis<br />
FedEx en cuivre <strong>de</strong> Walead Beshty. L’histoire est un peu folle,<br />
évi<strong>de</strong>mment, et l’expérience est rafraîchissante. Elle offre<br />
un antidote à plusieurs m<strong>aux</strong>, dont l’engourdissement du<br />
commissariat d’exposition dans <strong>de</strong>s formules convenues.<br />
Car à la dystopie <strong>de</strong> bon ton chez les jeunes artistes, Jean-<br />
Marc Ballé semble préférer les formules punks <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong><br />
Lévêque et ouvrir les vannes <strong>de</strong> l’imaginaire adolescent, celui<br />
qui déclenche <strong>de</strong>s cataclysmes pour <strong>de</strong> f<strong>aux</strong>. Ce dispositif est<br />
réellement corrosif puisque l’œuvre est confrontée par sa<br />
propre représentation sur papier, et prend une dimension<br />
totalement héroïque. ❚<br />
Artistes : Pierre Ardouvin, Pierre-Olivier Arnaud, Whitney Bedford,<br />
Walead Beshty, Michel Blazy, Katinka Bock, Peter Coffin, Jeremy Deller,<br />
Clau<strong>de</strong> Lévêque, George Henry Longly, Mathieu Mercier, Marlène<br />
Mocquet, Nicolas Moulin, Anne Neukamp, Clément Rodzielski, Ugo<br />
Rondinone, Joe Scanlan, Gedi Sibony, Niels Trannois, Xavier Veilhan,<br />
Ulla Von Bran<strong>de</strong>nburg.<br />
JUSQU’AU 7 JANVIER 2012, GALERIE DES GALERIES, 1er étage<br />
Galeries <strong>La</strong>fayette Coupole / 40 boulevard Haussmann, 75009 Paris
ENTRETIEN<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 10 / VENDREDI 21 OCTOBRE 2011<br />
PAGE<br />
12<br />
«Pour moi, la sculpture relève<br />
<strong>de</strong> l’archéologie»<br />
GEORG BASELITZ, SCULPTEUR<br />
Entretien avec Georg Baselitz<br />
à l’occasion <strong>de</strong> l’exposition<br />
« Baselitz sculpteur », organisée<br />
jusqu’au 29 janvier au musée<br />
d’art mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la Ville<br />
<strong>de</strong> Paris<br />
R. A. Pourquoi n’avez-vous commencé<br />
à faire <strong>de</strong> la sculpture que<br />
vingt ans après avoir initié vos premières<br />
peintures <br />
G. B. J’ai été invité à la Biennale <strong>de</strong><br />
Venise en 1980, et comme dans ce bâtiment<br />
l’on exposait essentiellement <strong>de</strong><br />
la sculpture, j’ai pensé que je <strong>de</strong>vais en<br />
montrer une. <strong>La</strong> sculpture avait pris un<br />
chemin particulier, très minimaliste,<br />
loin <strong>de</strong> mes préoccupations. Joseph<br />
Beuys avait été invité <strong>de</strong>ux ans avant<br />
moi, et je me suis dit que je <strong>de</strong>vais proposer<br />
autre chose. Beuys était un artiste<br />
Fluxus, il cherchait la publicité, il voulait<br />
être vu par beaucoup <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>,<br />
c’était un art <strong>de</strong> la performance. Il ne<br />
faut pas déci<strong>de</strong>r qui a raison, même si je<br />
dis toujours que c’est moi qui ai raison !<br />
R. A. Quelle place occupent les sculptures dans votre<br />
œuvre <br />
G. B. Mon activité principale, c’est la peinture, et quand<br />
je fais <strong>de</strong>s sculptures, c’est une activité qui relève un peu<br />
<strong>de</strong> l’archéologie. J’utilise moins mon cerveau que mon<br />
intuition. Quand j’étais enfant, je faisais <strong>de</strong> l’archéologie,<br />
