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Enfance nue (L')

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<strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> (<strong>L'</strong>)Auteur : PIALAT MauricePays : FranceAnnée : 1969Genre : Drame psychologiqueDispositif : Collège au cinéma 2008/2009SynopsisFrançois, dix ans, né de père inconnu, a été confié à l’Assistance publique par sa mère. « Recueilli temporaire » (RT) àLens chez les Joigny, pour lesquels leur fille Josette demeure l’enfant privilégié, François accumule bêtises etméchancetés, au point qu’ils ne peuvent plus le supporter. François est alors placé à Hénin-Liétard chez les Thierry uncouple de retraités de la mine, qui se nomment eux-mêmes « Pépère » et « Mémère ». Il y trouve deux autres «recueillis temporaires », Raoul, quinze ans, et une petite fille, Valérie, et semble parfois s’intégrer à cette nouvellefamille chaleureuse et patiente ; cependant, de brusques accès d’agressivité lui font commettre de nouveaux délits. Lamort de l’aïeule, « mémère la vieille » le touche particulièrement. Peu de temps après, par jeu, il provoque un accidentde la route. Sa famille d’accueil avoue son incapacité à éduquer François qui est immédiatement placé dans un centrede rééducation. Les Thierry reçoivent une lettre du garçon qui dit se forcer à bien travailler pour espérer pouvoir revenirchez eux à Noël peut-être…GénériqueRéalisation : Maurice PialatScénario et dialogues : Maurice PialatAdaptation : Arlette LangmannImage : Claude Beausoleil (Eastmancolor)Cadreur : Oleg TourjanskySon : Henri MolineMontage : Arlette LangmannScripte : Alice LecomteAssistant réalisateur : Denis EpsteinProduction : Parc Film (Mag Bodard) ; Films du Carosse (François Truffaut) ; Renn Productions (Claude Berri) ;Parafrance Films (Samy et Jo Siritzki)Directrice de la production : Véra Belmont (Stephan Films)Distribution : Parafrance FilmsFormat : couleursDurée : 1h22Sortie en salles (Paris) : 22 janvier 1969InterprétationMichel Tarrazon / FrançoisMarie-Louise Thierry / Mme Thierry, MémèreRené Thierry / Mr Thierry, PépèreMarie Marc / Mémère la vieilleHenri Puff / RaoulLinda Guttemberg / SimoneRaoul Billerey / RobbyPierrette Deplanque / JosetteMaurice Cousseneau / LetillonClaire Thierry / tante ClaireYolande Coleau / la convoyeuse


Mise en scèneMalgré ce que semble initier le titre même du film"5", L’<strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> n’est pas un documentaire sur DES enfants, surl’enfance d’une manière générale. L’Enfant public, titre qui avait été imaginé avant celui qu’on connaît, était sans doutetrop proche de L’Enfant sauvage (François Truffaut) ou du Vieil homme et l’enfant (Claude Berri). Pourtant, dans ce caset malgré les apparences, malgré le fait qu’à l’origine ce film devait être un documentaire sur l’« Assistance publique »française, il s’agit bien là d’une fiction sur UN enfant et un seul.De la fiction et du documentaire1- L’acteur qui joue François (Michel Tarrazon) n’est pas un enfant pris en charge par l’Assistance publique. Il n’est pasun « recueilli temporaire » comme l’est son personnage dans le film. Disons-le d’emblée : Michel Tarrazon est unacteur, certes non professionnel (comme tous ceux qui sont acteurs dans le film) mais il est acteur quand même.Certains de ses compagnons de jeu en revanche (les employés de l’administration notamment – excepté le DirecteurLetillon, Maurice Cousseneau, que l’on retrouvera dans Van Gogh où il interprètera Chaponval, le chef de gare) ne sontpas acteurs. Disons qu’ils interprètent leur propre rôle à l’écran. Les Thierry par exemple, accueillent réellement desenfants dans leur foyer et ont du coup accepté de mettre leur existence au service d’un récit qui oscille sans cesse entrevérité documentaire et réalisme fictionnel. Ainsi, lorsque Mémère qui, assise sur les genoux de son "vrai" mari, racontecomment elle en est ve<strong>nue</strong> à accueillir des enfants sous son toit (00''39'55), la fiction s'enrichit d'un vécu appartenant àautant sinon plus à Marie-Louise Thierry qu’au personnage de Mémère. A la demande de Raoul, elle se confie. Uneseule prise est faite ; ce sera la bonne. La scène tient au miracle car, la femme se livre, ne peut tricher et faitl'expérience d'une scène non préparée. Idem pour Pépère lorsqu'il raconte ses histoires de guerre à François (il sortses médailles, ses photographies, etc.). Encore