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Lazare #4 La Peur

Juin 2015

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épondu qu'elle le savait depuis que j'étais petite (ahlala les<br />

mamans, trop fortes). Mon frère, c'était super drôle, lui il est<br />

moins un milieu "créatif/culturel" que ma soeur et moi par<br />

exemple, il a fait des études pro (je dis ça sans aucun dénigrement),<br />

il était encore tout jeune quand il m'a vue débarquer<br />

avec une copine… et haut comme 4 pommes avec une voix<br />

de minus-tout-mignon il est venu me dire un jour "Je t'ai vue<br />

l'autre jour embrasser D. Moi tu sais tu peux embrasser qui<br />

tu veux, je m'en fous hein, des filles ou des garçons…" Pour<br />

ma famille moins proche (mes tantes, oncles, ma marraine…)<br />

ça va être horrible mais vrai : le fait que je sortais à peine<br />

d'une sale dépression quand je leur ai annoncé m'a valu (en<br />

partie, je crois, en tout cas ça a marché) : "oh nous tu sais,du<br />

moment que tu es heureuse et que tu restes en vie"… YES. Et<br />

à ces moments-là j'avais bien quelques hésitations mais pas de<br />

grosses peurs,je crois pas.<br />

Marie : Même si mes parents sont les plus chouettes du<br />

monde, je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir peur de leur réaction.<br />

Comme si l'on devait tous passer par là, douter, peu importe<br />

la famille que l'on a. Je craignais de les décevoir, qu'ils<br />

perçoivent cela comme un handicap futur dans ma vie ou<br />

quelque chose de ce genre. Finalement ils l'ont très bien pris,<br />

comme il fallait s'en douter.<br />

Emma : Quelques mois après que j'ai pu moi-même réaliser<br />

que j'étais homosexuelle, j'ai décidé de le dire à une de mes<br />

amies. Une nouvelle dans le petit groupe de collégien ça se<br />

répend très, très, très rapidement. Il y avait alors trois écoles :<br />

ceux qui m'en parlaient, mais pour me dire que ça ne changeait<br />

rien, ceux qui continuaient de faire semblant de ne pas savoir,<br />

et ceux pour qui j'étais devenue l'homo de service et la cible.<br />

A cause de ces derniers, j'ai revu mes pensées positives à la<br />

baisse, et je me suis refusée à en parler à ma famille, alors que<br />

je comptais le faire "dans la foulée". C'est devenu un poids, et<br />

là, j'ai eu peur, vraiment très très peur. Une bande de collégiens<br />

stupides qui te tournent le dos parce qu'ils te jugent différente,<br />

on s'en remet. Une famille qui te tourne le dos, je ne crois pas.<br />

Alors je me suis tu, j'ai demandé à ma sœur de faire de même.<br />

Je suis même sortie avec un garçon à ce moment, pour tromper<br />

les gens. J'ai vite arrêté, mais ça montre sûrement à quel point<br />

je voulais plus qu'on sache que j'aimais les filles. J'ai mis deux<br />

ans pour le dire à ma mère. Elle a réagi de la plus jolie façon<br />

qu'il soit, en me disant que mes frères et sœurs n'avaient pas<br />

eu à lui donner leur orientation sexuelle, et que je n'avais pas à<br />

le faire non plus, qu'elle se fichait de qui j'aimais tant que j'étais<br />

heureuse, et que, elle le savait déjà, parce que c'est ma maman,<br />

et qu'une maman sait.<br />

<strong>La</strong>urie : En revanche je l'ai encore jamais dit à ma mamie…<br />

