programme janv ier 2012 - Point Éphémère
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6 arts visuels<br />
arts visuels<br />
7<br />
One Piece at a Time<br />
26 jan —<br />
11 mars<br />
« Well, I left Kentucky back in’49<br />
An’ went to Detroit workin’ on a’sembly line<br />
The first year they had me puttin’ wheels on cadillacs… »<br />
Johnny Cash, One Piece at a Time, 1976<br />
Dès ses premières phrases, la chanson de Johnny Cash One<br />
Piece at a Time interprétée en 1976, nous plonge dans l’histoire<br />
d’un homme ayant quitté son Kentucky natal en 1949<br />
pour venir travailler à la chaîne et assembler des Cadillac à<br />
Detroit. Toute une vie passée à construire cette voiture<br />
de rêve qu’il ne pourra jamais s’offrir, le pousse avec l’un<br />
de ses compagnons à voler, pièce après pièce, les parties<br />
qu’il assemble. Les cachant dans la fameuse lunch-box ou<br />
« sous le manteau », ils réussiront à construire une Cadillac<br />
mais constituée de pièces disparates récupérées au fil<br />
du temps sur les différents modèles qu’ils ont montés de<br />
1953 à 1973 ainsi que le précise la chanson.<br />
One Piece at a Time s’apparente à une parabole qui réunit<br />
les contradictions même au cœur de l’idée d’assemblage ;<br />
puisqu’elle condense à la fois l’image de la production de<br />
masse des débuts de la société industrielle et celle de son<br />
opposition. L’ouvr<strong>ier</strong> ne doit plus penser son travail qu’en<br />
terme d’éléments séparés, distincts à ajuster ensemble<br />
et pourtant, conjointement, il va détourner ce système<br />
aliénant grâce à l’autre versant de l’assemblage, celui qui<br />
l’amène à produire, par l’agencement des pièces hétéroclites,<br />
une forme hybride.<br />
La notion d’assemblage telle qu’elle a parcouru l’histoire<br />
de l’art du XX e siècle jusqu’en ce début de XXI e siècle, ne<br />
peut se saisir que dans cette double lecture antagoniste.<br />
Celle de l’appropriation d’un processus de travail pensé<br />
initialement pour améliorer le rendement grâce à la machine<br />
au détriment de l’homme. Ou comment les artistes, face à<br />
la logique de production mécanique et déshumanisée − le<br />
Fordisme date de 1906 –, vont participer à cette reprise<br />
en main du pouvoir au moyen de l’assemblage comme procédure<br />
spécifique, comme méthode même. L’exposition The<br />
Art of Assemblage organisée par William C. Seitz en 1961 au<br />
Museum of Modern Art de New York fut la première occasion<br />
d’en montrer l’apport historique et théorique.<br />
Malgré cela, l’assemblage est resté dans l’ombre, éclipsé<br />
par la pensée moderniste dominante et son cloisonnement<br />
des disciplines, puis trop promptement assimilé,<br />
du fait de son hybridité, à l’expression plastique du<br />
courant dit post-moderne ; alors qu’il soulève des questionnements<br />
au cœur de l’histoire de la modernité que<br />
sont l’hétérogénéité, l’impur ou l’éphémère.<br />
Aujourd’hui, c’est à nouveau par le biais d’un intérêt venu<br />
d’Outre-Atlantique, tout particulièrement en sociologie et<br />
en anthropologie, que le mot assemblage − à comprendre<br />
donc dans son acception anglo-saxonne – est réinvesti.<br />
Ainsi, la sociologue Saskia Sassen qui l’emploie comme point<br />
d’articulation pour démonter la notion d’État-Nation face<br />
Vernissage<br />
jeu 26 jan • 18h30<br />
ouvert Tous les jours de 14h à 19h entrée libre<br />
Côme Mosta-Heirt<br />
Benjamin Sabat<strong>ier</strong><br />
Felice Varini<br />
Michel Verjux<br />
à la globalisation dans son ouvrage Territory, Authority,<br />
Rights : From Medieval to Global Assemblages 1 , en signale<br />
toute la portée actuelle. Bien qu’elle précise, elle-même,<br />