une fois ici, ce n’est plus Pépère, le personnage, qui s’exprime maisbien l’homme, René Thierry, qui se prête au jeu de la caméra. Les larmes qui surgissent ne pourraient être artificielles.Elles sont arrachées à un morceau de réel que le cinéma se doit de venir capter, solliciter, provoquer à défaut depouvoir l'attendre ou l'espérer. Pialat utilise ce récit personnel pour nourrir une fiction qui se doit d'accepter cesmoments de déprises, ces parenthèses documentaires.2- Aussi, les principaux écueils de la mise en scène relèvent de cette posture qui consiste à mélanger acteurs(professionnels ou non, disons ayant un peu d'expérience) et personnes issues de l'environnement filmé. Après lapremière crise de François (lorsqu'il casse la porte de sa chambre – 00''39'00), on sent les Thierry assez maladroitsavec leur texte (pour le coup écrit car nécessaire à la tension dramatique du récit)…tout comme la secrétaire del'Assistance publique qui, derrière son bureau, jette quelques regards à la caméra et récite platement quelques phrasescensées exposer la démarche administrative relative à l'adoption (00''23'50). Mais le plus souvent, l'émotion parvient às’imposer malgré tout et surgit alors un moment grâce, unique, qu'aucun scénario à la structure trop rigide n'auraitamener au récit : dans le train qui ramène les enfants au foyer, une assistante explique à une plus jeune quel est sonmétier, quelles furent ses premières années. Elle faire part de son désarroi, de sa souffrance devant autant d'injustice,devant le malheur vécu par ces jeunes enfants. Elle n’est pas actrice ; elle ne doit certainement pas savoir que Françoisn’est pas des leurs, qu’il n’est pas un vrai enfant de l’Assistance publique. Pialat aurait-il volontairement caché cela pourque la discussion entre les deux soit la plus naturelle possible ? Ainsi, la femme, généreuse, offre au récit une véritabledigression documentaire complètement déconnectée de la nécessité narrative qui accompagne le parcours de François,alors en retrait, silencieux, la tête contre la vitre du compartiment, l’esprit ailleurs. Un moment de "pur documentaire" estvenu s’inviter dans la fiction portée par le jeune François. D’autres viendront aussi : on pense évidemment à la scène dumariage à travers la posture ethnographique d’un cinéaste qui voulu aussi scruter les mœurs et coutumes socialesd’une région française (le Nord) à une certaine époque (les années 1960).« Le mal est fait »1- On l’a souvent écrit au sujet des films de Pialat mais L’<strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> en est sans doute l’exemple le plus représentatif :le récit ne s’embarrasse pas de la psychologie, des explications narratives, des effets « causes-conséquences » quiviennent généralement, comme dans tout film de fiction, affirmer une ligne dramatique indispensable au film, auparcours des personnages et du spectateur. Déjà L’<strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> fait la proposition d'une narration lacunaire, pleine detrous, d’absences, de béances, d’incompréhension quant aux actes du garçon ; car ce qui intéresse Pialat, au montageplus précisément, c’est la confrontation des séquences entre elles, l’accumulation de blocs, souvent indépendants lesuns des autres et qui vont au bout du compte faire monter la tension, saisir le spectateur dans son ressenti, saperception physiques plus qu’intellectuelles du récit. La logique narrative est sacrifiée au profit d’une conceptionpoétique. Comme l’explique Jacques Aumont, auteur d’un écrit indispensable à celles et ceux qui déciderontd’approcher de plus près ce film : « Ce qui saisit, dansL’<strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong>, c'est l'apparente incohérence des enchaînements,ceux des gestes de François et ceux des plans entre eux. Vers le début du film, un plan fixe montre François jouantavec sa « sœur » ; la caméra regarde la petite fille, de face, son chat noir sur les genoux, par-dessus l'épaule, enamorce de François.Le plan dure assez longtemps, les enfants y échangent les banalités liées au jeu (« bientôt gagné », « à toi ») jusqu'à ceque, de façon un peu imprévue, la partie se termine brusquement (par la violence de François).Le plan suivant montre François frottant furieusement, contre le mur des toilettes, la montre qu'il a volée au bureau detabac, puis essayant de la fracasser sur la cuvette des W-C, sans succès, et la jetant dans l'eau (autre plan unique,