je creusais <strong>de</strong>s trous et je trouvais <strong>de</strong>s choses. Ce<br />
qu’on trouve est toujours intéressant. On ne sait pas<br />
dans quel contexte il faut le remettre. On se dit que cela a<br />
<strong>de</strong> la valeur, puis on se dit que c’est <strong>de</strong> l’art. <strong>Le</strong> processus<br />
est le même quand je fais <strong>de</strong>s sculptures. J’ai un morceau<br />
<strong>de</strong> bois que j’ai choisi. Je ne fais pas d’ornementation,<br />
<strong>de</strong> figures, j’enlève toujours quelque chose. On peut<br />
comparer cela avec le processus <strong>de</strong> creuser la terre, et,<br />
tout d’un coup, on tombe sur quelque chose. C’est un<br />
travail vers l’intérieur, d’un volume fermé auquel on a<br />
ôté <strong>de</strong>s choses, comme dans un relief. C’est un procédé<br />
un peu absur<strong>de</strong>, car normalement dans la sculpture, on<br />
construit le volume. Moi, je le détruis. C’est un procédé<br />
agressif vis-à-vis du matériau.<br />
R. A. <strong>La</strong> sculpture relève-t-elle d’un travail <strong>de</strong> mémoire<br />
<br />
G. B. L’histoire alleman<strong>de</strong> a laissé <strong>de</strong>s ruines, et encore<br />
Baselitz dans son atelier près <strong>de</strong> l’Ammersee<br />
(Bavière), travaillant sur Dunklung Nachtung<br />
Amung Ding, 2009 © Elke Baselitz<br />
maintenant, à Dres<strong>de</strong>, on cherche<br />
quelque chose dans ces ruines en se<br />
<strong>de</strong>mandant ce qui s’est passé avant<br />
1945. Cela a engendré en Allemagne<br />
un mouvement qui pense que les<br />
rares choses anciennes doivent être<br />
conservées, même s’il s’agit par<br />
exemple du Bunker du Führer. C’est<br />
une situation très particulière.<br />
R. A. Comment vous situez-vous<br />
dans l’histoire <strong>de</strong> la sculpture <br />
G. B. Jusqu’<strong>aux</strong> années 1920-1930,<br />
il y avait une continuité entre la<br />
peinture et la sculpture. Après, cela<br />
a été totalement différent avec<br />
Brancusi et Arp. Des artistes comme<br />
Kirchner, Schmidt-Rottluff n’ont<br />
pas eu <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendance en sculpture.<br />
J’avais l’intention <strong>de</strong> me retrouver<br />
à l’intérieur <strong>de</strong> cette tradition. <strong>Le</strong><br />
bois me semble un bon matériau sur<br />
lequel il n’y a rien à rajouter.<br />
R. A. Sur certaines œuvres vous<br />
rajoutez néanmoins <strong>de</strong>s tissus ou<br />
<strong>de</strong> la peinture.<br />
G. B. Certains critiques <strong>de</strong> mes sculptures disent que je<br />
suis brutal. Bien sûr, on voit les traces <strong>de</strong> la tronçonneuse.<br />
Je me suis dit que si j’habillais la sculpture <strong>de</strong><br />
tissus, je créerai une nouvelle surface, et on ne pourra<br />
plus m’accuser <strong>de</strong> brutalité. En France, quand on dit<br />
qu’un Allemand est un « Boche », ça veut dire que c’est<br />
un barbare. Ça va. Mais quand on le dit aussi en Allemagne,<br />
ça ne va plus !<br />
R. A. Imaginez-vous procé<strong>de</strong>r aussi au « Remix » <strong>de</strong><br />
vos sculptures, comme vous l’avez fait pour vos peintures<br />
en reprenant d’anciens motifs <br />
G. B. Absolument pas. Dans ma sculpture, je travaille<br />
