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> C U L T U R E<br />
«Puisque mon cœur est mort» de Maïssa Bey<br />
L'inconsolable mère<br />
Publié en 2010 par les éditions Barzakh, le roman de Maïssa Bey «Puisque mon cœur est mort», revient cette<br />
semaine, nous interpelle, nous «parle» de ces douleurs profondes, toujours présentes, des générations postindépendance,<br />
jalonnée de tragédies, passage atroce de la guerre coloniale à la grande bataille de la décolonisation<br />
et de la construction <strong>du</strong> pays, pris dans les tenailles de la mondialisation.<br />
Son statut d’écrivain permettra à<br />
Maïssa Bey de clamer haut et fort ce<br />
cri de femme, optant pour son<br />
émancipation et celle de la<br />
nation…<br />
Axant son monde romanesque entre la<br />
mémoire et le futur, elle n’a de cesse à travers<br />
ses œuvres d’insister sur ce «butin de<br />
guerre» qu’est la langue française, par<br />
lequel elle reviendra sur les lieux des crimes<br />
coloniaux, cause de tous nos malheurs,<br />
et cette cinquantaine d’années<br />
d’Indépendance avec ses mutations faites<br />
parfois dans le sang et l’amertume. Dans<br />
«Puisque mon cœur est mort», elle brosse<br />
un tableau des années noires, se mettant<br />
dans la peau d’une mère, Aïda, ayant per<strong>du</strong><br />
son fils tué dans des circonstances obscures<br />
et violentes, et sans raison apparente.<br />
Ici, l’auteure dépasse l’actualité, cherche<br />
un sens plus profond. Le récit se tisse <strong>du</strong><br />
bout au bout par l’utilisation <strong>du</strong> genre<br />
épistolaire.<br />
A force d’avancer dans le récit, nous<br />
pénétrons dans son deuil cruel d’Aïda, qui<br />
cherche une explication, d’abord dans l’entourage<br />
de Nadir, son fils, lui-même, personnage<br />
intriguant, exemple parfait de<br />
cette jeunesse éprise de liberté, s’interrogeant<br />
sur les mobiles d’un tel acte radical et<br />
extrême. Peu à peu, s’insinue en elle l’idée<br />
Fête <strong>du</strong> tapis de Ghardaïa<br />
C’est parti pour la 46 e édition<br />
Le coup d’envoi de la 46e édition de la<br />
fête <strong>du</strong> tapis, célébrée annuellement<br />
dans la capitale <strong>du</strong> M’zab (Ghardaïa),<br />
a été marqué, hier matin par un défilé<br />
éclectique de près d’une trentaine de chars<br />
décorés de pro<strong>du</strong>its de l’artisanat traditionnel,<br />
particulièrement le tapis. Le spectacle<br />
inaugural, haut en couleurs et sonorités,<br />
a vu de belles fresques affichées par une<br />
brochette de troupes folkloriques issues<br />
des différentes localités de la wilaya et<br />
représentant la riche panoplie des musiques<br />
et des rythmes lancinants de grands<br />
tambours et de crotales métalliques.<br />
Dans un cortège magistral, quelque peu<br />
chahuté par un groupe de jeunes chômeurs,<br />
les chars ornés de tapis qui ont traversé<br />
l'avenue <strong>du</strong> 1er novembre de<br />
Ghardaïa, sous les applaudissements <strong>du</strong><br />
public et des personnalités présentes, dont<br />
un représentant <strong>du</strong> ministère <strong>du</strong> Tourisme<br />
et de l’Artisanat, ont réussi à enchanter la<br />
population ghardaouie et les hôtes de la<br />
ville en dévoilant l'art populaire dans toute<br />
sa splendeur et son raffinement.<br />
A travers chaque char orné de tapis, les<br />
participants ont voulu focaliser sur le rôle<br />
des femmes dans la promotion de l’artisanat<br />
et mettre en exergue l'une des expressions<br />
les plus raffinées de l'art de vivre, de<br />
créativité et <strong>du</strong> génie féminin propre à chaque<br />
région, transmis de génération à génération.<br />
Selon les organisateurs, cet événement<br />
constitue une opportunité pour mettre en<br />
valeur l’importance et le rôle de l’artisanat<br />
dans la société, à travers la pérennisation et<br />
