Fr-27-08-2013 - Algérie news quotidien national d'information
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Kiosque inter<strong>national</strong><br />
Analyses &<br />
Décryptages<br />
TRIBUNE<br />
Laïc, ma<br />
religion<br />
est l’islam!<br />
Mohammed Ennaji, Yabladi.com<br />
Je suis un laïc convaincu, un homme libre<br />
dans sa pensée mais respectueux de la<br />
liberté d'autrui et de ses convictions, parce<br />
que j’ai en partage avec lui quelque chose qui<br />
peut fonder un combat commun jusqu’à un certain<br />
point. Cette conviction n’est pas une tolérance<br />
tactique, elle est le fruit d’une réalité forte.<br />
Pour éviter toute confusion, je suis un<br />
musulman convaincu par la force de sa culture «<br />
cultuelle » et par sa vivacité. Je ne le suis pas<br />
parce que je suis pratiquant, un tel aspect<br />
deviendra à l’avenir socialement secondaire ; je<br />
ne le suis pas par compromis politique conjoncturel,<br />
je suis un simple citoyen pas un politique.<br />
Musulman, je le suis profondément, stratégiquement,<br />
parce que cette religion est une composante<br />
essentielle de mon identité et un paramètre<br />
incontournable sur tous les plans. Sans la<br />
prendre en compte, l’avenir n’est pas objectivement<br />
envisageable et même certainement obscur<br />
et peut-être sanglant. Mon adhésion dépasse<br />
le seul exercice du culte. Contrairement à une<br />
idée courante chez les modernistes peu avertis<br />
de notre réalité, cette religion n’est pas réductible<br />
à l’héritage historique, elle est un des fondements<br />
de la formation de ma nation, de mon<br />
territoire, de mon rapport au reste du monde.<br />
Un rapport novateur au<br />
religieux<br />
Plus que la foi personnelle mais, en même<br />
temps, grâce à elle et à son partage, c’est la puissance<br />
de l’instance religieuse, en sa qualité de<br />
quasi infrastructure, dans notre pays, dans notre<br />
histoire, qui importe, celle-ci est indépendante<br />
des croyances ou des semblants d’incroyances<br />
de chacun d’entre nous. La laïcité, dans la phase<br />
que nous traversons, ne doit pas être une reproduction<br />
mécanique de la réalité occidentale, un<br />
copier coller. J’entends camper, moi aussi, dans<br />
le champ religieux, je n’entends ne pas le laisser<br />
aux mains d’autres qui le retourneraient contre<br />
moi, contre mes velléités de citoyen libre.Ceci<br />
dit, je revendique le droit d’entretenir un autre<br />
rapport novateur au religieux : pouvoir remettre<br />
en question dans ce champ ce qui peut porter<br />
préjudice à l’expression épanouie de ma personnalité,<br />
de mon ouverture, de mon sens critique,<br />
autrement dit préserver ma liberté de pensée.<br />
Halte aux légendes et aux manipulations du religieux,<br />
halte à son intemporalité !<br />
Ainsi, en aucun cas, je ne tournerai le dos au<br />
religieux ni ne le considérerai, par pure paresse<br />
ou par simple rejet qui revient dans les faits à<br />
une démission, comme réactionnaire. C’est trop<br />
facile, car je serai en dehors de l’Histoire. Ma laïcité<br />
passe par là : la lutte et le compromis avant<br />
les ruptures, qui passent forcément par l’intelligence<br />
de ma société. Elle ne se réduit pas à prendre<br />
un verre et à descendre en flammes les islamistes<br />
sur le petit écran. Elle réside par contre à<br />
développer une pensée critique qui fonde la<br />
mise en place de ponts avec une véritable<br />
modernité.<br />
TUNISIE<br />
Que manque t-il<br />
à la transition<br />
pour réussir?<br />
Hédi Sraieb, Kapitalis.com<br />
Voilà maintenant près<br />
de deux ans que la<br />
Troïka a pris les<br />
commandes du pays.<br />
Ce qui ne devrait être<br />
