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PONIENTE De Chuz Gutierrez L'Espagne ne connaît pas cette ...

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Par Pascal Couffin, Clara Dubart<br />

<strong>PONIENTE</strong><br />

<strong>De</strong> <strong>Chuz</strong> <strong>Gutierrez</strong><br />

L’Espag<strong>ne</strong> <strong>ne</strong> connaît <strong>pas</strong> <strong>cette</strong> tradition de films à thématique social comme l’Angleterre. Cependant,<br />

quelques réalisateurs ont tout récemment tenté de comprendre la forme croissante de l’émigration<br />

étrangère et ses conséquences. <strong>De</strong> <strong>cette</strong> vei<strong>ne</strong>, sort Poniente de Chus Gutiérrez, un drame romantique<br />

ou transparaît u<strong>ne</strong> réalité sociale.<br />

U<strong>ne</strong> fiction sociale<br />

Dans Poniente, on suit Lucia, jeu<strong>ne</strong> institutrice de Madrid, qui retour<strong>ne</strong> sur sa terre natale avec sa fille<br />

Clara à la mort de son père. Le village de son enfance se situe sur u<strong>ne</strong> terre aride, forte en contraste, à<br />

l’extrême sud de l’Andalousie. Chus Gutiérrez au travers de Lucia montre la difficulté d’u<strong>ne</strong> femme à<br />

reprendre les affaires de son père, la culture maraîchère de la tomate, dans un milieu où les hommes<br />

domi<strong>ne</strong>nt.<br />

Sur <strong>cette</strong> terre, bordée par la mer, ce sont échoués des hommes amenés par de constantes vagues de<br />

migration. Originaire du Maroc, de l’Afrique subsaharien<strong>ne</strong>, ils composent un paysage multiethnique et<br />

trouvent travail chez les exploitants agricoles. Les relations sont houleuses entre ces hommes usés par le<br />

travail. Pas seulement. La caméra de Gutiérrez saisit la peur : peur de l’autre et de ses différences. Chez<br />

Gutiérrez, les hommes et les femmes éprouvent des difficultés à communiquer en famille, entre amis,<br />

entre maraîchers, entre travailleurs.<br />

Poniente est avant tout un film avec u<strong>ne</strong> structure dramatique et narrative : “ je n’ai <strong>pas</strong> voulu faire un<br />

documentaire. Je <strong>ne</strong> veux <strong>pas</strong> transmettre un message ; je veux avant tout faire du cinéma. C’est le côté<br />

humain qui est intéressant : l’homme et ses contradictions, ses peurs, sa fragilité, sa capacité à aimer...”<br />

La nouvelle vie de Lucia lui fera rencontrer Curro, un homme attachant sans raci<strong>ne</strong>s, qui a grandi en<br />

Suisse et qui est également à la recherche d'un endroit où il puisse se sentir chez lui. Tous les deux<br />

partagent le même sentiment de solitude face au mépris et à l’incompréhension. U<strong>ne</strong> attirance partagée<br />

les mè<strong>ne</strong>ra vers u<strong>ne</strong> histoire d’amour <strong>pas</strong>sionnée.<br />

Sur <strong>cette</strong> terre desséchée où même les tomates <strong>ne</strong> poussent que dans des cultures hors sol, Poniente<br />

décrit un monde âpre, dur. <strong>De</strong> la pellicule surgit cependant des instants fragiles, où l’on voit les bâches,<br />

qui recouvrent les serres, former u<strong>ne</strong> mer de plastique : “ les serres évoquent de gros icebergs sur la<br />

mer, et le plastique qui vole, des vagues."<br />

L’émigration<br />

Les ouvriers agricoles, qu’ils soient Marocains, Algériens… ont traversé la mer méditerranéen<strong>ne</strong> parfois<br />

au péril de leur vie. Cette région a connu différentes étapes d’immigration. D’ailleurs les habitants de<br />

<strong>cette</strong> zo<strong>ne</strong> si particulière, ont eux aussi connu l’exode. On le voit dans un extrait de film en noir et blanc<br />

: “ à Almeria, quand les gens durent émigrer vers le nord de l’Europe, ils prirent un train que l’on<br />

appelait le “ trans-miseriano ”, c’est à dire qu’ils quittaient u<strong>ne</strong> existence misérable pour u<strong>ne</strong> autre…<br />

parfois pire. Lorsque l’on reparle de ce <strong>pas</strong>sé d’émigrants, on mention<strong>ne</strong> un <strong>pas</strong>sage que l’on franchissait<br />

en bateau ; on traversait la mer Cantabrique sur des petits bateaux. L’histoire <strong>ne</strong> fait que se répéter<br />

aujourd’hui. Quand tu <strong>ne</strong> peux vraiment plus vivre là où tu es né, tu as besoin de rêver. Tu préfères<br />

vivre ce rêve que mourir là, quitte à mourir dans la tentative de réaliser ce rêve.”<br />