presque fixe). Un peu plus loin, un autre raccord cut : à la fin d'un plan, la « mère », excédée, envoie François dehors («reste pas là comme un idiot, allez, débarrasse-moi le plancher »), aussitôt un second plan introduit le groupe desgamins dans la cage d'escalier, François tenant le chat (« t'es pas cap’ »), visant soigneusement, lâchant.Le second de ces raccords peut paraître vouloir démontrer quelque chose : François se vengerait sur le chat de lafroideur maladroite de la mère (et peut-être davantage : du fait qu'elle ne puisse plus être Mère). Mais le premierraccord, et généralement les brutales transitions désormais typiques du style Pialat, interdisent de lire ces consécutionscomme des conséquences, mais de la maintenir comme absente : ce n'est pas seulement que le film est lacunaire (unrécit lacunaire n'empêche pas, voir Hitchcock, les causalités d'être accentuées, soulignées, même « expressionnistes»), c'est qu'il évacue absolument tout ce qui pourrait faire diagnostic (…). »"6"2- Nous devons la formule à Jean Narboni : « le mal est fait ». Ainsi, rien n’est expliqué, aucun geste, aucun acte carnon seulement rien ne peut expliquer un tel comportement (« je crois qu’il est malade » se contentera de dire Pépère).Lorsque François jette le chat de Josette du haut des escaliers, certains pourront raccorder et invoquer la jalousie ;d’autres pourront (et ils auront certainement raison aussi) mettre ce geste ignoble sur le compte d’une blessure, d’unefracture lointaine qui leur est et leur sera toujours incon<strong>nue</strong>.« Poser la question de la cause, pour Pialat, cela veut dire d'abord éloigner les causes les plus immédiates, refuserqu'elles puissent être considérées comme efficientes. Cela concerne évidemment l’écriture du scénario, et lespersonnages devront apparaître capricieux, ou déboussolés, leurs gestes et leurs actions ne devront jamais recevoird'explication simple, jamais, surtout, on ne devra (on : nous, spectateurs), connaître à la fois ces gestes et ceuxauxquels ils peuvent répondre, ni ceux qu'ils peuvent déclencher.Cela concerne donc aussi l'économie narrative et filmique, et c'est la raison fondamentale du style abrupt. Lorsquecommence la scène, ou très souvent le plan, il n'y a aucun moyen de savoir ce qui va s'y passer, simplement parce queles causes immédiatesont été coupées, que l'on prend les choses juste après. Ce n'est même pas que Pialat montre lacause après l'effet, comme a pu le prôner Bresson, c'est qu'il ne montre pas la cause du tout, et ne la montrera jamais.Pourquoi Jean s'énerve-t-il de la sorte, tout de suite, en filmant dans les rues de la petite ville de Camargue ­[Martigues?] ? Pourquoi François s'excite-t-il ainsi, à casser dans les cabinets la montre volée ? Il a dû se passer quelque chose,la tension a dû monter, mais on arrive quand déjà la moutarde est dans la mayonnaise. Comme dit Jean Narboni, « lemal est fait ». »"7"Le monde est tel qu'il est : cruel. Le mal est fait et la cause, l'explication, l'origine des actes des François, ne serontjamais élucidés et ne devront pas l'être.Ainsi, la structure de L’<strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> est le résultat d’une succession de « blocs narratifs » qui ne se répondent pasforcément les uns les autres, qui assument leur autonomie, leur fonctionnement propre et qui au final, dressent parpetites touches, par accumulation de traits plus ou moins reliés entre eux, la description, le portrait d’un être malmenéque le narration malmène aussi en découpant sèchement, parfois brutalement l’itinéraire et les actions."5". Les titres des films de Pialat peuvent en ce sens déconcerter. Nous ne vieillirons pas ensemble rompt d’emblée lapossibilité d’un enjeu narratif ; A nos amours revêt une dimension très « générale » ; Le Garçu propose un récit où lepersonnage du « garçu » n’existe quasiment pas ; déjà le court-métrage L’Amour existe prenait à contre-pied lespectateur en lui présentant bien des choses…sauf l’amour que semblait annonçait son titre ; etc., etc."6". Jacques Aumont, « Chutes – Note sur Allemagne, année zéro et L’<strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> – » in Vertigo n°3, EditionsAvancées cinématographiques et Vertigo, 1988."7". Jacques Aumont, « Les causes perdues » in Maurice Pialat, L’enfant sauvage, catalogue dirigé par Sergio &Tassone Aldo,Editions Muséo Nazionale del Cinéma, Torino ; France Cinéma, Firenze ; Admiranda, Institut de l’Image,Aix en Provence, Collection Lindau, Turin, octobre 1993, p. 120.Découpage séquentiel[Extrait à diffuser sur le Web : autorisation accordée par Véra Belmont (Stephan Films) et Sylvie Pialat].Extrait diffusé avec l’accord des « ayants droits ». Que soient remerciées Mesdames Véra Belmont (Stephan Films) etSylvie Pialat pour leur autorisation et leur soutien.Identification de la séquence : 00’’14’19 à 00’’19’23 (soit cinq minutes environ).Ne pouvant plus supporter François, les Joigny se débarrassent de François. Il ira dans une autre famille d’accueil (laseconde, chez les Thierry).La séquence analysée démarre au moment où Robby Joigny part au travail à l’aube et dépose discrètement un billet àFrançois qui fait semblant de dormir ; elle se termine au moment où Simone Joigny replie le cadeau que François lui aoffert avec l’argent de Robby.Cette séquence est construite sur la logique d’une boucle. L’argent donné par l’un (Robby, le mari) sera finalementréinvesti par François pour l’autre (Simone, la femme).En quatre temps, nous nous proposons de définir à présent les enjeux singuliers qui fondent un certain rapport aumonde et une certaine vision de la fiction propre au cinéasteLa question de la cruauté, propre à ce cinéma, présente dans chacun des films de Maurice Pialat, se dévoile dediverses manières, à différents endroits, selon divers procédés analysés dans cette séquence à travers le choix de cette


séquence.Le premier départ de François / 00’’14’19 (François au lit) à 00’’19’23 (fondu au noir).Robby Joigny donne de l’argent à François, comme cadeau de départ. François s’en sert pour acheter un foulard àMme Joigny qui l’embrasse avant son départ définitif en voiture.1- Cette séquence illustre à quel point le principe de la cruauté innerve tout le cinéma de Maurice Pialat. Ce dernier s’enétait expliqué à la sortie de Nous ne vieillirons pas ensemble (1972) : « mes personnages aimeraient qu’on les aimealors qu’ils font tout pour être détestés. » Ainsi, le François que l’on connaissait jusqu’à présent (voleur, sournois,menteur, violent), prend tout le monde à défaut (Simone Joigny mais le spectateur également) quand il décide d’utiliserl’argent de Robby pour l’achat d’un cadeau pour celle qui l’aura tant haï et qui est l’origine de son expulsion. Françoisest gentil certes, prouve qu’il a du cœur et nous attriste mais ce moment montre aussi à quel point il est cruel (le mot «pervers » serait sans doute trop fort)… tout comme peut l’être d’une certaine manière le cinéaste qui refuse l’émotion laplus confortable qui soit, la plus claire qui puisse être. On est touché par le geste de François mais gêné par la situationdans laquelle il met Simone qui, sans doute, pourra culpabiliser, se souvenir quoi qu’il en soit de ce petit garçon aucaractère ambivalent qui habita un temps les murs d’une maison qui le rejeta. A travers un seul geste finalement (ettellement peu de paroles), c’est toute la personnalité d’un être en souffrance qui apparaît lors de cette scène.« La cruauté, le mal n’est pas dans tel ou tel personnage, pas plus qu’il n’est dans tel acte plutôt que dans tel autre.C’est une cruauté à double détente et à double sens. Le cadeau d’adieu de François est sans nul doute une demanded’affection et de pardon mais surtout un geste qui met implicitement Simone en accusation quelle que soit la consciencequ’en ait l’enfant). Passé le premier moment d’émotion et de culpabilité, cette « agression » ne peut produire chez elleque ce durcissement et la volonté d’effacer jusqu’au souvenir même de François, qui se trouve ainsi doublementexpulsé. »"1"2- Une fois le cadeau offert, François monte dans une voiture et regarde fixement Simone, sans baisser le regard. Lathématique de l’abandon, si chère au cinéaste, prend ici tout son sens, toute sa force et surgit le drame de la disparitionmais aussi celui de la lâcheté et de l’impuissance des adultes à s’occuper d’un enfant « pas comme les autres ». Unsimple regard suffit à désigner ce qui fut à l’origine d’un film que Pialat aura du mal à considérer commeautobiographique tout en admettant quand même qu’il est très personnel."2"Le regard de François, derrière la vitre de la voiture, ne serait-il pas celui du jeune Maurice qui voyait partir ses parentsen fin de semaine et confronté comme lui au drame de l’abandon ?