dans une continuité, c’est un seul travail. Je n’ai jamais<br />
la sensation que ma sculpture appartienne au passé ou<br />
qu’elle ait un passé. Tout est présent. Je dois recommencer<br />
à chaque fois à zéro. Dans ma peinture en revanche,<br />
il y a beaucoup d’époques, je travaille <strong>de</strong> manière expérimentale<br />
et je fais <strong>de</strong>s grands sauts. ❚<br />
PROPOS RECUEILLIS PAR ROXANA AZIMI<br />
JUSQU’AU 29 JANVIER 2012. BASELITZ SCULPTEUR, musée d’art<br />
mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> Paris, 11 avenue du Prési<strong>de</strong>nt Wilson, 75116 Paris,<br />
tél. 01 53 67 40 00, http://mam.paris.fr
EXPOSITION<br />
Un gros poisson<br />
pour Ricard<br />
PAR PHILIPPE RÉGNIER<br />
PAGE<br />
13<br />
Vue <strong>de</strong> l’exposition «The Seabass.», photo : Marc Domage / Fondation<br />
d’entreprise Ricard<br />
Intituler une exposition « Seabass » n’est pas banal !<br />
Ce terme anglais désigne ni plus ni moins que le bar, que<br />
l’on croise plus communément dans nos assiettes que<br />
dans le circuit <strong>de</strong> l’art contemporain. Que nous réserve<br />
sous ce titre Eric Troncy, le commissaire <strong>de</strong> cette proposition<br />
pour le 13e Prix Fondation d’entreprise Ricard, qui<br />
nous a déjà habitué <strong>aux</strong> propositions décalées en prises<br />
directes avec les dérives <strong>de</strong> notre société En premier<br />
lieu <strong>de</strong> gros poissons, plus précisément dans le domaine<br />
du <strong>de</strong>sign, avec Erwan et Ronan Bouroullec qui, symboliquement,<br />
offrent <strong>de</strong>s arcs <strong>de</strong> triomphe à l’entrée et à<br />
la sortie <strong>de</strong> l’exposition. <strong>La</strong> manifestation est ainsi mise<br />
entre parenthèse par ces <strong>de</strong>ux structures dues <strong>aux</strong> <strong>de</strong>ux<br />
frères <strong>de</strong>signers qui ont planté leur « Bivouac » jusqu’à<br />
l’été prochain au Centre Pompidou-Metz. Que trouvet-on<br />
au milieu Un océan peuplé d’artistes jeunes... et<br />
moins jeunes, avec Gaétan Brunet et Antoine Espinasseau,<br />
Erwan Frotin, Corentin Grossmann, Adrien Missika<br />
et Loïc Raguénès. <strong>Le</strong>s trav<strong>aux</strong> <strong>de</strong> tous ces plasticiens sont<br />
présentés dans un accrochage au cor<strong>de</strong>au, dans un dialogue<br />
constant entre les propositions, mais ménageant<br />
aussi <strong>de</strong>s confrontations pour créer un parcours tout en<br />
intelligence. Parmi cette sélection d’artistes repérés par<br />
Eric Troncy, quel sera (ou seront) le(s) lauréat(s) choisis<br />
par un électorat constitué <strong>de</strong> collectionneurs Réponse<br />
ce soir en prémices au Bal jaune ! ❚
AUJOURD’HUI SOUS LE MARTEAU<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 10 / VENDREDI 21 OCTOBRE 2011<br />
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14<br />
Jean Pollak,<br />
un passionné <strong>de</strong> CoBra<br />
ARTCURIAL<br />
ROND-POINT DES CHAMPS-ÉLYSÉES / 20H<br />
A Paris, point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> leur aventure, formalisée<br />
dans un café en 1948, les membres du groupe CoBra (acronyme<br />
<strong>de</strong> Copenhague, Bruxelles, Amsterdam) ont toujours<br />
pu compter sur Jean Pollak pour les défendre dans sa galerie<br />