qu'une simple<br />
transition – entre deux<br />
républiques –,<br />
rédaction d'une<br />
constitution et<br />
gouvernement<br />
provisoire de gestion<br />
des affaires courantes,<br />
se prolonge et<br />
s'éternise.<br />
Onze des principales formations<br />
politiques avaient pourtant<br />
pris l'engagement que ce<br />
délai serait respecté. Mais sans<br />
doute une fois de plus faut-il constater<br />
que les promesses publiques ne valent<br />
que pour ceux qui veulent bien y<br />
croire.Un gouvernement pléthorique<br />
s'est constitué. Plus de 80 ministres et<br />
probablement près de 400 conseillers,<br />
experts, et chargés de mission en tous<br />
ordres. S'en est suivi la valse des grands<br />
commis de l'Etat, des gouverneurs, des<br />
délégués locaux, puis des dirigeants de<br />
grandes entreprises publiques. Une<br />
conception manifestement «instrumentale»<br />
du rôle de l'Etat où il suffit de changer<br />
de têtes et de discours pour qu'une<br />
nouvelle efficacité soit trouvée. La forme<br />
plutôt que le fond. La continuité de l'Etat<br />
plutôt que sa refondation.<br />
A l'épreuve des faits l'équipe gouvernementale<br />
a failli, du moins auprès d'une<br />
large fraction du corps social comme le<br />
laisse transparaitre les deux grandes<br />
manifestations consécutives des dernières<br />
semaines, sans parler du sit-in du Bardo<br />
qui ne désemplit pas en dépit de la fatigue<br />
et de la lassitude.Nul besoin d'une grande<br />
culture politique pour arriver sur ce<br />
constat. L'opinion intuite, décèle, détecte,<br />
perçoit cet échec sans toujours en saisir<br />
les causes. Elle constate : pas l'ombre du<br />
début d'une justice transitionnelle; pas de<br />
procès de l'ancien régime; pas une poursuite<br />
pour détournement de biens publics<br />
ou sociaux... En revanche, une interférence<br />
constante dans le rendu de la justice,<br />
quand ce n'est pas intimidation<br />
notoire et abus d'influence en amont ou<br />
en aval de tout le processus judiciaire.Une<br />
constitution impossible à écrire! Une<br />
Assemblée constituante prise au piège des<br />
«teneurs de son agenda», de son fonctionnement,<br />
de ses débats quand ce n'est<br />
pas de son écriture. Son président, acteur<br />
mais aussi otage du jeu, en prend acte et<br />
annonce le gel de son activité avouant en<br />
creux son impuissance. Craquements<br />
mais pas fractures, pour l'instant.<br />
Que dire de la conduite des affaires<br />
courantes. Un mimétisme étonnant de<br />
celui du régime déchu. Insécurité et<br />
instabilité ont rarement atteint de tels<br />
sommets. Plus préoccupés de mettre la<br />
main sur les appareils policier et civil, en<br />
attendant une possible mise au pas de<br />
toute la société, les dirigeants du moment<br />
ont laissé se développer un climat d'impunité<br />
à l'égard de divers mouvements<br />
extrémistes notamment d'obédiences<br />
fondamentalistes. Il y aurait beaucoup à<br />
dire à propos de ce qui ressemble à du<br />
laxisme ou à de l'inexpérience, mais n'en<br />
sont pas.Nous faisons pour notre part<br />
l'hypothèse qu'il existe un continuum<br />
entre les diverses sensibilités que cimente<br />
une idéologie théologique au-delà de clivages<br />
originels et anciens. Toute chose<br />
qui ne doit rien à l'improvisation mais<br />
qui ressort du calcul tactique et d'une<br />
finalité stratégique partagée.<br />
Rien contre la corruption ancienne ou<br />
renouvelée. La peur des forces d'argent?<br />
En revanche, et comme pour donner<br />
le change, une loi «d'immunisation» de la<br />
révolution, de fait, et réplique de la<br />
demande de «purification» vociférée par<br />