la revalorisation <strong>du</strong> tapis traditionnel, et de<br />
témoigner de la richesse culturelle. «Le<br />
tapis est une fierté pour toutes les femmes»,<br />
a déclaré un membre <strong>du</strong> comité<br />
d’organisation de cette 46 e édition, soulignant<br />
que ce pro<strong>du</strong>it de l’artisanat, admirablement<br />
façonné par les mains féminines,<br />
«allie la modernité <strong>du</strong> style et l’originalité<br />
de l’ancestrale culture algérienne,<br />
riche et authentique».<br />
A l’occasion de cette fête <strong>du</strong> tapis, le<br />
public pourra admirer les riches potentialités<br />
des localités de Ghardaïa, de Guerrara<br />
(zone steppique) et d'El-Menea (zone<br />
d’Erg), en passant par celle de Métlili et la<br />
station thermale de Zelfana, sans oublier<br />
Berriane, formant ainsi une véritable fresque<br />
multiculturelle qui constitue la<br />
richesse d’un patrimoine national jalousement<br />
préservé. « Cette fête ambitionne de<br />
célébrer l'espoir et l'optimisme de la<br />
femme rurale ghardaouie, à travers la créativité,<br />
les motifs, couleurs et modèles des<br />
tapis qu’elle a tissés », a souligné Mme<br />
Hadda une tisserande de Ghardaïa. Par<br />
cette fête, la région de Ghardaïa réalise un<br />
nouveau jalon sur la voie <strong>du</strong> renforcement<br />
de sa position en tant que destination touristique<br />
privilégiée pour ses atouts naturels,<br />
architecturaux, culturels et la diversité<br />
de l'offre artisanale, particulièrement le<br />
tapis qu'elle propose à ses visiteurs, venus<br />
par milliers des quatre coins <strong>du</strong> pays, a fait<br />
savoir Abdelkader, un gérant d’hôtel à<br />
Ghardaïa.<br />
Cet événement culturel, qui coïncide<br />
avec les vacances de printemps, a permis la<br />
création d’une ambiance carnavalesque<br />
ponctuée par une exhibition de fantasia de<br />
chameliers en habit traditionnels et un<br />
spectacle de troupes locales de « Baroud »<br />
et « Karabila » (fusil traditionnel).<br />
Plusieurs activités culturelles ainsi qu’une<br />
exposition vente de pro<strong>du</strong>its des différentes<br />
associations, micro-entreprises et de<br />
femmes spécialisées dans l’artisanat, au<br />
nombre de 107, ont été programmées au<br />
Palais des expositions dans le quartier<br />
Bouhraoua, <strong>du</strong>rant cette fête <strong>du</strong> tapis qui<br />
s’étalera <strong>du</strong> 26 au 30 mars courant.<br />
R. C.<br />
de venger son petit, la seule façon pour elle,<br />
d’expurger cette douleur muette que personne<br />
n’entend ni ne voit…<br />
Ce roman est la parole d’une mère et on<br />
y décèle en filigrane, le visage de la patrie<br />
(l’Algérie), soumise à un terrifiant paradoxe<br />
où violences et rêves se superposent...<br />
Ecriture sobre, accessible, haute en émotions,<br />
Maïssa fait appel à notre «humanisme»,<br />
elle nous contraint à la suivre dans<br />
son raisonnement implacable jusqu’au<br />
coup de théâtre, freinée dans son geste fatal<br />
par un sombre malenten<strong>du</strong>… On y sent<br />
sous les traits de la mère, un souffle camusien,<br />
de l’ordre de l’attitude absurde, d’être<br />
dans le «oui» et rompre l’équilibre <strong>du</strong><br />
monde, basculer dans le chaos, l’anéantissement<br />
de soi, le nihilisme ou la non-résignation.<br />
En somme, ce roman reste d’actualité,<br />
nous interroge sur notre devenir.<br />
Elle le murmure terriblement : «Me couler<br />
dans le moule. Sourire quand j'avais<br />
envie de pleurer, me taire quand j'avais<br />
envie de crier. Mais c'était un autre temps.<br />
Le temps où le soleil éclairait encore le<br />
monde. Maintenant, je ne veux plus faire<br />
semblant. Que m'importent l'opprobre,<br />
l'exclusion ? Je n'ai plus rien à perdre puisque<br />
j'ai tout per<strong>du</strong>. Puisque mon cœur est<br />
mort...»<br />
Ahmed Mehaoudi<br />
ALGERIE NEWS Mercredi 27 mars 2013