Pour moi, les "vieux" sont d'une autre génération et ça me<br />

semble tout à fait normal qu'ils aient du mal à accepter des<br />

nouvelles moeurs, des trucs contraires à ce qu'on leur a dit<br />

toute leur vie : l'homosexualité, Internet,… Du coup je me<br />

foule pas trop… J'ai eu l'occasion mais honnêtement j'ai quand<br />

même un peu peur de sa réaction, j'ai aucune idée de son ouverture<br />

d'esprit là-dessus. Je l'aime beaucoup et je serais trop<br />

dégoûtée de me fâcher avec elle "dans les derniers moments<br />

de sa vie" (que j'espère au plus longue…). J'ai conscience que<br />

ce sont des arguments lâches et je culpabilise parfois de ça…<br />

Bon et le dernier environnement, celui qui selon moi pose un<br />

peu plus problème (dans le cas où on a la chance d'avoir une<br />

famille comme la mienne, et Dieu sait que c'est pas le cas de<br />

tous/toutes) : le travail. C'est clair que dans tous les stages/<br />

boulots que j'ai pu faire ben… c'est pas toujours quelque chose<br />

de facile à assumer. J'ai toujours l'impression (qu'une amie partage)<br />

que si, quand on me demande ce que je fais ce weekend,<br />

je dis "je vais au ciné avec ma copine" au lieu "je vais au ciné<br />

avec mon copain", de suite, on dirait davantage que j'étale ma<br />

vie, mon intimité… parce que "une copine", c'est carrément<br />

un aveu SEXUEL, tu vois, "un copain", c'est casual, et pareil<br />

si on me demande si j'en ai "comme ça", si je dis "non, mais<br />

une copine", ça a tout de suite l'air plus…intime, ça dévoile,…<br />

peut-être parce qu'on aborde le souci de la SEXUALITÉ, de<br />

l'homoSEXUALITÉ… c'est juste un espèce de truc inconscient<br />

mais c'est vraiment le sentiment que ça donne, de se dévoiler<br />

davantage et d'introduire éventuellement "trop" d'intimité dans<br />

un rapport professionnel.<br />

Marine : Ma plus grande peur à cette époque, c'étaient les<br />

autres. Quand je dis les autres, j'entends d'abord mes "camarades"<br />

de cour de récré. Ma copine et moi ne voulions pas<br />

que ça se sache, on angoissait carrément à l'idée que l'on<br />

pouvait nous surprendre. Les ados à cet âge ne sont pas très<br />

tendres avec tous ceux qui s'éloignent de la très approuvée et<br />

convoitée "NORMALITE". Quand ça s'est su, par fuites, par<br />

bouche-à-oreilles, on se moquait de nous, on se faisait insulter,<br />

on se prenait des remarques désobligeantes dans les couloirs<br />

du collège, dans le bus scolaire... Etc. C'était récurrent, et à la<br />

fin éprouvant. <strong>La</strong> peur s’ancre un peu aux tripes après ça ; je<br />

n'osais même pas parler librement de mes tendances sexuelles<br />

aux gens que je rencontrais, même à mes proches. Leur jugement,<br />

leur rejet, leur potentiel mépris me terrorisait. J'ai mis<br />

du temps à vaincre cette peur.<br />

Emma : Au lycée, j'étais interne, et sans aucune tête connue<br />

de mon ancien établissement. Je suis repartie de zéro, et n'ai<br />

jamais caché ma sexualité. Je répondais (avec un peu de gêne<br />

au début, mais sans aucune hésitation) que j'aimais les filles<br />

quand on me demandait si j'avais un copain. Et j'ai fini par le<br />

dire au reste de ma famille. J'ai rapidement parlé des filles qui<br />

me plaisaient, je ne me suis plus jamais cachée, et tout a été<br />

plutôt naturel pour mon entourage proche (même si il y a eu<br />

et aura probablement toujours des gens pour "rassurer" mes<br />

parents en leur disant que je suis jeune et que ça me passera...<br />

Mais ces gens là sont vite coupés par mes parents outrés par<br />

le discours !).<br />

<strong>La</strong>urie : Pour ce qui est du soudain pic d' "hétérosexualité",<br />

ou appelle ça comme tu veux moi je veux même pas l'appeler,<br />

là j'ai davantage flippé, plutôt à l'intérieur qu'en surface. Ça<br />

m'a fait rire d'étonner, de surprendre, ça me fait toujours rire<br />

de provoquer les mentalités. Mais dans le fond, c'était bien la<br />

première fois de ma vie que je me sentais "contre-nature"…<br />

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