les Ligues et autres protecteurs de cette<br />
révolution. Rapprocher les sémantiques<br />
et terminologies permet souvent de comprendre<br />
les signifiés derrière des signifiants<br />
différents. Cela en dit long également<br />
sur les dimensions haineuses,<br />
revanchardes, sans discernement d'aucune<br />
sorte, mortifères... Un nihilisme en<br />
mouvement! Haine des autres et de soi!<br />
Que dire des lieux de prière livrés aux<br />
«fous de Dieu», des appels au meurtre,<br />
des menaces à peine voilées (excusez la<br />
formule), de l'intimidation permanente<br />
de femmes, de l'embrigadement d'enfants...<br />
et pour finir de terroristes surgis<br />
de nulle part. Les aberrations de cette<br />
transition sont légion.Là où le pays attendait<br />
apaisement, règlement de la question<br />
socioéconomique, reprise de l'activité –<br />
dans toutes les acceptions du terme –, la<br />
société se trouve à faire face à une dégradation<br />
de ses conditions d'existence<br />
redoublée de nouvelles peurs et angoisses.<br />
Trop longue la liste des inconséquences.<br />
Trop de turpitudes derrière l'avant<br />
scène, d'arrangements en accommodements<br />
de toutes sortes mais qui finissent<br />
par transpirer. De passe-droits en faveurs<br />
injustifiées, de complaisances en indulgences<br />
irréfléchies, tout cela revient en<br />
boomerang et d'un peu partout. Des<br />
ultrareligieux qui trouvent que ce pouvoir<br />
ne va pas assez loin et assez vite. Une<br />
opposition qui trouve que ce même pouvoir<br />
en fait trop peu et bien trop tard. La<br />
goutte d'eau qui fera déborder le vase dira<br />
Samir Ettaieb à la suite du meurtre de<br />
sang froid du regretté Brahmi.Une<br />
constituante à l'arrêt. Un gouvernement<br />
en panne. Une polarisation dommageable.<br />
Comment sortir de ce qui ressemble<br />
fort à une crispation extrême de tout le<br />
corps social. La confiance n'existe plus. Il<br />
en faut un minimum si l'on veut conserver<br />
le caractère pacifique de cette<br />
confrontation politique (à défaut de véritables<br />
pratiques démocratiques, au grand<br />
jour, mais encore inconnues du patrimoine<br />
culturel). Quelle issue possible au<br />
regard notamment de la tragédie égyptienne?<br />
Sans solution proprement politique<br />
(autrement dit un compromis), le<br />
pays risque de basculer de proche en proche<br />
dans cette spirale infernale de violences<br />
incontrôlables.<br />
Chercher le pourrissement pourrait<br />
s'avérer un très mauvais calcul et accroitre<br />
les ressentiments aventuristes.<br />
Jusqu'où ne pas aller! Sans doute ne faudra-t-il<br />
pas trop espérer de la seule bonne<br />
volonté du maître du jeu, ni de sa démarche<br />
incantatoire du consensus, car à l'évidence,<br />
on peut vivre quelques temps sans<br />
constitution, sans pléthore de ministres.<br />
A moins qu'un invité surprise ne se<br />
manifeste: une crise monétaire et financière.<br />
Cependant une longue tradition<br />
pourrait dépasser les tensions du<br />
moment permettant aux uns comme aux<br />
autres de différer la confrontation et de<br />
sauver la face et l'honneur. Celle des<br />
conciliabules, des tractations d'arrièrescène,<br />
dont tous les acteurs du moment<br />
connaissent les subtilités, les arcanes, faites<br />
de temporisations, de promesses aléatoires,<br />
puis de «faits accomplis», qui ne<br />
lèsent au final que des forces subalternes<br />
ou d'appoint.<br />
Parions donc qu'une issue pacifique<br />
sera trouvée. Il sera alors encore et toujours<br />
temps de spéculer sur les gagnants<br />
et les perdants... Les vrais problèmes<br />
attendront...<br />
ALGERIE NEWS Mardi <strong>27</strong> août <strong>2013</strong>