« Ce plan du visage, du regard surtout, de l’enfant derrière la vitre de la voiture, sans en avoir le statut technique, estdes rares ##gros plans## du film (et même de l’ensemble de l’œuvre de Pialat) par son insistance (durée commeredoublement du cadre dans la cadre). Tout autre cinéaste que Pialat – y compris de talent – aurait arrêté cette longue(près de vingt minutes) ouverture sur ce climax affective. La marque propre du cinéaste est dans ce qui suit, dans leprolongement implacable de la séquence vers sa véritable conclusion. »"3"3- La très belle analyse de Joël Magny nous renvoie immédiatement à la suite de la séquence. Le geste y est encoreplus parlant. Comme l’explique Joël Magny, n’importe quel cinéaste aurait arrêté la séquence du départ de François surson regard (superbe fin de première partie avant que ne s’ouvre une autre partie du récit) ; n’importe quel cinéasteaurait sans doute coupé juste après ce ##travelling## arrière pris depuis le pare-brise de la voiture. En effet quelle fin deséquence plus belle, plus dramatique que ce regard de François qui amène au point de vue subjectif ? La caméra seretrouve dans la voiture, à la place de François et une identification spectatorielle s’avère possible. Mais, et c’est là toutela singularité de cette séquence, Maurice Pialat, contre toute attente préfère revenir vers Simone. Décision inattenduecar l’affaire semblait réglée d’un point de vue strictement narratif (François est exclu ; il part ; elle lui dit au revoir ;POINT). Pialat revient vers la femme et la suit à l’intérieur de chez elle. Pourquoi revenir sur Simone alors que lemouvement de caméra qui précédait, privilégiait l’éloignement ? Il s’agit bien d’un retour qui vient comme enfoncer leclou pour désigner avec encore plus de force, la cruauté de la femme qui n’est pas parvenu à devenir une mère, dumoins pour François.4- En toute logique, l’émotion du départ n’en aurait été que plus forte si Pialat avait décidé de couper après le travellingsubjectif (comme il le fit à la fin de La Gueule ouverte – 1974 – qui propose un très long travelling depuis la plage arrièrede la voiture de Philippe et Nathalie). Sauf que Pialat refuse la logique narrative. Une déviation, une courbe, unetrajectoire biaisée est nécessaire et s’impose. Le récit et donc le spectateur sont mis bel et bien mis à l’épreuvelorsqu’au lieu de rester avec François dans la voiture ou d’embrayer sur la suite (la scène du train par exemple quiaurait pu venir plus rapidement), Pialat décide de s’attarder comme pour mieux finaliser le traitement qui est fait deSimone.Ainsi, la femme revient, plie le papier du cadeau reçu de François et débarrasse la table. Ces gestes quelconques ne lesont plus et prennent une toute autre ampleur, une toute autre signification lorsque arrive le nettoyage du bol…celui queFrançois utilisait au petit-déjeuner.Simone passe ce bol sous l’eau, le nettoie avec insistance sous l’eau, la main. Art du déplacement métonymique"3"que Pialat maîtrisait plus que tout autre cinéaste : « le ménage est fait » ; « bon débarras » ; « adieu ! ».« Simone se détourne et revient dans la cuisine : elle replie l’emballage du cadeau et nettoie le bol de François. Cettecoda n’ajoute rien à la définition des personnages ou à la connaissance de leur psychologie. Tout a déjà été dit lorsque,la veille, au coucher, Simone a confié à Robby : « J’espère que l’assistante sera là de bonne heure. » »"4"


Le geste du bol lavé, précisément, est lourd de sens et invite à l’interprétation, comme si chez Pialat, rien ne pouvait sedire, comme si le corps devait parler lui aussi. Rien n’est dit par la parole ; un simple geste de la main suffit à désigner lavision désenchantée, pessimiste, cruelle d’un monde qui ne peut, qui ne sait accepter les enfants comme François."1". Joël Magny, Maurice Pialat, Editions de l'Etoile/Cahiers du cinéma, Collection "Auteurs", Paris, 1992, p. 41."2". Cf. rubrique « Autour du film »."3". Joël Magny, Maurice Pialat, op. cit., p. 40."3". La « métonymie » serait un virement de la signification. En déplaçant le sens d’une action, on la conforte, onrehausse sa signification. Ainsi, le geste du bol que l’on lave marque avec force le statut du personnage de François quin’a de place nulle part, qui n’a l’attention de personne."4". Joël Magny, Maurice Pialat, op. cit., p. 40.Pistes de travailCinq pistes de travail sont proposées et correspondent à cinq ateliers distincts qui permettront d’aborder le film sousdifférents angles, à la fois diversifiés et complémentaires.