Parqués dans de miteux baraquements de bois, les émigrés d’origi<strong>ne</strong> marocai<strong>ne</strong>, algérien<strong>ne</strong>... survivent<br />

dans des conditions misérables. Ils se reposent sur de maigres paillasses et n’ont <strong>pas</strong> vraiment d’endroit<br />

où cuisi<strong>ne</strong>r. Chus Gutiérrez soulig<strong>ne</strong> le fait que l’histoire se répète. D’un œil exter<strong>ne</strong>, il paraît aberrant<br />

que les propriétaires terriens, et qui sont des enfants d’émigrés, en vien<strong>ne</strong>nt à exploiter leurs ouvriers<br />

agricoles. “ Si tu crois que les Espagnols issus de la seconde génération se souvien<strong>ne</strong>nt vraiment de ce<br />

que leurs parents ont vécu. Ils <strong>ne</strong> réagissent <strong>pas</strong> quand ils croisent un émigré dans la rue.”


La réalisatrice montre des scè<strong>ne</strong>s de piquets de grève, où les ouvriers réclament le paiement de leurs<br />

heures supplémentaires et des contrats, garant d’u<strong>ne</strong> relative protection. <strong>De</strong> l’autre côté, les maraîchers<br />

subissent la pression de la concurrence, des normes européen<strong>ne</strong>s à respecter. “ Je parle d’un endroit<br />

bien concret, où il règ<strong>ne</strong> u<strong>ne</strong> tension, u<strong>ne</strong> attente sociale et économique, u<strong>ne</strong> attente de croissance ; le<br />

progrès n’y est <strong>pas</strong> contrôlé. C’est un peu le Far West, u<strong>ne</strong> terre où tout se développe très rapidement. ”<br />

L’indifférence<br />

S’ajoute à ces problèmes sur <strong>cette</strong> terre de cocag<strong>ne</strong>, un racisme fort. Les relations entre les autochto<strong>ne</strong>s<br />

et les étrangers sont inamicales. Gutiérrez s’interroge sur l’indifférence des uns face à la différence de<br />

l’autre : “ l’essence même du racisme, c’est la peur, la méconnaissance de l’autre, de sa différence. ” La<br />

présence du Parti Socialiste est forte en Andalousie, il n’existe <strong>pas</strong> de dérive extrémiste. Mais elle<br />

constate des carences : " il y a un grand manque de culture et un grand vide au niveau politique. Si des<br />

mesures politiques étaient prises à l’égard de ces villages pour que l’assimilation de ces vagues<br />

d’émigration se fasse plus tranquillement, pour que l’on compren<strong>ne</strong> la culture de l’autre. Il y a un<br />

manque d’intervention politique.”<br />

Les deux personnages centraux, Curro et Lucia, essaient de fréquenter les communautés. Mais leurs<br />

différences et leur destin les en empêchent. Poniente montre que toute tentative de fraternisation,<br />

d’amitié semble vouée à l’échec. “ Le contexte <strong>ne</strong> le permet <strong>pas</strong>. Mais je <strong>ne</strong> crois <strong>pas</strong> qu’il faille assimiler<br />

<strong>cette</strong> histoire a un lieu précis. Ce qui se <strong>pas</strong>se ici, l’est aussi bien à Madrid, à Barcelo<strong>ne</strong> qu’à Nantes. Il<br />

existe des milliers de foyers où des bombes sont sur le point d’exploser. ”<br />

“ Poniente parle du <strong>pas</strong>sé de ces person<strong>ne</strong>s qui ont dû émigrer à un certain moment, et qui regrettent le<br />

fait que d’autre vont arriver. C’est u<strong>ne</strong> histoire cyclique. L’homme oublie ce qu’il a vécu.” A ce gâchis<br />

humain, s’ajoute un autre plus insidieux, mais il est écologique celui là !<br />

Repères :<br />

Chus Gutiérrez est la sœur de Blanca Li, bien connue des nantais pour ses nombreux spectacles. Après<br />

des études de cinéma aux Etats-Unis, elle a produit plusieurs courts métrages. Réalisatrice, elle a<br />

également joué dans plusieurs films et a écrit un feuilleton à succès espagnol.<br />

92 : Sublet<br />

94 : Sexo Oral<br />

96 : Alma Gitana<br />

02 : Poniente<br />

Fragil.org: http://www.fragil.org/modules/ci<strong>ne</strong>sp/page=3

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