Ariel. Ce <strong>de</strong>rnier a réussi à les vendre dans le mon<strong>de</strong> entier<br />
grâce à un très actif réseau <strong>de</strong> confrères. Il est donc naturel<br />
<strong>de</strong> les retrouver au cœur <strong>de</strong> sa collection personnelle, dispersée<br />
mardi par Artcurial, dans sa quasi intégralité (89 lots) :<br />
le reflet <strong>de</strong> soixante années d’engagement. Né à Vienne en<br />
1924, Pollak a vite échangé la carrière promise <strong>de</strong> médiéviste<br />
contre la défense <strong>de</strong>s artistes <strong>de</strong> sa génération.<br />
Fondateur et tête pensante du mouvement, Asger Jorn est<br />
le roi du mouvement CoBra avec un record du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
1,5 million d’euros en mai 2002 à New York. <strong>La</strong> collection<br />
Pollak comprend entre autres <strong>Le</strong> Soleil m’emmer<strong>de</strong>, 1961<br />
(grand format à 220 000-280 000 euros) et plusieurs toiles<br />
<strong>de</strong> son comparse Karel Appel.<br />
De gran<strong>de</strong>s en petites pépites, on retrouve les noms <strong>de</strong><br />
Pierre Alechinsky, Henri Atlan, Corneille, mais aussi <strong>de</strong>s<br />
incursions intéressantes chez Serge Férat, Olivier Debré,<br />
Hans Hartung et beaucoup d’autres. Plusieurs toiles, à<br />
l’instar d’un Bram Van Vel<strong>de</strong>, semblent cependant un peu<br />
éteintes : « nous avons choisi <strong>de</strong> ne pas les nettoyer », avance le<br />
spécialiste Hugues Sébilleau. <strong>La</strong> reconnaissance internationale<br />
<strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong> ces artistes par le marché conforte les<br />
passions <strong>de</strong> Jean Pollak, qui nous confie toutefois regretter<br />
qu’en matière d’achats, « les autorités françaises aient toujours<br />
tout raté <strong>de</strong>puis 1950 ». Dans toute sa longue carrière,<br />
le marchand n’a vendu, précise-t-il, « qu’une Modification<br />
d’Appel au Centre Pompidou ». ❚ALEXANDRE CROCHET<br />
ARTCURIAL, vente le 25 octobre, à 20 h, 7, rond-point <strong>de</strong>s Champs-<br />
Elysées, 75008 Paris. Tél. : 01 42 99 20 51, www.artcurial.com. Exposition<br />
publique : tous les jours jusqu’à lundi, <strong>de</strong> 11h à 19h, mardi, <strong>de</strong> 11h à 13h.<br />
Karel Appel (1921-2006),<br />
L’Homme à l’âne, 1973, huile sur<br />
toile, 161 x 129 cm.<br />
Estimée 80 000-120 000 euros.<br />
Jacques Doucet (né en 1924),<br />
Temps <strong>de</strong> Re-création, 1948,<br />
gouache-collage sur carton, 59 x 73<br />
cm. Estimée 4 000-6 000 euros.<br />
André Marfaing (1925-1987),<br />
Composition, Juillet 1976, acrylique<br />
sur toile, 116 x 89 cm.<br />
Estimée 15 000-20 000 euros.<br />
Bengt Lindström (1925-2008),<br />
<strong>Le</strong> Roi <strong>de</strong> cœur, 1964,<br />
huile sur toile, 161 x 96 cm.<br />
Estimée 20 000-30 000 euros.<br />
LOT 8 LOT 6 LOT 12<br />
LOT 14<br />
Hors « pério<strong>de</strong><br />
CoBra », cette huile très<br />
attractive reste néanmoins<br />
fidèle à sa geste : une excellente<br />
opportunité d’achat<br />
à <strong>de</strong>s <strong>prix</strong> largement inférieurs<br />
<strong>aux</strong> datations historiques.<br />
A l’image du record<br />