avoir choisi l’assemblage pour son sens le plus descriptif,<br />
elle en énonce les principales sources et références. Ainsi,<br />
non seulement, assemblage est le terme qui a servi à traduire<br />
en anglais structure agencement, cette expression<br />
employée par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans Mille Plateaux<br />
2 , mais Aihwa Ong et Stephen Coll<strong>ier</strong> en font aussi un<br />
usage théorique pour développer leur idée d’assemblage<br />
global 3 . De même la revue Theory, Culture and Society paru<br />
en 2006 et chapeauté par George Marcus et Renka Saka,<br />
consacre un article aux enjeux qui lui sont liés, mais encore<br />
Assemblages ( au pluriel ) est le titre d’une revue sur l’architecture<br />
et l’urbanisme 4 . Saskia Sassen, quant à elle, en a<br />
fait un outil linguistique pour interroger, entre autre, les<br />
notions de Territoire – intrinsèquement associé à celles<br />
d’Autorité et de Droits. Ce qui retient ici notre attention.<br />
Modernité et Territoire, deux axiomes que partagent<br />
en effet les quatre artistes réunis à <strong>Point</strong> <strong>Éphémère</strong>,<br />
Côme Mosta-Heirt, Benjamin Sabat<strong>ier</strong>, Felice Varini et Michel<br />
Verjux. Car l’assemblage en tant qu’outil a depuis<br />
son apparition engendré des formes fort différentes. Il<br />
peut être tout à la fois une construction physique, une<br />
prise de possession concrète, une véritable annexion de<br />
l’espace ou bien une projection mentale, une recomposition<br />
intellectuelle d’éléments en apparence séparés qui<br />
n’existe que par l’œil et l’esprit de celui qui regarde 1 .<br />
Les fragments ou éléments éparses prennent corps et<br />
sens grâce à cette réunion, cette liaison généralement<br />
fugace et temporaire ; l’assemblage, même quand il semble<br />
très construit, porte en lui sa précarité.<br />
Ainsi, la voiture de Côme Mosta-Heirt, Benjamin Sabat<strong>ier</strong>,<br />
Felice Varini et Michel Verjux fonctionne peut-être<br />
à l’« erre », mais rien n’est moins sûr. Ce qui est certain,<br />
c’est que ces quatre artistes y ont chacun apporté une<br />
pièce différente possédant son identité et qui, rassemblées<br />
le temps de cet événement, proposeraient à leur<br />
tour leur propre Cadillac.<br />
Stéphanie Jamet-Chavigny<br />
1 Saskia Sassen, Territory, Authority, Rights: From Medieval to Global<br />
Assemblages, Princeton/Oxford, Princeton University Press,<br />
2006. La traduction française n’en reprend pas le titre exactement<br />
puisque le livre est intitulé « Critique de l’Etat. Territoire, Autorité<br />
et Droits, de l’époque médiévale à nos jours », Paris, Demopolis/Le<br />
Monde Diplomatique, 2009. Lire aussi Saskia Sassen, La<br />
Globalisation, une sociologie, Paris, Gallimard, NRF-Essais, 2009.<br />
2 Gilles Deleuze, Félix Guattari, Mille Plateaux, Capitalisme et<br />
Schizophrénie 2, Paris, éd. de Minuit, 1980.<br />
3 Aihwa Ong, Stephen Coll<strong>ier</strong>, Global Assemblages : Technology,<br />
Politics, and Ethics as Anthropological Problems, Malden, MA :<br />
Blackwell eds. 2005.<br />
4 George Marcus et Renka Saka, « Assemblage », Theory, Culture and<br />
Society, vol. 23, n°s 2-3, mars-mai 2006, p. 101-109. Signalons<br />
également que « l’assemblage » est un langage informatique.<br />
5 Stéphanie Jamet-Chavigny, Françoise Levaillant, L’art de l’assemblage,<br />
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010.<br />
Benjamin Sabat<strong>ier</strong><br />
Kit IBK<br />
Collection : Néo-plasticisme postmoderne<br />
Série : OBBW 5412, 2008<br />
Dimensions : 108 × 108 cm<br />
édition à 3 exemplaires<br />
Punaises, boite en carton, manuel de montage, outils, patron, Vidéo (DVD)<br />
courtesy Galerie Jérôme de Noirmont, Paris