– 1. Atelier : « quelle place, quel rôle, quel statut pour la caméra ? ».Maurice Pialat opte pour des choix de réalisation tempérés qui privilégient la fixité du cadre, les plans larges (aucungros plan ou rapproché excepté dans la voiture lorsque François quitte le foyer des Joigny) et une distance préservéede sorte que le spectateur ni soit ni complice ni témoin trop lointain du récit qu'on lui raconte. Le dispositif énonciatif sefonde donc sur la construction d'un point de vue distancié qui :- impose un placement précis de la caméra (celle-ci est « à la bonne distance », ni trop lointaine, ni trop proche etempêche par là même une trop grande implication affective du spectateur).[Exemple : à partir de 00’’35’50 : bagarre dans les toilettes de l’école]- impose également des cadres fixes – et pas ou peu de mouvement (excepté à 00''17'43 par exemple), larges, trèscomposés qui laissent toute leur liberté aux corps (la caméra s'adaptant aux mouvements des personnages et nonl'inverse, comme toujours chez Maurice Pialat).[Exemple : à partir de 00’’51’48 : scène d'intérieur, une parmi d'autres, nombreuses]- impose enfin des angles de prises de vue qui déterminent une certaine symétrie mais surtout un équilibre pour quejamais, un personnage ou un groupe de personnages ne soit privilégié plus qu'un autre.[Exemples : à partir de 00’’39’55 : discussion avec Mémère assise sur Pépère]En insistant sur ces trois points et en les illustrant d'extraits (ceux qui sont notamment proposés dans les lignesprécédentes), il s'agira d’expliquer aux élèves que le cinéaste a choisit de capter, de « présenter » plus que de «représenter » ; et de faire en sorte finalement que la caméra puisse montrer et non pas SE montrer. Les choses, lesêtres, le monde est là… pourquoi vouloir les modifier, les amplifier, les trafiquer, les édulcorer, etc. même pour lecinéma, art de la captation, qui doit s’enrichir du réel et ne pas forcément l’enrichir pour ses artifices, ses présences etdes choix de mise en scène qui le fondent ?La posture "pialatienne" consiste bel et bien à respecter le réel dans toute sa richesse et sa platitude aussi, quitte à ceque le "vide" s'empare parfois du récit…– 2. Atelier : « description sociologique ».A partir d’extraits filmiques précis, il s’agira de questionner le film dans la représentation qu’il offre de l’environnement,des environnements, dans lesquels évoluent les personnages.Ainsi, vous désignerez la pertinence du travail réalisé par le cinéaste sur :- l’ancrage géographique du récit (régional – le Nord de la France notamment ; à travers les paysages principalement –tristes, sombres et rudes ; à travers l’accent des personnages également).[Exemples : à partir de 06''00''00 et 00''12'08 pour la rudesse des lieux ; 00’’17’40 pour les paysages du Nord ; 00’’41’53pour l’accent]- l’ancrage topographique du récit (choix des lieux : terrains vagues, carrières, jardins ouvriers, rues anonymes,espaces transitoires, etc.) et la manière dont le spectateur est invité à se déplacer d’un lieu à un autre (voitures, trainsqui innervent le récit et accompagnent le parcours de François).[Exemples : à partir de 00’’48’00 et 01’’10’15]


– 5. Atelier : « vers l’oralité ».François reste plongé dans un mutisme qui rend l’analyse de son caractère et de ses comportements impossibles,indescriptibles, insaisissables. Il ne dit rien, ne répond (presque) jamais lorsqu’on lui adresse la parole et ne s’exprimepas spontanément sauf à quelques exceptions que l’on pourra déceler et de commenter en s’appuyant sur trois axesprécis :- Il s’agira tout d’abord de noter les moments où François ne répond pas quand on lui parle afin de déterminer lesraisons pour lesquelles il reste plongé dans son silence (souvent après avoir fait une bêtise, après une bagarre, enprésence du Directeur de l’« Assistance publique », dans le compartiment du train face à l’assistante ou encore face àMémère lorsqu’il revient dans un piteux état).- Il s’agira également de déterminer les moments où François parle spontanément (en présence de Raoul ou deMémère la vieille, deux personnages avec qui il entretient une grande complicité : et évidemment à la fin du film où, ilparvient, par le biais d’une lettre qu’il envoie aux Thierry, à prendre la parole – en "off", à se raconter, à exprimer sesdésirs, ses sentiments, etc.