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Illustration : Sarah <strong>La</strong>zarus<br />
HOMO FRIGHTENUS<br />
de Lised d'Eau Douce<br />
Je ne vais pas mentir, l'idée m'est venue sous la douche. Entre le coup de rasoir sur mes aisselles<br />
et le rinçage abondant de ma tignasse, j'en suis venue à me demander si ne pas être hétérosexuel<br />
impliquait d'avoir une relation à la peur différente. Je me suis enroulée dans une serviette et j'ai fait<br />
le compte intérieur de toutes les anecdotes de mes potes qui étaient arrivées jusqu'à mes oreilles, des<br />
'ah putain quand même' autour d'une bière et des quelques fois où moi-même j'ai réalisé que les soirs<br />
où j'avais choisis d'aller me frotter à une fille, j'étais tout de même moins tranquille.<br />
Alors j'ai posé des questions, je suis allée fouiller dans ce que j'avais de connaissances non-hétérosexuelles<br />
pour savoir ce que voulait dire la peur quand on était pas du côté traditionnel du spectre.<br />
Merci à Rémy, <strong>La</strong>urie, Marie, Quentin, Marine, Benji et Emma<br />
qui se sont donnés le mal de répondre.<br />
Est-ce que tu as (eu) peur de toi-même, de tes envies (à<br />
l'époque où tu as réalisé que ton orientation sexuelle n'était<br />
pas « traditionnelle ») ?<br />
Emma : J'ai eu la ch +ance (ou ce que j'estime être de la<br />
chance) d'avoir une sœur aînée qui a fait mon propre comingout.<br />
Cette phrase doit être relativement compliquée à comprendre.<br />
En définitive, j'avais 13 ans, aucun "modèle homosexuel",<br />
j'avais mes premiers sentiments pour une fille sans<br />
savoir que ça en était, et à force de parler d'elle, ma sœur a tout<br />
simplement dit "tu sais, je crois que tu es amoureuse d'elle. tu<br />
peux le dire, ça change rien !". Après ça, j'ai pleuré beaucoup.<br />
Quentin : Ouais, ayant grandit dans le catéchisme et tout le<br />
tralalala qui va avec, j'avais un peu peur de la main de Dieu.<br />
Disons que je me suis tapé des crises d'angoisses en priant<br />
pour ne plus aimer les gars.<br />
Rémy : Je devais être en quatrième, quand j'ai réalisé que<br />
j'étais homosexuel. A l'époque, je ne connaissais aucun homo,<br />
et le seul modèle que je connaissais était celui dont on m'avait<br />
parlé et que j'avais vu. Aussi, j'ai passé des mois à me dire que<br />
j'étais malade.<br />
Benji : Je ne pensais pas à mon attirance envers les hommes<br />
avant l'âge de 15 ans, avant ça je sortais avec des filles sans<br />
vraiment aller plus loin qu'un baiser, je trouvais ça gênant de<br />
me déshabiller devant une fille et aller plus loin ne semblais<br />
vraiment pas nécessaire. C'est d'ailleurs avec les garçons que<br />
j'avais le moins de mal, on s'amusait si j'ose dire à regarder des<br />
films et à se comparer, il n'y avait aucune raison de se poser de<br />
questions c'était juste "un truc de mec/entre potes".<br />
C'est en colo de vacances que j'ai su que je préferais les garçons<br />
car j'ai passé un stade où ça allait plus loin que regarder.<br />
Lorsque j'ai eu une aventure cachée avec un autre qui savait<br />
très bien ce qu'il faisait, je me suis vraiment senti pas bien. je<br />
trouvais pas ça normal et j'ai regretté tellement ce que j'avais<br />
fait. Là où j'ai eu le plus peur c'est que quelqu'un soit au courant,<br />
c'était comme si j'avais fait une énorme bêtise et le reflexe<br />
pour moi était donc de nier en bloc mes attirances envers moi<br />
et les autres. J'ai regretté un temps ce que j'avais fait avant de<br />
réessayer, ce n'était plus de moi que j'avais peur ensuite, mais<br />
je savais qu'il ne fallait pas en parler. Quand tu es ado, le mot<br />
"gros PD" est récurrent alors histoire de ne pas avoir la face<br />
boursouflée c'était pour moi un secret à garder. En ayant eu<br />
d'autres expériences, c'était de plus en plus simple d'accepter le<br />
fait que je préférais les hommes.<br />
Emma : J'ai eu l'impression que j'avais quelque chose de visible<br />
pour les autres, que j'étais différente. Je crois pas avoir eu<br />
peur de mes sentiments, je crois plutôt que je me dégoûtais un<br />
peu, au début. Mais, avantage : j'ai eu, tout de suite, une proche<br />
présente à qui en parler et rapidement relativiser. Donc, finalement,<br />
j'ai plutôt vite assumer ma sexualité.<br />
Rémy : J'étais vraiment persuadé d'avoir quelque chose d'horrible,<br />
d'être quelque chose d'horrible. Je ne sais pas si on peut<br />
appeler ça de la peur de soi-même. Mais j'avais peur de mes<br />
envies, oui. J'avais peur de le dire à mes parents, à mes proches.<br />
Chaque fois que j'abordais le sujet avec ma mère, je ressentais<br />
une honte profonde, à l'idée qu'elle apprenne ma sexualité.<br />
<strong>La</strong>urie : Pour ce qui est de l'homosexualité, très honnêtement,<br />
je dirais : non, pas une seconde. Je crois bien qu'à<br />
l'époque (j'avais dans les 14 ans) j'étais en pleine recherche/<br />
construction de personnalité et je cherchais constamment à<br />
être originale, ce qui se traduisait par un look improbable<br />
(vêtements rose fluo, jeans tâchés de peinture tout sauf classe,<br />
collants supposés être funs…), une adhésion sans faille au<br />
théâtre, un superbe surnom ("lollo la follo")… Et un slogan :<br />
"Let me be happy" (ROCK'N'ROLL !!!). Dans ce contexte être<br />
attirée par les filles était un truc cool, sérieux et profond (je me<br />
suis vraiment demandé : est-ce que tu es lesbienne ou tu veux<br />
juste une personnalité ? Et face à mon dégoût pour les bibites<br />
et mon attirance pour les seins…), mais cool. J'étais fière de<br />
ma différence (peut-être un peu trop, eh, bon, c'est l'âge, on a<br />
besoin de reconnaissance…).<br />
Marie : Non, j'ai pris ça comme une belle ouverture et c'était<br />
même plutôt rassurant de me découvrir ainsi.<br />
<strong>La</strong>urie : Par contre au moment où je me suis rendu compte<br />
que je pouvais être attirée par un mec… C'est bien simple au<br />
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