du mon<strong>de</strong>, une Famille<br />
<strong>de</strong> 1952, collection Alain<br />
Delon, vendue à Paris<br />
658 836 euros en octobre<br />
2007.<br />
<strong>La</strong> vente comprend<br />
plusieurs œuvres <strong>de</strong> Doucet,<br />
dont cette gouache<br />
datée <strong>de</strong>s débuts du mouvement<br />
CoBra, montrées<br />
jusqu’en septembre <strong>de</strong>rnier<br />
dans l’exposition<br />
« Jacques Doucet, le Co-<br />
Bra français » au LAAC <strong>de</strong><br />
Dunkerque. Une forme <strong>de</strong><br />
réhabilitation qui <strong>de</strong>vrait<br />
faire monter les estimations,<br />
en particulier pour<br />
Tauromachie, une gran<strong>de</strong><br />
huile <strong>de</strong> 1953.<br />
Ecrasé par Soulages<br />
avec qui il partage une<br />
réflexion sur le noir et la<br />
lumière, Marfaing a vu,<br />
selon Hugues Sébilleau, ses<br />
<strong>prix</strong> doubler <strong>de</strong>puis « <strong>de</strong>ux<br />
à trois ans ». Jean Pollak l’a<br />
toujours défendu. Sa présence<br />
dans la vente pourrait<br />
l’ai<strong>de</strong>r à sortir enfin <strong>de</strong><br />
l’ombre.<br />
L’un <strong>de</strong>s plus grands<br />
peintres <strong>de</strong> Scandinavie au<br />
XX e siècle, Bengt Lindström<br />
se voulait indépendant<br />
et réfutait tout lien direct<br />
avec le groupe CoBra,<br />
avec qui il partage néanmoins<br />
un goût pour les<br />
couleurs pures et l’épaisseur<br />
<strong>de</strong> la matière. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
Lindström <strong>de</strong> la vente appartiennent<br />
à l’une <strong>de</strong> ses<br />
meilleures pério<strong>de</strong>s, avec<br />
ici un traitement du visage<br />
exceptionnel.
VENTES PUBLIQUES<br />
LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 10 / VENDREDI 21 OCTOBRE 2011<br />
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15<br />
<strong>Le</strong>s trésors mo<strong>de</strong>rnes<br />
d’un collectionneur portugais<br />
ALEXANDRE CROCHET<br />
C’est l’une <strong>de</strong>s heureuses surprises <strong>de</strong> cet automne,<br />
et un magnifique coup pour la maison <strong>de</strong> ventes Tajan, qui<br />
n’avait pas « sorti » <strong>de</strong> collection aussi importante <strong>de</strong>puis<br />
quelques temps. Samedi, en pleine FIAC, elle disperse l’un <strong>de</strong>s<br />
plus importants ensembles d’art portugais, celui <strong>de</strong> Jorge <strong>de</strong><br />
Brito. Pru<strong>de</strong>ntes, les estimations pourraient bien être dépassées<br />
grâce à la combinaison d’une provenance très sûre et <strong>de</strong><br />
la qualité <strong>de</strong>s œuvres.<br />
L’histoire <strong>de</strong> cette collection est d’abord celle <strong>de</strong> l’attachement<br />
d’un banquier plutôt méconnu en France, Jorge <strong>de</strong> Brito<br />
(1927-2008), à défendre en premier lieu les artistes <strong>de</strong> son<br />
pays. Très gros contributeur <strong>de</strong> la Fondation Calouste Gulbenkian<br />
(Lisbonne) et <strong>de</strong> la Fondation Arpad Szenes-Vieira da<br />
Silva (implantée dans la même capitale), Brito s’est intéressé<br />
en premier chef à sa compatriote Maria Helena Vieira da Silva.<br />
<strong>La</strong> vente comprend pas moins <strong>de</strong> dix-neuf toiles <strong>de</strong> l’artiste<br />