- Il s’agira enfin de déterminer les moments où François fait parler les autres (Mémère la vieille surtout et d’autresenfants avec qui il fait "les 400 coups"). Preuve qu’il peut s’intéresser aux autres, échanger.Il est vivement conseillé aux enseignants de prendre connaissance du texte de Laurence Giavarini qui s’intéresse à laplace de la parole dans le film. Texte disponible à l’adresse suivante : http://www.maurice-pialat.net/giavarini.htm et écritinitialement pour l'ouvrage Leur premier film - d'Orson Welles à Zhang Yi Mou -, éditions Aléas (Lyon, 1993) à l’occasiondu Festival du Premier Film d'Annonay 1993.Rémi Fontanel, le 15 juillet 2008OutilsPrincipaux ouvrages :&ndash; Amiel Vincent,Van Gogh de Maurice Pialat, Editions Atlande, Collection Clefs concours &ndash; Cinéma, Paris,2006.[Etude critique du film Van Gogh].&ndash; Baecque (de) Antoine (sous la direction de),Dictionnaire Pialat, Editions Léo Scheer, Paris, 2008.[Approche critique en diverses entrées couvrant la vie et l'oeuvre du cinéaste].&ndash; Fontanel Rémi,Formes de l'insaisissable &ndash; le cinéma de Maurice Pialat, Editions Aléas, Lyon, 2004.[Essai critique sur l'ensemble de l'oeuvre du cinéaste].&ndash; Jardonnet Evelyne, Poétique de la singularité au cinéma. Une lecture croisée de Jacques Rivette et MauricePialat, Editions <strong>L'</strong>Harmattan, Collection Champs Visuels, Paris, 2006.[Essai critique et croisée des oeuvres de Maurice Pialat et de Jacques Rivette].&ndash; Magny Joël,Maurice Pialat, Editions de l'Etoile/Cahiers du cinéma, Collection "Auteurs", Paris, 1992.[Monographie &ndash; Le Garçu exclu].&ndash; Merigeau Pascal,Pialat, Editions Grasset &amp; Fasquelle, Collection Biographie, Paris, 2002.[Biographie de Maurice Pialat].&ndash; Philippon Alain,A nos amours, Editions Yellow Now, Collection Long Métrage, Bruxelles, 1989.[Etude critique du film A nos amours].&ndash; Predal René, A nos amours &ndash; étude critique, Editions Nathan/HER, Collection Synopsis, Paris, 1999.[Etude critique du film A nos amours].&ndash; Toffetti Sergio &amp; Tassone Aldo (catalogue collectif dirigé par),Maurice Pialat, <strong>L'</strong>enfant sauvage, EditionsMuséo Nazionale del Cinéma, Torino ; France Cinéma, Firenze ; Admiranda, Institut de l'Image, Aix en Provence,Collection Lindau, Turin, octobre 1993.[Approche thématique de l'oeuvre de Maurice Pialat].Principaux articles autour de <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> :&ndash; Aumont Jacques, " Chutes - Note sur Allemagne, année zéro et <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in Vertigo n°3, EditionsAvancées cinématographiques et Vertigo, Paris, 1988.&ndash; Baroncelli (de) Jean, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in Le Monde, 25 janvier 1969.


&ndash; Bonnaud Frédéric, " <strong>Enfance</strong> de l'art " in Les Inrockuptibles n°30, du 1er au 7 novembre 1995.&ndash; Casals Elsa, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in Le Dauphiné libéré, 16 février 1969.&ndash; Cervoni Albert, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in France Nouvelle n°1211, 22 janvier 1969.&ndash; Cervoni Albert, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> - la vérité au sommet" in Cinéma 69 n°134, mars 1969.&ndash; Chevassu François, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in La Revue du cinéma n°226, mars 1969.&ndash; Comolli Jean-Louis, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> ", article écrit dans le cadre du programme intitulé Histoire du cinémafrançais, un cycle de films diffusés à l'initiative des Cinémas de recherche, Paris, 1970.&ndash; Giavarini Laurence, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in Leur premier film &ndash; d'Orson Welles à Zhang Yi Mou &ndash;,Festival du Premier Film d'Annonay, Editions Aléas, Lyon, 1993.&ndash; Grousset Jean-Paul, " " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " &ndash; (Elle ouvre les yeux sur les pupilles) " in Le Canard enchaîné,29 janvier 1969.&ndash; Landrot Marine, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in Télérama n°2389, 25 octobre 1995.&ndash; Loucelles Jacques, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in Dictionnaire du cinéma&ndash; les films, Editions Robert Laffont,Collection Bouquins, Paris, 1992.