lusitanienne. Quatre d’entre elles avaient été laissées en dépôt<br />
<strong>de</strong>puis longtemps à la Fondation Vieira da Silva. Ses enfants les<br />
ont récupérées pour le vendre, tout en transformant d’autres<br />
dépôts en donation en faveur <strong>de</strong> l’Etat portugais. Il s’agit donc <strong>de</strong><br />
<strong>La</strong> Gran<strong>de</strong> Verrière (500 000-700 000 euros), <strong>La</strong> Ville (300 000-<br />
500 000 euros), Saint-Fargeau (800 000 à 1,2 million d’euros,<br />
clou <strong>de</strong> la vente) et Can<strong>aux</strong> en Hollan<strong>de</strong>, reproduit ci-contre<br />
(600 000-800 000 euros). Parmi les autres œuvres <strong>de</strong> Vieira da<br />
Silva, on distingue <strong>de</strong>ux petits formats dont la taille ne préjuge<br />
en rien du <strong>prix</strong>. Repas à la campagne, 1947, est une scène faussement<br />
figurative, où les personnages attablés se dissolvent dans<br />
l’émiettement <strong>de</strong>s formes propres à l’artiste (300 000-500 000<br />
euros). « Son seul équivalent, <strong>de</strong>s joueurs d’échec, se trouve au musée<br />
national d’art mo<strong>de</strong>rne à Paris », précise Julie Ralli, spécialiste<br />
<strong>de</strong> la vente. Plus accessible, Lisbonne (1940-1952), représente<br />
un personnage contemplant la cité à travers une succession <strong>de</strong><br />
fenêtres (100 000-150 000<br />
euros). Une bonne partie <strong>de</strong>s<br />
pièces ont été achetées à la<br />
galerie Jeanne-Bucher à Paris,<br />
détentrice du droit moral et<br />
première à avoir exposé cette<br />
artiste. Reste à savoir si le marché,<br />
plutôt européen, pourra<br />
absorber autant d’œuvres<br />
maîtresses d’un coup.<br />
Maria Helena Vieira Da Silva (1908-1992), Can<strong>aux</strong> en Hollan<strong>de</strong>, 1958,<br />
huile sur toile, 137 x 114 cm. Estimé 600 000-800 000 euros<br />
Jorge <strong>de</strong> Brito s’est aussi intéressé à Júlio Pomar, présent<br />
dans cette dispersion, mais aussi à <strong>de</strong>s étrangers, et non <strong>de</strong>s<br />
moindres. En témoignent plusieurs œuvres d’un excellent<br />
niveau, parfois reliées à la thématique portugaise comme<br />
Marché au Minho, 1916, <strong>de</strong> Sonia Delaunay, réalisé lors<br />
d’un long séjour dans ce pays. Elle en a réalisé une quinzaine,<br />
dont une qui a décroché le record <strong>de</strong> 4,1 millions<br />
d’euros en 2002 chez Calmes Chambre Cohen. Plus récemment,<br />
en décembre <strong>de</strong>rnier, une autre version a atteint 456<br />
550 euros chez Sotheby’s. <strong>La</strong> vacation comprend également<br />
plusieurs objets chinois anciens, un brin plus anecdotiques<br />
mais d’un goût globalement sûr. Certains lots <strong>de</strong>vraient<br />
toutefois s’arracher, telle une exceptionnelle sculpture en<br />
ja<strong>de</strong> du Khotan, Ming (XVII e siècle), estimée 500 000 à<br />
700 000 euros.<br />
Ame<strong>de</strong>o Modigliani (1884-1920),<br />
Cariati<strong>de</strong>, 1916, technique mixte<br />
sur carton, 80 x 50 cm.<br />
Estimé 200 000-300 000 euros.<br />
SVV TAJAN, vente samedi, le 22 octobre, à 19 h, Espace Tajan, 37, rue <strong>de</strong>s<br />
Mathurins, 75008 Paris. Tél. 01 53 30 30 30, www.tajan.com.