&ndash; Louris Guillaume, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in Téléciné n°165 (fiche filmographique n°515), 1969.&ndash; Magny Joël, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in Cahiers du cinéma n° spécial " 100 films pour une vidéothèque ", hors-sériedécembre 1993.&ndash; Oudart Jean-Pierre, " Au hasard Pialat " in Cahiers du cinéma n°210, mars 1969.&ndash; Predal René, " Maurice Pialat " in 900 cinéastes français d'aujourd'hui, Editions du Cerf, 7e Art, Paris, 1988.&ndash; Rabine Henry, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in La Croix, 13 février 1969.&ndash; Renaud Tristan, " A l'image du réel &ndash; " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " de Maurice Pialat " in Les Lettres françaises, 29janvier 1969.&ndash; Rochereau Jean, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in La Croix, 29 août 1968.&ndash; Siclier Jacques, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in Les Fiches "voir".&ndash; Tailleur Roger, " <strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> " in Positif n°100-101, décembre 1968-janvier 1969.Autres références :&ndash; La totalité des oeuvres picturales de Maurice Pialat (21 huiles sur toile et aquarelles ainsi qu'une douzaine dedessins) est répertoriée dans un catalogue intitulé Maurice Pialat peintre et édité par l'Institut Lumière (Lyon, 2003, 54pages).&ndash; Amiel Vincent &amp; Herpe Noël, " Maurice Pialat : 1925-2003 " inPositif n°505, mars 2003.&ndash; Amiel Vincent, " Le montage à l'oeuvre (3) : Pialat ou les correspondances " in Esthétique du montage, EditionsNathan, Collection "Nathan Cinéma", Paris, 2001, pp. 93-108.&ndash; Curoz Frank, " Maurice Pialat : la tendance métonymique et l'exigence du captage " inStyles filmiques. 2 : LesRéalismes &ndash; Cassavetes, Forman, Kiarostami, Loach, Pialat &ndash;, volume n°69 de la collection Etudescinématographiques, Editions Lettres Modernes Minard, Paris, 2005.&ndash; Tesson Charles, " Pialat 1925-2003 ", numéro spécial des Cahiers du cinéma n°576, février 2003 (" Pialatpeintre ", " Propos inédits ", " Rencontre Pialat/Godard en 1984 ", " Témoignages ", "Documents" et " Analyses ").Sur le Web :"www.maurice-pialat.net" propose informations, analyses et intégralité des références concernant l'oeuvrecinématographique et picturale de Maurice Pialat.>Biographie ; Articles et entretiens ; Filmographie complète ; Bibliographie exhaustive &ndash; ouvrages, articles etétudes diverses, travaux universitaires, documents vidéos et radiophoniques, etc. ; Liens &ndash; ressources Web...font partie entrées offertes par ce site Web.Rédaction en chef : Rémi Fontanel.En DVD :&ndash; Le premier volume de l'oeuvre de Maurice Pialat en DVD a été édité en 2004 par Gaumont vidéo. Ce premiercoffret de 9 DVD (supervisé par Serge Toubiana), comporte 5 films du cinéaste : Nous ne vieillirons pas ensemble(1972) ; A nos amours (1984) ; Police (1985) ; Sous le soleil de Satan (1987) ; Van Gogh (1991).Ce coffret contient également : un livret de 48 pages (synopsis, notes d'intention, entretiens, affiches) et le roman Nousne vieillirons pas ensemble (118 pages, 1972).Pour plus d'informations, notamment sur les suppléments : www.maurice-pialat.net/dvd&ndash; Le second volume de l'oeuvre de Maurice Pialat en DVD a été édité en 2005 par Gaumont vidéo. Ce secondcoffret de 11 DVD (supervisé par Serge Toubiana), comporte 5 films du cinéaste (<strong>L'</strong><strong>Enfance</strong> <strong>nue</strong> (1968) ; La Gueuleouverte (1974) ; Passe ton bac d'abord (1978) ; Loulou (1980) et Le Garçu (1995), le feuilleton La Maison des bois(1970) (7 épisodes) et 10 courts-métrages (dont ceux tournés en Turquie). Le coffret contient également un livret de 68pages comprenant les commentaires de Maurice Pialat sur chacun des films, les résumés, les affiches, desphotographies de tournage, ainsi que des documents inédits tirés des archives de la veuve du cinéaste, Sylvie Pialat.Pour plus d'informations, notamment sur les suppléments : www.maurice-pialat.net/dvd1Film sur Maurice Pialat (non présent dans les coffrets DVD) :- Anne-Marie Faux et Jean-Pierre Devillers, Maurice Pialat, l'amour existe, documentaire consacré à Maurice Pialat etses oeuvres (picturales et cinématographiques). Documentaire de 81 minutes coproduit par Gaumont, Les Films duWorso, l'Institut National de l'Audiovisuel en partenariat avec France 3.


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